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Isabelle Barth
Préfaces
René-Yves Darmon et Jean-Pierre Arnaud
Maquette de couverture : Alain Vambacas
Préfaces V
Introduction générale 1
III
LE MANAGEMENT COMMERCIAL
Section 2 Deux moments clefs : le recrutement et l’intégration du commercial 92
Section 3 La gestion de la carrière d’un commercial 97
Section 1 Une vente inscrite dans une relation client multicanal 106
Section 2 Principes et enjeux d’une Sales Force Automation (SFA) 115
Section 3 Les nouveaux visages de la relation client 122
Bibliographie 221
Index 231
IV
Préfaces
RENÉ-YVES DARMON
PROFESSEUR ÉMERITE, ESSEC BUSINESS SCHOOL
PROFESSEUR AFFILIÉ, UNIVERSITÉ LAVAL
Ce livre se différencie des nombreux ouvrages sur le management commercial par
son souci de mettre l’accent sur quelques faits essentiels qui caractérisent la vente
et la direction commerciale dans le contexte de constante évolution économique et
sociale que nous connaissons actuellement. Il est important en effet de souligner le
rôle essentiel et accru que jouent la vente et la gestion commerciale dans les entre-
prises. Le marketing a trop souvent fait oublier que la fonction commerciale est au
cœur de l’entreprise, puisque comme le cœur irrigue et régule toutes les fonctions
du corps humain, la fonction commerciale assure et contrôle le flux des revenus
d’une entreprise, revenus qu’il faut générer dans les conditions de plus en plus dif-
ficiles de la mondialisation.
Dans ces conditions, contrairement aux pratiques du passé, il est urgent pour les
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit.
V
LE MANAGEMENT COMMERCIAL
JEAN-PIERRE ARNAUD
PRÉSIDENT NATIONAL DCF
L’acte de vendre est d’une importance cruciale pour l’entreprise. Le développement
des sociétés s’appuie sur trois piliers majeurs : innovation, conquête de nouveaux
marchés et création de valeur.
La fonction commerciale interagit tout à la fois avec ces trois critères. Génératrice
de chiffre d’affaires par essence mais également en termes de pérennité du porte-
feuille client, innovante vis-à-vis du management, de l’encadrement et de la forma-
tion des équipes de vente, et toujours au cœur de la conquête de marchés, la fonction
commerciale occupe un rôle clef pour la performance de l’entreprise.
Avec la globalisation, alors que nous sommes engagés dans un monde de commu-
nication et d’échanges, les métiers de la fonction commerciale, en pleine mutation,
se positionnent donc comme un moteur fondamental pour la croissance.
C’est un fait : nous manquons de commerciaux et le manager commercial a un rôle
capital dans l’entreprise, lié aujourd’hui à de nouvelles problématiques humaines,
éthiques et sociales.
Raisonner en réseau, introduire le management commercial dans les formations des
jeunes, recruter des commerciaux issus d’une génération aux motivations nouvelles en
proposant des missions propices à un développement personnel et professionnel, tels
sont les enjeux actuels auxquels est confronté le dirigeant commercial.
Depuis quatre-vingts ans, le réseau des Dirigeants Commerciaux de France s’im-
plique afin de valoriser les bonnes pratiques et l’excellence commerciale en entre-
prise ou pour promouvoir les métiers de la fonction commerciale auprès des instituts
de formation.
A la croisée des chemins entre la recherche fondamentale et la vie en entreprise,
l’analyse d’Isabelle Barth est tout à fait essentielle car elle permet aux dirigeants
commerciaux de conserver un regard prospectif sur leurs métiers et ainsi tendre vers
de nouveaux modèles de performance et d’excellence.
VI
Introduction
générale
2
Introduction générale
3
Chapitre
Le mana ge ment
commercial :
1 de nouvelles
exigences face à
de nouvelles attentes
Les nouvelles attentes portent sur quatre grands mouvements que l’on peut obser-
ver dans tous les secteurs d’activité :
– L’animation d’équipes reste le cœur du management commercial, la relation la
plus courante étant le lien hiérarchique, mais on observe le développement de moda-
lités de management « transversal », c’est-à-dire sans relation hiérarchique, ou avec
un lien faiblement structuré : c’est le cas du management en réseau ou par projet.
– De même, les entreprises prennent maintenant en compte la performance
commerciale globale de l’organisation, sans la limiter à la performance « des commer-
ciaux ». Le manager commercial doit alors piloter la performance commerciale de
personnes ou d’équipes dont le métier est tout autre : comptables, agents de produc-
5
DE NOUVELLES EXIGENCES
tion, logisticiens. Cet enjeu le plonge dans d’autres sphères professionnelles dont il
devra acquérir une certaine connaissance.
– L’évaluation de la performance commerciale est de plus en plus fine, voire
sophistiquée, et inclut des paramètres nombreux en lien avec un pilotage financier
des entreprises. Le management commercial est par excellence un management qui
associe performance économique et performance sociale.
– Face à ces nouvelles attentes, les exigences vis-à-vis du manager commercial
se déplacent et portent avant tout sur la rigueur et le professionnalisme. La valo-
risation actuelle de la fonction managériale peut laisser penser qu’il s’agit là d’une
évolution professionnelle « naturelle » pour les meilleurs commerciaux. C’est
oublier un peu vite que le management requiert des compétences et des qualités
spécifiques qui demandent à être acquises, développées, travaillées. Pourtant,
beaucoup d’entreprises investissent encore insuffisamment dans la préparation
aux métiers du management.
Nous allons donc centrer ce chapitre sur trois sujets :
Section
1 LES ÉVO LUTIONS RÉCENTES DU MANAGEMENT
COMMERCIAL
Selon Freud, il y aurait trois métiers impossibles (Freud, 1925) : « éduquer, soi-
gner, gouverner ». Reconnaissons que « manager » relève un peu des trois, ce qui
laisse entrevoir l’immense difficulté de l’exercice.
Freud associe les trois métiers au fait que, pour chacun d’eux, « on peut d’emblée être
sûr d’un succès insuffisant », ou, du moins, aléatoire, au regard des objectifs. L’essence
de ces métiers, comme celle du management est qu’ils expriment « un pouvoir nu sur
les hommes, autrement dit un pouvoir sans médiation » (Enriquez, 1987).
C’est cette relation incertaine et passionnante, entre humains, qui est au cœur du
management, et du management commercial en particulier.
6
Les évolutions récentes
une mission particulière, soit à temps partiel (c’est souvent le moyen d’enrichir
le poste de travail d’un commercial à potentiel) soit à plein-temps, en mode
transversal à l’entreprise (par exemple pour l’implantation d’un progiciel de ges-
tion de la relation client) ;
– le spécialiste commercial : il est responsable grands comptes3, chef de produit,
responsable marketing opérationnel, responsable export ;
– l’expert commercial : il est caractérisé par ses compétences scientifiques ou tech-
niques. Il n’est pas issu d’une formation commerciale mais technique. On peut
1. L’ ICSV (Institut national des cadres supérieurs de la vente) forme au sein du Cnam (Conservatoire national
des arts et métiers) des cadres commerciaux exclusivement en formation continue.
2. Voir le descriptif du poste section 3.3., chapitre 2.
3. Idem.
7
DE NOUVELLES EXIGENCES
citer ici l’ingénieur avant-vente qui peut, de par ses connaissances techniques,
appuyer une vente et conseiller celui qui est chargé de la vente. L’ingénieur d’af-
faires qui a pour mission de construire un projet et de suivre son exécution peut
aussi être rattaché à cette catégorie.
Horizontal Vertical
Elle connaît plusieurs grandes forces structurantes qui dessinent le nouveau péri-
mètre de la fonction commerciale :
– l’impact des technologies de l’information et de la communication (TIC)
dans la fonction vente : elles ont déjà beaucoup modifié la relation au client, la
nature de l’acte de vente et les métiers mêmes de commerciaux. Cette tendance
va certes continuer, mais on observe le souhait de « réhumaniser » des univers
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit.
profondément dématérialisés ;
– le contexte de la globalisation des échanges. Cette tendance est considérée
comme une nouvelle donne mais n’est pas une fin en soi : si les managers
commerciaux doivent s’inscrire d’emblée dans un contexte international, les
stratégies vont se jouer à l’avenir entre localisation et mondialisation ;
– les nouveaux comportements de consommation, qui se traduisent par des attentes
souvent contradictoires, placées sous la bannière du « tout et son contraire », boule-
versent les segmentations traditionnelles, et par là même les métiers et les organi-
grammes commerciaux. Ces évolutions sont également marquées par la judiciari-
sation de la relation commerciale, qui implique, pour le manager commercial, une
compétence d’évaluation des risques et de gestion de crise, le cas échéant ;
9
DE NOUVELLES EXIGENCES
ORGANISATION
Externalisation
Impact des TIC Scénario du « tout dehors »
Scénario de l’humanisation Scénario de l’externalisation stratégique
de la dématérialisation Scénario des mercenaires du marketing
Globalisation des échanges et de la vente
Scénario de l’internalisation accrue Mutations organisationnelles
Scénario de l’adaptation locale Scénario de l’orientation clients
Guerre concurrentielle Fonction vente/marketing
Scénario de l’élargissement Scénario de la relation client effective
de la valeur Scénario de la taylorisation de la relation
Scénario de la revalorisation culturelle client
EXTERNE EXTERNE
Métiers
Evolutions juridiques Scénario de la proxémique clients
Scénario du « tout juridique » Scénario de la veille
Facteur temps Compétences
Scénario du « toujours plus vite » Scénario de l’optimum relationnel
Scénario du « temps retrouvé » Scénario de l’appareillage
Evolutions sociologiques technique
Scénario de la différenciation personnelle Formations
Scénario de l’attachement communautaire Scénario de la formation intégrée
INDIVIDU
Logique
Logique d’affaires
professionnelle
D’après Boyer, Scouarnec, 2006.
STRATÉGIE COMMERCIALE
ORGANISATION ET MOYENS
0% 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 % 70 %
Source : Premier Baromètre CEGOS des dirigeants commerciaux 2007.
12
Le nouveau manager commercial
0% 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 % 70 %
Section
2 LE NOUVEAU MANAGER COMMERCIAL
Les exigences et les attentes vis-à-vis du manager commercial sont de plus en plus
complexes et nombreuses. Le nouveau manager commercial doit savoir être à la fois
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit.
un leader et un gestionnaire.
– Les leaders sont perçus comme des visionnaires provoquant ruptures et change-
ments (Zaleznik, 1977). « Un leader est quelqu’un qui obtient des autres qu’ils
fassent ce qu’il souhaite, spontanément. […] Il y a quelque chose dans son
comportement, quelque chose qui amène les autres à lui obéir de leur plein gré »
(Koning, Sandler, 2009). Dotés d’une forte personnalité, ils sont charismatiques,
13
DE NOUVELLES EXIGENCES
14
Le nouveau manager commercial
Les managers commerciaux doivent bien sûr s’inscrire dans cette nouvelle
configuration où le pouvoir et l’autorité sont constamment discutés.
– Le management consultatif est fondé sur la devise « diviser pour régner ». Il
mobilise la pseudo-participation qui consiste à réunir régulièrement les collabo-
rateurs pour les informer et, le cas échéant, les consulter, mais sans jamais réel-
lement entrer dans une confrontation de points de vue. Malgré toutes les mises
en garde émises à son encontre, le management consultatif continue à régner en
maître dans les entreprises (Eisenhardt, 1997). Par ce mode de management, le
dirigeant qui fuit le conflit avec ses collaborateurs interdit, de fait, l’expression
d’opinions différentes tout en feignant de faire participer son équipe. Les mana-
gers se voient imposer la vision, quand il y en a une, et la stratégie, quand elle
est communiquée, sans jamais pouvoir donner leur point de vue. Même
lorsqu’ils sentent qu’une grave erreur est en train d’être commise, ils doivent
appliquer les directives. Ils sont forcés de s’aligner alors qu’ils souhaiteraient
un ajustement mutuel. Ils ne partagent jamais en profondeur leurs expériences
avec leurs pairs et éprouvent une grande solitude. À la domination des manage-
ments autoritaires exploiteurs et paternalistes, les dirigeants préfèrent souvent
le compromis de façade qu’autorise le management consultatif. Ils exploitent
alors quatre types de leviers : l’inhibition par le leader, la camaraderie menant
à l’autocensure, le rejet du conflit jugé trop désagréable, la peur de débats sans
fin.
– Le management participatif repose sur le travail en équipe, coordonné par un
manager, et s’articule autour de règles du jeu communes. Au sein de chaque
équipe, le développement individuel et collectif des collaborateurs est de la res-
ponsabilité du manager. L’orientation s’organise autour d’objectifs globaux et
personnels, ambitieux et fixés collectivement. Les membres du groupe coopè-
rent étroitement. La prise de décision et le contrôle s’effectuent conjointement.
Enfin, chaque manager occupe une position charnière entre deux niveaux hié-
rarchiques successifs, facilitant ainsi l’articulation verticale des activités et la
coordination globale au sein de l’entreprise. C’est de loin le style de manage-
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit.
1. Par la suite, nous adopterons l’expression « manager commercial » qui convoque des caractéristiques et des
compétences empruntées à la fois au leader et au gestionnaire, compte tenu des spécificités de management des
forces de vente. Le manager commercial sera celui qui pilote une équipe de commerciaux, quels que soient l’intitulé
de son poste et sa place dans la hiérarchie, du directeur commercial au chef des ventes. Nous nous placerons aussi
dans la perspective d’un management participatif.
15
DE NOUVELLES EXIGENCES
16
Le nouveau manager commercial
Un autre défi très courant à relever est celui du management latéral : c’est-à-dire
la capacité à piloter des personnes qui ne dépendent pas directement de vous mais
qui sont dans votre sphère de responsabilité et dont vos résultats dépendent indirec-
tement. Dans le cas du management commercial, il s’agit de gérer des personnes
« indirectement commerciales », comme la personne de la comptabilité client (qua-
lité de la facturation, rigueur des relances des impayés…), le responsable du SAV
(fiabilité de la prise en charge, qualité de l’accueil…), l’incontournable standardiste
(courtoisie de la relation, diplomatie dans la prise en charge, efficacité de la redirec-
tion, qualité du message…).
Cette cohésion latérale, pourtant indispensable à la performance commerciale glo-
bale de l’organisation, est peu mobilisée. On peut retenir plusieurs explications
(Fiol, Mangin, 2008) : la tendance à l’individualisme, la focalisation sur la relation
avec le supérieur hiérarchique, le rejet de la réunionite ou de tout dispositif de coor-
dination, l’idée que le pouvoir ne se partage pas, la faillite aussi de beaucoup de
dispositifs de type matriciel, trop compliqués à gérer.
De plus, la cohésion latérale est un défi souvent soumis à de fortes déstabilisations
de la part des managers directs. Citons pour mémoire : l’omniprésence qui empêche
l’émergence de tout règlement de conflit hors la présence du hiérarchique, la divi-
sion entretenue qui affaiblit les réflexes d’entraide, l’absence de projets collectifs ou
de responsabilités conjointes, toutes pratiques qui peuvent être compensées par des
évaluations à partir de critères de performance collective ou des dispositifs d’anima-
tion et de cohésion en dehors du lieu de travail.
18
Construire les nouvelles compétences
Repères Témoignage
à faire de la vente. »
D’après le témoignage de Louis-Marie Pasquier, directeur général des Brioches Pasquier,
IIe Assises de la vente, Lyon, mai 2001.
Section
3 CONSTRUIRE LES NOUVELLES COMPÉTENCES
DU MANAGEMENT COMMERCIAL
Le métier de manager est certainement celui qui exerce la plus grande fascination
sur les étudiants en gestion, quel que soit leur niveau de formation. À tel point que
nombre d’écoles de commerce se sont rebaptisées écoles de management. Mais sait-on
19
DE NOUVELLES EXIGENCES
bien définir le portefeuille de compétences d’un manager ? Quelle est la part de la for-
mation dans son devenir ? Est-ce qu’il suffit de le vouloir pour devenir un manager
reconnu et performant ?
Telles sont trois questions un peu iconoclastes mais qui doivent être posées pour
fournir quelques éléments de réponse aux aspirants managers comme aux mana-
gers confirmés.
Le premier enjeu est celui d’identifier les soft skills, par opposition aux compétences
« cœur de métier ». Tout recruteur travaille sur une grille codifiée et visible, pourtant,
pour nombre de recrutements, dont ceux touchant au management, les parties pre-
nantes sont amenées à communiquer sur des compétences « cachées », « invisibles »,
ou plus simplement « non codifiées » : ce sont les « compétences douces ».
☞
20
Construire les nouvelles compétences
Les compétences attendues du manager commercial sont donc à la fois très nom-
breuses, de nature très différente et souvent contradictoires.
Il lui faut à la fois « anticiper » et « produire des résultats immédiats », il doit
savoir « gérer la stratégie de vente » et « manager la force de vente », manier les
outils de pilotage commercial « avec souplesse », être en ligne avec la stratégie de
l’entreprise tout en sachant faire preuve d’autonomie… Comme l’expliquait Simons
(dès 1995), le manager est installé dans des logiques de « et » avec l’obligation de
gérer des exigences contradictoires. On revient à la définition de Barnard (1958) qui
indiquait que la fonction des dirigeants est de « faciliter la synthèse dans l’action
concrète des forces contradictoires, de réconcilier des forces, des instincts, des
conditions, des positions et des idéaux conflictuels ».
Admettons que dans l’exercice de l’activité professionnelle, c’est plutôt le « ou »
qui prévaut : les tâches opérationnelles et quotidiennes prennent le pas sur les tâches
de création de potentiel, l’administratif se fait aux dépens de la présence chez le
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit.
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DE NOUVELLES EXIGENCES
22
Construire les nouvelles compétences
Repères Témoignage
2 L’intelligence émotionnelle
Le portrait du leader efficace et idéal n’est plus celui d’un manager autoritaire de
façon innée ou légitime a priori (issue de conceptions très militaires du commande-
ment), mais, de plus en plus, celui d’un individu capable d’encourager et de motiver
ses « troupes », montrant des compétences sociales, de l’enthousiasme, la capacité
à développer un climat de confiance.
Ces compétences puisent dans l’intelligence émotionnelle, popularisée par
Goleman (1995). Elles sont la capacité à percevoir, ressentir, comprendre et gérer
ses émotions et celles des autres dans une perspective de renforcement de l’efficacité
des processus cognitifs (utiliser ses émotions pour faciliter la prise de décision ou
savoir créer un climat émotionnel positif pour favoriser l’apprentissage, ou encore
connaître ses propres émotions pour évaluer leur impact sur son propre jugement).
L’intelligence émotionnelle fait partie du portefeuille de compétences du manager
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit.
efficace, tout particulièrement dans les métiers commerciaux où elle mobilise les
qualités d’interprétation du réel, d’impulsion, de dynamisation, et d’interaction. La
question se pose de savoir si cette intelligence émotionnelle peut être développée au
même titre que les compétences cognitives. Le développement exponentiel depuis
les années 1990 des séminaires de formation sur ces thèmes laisse penser que la
grande majorité des dirigeants d’entreprise ont une attente sur ces sujets. Le système
d’enseignement supérieur reste en retrait malgré des propositions de plus en plus
nombreuses que l’on peut observer.
23
DE NOUVELLES EXIGENCES
ser son intelligence émotionnelle apparaît également comme une condition sine
qua non de l’efficacité du leader. Ainsi l’intelligence émotionnelle permet les
apports suivants : « la créativité accrue grâce à un état affectif positif », « la capa-
cité à encourager l’ouverture au changement de suiveurs », « la mobilisation des
émotions pour repérer les normes et les valeurs », « la création d’un climat émo-
tionnel positif favorable à l’apprentissage » (George, 2000). Il s’agit bien sûr de ne
pas passer du « tout cognitif » au « tout émotif », mais de savoir prendre en compte
et intégrer les deux pôles.
Dès le niveau bac + 2, des cursus forment à des postes d’encadrement commer-
cial intermédiaire, comme le BTS «management des unités commerciales» ou le
DUT «techniques de commercialisation».
Les bacs + 4/5 proposés par les écoles de management, les IAE (instituts
d’administration des entreprises) dans les universités, affichent clairement l’am-
bition pour leurs diplômés d’évoluer vers des postes d’encadrement ;
• une entrée par filière
Si bon nombre de formations bac + 4/5 sont plutôt généralistes, un très petit nombre
de formations diplômantes ont exclusivement pour projet le management commer-
cial. C’est le cas depuis 2001 du Master 2 « Vente et Management commercial » de
l’IAE de Lyon. De telles formations sont encore à développer car elles répondent à
une véritable attente du marché du travail : des cadres commerciaux évolutifs ;
25
DE NOUVELLES EXIGENCES
26
Construire les nouvelles compétences
Repères Témoignages
Récits de vie (extraits) de candidats à la VAE dans le cadre du Master Direction commerciale
de l’IAE de Lyon
« Après plus de vingt années de carrière professionnelle, dont quinze dans une multinatio-
nale anglo-saxonne au sein de laquelle j’ai franchi les différents échelons du management
commercial jusqu’à la fonction de directeur commercial/marketing d’une filiale, j’éprouve
aujourd’hui le besoin de faire reconnaître les connaissances et les compétences acquises
durant mon parcours pour obtenir le diplôme le plus proche de mon expérience. Actuelle-
ment dans une démarche de recherche d’emploi après avoir quitté ma dernière entreprise
lors de mon retour d’expatriation, je perçois les limites d’un parcours d’autodidacte, parti-
culièrement lorsque je me trouve en compétition serrée sur des postes de DG ou de direc-
tion de centres de profits. »
Philippe D. (45 ans).
« J’ai quitté le cursus scolaire en cours de terminale à l’âge de 17 ans pour créer une activité
professionnelle en tant qu’indépendant et maintenant, à 39 ans, je suis en poste avec une
fonction de responsable du développement commercial et marketing/responsable Europe.
J’ai toujours vécu un sentiment de complexe vis-à-vis de mon parcours d’autodidacte, et ce,
malgré une certaine réussite professionnelle. »
Philippe DDH (29 ans).
L’accès même aux postes de managers diffère selon les secteurs d’activité, la taille
et surtout la culture de l’entreprise. Pour beaucoup de commerciaux, le plan de car-
rière porte sur l’évolution vers un poste de manager. L’aplatissement des pyramides
hiérarchiques limite néanmoins les perspectives et la compétition est souvent vive.
Selon les entreprises, on peut identifier plusieurs modalités de gestion de carrière
(Roussillon, 1998).
27
DE NOUVELLES EXIGENCES
Les trois suivantes se rencontrent plus fréquemment dans les fonctions commer-
ciales :
– le modèle de l’ancienneté, qui privilégie l’expérience ;
– le modèle de la cueillette : la promotion se fait selon des logiques de réseaux
relationnels et d’opportunités ;
– le modèle des baronnies : la loyauté et l’allégeance à un dirigeant sont au cœur
de son fonctionnement ;
– le modèle du professionnel, centré sur les compétences et le consensus établi
autour de la personne.
On observe que ces différentes modalités se côtoient bien souvent dans les entre-
prises. Elles valent par leur adéquation avec le projet professionnel et les valeurs
personnelles de chaque commercial.
Conclusion
Il est important, pour être en phase avec les évolutions des organisations et de
leur environnement, de remettre en perspective une vision du management trop
empesée et calibrée, délivrée de façon standardisée dans les formations depuis
plusieurs décennies.
On peut retenir que LE manager commercial n’existe pas… mais que les managers
commerciaux sont divers, nombreux, variés… et qu’ils évoluent au sein de réseaux
de contraintes multiples avec, toujours, la pression de la performance, mais qui asso-
cie de plus en plus performance économique et performance sociale.
Les évolutions des attentes des salariés, des exigences des parties prenantes, des
configurations des organisations et de leurs environnements, impliquent de déve-
lopper des compétences qui vont au-delà des codes classiques du management
commercial établi.
Le manager commercial doit savoir trouver d’autres chemins vers la performance.
28
Chapitre L’élaboration
2 de la stratégie
commerciale et
sa mise en œuvre
façon de faire, les moyens, les délais, les outils sont différents. Les principes restent
néanmoins les mêmes.
Que le manager commercial soit initiateur, responsable ou exécutant de ce proces-
sus, il est essentiel qu’il en connaisse les grands invariants, ceci pour savoir trans-
mettre et communiquer sur le projet, et piloter une déclinaison optimale à tous les
échelons de la fonction commerciale, ceci jusqu’au « vendeur terrain ». En manage-
ment commercial, il est difficile de faire faire si on n’a pas la légitimité de l’expé-
rience et de la connaissance.
Ce chapitre propose donc de dessiner les grands principes de l’élaboration de la
stratégie commerciale et de la première étape de sa mise en œuvre : l’organisation
commerciale.
Il s’organise en trois sections :
Section
1 ÉLABO RER LA STRATÉGIE COMMERCIALE
La stratégie est le lieu où se confrontent pensée et action, elle est faite de mouve-
ments et de réajustements, voire de remises en cause. Les définitions de la stratégie
sont nombreuses et diverses, car elle emprunte à de multiples domaines, dont l’art de
la guerre.
30
Élaborer la stratégie commerciale
Nous retiendrons que : « la stratégie est l’ensemble des desseins, des buts et des
objectifs d’une organisation, ainsi que les principales politiques et les plans pour
atteindre ces buts, établis de façon à définir ce qu’est le domaine d’activité de l’en-
treprise ou ce qu’il devrait être, et le type d’entreprise qu’elle est ou devrait être »
(Christensen, Andrew et Guth, 1965).
La stratégie est un processus (voir figure 2.1), elle inclut le temps et plus particuliè-
rement le long terme. Ainsi, est stratégique toute démarche qui repose sur la définition
de buts à long terme, la détermination des moyens pour les réaliser et la planification
de l’engagement des ressources dans ce délai. L’information et la connaissance sont
centrales au processus stratégique, les dispositifs qui permettent leur captation et leur
traitement également.
La stratégie exprime un choix de positionnement pour l’entreprise dans un univers
concurrentiel changeant, avec deux objectifs : se différencier par rapport au concur-
rent et créer de la valeur (voir figure 2.1).
On peut identifier deux processus stratégiques :
– la stratégie déduite qui identifie les opportunités et adapte ses ressources ;
– la stratégie construite qui utilise ses ressources au gré des opportunités.
Formation
Buts de la stratégie :
Mission • diagnostic
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit.
Mise en œuvre
31
LA STRATÉGIE COMMERCIALE
Analyse externe
PESTEL Choix
Porter stratégiques
Définition Rédaction Implémentation
Intentions
avantage plan de la
stratégiques
concurrentiel stratégique stratégie
Analyse interne
VRIO
DAS
FOURNISSEURS
• Les matières premières
• Le packaging (PET, verre)
• Arômes
• Vitamines
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit.
