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MAISTRE, Joseph de, Essai sur le principe générateur des constitutions politiques (Saint-Pétersbourg, 1814),
in Joseph de Maistre: Œuvres, Pierre Glaudes (dir.), Paris, Robert Laffont, 2007, p. 381
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1. Une philosophie providentialisme fondée sur une lecture prophétique de l’Histoire
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Voir GLAUDES, Pierre, « Introduction aux Considérations sur la France », in Joseph de Maistre: Œuvres,
Pierre Glaudes (dir.), Paris, Robert Laffont, 2007, p. 188
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autour de l’expression humaine de la souveraineté de Dieu, c’est-à-dire le retour du principe de
la monarchie absolue, gage de l’unité retrouvée. Dès lors, pour Maistre, il faut « admirer l’ordre
dans le désordre ».3 Le contre-révolutionnaire contemple dans la Révolution la Divinité, car la
négation n’existe que par l’affirmation : Satan n’est que par rapport à Dieu. En s’arrachant à la
stricte négativité ou à l’horreur, Maistre dévoile la raison d’être de la Révolution comme étant
l’opposition à l’être, et la contre-révolution comme son affirmation.
1.2.La Providence ou la permanence d’un ordre divin qui ordonne les actions humaines
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MAISTRE, Joseph de, Considérations sur la France (Londres, 1796) in Joseph de Maistre: Œuvres, Pierre
Glaudes (dir.), Paris, Robert Laffont, 2007, p. 205
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Ibid, p. 259
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premiers défenseurs aient été les premiers à tomber sous sa propre répression. Il s’agit là d’une
forme de la Providence qui entend que la véritable contre-révolution ne survienne qu’après que
les événements aient suivi leur cours naturel. Maistre admet qu’il fallait que les nombreux
acteurs de la Révolution se détruisent les uns les autres – à travers la Terreur notamment - et
s’attribuent d’eux-mêmes la sanglante tâche de punir un crime aussi grand que son nombre de
coupables est immense. La Providence rend nécessaire l’ensemble des violences pour permettre
le retour à l’ordre politique naturelle. Cet horizon providentialiste admet, une fois la Révolution
enclenchée, qu’elle doit suivre son cours naturel et ne pas entraver son développement
nécessaire au retour de la bonne souveraineté politique dans le futur. Maistre évoque la
paradoxale Providence de la Révolution : « Tous les monstres que la Révolution a enfantés,
n’ont travaillé, suivant les apparences que pour la royauté »5.
Ainsi, l’inévitable contre-révolution ne peut advenir qu’avec le retour des « vertus douces »6 et
surtout avec le retour de la paix. Ce retour à l’ordre, celui d’avant la Révolution, n’est possible
qu’avec l’assentiment et le ressenti par le peuple des amères conséquences de la Révolution.
Or, la Révolution a tiré sa force et sa légitimité de ce peuple auquel elle a prétendu et a cru
donner la souveraineté, et a fait en sorte de l’épargner le plus possible pour se préserver elle-
même. Pour Maistre, le succès de la Révolution est passé par plusieurs étapes successives dont
les principales sont : l’avilissement de l’armée et celui de l’Église. Les causes en sont profondes
et il faudrait remonter à l’évolution historique et sociale de la France du XVIIIe siècle pour en
comprendre le faisceau divers des raisons et explications. Toujours est-il que ce fut le siècle où
les structures traditionnelles ont failli aussi bien par leurs erreurs internes que par la diffamation.
L’abaissement dans l’opinion publique de la religion, son effacement est perçu par Maistre
comme une action de la Providence pour qu’elle puisse régénérer la société. C’est dans
l’opposition du christianisme à la « déesse Raison »7 que s’inscrit le propos de Joseph de
Maistre. Il le présente comme un combat, une croisade entre le bien et le mal. Dans cet
antagonisme, la Révolution morale, a priori purement négative pour Maistre et les opposants à
la Révolution, se révèle être une chance, une occasion comme mal nécessaire de reforger l’esprit
religieux chrétien, préalable nécessaire à la contre-révolution. La Révolution et la contre-
révolution sont ainsi punition et récompense : une manière pour la Providence divine de
refonder la société sur des fondements sains que la société française du XVIIIe siècle prétendait
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MAISTRE, Joseph de, Considérations sur la France (Londres, 1796) in Joseph de Maistre: Œuvres, Pierre
Glaudes (dir.), Paris, Robert Laffont, 2007, p. 208
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Ibid, p. 208
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abandonner et dépasser. Une action providentielle, fût-ce au prix d’une succession de
massacres, de crimes et de violences, tout autant que punitive pour l’arrogance d’hommes qui
ont prétendu renverser l’ordre naturel, et qui permet à Maistre d’affirmer que « l’horrible
effusion du sang humain, occasionnée par cette grande commotion, est un moyen terrible ;
cependant c’est un moyen autant qu’une punition »8.
