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La gestion du risque fiscal : une pratique de saine gouvernance

-L’impôt est une charge importante d’exploitation qui influe sur les résultats et la situation
financière d’une entreprise. Pour minimiser cette charge la direction des entreprises fait
appel à une panoplie de stratégies fiscales, dont certaines respectent l’esprit de la loi et
d’autres considérées comme « agressives ».

-L’utilisation de stratégies fiscales agressives (concept d’évasion fiscal) est susceptible


d’augmenter le risque fiscal à un niveau possiblement inacceptable. Afin de pallier cette
situation, plusieurs auteurs préconisent d’améliorer la gouvernance d’entreprise et
d’accroître la transparence de l’information financière des sociétés

- De nos jours, l’entreprise se doit d’agir en bon citoyen corporatif en payant sa juste part
des impôts. Ainsi elle doit être proactive dans le maintien de son image et sa réputation à
travers la détermination et l’évaluation du risque fiscal.

- Le risque fiscal est souvent ignoré par les directions car elles trouvent qu’il affecte l’objectif
de maximiser la richesse des actionnaires et l’intérêt des investisseurs et parties prenantes.
Cependant, la minimisation du fardeau fiscal d’une société par le strict respect de la loi n’est
plus une pratique acceptable.

-Dans le contexte actuel, les gouvernements tentent par tous les moyens de réduire leur
déficit.

- La fiscalité constitue une dimension de plus en plus importante de la responsabilité sociale


des entreprises. Les gouvernements redoublent d’effort pour contrer les planifications
fiscales agressives .Quant au public, il est devenu critique et peu tolérant à l’égard des
fraudes fiscales qui font la manchette des journaux.

Plusieurs pays comme le Canada, les États-Unis et le Royaume-Uni ont déjà mis en place des
règles de divulgation des planifications fiscales agressives et le renforcement des systèmes
de sanctions.

- Dans le cadre des pratiques de saine gouvernance et la GRF, des recommandations sont
faites par OCDE qui encourage les dirigeants et les comités d’audit des entreprises (par ex.
les PDG et les membres des conseils d’administration) à s’intéresser de plus près et à
assumer la responsabilité de leurs stratégies fiscales.

- Beaucoup d’entreprises cherchent à minimiser leurs impôts même avec des moyens qui
risquent de contrevenir aux lois fiscales. Cela veut dire que la direction ignore ou sous-
estime le risque de non-conformité fiscale. Cette façon de faire satisfait le conseil
d’administration et les actionnaires qui jugent que le risque fiscal est généralement peu
élevé et considèrent que la conformité fiscale est une préoccupation des autorités fiscales et
des tribunaux.
Toutefois, les scandales financiers des dernières années et les pressions sociales obligent les
parties prenantes des entreprises, notamment la direction et le conseil d’administration, à
remettre en question l’évaluation du risque fiscal et sa gestion.

Il existe plusieurs catégories de risques fiscaux. La connaissance de ces dernières peut aider
la direction à mieux gérer le risque fiscal de l’entreprise.

Selon certains experts, la saine gestion du risque de portefeuille, d’information comptable,


et de réputation devrait être à l’ordre du jour du conseil d’administration de toutes les
entreprises.

La réputation d’une entreprise dépend de plusieurs facteurs, notamment la qualité des biens
et des services qu’elle produit et sa conformité aux lois et aux règlements tels ceux portant
sur l’environnement, les relations de travail et la fiscalité. Dans certains cas, la conformité
aux lois et aux règlements seul pourrait ne pas être suffisante pour préserver la réputation
d’une entreprise. Bien qu’elles soient techniquement acceptables, certaines stratégies
fiscales agressives sont susceptibles de causer des dommages à la réputation d’une
entreprise si elles étaient diffusées dans les médias.