CONCURRENCE
ENTRANTS POTENTIELS INTRASECTORIELLE
• Internationaux (ex : Coca) Substituts
• Danone, Nestlé Waters, Castel-
• Municipalités, PME Neptune • Eau du robinet
CLIENTS
• Les distributeurs
• Les restaurants
• Les consommateurs
finaux
TOUT EN UN
FONCTIONS TECHNIQUES
CHAUFFAGE
DAS N° 1 : DAS N° 2 :
Les Distributeurs Professionnels Les Professionnels de la Construction
RAFRAICHISSEMENT
ECS
DAS N° 3 :
La GSB
VMC
CHAUFFAGE
FONCTIONS BASIQUES
RAFRAICHISSEMENT
ECS
VMC
Figure 2.4 — Exemple de l’analyse par DAS d’une entreprise du secteur du bâtiment
34
Élaborer la stratégie commerciale
Un DAS se définit par le type de client, la technologie et l’offre. C’est par la tech-
nique de la segmentation qu’on en dessine les contours. Plusieurs DAS forment le
portefeuille d’activités d’une entreprise. Une question importante est d’identifier les
synergies existant entre DAS, cette mise en synergie permet des réductions de coûts
et de l’accroissement de valeur.
Cette entreprise maîtrise six métiers différents et fortement complémentaires :
ventilation, confort thermique, diffusion et distribution d’air, protection incendie,
acoustique, aspiration centralisée.
Promoteurs Promoteurs
Architectes Entreprises Aménageurs
paysager Bureaux
DAS 4
Commercialisation
15 % DAS 6
27 % DAS 3
Communication
18 %
Volet paysager
DAS 1
28 % DAS 2 DAS 6
Concours
5% 7%
Source : Duret, 2009.
Figure 2.5 — Analyse par DAS d’Astridum, société spécialisée dans la réalisation
d’images de synthèse pour les acteurs du bâtiment et de la construction
35
LA STRATÉGIE COMMERCIALE
Tableau 2.1 — Analyse des forces et des faiblesses de l’entreprise S
Les forces Les faiblesses
Général entreprise
Notoriété liée à la forte présence en grand public Manque de clarté sur la stratégie et les objectifs
Potentiel de développement Déficit en processus et schémas d’organisation
Forte culture technique Absence de culture commerciale & marketing
Relations simples, franches et directes Faible exploitation des avantages concurrentiels
Complexité et non homogénéité des organisations
régionales
Manque de pression, de challenge sur les équipes
commerciales
Relations humaines
Discipline, respect des consignes Longue durée dans les postes £ difficulté de remise en
Attachement, fidélité à l’entreprise question
Grande expérience des salariés Déficit d’apports externes £ non-brassage
Convivialité, décontraction dans les rapports des expériences
au quotidien Moyenne d’âge élevée
Niveau moyen des rémunérations £ difficulté
d’accrocher des « stars » en commercial
Gestion
Marketing et commercial
– imitabilité ou facilité à être imité (imitability) : est-ce que cette ressource est
coûteuse à imiter ? (ressource défendable) ;
– organisation (organization) : est-ce que l’organisation est structurée pour
exploiter au mieux cette ressource ? (ressource durable).
Amélioration continue
des opérations d’assemblage Support électronique
Valable, rare, coûteux à imiter : Valable et rare
AC* soutenu AC* temporaire
Téléphone et
Juste à temps Internet
valable et rare Rare et valorisant
AC* temporaire AC* temporaire
Une fois ces avantages concurrentiels et leur valeur bien identifiés, plusieurs stra-
tégies de développement sont alors envisageables.
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit.
37
LA STRATÉGIE COMMERCIALE
38
Élaborer la stratégie commerciale
☞ 5. Les burgers
Le marché des burgers est toujours dominé par McDonalds et Quick. Ce segment est resté
sans autre compétiteur jusqu’à l’apparition de Speed Burger et Jacks. Le positionnement le
plus pertinent est celui de Speed Burger où aucune restauration sur place n’est possible.
Cette enseigne connaît un développement rapide sous forme de franchises (24 à ce jour
avec 15 millions d’euros de CA). C’est un marché à fort potentiel de développement pour la
livraison à domicile.
6. Le poulet
Le segment du poulet est occupé uniquement par KFC, qui connaît un fort succès en France
depuis 2004. Il est en compétition directe avec McDonalds et Quick, car KFC se présente
sous forme de fast-food totalement comparable à ces deux professionnels du hamburger
de bœuf. Le ticket d’entrée est élevé (200 K*) pour accéder à la franchise et l’ambition de
développement de Yum’s Brand (propriétaire de la marque) est très élevée (plus de 200 res-
taurants à l’horizon 2012).
Source : Marteau, 2009.
l’entreprise. Si le choix se porte sur la croissance externe, elle a alors comme sup-
port des alliances stratégiques ou des fusions acquisitions (cas d’Alcatel Lucent, ou
de Pinault Printemps La Redoute ou de LVMH).
une garantie pour la fiabilité des informations sur le client et sur la concurrence.
L’intelligence commerciale se met en place dès cette phase. Cette mobilisation très
en amont permet aussi une bonne appropriation des choix opérés et permet un enga-
gement de la fonction commerciale dans les efforts qui lui seront demandés par la
suite, dans la phase de mise en œuvre.
Il arrive que des managers commerciaux soient amenés à motiver leurs équipes à
mettre en œuvre des actions auxquelles ils n’accordent aucune valeur. Ce phéno-
mène, trop courant, est source de conflit chez le manager commercial et affaiblit
l’engagement des commerciaux.
La figure 2.7 rappelle les principes de cette déclinaison stratégique, sachant que
dans un grand nombre d’entreprises, la direction marketing et la direction commer-
ciale sont assurées par la même personne et le même département.
Stratégie de l’entreprise
Direction générale
Définition de la mission de l’entreprise
Choix du portefeuille d’activité
Formulation des grands objectifs
Stratégie marketing
Direction marketing
Choix des marchés prioritaires
Choix de la politique d’offre
Choix de la politique de distribution
Stratégie commerciale
Direction commerciale
Choix des clients prioritaires
Organisation commerciale
Plans d’actions
Il est alors possible sur cette base de construire le plan d’action commerciale
(PAC).
40
Construire le plan d’action commerciale
Section
2 CONSTRUIRE LE PLAN D’ACTION COMMERCIALE
ET LE DÉCLINER
BUDGET
Développer le CA chez les clients existants Formation à intensifier et/ou spécialisation de la force
de vente
Augmenter la part de marché Baisse des prix et/ou promotion et/ou augmentation
de la prospection
41
LA STRATÉGIE COMMERCIALE
Cet impératif de bien identifier les moyens disponibles demande de mener un audit
de la force de vente. Cet audit comprend deux volets : l’étalonnage vis-à-vis de la
concurrence et un audit de la performance en interne :
– l’étalonnage vis-à-vis de la concurrence amène à pouvoir établir la fiche
d’identité de la concurrence et à bien connaître son organisation ;
Tableau 2.3 — Audit de l’organisation commerciale des entreprises concurrentes
Fiche d'identité concurrence Organisation concurrence
Mode d'organisation
Structure de
Identité Nom, coordonnées, effectifs etc. (fonctionnelle, par marché, en
l'entreprise
BU, etc.
Pression commerciale Nombres de contacts clients par jour ? Sous quelles formes (visites, téléphone...) ?
Système de reporting
42 ☞
Construire le plan d’action commerciale
Temps administratif
des commerciaux
☞
1. Enquête « Marketing Success » commanditée par Xerox et menée par Coleman Parkes Research en mai et
juin 2008 auprès de 460 directeurs marketing de grandes entreprises européennes.
43
LA STRATÉGIE COMMERCIALE
Si les conflits sont évidents, si les deux fonctions doublonnent ou s’il y a concur-
rence pour les ressources ou les financements, il est nécessaire de travailler à
l’amélioration de la coordination. Deux options sont possibles : l’alignement ou
l’intégration.
L’alignement est porté par :
– une communication disciplinée (des réunions régulières, des discussions portant
sur les actions, des relais dans chacun des services, des procédures, des organi-
grammes à jour…) ;
– la multiplication de missions communes et de transferts de personnes : accom-
pagnement des commerciaux par les marketeurs en visite clientèle, implication
des commerciaux dans des réunions d’élaboration des plans marketing… ;
– une cohabitation, avec un rapprochement ou même un partage des locaux ;
– l’intensification des flux d’informations dans les deux sens (marketing → vente :
retour des campagnes de communication, vente → marketing : remontée d’infor-
mation sur les habitudes des clients).
S’il n’est pas souhaitable pour toutes les entreprises d’intégrer marketing et
commercial, toutes ont besoin de cette amélioration des relations entre marketing et
vente pour optimiser leur performance commerciale.
44
Construire le plan d’action commerciale
Une fois la stratégie établie et le plan d’action commerciale élaboré, il est essentiel
d’y faire adhérer l’ensemble des forces commerciales, l’appropriation est la condition
de leur engagement. Il faut également savoir communiquer à l’extérieur de l’organi-
sation, auprès des clients, pour que les messages diffusés dans l’environnement
externe comme dans l’environnement interne soient cohérents. Plusieurs moyens peu-
vent être mobilisés :
En interne : des réunions d’information, une convention de vente, des supports
diffusés auprès des équipes, une communication sur le site de l’entreprise.
À l’extérieur : des plaquettes, de la diffusion media, des supports d’information
mis en ligne.
☞ 45
LA STRATÉGIE COMMERCIALE
46 ☞
Construire le plan d’action commerciale
☞ Début 2009, un changement assez important arrive au sein de la force de vente avec l’ap-
parition d’une nouvelle base de données : Guepard. Cette base de données, très puissante,
donne aux commerciaux une multitude d’informations concernant les différents interve-
nants du marché ainsi que tous les renseignements nécessaires sur les chantiers et projets
en cours ou à venir.
Lors de son entretien annuel, le directeur régional des ventes annonce à Lionel (délégué
commercial) une réévaluation de ses objectifs :
1. passer de 5 à 8 visites quotidiennes ;
2. « nourrir » et tenir à jour la base de données Guepard…
3. tout en maintenant la progression de son CA.
Lionel prévient son directeur régional des ventes qu’il doit faire un choix et que l’applica-
tion de ces 2 règles ne peut être réalisée en même temps : soit il augmente son nombre de
visites au détriment du travail administratif, soit il passe plus de temps à renseigner la base
de données au détriment du nombre de visites.
Le DRV ne veut pas entendre ce type de contre-argument, non pas que ce ne soit pas justifié
mais que cela ne rentre pas dans les ambitions de la société. C’est pourquoi il propose à
Lionel de transformer les contraintes en opportunités, d’auditer son activité et de prendre
trois résolutions :
– mieux organiser ses visites en segmentant mieux les contraintes horaires de ses diffé-
rents clients, il va passer ainsi de 5 à 7 visites en quelques semaines ;
– parier sur la base d’informations et faire le choix de la remplir consciencieusement « au
fil de l’eau », il va se rendre compte assez vite qu’il gagne en efficacité pour ses visites
clients ;
– redéfinir ses priorités en termes de chiffre d’affaires pour continuer à le développer.
Passée une période d’apprentissage où il ne ménage pas ses heures, Lionel va réussir à
atteindre presque les 3 objectifs (7 visites au lieu de 8) et arriver en tête des chefs de secteur
de l’entreprise.
Cas élaboré par Isabelle Barth.
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit.
47
LA STRATÉGIE COMMERCIALE
Section
3 CONFIGU RER L’ORGANISATION COMMERCIALE
La définition des secteurs ou des portefeuilles clients doit avant tout viser l’équité
en termes de potentiels. Il faut aussi tenir compte du temps nécessaire à la gestion
de ce portefeuille clients, dans le cas d’un secteur géographique, les déplacements
devront ainsi être pris en compte, les durées des rendez-vous sont variables selon les
secteurs et la nature des clients mais présumés connus de l’entreprise.
Repères Minicas
1. HM : hypermarchés.
2. SM : supermarchés.
3. RTT : Réduction du Temps de Travail.
48 ☞
Configurer l’organisation commerciale
La notion de potentiel pour un client est souvent évaluée de façon assez subjective
par les commerciaux. Elle est pourtant primordiale car c’est ce critère qui permet de
constituer des portefeuilles ou des secteurs de clients qui correspondront aux objec-
tifs stratégiques de l’entreprise (CA, marge, pourcentage de développement, respect
des coûts, taux de fidélisation, taux de prospection…)1. On observe que la loi de
Pareto appliquée à l’activité commerciale est très souvent respectée, c’est-à-dire que
80 % du CA est en général réalisé par 20 % des clients. L’objectif pour le manager
commercial est d’avoir une estimation plus fine.
Il faut pour cela obtenir régulièrement la mise à jour de certains critères préalable-
ment établis.
Un bon indicateur est le poids que l’entreprise représente dans les achats du client,
à croiser avec le chiffre d’affaires effectif (petit ou gros client) et le taux de crois-
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit.
1. Il existe de nombreux travaux s’appuyant sur des modèles mathématiques qui permettent de travailler à l’op-
timisation des structures de portefeuilles clients, des quotas commerciaux et des systèmes de rémunération. Nous
renvoyons à Rouziès, 2003, 2009.
49
LA STRATÉGIE COMMERCIALE
Secteur Paris n° 6
– Paris : 5e, 6e, 7e,13e, 14e et 15e arrondissements ;
– Boulogne
– Issy-les-Moulineaux (pépinières d’entreprises)
Potentiel du secteur
– forte concentration dans le secteur tertiaire ;
– forte densité d‘administrations ;
– beaucoup d‘hôpitaux parisiens et de cliniques ;
– sièges sociaux d’entreprises ;
– beaucoup de transferts de sites de Paris vers Issy-les-Moulineaux.
Portefeuille d’affaires actif
– dossiers déjà engagés en négociation ;
– prospects identifiés/à suivre/ à relancer.
Top 50 des + gros prospects
– qualifié et suivi (entreprises > 200 personnes).
Fichiers d’entreprises actifs
– 3 fichiers d’entreprises qualifiés (Kompass, CCI, Coface) ;
– total : environ 1 500 entreprises.
Il s’agit de projections complexes mais à fort enjeu car ce potentiel pèse beaucoup
sur la performance du commercial. La notion de perception d’équité est primordiale
dans l’engagement que les vendeurs ont dans leur travail (Darmon, 2001). C’est aussi
un antécédent important de la satisfaction au travail. Et l’on sait que l’engagement
comme la satisfaction sont des vecteurs de la performance… Les modifications de sec-
teurs sont donc à conduire avec beaucoup de pédagogie et en douceur (voir figure 2.9).
50
Configurer l’organisation commerciale
Philippe
76 76 Philippe
René
50 14 50 14 René
27 Christophe 27
29 22 61 29 22 61 Christophe
28 Céline 28
35 53 35 53 Céline
56 72 45 Sophie 56 72 45
Sophie
44 49 41 Benoît 44 49 41
Benoît
37 18 37 18
Gérard Vincent
85 36 85 36
79 Christiane
79
86 86 RECRUTEMENT
Vincent
76 Philippe
50 14
27
René
29 22 61 Christophe
53 28
35
56 72 45 Sophie
44 41
49 Benoît
37 18
36 Céline ou embauche
85 79
86 Vincent
51
LA STRATÉGIE COMMERCIALE
Les missions doivent être clairement décrites et respectées dès le recrutement. Il faut
veiller à une bonne adéquation entre les compétences du commercial et son emploi pour
éviter l’erreur de recrutement. Enfin, l’entreprise peut externaliser tout ou partie de sa
force de vente, pour des surcroîts d’activité ou par désir d’alléger ses charges fixes.
52
Source : Imerys Terre cuite, annonce parue dans Régions Job, avril 2010 ; Indibatp.
Figure 2.10 — Exemples de petites annonces pour commerciaux
Configurer l’organisation commerciale
☞
1. Baromètre Outsourcing Europe 2008 – « De l’externalisation à la fragmentation : business model du
XXIesiècle ? » (www.ey.com).
54
Configurer l’organisation commerciale
On distingue :
– L’organisation géographique, adaptée quand la gamme de produits est homo-
gène et que les clients nécessitent des contacts fréquents et/ou sont dispersés
(services pour les bureaux, grande distribution). Elle est souvent combinée avec
d’autres variantes.
55
LA STRATÉGIE COMMERCIALE
Direction Commerciale
Responsables de secteur
– L’organisation par produits, adaptée quand les gammes de produits sont dis-
tinctes, avec particularités techniques. C’est souvent le cas dans l’industrie
quand le produit demande une certaine expertise technique ou que les DAS sont
très différents. Il faut veiller à la duplication de l’investissement temps chez le
client.
Direction commerciale
Dir. Gamme A Dir. Gamme B Dir. Gamme C Dir. Grands Clients ADV
Ingénieurs Commerciaux
Direction commerciale
Dir. Marché Z Dir. Marché Y Dir. Marché W Dir. Grands Clients ADV et Support
Commerciaux
56
Configurer l’organisation commerciale
Le Category Manager (le catman) est un métier récent. C’est une personne qui
gère ce que l’on appelle une « catégorie de produits ». Par exemple, chez Mars, les
barres chocolatées, les produits destinés aux enfants, les tartinables, mais aussi les
produits que l’on trouve en linéaire, devant les caisses, ou en promo. Il est l’interface
marketing-vente à l’interne comme en externe. Son objectif est de « coller » aux
besoins des distributeurs pour leur proposer des solutions qui augmentent leurs
ventes de la catégorie en général.
Le Category Manager a deux activités distinctes :
– à l’intérieur de la société, il absorbe les stratégies marketing, les adapte et les
synthétise pour les transformer en actions pour les commerciaux ;
– à l’extérieur de la société, il partage avec les distributeurs les analyses de sa
catégorie et lui propose des stratégies shoppers adaptées pour développer son
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit.
chiffre d’affaires.
57
LA STRATÉGIE COMMERCIALE
Conclusion
Être manager commercial, c’est être un passeur, entre la réflexion et l’action, entre
l’interne et l’externe de l’entreprise, et entre la fonction marketing et commerciale.
La transversalité est de mise, et le travail en mode projet de plus en plus courant, ce
qui requiert des compétences relevant de différents domaines, et pas seulement limi-
tées au seul périmètre commercial.
Le manager commercial n’est pas le propriétaire du client mais il en reste l’inter-
locuteur privilégié. Cette connaissance particulière, cette intimité l’autorise à inter-
venir très en amont des élaborations stratégiques, et à décliner intelligemment les
axes en actions opérationnelles auprès de ses équipes.
Il construit sa légitimité dans sa capacité motrice à décliner dans les activités
commerciales les plus quotidiennes les ambitions stratégiques de l’entreprise.
58
Chapitre
Le pilotage
3 de l’activité
commerciale
59
LE PILOTAGE DE L’ACTIVITÉ COMMERCIALE
Section
1 LA DÉFI NITION ET LA MISE EN PLACE
DES OBJECTIFS
Deux principes animent cette mise en place des objectifs commerciaux : la décli-
naison et la négociation. En effet, c’est selon un processus bottom up et top down1
que se dessine le cadre de l’activité de chaque commercial. Comme la négociation
est intrinsèque au métier commercial et que les enjeux sont importants compte tenu
des modalités de rémunération de ces métiers, la négociation est de mise.
1. Nous gardons l’expression anglo-saxonne, faute de traduction française véritablement usuelle dans les entre-
prises : top down décrit le processus descendant, bottom up, le processus ascendant.
60
La définition et la mise en place des objectifs
gaz », avec des énoncés qui restent obscurs ou incompréhensibles, voire contra-
dictoires. Cela se traduit en règle générale par un désengagement des équipes
comme du management, et au retour de l’évaluation « à la tête du client » ;
– mesurable pour piloter et animer la progression des vendeurs vers l’objectif.
Rappelons qu’il n’existe vraiment de performance que mesurable. Elle est à la
fois un effort, un résultat et un succès. Les objectifs fixés doivent servir ces trois
dimensions pour jouer pleinement leur rôle : un énoncé comme « passer de 4 à
5 visites jour sur le 2e trimestre » relève de cette triple exigence ;
– accessible pour maintenir la motivation des vendeurs. En effet, le manager peut
être tenté de mettre la barre très haut pour « booster » ses équipes, on observe
souvent ce phénomène dans les périodes difficiles, ce qui est finalement assez
absurde. Or, quand l’obstacle est trop haut, il y a en général deux attitudes :
l’échec qui décourage et le contournement, évitement. Dans les deux cas de
figure, le résultat n’est pas au rendez-vous. Il faut éviter des objectifs radicaux
comme « réduire les impayés de 10 à 0 % » ;
– compatible avec la stratégie commerciale de l’entreprise. Comme la stratégie
commerciale est la déclinaison de la stratégie globale, les objectifs fixés à cha-
que vendeur sont une déclinaison de cette stratégie, et leurs résultats ont pour
but de la mener à bien. Cette mise en cohérence est très importante pour le sen-
timent d’appartenance et pour le sens qu’elle confère aux actions engagées.
Ainsi « augmenter les ventes du secteur de 5 % » est un objectif tout à fait per-
tinent si le plan d’action commerciale de l’entreprise prévoit ce développement
dans les mêmes volumes ;
– spécifique à chaque vendeur. Chaque commercial est différent, du fait de sa
personnalité, de son expérience, de ses contraintes personnelles… Il en va de
même de son environnement professionnel : ainsi, un secteur peut être plus ou
moins concurrentiel, les clients ont des évolutions différentes… Tout cela est à
prendre en compte dans la fixation des objectifs, le manager doit être capable
d’une adaptation individuelle, sans toutefois avoir de trop grands écarts à la
moyenne de l’équipe, afin de sauvegarder la cohésion ;
– gratifiant, ce qui signifie qu’atteindre cet objectif contribue à l’estime de soi et
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit.
61
LE PILOTAGE DE L’ACTIVITÉ COMMERCIALE
Les objectifs quantitatifs sont beaucoup plus classiques, ils évaluent des volu-
mes, du temps, des kilomètres… et sont facilement adoptés par les deux parties pour
leur aspect objectif. Ils ne relèvent pas de la performance finale qui reste financière,
mais en sont des intermédiaires importants.
62
La définition et la mise en place des objectifs
Les objectifs financiers ne sont pas toujours présents car non significatifs dans
certaines activités (chef de secteur sans négociation, personne au contact sans acte
de vente directe…). On observe qu’ils ont encore la plus grande légitimité ; ainsi,
en cas d’évaluation mixte (présence des trois types d’indicateurs), ils justifient tout.
Un vendeur très performant reste encore souvent un vendeur réalisant le plus gros
chiffre d’affaires.
Les objectifs peuvent aussi être répartis par famille, on peut identifier :
– l’activité : avec des objectifs quantitatifs (augmentation du CA, du volume, de
la marge…) et qualitatifs (délais de paiement, acomptes…) ;
– la stratégie : concentration sur des couples produits/segments, faire basculer un
client d’un produit A à un produit B, prospection d’une nouvelle clientèle…
– le relationnel : accroître la fréquentation des clients, accroître le nombre de visi-
teurs à la journée portes ouvertes, développer des relations avec telle cible…
– les compétences : améliorer sa conclusion dans la vente, mieux maîtriser tel
logiciel, suivre telle formation…
– l’offre : accroître le taux de transformation de certaines offres, accroître la fré-
quence ou le nombre de certaines offres pour tel segment…
– le suivi administratif : améliorer le reporting, mettre en place un check store…
– le pilotage de l’activité : mieux gérer son temps, mieux organiser ses tournées…
– la contribution à la veille commerciale : remontées d’information sur la
concurrence, sur le client…
– le comportement : ponctualité, tenue vestimentaire, taux de conflit…
☞ 63
LE PILOTAGE DE L’ACTIVITÉ COMMERCIALE
64
La définition et la mise en place des objectifs
Une compréhension
Des attentes claires
commune
Planification en terme de contribution
des priorités et des objectifs
des individuelle et collective
de l’organisation
performances
Quel est mon rôle ?
Vers où nous dirigeons-nous ?
Reconnaissance
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit.
Feed back
et
continu
développement
Se donner les moyens
Améliorer l'engagement
via un feedback et un
grâce à une reconnaissance
apprentissage
significative et à Entretien de
régulier
des activités ayant du sens performance
De quoi avons-nous besoin
Qu’ai-je à y gagner ?
pour réussir ?
Termignon, 2003.
Figure 3.1 — Les éléments clefs du processus de management des objectifs
commerciaux
65
LE PILOTAGE DE L’ACTIVITÉ COMMERCIALE
Il faut rappeler qu’animer une équipe, c’est créer une synergie entre tous les
membres de l’équipe dans le respect des différences de chacun. Le manager
commercial doit, pour ce faire, parfaitement connaître chacun de ses collabora-
teurs, et adapter les objectifs de façon à les rendre équitables (ce qui ne signifie
pas : identiques).
Le premier paramètre est l’expérience du vendeur :
– on attend d’un vendeur débutant qu’il exprime des qualités de base nécessaires
à un vendeur puis ensuite une bonne adaptation et enfin des résultats ;
– le vendeur junior est jugé sur ses résultats mais aussi son adaptation à l’entre-
prise et son apport à l’équipe ;
– le vendeur confirmé est également soumis à l’exigence de résultats mais en
bénéficiant de beaucoup plus d’autonomie.
66
La définition et la mise en place des objectifs
3 Le processus budgétaire
3.1 Du prévisionnel des ventes au budget commercial
Le prévisionnel des ventes est un document qui indique la quantité d’articles que
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit.
67
LE PILOTAGE DE L’ACTIVITÉ COMMERCIALE
que financiers, ses répercussions sur l’activité du service commercial sont nom-
breuses. On peut retenir plus particulièrement que :
– c’est à partir des prévisions de vente que sont définis les objectifs commerciaux
quantitatifs et financiers ;
– une bonne gestion des stocks suppose une parfaite connaissance des clients que
les commerciaux sont donc amenés à garder à jour.
À partir du prévisionnel des ventes, chacun établit son budget. Le budget est
ensuite toute l’année le fil rouge de l’activité commerciale : on est « en retard sur le
budget », ou « dans le budget », ou bien encore « en avance sur le budget ». C’est
donc l’occasion de féliciter les équipes, de les encourager ou, au contraire, de tirer
la sonnette d’alarme.
L’exercice budgétaire réclame des compétences de gestionnaire et permet de véri-
fier le potentiel de chaque commercial.
Il est demandé dans beaucoup d’entreprises, au middle management (chef des
ventes) de fournir le chiffre d’affaires attendu chaque mois, les coûts qui y seront
associés (frais de déplacement, de restauration, cadeaux de fin d’année), et donc la
marge correspondante.
Section
2 L’ANIMATION DE L’ACTIVITÉ COMMERCIALE
Même dans un contexte de forte incertitude, avec la pression accrue des action-
naires et des objectifs qui peuvent être considérés comme difficiles à réaliser, le
manager commercial doit tout mettre en œuvre pour que ses équipes se rapprochent
des résultats attendus. Pour cela il peut mobiliser un dispositif d’animation avec plu-
sieurs leviers : la rémunération, les incentives et le pilotage de la performance.
68
L’animation de l’activité commerciale
1 La rémunération/rétribution
1.1 Le salaire fixe
Le système de rémunération doit être à la fois motivant pour les vendeurs et ren-
table pour l’entreprise. Sans oublier qu’il est possible d’en faire un outil de mana-
gement si l’on opte pour une part de variable collectif.