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MAISTRE, Joseph de, Considérations sur la France (Londres, 1796) in Joseph de Maistre: Œuvres, Pierre
Glaudes (dir.), Paris, Robert Laffont, 2007, p. 212
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Ibid, p. 217
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La réaction maistrienne s’oppose à l’affirmation ou dogme révolutionnaire du droit naturel des
hommes à la liberté. Maistre dresse le constat implacable de l’autorité de l’histoire qui dans ses
méandres dévoile la nécessité de l’inégalité sociale et l’absurdité tout autant que le ridicule des
croyances libérales. Pour Maistre, « l’histoire est la politique expérimentale, c’est-à-dire la
seule bonne »10. Cette maxime incarne un aspect essentiel de la pensée de Maistre. Il s’agit de
comprendre cette affirmation chez un homme convaincu par la vérité absolue du catholicisme
comme Maistre que l’histoire et au même titre que la nature l’œuvre de Dieu. Or, l’histoire
échappe à la raison, une force secrète, cachée et supérieure emploie les individus sans que ceux-
ci sachent véritablement ce qu’ils font. L’histoire déclare les volontés de Dieu qui ne peuvent
pas être comprises par la raison. Il est donc question d’un « historicisme providentialiste, qui
fonde dans l’éternité de la volonté de Dieu la relativité historique des normes sociales »11. Ou
comme l’écrit Maistre lui-même : « Quant à la légitimité, Dieu s’explique par son premier
ministre au département de ce monde, le temps »12. La légitimité est donc issue de l’histoire et
du temps, la volonté de Dieu transparaît par le développement de l’histoire. Le raisonnement
maistrien est donc que Dieu voulant ce qui a été, Ses intentions se manifestent par la
permanence des institutions auxquelles Il accorde une croissance sans interruptions. Ainsi, la
légitimité puise logiquement sa force dans la tradition. Le dessein divin apparaît non dans
l’instabilité humaine, mais dans la stabilité des institutions qui traversent les troubles et les
dangers de l’histoire. Et c’est contre cette légitimité de la tradition que la Révolution s’est
déclenchée, avec la volonté ultime de détruire les institutions de jadis, garantes de toute
stabilité. On ne peut comprendre les contre-révolutionnaires et réactionnaires qu’à travers cette
croyance en la démesure d’un évènement qui a fait sorti les sociétés européennes de leur cours
naturels, traditionnels, voulus par Dieu ; pour les précipiter avec force violences et chaos dans
un abîme qui, pour le réactionnaire catholique que Maistre, ne peut être qu’une annonce de
l’imminence de la fin des temps. A cette crainte, l’historicisme de Maistre répond par
l’espérance en la régénération de la Providence qui effacerait le crime révolutionnaire et
rétablirait la véritable souveraineté légitime de la tradition et donc de Dieu.
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MAISTRE, Joseph de, Essai sur le principe générateur des constitutions politiques (Saint-Pétersbourg, 1814),
in Joseph de Maistre: Œuvres, Pierre Glaudes (dir.), Paris, Robert Laffont, 2007, p. 363
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GLAUDES, Pierre, Joseph de Maistre: Œuvres, Pierre Glaudes (dir.), Paris, Robert Laffont, 2007, p. 1191
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MAISTRE, Joseph de, Essai sur le principe générateur des constitutions politiques (Saint-Pétersbourg, 1814),
in Joseph de Maistre: Œuvres, Pierre Glaudes (dir.), Paris, Robert Laffont, 2007, p. 382
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2. Fondements des principes de souveraineté et de bonnes constitutions politiques
chez Joseph de Maistre
Joseph de Maistre exprime à travers la perspective historiciste que nous venons d’évoquer,
l’idée que les constitutions politiques s’inscrivent dans l’ordre providentiel transcendant qui
régit l’histoire des peuples et des nations. La constitution est donc d’origine divine, et peut être
définie comme l’ensemble des faits et lois naturelles qui, au cours de l’histoire, sont parvenus
à former un ensemble particulier, social et national. Ces faits et ces lois obéissent à plusieurs
principes essentiels qui vont fonder la théorie politique de la Réaction et la contre-révolution.