Sur le plan académique, un nombre plutôt limité d’études ont examiné la relation entre
l’utilisation de stratégies fiscales agressives et la réputation de l’entreprise :

- Deslandes et Landry (2011) concluent que les entreprises canadiennes de grande taille, soit
celles davantage préoccupées par le risque de réputation, semblent moins agressives au
point de vue fiscal.
- Chen et al. (2010) concluent que les entreprises familiales américaines ont un comportement
moins agressif au point de vue fiscal que les autres entreprises. Selon ces auteurs, les
entreprises familiales se soucient davantage de l’effet d’un audit de l’Internal Revenue
Service (IRS) sur la réputation de leur entreprise.

La responsabilité sociale des entreprises est la façon dont les entreprises intègrent les
préoccupations sociales, environnementales et économiques à leurs valeurs, à leur culture, à
leur prise de décisions, à leurs stratégies et à leurs activités d’une manière transparente et
responsable. Il s’agit ainsi de la manière d’instaurer des pratiques exemplaires, de créer de la
richesse et d’améliorer la société

La fiscalité est un élément important de la responsabilité sociale des entreprises car les
impôts permettent aux gouvernements de stimuler l’économie et de répartir la richesse.
Dans la mesure où l’on accepte que la fiscalité relève de la responsabilité sociale, les
entreprises doivent accepter de payer leur juste part d’impôts même si cela semble aller à
l’encontre de l’objectif de maximisation de la richesse des actionnaires. Elles doivent
également être plus transparentes à l’égard des stratégies fiscales qu’elles adoptent et
divulguer l’information pertinente aux autorités fiscales
Le paiement d’impôts des entreprises permet une gestion plus efficace du risque de
réputation et des risques financiers sur un marché mondial et assure de meilleures relations
avec les autorités gouvernementales.

Le gouvernement d’entreprise fait référence aux relations entre la direction d’une


entreprise, son conseil d’administration, ses actionnaires et d’autres parties prenantes. Il
détermine également la structure par laquelle sont définis les objectifs d’une entreprise,
ainsi que les moyens de les atteindre et d’assurer une surveillance des résultats obtenus.

La direction d’une entreprise a comme principal objectif de maximiser la richesse des


actionnaires. Pour atteindre cet objectif il est peut être nécessaire que l’entreprise opte
pour des stratégies fiscales risquées. Ces stratégies ont pour effet :

- créer des failles dans le système de contrôles internes de l’entreprise en le rendant moins
efficace
- obliger les autorités fiscales à mettre en place des mesures dissuasives et de détection de ces
stratégies.

Les actionnaires en tant que partie prenante de l’entreprise, leur objectif est de tirer un
rendement maximal de leur investissement. Cet objectif incite la direction à mettre en
œuvre des stratégies fiscales agressives qui visent à minimiser les impôts

Il est possible que la direction accepte de s’engager dans un litige fiscal coûteux dont l’issue
pourrait ne pas être favorable à l’entreprise. Possible que cette décision (qui ne prendrait
pas en compte le risque fiscal) entraînera des frais légaux importants, et nuira à la réputation
de l’entreprise, particulièrement si le litige devient connu du public.

Par ailleurs, la prise en compte du risque fiscal n’implique pas nécessairement que la
direction doive adopter des stratégies fiscales plus prudentes que celles d’autres entreprises
du même secteur d’activités car ceci irait à l’encontre de l’objectif de maximisation de la
richesse des actionnaires (Packard, 2010). Les actionnaires doivent accepter que la direction
poursuive un objectif d’optimisation plutôt que de minimisation des impôts.

Le conseil d’administration devrait, en raison de son rôle de surveillance, contribuer


efficacement à la gestion du risque fiscal. Il devrait discuter et approuver la politique de
gestion du risque fiscal et s’assurer que cette dernière est clairement communiquée aux
intéressés afin qu’elle soit suivie et respectée.

La gestion du risque fiscal : une pratique de saine gouvernance ?