Le salaire fixe sécurise et, de ce fait, dans un contexte d’incertitude forte, il est
de plus en plus exigé des salariés commerciaux, tout particulièrement chez les
jeunes entrants.
Si le salaire fixe rétribue un niveau de responsabilité et la maîtrise d’un poste de
travail, la partie variable rémunère les résultats et la performance.
Globalement (enquête Maesina Hewitt, 20081), et depuis déjà des années, le niveau
du variable tend à diminuer dans la rémunération des commerciaux, quand, dans le
même temps, les rémunérations incluent de plus en plus souvent cet élément
variable.
Il faut également tenir compte de la répartition de la performance commerciale entre
plusieurs services des entreprises (centre d’appel, Internet, le marketing direct…).
une vente est simple, plus la part de variable est normalement importante. Les direc-
teurs commerciaux ont en moyenne 24 % de leur rémunération globale variable,
chiffre qui est de 15 % pour les chefs des ventes régionaux (enquête Maesina
Hewitt, 2008).
Longtemps basée sur le CA et individuelle, la part variable intègre de plus en plus
souvent des objectifs qualitatifs et est associée à des objectifs collectifs. Une bonne
façon de pouvoir additionner des critères quantitatifs et qualitatifs est de passer par
l’intermédiaire de points (voir l’encadré ci-après). Le mode de calcul doit, comme
les objectifs, rester simple et compréhensible, sous peine de voir les commerciaux
se désengager.
1. L’enquête Maesina Hewitt a sondé les DRH de 240 entreprises représentant 7 500 collaborateurs aux fonc-
tions commerciale et marketing. 69
LE PILOTAGE DE L’ACTIVITÉ COMMERCIALE
200,000.00 €
150,000.00 €
100,000.00 € 10
8
6
50,000.00 € 5
4 3 2 1
0.00 €
.
A.
.
.
S.
.
.L
.
.
.B
M
N
.M
JP
V.
B.
S.
J.
E.
C
M
70
L’animation de l’activité commerciale
Quel qu’il soit, le dispositif doit être compris et accepté par les vendeurs, dont la
perception peut être assez différente de l’un à l’autre. C’est au manager commercial
d’effectuer la synthèse et d’individualiser cette information auprès de chacun des
membres de son équipe.
La rémunération est un élément essentiel du contrat de travail. Elle doit être déterminée ou
déterminable. S’agissant d’une rémunération variable, le plus souvent, elle n’est que déter-
minable, c’est-à-dire que son montant est lié à l’application d’une formule définie dans le
contrat. Cette formule doit être précise et reposer sur des critères objectifs, indépendants
de la volonté de l’employeur.
La clause de rémunération variable comprend ainsi trois éléments essentiels : la formule de
calcul, la méthode de définition des objectifs, et les conditions et modalités de règlement de
cette rémunération. Il n’est pas interdit de prévoir, dans le contrat, que les objectifs seront
annuellement fixés par une décision unilatérale de l’employeur. Cette formule implique que
le salarié n’a pas à accepter ces objectifs. Mais il est indispensable qu’ils soient définis en
fonction de données objectives. ils doivent être sérieux et réalisables. Il n’est pas inutile
d’écrire qu’ils seront définis chaque année en fonction, par exemple, de la situation du mar-
ché ou des résultats passés de l’entreprise. En revanche, il faut savoir que la contractualisa-
tion de la rémunération variable a pour effet de la figer. Prévoir dans le contrat que le salarié
aura droit à une rémunération variable oblige nécessairement l’employeur à la payer, même
si les éléments de calcul de cette rémunération ne sont pas prévus. Il appartiendra au juge,
le cas échéant, de « découvrir » le montant de cette rémunération, au regard des éléments
portés à sa connaissance : pratiques antérieures, pratiques à l’égard d’autres salariés.
Il faut savoir qu’il existe d’autres outils juridiques que le contrat pour mettre en place un
système de rémunération variable. Ainsi, l’employeur peut unilatéralement prendre l’enga-
gement de verser aux commerciaux une rémunération variable en définissant les critères
objectifs de calcul et les objectifs à atteindre. Cet engagement doit être écrit, via une note
de service ou un plan de commissionnement porté à la connaissance des salariés (mais sur-
tout pas par un avenant, qui contractualiserait cette rémunération). Il faut également pré-
ciser que cet engagement est applicable pendant une durée déterminée. Ainsi, à l’issue de
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit.
Le profil psychologique des commerciaux garantit une appétence pour les objec-
tifs et la compétition. La part variable du salaire, sur la base d’objectifs individuels
et collectifs, est déjà très stimulante en soi pour ces populations (le transfert à
d’autres métiers de l’entreprise n’est pas dans l’évidence). La mise en œuvre d’une
politique de stimulation et d’actions d’incitation (les incentives) entretient ce désir
de se dépasser de façon plus durable et efficace.
2 Les incentives1
1. Nous gardons le terme anglais car il est le seul utilisé dans les entreprises de façon courante.
72
L’animation de l’activité commerciale
cipants. Le Web est l’outil idoine, à condition que les animations soient menées de
façon dynamique et constamment mises à jour.
☞ 73
LE PILOTAGE DE L’ACTIVITÉ COMMERCIALE
74
L’animation de l’activité commerciale
C’est une marque de reconnaissance, assortie ou pas d’une rétribution. C’est l’oc-
casion pour les meilleurs de monter sur l’estrade lors de la convention de vente ou
de recevoir une lettre (ou un e-mail) de félicitations publiques.
Là encore, tout est affaire de connaissance de la personne et du contexte. Dans
certaines entreprises, ce type de reconnaissance est très apprécié, dans d’autres, on
préférera s’abstenir et remplacer la médaille ou les applaudissements par de l’argent
sonnant et trébuchant.
C’est le manager commercial qui « sait ». Comme c’est lui qui va savoir dire
tout simplement « merci » quand un de ses collaborateurs aura accompli une
belle performance.
La reconnaissance est ce qui manque le plus dans notre société, dans les entre-
prises comme ailleurs et la fonction commerciale n’est pas épargnée.
75
LE PILOTAGE DE L’ACTIVITÉ COMMERCIALE
Section
3 LA MISE EN PLACE DU PILOTAGE
DE LA PERFORMANCE COMMERCIALE
Les indicateurs les plus couramment utilisés par les entreprises (Ingram et al,
2001), restent les volumes de vente (pour 79 %) avec des éléments de comparaison
par rapport aux années précédentes (76 %). Si le volume des ventes par rapport aux
objectifs, ou celui des nouveaux clients sont encore respectivement mobilisés à 65 %
et 42 %, le volume des ventes par canal de distribution l’est encore peu (4 %).
Le nombre de clients perdus (33 %) est bien plus mobilisé que le nombre de
clients avec des impayés (15 %).
Le nombre de visites effectuées est utilisé à 48 % mais le nombre de devis l’est
seulement à 21 %, et le ratio de visites planifiées sur visites non planifiées n’est qua-
siment pas retenu (3 %).
Les indicateurs portant sur la gestion du temps, comme le temps moyen consacré
par visite sont encore peu présents. Par contre, l’aptitude à communiquer (utilisée
par 88 % des entreprises), comme les apparences et les manières (75 %) sont des
éléments d’évaluation très appréciés.
AXE FINANCIER
AXE VISION
PROCESSUS AXE CLIENT
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ET
INTERNE STRATÉGIE
AXE
APPRENTISSAGE
Pour réaliser notre vision,
ET comment allons-nous maintenir notre
INNOVATION aptitude au changement ?
– Sursalaire : activité réalisée par un vendeur qui aurait pu être réalisée par un
collaborateur, ou une activité réalisée par un responsable pour suppléer l’ab-
sence ou la non-compétence d’un commercial.
– Surtemps : activité ayant consommé plus de temps car réalisée par un collabo-
rateur dont ce n’est pas l’activité, ou activité réalisée plusieurs fois pour remédier
78
La mise en place du pilotage
Tableau 3.2 — Synthèse du calcul des coûts cachés dans la fonction commerciale
Activités
réalisées
et non
programmées
Activités
programmées
sans compé-
tence
spécifique
Turn-over
Contre-perf
ciblage client
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Contre-perf
ciblage produit
Contre-perf
commerciale
Total
79
LE PILOTAGE DE L’ACTIVITÉ COMMERCIALE
Trop souvent, les commerciaux passent leur temps à produire des chiffres au détri-
ment d’un véritable pilotage de leur activité. La décentralisation de cette fonction de
contrôle est une réponse au besoin d’autonomie des vendeurs et à leur développe-
ment de compétences (Darmon, 2001). Il est aussi la garantie d’un audit en temps
réel de l’activité du vendeur.
Le tableau de bord est l’outil le plus approprié à condition de savoir repérer des
indicateurs clefs, synthétiques et peu nombreux. Deux principes sont importants :
– le principe de contrôlabilité : un manager ne peut être tenu responsable que sur
la base des variables sur lesquelles il a une réelle maîtrise et donc, des possibi-
lités d’action ;
– le principe de cohérence : les indicateurs de performance doivent permettre la
cohésion au sein de l’organisation et faire partie d’un système intégré, conver-
geant vers l’atteinte des objectifs organisationnels globaux.
RUBRIQUES INDICATEURS
(nom et contenu)
Qualitatifs Quantitatifs Financiers
1. Gestion du temps
Liste des tâches urgentes à faire X
Planning général des opérations commerciales X
☞
80
La mise en place du pilotage
☞ 4. Processus de changement
Liste des dysfonctionnements et des coûts X X X
cachés
Actions correctrices mises en œuvre et affectées X X
5. Stratégie de l’entreprise
Plan d’actions prioritaires budgétées du X X X
semestre en cours
Plan d’actions stratégiques internes et externes X
Cappelletti, 2009.
Il est important que les retours des entretiens annuels et les rétributions associées
soient rendus accessibles à tous (au moins dans leurs grandes lignes). Sinon, il y a
un risque que des rumeurs mettent à mal la confiance dans le manager et minent la
cohésion de l’équipe. Le manager ne doit pas sous-estimer la capacité de manipula-
tion de certains de ses collaborateurs, qui peuvent par exemple faire courir le bruit
qu’ils ont perçu toutes leurs bonifications, alors qu’il est de notoriété publique qu’ils
n’ont pas atteint leurs objectifs.
Le manager commercial, même s’il peut aller très loin dans l’évaluation du
comportement de ses collaborateurs, doit garder une certaine distance et une éthique
dans son attitude ; ne pas se laisser aller à des jugements de valeur est essentiel,
l’objectif est de rester centré sur l’activité. L’évaluation annuelle n’est pas un ins-
trument du pouvoir du manager sur ses collaborateurs, il est l’aboutissement de la
contractualisation des objectifs personnels de chacun avec ceux de l’entreprise qui
les emploie, et dont le manager commercial est, à ce moment de vérité, le porte-
parole.
Conclusion
M anager les équipes de vente, c’est à la fois donner un cap et les moyens
de l’atteindre, c’est veiller à ce que les résultats soient obtenus dans le
respect de méthodes et de comportements souhaités et préalablement définis. C’est
admettre que la performance commerciale est à la fois économique et sociale et que
ces deux pôles se complètent et se challengent respectivement. La stratégie est
écrite, comprise, le plan d’action est établi, il faut maintenant le faire vivre. Il faut
animer, motiver… et contrôler la performance d’une équipe.
Le management commercial doit actuellement relever trois défis : le fort déficit de
projets professionnels dont souffrent les métiers de la vente, surtout chez les jeunes
diplômés ; une image dégradée de la fonction et des missions qui lui sont associées ;
des attentes nouvelles des salariés, tout particulièrement des nouveaux entrants sur
le marché du travail.
C’est dans le contexte de cette « nouvelle donne RH » que les managers commer-
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit.
83
L'ANIMATION DES FORCES DE VENTE
Nous proposons, dans ce chapitre, de confronter ces modèles aux pratiques recon-
nues comme les plus légitimes en entreprise. Nous proposons ensuite de repenser
l’animation managériale tout au long du cycle de la carrière commerciale.
Nous organisons donc ce chapitre autour de trois thèmes :
Section
1 LA MOTI VATION ET LA PERFORMANCE :
DEUX CONCEPTS ESSENTIELS
DU MANAGEMENT COMMERCIAL
1 Le moteur de la motivation
84
La motivation et la performance
85
L'ANIMATION DES FORCES DE VENTE
Coût perçu
Bien calibrer le temps à passer,
l’effort à fournir pour sa réalisation
86
La motivation et la performance
87
L'ANIMATION DES FORCES DE VENTE
Variables personnelles,
organisationnelles
et environnementales
Perceptions du rôle
Aptitude Récompenses
Médiation Satisfaction
Performance interne Intrinsèque
Médiation Extrinsèque
Savoir-faire externe
Motivation
88
La motivation et la performance
bon vouloir. Beaucoup de petites entreprises développent ainsi leur activité commer-
ciale sans avoir de procédures bien établies, souvent faute de temps.
Il faut cependant admettre que ces modèles explicatifs, et les pratiques managéria-
les qui en sont issues, se heurtent de plus en plus à des comportements nouveaux et
inédits des commerciaux, qui mettent en difficulté les managers commerciaux les
plus aguerris. Cette évolution sociétale doit être comprise et prise en compte.
Les managers commerciaux sont de plus en plus en difficulté devant les compor-
tements de leurs équipes, surtout quand il s’agit de jeunes entrants. Il existe une
véritable incompréhension qui creuse un fossé entre les générations. Il est impor-
tant de comprendre, pour éviter que le dialogue ne se rompe au détriment de tous,
jeunes, managers confirmés et entreprise. Qu’attendent ces plus jeunes de la vie
professionnelle ?
Tout d’abord, ils expriment un énorme besoin de reconnaissance (Régnault,
2009), ils souhaitent être écoutés et être situés au cœur des processus. Le mana-
gement (avec des différences culturelles selon les pays, il est vrai) est souvent
en déficit de félicitations et il faut se rappeler que dans les rétributions de nature
symbolique, le remerciement est central, d’autant plus si on lui donne un carac-
tère public (copie de mail, affichage). Dans une enquête CEGOS de 20081, 35 %
des vendeurs se disaient « franchement pas satisfaits de la reconnaissance des
efforts fournis ».
Cette génération des 20-30 ans (souvent appelée génération Y) est axée sur les tech-
nologies de l’information, « mondialisée » – les jeunes entrants ont souvent eu des
expériences à l’international au cours de leurs études – ils se montrent aussi habiles
négociateurs et sont à l’aise pour communiquer. On constate aussi un phénomène qui
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit.
1. Enquête CEGOS way of learning, « Management et motivations des commerciaux », juin 2008.
89
L'ANIMATION DES FORCES DE VENTE
gression rapide, sans forcément « avoir fait ses preuves », pose aussi problème à des
entreprises qui n’ont pas toujours d’évolution de carrière à offrir.
Le risque managérial est de rentrer dans une lecture de catégorisation par les âges,
qui opposerait les plus jeunes aux autres, avec les dérives vers les stéréotypes, et
poserait une méfiance a priori vis-à-vis des jeunes entrants sur le marché du travail.
Pour dépasser ces oppositions, le dialogue intergénérationnel, l’envie de se
connaître doivent être activés par les managers commerciaux, chaque fois qu’ils en
ont l’opportunité : lors des recrutements, des formations, des accompagnements en
clientèle ou des réunions d’équipe.
90
La motivation et la performance
Seniorline propose aux entreprises travaillant sur le marché des seniors par le biais du mar-
keting téléphonique de mettre à leur disposition des téléconseillers seniors « qui partagent
les mêmes codes culturels et instaurent une relation privilégiée » avec leurs clients. « Pour
échanger sur des thèmes ou des produits dans le domaine de la retraite, la santé ou la dépen-
dance, il y a un blocage de la part des particuliers à échanger avec un téléconseiller à peine
sorti de l’adolescence ».
Grand Optical a embauché du personnel senior de manière à ce qu’il puisse mieux commu-
niquer avec les acheteurs du même âge, notamment en ce qui concerne la presbytie qui se
déclenche en général à partir de 45 ans. La plupart des salariés de ce magasin ont connu de
longues périodes de chômage, parfois jusqu’à sept ans d’affilée. « À leur embauche, ils ont
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit.
tous été reconnaissants d’avoir cet emploi. Du coup, ils ont un rapport au travail très différent
de celui des jeunes, car ils savent que c’est leur dernière chance » indique l’une des directrices
de cette enseigne. Autre point souligné par la direction : contrairement aux idées reçues, le
nombre des arrêts maladie n’est pas plus important, toutefois, il convient de préciser que
même si les seniors sont plutôt moins absents que les jeunes, en cas de maladie, ils sont
arrêtés pendant de plus longues périodes.
D’après Senioractu.com et Barth, Falcoz, 2007.
91
L'ANIMATION DES FORCES DE VENTE
Section
2 DEUX MOMENTS CLEFS : LE RECRUTEMENT
ET L’INTÉGRATION DU COMMERCIAL
ment) traduit la façon dont le salarié a une attitude positive dans l’organisation, et
l’engagement (attaché à la sphère professionnelle) se définit comme l’identification
psychologique avec le travail, le travail contribuant à l’estime de soi. Ces deux
concepts sont très proches et les distinguer permet d’éclairer ce que doit chercher à
mettre en œuvre le management commercial. Il est possible de mesurer le degré
d’engagement et d’implication d’un vendeur en lui demandant de se positionner vis-
à-vis de certaines affirmations.
93
L'ANIMATION DES FORCES DE VENTE
Repères
Évaluation de l’implication et de
l’engagement dans l’entreprise (extrait
de questionnaires)
Cette tension implique également une moindre maîtrise du turn-over des commer-
ciaux qui ont toute facilité pour aller vers des offres d’emploi jugées plus attractives,
si ce n’est dans le contenu, du moins dans la rétribution.
Au coût d’un recrutement s’ajoute l’exigence d’un retour sur investissement le
plus rapide possible de l’intégration du nouveau commercial. Les entreprises cher-
chent souvent des valeurs sûres et efficaces, délaissant souvent les jeunes diplômés
au profit des commerciaux avec expérience (30 % d’intention de recrutement vs
70 %, source Apec 2009). Il s’agit alors de voir le recrutement d’un commercial
comme un véritable enjeu stratégique pour l’entreprise.
Il faut être capable d’identifier des candidats avec un réel potentiel commercial. Parmi
les nombreux référentiels existants, on observe une certaine convergence vers quelques
aptitudes spécifiques et évaluables lors des différents entretiens ou tests qui jalonnent
le processus de recrutement. On peut en retrouver une synthèse dans le tableau 4.1, qui
distingue selon les deux principales phases de la vente, phase tactique (face-à-face) et
phase stratégique (approche de compte), quatre types de ressources : les connaissances,
les savoir-faire opératoires, les qualités personnelles et l’expérience.
Tableau 4.1 — Ressources individuelles et phases de vente
TACTIQUE VENTE STRATÉGIE VENTE
OPÉRATOIRES nication non verbale, des techniques de de crise, maîtrise des techniques de commu-
communication, de la gestion de conflit. nication.
☞
L'ANIMATION DES FORCES DE VENTE
EXPÉRIENCE Capacité à faire face à des situations Homme de réseau, sens des responsabilités,
inattendues, capacité à penser en termes capacité à faire face à des situations
de résultats et à trouver des solutions aux inattendues, capacité à trouver
problèmes des clients. des solutions aux problèmes des clients.
Schillio, 2004.
3 L’intégration
L’enjeu des premières minutes, premiers jours, premières semaines dans l’entre-
prise est vital pour une intégration pérenne et pleinement réussie. L’attachement à
l’entreprise ne va pas de soi et beaucoup de nouveaux arrivants subissent de plein
fouet le décalage entre ce qu’on leur avait promis lors du recrutement et la réalité
d’une entreprise qui ne se donne pas les moyens de les accueillir. Là encore, il faut
accepter la notion d’un investissement en temps auquel sont encore peu sensibles les
managers. Trop d’entreprises voient leurs commerciaux partir avant d’avoir pu
commencer à développer une activité rentable, les prises de conscience se font sou-
vent quand le phénomène devient trop massif ou obère la performance.
Pour se faire, il faut :
– préparer au minimum les quatre premières semaines du nouvel embauché en
veillant à la disponibilité des interlocuteurs ;
– informer les personnes concernées dans l’entreprise de son arrivée ;
– alterner formation théorique et accompagnement terrain ;
– pour les commerciaux, organiser les premiers accompagnements terrain avec
des vendeurs et sur d’autres secteurs que le sien ;
– attendre 4 semaines avant de le laisser rencontrer ses propres clients, d’abord
accompagné par le chef des ventes, puis seul, après une formation suffisante ;
– faire un point fréquent avec le nouvel embauché ;
– interroger les collaborateurs ayant participé à la formation.
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit.
Section
3 LA GESTION DE LA CARRIÈRE D’UN COMMERCIAL
1 La formation
Ce triptyque est essentiel à l’heure où les commerciaux, comme tous les autres
salariés, ont des attentes de plus en plus fortes de développement personnel. Une
entreprise qui sait communiquer sur sa capacité à « faire grandir » ses salariés
acquiert une image positive et peut prétendre à intégrer des forts potentiels sur
d’autres critères que le seul salaire.
La formation peut être intégrée, elle se pratique alors pendant l’activité profes-
sionnelle :
– en direct : le manager commercial est en première ligne pour assurer les accom-
pagnements de ses commerciaux, comme observateur et évaluateur du salarié en
action (c’est le cas de l’accompagnement en visite client par exemple). Il doit
être à même de conduire l’animation de formations pour l’ensemble de son
équipe, ou pour d’autres personnes de l’entreprise sur des points d’expertise
qu’il connaît particulièrement (un chef des ventes peut être sollicité lors d’un
stage d’intégration sur la présentation d’un produit ou d’une clientèle) ;
– comme client interne de la RH : on lui demande d’être à même d’auditer
les besoins en formation de ses équipes afin de savoir commander les forma-
tions à la direction des ressources humaines ou de la formation. Cela impli-
que une pleine connaissance, toujours actualisée, de l’état des compétences
maîtrisées par les commerciaux comme celles attendues par l’évolution de
l’activité ;
– au moment de l’intégration de stagiaires, d’apprentis : quand l’entreprise fait
le choix de ce mode d’intégration avec des voies comme l’alternance, c’est sou-
vent le manager commercial qui est désigné comme tuteur ou maître d’apprentis-
sage. Il s’agit alors d’un encadrement bien spécifique avec des exigences particu-
lières, centrées sur la formation du jeune, et l’interaction avec son centre de for-
mation, sans que ce soit au détriment de la performance attendue sur le terrain ;
– comme détecteur de talents : c’est souvent le manager intermédiaire qui
détecte les potentiels qui seront amenés à progresser dans l’entreprise, quitte à
les voir amorcer une carrière qui s’annonce plus rapide et plus prometteuse que
la sienne ;
– comme gardien de l’équité : car il lui faudra aussi veiller à garantir l’accès à
cette offre de formation auprès de personnes moins directement prometteuses.
C’est le cas des seniors, souvent discriminés vis-à-vis de la formation, sur l’ar-
gument du temps limité qu’ils auront pour mettre en œuvre leurs nouvelles
connaissances, et qu’on installe ainsi dans un cercle de démotivation nuisible à
toute l’organisation ;
– pour participer à des groupes de projet : en tant qu’expert, le manager
commercial peut être sollicité pour contribuer à la conception de modules de
formation en présentiel ou, de plus en plus souvent, en e-learning, soit pour
l’élaboration d’un cahier des charges, soit plus directement dans la conception
même de la formation ;
98
La gestion de la carrière d’un commercial
– comme coach : on évoque souvent l’idée d’un « manager coach », montrant par
là même que la dimension de stimulation et d’accompagnement ne va pas for-
cément de soi dans le métier de manager. La logique de la performance sportive
s’est déplacée au monde de l’entreprise et il faut admettre que les similarités des
deux domaines sont fortes. En effet, sport et vente sont deux activités humaines
confrontées à une logique de performance. Il s’agit d’atteindre des objectifs
ambitieux et de relever constamment des défis. Comme le coach sportif, le
manager commercial est amené à créer la cohésion de groupe, à amener ses ven-
deurs à se transcender (en dépassant la jouissance immédiate de la réussite), et
à sanctionner les hors-jeu ;
– en tant que confident : on observe la place du manager de proximité dans la satis-
faction au travail de ses commerciaux, particulièrement chez les plus jeunes d’en-
tre eux ; cet attachement de nature affective est très fréquemment observable et mis
en évidence dans certaines recherches menées chez les jeunes entrants sur le mar-
ché du travail (Carlson et Perrewe, 1999) : « J’aime mon manager ».
La formation est en général prise en charge par la direction des ressources humai-
nes. Les commerciaux ont souvent droit à des formations « directement utiles » :
techniques de vente, techniques de négociation, présentations des nouveaux pro-
duits, nouvelles réglementations… alors qu’ils aspirent souvent à des formations
portant sur le savoir-être (gestion du temps, lâcher prise, confiance en soi…). La
politique de formation des entreprises est souvent le reflet du style de management
global de l’entreprise.
Le but est de les remettre en phase avec les attentes de l’entreprise, et surtout de
comprendre et d’analyser la situation. On constate souvent qu’au sein d’une même
équipe les uns sont en avance et les autres en retard par rapport aux objectifs, pour-
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit.
tant établis avec leur accord. Il est important de savoir féliciter, encourager ou réagir
pour les aider à avancer.
L’enjeu du rendez-vous d’évaluation, qu’il soit intermédiaire ou annuel, est très
important pour le commercial : c’est souvent une des rares occasions qu’il aura de
voir son manager dans un face-à-face qui portera sur « lui ». Le manager doit savoir
que le commercial attend énormément de ce rendez-vous et pas uniquement le mon-
tant maximal du variable ou le déclenchement de la prime.
Le rendez-vous doit donc être planifié et préparé par les deux parties à partir
d’une trame commune pour permettre un dialogue clair et sans ambiguïtés. Le
travail de préparation se base essentiellement sur des données chiffrées (objectifs,
99
L'ANIMATION DES FORCES DE VENTE
chiffre d’affaires, taux de prospection, etc.) mais l’enjeu porte sur leur analyse afin
d’identifier le contexte comme les efforts fournis par le commercial.
C’est le moment également de réfléchir aux mesures d’amélioration (formation,
accompagnement sur le terrain, etc.) et/ou aux leviers de motivation (augmentation
de salaire, gratification) à mettre en œuvre, là aussi, de façon individuelle. C’est
dans ces moments que le manager commercial peut introduire quelques marges de
manœuvre dans le processus (rappeler que les objectifs sont incontournables mais
qu’il a la possibilité de les pondérer différemment par exemple). C’est enfin un
moment où l’on peut évaluer le potentiel d’une personne, envisager de la faire évo-
luer au sein même de l’équipe.
Pour ne rien oublier lors du face-à-face, il est vivement conseillé de se constituer
une feuille de route récapitulant les différents sujets à aborder, et ce dans le bon
ordre. Celle-ci doit rester une trame dont il faudra savoir se détacher lors de l’entre-
tien en pratiquant une écoute active. C’est le moment où des informations capitales
peuvent être livrées (comme l’aspiration à changer de poste, le projet de quitter
l’entreprise, un évènement familial fort…).
