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synthèse | formation

L’antibiogramme permet
d’estimer la sensibilité d’une
souche bactérienne à un ou
plusieurs antibiotiques et
de dépister les résistances
acquises afin d’orienter les
décisions thérapeutiques.
Quelle technique utiliser
aujourd’hui, quels en sont les
limites et les pièges ? Quelques
réponses ci-dessous et encore
de nombreuses questions.

© CHASSENET / BSIP
L’antibiogramme :
quelle approche en 2018 ?
Approches rapides de la détection des résistances

Les techniques conventionnelles de bactériologie sont fondées sur la culture bactérienne, requérant 18 à 24 h
au mieux pour obtenir l’identification du pathogène et 36 à 48 h au mieux pour obtenir un antibiogramme.
Différentes approches plus rapides de la détection des résistances peuvent être envisagées.

Les objectifs Les outils disponibles :


Pour un diagnostic dans le cadre d’une infection, l’objectif d’une phénotypiques ou génotypiques
approche rapide de la détection des résistances est l’instaura- Les outils phénotypiques permettent la détection directe ou
tion d’une antibiothérapie précoce et adaptée, notamment dans indirecte de protéine(s) impliquée(s) dans la résistance et la
les situations d’urgence. En effet, en cas de choc septique, le détection rapide de la croissance des bactéries en présence
retard à la mise en route d’une antibiothérapie adaptée est d’antibiotiques. Ils sont applicables à J1 (lorsque la résistance
fortement lié au risque de décès. Une antibiothérapie adaptée est exprimée), mais difficilement à J0.
dans la 1re heure d’une hypotension permet 80 % de survie et Les outils génotypiques permettent la détection de gènes impli-
chaque heure de retard à l’instauration de cette antibiothérapie qués dans la résistance. Utilisables à J0, ils ne détectent que
diminue de 7,6 % la probabilité de survie [1]. ce qui est « connu ».
Dans le cadre d’un dépistage, l’intérêt d’une approche rapide de
la détection des résistances n’est pas démontré au plan indivi- Les outils applicables à partir d’une culture
duel, mais il l’est au plan collectif. En effet, une telle approche bactérienne (J1)
permet d’éviter une antibiothérapie à trop large spectre et dimi-
nue ainsi la pression de sélection antibiotique. Le second intérêt Recherche d’une protéine
est de permettre le dépistage des patients porteurs de bactéries par immunochromatographie
multi- et hautement résistantes (BMR et BHRe), donc de limiter • Recherche de la PLP2a produite par le gène mec A sur des
la diffusion de la résistance par l’instauration rapide de mesures colonies de Staphylococcus aureus, avec des Ac anti-PLP2a.
d’hygiène adaptées et ainsi, de prévenir le risque d’épidémies. Cette technique donne des résultats en moins de 10 à 30 min et