Le management des risques est un processus mis en œuvre par le conseil d’administration,
la direction générale, le management et l’ensemble des collaborateurs de l’organisation. Il
est pris en compte dans l’élaboration de la stratégie ainsi que dans toutes les activités de
l’organisation. Il est conçu pour identifier les événements potentiels susceptibles d’affecter
l’organisation et pour gérer les risques dans les limites de son appétence pour le risque. Il
vise à fournir une assurance raisonnable quant à l’atteinte des objectifs de l’organisation .

Pour contrôler le risque fiscal la direction de l’entreprise doit prendre en compte les 4
objectifs :

- les objectifs stratégiques, qui servent à établir la mission de l’entreprise. Par exemple
l’entreprise évalue le risque découlant de l’utilisation de stratégies fiscales agressives en
prenant en compte leurs effets sur l’image et la réputation de l’entreprise si ce fait était
rendu public.
- les objectifs opérationnels, qui visent l’utilisation efficace et efficiente des ressources ;
- les objectifs de publication de l’information financière, qui visent à s’assurer de la fiabilité de
cette dernière ;
- les objectifs de conformité, qui concernent le fait de se conformer aux lois et aux règlements
applicables.

Pour avoir une gestion de risque saine, les diverses parties prenantes de l’entreprise (e le
conseil d’administration, le comité d’audit, la direction et le service de la fiscalité) doivent
interagir pour définir une politique de gestion du risque fiscale. Ce qui n’est pas toujours
facile car chaque acteur a un objectif qu’il souhaite réaliser et une compréhension des
risques qui diverge des autres acteurs.

Une fois la politique de gestion du risque fiscal établie, le conseil d’administration doit veiller
à ce que la direction mette en place les contrôles nécessaires au respect de cette politique.
Au Canada, ils exigent que les sociétés ouvertes documentent et testent les contrôles relatifs
aux activités de préparation des états financiers, ce qui inclut les contrôles relatifs à la
gestion de la fonction fiscale.

La politique de gestion du risque fiscal doit :

- être élaboré en tenant compte des valeurs éthiques et d’intégrité de l’entreprise


- permettre à la direction d’adopter des comportements cohérents par rapport à ces valeurs
- définir le niveau acceptable du risque fiscal
- proscrire et éliminer certaines pratiques fiscales, comme celles qui ont pour seul objet de
minimiser les impôts, tels le transfert de propriété intellectuelle dans un territoire moins taxé
sans autres motifs économiques
- prévoir les paramètres pour les négociations (lobby) avec les autorités fiscales
- assurer la pleine transparence ; par exemple, la politique devrait exiger que l’impact fiscal de
toute décision d’affaires importante soit bien précisé et clairement communiqué à la
direction et au conseil d’administration
- être diffusée tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’entreprise
- voir à ce que les personnes chargées de son application la comprennent bien
Le rôle de la direction ?
C’est à la direction qu’incombe (revient) la tâche d’identifier les risques de l’entreprises et de
mettre en place des politiques d’encadrement, de communication de l’information politique
de GRF. Une fois la politique établie la direction la mission de gestion au service fiscal de
l’entreprise.

Pour avoir une gestion efficace du RF, la direction doit fixer les paramètres de
fonctionnement du service de la fiscalité

1- Les ressources : la direction doit s’assurer de l’existence des ressources humaines


financières et matérielles dont le service fiscal aura besoin. Le manque des
ressources peut augmenter le niveau du RF
2- La structure : le service fiscal peut être structuré comme un centre de cout dont la
seule responsabilité est le contrôle des couts de l’entreprise ou un centre de profit
qui génère des économies d’impôt en plus de ses couts. Les entreprises dont le
service fiscalité fonctionne comme un centre de profit ont un taux effectif inférieur à
celles dont le service est structuré comme un centre de coûts. Un taux effectif bas
égale un niveau de RF élevé voir même inacceptable.
Donc pour organiser un service fiscal en un centre de profit il est important tout
d’abord de contrôler et de s’assurer que les employés du service ne fassent pas des
choix fiscaux agressifs susceptibles d’augmenter la rentabilité du service de la
fiscalité. Certes ses positions et stratégies sont techniquement acceptables mais elles
contreviennent à la politique de gestion du risque fiscal et fassent obstacle à la
maximisation de la richesse à long terme des actionnaires en nuisant à la réputation
et à l’image de l’entreprise.
3- La rémunération : la direction doit prendre en compte les conditions du marché pour
rémunérer le personnel du service fiscal. Cette rémunération doit être en lien avec la
politique de GRF afin d’éviter que les employés prennent plus de risques

Le rôle du conseil d’administration ?