Il est important, en début de rencontre, de rappeler au collaborateur les moda-
lités de l’entretien : sa durée, le support et la nécessité d’un dialogue constructif.
Le collaborateur doit sentir qu’il peut prendre la parole librement et pouvoir
obtenir des éléments sur les orientations stratégiques de l’entreprise ou sur cer-
tains projets.
L’entretien doit avoir lieu dans un endroit neutre, une salle de réunion par exem-
ple, mais en aucun cas dans le bureau du manager ou dans celui du commercial. Si
le manager dispose du temps nécessaire pour se rendre dans la région de chaque
commercial, c’est encore mieux. Pour rationaliser ses déplacements, il peut choisir
un point de chute et y mener les entretiens des commerciaux œuvrant dans ce péri-
mètre. Il faut prévoir 1 h 30 à 2 heures pour ce rendez-vous important. Il faut aussi
se rendre totalement disponible et par conséquent couper le téléphone portable. Le
document doit être signé par les deux parties.
100
La gestion de la carrière d’un commercial
revenus » (Morris et al, 1994). Devant l’échec, le manager doit savoir analyser la
situation (Moguet, 2007). Elle peut parfois être très complexe, tant les raisons peu-
vent être diverses.
Trois hypothèses s’ouvrent au manager, qui s’appuient chacune sur une informa-
tion rigoureuse et objective, validée lors d’un entretien :
– soit le vendeur a à affronter un contexte exceptionnel qui le met en difficulté :
une situation personnelle problématique (divorce, maladie…) ou un contexte
professionnel non anticipé (liquidation du principal client, nouveau concurrent
sur la place…), dans ces deux cas, le manager doit encourager ;
– le vendeur ne sait pas faire, déficit de compétences, méconnaissance du produit,
du marché… une formation est alors à envisager, si le vendeur montre le poten-
tiel nécessaire. Dans le cas contraire, le changement de poste, voire le licencie-
ment, est à envisager ;
Les stratégies d’« auto-handicap » sont paradoxales : dans le but de sauvegarder l’estime
de soi, le commercial va dresser lui-même des obstacles sur la route de ses propres succès
ou de son propre progrès. On peut identifier quatre stratégies fondées sur les excuses anti-
cipées (qui peuvent servir, le cas échéant, de justifications pour expliquer l’échec).
– les objectifs impossibles : les buts à atteindre sont tellement élevés que l’échec est pres-
que certain, la cause de l’échec ne peut donc pas être attribuée à l’individu, mais à la trop
grande difficulté de la tâche,
– les objectifs inratables : se fixer des buts tellement bas qu’on n’a aucun risque d’échouer,
manipulant la limite basse de l’« intervalle de satisfaction »1, le vendeur est alors exposé à
l’ennui,
– la cause prétexte : le commercial met en avant une faiblesse ou un handicap mineur afin
d’éviter de laisser paraître, ou de révéler, une faiblesse plus importante pour son estime
personnelle (comme paraître incompétent) ; l’anxiété est l’alibi le plus parfait ;
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit.
– le pessimisme défensif : en émettant des doutes sur son propre niveau de préparation ou sur
celui de son entreprise ou en exagérant la difficulté de la tâche qui l’attend, le commercial cher-
che à se motiver lui-même. En élevant son niveau d’anxiété lié à un échec qu’il rend volontaire-
ment probable, il est conduit à s’investir fortement afin d’éviter celui-ci. Les commerciaux
adoptant une stratégie de pessimisme défensif obtiennent, de manière caractéristique, des
performances au-dessus de la moyenne, du fait des hauts niveaux d’effort consentis. Le
commercial proclame alors son manque de préparation ou son mécontentement vis-à-vis de la
qualité du travail réalisé, et obtient généralement une haute performance.
D’après Inizan, 2003.
1. C’est l’intervalle qui existe entre la performance la plus basse qu’un commercial peut réaliser sans éprouver
de mécontentement et la meilleure performance qu’il puisse espérer réaliser (Locke et Latham, 1984)
101
L'ANIMATION DES FORCES DE VENTE
Autant le manager commercial doit savoir encourager, autant il doit savoir sanc-
tionner. Sa capacité de discernement peut être mise à rude épreuve tant les person-
nalités dans les équipes sont différentes. Mais savoir marquer les limites est un enjeu
essentiel du management commercial. La parole peut suffire dans un premier temps,
le relais de l’écrit se montre souvent indispensable, avec la rédaction d’un avertis-
sement. L’ensemble des motifs doit alors être clairement rappelé, ainsi que la spéci-
fication d’une échéance pour ramener la situation à la normale.
Pierre,
Malgré mes nombreuses relances, dont la dernière remonte à notre échange téléphonique
du 25 janvier, je n’ai toujours pas reçu par écrit la validation des objectifs pour 2009. Je te
rappelle que la demande initiale t’a été adressée ainsi qu’à toute l’équipe le 28 décembre
dernier.
Je suis obligé de voir dans ce retard une forme de mauvaise volonté, ce que je n’admets
pas.
Par ailleurs, ceci m’interdit de compiler l’ensemble des objectifs de la région et retarde leur
communication à la direction commerciale et à l’équipe.
Ceci a valeur d’avertissement. Sans réponse de ta part d’ici au vendredi 28 janvier, je pren-
drai en compte les objectifs proposés et serai obligé d’entamer une procédure disciplinaire
à ton encontre.
Comptant sur ta réaction rapide.
Régis LEBRUN
Chef de ventes
102
La gestion de la carrière d’un commercial
Bien souvent, le manager commercial réagit très mal au départ d’un des membres
de son équipe, évoquant le manque de « loyauté ». Éviter d’entrer dans ce piège
affectif permet d’envisager une « remédiation » efficace du phénomène explicatif
du départ comme un éventuel retour quelques années après de ce salarié. La « judi-
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit.
ciarisation » de plus en plus fréquente des départs de salariés agit comme un « effet
cliquet » sur le processus de carrière professionnelle et interdit à beaucoup d’entre-
prises (comme à des salariés) la possibilité d’un come-back, avec tout l’enrichisse-
ment d’une expérience différente. Enfin, le départ volontaire des commerciaux est à
regarder plus globalement à travers le prisme d’un nouveau rapport des salariés à
l’entreprise : son instrumentalisation dans un projet de carrière individuel.
103
L'ANIMATION DES FORCES DE VENTE
Conclusion
Manager une équipe commerciale est d’une grande complexité. Il faut savoir
s’adapter à chaque personne, tout en maintenant une grande équité dans la gestion
des moyens à sa disposition : salaire, primes, bonus, objectifs… L’exercice est
d’autant plus périlleux que les attentes vis-à-vis du management sont très fortes. Le
rapport au manager commercial est central dans la vie des équipes, mais également
dans la performance obtenue : qu’elle soit économique (développement du CA, opti-
misation des marges…) ou sociale (gestion d’un bon turn-over, développement des
compétences…).
104
Chapitre
Les nouveaux
5 enjeux de
la relation client
lui faire la bonne offre au bon moment. La gestion de la relation client (GRC) est
donc devenue une fonction à part entière dans nombre d’organisations, elle pilote
les actions de communication, le merchandising dans les points de vente, la relation
téléphonique (call center pour appels entrants et sortants, SMS), la distribution
automatique, les sites Internet, et toutes les personnes dites « au contact » de la
clientèle.
Un idéal de la désintermédiation a poussé bon nombre d’entreprises à penser que
les forces de vente pouvaient disparaître, compte tenu de ces vastes dispositifs. Il n’en
est rien, et longtemps traitée à part, la problématique de la relation client rejoint peu
à peu le giron de la fonction commerciale. À cela trois raisons : la saturation de la
concurrence et l’urgence de la différenciation grâce à une relation client distinctive,
105
LES NOUVEAUX ENJEUX DE LA RELATION CLIENT
Section
1 UNE VENTE INSCRITE DANS UNE RELATION
CLIENT MULTICANAL
Les occasions pour le client d’entrer en contact avec des entreprises sont de plus
en plus nombreuses et variées. Ce réseau relationnel à la fois dense et complexe
permet à chaque consommateur de gérer son processus d’achat comme il l’entend.
Si l’entreprise apprend à développer des stratégies commerciales et marketing tirant
profit de ces multiples canaux, le management commercial ne semble pas avoir su
maximiser le potentiel de ce nouveau contexte.
106
Une relation client multicanal
petites entreprises n’en ont pas encore la maîtrise complète, tous les secteurs sont
maintenant concernés par la GRC.
La GRC permet de décrypter le comportement du client, ses attentes, ainsi que la
valeur qu’il apportera à l’entreprise. Le principe est de recueillir l’ensemble des
informations le concernant dans des bases de données que toutes les fonctions –
voire tous les salariés – de l’entreprise peuvent se partager.
La GRC se définit selon trois approches :
– un processus relationnel : l’objectif est de développer une connaissance abou-
tie et à jour du client et du prospect (on parle alors de PRM, pour Prospect
Relationship Management), comme de lui donner l’occasion d’avoir des « nou-
velles » régulières et attractives de l’entreprise. L’objectif est aussi de pouvoir
communiquer de façon segmentée avec la clientèle en fonction de la stratégie
marketing et commerciale : ainsi certains clients « à potentiel » pourront béné-
ficier d’une visite de la force de vente, d’autres, à moindre rentabilité, seront
orientés vers le site marchand ou le centre d’appel ;
– un processus organisationnel : la GRC permet d’optimiser le flux d’informa-
tions et de mise à disposition du service ou du produit de sa conception à sa
post-consommation. Elle est l’outil indispensable de l’optimisation de la valeur
commerciale de l’organisation. La GRC doit être conçue comme la plateforme
d’échange de toutes les fonctions de l’organisation, et même de l’interface avec
l’ensemble des parties prenantes (intégrer les fournisseurs par exemple). On
conçoit donc que la mise en place d’une GRC automatisée amène à repenser
l’ensemble du flux d’information et de la chaîne de la valeur commerciale ;
– un processus technologique : c’est l’automatisation de la captation, du traite-
ment, et de la mise à jour de toutes les informations pertinentes dans l’environ-
nement de l’entreprise.
La mise en place d’un programme CRM (ou GRC) est souvent au service d’une
stratégie de fidélisation des clients, comme ce fut le cas pour la chaîne de magasins
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit.
Nature et Découvertes.
☞ 107
LES NOUVEAUX ENJEUX DE LA RELATION CLIENT
☞ format PDF. Il est également possible de paramétrer le logiciel afin de raccourcir la longueur
des tickets imprimés (en choisissant d’y mettre moins d’informations), ce qui permet au
final d’économiser une quantité non négligeable de papier.
[…] Sur trois visiteurs entrés chez Nature et Découvertes, seul un ressortait en ayant acheté
un produit. Notre vraie difficulté a donc été de transformer les visiteurs en clients. Avec la
suite logicielle de Generix, nous avons pu lancer un programme de fidélisation basé sur de
vraies études qualitatives. L’idée est de remonter systématiquement l’information des tic-
kets de caisse et de la rapprocher des profils clients, d’où des opérations vraiment ciblées.
Ainsi, nous faisons des semaines de promotion sur telle ou telle gamme de produits, mais
aussi des ristournes sur les visites « nature » que nous organisons ; nous envoyons égale-
ment des invitations gratuites à des salons touchant aux thématiques nature et environne-
ment… En réalité, nous poussons davantage des services que des produits vers nos
clients. »
D’après Cailloce, L., Lsa.conso.fr, 23 septembre 2008.
Lors de la création d’un canal alternatif, il faut donc penser en termes de fluidité,
de cohérence et de rebond :
– fluidité : il faut que le client puisse passer facilement d’un canal à l’autre, le site
peut ainsi indiquer la localisation des points de vente et la façon de s’y rendre,
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit.
109
LES NOUVEAUX ENJEUX DE LA RELATION CLIENT
charges du site, sinon, les frustrations risquent d’être fortes, tant pour le client que
pour les vendeurs.
Les managers d’équipe doivent eux-mêmes dialoguer sur leurs différentes straté-
gies afin de les synchroniser et de faire jouer une réelle synergie. Mais c’est aussi
dans le dispositif de rétribution que réside le moteur de la réussite de la vente multi-
canal : ce peut être par exemple la mise en place d’une commission touchée par une
équipe de vendeurs en magasin suite à un achat sur le site marchand par quelqu’un
habitant sur la zone de chalandise.
1. Source : www.en-contact.com/httpdocs/le_magazine.
110
Une relation client multicanal
dans des secteurs comme la banque vers des métiers de conseillers clientèle
multicanal à part entière ;
– l’animateur commercial : coach des conseillers clientèle on line, il est là pour
favoriser et améliorer les techniques de vente à distance. Quel est le produit à
vendre et à quel client ? Quelle est l’attitude à adopter, la meilleure allocution à
utiliser pour épouser les besoins du client ? Comment enrichir le panier de cha-
que abonné ? Il est en contact direct avec les services commerciaux et à la pointe
des offres disponibles ;
– l’animateur de communauté, aussi appelé modérateur ou « forumeur », répond
aux questions des internautes concernant le site pour lequel il travaille, par
exemple par le biais d’un forum. Outre sa mission d’information, il doit aussi
être capable de repérer les intrus qui viendraient déranger les codes de fonction-
nement, voire l’éthique du site, ce qui pourrait provoquer la fuite des autres
internautes et donc une baisse de fréquentation. Les modérateurs ont ainsi la
tâche délicate de stimuler le client en mettant en valeur son nom, sa photo et son
profil. La troisième mission de l’animateur de communauté est à caractère
commercial : il peut, par exemple, mener des actions de rabattage sur d’autres
forums ou des newsgroups liés à son site ;
– le directeur de centre multicanal : sa mission est d’assurer une parfaite cohé-
rence dans le discours adressé aux clients et prospects de la marque, quels que
soient les canaux utilisés : marketing direct, centres d’appels, Internet,
réseaux de vente… Il s’agit de passer d’une organisation par silo à une appro-
che multicanal. Le client doit avoir l’impression qu’il s’adresse à une seule et
même entreprise. Sa seconde mission est d’être à l’écoute de ses clients afin
de les fidéliser. Enfin, il se doit d’utiliser toutes ses ressources et ses outils
pour faire la publicité de la marque. Chaque contact doit se transformer en
lead, chaque lead en prospect, chaque prospect en vente, chaque client en
prescripteur de la marque ;
– le directeur de la relation client : chef d’orchestre des équipes spécialisées, il
rejoint de plus en plus souvent le comité de direction des entreprises et apporte
sa vision et ses compétences aux autres décideurs. Ses missions sont : placer le
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit.
vente (Click and Mortar), évaluation du produit en magasin et achat sur le Net,
ou encore recherche par Internet et achat par téléphone ;
– un changement du comportement du client face au vendeur en magasin : il est
plus pressé, mieux informé, plus avancé dans son processus de décision, moins
sensible aux argumentations ou à l’atmosphère du lieu de vente. Ce client vient
avec plusieurs objectifs : chercher un complément d’information, toucher le pro-
duit, être rassuré sur son choix, ou effectuer l’achat.
On mesure les impacts que cette nouvelle attitude peut avoir sur la relation avec
le vendeur (Vanheems, 2008) :
– le client en sait plus que lui sur le produit, voire sur l’offre globale de l’enseigne,
le mettant souvent en difficulté ;
– une fois l’achat fait sur Internet, le simple retrait en magasin limite le métier du
vendeur à celui de simple manutentionnaire ;
– enfin, le vendeur n’a souvent pas droit à sa commission, n’ayant pas effectué
la vente.
L’arrivée d’un nouveau canal doit être valorisée, elle permet de mettre en avant la
« manière de vendre », et de valoriser une offre produit-canal. La transaction ne porte
plus sur le produit ou le service mais sur une offre élargie, qui inclut la mise à dispo-
sition. De facto, il faudrait parler de triade produit-canal-marché car tous les clients ne
se rejoignent pas sur le choix des canaux. Si certains trouvent agréable et pratique de
choisir leur futur jean à deux heures du matin à domicile, si d’autres font du smart
shopping en surfant sur Internet (ou les mêmes, à d’autres moments), d’autres pré-
112
Une relation client multicanal
fèrent aller faire un tour en magasin, on sait ainsi que les « grosses courses » hebdo-
madaires en hypermarchés sont souvent assimilées à une balade en famille. Une fois
les produits proposés en ligne ou en magasin bien identifiés, le commercial, télécon-
seiller ou vendeur en magasin sera à même de proposer la formule qui conviendra le
mieux à son client, lui offrant pour le coup une « offre élargie ».
Pour cela, il doit maîtriser l’ensemble des facteurs expliquant les différences de
comportement du consommateur multicanal :
– l’urgence de la livraison : les catégories pour lesquelles les consommateurs
attendent une livraison rapide peuvent être l’objet d’une recherche d’informa-
tions on line, mais la transaction aura lieu via un canal off line (magasin de
proximité, par exemple) ;
– la complexité de la livraison : un produit difficile à livrer (taille, périssabilité)
présente une propension plus grande à l’achat off line en magasin ;
– les habitudes d’achat à distance : depuis longtemps une partie importante des
achats de voyages se fait on line (téléphone, minitel) ;
– l’achat impulsif ou réfléchi : les catégories de produits dont le cycle d’achat est
long (les voitures par exemple) seront l’objet d’une recherche importante d’in-
formations on line, alors que la transaction se réalisera off line ;
– le besoin de toucher ou d’essayer le produit : ainsi, dans les cybermarchés, il
est plus simple de se faire livrer des bouteilles d’eau ou des conserves que de
déléguer le choix de fruits et de légumes frais.
tissent beaucoup de temps auprès des personnes réticentes à ces nouveaux gestes. Le
mouvement qui consiste à « mettre le client au travail » (Dujarier, 2008) est amené
à se développer encore ; l’objectif, pour l’entreprise, est de l’amener à prendre en
charge les tâches sans valeur ajoutée et répétitives. C’est le cas de la gestion des
comptes au quotidien, des dépôts ou des retraits d’argent, de l’impression des RIB.
L’entreprise est guidée par la création de valeur, en pariant sur la réduction des coûts
commerciaux que représentent les personnes au contact, et sur une amélioration du
contenu de leurs missions.
Les résistances existent devant le fait que ces nouvelles configurations impliquent
des pertes d’emplois (on peut citer les caissières dans la grande distribution qui sont
113
LES NOUVEAUX ENJEUX DE LA RELATION CLIENT
peu à peu supplantées par des caisses automatiques) et une mobilisation du temps et
de l’énergie du client.
Il faut également admettre que les évolutions sont encore en marche et que
d’autres modalités de vente vont encore voir le jour, comme l’illustrent les exemples
de l’encadré ci-dessous.
Repères Le m-commerce
Autre tendance japonaise qui gagne déjà l’Europe : le m-commerce. Réalisé à partir du télé-
phone mobile des jeunes citadins, ce mode de consommation a généré l’an dernier près de
1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires, au pays du soleil levant.
Avec les terminaux de 3e génération aux écrans surdimensionnés et l’augmentation du
débit sur les réseaux mobiles, les urbains ont plus facilement recours à ce type de consom-
mation, notamment durant les temps de transport. Pour l’instant, le téléchargement de
musiques et de clips constitue l’essentiel des achats, mais avec plus de 10 000 sites de
m-commerce et 71 % des utilisateurs de mobiles se connectant au moins une fois par
semaine à Internet, on assiste certainement à l’essor d’un nouveau type de commerce.
Dans le domaine du tourisme, par exemple, la société Call Expert propose ainsi des packs
« trois en un » : envoi de SMS sur des fichiers qualifiés, mise en relation avec le call center
7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 grâce à la pression d’une seule touche sur le mobile, et
transformation des ventes. Les trois étapes peuvent être gérées en 24 ou 48 heures.
D’après Le Journal professionnel des centres de contact et de la relation client (En-contact.com).
On peut identifier1 quelques facteurs de résistance des forces de vente à cette nou-
velle forme de valorisation du client :
– des divergences de vision : la volonté des équipes marketing de piloter les
agendas des commerciaux vers les clients à fort potentiel ou valeur se heurte au
feeling des commerciaux ;
– l’incohérence entre la mesure de performance et le concept de valeur : le
mode d’évaluation des forces de vente est souvent basé sur des indicateurs de
volume. L’approche « nombre » est prédominante, car facile à piloter et à suivre.
L’introduction d’un indicateur de valeur complexifie et peut pénaliser les résul-
tats et les efforts des équipes de vente, avec au final une incompréhension des
équipes qui gèrent au quotidien « les bons ou les mauvais clients », et qui ne
comprennent plus l’indicateur de « valeur » affiché ;
1. Source : www.blog-crm.com/valeur-client/35-valeur-client/75-les-facteurs-de-resistance-a-la-valeur-client.html
114
Principes et enjeux d’une Sales Force Automation
Il est donc indispensable de rassurer les vendeurs lors de l’ouverture d’un nou-
veau canal de distribution. Ainsi, le manager commercial devra être capable de
proposer un système de rémunération et de stimulation cohérent avec la politique
multicanal de l’enseigne, pour éviter que les équipes liées à chaque canal ne se
sentent en concurrence.
Dans le secteur bancaire, par exemple, les agences physiques ont évidemment
craint la concurrence d’Internet et la diversification des services proposés sur ses
sites… à tel point que les grandes banques telles que BNP Paribas, la Bred ou
encore la Barclays ont stipulé que, lorsqu’un client souscrivait un produit en ligne,
la commission revenait à l’agence détentrice du compte.
Section
2 PRINCIPES ET ENJEUX D’UNE SALES FORCE
AUTOMATION
proposition jusqu’au contrat) ; suivi des clients (description des actions effectuées et
à réaliser, sauvegarde des comptes rendus d’entretien, requêtes sur les clients ou les
produits, système d’alerte et de relance, gestion du planning des commerciaux) ;
analyse des ventes sous forme de tableaux de bord. En remplaçant des processus
manuels (échanges de documents papier) par des échanges électroniques formalisés,
la SFA a pour objectif des gains de productivité.
Par exemple, après un e-mailing ciblé sur des profils particuliers de clientèle, le
logiciel prend ensuite en charge les retours de la campagne et les distribue vers les
bonnes personnes en fonction de leurs contenus, tout en comptabilisant les informa-
tions essentielles dans une base de données.
Les apports des SFA portent sur la compression du temps, la compression de l’es-
pace, l’expansion de l’information stockée et la flexibilité d’usage de cette informa-
tion. Parce qu’elles augmentent les capacités de mémorisation, de traitement, de
transmission, les SFA ont des effets sur :
– la communication : elles permettent de communiquer plus facilement, à coût
plus faible, plus vite, enregistrer et retrouver facilement l’information, en
contrôler l’accès ;
– la décision : en accédant plus facilement à des informations externes, en utili-
sant mieux la connaissance stockée, en combinant plus vite les informations, en
exploitant plus facilement l’information des transactions, les décisions sont
prises plus vite avec une meilleure efficience.
Il y a donc deux flux d’informations, celles qui vont de l’entreprise aux vendeurs
à des fins d’animation, de formation et d’information, et celles attendues des
commerciaux pour alimenter l’information globale de l’entreprise ; on peut parler
alors d’intelligence commerciale.
La SFA elle-même s’organise autour de trois axes :
– la reconnaissance du client grâce à la présentation d’une fiche client complète :
adresses, interlocuteurs, historique de la relation incluant les actions de prospec-
tion et de fidélisation, les commandes et les réclamations ;
– la gestion automatisée des opportunités commerciales : à partir de l’histori-
que du comportement client et des événements, automatisation des alertes et des
relances, synchronisation des agendas et des to-do lists ;
– l’échange d’informations entre les différents acteurs de la relation client :
en mettant en place une SFA, l’entreprise attend des améliorations en efficacité
et en efficience dans trois domaines : la productivité de la force de vente, la ges-
tion de l’information et la relation client.
116
Principes et enjeux d’une Sales Force Automation
Les gains espérés sont donc nombreux et variés, ils ne peuvent être effectifs que
si la SFA est bien implantée et effectivement utilisée par la force de vente, car, si
les commerciaux peuvent attendre et obtenir beaucoup du système d’information
commercial, la condition est qu’ils l’alimentent de façon régulière et exhaustive
en informations.
Les commerciaux, on l’a vu, sont souvent réticents à ces implantations d’outils
qu’ils vivent comme des instruments de « flicage » du fait de la traçabilité qu’ils per-
mettent, et de perte de temps, car il faut admettre qu’il y a un coût d’apprentissage à
envisager. Les conditions de la mise en place sont donc à identifier et à respecter.
117
LES NOUVEAUX ENJEUX DE LA RELATION CLIENT
Yellowst one ou Frontrange. Opter pour un petit éditeur, c’est prendre le risque qu’il
puisse fermer ou se faire racheter et que la solution soit abandonnée. Quant à choisir
un gros éditeur, c’est aussi prendre le risque de se retrouver avec une application
trop complexe et surdimensionnée par rapport à ses besoins.
Il faut aussi demander la présence de l’intégrateur afin de juger de ses compétences.
• Étape 6 : tester le déploiement
En créant un groupe de testeurs dont la mission sera d’évaluer le logiciel de
SFA, afin d’améliorer l’outil. Ces pionniers seront des ambassadeurs dans la force
de vente.
• Étape 7 : prévoir une formation pour l’ensemble de la force de vente
Elle est généralement assurée par l’intégrateur. La formation dure en moyenne une
demi-journée. Il faut prévoir une hot line pendant quelques jours afin d’accompa-
gner les commerciaux dans leurs premiers pas face à l’outil. Enfin, il est bon
d’orchestrer une deuxième formation-bilan quelques semaines ou mois plus tard,
afin d’approfondir certains points. La création d’un poste de « M. ou Mme CRM »,
connaissant parfaitement les produits de Salesforce, est souvent un atout.
Au quotidien, le rôle du manager commercial sera ensuite de mieux faire com-
prendre les enjeux et d’aider à lutter contre des résistances et des contournements.
Le commercial considère souvent l’information sur le client comme son capital per-
sonnel et fait l’hypothèse que garder de l’information lui donnera une « longueur
d’avance ». Le management commercial est donc mis à rude épreuve dans l’anima-
tion d’une veille commerciale. Il faut donc qu’il sache :
– gérer l’absence de sensibilité des commerciaux à ces tâches qu’ils considèrent
comme subalternes et périphériques dans l’idée qu’ils se font de leur rôle. Outre
les inclure dans le portefeuille de mission, cette mission peut faire l’objet d’un
objectif rétribué ;
– lutter contre leur envie de garder des informations précieuses pour eux-
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit.
mêmes ;
– éviter la déception et la frustration de ne pas avoir de retour pertinent et rapide,
ce qui peut leur donner le sentiment d’avoir accompli un travail pour rien.
119
LES NOUVEAUX ENJEUX DE LA RELATION CLIENT
120
Principes et enjeux d’une Sales Force Automation
Pour mettre en place une formation avec succès, certaines conditions doivent
être remplies : il faut valider que les commerciaux sont prêts à passer d’une forma-
tion de type présentiel à une formation à distance, qu’ils sachent organiser leur
apprentissage et soutenir leurs efforts sans qu’il y ait nécessairement quelqu’un der-
rière eux, et dégager des plages de temps nécessaires.