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MAISTRE, Joseph de, Considérations sur la France (Londres, 1796) in Joseph de Maistre: Œuvres, Pierre
Glaudes (dir.), Paris, Robert Laffont, 2007, p. 219
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MAISTRE, Joseph de, Essai sur le principe générateur des constitutions politiques (Saint-Pétersbourg, 1814),
in Joseph de Maistre: Œuvres, Pierre Glaudes (dir.), Paris, Robert Laffont, 2007, p. 392
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Voir MAISTRE, Joseph de, Étude sur la souveraineté, 1794
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rhétorique, le peuple restant étranger au gouvernement. Ainsi, la permanence se vérifie par le
caractère toujours étranger du Peuple que ce soit en république ou en monarchie, que la
souveraineté proclamée réside dans le Peuple, la Nation ou le Roi. Ainsi, pour Maistre, la
République importe peu, c’est le gouvernement qui importe. Un gouvernement qui ne saurait
être que monarchique, la souveraineté ne pouvant s’incarner véritablement qu’à travers la figure
du souverain. L’homme ne peut être souverain comme les républiques le prétendent. Dieu fait
les Rois, et c’est là la source de la légitimité des souverains avec ce que Maistre désigne comme
une usurpation légitime de la souveraineté par les rois et les princes.
Il part du postulat que la Révolution est mauvaise en soi, ce qui en fait un événement
véritablement unique est donc cet aspect maléfique. « Le mal est le schisme de l’être : il n’est
pas vrai »17, la force négative ne peut être créatrice. Dès lors, la liberté, le patriotisme et l’amour
des lois érigés en culte, vertus révolutionnaires, naissant par le mal, « la gangrène », seraient
destinés logiquement à disparaître. Le caractère général de la Révolution est donc celui d’un
délire aveugle et sanglant sacrifiant la raison au service des vertus et des idées de justice et de
vertu. La contre-révolution portée par Maistre refuse la prétention universelle de la Révolution
française. En outre, le crime serait le socle de « l’échafaudage républicain », l’idée de citoyen,
produit des « orgies législatrices », et le calendrier révolutionnaire ne se veut que la négation
méthodique du culte traditionnel. Maistre en déduit le vice inhérent à la Révolution par cette
volonté constante de nuire à l’ordre précédent et à ses fondements sociaux. La Révolution a
voulu balayer l’ordre de l’Etat et s’établir malgré lui. Le gouvernement révolutionnaire paraît
fort par la violence qu’il exerce. Or, la force n’est pas la violence. La violence révolutionnaire
est la preuve de la fragilité politique des institutions du gouvernement révolutionnaire qui ne
repose que sur deux piliers qui sont deux négations : l’incapacité de la nation française, du
peuple à secouer l’ordre révolutionnaire et sa crainte de ce qui pourrait le remplacer. Ainsi,
c’est l’incertitude et la crainte en d’hypothétiques maux futurs qui cimentent la République et
forcent l’acception du fait accompli. La stabilité du gouvernement devient nécessité en soi et
pour soi.