OptionBio | octobre 2018 | n° 587-588 15


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permet d’optimiser la prise en charge des patients (traitement Par exemple, le système microarray Chek-MDR® permet, après
par oxacilline versus vancomycine). extraction de l’ADN, amplification puis hybridation, de détecter
• Recherche de carbapénémases (OXA-48, KPC, NDM, VIM +/- en 4 à 6 h, des résistances de type BLSE, céphalosporinases
IMP), recherche de BLSE (CTX-M) ou recherche de résistance à AmpC, carbapénémases…
la colistine (MCR-1), à partir de colonies. De la même façon, les
résultats sont obtenus en quelques minutes et les sensibilité et Les outils applicables à partir d’un prélèvement
spécificité de ces tests sont voisines de 100 %. biologique (J0)
Les outils phénotypiques sont théoriquement utilisables à
Recherche de l’activité enzymatique d’une protéine J0 : il s’agit de géloses sélectives contenant des antibiotiques
développées pour la détection des staphylocoques résistants
Par colorimétrie à la méticilline (SARM) (BBL CHROMagar™ MRSA II Becton
Peuvent ainsi être recherchées les résistances : Dickinson ou Brilliance™ MRSA Oxoid), des entérobactéries
• aux carbapénémases (Rapidec® CARBA NP, Neo-Rapid CARB® sécrétrices de BLSE (ChromiD™ ESBL bioMérieux), des enté-
kit, ␤-CARBA™ test…) : par exemple le Rapidec® CARBA NP, rocoques résistants à la vancomycine (ERV) (CHROMagar™ VRE)
utilisable sur les entérobactéries, P. aeruginosa, A. baumanii, a ou des entérobactéries productrices de carbapénémases (EPC)
une sensibilité de 97,8 % et une spécificité de 97,8 % et rend (ChromID CARBA SMART™ bioMérieux).
des résultats en 30 min à 2 h.
• à la colistine : le Rapid Polymixin NP® test s’applique aux Les outils génotypiques, plus nombreux, permettent la détection
entérobactéries. Il a une sensibilité de 99,3 %, une spécificité de différents types de résistance.
de 94,9 % et rend des résultats en 2 à 3 h. • Les tests détectant les SARM sont utilisables à partir de
prélèvements nasaux, écouvillonnages de plaies cutanées ou
Par électrochimie flacons d’hémocultures positifs à cocci à Gram positif en amas,
La recherche de carbapénémases par le BYG Carba test® 2.0, ils utilisent une PCR en temps réel détectant le gène mec A ou
qui utilise un mode de révélation par électrochimie, nécessite la jonction de cassette SCCmec-orfX + /- mecA. Les résultats
de 1 à 3 colonies (106 UFC/mL) ; sa sensibilité est > 95 % et sa sont obtenus en 1 à 2 h, mais il peut exister quelques faux
spécificité, proche de 100 % ; il rend des résultats en 30 min, positifs ou faux négatifs.
mais détecte mal les enzymes GES (carbapénémases). • De même, les tests détectant les ERV (BD Genhom™ VanR,
Xpert® VanA/VanB Cepheid, GenoType® BC grampositive Hain
Par spectrométrie de masse : détection de métabolites Lifescience) s’utilisent sur selles ou écouvillonnages rectaux et
des antibiotiques ou de protéines ciblent les gènes VanA et VanB.
La technologie Maldi-Tof permet la détection de métabolites • Ceux ciblant les gènes OXA-48, NDM, KPC, IMP-1 ou VIM
issus de l’hydrolyse des ␤-lactamines. Ainsi, le MBT STAR® (systèmes GeneXpert® Cepheid, ou Mobidiag) détectent les EPC
Carba IVD kit détecte les carbapénémases chez les entérobac- à partir d’écouvillonnages rectaux.
téries, Pseudomonas, Acinetobacter après 30 min de mise en Dans tous les cas, les résultats sont rendus en 1 à 2 h et
contact (60 min pour Acinetobacter) avec l’imipénème ; il est quelques faux +/- peuvent être observés.
utilisable à partir de flacons d’hémocultures. D’autres tech- • Les tests détectant la résistance à la rifampicine de Mycobac-
niques de spectrométrie (LC-MS/MS, ESI-MS/MS) sont aussi terium tuberculosis s’utilisent en cas de suspicion forte de tuber-
disponibles pour l’étude des résistances. culose ou de présence de bacilles acido-alcoolo-résistants (BAAR)
à l’examen direct, à partir de tubages gastriques, expectorations,
Mesure accélérée des CMI via un microscope ainsi que sur cultures bactériennes. Ils permettent de tester la
Différents systèmes sont commercialisés (Accelerate Phe- résistance à la rifampicine (GeneXpert® Cepheid) en 2 h ou la
noTest™ BC kit, ASTar™ ou QMAC dRAST™) ; tous utilisables résistance à la rifampicine + à l’isoniazide +/- aux fluoroquino-
à partir de flacons d’hémocultures positifs, ils permettent lones, aux aminosides et à l’éthambutol (Hain Lifescience) en 5 h.
d’obtenir des CMI en quelques heures. • Le test GenoType® HelicoDR (Hain Lifescience) recherche
spécifiquement des mutations de résistance d’Helicobacter
Mesure accélérée des diamètres d’inhibition pylori aux fluoroquinolones et à la clarithromycine, à partir d’une
Enfin, il est possible d’effectuer une lecture automatisée des biopsie gastrique, avec un résultat rendu en 5 h.
diamètres d’inhibition des antibiogrammes en milieu gélosé Enfin, des approches syndromiques ont été développées, per-
(système WASPlab™), à 6 h ou 8 h pour Enterococcus et Acine- mettant de détecter des panels de bactéries et virus au niveau
tobacter (12 h pour P. aeruginosa) versus 18 h. d’hémocultures, de prélèvements respiratoires, digestifs, géni-
Tous ces outils, applicables à J1 à partir d’une culture bac- taux… Certains fabricants (Curetis, BioMérieux) proposent en
térienne, sont phénotypiques. Seules quelques techniques plus de la détection de micro-organismes, la détection de gènes
génotypiques sont utilisables sur des colonies bactériennes. de résistance aux antibiotiques.