Pour le choix des supports, le CD-Rom ou la clé USB offrent l’avantage de trans-
mettre aisément de la vidéo, d’être fiable, très facilement transportable et d’un coût
moins élevé que les autres supports. En revanche, il pose un réel problème de mise
à jour des informations. La solution intranet conviendra parfaitement aux sociétés
de grande envergure, et plus encore à celles qui sont implantées à l’international.
121
LES NOUVEAUX ENJEUX DE LA RELATION CLIENT
Section
3 LES NOU VEAUX VISAGES DE LA RELATION CLIENT
Il s’agit d’une complète révolution dans ces institutions, qui amène à revoir en
profondeur non seulement le mode opératoire, mais également leur représentation
des bénéficiaires de leurs prestations.
122
Les nouveaux visages de la relation client
123
LES NOUVEAUX ENJEUX DE LA RELATION CLIENT
Dans ce contexte, les compétences et les outils commerciaux peuvent être intéres-
sants à explorer et à mobiliser, en pensant bien leur adaptation.
Ces transferts de personnes et de méthodes du monde marchand à d’autres sphères
peuvent présenter plusieurs avantages :
– de réels gains d’efficacité dans les méthodes de travail : on peut ainsi montrer
dans le monde de la création artistique que l’utilisation de plannings, la notion
de certains coûts, l’application de méthodes… peuvent aider à respecter des
délais, et à réaliser des économies, sans toucher à l’intégrité de l’œuvre (cas de
la réalisation des décors de théâtre) ;
– une créativité non bridée par des principes moraux ou éthiques : l’importation des
méthodes de marketing direct au service de la collecte de fonds des ONG est
maintenant acquise (cas de l’organisation Handicap International – voir l’encadré
ci-après) ;
– un respect de la personne, qui implique le souci de la qualité de service tant dans
le résultat final que dans la façon dont la prestation sera réalisée (qui renvoie à
la distinction entre qualité technique, entendue comme la qualité du résultat
de l’interaction, et qualité fonctionnelle, définie comme la qualité du processus
de production mobilisé).
☞
124
Les nouveaux visages de la relation client
☞ À l’origine de cette activité commerciale, il y a une double intuition : celle qu’il faudrait un
jour trouver d’autres financements, et l’intuition un peu folle que le projet « sac à sapin »,
c’est-à-dire un sac-poubelle doré pour Noël, soit un projet rentable.
Cela s’est mal passé la première année, avec un échec commercial, mais un succès média-
tique et l’obligation de renoncer au bricolage et de mobiliser des outils et des méthodes
professionnels.
HI, ONG du milieu associatif militant, a donc fait appel à des compétences de gens du
monde du marketing, du monde de la production, de la logistique pour développer des acti-
vités commerciales.
Ce développement d’activité commerciale n’a pas été sans provoquer des débats sur la légi-
timité de ces actions. Un cadre déontologique très strict a dû être posé.
D’après le témoignage du responsable du développement commercial de HI
aux 4es Assises de la vente, Lyon, mai 2004.
125
LES NOUVEAUX ENJEUX DE LA RELATION CLIENT
Un enjeu est donc de codifier les compétences attendues de ces personnes, de les
former pour une meilleure gestion du contact, et certainement de les animer avec des
outils et des méthodes proches du management commercial.
126
Les nouveaux visages de la relation client
☞ « On est parti du principe que la caissière est un pôle d’information pour la clientèle : elle
récupère toutes les expériences positives ou négatives, c’est la dernière image qu’emporte
le client. » (Directeur des ressources humaines, grande distribution)
« Les gens ont senti, à quelque niveau qu’ils soient, que ce qu’ils faisaient était important
pour le client et le produit final. » (Directeur général, entreprise de métallurgie)
« Les ouvriers sont sensibles au client : je fais passer les copies de réclamation à la maîtrise
et on cherche des solutions. » (Directeur industriel, entreprise de chaudronnerie)
Source : Barth, 1994.
La gestion de la relation client prend aussi d’autres formes avec la montée en puis-
sance des réseaux sociaux. En effet, le foisonnement extrême des relations par l’in-
termédiaire des sites type Facebook ou Viadeo participe au développement de deux
phénomènes qui ont un impact direct sur la relation client :
– l’expertise devient « horizontale » : les consommateurs font en effet confiance à
leurs « pairs », mettant en cause les expertises classiques de type « vertical », et
portées traditionnellement par le professeur, le médecin ou encore l’ingénieur ;
– les campagnes de communication traditionnelles ne font plus recette et sont des-
tituées par des initiatives venant de consommateurs isolés : on peut ainsi citer la
campagne Schoolbus de la fraise Tagada en 2008, qui n’a pas connu beaucoup
de succès, contrairement à des blogs de consommatrices proposant des recettes
de cuisine fun à base de ces bonbons.
On considère maintenant que « le marché est une conversation », et que les entre-
prises doivent y prendre part, c’est-à-dire engager le dialogue avec leurs clients-
consommateurs, sur des blogs ou des forums, sachant que les forums à l’initiative
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit.
Conclusion
128
Chapitre
Les mutations
6 de la négociation
commerciale
ambiguë dans l’opinion. Les deux termes viennent en effet du latin negotium (nec
otium)1, qui signifie « ne pas avoir de loisir », rappelant que le commerce était dans
l’antiquité une activité peu considérée, perçue comme un mal nécessaire à la vie de
la cité, un métier défini par la négative, un « métier sans nom » (Benveniste, 1969).
La négociation est au centre de l’activité commerciale, elle constitue la compé-
tence clef du vendeur qui la met en œuvre auprès de son client, pour mener à bien
1. Les Romains, imitant en cela les Grecs, divisaient la vie en deux temps. Ils appelaient le premier otium.
Ce mot qu’il convient de traduire par loisir ne signifie toutefois pas absence de travail, mais occasion de s’occuper
de ce qui est proprement humain : la vie publique, les sciences, les arts. Le second, les Romains l’appelaient nego-
tium (nec, otium), caractérisé par les efforts nécessaires à la satisfaction des besoins vitaux — et pour rendre ainsi
possible l’otium, indiquant par là le caractère négatif de ces activités par rapport à celles qui portent sur les choses
proprement humaines. Negotium vient du mot grec askolia qui peut se traduire par le fait « de ne pas avoir de loi-
sir », par affaires (Barth, 2002).
129
LES MUTATIONS DE LA NÉGOCIATION COMMERCIALE
Section
1 LA PLACE DE LA NÉGOCIATION COMMERCIALE
DANS LA VENTE
s’il peut ou non mettre ses doigts dans la prise, un fonctionnaire ne négocie pas son
salaire), ensuite parce que la négociation implique des coûts (en temps et en énergie)
qui diminuent l’utilité pour les parties concernées.
La négociation a été étudiée au cours des siècles avec des grilles de lecture variées
dans des champs disciplinaires nombreux et diversifiés : elle a été ainsi analysée en
économie avec la théorie des jeux, en psychologie cognitive et sociale, en anthropo-
logie culturelle, en rhétorique, en sociologie, en science politique et en droit.
Pour qu’une négociation ait lieu, il faut que soient réunis les paramètres suivants :
– la volonté de la recherche d’une solution, d’un compromis, d’une position com-
mune, d’un accord ;
– la présence d’un projet ;
– un processus d’échange au cours d’entretiens, de face-à-face, d’interactions, de
contacts, qui se construit sur des concessions, des compromis, voire des arran-
gements et des marchandages ;
– pour que la négociation puisse avoir lieu, il faut admettre l’interdépendance des
parties. Le ciment est la confiance, même a minima, celle qui permet que
s’instaure le dialogue suffisant pour parler de cette voie alternative à l’autorité
et à la règle qu’est la négociation ;
– des moyens peuvent être mis en place pour faciliter la négociation : le mandat,
la délégation, les procédures, et les règles qui cadrent la négociation et lui per-
mettent de se dérouler dans des conditions optimales, au minimum équitables et
sûres, pour toutes les parties ;
– enfin, au-delà de l’objet de la négociation, c’est la valeur produite par l’interac-
tion qui va être importante, elle s’évalue plus à l’aune du ressenti des personnes
que de façon purement objective.
2 Négociation et vente
– Dans le cas d’une brocante entre particuliers, on observe que la négociation va porter
autour du prix, avec de très faibles enjeux, sur des toutes petites sommes. L’objectif final
étant de créer du lien social et d’avoir le sentiment d’avoir fait une bonne affaire. La vente
elle-même est reléguée au second plan.
Barth, Bobot, 2010.
– Dans l’acte d’achat le plus banal, le plus transactionnel, c’est sur la répétition que la rela-
tion se construit. Ainsi, dans le cas de l’achat quotidien de la baguette de pain chez le bou-
langer, la vente elle-même est réduite à sa plus simple expression – on tend la baguette
par-dessus le comptoir en échange de la monnaie – les échanges portent sur des éléments
de rituels. La négociation porte sur des éléments mineurs du produit : « bien cuite », « pas
trop cuite » ou sur la création d’un contexte et d’un lien : « Comme d’habitude ? », « Vous
voulez de la monnaie ? »
Traverso, 2001.
La vente connaît au XXe siècle une véritable éclipse pendant plus de cinquante ans,
que ce soit dans les entreprises ou les milieux universitaires (pédagogie et recher-
che), au profit du marketing (Barth, 2002). Dans son principe, le marketing inverse
radicalement les rapports, puisque sa promesse est de faire acheter, ce qui renvoie
au dogme du choix du client.
Dans les années 1980, la négociation commerciale assimilée au bargaining, au
marchandage, va être progressivement abandonnée pour une vision positive de la
négociation, créatrice de résultats « gagnant/gagnant », mais réservée aux domaines
132 de la diplomatie ou du social.
La place de la négociation commerciale
Enfin, la grande spécificité de la négociation commerciale est que, pour être réus-
sie, elle doit être conclue sur une rupture, rupture actée par l’échange de la solution
(produit-service) contre de l’argent (Aglietta, Orleans, 1998). Le vendeur et le client
se quittent pour peut-être ne jamais se revoir, l’un avec l’argent, l’autre avec le bien.
Ceci l’oppose radicalement aux autres types de négociations (politiques et sociales)
dont l’objectif est justement de ne pas rompre, ou de se donner l’illusion de ne pas
le faire, et par conséquent la marginalise.
Il est donc important de bien positionner la négociation commerciale dans le cadre
théorique de la négociation afin de lui ouvrir de plus grandes perspectives.
Tableau 6.1 — Les spécificités de la négociation commerciale
Invariants à toutes Spécificités négociations Spécificités négociations
les négociations non marchandes commerciales
Volonté conjointe des parties – Pas d’enjeu financier direct – Lien indéfectible avec l’argent
Pouvoir/asymétrie – Le lien est plus important que – Objectivation de la relation :
Écoute/empathie le bien on peut négocier sans se connaître,
Argumentation, verbe, discours – Un processus constructif où et encore moins s’apprécier : le bien
Gestuelle les parties prenantes ont l’enjeu est plus important que le lien
Recherche des intérêts de se connaître – La transaction met fin à la négocia-
BATNA – Pas de nécessité de fin pour que tion (même provisoirement)
Interdépendance la négociation ait de la valeur – La négociation commerciale est vue
Processus – Le présentiel est important comme une séquence sans avant ni
– L’éthique est présente après
– Évolue de plus en plus vers du non-
présentiel (plateforme, e-mail, etc.)
– Le commerce est wetfrei (affranchi
de la morale)
Le nouveau contexte dans lequel baignent les commerciaux est caractérisé avant
tout par la montée en puissance des technologies de l’information. Le chapitre 5 a
décrit largement les nouvelles modalités de gestion de la relation client.
Nous retiendrons ici ce qui peut avoir un impact sur la négociation commerciale.
Dans ce contexte, le vendeur a affaire à un client ou à un prospect :
– surinformé, qui a su aller se renseigner sur Internet avant le rendez-vous ou avant
de venir en magasin. Ce client est donc capable de renverser l’asymétrie d’infor-
mation à son profit : c’est lui l’expert et non plus le commercial. On retrouve de
133
LES MUTATIONS DE LA NÉGOCIATION COMMERCIALE
plus en plus fréquemment cette situation dans le cas de la vente de produits tech-
niques et impliquants comme l’électroménager ou encore la micro-informatique ;
– qui accorde beaucoup plus de crédit à ses pairs (qu’il retrouve sur des sites
communautaires) qu’au commercial qu’il a en face de lui. C’est ainsi que les
réseaux sociaux s’organisent autour d’échanges sur des sujets d’une diversité
incroyable : l’accès au crédit, les amoureux de la DS, les fous de sports de glisse,
les experts du patchwork… avec des échanges d’informations nombreux et des
hiérarchies implicites qui s’organisent, bouleversant les expertises classiques et
les négociations en face-à-face, même dans des domaines aussi spécifiques que
la médecine ou la chirurgie comme le montre l’encadré ;
– un client devenu très méfiant vis-à-vis des entreprises et de leurs offres commer-
ciales, et qui développe des comportements de résistance envers les organisations
et ceux qui les représentent. On peut par exemple observer la méfiance et la désaf-
fection des sites bancaires de type forum, proposés à leurs clients par les banques,
auxquels sont préférés des sites alternatifs, semblant moins institutionnels et où
le risque de manipulation serait moindre (Notebaert, Attuel-Mendès, 2010) ;
134
Les nouvelles pratiques
– un client qui veut tout, tout de suite : son achat est planifié et il ne supporte pas
la rupture de stock ou l’indisponibilité du produit.
Tous ces changements, s’ils infléchissent les pratiques et les modalités de négo-
ciation commerciale, n’en remettent pas en cause les invariants. Nous proposons de
les revisiter dans la section suivante.
Section
2 LES NOU VELLES PRATIQUES DE LA NÉGOCIATION
COMMERCIALE
Il est important de garder en tête des schémas simples, mais qui peuvent permettre
de recadrer en temps réel des actes soumis à une forte tension et toujours pensés ou
réalisés de façon interactive.
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit.
Le principe même de la négociation est qu’on est face à un problème avec quelqu’un
dont on a décidé qu’il fait partie de la solution. Cette interdépendance exige une
constante mise à distance de ses sentiments, émotions et réactions spontanées.
On dit souvent que la moitié de la réussite d’une négociation réside dans la prépa-
ration. Ce pourcentage est certainement variable, mais il est indiscutable que, les
enjeux et les contextes des négociations devenant de plus en plus complexes, il est
135
LES MUTATIONS DE LA NÉGOCIATION COMMERCIALE
indispensable de mener une bonne préparation. Celle-ci commence par une bonne
prospection.
Il faut dégager du temps dédié aux vendeurs pour cette activité, et l’intégrer à la
politique de rémunération. Il faut aussi, sur la base d’historiques à constituer, être
capable d’avoir des données prédictives des actions menées : 100 appels télépho-
niques doivent déboucher sur 5 leads (contacts). Sans ce cadre fondé à la fois sur le
projet et la motivation, les commerciaux ne prennent pas le temps d’investir sur une
tâche dont ils n’évaluent que très mal le retour sur investissement.
La formation n’est pas non plus à négliger. Un très bon négociateur face à un pros-
pect peut avoir des lacunes lors d’un appel téléphonique destiné à identifier des
contacts.
De la même façon, pour rendre légitime cette activité, il est important de ne pas la
réserver, comme on le voit trop souvent, à des débutants ou à des stagiaires. Cette
position, basée sur l’investissement minimal, est toujours contre-productive : elle
démotive de la vente des jeunes qui n’en voient plus que le côté rébarbatif et qui ne
maîtrisent pas un geste commercial finalement très technique.
136
Les nouvelles pratiques
Les vendeurs doivent, en continu, activer une veille commerciale, qui consiste à
se tenir informé en temps réel de l’activité de leurs prospects et clients, de façon à
pouvoir faire une proposition de service au moment adéquat (Le Bon, 1997). Cette
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit.
veille passe aussi par une veille informationnelle : la lecture de journaux profession-
nels et la consultation régulière de sites d’information sectoriels sont des réflexes à
acquérir, d’autant plus facilement que les TIC permettent de déclencher à intervalles
réguliers des revues de presse qui condensent cette actualité.
Une autre façon de mobiliser cette veille est de l’intégrer à des offres d’informa-
tion à destination de clients ou de prospects : organiser un petit-déjeuner ou une fin
de soirée autour d’une conférence qui permettra de comprendre la dernière législa-
tion, ou de connaître le dernier logiciel sur le marché, est une bonne façon de remer-
cier ses clients comme de toucher des prospects ayant déjà un intérêt pour l’offre
proposée.
137
LES MUTATIONS DE LA NÉGOCIATION COMMERCIALE
Une façon d’obtenir des contacts ciblés est d’utiliser la recommandation de clients
établis et satisfaits : ces clients appartiennent eux-mêmes à des réseaux, professionnels
ou amicaux, et peuvent être des prescripteurs efficaces. Cette recommandation peut
être basée sur la gratuité, comme donner lieu à une reconnaissance, même symbolique.
On observe que les clients, s’ils sont sollicités, sont en général d’accord, s’ils ne le font
pas déjà spontanément, et que cette stratégie présente d’excellents taux de retour.
2.1 La préparation
Les acteurs
u
Qui va participer ou pourra participer aux négociations ?
Acteurs actuels et potentiels, coalitions, facteurs internes aux parties, carte des acteurs.
Les règles
u
Quelles sont les règles du jeu ?
Lois et règlements applicables, conventions sociales, codes professionnels.
138
☞
Les nouvelles pratiques
☞ Les questions
u
Quelles sont, ou pourraient être, les questions à négocier ?
En totalité, séparément, aspects relationnels, questions litigieuses.
Les intérêts
u
Quels objectifs poursuivez-vous ? Et les autres ?
Intérêts communs, échanges commerciaux, accords incertains, intérêts personnels.
Les options
Que faire dans l’hypothèse d’un non-accord ?
u Meilleure alternative théorique, se retirer, effets sur la coalition, contraintes de temps,
confiance en soi exagérée.
Les accords
u
Y a-t-il des accords potentiels qui conviendraient aux deux parties ?
Rayon d’action, pouvoir de l’information, partage des incertitudes.
Les liens
u
Les négociations actuelles sont-elles liées à d’autres négociations ?
Dresser la carte des restructurations concurrentielles, réciproques ou autres.
D’après Watkins, 2002.
139
LES MUTATIONS DE LA NÉGOCIATION COMMERCIALE
Son objectif est de mettre au jour les besoins du client. On utilise la technique du
questionnement afin de mener l’état des lieux de la situation. Il faut savoir alterner
les questions d’information assez large : « Qu’aimez-vous dans une cheminée ? » ou
« Quel type de voiture recherchez-vous ? » et les questions d’orientation, qui per-
mettent de faire préciser les attentes, et de réduire le champ des possibles : « Quel
est votre budget pour cette opération ? » ou « À quelle occasion utilisez-vous votre
voiture ? ».
Au départ, le prospect ou le client va plutôt exprimer une insatisfaction, un
mécontentement, un problème qu’il va falloir transformer peu à peu en besoin iden-
tifié, en lien avec la solution que le vendeur peut proposer.
Quand le vendeur pense avoir suffisamment cerné le besoin, il peut tenter une
phase de synthèse avec la technique de la reformulation : « Si je comprends bien,
vous désirez bénéficier de baignades en famille lors de vos congés d’été, sans qu’il
y ait le moindre risque pour vos enfants ? ». Ce n’est que l’obtention d’un oui, ferme
et définitif, qui permettra de passer à l’étape suivante, de proposition.
Si ce « oui » n’est pas obtenu, il ne faut pas hésiter à recommencer la phase de
découverte, un message a dû être oublié ou mal compris : « Je n’ai pas dû bien saisir
ce que vous me disiez, pourriez-vous me préciser… ? ».
On l’aura compris, cette phase est une phase d’écoute, écoute active avec prise de
note si besoin est. Le meilleur vendeur est celui qui sait se taire et écouter.
Une fois la synthèse approuvée, le vendeur va pouvoir passer à la phase de propo-
sition.
Il est à noter que, trop souvent, cette étape de découverte est bâclée par les ven-
deurs, ou purement zappée, tant ils s’imaginent savoir ce que veut leur prospect, ou
sont obsédés par l’offre à faire. Se précipiter conduit souvent à une vente ratée, ou
insuffisamment optimisée.
140
Les nouvelles pratiques
C’est dans cette phase qu’il va falloir traiter les objections que ne manquera pas
de faire l’interlocuteur. Il faut partir du principe que l’objection est un signe d’inté-
rêt, le pire ennemi du vendeur étant l’indifférence. On peut faire le tri entre trois
types d’objection :
– les objections non sincères et non fondées : prétextes, fausses raisons, elles sont
faciles à contrer même s’il faut les prendre en considération, sans réaction trop
vive : « Je crains que vous ne fassiez erreur… » ;
– les objections sincères et non fondées : idées reçues, a priori, préjugés, elles sont
également faciles à dénoncer : « Je comprends votre inquiétude, mais vous allez
voir qu’il n’en est rien… » ;
– les objections sincères et fondées : ce sont les plus difficiles à gérer. Il faut en
général recourir à la minimisation ou à la mise en perspective des avantages déjà
admis : « En effet, l’autonomie de ce portable n’est pas conforme à ce que vous
souhaitez, mais ce n’est pas cher payé par rapport à la qualité de l’image que
vous obtenez… ».
Un élément central mais souvent mal perçu de la négociation sont les concessions,
elles font partie des tactiques utilisées pour provoquer des concessions de l’autre
partie. L’objectif est donc de ne pas « lâcher » trop vite, et toujours obtenir quelque
chose en échange d’une concession. Il ne faut pas non plus oublier que, dans une
négociation, la façon de faire les concessions est peut-être plus importante que les
concessions elles-mêmes.
Toutes sortes de techniques ont pu être identifiées par les spécialistes de la négo-
ciation : le point par point (ou technique du salami) : tout est traité point par point,
le donnant/donnant (les items de la négociation sont regroupés par paquet) ou encore
le « faux pivot » (ou retournement) : après avoir donné à son interlocuteur le senti-
ment que tout est réglé, le négociateur revient en arrière.
Cette phase se termine par la synthèse de l’ensemble des avantages acceptés, qui per-
met de passer, sauf remise en cause ou nouvelle objection, à la phase de conclusion.
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit.
141
LES MUTATIONS DE LA NÉGOCIATION COMMERCIALE
Dans des ventes plus complexes, la conclusion de la négociation peut être la rédac-
tion d’une proposition qui sera ensuite soumise soit par courrier, soit au cours d’un
nouveau rendez-vous, qu’il faut alors programmer.
Les commerciaux ont souvent tendance à négliger la qualité de cette proposition
qui, pour être performante, doit être personnalisée et percutante. Il s’agit du dernier
maillon de la chaîne de la valeur de la négociation commerciale, et un des plus
importants. On considère souvent que la proposition commerciale est la vitrine de
l’entreprise. Les entreprises ont tendance à stéréotyper à outrance ce document, pour
des raisons d’efficacité et d’économie. Cela constitue une véritable prise de risque
pour l’image de l’entreprise. La forme est importante, il faut aller au-delà du simple
devis pour rappeler des arguments qui ont été acceptés lors de l’entretien et person-
naliser le discours.
L’ensemble du processus est représenté dans la figure 6.1.
Il faut aussi garder à l’esprit que les meilleurs négociateurs commerciaux sont ceux
qui sont capables de faire preuve de créativité et de proposer des alternatives créa-
trices quand la situation de négociation semble bloquée ; les chercheurs ont nommé
ce concept BATNA, acronyme pour Best Alternative to a Negociated Agreement.
Ainsi, la création des marques de distributeurs a été à un moment une alternative
pour la grande distribution afin d’échapper au pouvoir alors très fort des producteurs.
À l’heure actuelle dans le même secteur : c’est la restauration hors foyer qui est
l’alternative pour les producteurs afin d’échapper à la grande distribution.
De nombreuses tactiques dûment répertoriées existent pour conduire une négocia-
tion à son avantage. Beaucoup jouent sur les asymétries :
– asymétries de pouvoir : comme elles existent dans la grande distribution où les
acheteurs des enseignes sont en position de force ;
– asymétries d’acteurs : en jouant sur un nombre de négociateurs plus important
que ceux de la partie adverse, en jouant les asymétries de comportement : le
« bon flic » et le « mauvais flic ».
D’autres utilisent les menaces, explicites ou plutôt (ce qui semble plus efficace)
l’incertitude quant à une punition à venir : « Si vous n’acceptez pas cette réduction
de prix, j’ai peur de devoir remettre en cause le marché XX ».
D’autres tactiques jouent sur les pressions du temps : en donnant un ultimatum, en
accélérant soudainement le tempo, en réduisant le délai initialement prévu.
Nous sommes avec ces tactiques dans une négociation de type distributif, c’est-à-dire
où les parties en présence sont en compétition, tout ce que l’un gagnera sera au détri-
ment de l’autre. Ces stratégies s’opposent aux stratégies coopératives, fondées sur la
construction conjointe de la solution (le fameux win win ou jeu gagnant/gagnant1).
1. Dans la théorie des jeux (Nash, 1950), qui a fortement influencé les négociateurs : soit la somme des gains
des parties est à somme négative (les deux sont perdants), à somme nulle (l’un gagne ce que l’autre perd), à somme
142 positive (les deux sont gagnants).
Les nouvelles pratiques
DÉCOUVERTE
Questionnement suffisant
NON
pour proposer une solution?
ARGUMENTATION
NON
Signal d’achat?
Vendeur : conclusion
CONCLUSION
NON
Conclusion acceptée?
FIN
Section
3 LES MUTA TIONS DE LA FONCTION ACHAT
144
Les mutations de la fonction achat
Les grandes entreprises établissent depuis quelques années des contrats de progrès
avec leurs fournisseurs, dans l’objectif de s’engager dans une relation gagnant/
gagnant : pour accroître sa propre compétitivité, il faut augmenter celle des fournis-
seurs, et donc diminuer sans cesse les coûts, améliorer la qualité, travailler en flux
tendus…
La gestion des risques de façon anticipée pour le compte de leurs clients internes
doit encore progresser. L’anticipation des risques fournisseurs par une action de
veille, l’application de clauses contractuelles, la réalisation d’audits et de contrôles
qualité… sont jugées prioritaires.
Sont également considérées comme prioritaire l’anticipation de l’évolution du
marché des matières premières ou des composants et la couverture sur le marché à
terme. Toutefois, s’il est indispensable de comprendre les tendances, il serait illu-
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit.
soire de penser les prédire avec précision. Les directeurs achat savent que la clef
réside dans leur capacité à anticiper en construisant des scénarios alternatifs validés
par les différentes parties prenantes1.
Les directeurs achat pilotent des revues annuelles de qualité des fournisseurs et un
suivi de la mise en œuvre des plans de progrès qui en découlent. Les secteurs du
commerce et de la distribution sont les chefs de file de cette démarche innovation et
qualité avec les fournisseurs stratégiques. La préoccupation pour le développement
1. D’après Observatoire des achats, lancé en 2004 par Microsoft, BearingPoint, l’ESSEC et Novamétrie.
145
LES MUTATIONS DE LA NÉGOCIATION COMMERCIALE
durable est également une composante forte pour les années à venir. L’un des princi-
paux enjeux humains sera de renforcer l’état d’esprit « service » chez les acheteurs.