Le conseil d’administration doit être en mesure d’évaluer les risques financiers, les risques de
réputation, bref la gestion du risque fiscal en général. Les membres du conseil d’administrations
doivent :

- Avoir une bonne compréhension des questions fiscales importantes qui découlent des
activités de l’entreprise
- être en mesure de discuter, de débattre et d’apprécier la politique d’ensemble de gestion du
risque fiscal
- s’enquérir de la qualité de la relation que l’entreprise entretient avec les instances fiscales, le
niveau d’audit de ses affaires
Pour avoir une gestion saine et efficace du RF il est important d’avoir au moins un membre
du conseil d’administration expert en fiscalité ou tout le moins ait des bonnes connaissances
en la matière, ce qui va l’aider à prendre les décisions adéquates et apprécier les risques
inhérents.

Quel est le lien entre la qualité de la gouvernance d’une entreprise et le recours à des stratégies
fiscales agressives ?

Desai et Dharmapla (2006) se fondent sur la théorie de la délégation pour déterminer si la


rémunération incitative des dirigeants favorise le recours à des stratégies fiscales agressives et si la
qualité de la gouvernance d’une société, mesurée par l’indice de Gompers, influe sur cette relation.
Ils confirment que plus la rémunération des dirigeants est constituée d’options d’achat d’actions,
moins l’utilisation de stratégies fiscales agressives est grande, particulièrement pour les sociétés
ayant une gouvernance de faible qualité

Hanlon et Slemrod (2009) confirment que, pour les entreprises ayant une gouvernance de qualité,
l’utilisation de stratégies fiscales agressives est plutôt faible.

Plusieurs autres études ont analysé le lien entre la composition du conseil d’administration et/ou du
comité d’audit et la gouvernance. Ils ont trouvé que l’indépendance et l’expertise de ses acteurs joue
un rôle très important dans la GRF. Par exemple l’indépendance d’un membre de conseil
d’administration l’incite à assumer adéquatement son rôle de surveillance. De même pour un comité
d’audit indépendant qui évalue plus objectivement les contrôles internes et la divulgation de
l’information de nature financière.

Quant aux études empiriques traitant l’impact de la composition du conseil d’administration (ou du
comité d’audit) sur la gestion du risque fiscal sont plutôt rarissimes. On trouve :

Lanis et Richardson (2011) rapportent, pour un échantillon de sociétés australiennes, que la


présence de membres indépendants au conseil d’administration diminue l’agressivité fiscale des
entreprises.

Deslandes et Landry (2011) suggèrent un lien entre l’expertise des membres du comité d’audit et
l’agressivité fiscale. Toutefois, les résultats de l’étude de ces auteurs ne permettent pas de conclure à
l’existence d’une relation entre la présence d’un membre indépendant et l’agressivité fiscale.

Mot de la fin
Les choix fiscaux ne doivent pas être laissés à la seule discrétion des fiscalistes et de la direction
de l’entreprise. Le conseil d’administration joue aussi un rôle important dans la GRF.

Une mauvaise gestion du risque fiscal peut causer des torts irréparables à l’entreprise tant
au point de vue financier que sur le plan de sa réputation. Il importe donc que le conseil
d’administration s’assure que la direction de l’entreprise mette en place une politique de
gestion du risque fiscal élaborée selon les normes éthiques et les valeurs de l’entreprise. Une
politique dont le but est d’établir le niveau de risque fiscal jugé acceptable en plus de la
détermination et la communication de toute décision d’affaire importante au conseil
d’administration

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