Vous êtes sur la page 1sur 145

,D

RC-Ub.(Séotf

Received from:

RE-ORGANISATION

POLITIQUE ET ADMINISTRATIVE

CONDITION DU DEVELOPPEMENT

MOUSTAPHA TOURE

juillet 1975
SOMMAIRE

Introduction générale

PREMIERE PARTIE: les obstacles au développement

Chapitre I Obstacles d'ordre structurel


l'héritage de l'administration coloniale

1) la bureaucratie
2) le favoritisme
3) la centralisation

Chapitre II Obstacles d'ordre personnel

A) . le problème des agents ou "cadres"


hérités de l'administration coloniale

B) le problème des cadres post-


ou dits de "l'indépendance"

C) le problème de l'assistance technique


et son influence sur la fonction publique
africaine

Chapitre III Obstacles d'ordre conflictuel:


le conflit des générations dans les
administrations africaines

Chapitre IV Obstacles d'ordre statutaire:


le statut général de la fonction publique

A) Recrutement

B) Rémunérations et autres charges

Chapitre V Obstacles d'ordre organisation administrative:


la centralisation administrative

Chapitre VI Obstacles d'ordre organisation politique:

A) la constitution

B) les parti uniques

Résumé

DEUXIEME PARTIE: Ré-organisation

Chapitre I Concept de la nouvelle organisation:

les sociétés traditionnelles

Chapitre II Concept de la nouvelle organisation de


l'appareil législatif et de l'appareil
judiciaire

Section I - Le Parlement

A) nature
B) composition
C) recrutement des parlementaires
D) fonctions: législatives et gouvememe
Section II - La Cour Suprême
- organisation et fonctions:
juridiction suprême de l'Etat,
chargée de l'organisation et
contrôle des élections.
- Statut des membres de la
Cour Suprême

Chapitre III Concept de la nouvelle organisation de


l'appareil exécutif

I) Le Président de la République:
- désignation et statut, attributions

II) L'organisation des départements ministériels


- structure
- statut et fonctions des Ministres d'Etat

III) Le statut et fonctions des délégués


- organes dépendant du chef de 1'Etat
- secrétariats généraux

IV) Pouvoirs des Ministres d'Etat, des


délégués et commissaires

V) Les rapports entre le gouvernement


central et les administrations centrales

VI) Fonctionnement de l'appareil gouvernemental

Chapitre IV Concept de la nouvelle organisation de


l'administration régionale

I) déconcentration de l'administration de l'Etat

II) les organes de coordination et de direction


des administrations extérieurs des ministères
d'Etat dans les collectivités régionales

III) contrôle du gouvernement central sur les


administrations extérieures ou déconcentrées

IV) la participation des populations aux affaires


publiques dans les collectivités locales ou
régionales

Chapitre V Concept de la nouvelle organisation de l'environnement


de l'administration de l'Etat:
les coopératives agricoles et associations
socio-professionnelles

Résumé

CONCLUSION
2

REMERCIEMENTS

Je remercie le Centre de Recherches pour le Développement

International (CRDI) organisme du Gouvernement Fédéral du Canada


T /
qui m'accorde une bourse d'Associé de recherches pour faire une

étude sur les obstacles qui "freinent" le développement des pays

africains (francophones) et sur les conditions de leur

développement.

Je voudrais également remercier ici Monsieur Maurice

PONCELET, Professeur en administration et en finances publiques à

la Faculté des Sciences de la Gestion de l'Université d'Ottawa

pour ses conseils; il a^plus d'une fois les manuscrits de mes

travaux - difficiles â lire - et m'a accordé plusieurs entretiens

dans le cadre de ces travaux malgré ses nombreuses occupations

universitaires.

Et je voudrais préciser par ailleurs que ces travaux ont été

écrits en 1974 et 1975 alors que j'étais étudiant en

administration publique à la Faculté des Sciences de la Gestion

de l'Université d'Ottawa et que je suis, bien sOr, seul

responsable des opinions avancées, des erreurs de jugement ou des

omissions qui pourront être constatées.

Moustapha TOURE
3

INTRODUCTION GENERALE

Il est de constatation générale que l'un des problèmes

fondamentaux (sinon le principal) des pays en voie de

développement est le problème de 1'administration dû à la

faiblesse des méthodes, des procédés et des structures de leurs

administrations; ce gui ne constitue pas moins un sérieux

obstacle à la pleine utilisation des ressources nationales de ces

pays. En d'autres termes, si le sous-développement est un

phénomène global aux aspects multiples, intimement liés les uns

et les autres, tout se rapporte, dans le cas des pays objet de la

présente étude, au problème d'organisation qui est primordial.

En effet, les pays africains connaissent ce problème parce

qu'ils ne disposent pas une organisation politique et

administrative propre et simple, mais une organisation qui se

tient au modèle occidental qui est mal adapté â leur situation,

et à l'acceptation de ce modèle comme acquit, bien qu'il soit

incompris par leurs populations autochtones.