Ce que les acheteurs attendent des vendeurs :
– s’intéresser aux clients, à leurs besoins, leurs métiers, leurs niveaux de marge,
pour mieux adapter et structurer leurs propositions. Les acheteurs constatent un
fort déficit de cette connaissance ;
– savoir innover : démontrer une capacité à proposer des solutions différentes,
challenger l’expression du besoin de leurs clients. Ne pas se contenter de répon-
dre aux besoins, proposer d’autres choses, différentes, innovantes ;
– créer de la valeur : ce qui intéresse les acheteurs, c’est que la proposition du
vendeur crée de la valeur pour son entreprise ; être capable d’aller au-delà du
prix, proposer des codéveloppements, des comarketings, et que cela fasse sens
pour l’entreprise. Le message est clair : « ce n’est pas toujours le moins cher qui
gagne » ;
– respecter les engagements pris : est une autre attente fondamentale. Trop sou-
vent, les acheteurs ont le sentiment que, pour certains vendeurs, la vente est
terminée quand ils ont le bon de commande ;
– être réactif : parce que l’entreprise bouge, et entre le moment où l’acheteur a
exprimé le besoin, le moment où il a bâti l’offre avec son fournisseur, le moment
où le fournisseur a été sélectionné et le moment où a été signé le contrat, le
besoin a peut-être déjà évolué. Ce qui va de plus en plus faire la différence sera
la capacité des vendeurs à accompagner leurs clients, y compris sur des sujets
vus comme figés.
Contrairement aux enchères traditionnelles, dans les enchères inversées, les prestataires
vont, à partir du prix de départ, enchérir à la baisse.
Ces enchères inversées posent divers problèmes :
– certaines sociétés seraient tentées de « brader » leurs prestations, ce qui peut engendrer
des conséquences dramatiques, faisant peser des risques sur leur pérennité ;
– choisir le prestataire le moins-disant peut favoriser le dumping social ;
– les enchères inversées participent à faire baisser la qualité des prestations et des marges ;
– elles posent particulièrement problème dans les services prestataires de ressources
humaines ;
– l’acheteur se positionne en arbitre de la baisse des prix et non plus dans une relation
d’élaboration d’une solution avec ses prestataires.
D’après Costa, 2008.
On constate ces dernières années des évolutions notables dans les modalités de
négociation commerciale. Nous en retenons trois.
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit.
totale dans ses partenaires et jouer parfaitement le rôle qui lui a été assigné. Des
tactiques de négociation sont propres à la négociation en équipe. On peut signaler
(Audebert, Larochas, 1999) :
– le bon et le méchant : souvent mis en scène dans les films, en situation, ce stra-
tagème qui alterne un gentil négociateur et un négociateur brutal est toujours
d’une efficacité redoutable ;
– diviser pour régner : la technique consiste à exploiter des désaccords existants
ou à en créer (« Votre collaborateur m’a pourtant dit… ») ;
– le pilonnage : des questions sont assénées tour à tour par les différents membres
de l’équipe pour trouver la faille dans l’équipe d’en face. Elle vise à repérer les
éléments les plus fragiles pour créer des failles ;
– l’essaimage : on simule une division au sein de son propre camp ;
– l’absent a tort : la technique consiste à faire parler des membres de l’équipe
d’un autre, absent.
négociateurs sont formés à faire face à ce type de conflit pour le moins impres-
sionnant. Seuls des négociateurs aguerris sont capables de maintenir un dialogue
constructif, sans être victimes eux-mêmes d’une déstabilisation durable. Ils doi-
vent faire appel à un ensemble de techniques de communication dont la reformu-
lation – qui est la répétition brève par le négociateur, avec ses propres mots, de
ce que la personne vient de dire – et la validation émotionnelle, qui apprend à
proposer une autre lecture du sentiment qu’elle est en train d’exprimer ;
– la négociation en situation de crise : les interlocuteurs sont rationnels, déter-
minés, avec un scénario, pour exiger sans conditions la satisfaction de leurs
exigences. Les conflits d’intérêts prédominent. Bien que tous les mécanismes
d’une négociation commerciale classique soient largement transposables, le
win-win, tant recherché dans les négociations concertées, devient alors totale-
ment inopérant car la confiance si nécessaire entre les parties est très entamée.
Le négociateur est prisonnier d’un enjeu vital (la crise à résoudre) dans un
contexte de chantage en cas de résistance, dont il doit absolument se libérer pour
être en état de traiter pied à pied avec la partie adverse. Les négociations où
acheteurs et fournisseurs s’affrontent pour baisser leurs prix de vente tout en
cherchant à sauvegarder leurs marges en sont l’exemple même. La confrontation
ne se déroule plus entre partenaires, mais entre adversaires décidés à aller
jusqu’au bout et à utiliser tous les moyens pour obtenir gain de cause. À cela
s’ajoute l’attitude de négociateurs offensifs dont le credo est de « transformer
l’impossible en possible » grâce à l’instauration d’exigences totalement dispro-
portionnées, présentées avec la plus totale intransigeance, et qui jouent sur la
faiblesse de leurs interlocuteurs. Les commerciaux peuvent être confrontés à des
situations de négociation de crise quand ils sont amenés à travailler dans des
pays en guerre ou dans d’autres où le terrorisme règne sur les échanges commer-
ciaux, du moins pour certaines activités (contrôle par la mafia par exemple).
Dans la majorité des cas, les parties en situation trouvent un terrain d’entente. Mais
il arrive que la situation se bloque, et que ce qui n’était qu’un litige devienne un véri-
table conflit. Le recours à la procédure judiciaire apparaît alors comme le seul pos-
sible pour faire respecter ses droits. Or, outre le fait qu’il est souvent long et coûteux,
il impose aux parties une solution juridique et technique qui souvent ne satisfait plei-
nement aucune des parties, et qui détruit immanquablement la relation commerciale.
La médiation est une solution alternative. Elle consiste en une intervention, effec-
tuée par un professionnel confirmé et indépendant utilisant une méthodologie spéci-
fique et obéissant à un code de déontologie strict, qui permet à deux parties en
situation de conflit de rétablir une communication suffisamment apaisée et efficace
pour être en mesure de trouver elles-mêmes une solution satisfaisante et pérenne à
leur désaccord, de façon librement consentie.
Par son expertise et sa posture neutre et impartiale, le médiateur va amener les
parties à communiquer de manière non conflictuelle, à exprimer et entendre les faits,
ressentis, besoins et intérêts de chacune, pour ensuite les accompagner dans la
recherche et l’élaboration de la solution. Il est conseillé de mettre dans chaque
contrat une « clause de médiation » qui engage les parties à recourir à la médiation
avant toute saisie d’une quelconque juridiction.
Cette clause oblige les parties à faire appel à un médiateur avant l’engagement de
toute procédure judiciaire, mais ne supprime pas la possibilité de recourir à la voie
judiciaire en cas d’échec de la médiation. Malgré une prise de conscience de tous les
acteurs, le recours à la médiation commerciale reste encore très timide en France
alors qu’elle est fortement implantée, notamment aux États-Unis et au Royaume-Uni.
Conclusion
150
Chapitre
Manager
7 dans le village
planétaire
Une autre option est de faire travailler les salariés en home office, dématérialisant
ainsi les structures physiques de l’entreprise. Les professions commerciales ont sou-
vent été les premières à voir leurs bureaux disparaître des entreprises.
L’autre grande politique est le choix de développement géographique, pour passer
du local au régional, du national à l’international. L’internationalisation s’opère en
plusieurs étapes : exportation, implantation de relais, puis de filiales. Les différents
stades impliquent chacun un management de personnes à distance, distance géogra-
phique qui s’accompagne souvent d’une différence culturelle.
Le management « à distance » exige des compétences tout à fait spécifiques, faites
d’écoute, de connaissance des « codes » culturels. Plus que jamais, l’objectif pour
le manager commercial est de synchroniser les efforts de chacun dans des espaces
physiques, des espaces temps, des espaces culturels divers et souvent fort éloignés.
Il faut pour cela susciter la confiance, le dialogue, la coordination et donner du sens
à l’ensemble des actions afin que tous aillent dans la même direction. Ce chapitre
est organisé autour de trois thèmes :
Section
1 L’INTERNATIONALISATION DE L’ENTREPRISE
polistique, et de plus en plus une logique financière ; les entreprises procèdent alors
à des investissements en se recentrant sur les activités les plus rentables tout en
s’agrandissant.
Le tableau 7.1 propose une catégorisation des différentes modalités d’interna-
tionalisation.
153
MANAGER DANS LE VILLAGE PLANÉTAIRE
Tableau 7.1 — Synthèse des stratégies d’internationalisation
Production à
l’étranger ➔
Présence NON OUI
d’investissement
financier
La première étape passe souvent par une étude de marché qui permet d’identifier
des premiers contacts et le potentiel du marché local ou national. Des données géné-
rales peuvent être collectées par des missions économiques, ou tout simplement sur
le Web : données politiques, économiques, financières, climatiques, sociétales,
administratives, sont toutes essentielles. Une étude standard donne une première
information qu’il faut ensuite affiner en fonction du produit pour tester la réceptivité
du marché visé. Il faut en effet s’assurer de l’existence d’une demande, de la perti-
nence des prix, et de la cohérence des conditions de vente, par rapport au contexte
local.
Ensuite, la participation à des salons professionnels dans le pays visé facilite le
démarchage de prospects, même si le budget est souvent lourd (déplacements, coût
du salon, traduction des documentations…). Les CCI internationales facilitent les
contacts dans les pays visés.
La prospection et l’exportation présentent des risques importants pour une entre-
prise. Pour les primo-exportants (et si le chiffre d’affaires n’excède pas 150 millions
d’euros), la Coface (Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur)
propose une avance de fonds et prémunit contre le risque d’échec commercial,
moyennant une prime de 3 %. Les remboursements des indemnités perçues se font
au prorata des recettes d’exportation, et si les recettes ne couvrent pas les dépenses,
la somme reste acquise.
154
L’internationalisation de l’entreprise
Tableau 7.2 — Comment construire une stratégie à l’international
Recommandation Actions possibles Commentaires
Construire un terrain de jeu – Définir une liste de critères – Pondérer les critères en fonction
(socio-économiques, culturels, des objectifs, de la connaissance
législatifs…) initiale des marchés et des réseaux
– Choisir les zones géographiques locaux
prioritaires, les pays cibles
Construire une offre – Choisir quels sont les produits – L'utilisation d'un produit/service
et/ou services adaptés peut être différente d'un pays
– Créer ou adapter les produits, à un autre
services existants
Construire une organisation – Développer des procédures – Décider qui fait quoi
et une logistique de communication, de gestion, – Planifier dans quels délais
de reporting, de support… – Identifier quoi déléguer
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit.
– Développer ou traduire
des documents marketing
et de communication
155
MANAGER DANS LE VILLAGE PLANÉTAIRE
le management sera plus large et pourra inclure des responsables de filiales. Enfin,
lorsque l’entreprise devient multinationale, des zones de développement commer-
cial sont créées et la fonction de directeur export ou international peut disparaître au
profit de celle de vice-président chargé de développer les ventes sur les zones
concernées.
Il doit mettre en œuvre la politique commerciale de l’entreprise sur une zone géo-
graphique précise. Il organise les équipes commerciales, forme et anime la force de
vente sur son secteur. Il est chargé de commercialiser, promouvoir la gamme de
produits de l’entreprise afin de permettre le développement des marchés existants. Il
doit également prospecter de nouveaux débouchés et rendre compte de l’évolution
des marchés. Il est chargé de l’animation d’un réseau de distributeurs et de clients
directs. Il doit être autonome, rigoureux et disponible. Il doit également faire preuve
d’une grande ouverture d’esprit. La maîtrise de deux ou trois langues étrangères est
indispensable. Le chef de zone export exerce en général ses responsabilités dans de
grandes entreprises et se doit d’effectuer de fréquents déplacements qui imposent
des horaires irréguliers. Il est en général titulaire d’un diplôme d’une école de com-
merce ou d’ingénieur. Une excellente connaissance du secteur d’activité est requise.
On accède à ce métier après une expérience professionnelle préalable de cinq ans
minimum dans le domaine de l’export.
Repères Témoignage
Sa mission consiste à décliner, sur les pays dont il a la responsabilité, la stratégie commer-
ciale et marketing de Veuve Cliquot. « Je gère un ensemble d’agents importateurs sélectionnés
en fonction de leur activité (vins et spiritueux) mais également en fonction de leur expertise
marketing et relations publiques. Leur connaissance spécifique du monde du champagne est
un atout supplémentaire. Enfin, je m’assure que l’importateur est en mesure de travailler avec
nous sur la base de l’exclusivité. »
Christian élabore le plan marketing annuel en respectant le guideline fixé par la direction :
« Sur mes zones, la publicité est peu représentée ; en revanche, la promotion passe par de
nombreuses actions de relations publiques : sponsoring d’événements, dégustations auprès
de la presse professionnelle ou grand public. Par exemple, je relaie des événements tels que le
prix Veuve Cliquot de la femme d’affaires ou les soirées Halloween. »
La présence sur le terrain est essentielle : « Je passe 40 % de mon temps en déplacements :
je vais à la rencontre des cavistes, j’accompagne mes importateurs chez leurs clients de la
☞ 157
MANAGER DANS LE VILLAGE PLANÉTAIRE
Repères Témoignage
158
Bien comprendre les différences
Section
2 BIEN COMPRENDRE LES DIFFÉRENCES
Évoluer et manager dans des contextes multiculturels exige une bonne compré-
hension de ce qui fait la différence, crée la distance entre les personnes, qu’elles
soient éloignées ou pas physiquement. Le manager doit savoir construire et maîtriser
le dosage entre distance et proximité, pour éviter les malentendus qui conduiraient
aux échecs, aux conflits ou à la rupture de la relation.
famille), sociale (le travail), publique (contacts officiels ou formels). Les façons
de faire sont très différentes selon les cultures, si les Américains utilisent la
parole pour rétablir la distance personnelle, pour les Français, ce sera le
silence ;
– le rôle du contexte de communication dans la compréhension des messages. Il
y a les cultures à « pauvre contexte » : les messages sont explicites et à faible
marge d’interprétation (cas des États-Unis, où les choses sont dites cash), et
celles à « contexte riche », où l’implicite est très fort dans la communication (un
regard, un soupir, un silence).
Cette grille est déjà d’une grande aide pour un manager commercial qui serait
amené à négocier ou à animer des équipes en milieu multiculturel, même s’il faut
159
MANAGER DANS LE VILLAGE PLANÉTAIRE
bien sûr garder à l’esprit que la réalité est bien plus subtile et nuancée que les grilles
de lecture.
Dans les années 1970, Geert Hofstede, à partir d’études (sur la base de question-
naires) menées chez IBM dans plus de 140 pays, identifie cinq grands facteurs de
différenciation culturelle et classe les pays selon un continuum construit sur des
oppositions, il retient :
1. La distance hiérarchique : cette dimension correspond au degré d’inégalité
attendu et accepté par les individus. Selon les cultures, le subordonné accepte plus
ou moins, voire recherche cette autorité. La distance hiérarchique se mesure à la
perception que le subordonné a du pouvoir de son chef, car cette représentation va
déterminer son comportement. Parmi les pays à distance hiérarchique élevée se
trouvent les pays latins européens (France, Belgique, Italie, Espagne), les pays
d’Amérique du Sud, les pays arabes et les pays d’Afrique noire. Et parmi les pays
à distance hiérarchique faible sont présents les pays germaniques, scandinaves et
anglo-saxons.
2. Le contrôle de l’incertitude : il désigne le degré de tolérance qu’une culture
peut accepter face à l’inquiétude provoquée par les événements futurs. Dans les
sociétés à faible contrôle de l’incertitude, leurs membres ont une tendance naturelle
à se sentir en sécurité relative. Par contre, dans les sociétés à fort contrôle de l’in-
certitude, les membres sont éduqués à chercher à contrôler l’avenir, la population
présente un plus haut degré d’anxiété qui se manifeste par une plus grande nervosité,
une émotivité et une agressivité plus fortes. Parmi les pays avec un contrôle élevé
de l’incertitude : les pays de culture latine, aussi bien d’Europe (France, Belgique,
Italie, Espagne) que d’Amérique (Mexique, Colombie, Venezuela, Pérou, Chili,
Argentine), le Japon. Parmi les pays avec un contrôle faible de l’incertitude : les
pays scandinaves et anglo-saxons, le Sud-Est asiatique, les pays en voie de dévelop-
pement, comme l’Inde et les pays africains.
3. L’individualisme et le collectivisme : ce critère exprime le degré d’autonomie
de l’individu par rapport au groupe et aux normes sociales, la plus ou moins grande
solidarité du groupe et le degré d’attachement aux valeurs communautaires. D’une
façon générale, on peut dire que les sociétés communautaires valorisent le temps
passé pour le groupe, tandis que les sociétés individualistes valorisent le temps passé
par les individus pour leur vie personnelle.
Dans une culture individualiste, employés et employeurs entretiennent des rela-
tions limitées aux relations de travail. Dans une culture communautaire, faire des
affaires suppose avoir tissé auparavant des liens d’amitié.
1. Geert Hofstede anime son propre site : www.geert-hofstede.com
160
Bien comprendre les différences
Ces deux chercheurs distinguent sept dimensions, qui rejoignent celles identifiées
par Hofstede, mais avec des nuances qui peuvent être particulièrement intéressantes
dans le monde des affaires. Nous retiendrons :
La place respective des relations et des règles : des cultures sont ainsi très atta-
chées aux contrats techniques, détaillés ; les secondes accordent plus d’importance
aux personnes et aux relations qui se tissent autour de ces contrats.
161
MANAGER DANS LE VILLAGE PLANÉTAIRE
Les émotions, qui peuvent être valorisées dans certaines cultures et vues comme
un signe d’authenticité et de richesse ; dans d’autres, elles sont perçues comme la
perte de maîtrise de soi.
Le rôle du statut, qui peut être plus ou moins prégnant : dans certains contextes
culturels, c’est le statut de la personne (ses titres, ses diplômes, sa position sociale)
qui va primer sur ses compétences ; dans les autres, on va d’abord regarder ce que
la personne est capable de faire, et ses résultats.
Toutes ces catégorisations doivent bien sûr être prises et utilisées avec précaution.
Elles sont difficiles à isoler et n’ont de sens que dans leurs interactions les unes avec
les autres, et la « réalité » est toute en demi-teintes, et autrement complexe. Ce sont
néanmoins des grilles de lecture qui permettent de décrypter bien des comporte-
ments et des situations jugés difficiles, ou d’éviter des problèmes dont les retombées
peuvent être graves pour les personnes comme pour les affaires dans le cadre de
l’entreprise.
Dans ces conditions, on comprend que manager les autres, tout en ne prenant pas
en compte leurs valeurs propres, a bien peu de chances de réussir.
C’est bien sûr dans le face-à-face que la mobilisation des connaissances des codes
de l’interlocuteur est la plus sensible. Les situations sont par définition multiples et
variées. Nous n’en proposerons que quelques-unes qui ont valeur d’illustration
(Bobot, 2008).
162
Bien comprendre les différences
L’accès aux réseaux en Chine est la condition sine qua non pour tout manager occidental.
Des réseaux souterrains qui exercent leur influence, sous la haute bienveillance du Parti.
« Il existe deux sphères. Une, restreinte, est constituée des proches et des amis avec service
obligatoire, chacun étant redevable à l’autre. La deuxième, plus élargie, représente le marché,
la société où on ne se doit rien, l’exemple même de l’univers impitoyable ».
Guy-Olivier Faure, professeur de sociologie à Paris V et à Shanghai.
Lors d’une rencontre, le bon interlocuteur est rarement celui qui parle ou qui possède le
plus long titre.
« Les Occidentaux ne savent jamais qui est le vrai décideur dans une discussion. Ce peut être
un de ceux qui n’a pas parlé, ou un vieil homme de 75 ans qui est resté chez lui. Combattre
l’influence des clans tient du donquichottisme. Mieux vaut en intégrer un. Ce qui se fera petit
à petit, à force de présentations, en s’adressant par exemple aux Français déjà expatriés. Les
Chinois ne cherchent pas à comprendre la culture des étrangers, d’ailleurs les explications les
ennuient. Ils veulent seulement avoir des outils, des recettes pour s’enrichir plus vite. »
Olivier Meier, maître de conférences à Paris XII et Paris-Dauphine.
Seuls les Indiens savent exactement comment s’y retrouver entre les différentes
catégories, les généalogies et les « quartiers de noblesse ». Il est inutile de se fonder
sur des idées toutes faites : on peut rencontrer aujourd’hui des cadres supérieurs
« intouchables ». De nature individualiste, les Indiens ont tendance à beaucoup argu-
menter et à travailler leurs interlocuteurs occidentaux à l’usure.
Quels sont les grands pièges à éviter pour un manager commercial appelé à évo-
luer dans un contexte multiculturel ou international (Drummond, 2008) ?
• Piège n° 1 : les stéréotypes
Les stéréotypes correspondent aux jugements des comportements et des individus
à travers nos propres filtres. À travers ces stéréotypes, l’Autre fait souvent peur. En
seconde approche, il est facile de se réfugier dans les stéréotypes qui expliquent
tout : « L’Italien est hâbleur, l’Asiatique est travailleur… ». Le piège est de rester
bloqué sur ces stéréotypes et de vivre le monde à travers eux.
• Piège n° 2 : rentrer dans une discussion sur les différences
Entrer dans un jugement de valeur sur les différences fait entrer dans un cercle
vicieux, la tolérance est la première marche vers la compréhension.
• Piège n° 3 : prendre pour des « évidences partagées » toute similarité
apparente
La tentation de s’accrocher aux similitudes est grande, elle permet de diminuer
l’angoisse, mais débouche très souvent sur de graves malentendus.
• Piège n° 4 : créer l’homogénéité pour « masquer » les différences
C’est l’idée qu’on peut « oublier » les différences, en se construisant des référen-
tiels communs. Si l’idée est bonne sur le principe, elle est impossible à mettre en
œuvre tant les valeurs culturelles remontent à la surface ; nier les différences n’est
pas la solution.
Ne pas identifier les risques interculturels, ou y être trop insensible, peut conduire
à des échecs en matière commerciale, dont certains peuvent être lourds de consé-
quences comme le montre le cas décrit dans l’encadré ci-après.
un autre
La Corée du Sud a maintenant le KTX-II coréen, jumeau et désormais concurrent direct du
TGV français. Il a inauguré sa carrière commerciale le 2 mars 2010 sur une ligne intérieure
coréenne. Il peut rouler jusqu’à 330 km/h et est construit par l’entreprise Rotem, filiale du
chaebol1 Hyundai.
La date de la mise en service n’a pas été choisie au hasard. Elle précède tout juste la clôture
de la liste des prétendants à l’appel d’offres pour le marché brésilien pour la ligne entre São
Paulo et Rio de Janeiro. Autre contrat en vue : la liaison grande vitesse entre San Francisco
et Los Angeles, d’un montant estimé à 33 milliards d’euros…
En 1993, la France était en pleine négociation avec la Corée du Sud pour la vente du TGV. La
compétition avec le Shinkansen des Japonais et surtout l’ICE des Allemands était féroce.
Pour gagner ce contrat, Alstom a consenti des transferts massifs de technologie, d’abord
☞ 165
MANAGER DANS LE VILLAGE PLANÉTAIRE
Section
3 MANAGER À DISTANCE DANS UN CONTEXTE
INTERCULTUREL
L’entreprise est un groupe humain pas tout à fait comme les autres, mais néan-
moins un groupe humain ; il n’échappe donc pas au contexte culturel, prégnant dans
le dessein de l’organisation, dans ses modalités de gouvernance, ou encore dans ses
fonctionnements au quotidien.
Le manager interculturel doit comprendre les peurs et les appréhensions des per-
sonnes qu’il dirige, car ces sentiments impactent directement la performance des
équipes. Des illustrations aident à comprendre ce phénomène subtil.
Ainsi, les Français ont la crainte d’une position servile. Cette peur d’entrer dans
un rapport de subordination perçu et vécu comme servile s’accompagne de son dou-
ble : le refus de se soumettre à plus fort que soi, la résistance à l’obéissance, la
contestation de l’ordre, la jouissance de frustrer le puissant ou le supérieur de l’exer-
cice de son pouvoir (d’Iribarne, 1989). La crainte d’apparaître dans une position
servile exige du donneur d’ordre qu’il accompagne ses instructions d’explications
rationnelles établissant un équilibre « d’intellect à intellect », faisant passer au
second plan la distance hiérarchique.
2. Source : gestion-des-risques-interculturels.com/ site animé par Benjamin Pelletier.
166
Manager à distance dans un contexte interculturel
Manager des équipes multiculturelles requiert les mêmes qualités que celle d’un
manager « classique », mais avec certainement des sensibilités supplémentaires à
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit.
167
MANAGER DANS LE VILLAGE PLANÉTAIRE
L’objectif d’un manager est d’obtenir la cohésion de ses équipes et d’être perçu
comme un leader légitime aux yeux de tous. Plusieurs techniques peuvent être mobi-
lisées pour gérer au mieux ces différences (Falcoz, 2007) :
1. Pointer les sources d’enrichissement que la diversité culturelle peut appor-
ter concrètement pour l’entreprise, pour la clientèle et aussi pour l’équipe et pour
chaque salarié.
2. Expliquer les difficultés qui risquent de survenir et la façon de franchir les
obstacles ; il est toujours très profitable de demander à chacun de s’ouvrir sur ses
craintes, incompréhensions, méconnaissances, points de blocage ou questions.
3. Développer une attention particulière au langage et aux micro-attitudes qui
sont l’expression des stéréotypes et préjugés, en ayant une attitude pédagogue et
individualisée (expliquer, écouter, rappeler ce qui n’est pas toléré).
4. Maintenir la cohésion (qualité et fréquence du travail collectif et des temps
d’échange, travail sur la vision partagée…) tout en étant vigilant aux pressions du
conformisme de la culture de l’équipe, des profils sociaux et scolaires dominants
s’ils existent…
La recherche d’une base élargie de compétences partagées pouvant constituer un
socle de pratiques est une bonne solution pour développer une cohérence sur les
capacités et les activités et non sur les personnalités et les appartenances ; a contra-
rio, la reconnaissance et la valorisation des spécificités professionnelles et person-
nelles de chacun, et positives pour la vie du groupe, doivent permettre de tenter
d’approcher l’équilibre entre complémentarité et similitude…
Le manager interculturel est plus que jamais un développeur de situations favo-
rables, il oscille entre des moments où il est souhaitable d’aller vite dans un contexte
connu, et d’autres contextes où il faudra prendre le temps de rapprocher les points
de vue tout en laissant les différences produire des idées nouvelles. L’objectif est de
créer une soft law qui gère les rapports des protagonistes, sans rigidité et selon un
processus de coconstruction.
