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TD4 DC Commentaire

Dans le sillage d'une chute survenue dans les locaux d'Etablissements Robert Cassegrain,
l'arrêt récent de la Cour de cassation interroge la responsabilité de la société MAAF
assurances. Entre le devoir de garde et les circonstances météorologiques.

En l'espèce, la société MAAF assurances (défenderesse) a formé un pourvoi contre l'arrêt


de la cour d'appel de Paris du 16 décembre 2021. Le litige opposait la société MAAF
assurances à M. [O] [L], Mme [R] [C], la caisse primaire d'assurance maladie de
Seine-et-Marne, et la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme. M. [L], la
victime, invitée par la société Etablissements Robert Cassegrain, a chuté sur le sol enneigé
et verglacé de cette dernière.

La cour d'appel a déclaré la société MAAF assurances responsable des préjudices subis par
les victimes, M. [L] et Mme [C], fixant les indemnités. Elle a argumenté que le sol enneigé et
verglacé, relevant de la garde de la société, présentait un état de dangerosité anormal.

La société MAAF assurances forme un pourvoi en cassation avec un moyen en deux


branches. Les moyens avancés incluent le fait que la société n'avait pas la garde de la neige
et du verglas, et que l'accident résultait des conditions météorologiques normales.

La Cour de cassation est confrontée à la question suivante : "La responsabilité d'une société
peut-elle être engagée lorsque le sol enneigé et verglacé, relevant de sa garde, cause un
accident, même si la société n'a pas directement la garde de la neige et du verglas?"

La Cour de cassation, dans sa décision du 15 juin 2023, rejette le pourvoi. Elle confirme la
responsabilité du demandeur au pourvoit en se basant sur le caractère anormal du sol
enneigé et verglacé dont elle avait la garde, induisant un état de dangerosité au regard de
sa destination fonctionnelle.

La Cour de cassation a confirmé la responsabilité de la société, reconnue en tant que


gardienne du sol recouvert de neige verglacé (I). Cette responsabilité découle de
l'anormalité du sol par rapport à sa destination fonctionnelle, soulignant un manque de
précaution de la part de la société dans le déneigement adéquat et la préservation de la
sécurité du passage piéton (II). Le caractère glissant de la neige verglacée a été considéré
comme la cause de cette anormalité, engageant ainsi la responsabilité de la société en
accord avec l'article 1384 alinéa 1er du Code civil et la jurisprudence établissant le lien entre
l'obligation de garde et la responsabilité du gardien.

I. La responsabilité de la société en tant que gardienne du sol recouvert de neige


verglacé

Face à l'état de dangerosité anormal du sol recouvert de neige verglacée, la Cour de


cassation a affirmé que la neige, bien que considérée comme une res nullius (A), ne
dispense pas la société de son obligation de garde (B), soulignant ainsi la prééminence de
cette responsabilité malgré le caractère particulier de la neige en tant que chose sans
maître.

A. La neige une res nullius n’empêchant pas l’obligation de garde de la société

Dans l'arrêt de la Cour de cassation, la responsabilité de la société en tant que gardienne du


sol recouvert de neige verglacé a été clairement établie. Bien que la neige soit
traditionnellement considérée comme une res nullius, c'est-à-dire une chose sans maître, la
Cour a affirmé que cela ne constituait pas un obstacle à l'obligation de garde de la société.

La Cour a souligné que la société était investie de la responsabilité de maintenir le sol en


état sûr, même en présence de neige verglacée. Le caractère de res nullius de la neige n'a
pas été interprété comme déchargeant la société de son devoir de vigilance et de prévention
des risques. Ainsi, la reconnaissance de la responsabilité de la société découle de sa qualité
de gardienne du sol, indépendamment du statut de la neige en tant que chose sans maître.

Ce raisonnement met en avant le principe fondamental selon lequel la responsabilité du


gardien persiste, même lorsque la chose sous sa garde est généralement considérée
comme n'ayant pas de propriétaire. La Cour de cassation a ainsi confirmé que l'obligation de
garde de la société subsiste malgré la nature de la neige en tant que res nullius, soulignant
ainsi la prééminence de l'obligation de sécurité du gardien dans ces circonstances
particulières.

B. l’obligation de garde de la société

L'arrêt de la Cour de cassation, évoquant la responsabilité de la société en tant que


gardienne du sol enneigé, s'inscrit dans la lignée de plusieurs décisions jurisprudentielles qui
confirment le principe fondamental de l'obligation de garde du gardien.

La référence à des arrêts antérieurs, tels que l'arrêt du 2 décembre 1992 (Cass. 2e civ., 2
déc. 1992, n° 91-13.002), renforce la base juridique de l'obligation de garde. Dans cette
affaire, la Cour de cassation avait déjà affirmé que le gardien est responsable du dommage
causé par le fait des choses qu'il a sous sa garde.