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MAISTRE, Joseph de, Considérations sur la France (Londres, 1796) in Joseph de Maistre: Œuvres, Pierre
Glaudes (dir.), Paris, Robert Laffont, 2007, p. 224
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2.2 Le fondement religieux de toutes institutions politiques durables
« L’homme peut tout modifier dans la sphère de son activité , mais il ne crée rien : telle est sa
loi, au physique comme au moral »22. Dès lors, comment peut-il prétendre faire une
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MAISTRE, Joseph de, Considérations sur la France (Londres, 1796) in Joseph de Maistre: Œuvres, Pierre
Glaudes (dir.), Paris, Robert Laffont, 2007, p. 226
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constitution ? Il y a deux manières pour les constitutions de se former : le fruit d’une foule de
circonstances fortuites, ou sous l’impulsion d’un auteur unique qui « paraît comme un
phénomène ». Maistre définit alors les éléments qui définissent l’application de Dieu dans la
formation des gouvernements. La première erreur des constitutions républicaines et
révolutionnaires est qu’elles ont été pensées et faites pour l’homme. A ce propos, on cite souvent
le sarcasme de Maistre : « Or, il n’y a point d’homme dans le monde. J’ai vu, dans ma vie, des
Français, des Italiens, des Russes, etc., je sais même, grâce à Montesquieu, qu’on peut être
Persan : mais quant à l’homme, je déclare ne l’avoir rencontré de ma vie ; s’il existe, c’est bien
à mon insu »23. Il n’y a pas de système qui puisse prétendre véritablement être celle de l’Homme
en tant qu’idée. Une constitution ne peut être que définie selon les caractéristiques, les données
particulières et spécifiques d’une population, ses mœurs, sa religion, sa géographie, son ordre
politique, ses richesses, sa morale, son caractère. Seul de cet ensemble, peut découler les justes
et bonnes lois qui peuvent fonder la constitution. En prétendant créer ex nihilo une constitution,
les révolutionnaires ont mêlé le crime à l’illusion. Le crime puisqu’ils ont renversé et bafoué
les lois fondamentales, et l’illusion car ils ont voulu les remplacer par un texte constitutionnel
prétendant fonder une nouvelle légitimité politique et morale. C’est ce renversement de l’œuvre
divine qui nourrit chez Maistre la volonté de retrouver l’ensemble naturel des lois
fondamentales de l’Ancien Régime qui assuraient selon lui « la liberté au sein de la nation en
tempérant l’absolutisme de la monarchie française »24.
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MAISTRE, Joseph de, Considérations sur la France (Londres, 1796) in Joseph de Maistre: Œuvres, Pierre
Glaudes (dir.), Paris, Robert Laffont, 2007, p. 235
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Ibid, p. 246
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faisait croire à l’étranger, sujet d’une monarchie et voyageant en France, qu’il vivait sous un
autre gouvernement que le sien »25. Les rois de France ne pouvaient violer les lois
fondamentales qui garantissaient la stabilité, le maintien et la continuité de l’institution
monarchique et nationale à travers notamment les principes dynastique et héréditaire. Cette
constitution assurait la liberté en modérant l’absolutisme de la monarchie. L’analyse historique
tant de l’Ancien Régime que de la Révolution permet à Maistre de dresser une liste de principes
qui fondent les institutions pérennes.
Le premier principe, qui s’oppose radicalement à l’entreprise révolutionnaire, est celui que les
constitutions ne sauraient résulter d’une délibération. L’erreur consiste à croire qu’une
constitution pourrait être écrite et élaborée a priori, alors qu’une constitution est une œuvre
divine et ce qu’il y a de plus constitutionnel et fondamental dans les lois ne peut être écrit.
L’écriture est pour la pensée politique de Maistre un point fondamental. En effet, l’immuabilité
et la sainteté d’une loi serait mise à mal par son écriture qui pourrait rendre possible de l’effacer.
« L’essence d’une loi fondamentale est que personne n’ait le droit de l’abolir : or, comment
sera-t-elle au-dessus de tous, si quelqu’un l’a faite ? »26. La loi n’est vraiment la loi, et non un
simple règlement, dès lors qu’elle est émanée d’une volonté supérieure, « en sorte que son
caractère essentiel est de n’être pas la volonté de tous »27. Cela explique que la sanction des
lois se retrouve dans la souveraineté accordée à Dieu, ou la considération que l’esprit des lois
vient de Lui. Les droits du peuple ne sont jamais écrits, ou le sont comme de simples
déclarations de droits antérieurs non écrits. Car ces droits sont le fruit de concession par les
souverains. Les droits du souverain ou des nobles n’ont ni date ni auteur, ils sont naturels. Les
concessions sont motivées par les circonstances, souvent par une nécessité indépendante du
souverain. Maistre pense qu’il n’est pas possible pour l’homme de créer une constitution car on
ne peut plaquer des théories politiques ou l’expérience humaine pour cette tâche immense.