Une fois acquises les bases de culture générale sur le pays, seules des formations
ayant la capacité de mettre en situation ou de simuler peuvent permettre de faire
évoluer ces compétences de manager à l’international. L’apprentissage sur le ter-
rain est aussi souvent la seule école, en souhaitant que les erreurs ne soient pas
payées trop cher.
168
Manager à distance dans un contexte interculturel
2 Manager à distance
2.1 L’évolution des contextes
Les managers commerciaux ont de plus en plus fréquemment à gérer des équipes
diverses, en termes de métiers, en termes de contexte culturel, et avec un éloigne-
ment géographique important. Les questions de distance, de rapport au temps (ne
serait-ce qu’avec le décalage horaire), de référents culturels, de vision de la relation
et de la résolution de problèmes sont donc durement convoquées à chaque fois
qu’une crise survient. C’est en effet dans ces moments que, souvent, les relations se
tendent, les cadres se rigidifient et les sentiments profonds ressurgissent. On peut
identifier trois facteurs explicatifs :
– à distance, les mécanismes qui alertent sur les dissonances entre verbal et non
verbal ne peuvent se mettre en place. La confiance n’est donc pas acquise et
sa construction demande une bonne maîtrise des moyens de communication à
distance ;
– les directives viennent d’en haut et de loin, et sont interprétées localement, il n’y
a pas de perspective globale et partagée ;
– le manager, s’il est à distance, n’est pas perçu comme un membre de la
« communauté chaude », et sa légitimité n’est pas acquise à ce titre, ce qui
accroît le risque de ne pas être suivi.
On observe trois temps quand une crise survient dans un contexte de management
à distance et interculturel (Forthomme, Bekhoucha, 2009) :
• Premier temps : le chacun pour soi
Chaque équipe essaie de comprendre et d’interpréter la situation problématique à
partir de sa perspective locale. De nombreux processus contribuent à un renforce-
ment de l’identité du groupe, afin de souder la cohésion de ses membres, dans l’idée
implicite de mieux faire front à l’adversité.
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit.
169
MANAGER DANS LE VILLAGE PLANÉTAIRE
170
Manager à distance dans un contexte interculturel
Les cas d’échec en marketing interculturel sont très nombreux : on peut citer l’exem-
ple de la lessive lancée à grands renforts de publicité au Mexique dans les années 1980
et qui n’a jamais rencontré sa cible, car pour les ménagères mexicaines, la preuve de
l’efficacité d’une lessive, c’est la quantité de mousse, or cette lessive en faisait peu.
Le nom d’un produit peut aussi être une erreur : ainsi Blédina s’est implantée sous
ce nom en Russie, or « blédina » est un terme très vulgaire en russe : Блядина
(attention, il faut bien accentuer le « i » : « blédina ») signifie « pute » dans cette
langue. Les dirigeants ont-ils réfléchi avant d’assumer leur décision ?2
Les forces de vente directement en phase avec les acheteurs sont souvent à même
d’appeler à la vigilance, une bonne utilisation de leur capacité de veille par le mar-
keting est un atout important.
On observe dans le même temps, sur le territoire français, la montée en puissance
du marketing ethnique, qui cible des communautés selon des critères d’origine ou
d’appartenance à des groupes culturels stables.
Pour la première fois en août 2010, une publicité pour des produits halal est diffusée, à
l’occasion du ramadan, sur de grandes chaînes nationales. Sur TF1 et M6 ainsi que les chaî-
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit.
nes de la TNT, un spot TV vante les mérites des plats cuisinés Zakia Halal qui sont, à en
croire le slogan, « toujours un régal ».
Lancée le 17 août, cette campagne à 300 000 euros orchestrée par une marque du groupe
Panzani s’adresse sans détour, et ce, dans un pays laïc, aux cinq millions de musulmans de
France. Elle s’achèvera le 2 septembre avant de reprendre à la fin du mois, au moment des
fêtes de l’Aïd.
1. La messagerie instantanée consiste à pouvoir être en interaction avec son correspondant (le service MSN a
beaucoup développé cette application), contrairement au mail classique (messagerie différée).
2. Source : www.nymeo.com
171
MANAGER DANS LE VILLAGE PLANÉTAIRE
☞ Dans ce spot au ton désuet, on voit un couple, une mère de famille, des jeunes…, tous d’ori-
gine maghrébine, se ruer dans un rayon de supermarché sur les barquettes de paella,
hachis Parmentier et lasagnes certifiés halal.
Une récente enquête de l’agence Solis évalue le potentiel du marché musulman en France
à près de 4 milliards d’euros pour 2009, avec une croissance annuelle estimée à 15 %. Selon
cette même étude, 93,6 % des consommateurs originaires du Maghreb remplissent leur
panier de denrées halal.
Ces stratégies sont cependant à manier avec précaution car elles touchent à l’ambi-
valence entre un besoin de reconnaissance de ces communautés et leur dénonciation
de tout risque de stigmatisation (Barth, Boyer, 2007). Les principales actions concer-
nent les adaptations des éléments du mix marketing : le produit (les livres à gros
caractères pour seniors), le prix (les forfaits hors vacances scolaires dans le tourisme
pour les seniors n’ayant plus de contraintes professionnelles ou familiales lourdes), la
distribution (l’adaptation de boutiques à des personnes handicapées), la communica-
tion (avec la mise en avant de personnes appartenant à ces communautés virtuelles :
des personnes d’origines ethniques différentes dans le cas de la cosmétique).
Si la communication ne disqualifie pas la cible, ne la caricature pas non plus, ou
ne renforce pas les stéréotypes existant à son endroit, alors le marketing communau-
taire joue pleinement son rôle.
Par contre, dans un de ces trois cas de figure, ou s’il s’agit d’un artefact pour inter-
peller une communauté sans autre justification, alors le procédé est ambigu, voire
litigieux. Que penser des labels « gay » dans l’hôtellerie par exemple ? S’ils peuvent
(version optimiste du phénomène) faciliter la prise de contact d’homosexuels,
échaudés par des rebuffades antérieures, et s’ils vont de pair avec un accueil parti-
culièrement friendly, il ne devrait pas y avoir de souci. Se pose pourtant l’utilité
d’une telle démarche, la présence même de ce label induit que l’accueil des gays ne
va pas de soi, pis, qu’il est spécifique… on aboutit alors aux antipodes du traitement
souhaitable, c’est-à-dire indifférencié. On peut imaginer que ce label joue même un
rôle de repoussoir pour des gays ne souhaitant pas faire connaître leur orientation
sexuelle. Bien au-delà de l’orientation sexuelle, on est bien là face au risque d’un
coming out implicite pour le consommateur.
La deuxième question porte sur le résultat, qui peut être la construction ou le renforce-
ment de stéréotypes, c’est-à-dire la pure fabrication de communautés, avec son cortège
de discriminations ou de disqualifications. La segmentation pose alors la question de tra-
vailler dans une logique de juxtaposition, et non d’intégration. Elle est en cela à l’opposé
de la diversité qui se fonde sur l’interaction et la reconnaissance de l’autre. Il faut alors
se prémunir du risque de figer des représentations, de s’engouffrer dans des stéréotypes
pour mieux les structurer, voire d’en créer de nouveaux (valorisants ou pas, question que
nous ne posons pas à ce stade de notre réflexion, même si elle est essentielle).
172
Manager à distance dans un contexte interculturel
Conclusion
Manager à distance, surtout quand cette distance est à la fois géographique, tem-
porelle et culturelle n’est pas spontané. On retrouve tous les ingrédients du manage-
ment classique mais au prix d’une dépense en temps et en énergie bien plus
importante pour le manager. Pourtant, de plus en plus de managers commerciaux,
du fait de l’internationalisation et du brassage des populations, seront amenés à diri-
ger des équipes remote. Connaître, comprendre, repérer les différences, et avoir de
bonnes grilles de lecture est essentiel. Maîtriser les outils également, encore faut-il
accepter le challenge de se connaître soi-même et d’accepter de se remettre en cause
à chaque nouvelle confrontation. La richesse de la différence est à ce prix.
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit.
173
Chapitre Le développement
personnel
8 du manager
commercial
Mieux se connaître pour être plus performant
digme dont les contours sont aussi : le plaisir d’aller travailler, le bien-être dans
l’activité, le droit aux émotions, la connaissance de soi, la prise de recul, le ressour-
cement. Cela rencontre les nouvelles attentes des salariés, jeunes ou moins jeunes.
Le manager commercial se doit aussi de rayonner en développant ses compétences
d’animateur et de tuteur au sein des réseaux qu’il doit apprendre à constituer.
Nous allons donc explorer dans ce chapitre les thèmes suivants :
Section
1 LE MANA GER COMMERCIAL SOUS PRESSION
Cette évolution des rôles voit se succéder quatre grands types de management : la
représentation classique où le manager est vu comme un expert, la représentation
néoclassique qui le présente comme un superviseur, la représentation du courant
social qui en fait un tuteur, et enfin la représentation proactive qui le décrit comme
un développeur (Brassier, 2004).
L’entrée par le conflit de rôle (voir l’encadré ci-après) nous semble éclairante
pour mieux comprendre les difficultés vécues par le management intermédiaire pour
se positionner dans l’entreprise.
177
LE DÉVELOPPEMENT PERSONNEL
2 Le stress
Le mot stress vient du latin stringere qui signifie « rendre raide », « serrer », « pres-
ser ». Hans Selye est le premier à utiliser ce mot en médecine1, et c’est en 1969 que
Bradley évoque pour la première fois le problème de la dépression psychologique due
à un stress.
Le principe (mis au jour par Claude Bernard) est que tout organisme vivant doit
maintenir son équilibre interne (principe d’homéostasie) en mobilisant l’énergie utile
aux processus d’adaptation. Cette adaptation est nécessaire lors des variations de
l’environnement, en particulier vis-à-vis des stimuli d’agression physiologique et
178 1. Hans Selye, The Stress of Life, 1956 (en français Le Stress de la vie, Gallimard, 1re éd. en 1962, 2e éd. en 1975).
Le manager commercial sous pression
psychologique. Le stress est une sensation que l’on éprouve lorsque l’on est confronté
à une situation à laquelle on ne croit pas pouvoir faire face correctement. L’organisme
va alors déclencher un ensemble de réactions nerveuses et hormonales.
Le stress est par nature positif car il permet de nous protéger et de nous aider à
réagir devant une situation de stress. Certains sportifs ou artistes savent d’ailleurs
que le stress leur procure une certaine efficacité et tend à améliorer leurs perfor-
mances. Cependant, lorsque l’énergie mise en œuvre n’arrive pas à s’exprimer, ou
qu’elle ne résout pas la situation, le stress devient négatif. Par exemple dans un
entretien d’embauche, en dépit des réactions désagréables liées au stress (le cœur bat
plus vite, les pommettes se colorent, la respiration s’accélère, etc.), le niveau de
concentration et de réactivité est meilleur. Mais si les réactions se traduisent par une
difficulté à se concentrer, à trouver ses mots, à mobiliser ses connaissances, à se
laisser envahir par ses émotions, il est évident que le stress est un handicap.
Mais rien n’est simple. S’il est toujours valorisant de s’adapter à une situation nou-
velle ou de relever un défi (« bon stress »), le risque existe de voir une situation plus
stressante encore s’installer. Par exemple, réussir à atteindre des objectifs élevés impli-
que qu’ils doivent être maintenus par la suite. Au contraire, un « mauvais stress », par
exemple un événement inattendu, une remarque désobligeante ou une situation bles-
sante peuvent contribuer à une remise en question, et faire progresser.
☞
179
LE DÉVELOPPEMENT PERSONNEL
Section
2 MIEUX SE CONNAÎTRE POUR ÊTRE PLUS
PERFORMANT
« Un bon vendeur est quelqu’un qui vous donne de vos nouvelles », qui a donc su
être à l’écoute de son prospect ou de son client, et qui a cherché à le connaître avec
bienveillance pour établir une relation durable. Mais comment bien connaître les
autres si on ne se connaît pas soi-même ? Pour cela, il faut accepter de prendre du
recul, comme on entre véritablement dans certains tableaux qu’en s’en éloignant
(ceux des impressionnistes sont particulièrement exemplaires à ce titre). De nom-
181
LE DÉVELOPPEMENT PERSONNEL
1 Le coaching
182
Mieux se connaître pour être plus performant
2 La psychanalyse et le management2
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit.
1950, le principe n’étant pas de psychanalyser des salariés sur leur lieu de travail
mais d’éclairer des situations vécues en entreprise. L’idée est que les psychanalystes
peuvent aider les managers à réfléchir à la vie en entreprise, sans toutefois se sub-
stituer à leur parole.
On peut retenir quelques éléments clefs qui structurent cette rencontre et en sou-
lignent aussi les tensions (Barth, 2008) :
– le rapport au temps : la psychanalyse travaille avec l’inconscient, or l’incons-
cient ignore le temps, alors que le monde du travail est celui du temps évalué,
mesuré par le conscient. Ainsi, le management utilise le temps, voire l’urgence,
comme stratégie de maintien du pouvoir. Il se tourne vers le futur pour se
détourner de la complexité humaine de la situation, quitte à se couper des ori-
gines, de l’histoire ;
– la distinction entre fonction de direction et pratique managériale : manager des
personnes ou avec des personnes, c’est prendre en compte l’ensemble de leur
réalité psychique, ce qui n’est pas forcément dans la finalité et le savoir-faire du
management ;
– la reconnaissance de la responsabilité des conduites inconscientes dans l’entre-
prise. Il faut rendre compte de ses actes même s’il n’y avait pas intention, ce qui
est souvent nié dans les organisations où la reconnaissance de l’erreur est perçue
comme une faiblesse ;
– dans l’entreprise se jouent et se rejouent les énergies à l’œuvre dans la sexualité.
Le désir est un moteur de la vie des entreprises, qui reste un tabou pour le mana-
gement ;
– il ne peut y avoir de vie dans l’entreprise sans un contrat de liberté, le pouvoir
de dire OUI mais aussi le pouvoir de dire NON. On constate que le droit d’alerte
et de retrait est très peu exercé à titre individuel.
Le sport est entré dans l’entreprise depuis maintenant des décennies (Pierre,
2009), avec différentes déclinaisons et objectifs :
– la fédération des salariés autour d’un projet commun : qui peut relever du spon-
soring (d’un bateau, d’une équipe cycliste) ou de l’équipe « maison », avec par-
ticipation à des compétitions sous les couleurs de l’entreprise ;
– l’installation d’équipements sportifs dans l’entreprise pour permettre aux sala-
riés de pratiquer des activités sur leur lieu de travail ;
– des soutiens accordés à des projets intra-entreprises comme des associations
sportives ;
– l’utilisation du sport dans des stages de développement personnel ou à finalité
de motivation pour les équipes ;
184
Mieux se connaître pour être plus performant
Les bienfaits attendus sont d’évidence (voir l’encadré ci-après), les limites aussi.
Le manager commercial se trouve confronté à ses propres affinités avec la pratique
sportive. Il doit faire avec la diversité des sexes, des âges, de la forme physique de
ses commerciaux pour que le sport ne devienne pas le prétexte à l’exclusion de cer-
taines personnes.
Pour être performant, le sportif met en œuvre des comportements spécifiques. En voici
quelques-uns transposables dans l’entreprise.
– Le switch : c’est la capacité de passer d’un état mental à un autre (ouvert sur l’extérieur,
concentré). Objectif : se placer dans les conditions les plus appropriées pour faire face à
toute situation au moment de l’action.
Les directeurs commerciaux et responsables d’agence du Crédit du Nord se transforment
en capitaines d’équipe en se familiarisant avec les techniques de l’aviron et du hockey. C’est
leur champ de perception qui évolue : ils comprennent que ramer au même rythme épar-
gne, être réactif face au changement de ligne de l’équipe adverse, ne pas être débordé, est
payant.
– La visualisation : elle permet de générer dans sa tête des séquences d’images au cours
desquelles, par simulation mentale, on « voit » se dérouler l’action à venir. Une technique
efficace, notamment pour le contrôle de l’anxiété des plongeurs de haut vol – et qui peut
aider à la résolution des conflits.
Se préparer, être à l’écoute sont des passages obligés en sport comme en négociation :
ainsi, en karaté, « rectifier la posture » change l’état d’esprit ; synchroniser l’attaque avec
une expiration (et, si possible, pendant l’inspiration de l’adversaire) est également un prin-
cipe actif lors de négociations délicates.
– La stratégie méta : on y est observateur de son propre comportement. Les athlètes recou-
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit.
rent à cette vidéo mentale pour décomposer leurs gestes, se voir dans toutes les positions
(de face, de profil), mais aussi pour se glisser dans la peau de l’adversaire et prendre
conscience de sa tactique. Utile pour le négociateur qui doit gérer ses émotions.
D’après Missoum, 1992.
4 La quête d’insouciance
Comme on l’a vu, les nouveaux contextes de travail favorisent le stress et les
pathologies au travail. Pour fuir ce quotidien oppressant, la quête d’insouciance est
partagée par de nombreux salariés.
185
LE DÉVELOPPEMENT PERSONNEL
Une des causes de l’absence de projet pour les fonctions commerciales est l’idée
d’un métier peu compatible avec une vie personnelle et surtout une vie familiale,
compte tenu des horaires, des déplacements et de l’engagement attendu.
Les commerciales vivent la conciliation de la vie professionnelle et de la vie fami-
liale comme une épreuve quotidienne1. On peut identifier trois grandes explications :
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit.
décalé » grâce au bureau virtuel. Ces tâches sont souvent faites en soirée, après
le coucher des enfants ;
– la fatigue
Les déplacements, l’obligation d’être sereine devant son client, sont autant de
sources de stress et d’obligation de mobiliser de l’énergie physique et mentale.
Quand s’y ajoute la « seconde journée », celle où l’on s’occupe de la maison et
des enfants, la grande fatigue guette.
Cet équilibre famille/travail est donc essentiel à préserver pour éviter les démoti-
vations et les baisses de performance. Pour cela, les managers doivent d’abord et
avant tout veiller à occuper et à offrir des postes où les rôles sont peu conflictuels,
peu flous et peu « surchargés ». Ils ont également intérêt à offrir de l’aide en matière
d’équilibre travail-famille à leurs employés parce que cela s’avère avoir une influ-
ence positive directe sur la satisfaction et le rendement au travail de ces derniers.
La gestion du conjoint ne s’apprend pas dans les écoles de management ou à l’uni-
versité, mais elle se pratique lors de moments de rupture de la vie professionnelle
comme l’expatriation. Les entreprises savent que la prise en charge psychologique
du conjoint et une bonne préparation à sa nouvelle vie sont essentielles à la réussite
de l’expatriation en famille, et donc à la performance professionnelle de l’expatrié.
Il est important qu’au-delà de ces cas particuliers, le manager commercial soit capa-
ble, au quotidien, de veiller à ne pas perturber la vie personnelle de ses équipes.
188
Être au cœur des réseaux
Section
3 ÊTRE AU CŒUR DES RÉSEAUX : ANIMER,
TRANSFÉRER, ESSAIMER
Le manager social va avoir comme objectif de créer son capital social selon deux
voies :
– exploiter de façon optimisée toutes les opportunités du marché, ouvrir de nou-
veaux marchés, fiabiliser les processus de vente et d’achat, et pérenniser la rela-
tion ;
– réduire sa vulnérabilité vis-à-vis de son entreprise car les relations hors de ses
circuits professionnels « naturels » resteront son capital propre. L’entreprise sera
alors dépendante des liens créés, non substituables par définition.
L’enjeu pour lui est d’avoir accès à l’information, conçue comme une ressource
mise au service de la performance commerciale. Dans cette stratégie, l’autre, les
autres sont considérés de façon systématique avec un a priori positif, car potentiel-
lement utilisables dans la construction de réseaux.
189
LE DÉVELOPPEMENT PERSONNEL
La constitution d’un réseau demande une stratégie très élaborée, et souvent une
infinie patience. Comment connaître a priori la valeur d’un contact ? La valeur de
ses propres réseaux ? C’est un véritable investissement en temps.
Un type de vente bien particulier exploite cette configuration du réseau : il s’agit
de la vente directe. Rappelons que, pour qu’il y ait vente directe, il faut mettre en
présence un vendeur et un acheteur en dehors d’un lieu destiné à la commercialisation.
Les deux formes les plus courantes sont la vente au domicile du client et la vente en
réunion. Le vendeur et l’hôtesse assurent l’organisation matérielle de la réunion au
domicile de cette dernière et présentent à ses ami(e)s une gamme de produits. En
2008, la centaine d’entreprises membres de la Fédération de la vente directe
présentent un CA de 1 656 millions d’euros (+ 9 % par rapport à 2007) et emploie
environ 242 000 vendeurs, dont la grande majorité sont des vendeurs indépendants,
très souvent à temps partiel (comme un complément d’activité). Les principaux
secteurs sont l’habitat, leader avec 44 % de part de marché, le bien être (13 %), la
gastronomie (11 %), la cosmétique (8 %), le textile (7 %), les produits d’entretien
(6 %), l’édition (4 %). Ce secteur est donc en pleine expansion et certaines
entreprises sont inscrites au patrimoine économique mondial : qui ne connaît pas
Tupperware ou les produits Stanhome ? Des entreprises récentes ont parié sur cette
troisième voie de la distribution : c’est le cas de Charlotte (lingerie), de Capitaine
Tortue (vêtements d’enfant) ou de Secret des Anges (sex toys).
☞
190
Être au cœur des réseaux
☞ giera l’attention portée au potentiel de chaque contact établi, qu’il soit amical, lié à la vie
sociale ou dans le cadre du travail.
Les négociateurs mettent en avant l’importance, tant en impact qu’en investissement de
temps, de « découvrir l’autre », autrement dit d’élaborer une relation interpersonnelle avant
d’afficher ses objectifs professionnels. Plus les contacts semblent détenir un fort potentiel,
être « politiques », plus ils doivent être « chouchoutés » et pris en considération dans cette
approche en deux temps. Cela justifie d’être très investi sur le « terrain », pour être reconnu,
et pour pouvoir à la fois « sélectionner » les relations que l’on veut initier et attendre le
« bon moment », « ne pas forcer » la rencontre. Il y a une forme de rituel dans ces approches
progressives des « chaînes de décision » propres aux clients clefs, qui se dévoilent dans la
durée seulement, mais où chacun pourrait avoir une influence qu’il faut découvrir.
Conséquemment, c’est sur la confiance réciproque que se bâtissent des relations qui durent
souvent au moins une décennie. C’est si l’on est perçu comme un interlocuteur personnel-
lement et professionnellement « fiable » que l’on s’assure de la pérennité de cet investisse-
ment relationnel, dans lequel l’image de marque est cruciale, et doit être entretenue au
moindre signal, qu’il indique une affaire potentielle ou un risque à venir.
D’après Brassier, 2008.
aideront très certainement en retour, sachant que plus on a de contacts, plus la cré-
dibilité est grande.
Par-delà les thèmes abordés et les contenus proposés, c’est donc l’occasion égale-
ment de se connaître et d’échanger. Pourtant, ces réunions sont souvent redoutées
par les équipes commerciales qui, ayant une conscience aiguë de la rentabilité de
leur temps, considèrent souvent qu’il s’agit d’une perte de temps pour tout le monde.
Il est donc important que le manager commercial y voit un enjeu important, d’autant
plus que leur coût est souvent très élevé (rémunération des heures passées, location
des locaux et du matériel de projection, repas pris en commun, remboursement des
frais de déplacement…).
Les étapes essentielles doivent donc être respectées pour une optimisation de ces
moments, nous en retenons six :
– se préparer : il faut se fixer des objectifs précis pas trop nombreux et bien ciblés,
choisir les participants adéquats pour éviter les désengagements, fixer la durée,
bien choisir le moment et le lieu et envoyer l’ordre du jour une semaine avant ;
– capter l’attention lors de l’introduction : il est conseillé de commencer par un
événement, une histoire vécue, un fait d’actualité récent, on peut aussi susciter
l’intérêt par des chiffres, des faits marquants… la technique de poser d’emblée
une question au groupe est également efficace ;
– présenter la réunion : il faut ensuite annoncer les grands objectifs de la réunion sans
dévoiler sa proposition, en spécifiant les limites de l’intervention (ce dont nous ne
parlerons pas), le déroulé (l’ordre du jour), le moment accordé aux questions/
réponses, la gestion du temps (les horaires, les pauses) et les documents remis ;
– gérer l’auditoire : donner la parole à ceux qui ne la prennent pas, modérer ceux
qui monopolisent le discours, repérer les signes d’impatience, d’ennui,
d’interrogation...
– faire valider la situation, partager l’état des lieux est essentiel. C’est à partir de
cet accord que l’on peut annoncer sa proposition, développer l’argumentation,
mettre en avant des avantages décisifs, chiffrer, répondre aux questions et aux
objections. Il faut ensuite verrouiller le plan d’action avec des échéances pré-
cises (rappel de l’objectif chiffré, étapes suivantes, moyens et méthodes),
dûment validé par l’auditoire ;
– conclure : la conclusion est un moment fort, après avoir résumé les points clefs,
il faut finir avec un exemple percutant, un slogan, une image marquante qui
incite concrètement à l’action. La fin doit être nette avec des remerciements à
l’assemblée.
192
Être au cœur des réseaux
Le niveau auquel un message particulier s’adresse est souvent communiqué par différents
métamessages non verbaux. Considérons par exemple les différentes implications dans les
messages suivants :
« Tu ne devrais pas faire cela ici. »
« Tu ne devrais pas faire cela ici. »
« Tu ne devrais pas faire cela ici. »
Basé sur le placement de l’inflexion de la voix, le message prend différentes implications
selon le niveau particulier d’intensité. Tu (identité) ne devrais pas (croyances/valeurs) faire
(capacité) cela (comportement) ici (environnement). C’est l’absence ou la présence de ces
métamessages qui détermine souvent comment un message est interprété, et s’il sera, ou
pas, interprété de manière appropriée.
D’après Dilts, 2008, www.ressource.be
Par ailleurs, les difficultés se trouvent amplifiées pour un manager commercial car
il ne peut avoir qu’une connaissance imparfaite des comportements des vendeurs du
fait de la quasi-impossibilité de les observer systématiquement.
La régulation du conflit est un enjeu important car la manière dont les commer-
ciaux interagissent avec les différents membres à l’intérieur et à l’extérieur de l’or-
ganisation va influer sur la performance, la satisfaction au travail, ou encore les
intentions de quitter l’organisation.
193
LE DÉVELOPPEMENT PERSONNEL
194
Être au cœur des réseaux
3.3 L’humour
L’humour a été peu étudié en management mais il est intéressant de voir combien
il peut apporter dans la construction de la relation, tant avec le client qu’avec des
collègues ou ses équipes.
L’humour peut avoir des objectifs très divers (Barth, 2007) :
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit.
195
LE DÉVELOPPEMENT PERSONNEL
Conclusion
196
Le manager
Chapitre
commercial face
9 aux défis de la
responsabilité sociale
de l’entreprise1
1. RSE.
197
LES DÉFIS DE LA RSE
terme. Dans cette perspective, il se développe une véritable sensibilité aux investis-
sements immatériels : la formation, l’éducation, le tri des déchets, le traitement
équitable des fournisseurs… gagnent en légitimité, au côté des investissements
matériels classiques. Ces nouveaux sujets interpellent l’ensemble des parties pre-
nantes de l’organisation et amènent l’entreprise à travailler véritablement à 360°.