De même, l'arrêt du 29 janvier 2003 (Cass. 2e civ., 29 janv. 2003, n° 01-00.083) a confirmé
le principe selon lequel le gardien d'une chose inerte est soumis à une obligation de garde.
La jurisprudence a établi que cette obligation persiste même en présence de conditions
météorologiques particulières.

En citant ces arrêts, on souligne que la Cour de cassation, dans l'affaire en question, s'inscrit
dans une ligne jurisprudentielle constante, affirmant le lien indissociable entre la
responsabilité du gardien et son obligation de garde. Ainsi, l'obligation de garde de la société
trouve une assise solide dans ces décisions antérieures, renforçant la légitimité de la
reconnaissance de sa responsabilité en tant que gardienne du sol enneigé et verglacé.

II. Une responsabilité engagé du fait de l’état de dangerosité anormal du sol


La Cour de cassation a établi que le caractère glissant de la neige verglacée, en tant que
cause de l'anormalité du sol (A), était un élément crucial pour engager la responsabilité de la
société. Cette décision met en lumière l'anormalité du sol par rapport à sa destination
fonctionnelle et souligne un manque de précaution de la part de la société (B), notamment
l'absence de déneigement adéquat, contribuant ainsi à la reconnaissance de sa
responsabilité.

A. La neige verglacé caractère glissant cause de l’anormalité du sol

Dans cet axe argumentatif, la Cour de cassation a clairement établi que la responsabilité de
la société était engagée en raison de l'état de dangerosité anormal du sol, attribuable à la
présence de neige verglacée.

La Cour s'appuie sur l'article 1384 alinéa 1er du Code civil, qui dispose que l'on est
responsable du dommage causé par le fait des choses que l'on a sous sa garde. En
qualifiant le sol enneigé de chose sous la garde de la société, la Cour établit un lien direct
entre l'obligation de garde et la responsabilité.

De plus, la Cour s'inscrit dans la jurisprudence constante qui reconnaît la responsabilité du


gardien lorsque l'état de la chose sous sa garde présente une anormalité. L'arrêt du 19 mai
2010 (Cass. 2e civ., 19 mai 2010, n° 09-66.754) illustre cette ligne jurisprudentielle en
affirmant que le gardien peut voir sa responsabilité engagée en cas d'anormalité de la chose
sous sa garde.

En identifiant le caractère glissant de la neige verglacée comme la cause de l'anormalité


du sol, la Cour souligne que c'est cet état particulier qui a entraîné la chute de la victime.
Elle met en avant le fait que la neige, lorsqu'elle est verglacée, crée une situation
dangereuse et anormale, justifiant ainsi l'engagement de la responsabilité de la société.

En conclusion, la Cour, en se basant sur des principes juridiques établis et une interprétation
de la jurisprudence, a confirmé que la responsabilité de la société était engagée du fait de
l'état de dangerosité anormal du sol, attribuable à la présence de neige verglacée.

B. L’anormalité du sol au regard de sa destination et un manque de précaution de


la société

La Cour de cassation a également justifié l'engagement de la responsabilité de la société en


se fondant sur l'anormalité du sol par rapport à sa destination, et en mettant en avant un
manque de précaution de la part de cette dernière.

En effet, la Cour a appliqué le principe selon lequel la chose sous la garde du gardien doit
être utilisée conformément à sa destination fonctionnelle. En l'occurrence, le sol en question,
qui permettait le passage de piétons vers les salles, devait être praticable sans danger.
L'arrêt du 28 février 2006 (Cass. 2e civ., 28 févr. 2006, n° 04-17.245) a déjà consacré ce
principe en affirmant que la destination fonctionnelle de la chose sous la garde du gardien
doit être respectée pour exclure sa responsabilité.
De plus, la Cour a souligné le manque de précaution de la société en ne déneigeant pas
adéquatement le sol emprunté par M. [L]. L'absence de mesures préventives, telles que le
déneigement, a été considérée comme un facteur contribuant à la création de l'anormalité
du sol. L'arrêt du 14 février 2001 (Cass. 2e civ., 14 févr. 2001, n° 99-13.790) a déjà établi
que le défaut de précaution peut caractériser l'anormalité de la chose sous la garde du
gardien.

De même, la Cour a implicitement fait référence à l'obligation générale de sécurité qui


incombe au gardien. L'arrêt du 7 juin 2006 (Cass. 2e civ., 7 juin 2006, n° 05-10.971) a
précisé que le gardien doit prendre les mesures nécessaires pour prévenir les risques liés à
la chose sous sa garde, renforçant ainsi l'idée que le défaut de précaution constitue une
violation de cette obligation.

En conclusion, la Cour a argumenté que l'anormalité du sol découlait du non-respect de sa


destination fonctionnelle et d'un manque de précaution de la part de la société, s'appuyant
sur des principes juridiques bien établis et confirmés par la jurisprudence.

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