L’action humaine dans la formation des constitutions politiques est celle d’un subordonné, d’un
instrument. De ce constat, Maistre observe que les racines des constitutions politiques existent
avant toute loi écrite ; qu’une loi constitutionnelle n’est et ne peut être que le développement
ou la sanction d’un droit préexistant et non écrit ; que ce qu’il y a de plus constitutionnel n’est
jamais et ne saurait être écrit, sinon à prendre le risque d’exposer et de fragiliser l’Etat ; et que
la fragilité des constitutions résulte directement de la multiplicité des articles constitutionnels
25
Ibid, p. 242
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MAISTRE, Joseph de, Essai sur le principe générateur des constitutions politiques (Saint-Pétersbourg, 1814),
in Joseph de Maistre: Œuvres, Pierre Glaudes (dir.), Paris, Robert Laffont, 2007, p. 368
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Ibid, p. 369
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écrits. Plus on écrit, plus l’institution est faible. « Les lois ne sont que des déclarations de droits,
et les droits ne sont déclarés que lorsqu’ils sont attaqués »28. Plus il y a d’écriture, plus il y a
de chocs et de dangers. De plus, on ne peut se donner une liberté que l’on n’a pas. La liberté ne
peut être acquise si on ne la possède pas déjà et les hommes ne sauraient créer des droits qui
n’existeraient déjà. L’homme est avant tout un outil de Dieu. Il fait tout et ne fait rien. L’erreur
de l’homme est de croire qu’il est l’auteur direct, présent et agent, de tout ce qui se fait par lui.
C’est une erreur pour Maistre de croire que l’homme puisse être législateur. La figure du
législateur est celle d’homme extraordinaire, sans doute circonscrit au monde antique et à la
jeunesse des nations. Il ne fait que réunir, au nom de Dieu, les éléments préexistants dans les
coutumes et le caractère des peuples, dans une entreprise rassembleuse mais pas créatrice. De
plus, Maistre fait de la liberté un don des Rois, et fait d’une règle générale que la liberté d’une
nation réside de germes aussi anciennement présents dans sa constitution naturelle. Une nation
ne peut développer dans sa constitution écrite des droits qui seraient absents de ses lois
naturelles non écrites. Enfin, dans une réponse à la prétention législatrice des révolutionnaires,
Maistre pose qu’une assemblée ne peut représenter une nation, c’est un acte de folie conceptuel.
Car séparés de Dieu, les législateurs révolutionnaires ont bâti des châteaux de cartes, œuvres
purement conceptuelles aux détails violents et odieux, qui ont révélé que l’homme en agissant
seul n’a qu’une action négative et destructrice. L’institution durera si le principe divin la
soutient dès son origine, et plus il la pénétrera, plus elle sera durable. L’erreur des gens du siècle
des Lumières a été d’ignorer, de s’aveugler sur la nature humaine : par un orgueil féroce, ils ont
mis à bas et renverser ce qu’ils n’ont pas bâti, et à vouloir remplacer et créer. Or, en faisant
cela, ils omettent la faiblesse de l’homme. « Admettre sa nullité est déjà, pour l’homme, faire
un grand pas vers le succès puisqu’il sait alors qu’il doit trouver un appui pour s’aider »29. En
voulant créer en se séparant de Dieu, les hommes du XVIIIe siècle se sont crus indépendants et
ont mis en pratique un athéisme funeste que dénonce Maistre dans des constructions
institutionnelles. Car enfin, les véritables législateurs au sens maistrien ne sont pas savants,
mais agissent par instinct, par impulsion, par force morale. Pour Maistre, il y a une grande
différence entre la politique théorique et l’entreprise de faire une législation constituante. Ainsi,
ni Montesquieu ni Locke ne peuvent pour lui être de bons législateurs. Le talent dans la théorie
ne peut être du même ordre que celui du législateur. Il en résulte le constat implacable que
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MAISTRE, Joseph de, Considérations sur la France (Londres, 1796) in Joseph de Maistre: Œuvres, Pierre
Glaudes (dir.), Paris, Robert Laffont, 2007, p. 232
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MAISTRE, Joseph de, Essai sur le principe générateur des constitutions politiques (Saint-Pétersbourg, 1814),
in Joseph de Maistre: Œuvres, Pierre Glaudes (dir.), Paris, Robert Laffont, 2007, p. 391
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l’homme ne peut se donner à lui-même une constitution. C’est là un ouvrage supérieur,
transcendant et forcément divin dont la nature dépend non pas des hommes, mais des
circonstances et surtout du Temps.
Bibliographie :
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