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Antibiogramme « classique » lement à intégrer dans la démarche « qualité », au regard des


ou méthode rapide ? exigences de l’accréditation, et se développeront probablement
De très nombreux outils (et de plus en plus) sont disponibles, bientôt « au lit du malade ». |
permettant la détection de mécanismes de résistance ciblés.
Liens d’intérêts : l’auteure déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.
L’antibiogramme complet est en passe d’être développé (des
valeurs de diamètre « rapide » devraient être fournies par CAROLE EMILE
biologiste, rédactrice scientifique
l’EUCAST) et nous aurons probablement besoin de tests de Carole.emile@biomnis.com
sensibilité (plutôt que de résistances). Il reste à définir dans
quels contextes ces tests sont à utiliser : pas de manière sys- source

tématique, mais en fonction des besoins des cliniciens et des D’après la communication d’Olivier Barraud (Limoges) lors de la XXII e journée de
microbiologie clinique du COLBVH, 22 juin 2018, Paris, France.
contraintes organisationnelles et financières. Ils seront éga-

| Figure 1 - E.coli
producteur de
BLSE.
L’antibiogramme et ses pièges

Entérobactéries :
interprétation de l’antibiogramme
Chez les entérobactéries, il existe une grande diversité des
résistances naturelles du fait du grand nombre d’espèces.
Ceci est compliqué par l’augmentation des résistances
acquises, notamment par les ␤-lactamases : ␤-lactamases à
spectre étendu (BLSE) (figure 1), carbapénémases ou autres
(OXA-1…) à l’origine de difficultés d’interprétation.
En outre, émergent de nouvelles résistances : aux quinolones
(QNR), aux quinolones/aminosides (AAC(6’)-Ib-cr) et à la colis-
tine (MCR-1 à MCR-5).

Résistance naturelle aux bêta-lactamines :


Six groupes sont définis :
• Groupe 0 : Pas de ␤-lactamase : Salmonella sp, Proteus
mirabilis
• Groupe 1 : AmpC bas niveau : E. coli, Shigella sp
• Groupe 2 : pénicillinase (Pase) : Klebsiella sp, C. koseri
• Groupe 3 : AmpC inductible : Enterobacter sp, Morganella
morganii, C. freundii, Hafnia alvei…
• Groupe 4 : AmpC inductible + Pase ou BLSE : S. fonticola,
Y. enterocolitica
• Groupe 5 : céfuroximase inductible : Proteus vulgaris/penneri
© LABORATOIRE DE BACTÉRIOLOGIE DE L’HÔPITAL DE MONTFERMEIL, FRANCE.

• Groupe 6 : BLSE (inductible ou non) : Kluyvera sp, Rahnella sp,


C. sedlakii, C. farmeri, C. amalonaticus…

Exemple : Serratia fonticola


Appartenant au groupe 4, cette espèce secrète 2
␤-lactamases : 1 BLSE chromosomique inductible et 1
céphalosporinase (AmpC) chromosomique inductible.
L’AmpC étant très faiblement exprimée, la bactérie présente
in vitro, une sensibilité conservée à l’amoxicilline + acide
clavulanique (AMC) et une synergie avec le céfotaxime (CTX).
Sur l’antibiogramme, les corrections à effectuer sont AMC
sensible (S) a résistant (R) et Pipéracilline (PIP) S a R ; la
résistance est naturelle ; il est inutile de recommander les
mesures d’isolement du patient.

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