Les dérives existent, la toute première étant celle d’une stratégie « cosmétique »,
quand l’enjeu d’image prend le pas sur les convictions profondes et le prix à payer
peut être élevé, même s’il n’est pas directement visible. Un discours de façade, sim-
plificateur, ne peut que générer des attentes et des espoirs… vite déçus. La réalité
vécue ne ressemble en rien à l’image proposée. Il reste alors aux salariés la démoti-
vation et la « dissonance cognitive », qui amorcent le cercle de la sous-performance.
Si la fonction marketing et celle des ressources humaines sont fortement mobilisées,
la fonction commerciale doit aussi répondre présente et s’insérer dans ce qui est une
conduite de changement structurel. Nous évoquerons donc le nouveau rôle du mana-
ger commercial face aux défis de la responsabilité sociale de l’entreprise.
Section
1 LA FONC TION COMMERCIALE ET
LA RESPONSABILITÉ SOCIALE DE L’ENTREPRISE
La responsabilité sociale (ou sociétale) des entreprises (RSE) est un concept dans
lequel les entreprises intègrent les préoccupations sociales et environnementales aux
enjeux économiques, dans leurs activités et dans leurs interactions avec leurs parties
prenantes. Elles le font sur une base volontaire, même si des cadres de régulation
apparaissent.
198
La fonction commerciale et la RSE
La RSE demeure avant tout une démarche volontaire et constitue donc une soft
law1, même si l’on voit apparaître des cadres normatifs et légaux, encore peu coer-
citifs. En Europe, le Danemark est le premier pays à avoir imposé un reporting envi-
ronnemental à ses grandes entreprises comme une obligation légale incontournable.
En France, l’article n° 116 de la loi sur les nouvelles régulations économiques
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit.
(NRE), votée en 2001, demande que les entreprises cotées en Bourse indiquent dans
leur rapport annuel une série d’informations relatives aux conséquences sociales et
environnementales de leurs activités. Il correspond à une modification du Code du
commerce. L’entreprise a l’obligation de fournir des informations concrètes et si
possible quantifiées sur le pilier environnemental (compatibilité environnementale,
réalisation d’objectifs quantitatifs, etc.), sur le pilier social (accidents, lutte contre les
discriminations par exemple, engagements en matière de formation, etc.), mais garde
une entière liberté méthodologique pour ce faire.
Pour renforcer l’objectivité des rapports et en garantir la véracité, des sociétés
d’audit et de notation sociale, proposant des méthodes structurées, se sont créées.
1. Une soft law est un ensemble de règles qui ne relèvent pas d’obligations juridiquement sanctionnées.
199
LES DÉFIS DE LA RSE
Toutefois, la loi ne précise pas les conditions de responsabilité juridique des diri-
geants en cas de manquement à cette obligation de communication ; on compte
davantage sur les exigences des actionnaires et d’une manière plus générale des
marchés financiers via l’approche de l’ISR1, l’information financière se tournant de
plus en plus sur des éléments qualitatifs. Depuis 2005, environ 85 % des entreprises
françaises cotées répondent à cette obligation.
Plusieurs normes sont apparues ces dernières années, nous retiendrons l’ISO 26000
et le Social Accountability Standard 8000 (SA 8000) :
– la norme ISO 26000 : elle se définit comme la « responsabilité d’une organisation
vis-à-vis des impacts de ses décisions et de ses activités sur la société et sur
l’environnement, par un comportement transparent et éthique qui contribue au
développement durable (incluant la santé et le bien-être de la société), prend en
compte les attentes des parties prenantes, respecte les lois en vigueur, est compatible
avec les normes internationales de comportement, et est intégré dans l’organisation
et mis en œuvre dans ses relations ». Sa publication est prévue pour 2010 ;
– le SA 8000 : ce standard a été initié par le Council on Economic Priorities,
devenu Social Accountability International (SAI), qui le développe et le super-
vise. Il concerne les conditions de travail, l’interdiction du travail des enfants,
du travail forcé, la discrimination, le temps de travail, mais ne traite pas des pro-
blèmes plus larges d’écologie.
1. L’ISR est un investissement socialement responsable effectué selon des critères sociaux, environnementaux,
d’éthique et de gouvernance. L’hypothèse est qu’une meilleure appréhension des risques et un meilleur manage-
ment assurent la performance financière des sommes investies à moyen et long terme.
200
La fonction commerciale et la RSE
Pourtant, chercher à vendre sans s’inscrire dans la RSE peut avoir un coût. Il y a
bien sûr les coûts visibles avec la réduction, pour les promoteurs de crises, de leur
chiffre d’affaires, voire même leur liquidation (dans le cas de la crise des subprimes,
bon nombre d’établissements financiers américains ayant contribué au processus ont
fermé leurs portes). On peut y ajouter les coûts directs de réparation, avec les frais
de justice ou d’indemnisation des victimes de ces mauvaises pratiques.
Il y a aussi les coûts cachés avec les effets indirects, diffus et induits de ce type de
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit.
peut citer le cas de France Telecom qui n’a pas su gérer le virage de sa privati-
sation de façon socialement responsable, et qui a dû affronter des crises graves
(dont des suicides au travail) traduisant le désengagement de ses salariés ;
– la perte de confiance : l’ensemble des parties prenantes perd confiance, les sous-
traitants, les fournisseurs, les prestataires de services, condamnant l’entreprise à
chercher ailleurs et plus cher des entreprises de substitution. La grande distribu-
tion vit cette défiance, de l’opinion publique comme de ses fournisseurs, malgré
de nombreux projets tournés vers la RSE (l’écologie pour Leclerc, la diversité
pour Casino) ;
– les dégâts collatéraux, comme la haine de la concurrence assimilée à l’entreprise
coupable (et non responsable le cas échéant). Ainsi, la crise des subprimes est
née des risques pris de façon aberrante par certains établissements de crédit amé-
ricains, qui ont ensuite contaminé les autres institutions bancaires, qui ont dû
licencier massivement, qui ont vu leurs performances chuter, leurs clients se
retrouver sans toit du jour au lendemain, et leur image durablement dégradée
dans l’opinion publique ;
– on peut voir que le coût est bien souvent inappréciable tant les dégâts peuvent
perdurer. Penser une vente plus responsable peut contribuer à éviter ces crises
majeures, quelquefois fatales pour les organisations.
La RSE peut être déclinée en plusieurs types d’actions, qui peuvent être menées
concomitamment par la même entreprise. C’est le cas du commerce équitable, de la
prise en compte de l’environnement, du commerce solidaire avec la vente de pro-
duits partage.
202
La fonction commerciale et la RSE
– le projet de construire une relation stable, durable et directe avec ceux qui pro-
duisent ;
– le défi de l’élévation de la qualité du produit ou du service en intervenant sur les
paramètres de connaissance, de formation, de soutien technique et financier dans
le souci d’un partenariat équilibré ;
– l’échange de savoirs, de savoir-faire, d’assistance dans une logique de filière et
pas uniquement d’acte d’achat ;
– l’installation dans la durée, au-delà de la première génération.
L’écoconception :
Créée en Angleterre en 1995, la société Lush produit et
commercialise des produits cosmétiques frais et faits à la
main à base de fruits et de légumes d’origine biologique,
avec les meilleures huiles essentielles ainsi que des ingré-
dients synthétiques sûrs. Les produits Lush sont écolo-
giques et sont fabriqués dans le plus grand respect de l’environnement, des animaux et de
la peau. En anglais, lush signifie « luxuriant, juteux et appétissant ».
☞
204
La fonction commerciale et la RSE
☞ L’idée est simple et révolutionnaire : éliminer toute substance périssable (c’est-à-dire les
liquides) de leurs produits de beauté pour ainsi faire des cosmétiques solides et sans
emballages. Lush a de cette manière solidifié le shampooing, les huiles de massage, les
sels de bain et les crèmes pour le corps ; et continue de les produire de manière artisanale
en petite quantité et en les vendant au poids.
Avec les emballages et les formules liquides disparaît également le besoin d’ajouter aux
produits des conservateurs, qui sont dangereux pour la santé de la peau.
Lush a une politique commerciale en complète cohérence avec ce positionnement, on peut
citer :
– des actions de marketing partage avec des organisations œuvrant dans l’environnement,
la protection des animaux et la préservation, comme People for Animals, Turtle Conserva-
tion Project, et la Sumatran Orangutan Society ;
– un engagement très fort dans des causes écologiques, comme la défense des requins en
collaboration avec Sea Shepherd. Lush a écrit à certaines fédérations françaises (restau-
rants, pêche, etc.) en leur demandant d’arrêter la pêche et la vente de requin. Lush demande
aussi à ses clients de boycotter les restaurants qui vendent des plats à base de requin (aile-
rons, steak, etc.) jusqu’à ce qu’ils arrêtent d’en vendre.
À travers son site Internet, Lush diffuse une vidéo qui montre le massacre des requins.
Les magasins sont impliqués dans l’ensemble des actions et les vendeurs comme leurs
managers doivent partager les valeurs fortes de l’entreprise. Le succès grandissant de cette
enseigne (plus de 650 boutiques dans le monde) prouve l’attractivité commerciale de tels
projets.
Source : www.lush.fr
Un produit partage est un produit dont une part des bénéfices est reversée à une
organisation type ONG, organisation humanitaire, écologique ou autre. Le marke-
ting partage coordonne ces opérations de produits partage qui sont souvent faites
sous forme de promotion.
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit.
Pour éviter que le client n’ait le sentiment de payer seul, il faut que l’entreprise
sache communiquer sur sa propre participation financière, et pas uniquement
logistique. Le consommateur regarde avec une certaine méfiance ces actions,
même si elles lui donnent parfois bonne conscience pour la décision d’achat de
certains produits.
Il est également essentiel, comme on le voit dans les trois exemples retenus, que
l’entreprise sache impliquer les salariés, et tout particulièrement les commerciaux
dans ces actions. Il y a manifestement un véritable effet d’entraînement et une valo-
risation de l’image auprès de l’ensemble des parties prenantes.
205
LES DÉFIS DE LA RSE
Section
2 LE MANA GEMENT COMMERCIAL ET L’ÉTHIQUE
Associer l’éthique à la vente est un pari difficile tant ces deux termes paraissent
antinomiques depuis des siècles de civilisation judéochrétienne.
Pourquoi ces représentations dégradées de la vente et de ses métiers ? Peut-on
envisager une possible articulation entre vente et éthique ?
Ce sont ces deux questions qui vont guider notre réflexion.
Quelques définitions :
Une étude du passé nous fait découvrir une longue histoire de désamour entre
éthique (ou morale) et acte marchand (ou commerce). Nous y associons la négocia-
206
Le management commercial et l’éthique
Nous devons admettre que la vente est longtemps restée liée à la recherche du
profit et qu’à ce titre elle heurte la morale traditionnelle de nos sociétés depuis
l’Antiquité.
Cette explication nous semble satisfaisante mais réductrice. Des signes montrent
que la vente et le vendeur ne sont pas simplement montrés du doigt pour cette seule
relation au profit. Platon nous met sur la voie quand il compare le vendeur qui peut
vendre n’importe quel produit au sophiste qui, lui, peut défendre n’importe quelle
thèse.
Ce détachement du vendeur par rapport au produit (ou service) qu’il vend, comme
le détachement de soi qu’il exerce pendant la négociation (car pour mieux maîtriser
sa relation à l’autre, il doit rester observateur de son action), dérange. Cette percep-
tion d’une instabilité fondamentale est antinomique avec la disposition à agir de
façon constante qui est le fondement même de l’éthique (ethos). Cette adaptabilité,
cette mobilité du vendeur, sa capacité à saisir les opportunités (Hermès vient du grec
hermaïon qui signifie : « fruit tombé, aubaine ») et à maîtriser le discours de l’autre
expliquent aussi que les marchands et les voleurs aient le même dieu (Hermès ou
Mercure) dans l’Antiquité gréco-romaine.
La vente ne serait-elle qu’une metis1, une ruse ? Une ruse peut-elle être éthique ?
C’est ce que nous allons chercher à mieux cerner en interrogeant le mythe du dieu
Hermès.
Tout d’abord, que serait une vente non éthique ? Le vendeur userait de son « pou-
voir » et de sa compétence (la persuasion par exemple) pour vendre plus cher que le
prix prévu, vendre un produit dont personne ne veut ou n’a nul besoin, vendre une
quantité supérieure à celle désirée, vendre du matériel dégradé…
À l’opposé, si l’on essaie de décrire cette vente éthique, on fait appel aux para-
mètres suivants : le respect du client, l’objectivité et la transparence de l’informa-
tion, la satisfaction de l’intérêt du client, le respect des engagements…
On comprend vite que le vendeur se trouve alors soumis à des conflits éthiques ou
des « dissonances éthiques » (Nillès, 1998), car il y a d’emblée des tensions entre
réussir une vente immédiate et l’objectif de fidélisation du client, la transmission
d’une information objective et la persuasion à mettre en œuvre pour emporter l’ac-
cord du client, le respect de la personne et le désir d’influencer sa décision, le souci
de responsabilisation du client et la manipulation dont il peut faire l’objet lors de la
négociation. Les qualités recherchées chez un bon négociateur se confrontent vite au
cadre de l’éthique : ainsi, être persuasif peut très vite se transformer en manipulation
1. Les philosophes grecs distinguaient la theoria, la praxis (l’action), et la metis : que l’on peut définir comme
208 une intelligence pratique.
Le management commercial et l’éthique
du client, avoir le goût du challenge, du risque, du gain peut amener à des rationali-
sations excessives du style : « tous les moyens sont bons » (Barth, 2002).
Quatre situations propices au manque d’éthique :
– La répartition du portefeuille clients entre vendeurs : une équipe de ven-
deurs est composée d’un ensemble d’individus qui travaillent ensemble mais
avec des objectifs souvent dictés par des gains non mutualisés. Il devient alors
tentant et quelquefois facile, grâce au hasard ou à des opportunités, de faire une
vente sur le territoire d’un collègue.
– Les relations entre offreurs : l’entente entre vendeurs contre le client est une
autre pratique non éthique de la vente. Bien des professions ont ainsi une concer-
tation à tous les niveaux pour ne pas perturber le jeu d’une concurrence sous
surveillance. Il ne s’agit, bien sûr, pas forcément d’ententes illicites. Il s’agit tout
de même de contraindre le client à un achat peu optimisé.
– La relation asymétrique de pouvoir avec le client et la gestion de cette asy-
métrie (qui n’est pas forcément toujours en faveur du vendeur) : l’acte de vente
est un acte de conviction, de persuasion, de transformation du client. Dans la
réalité quotidienne, le vendeur se retrouve souvent face à un client qui a besoin
d’être convaincu pour franchir le pas que représente l’acte d’achat. Il a besoin
d’être rassuré (théorie du risque perçu). Il n’a pas compris tous les bénéfices que
pouvait lui apporter le produit ou le service. Il n’a pas complètement pris
conscience de son besoin. Il se trouve face à une alternative concurrentielle…
De cette capacité à informer, expliquer, répondre aux objections, on perçoit
combien il est simple, par paliers successifs, de passer de la persuasion à la
manipulation. Les choses peuvent se faire de façon volontaire ou pas, mais il
n’est pas simple d’évaluer à quel moment la ligne jaune est franchie.
– L’utilisation du temps de travail du vendeur : les cas sont nombreux où le
commercial est suffisamment éloigné de l’entreprise (en distance) pour qu’il soit
extrêmement difficile de contrôler l’utilisation de son temps de travail. Fait-il
des rendez-vous ? Remet-il les offres ? Ou même travaille-t-il ? Là encore, il
s’agit rarement de prises de position bien claires mais plutôt de petits glisse-
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit.
209
LES DÉFIS DE LA RSE
Les commerciaux doivent pratiquer une vente adaptative afin de construire des
attentes réalistes et d’accroître l’effort du client ainsi que sa perception de l’effort
L’idée est que, sur le long terme, l’éthique est payante : en diminuant le sentiment
de risque chez le consommateur (composante forte du processus d’achat), elle per-
met de consolider le lien avec le client et donc d’augmenter CA et profit.
L’éthique fait fonction d’image de marque. L’utilisation de l’éthique à des fins
professionnelles responsabilise les salariés, les conduit à la pratique d’un auto-
contrôle des comportements (attitudes qui sont autant de gains en termes de mana-
gement, de temps, d’énergie…). L’entreprise crée ainsi souvent ses propres valeurs
et élargit l’espace professionnel qui lui est traditionnellement dévolu.
L’éthique de la vente se doit d’être évaluée (et défendue) du point de vue du ven-
deur.
On peut identifier les pistes de recommandation suivantes :
– impliquer le vendeur dans la stratégie de l’entreprise, car l’instrumenter le
pousse à des comportements tels que ceux décrits et dont le plus patent est de
« jouer pour soi » et non pour le projet de l’organisation ;
– éviter les systèmes de motivation privilégiant les gains et le quantitatif qui
amènent à des stratégies de vente « à tout prix », bien souvent au détriment du
client ;
– contrôler les comportements de la force de vente, surtout si elle est disséminée,
pour éviter les tentations de dérives qui nuisent à l’efficacité du travail fourni.
Mais il faut être vigilant car un excès de contrôle peut traduire un déficit éthique
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit.
211
LES DÉFIS DE LA RSE
Section
3 LE MANA GEMENT DE LA DIVERSITÉ
DANS LA FONCTION COMMERCIALE
Cette vision, que l’on peut lapidairement renommer « coûts avantages »1, permet
d’identifier les coûts et les retours sur investissement d’actions de nature immaté-
rielle.
213
LES DÉFIS DE LA RSE
Le personnel au contact, les vendeurs, incarne l’organisation aux yeux des clients.
Le mot d’ordre est la cohérence entre l’attitude de ce personnel et l’ensemble de la
politique marketing ; il y va de la crédibilité globale de l’organisation. Ainsi, peut-on
promouvoir l’ouverture à des clients d’origines ethniques variées si l’un d’entre eux
fait l’objet d’un refus de vente ? Les très nombreuses campagnes de testing ont sou-
vent mis le doigt sur ces hiatus entre discours et réalité (Amadieu, 2002).
Peut-on communiquer sur la variété des origines si les populations visibles par les
clients, les forces de vente, n’incarnent pas cette variété (en âge, sexe) ?
La fonction vente et les personnes qui y travaillent sont l’image de l’entreprise,
tant par ce qu’elles sont que par ce qu’elles font, d’où cette amplification indéniable
de toute action touchant ces populations. Beaucoup de banques ou d’assurances ont
ainsi fait le choix pour leur campagne de communication de la mise en scène de leur
personnel au contact : portrait de tel ou tel conseiller pour la campagne d’affichage
ou théâtralisation de l’acte de négociation dans les publicités télévisées (campagne
récente du Crédit agricole).
Cette amplification peut aussi amener à deux tentations qui marqueraient les seuils
de ce que nous appellerons : les « stratégies de diversion de la diversité » :
– la première stratégie est de récupérer la diversité pour un discours de façade ;
– la seconde stratégie de diversion est de configurer son offre produit-service et sa
clientèle dans une vision communautariste de consommation.
Cela va alors ouvrir la porte de l’entreprise à des groupes encore peu représentés
et justifier la politique de diversité. Est-ce que la performance est réellement plus
grande avec ce type de recrutement ? On peut ainsi envisager tous les risques de
frustration et de démotivation des personnes embauchées pour cette raison, comme
le risque, à gérer auprès de la clientèle, de ne pas avoir la vraie compétence attendue,
les critères de recrutement ayant été déplacés.
Si l’on se place dans une perspective long terme, le coût risque d’être plus fort que
les gains espérés de telles mesures.
La seconde mise en œuvre de la diversité est celle fondée sur l’idée de la « proxi-
mité avec le client » : on vendrait mieux au client si on lui ressemble ; c’est ainsi que
Grand Optical a décidé de recruter des seniors pour mieux vendre à des clients pres-
bytes ; c’est ainsi que pour attirer des publics de telle origine ethnique, il vaut mieux
parier sur des vendeurs de la même origine… La dimension expertise peut être mise
en avant, comme dans le cas de solutions de téléphonie adaptées aux sourds propo-
sées par France Telecom et vendues par des sourds, mais on peut se poser légitime-
ment la question du risque de ghettoïsation de telles pratiques de RH.
215
LES DÉFIS DE LA RSE
Le problème, c’est qu’au nom du client tout devient possible : on ne recrute pas,
mais du coup, deuxième anticipation, on ne forme pas et l’autocensure se met en
route ; sans débouché réputé, pourquoi se lancer dans tel type de formation ?
Ces scénarios sont construits avec les personnes travaillant dans l’entreprise, de
façon à être au plus près de leurs préoccupations. Ils permettent d’avoir un retour
pour l’entreprise des pratiques, mais aussi de la bonne compréhension des attentes
de l’entreprise ainsi que de l’appropriation des actions entreprises en faveur du
sujet.
Les réponses apportées par la personne se font aussi sous 3 angles :
– le scénario de réponse que je trouve le plus en phase avec mes valeurs ;
– celui que je vais mettre en œuvre ;
– ce qu’attend l’entreprise.
Enfin, l’outil est administré en ligne pour garantir l’anonymat et permettre des
évaluations globales en temps réel.
217
LES DÉFIS DE LA RSE
Conclusion
218
Conclusion
générale
Compte tenu des grandes évolutions sociétales, de plus en plus de secteurs d’ac-
tivité se marchandisent : l’éducation, l’hôpital, les services publics… amenant
progressivement à dialoguer avec un client, et non un usager ou un patient.
L’encadrement de ces structures doit alors savoir emprunter des clefs de lecture au
management commercial, ou tout simplement des pratiques (à adapter bien sûr) pour
accompagner ces changements.
Si toutes les situations de management commercial sont différentes, si sous le
dénominateur commun de « manager commercial » se retrouvent des pratiques, des
fonctions, des missions extrêmement variées, il existe néanmoins des fondamentaux
qu’il est bon de connaître pour mieux se construire ses propres grilles de lecture. Le
parti pris a donc été de faire l’aller-retour entre contexte spécifique et réflexions
plus génériques.
219
LE MANAGEMENT COMMERCIAL
La pertinence d’un tel manuel n’existe qu’à travers l’appropriation que ses lec-
teurs en auront.
Il s’adresse à des managers commerciaux en activité qui souhaitent mieux compren-
dre ce qu’ils font, et exercer une prise de recul pour mieux ajuster leurs pratiques.
Il est également conçu pour des managers commerciaux en devenir, des étu-
diants qui auraient un projet professionnel dans ces domaines, et aussi des étudiants
curieux d’une fonction qui ne suscite que peu d’intérêt chez les jeunes diplômés ou
dans les cursus postbac.
Il vise enfin à accompagner des formateurs dans la vaste tâche d’initier au mana-
gement commercial ou, du moins, dans une de ses facettes.
Le management commercial n’est plus depuis longtemps un management unique-
ment fondé sur l’empirisme, l’essai-erreur, le charisme du manager. Il doit aussi
résister aux tentations du « tout technologique » car sa performance est avant tout
celle d’hommes et de femmes, dans leur complexité, leur unicité et leur diversité.
Le management commercial doit être perçu comme un exercice délicat, un équi-
libre précaire, un tricotage fin et quotidien entre ce qui organise les structures (pro-
cédures, système d’information, chaîne de la production, organisation…) et ce qui
génère les comportements (motivation, concertation, coordination, communication,
formation…).
Si le contexte pèse sur le manager commercial, le manager commercial de demain
doit être convaincu (et se donner les moyens d’y parvenir) qu’il peut, en retour,
façonner son environnement.
Nous formulons le vœu, que, modestement mais sûrement, cet ouvrage contribue
à aider les managers commerciaux à raconter leur propre histoire.
220
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230
Index
Centre multicanal
directeur 111 DAS
Chaîne de la valeur commerciale 126 (domaine d'activités stratégiques) 34, 35
Challenge 72 Découverte 140
Challenges 73 Délocalisation 151
Charge commerciale 126 Départ 102
Click and Mortar 112 Désengagement 90
Client Développement durable 204
on line 110 Dissonance éthique 208
Climat éthique 211 Distance 151
Coach 99 Distance hiérarchique 160
Coaching 182 Double contrainte 177
Collectivisme 160
commerce équitable 202
commerce international
métiers 156
231
LE MANAGEMENT COMMERCIAL
E Intégration 92, 97
Intelligence
Éditeur 118 émotionnelle 23, 25
Enchère inversées 147 Internationalisation 151
Engagement 85, 93 ISO 26000 200
Équipe
interculturelle 166
Éthique 198 J
Export
chef de produit 158 Jeu 72
chef de zone 157 Jeunes entrants 89, 92
directeur commercial 156
Exportations 152
L
F Leader 13
Logique d'affaires 9
Famille 188 Logique professionnelle 10
Femmes 8 Loyauté 103
Fonction achat 144
Fonction commerciale 8
Force de vente M
animation 83
calibrage 48 Management
Formation 25, 97 autoritaire 14
Forumeur 111 consultatif 15
latéral 18
participatif 15
G Manager
intermédiaire 17
Gestionnaire 14 Marketing
GRC ethnique 171
(gestion de la relation client) 105, 108 interculturel 171
M-commerce 114
Médiation commerciale 149
H Métiers 7
Mission
Home office 152 définition 52
Honneurs 75 Modérateur 111
Horizontale Motivation 84
expertise 127
Humour 195
N
I Négociation 129
de crise 148
Implication 93 indienne 163
Incertitude 160 interculturelle 162
Indicateurs commerciaux 76 multipartite 147
Indirectement commerciaux 125 saoudienne 163
Individualisme 160 Négociation commerciale 133
Insouciance
quête 185
232
Index
O S
Objection 141 salaire
fixe 69
variable 69
P Salarié
attentes 89
PAC Sanction 102
(plan d'action commerciale) 40 Secteur 48, 49
Parité 8 équilibre 50
Performance 87 Senior 91
Personne au contact 125 SFA
Pestel (Sales Force Automation) 106, 115
modèle 32 Situation 16
Peurs 166 Soft law 199
Pilotage 59 Soft skill 20
outils 76 Sport 184
Portefeuille clients 48 Statut 162
Porter Stéréotypes 165
modèle de 33 Stratégie 30
préparation 135, 138 commerciale 29, 37
Prime exceptionnelle 74 démarche stratégique 32
PRM Stress 178
(Prospect Relationship Management) 107 Supply Chain 108
Projet Support familial 187
professionnel 83
Proposition 140
prospection 136 T
Psychanalyse 183
Tactiques 142
Téléconseiller 110
R Traçabilité 117
Triade produit-canal-marché 112
Reconnaissance 89
Recrutement 92
Relation client U
directeur 111
gestion 105 Usager 122
multicanal 106
Représentations 93
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit.
Réseaux 189 V
Réseaux sociaux 127, 191
Réunion 191 VAE
Rôle 177 (validation des acquis de l'expérience) 26, 27
RSE VAP
(responsabilité sociale de l'entreprise) 197 (validation des acquis professionnels) 26
Rupture 133 Vente
multicanal 108
VRIO
modèle 36
233