Et si bien des régimes ont été évincés en Afrique depuis

l'indépendance c'est justement â cause de la mauvaise

organisation de leurs Etats et de l'incapacité de ces régimes de

créer des structures politiques et administratives adéquates dans

le pays, comprises de leurs populations et capables de les

associer à la mise en valeur économique et à la gestion politique

de leurs pays. L'Ethiopie, le Niger et la Tchad en sont des

exemples plus récents, du moins â ce jour, où les précédents

régimes ont payé au coût de leur existence cette situation de

faiblesses des structures, procédés et méthodes politiques et

administratives qui sont, â ne plus en douter, génératrices de

changements brutaux. Cela, sans encore faire cas des attitudes

et comportements de certains dirigeants.


a

cependant, les régimes militaires qui prennent la relève des

régimes parlementaires ou de parti unique ne sont pas eux aussi â

l'abri d'échecs, car la réussite ne dépend pas uniquement ou

nécessairement du changement de dirigeants, mais des capacités

d'unifier et d'organiser le pays, et de susciter pour cela les

structures politiques et administratives adéquates; ce qu'on ne

saurait attendre des structures, méthodes et procédés

administratifs actuels qui sont imités â l'étranger ou hérités de

l'administration coloniale, qui doivent alors être réorientés et

adaptés en fonction d'un développement national propre; car aussi

leurs administrations qui ne participent pas suffisamment à

l'effort exigé de tous pour vaincre les difficultés et favoriser

le progrès, constituent â cause de leur organisation le principal

frein au développement, quand elles ne sont pas encore de lourdes

charges financières sur le budget du pays.

Enfin, le problème d'administration de ces pays en voie de

développement se ramène â d'importantes crises qui sont de

l'ordre de concentration, d'identité, de coordination, de

pénétration, de participation et de concertation politique et

administrative.

Crise de concentration

Dans tous les pays africains, on constate une très forte

concentration du pouvoir au niveau central qui est évidemment une

mauvaise politique en raison même de l'accroissement des taches

auxquelles l'Etat moderne doit faire face dans toutes les parties

du territoire national et de son rôle d'agent planificateur. Et

si partout le rble de l'Etat s'est élargi par suite de sa prise

en charge de la planification du développement économique et

social du pays, le développement des jeunes pays se trouve â la

seule charge de l'Etat qui doit tout planifier, intervenir dans

tous les secteurs de l'activité nationale et, au besoin, prendre


5

des actions dans les entreprises privées - l'initiative privée

locale faisant grandement défaut.

Cependant, l'Etat ne pourrait s'acquitter efficacement de sa

mission ou accomplir ses charges qui se sont accrues par son

nouveau rCle qu'en déconcentrant ses pouvoirs de décision et

d'action.

Crise d'identité

L'indépendance s'est traduite pour ces pays par

l'assimilation accrue des institutions et méthodes

administratives étrangères en plus de leurs pratiques politiques

qui sont dans la plupart des cas inadaptées à leurs besoins de

développement et surtout incomprises par leurs populations

autochtones.

Et la solution de cette crise serait sans doute la recherche

des structures, des valeurs propres â établir dans leur nouvelle

situation.

Crise de coordination

Le manque de coordination entre les actions des divers

organismes administratifs, constitue l'un des obstacles majeurs &

la réussite de l'action planificatrice de l'Etat. On sait en

effet que la diversification, c'est-a-dire la multiplication des

départements ministériels et celle des services dans ces pays

pose de grands problèmes sur le plan de fonctionnement, en plus

des lourdes charges financières qu'elle occasionne.

Il faudrait, pour résoudre ces problèmes, réduire les

départements ministériels en créant de grands organes de décision

et de coordination centraux correspondant aux grandes fonctions

de l'Etat, et faire la coordination entre l'appareil de l'Etat,

ses acteurs et l'objectif final de ses actions, qui est le

développement.
6

Crise de pénétration

A part la capitale et quelques villes, le reste de ces pays

se trouve sous-administré; cette sous-administration ne favorise

pas évidemment le développement, il faudrait pour cela la

couverture égalitaire du territoire par les services

administratifs et la déconcentration de l'administration de

l'Etat.

Crise de participation

La centralisation excessive de l'administration à réduit

dans ces pays l'initiative et la participation effective des

responsables des différents niveaux administratifs.

Dans la mesure où la planification du développement national

est entreprise par l'Etat, la rationalité de cet effort commande,

au sein de l'administration de l'Etat, la participation des

instances inférieures aux décisions à prendre, qu'il s'agisse de

celles des unités administratives locales à l'élaboration et à la

mise en oeuvre des plans de développement des régions, ou celle

de ces unités régionales à l'élaboration et à la mise en oeuvre

des plans globaux. Pour ce faire, il faudrait la déconcentration

de 1'administration.

Crise de concertation

Il y a le plus souvent la non-concertation des décisions de

l'Etat, c'est-â-dire entre celui-ci et les populations.

Lâ encore, dans la mesure où la planification du

développement national exige l'intervention de l'Etat pour en

rationaliser le processus, il revient â la collectivité elle-

même, par l'intermédiaire de l'Etat qui les représente, d'en

avoir la direction dans la concertation.

Le noeud de ce problème serait d'institutionnaliser la

concertation entre l'Etat et la population et d'organiser le jeu


7

des forces économiques et sociales du pays sur des structures

permanentes, c'est-â-dire l'établissement des institutions

coopératives et des associations socio-professionnelles dans tous

les secteurs d'activité du pays.

Telles étaient brièvement les importantes crises qui

freinent le développement des pays sous-développés et de façon

sommaire les politiques qui doivent être appliquées pour les

résoudre.

A propos des politiques, l'expérience montre en effet que

des réformes ont été entreprises dans ces pays, mais elles n'ont

donné aucun résultat vraiment tangible, car timides, dispersées

et non coordonnées. Mais si ces réformes montrent quand même que

l'on a pris conscience de la nécessité d'une nouvelle

organisation du pays, et sans succès, soit que l'on ignore les

politiques qui conviennent pour réussir soit que pour des

considérations opportunistes, on a intérêt â conserver les

anciennes structures. En tout cas, tout ceci se trouve confirmé

par les réformes timides que connaissent ces pays en lieu et

place a de véritables changements. Et en plus, il ne faut pas

oublier que si l'échec des réformes dans les pays africains a des

raisons politiques, il en a aussi sur le plan technique qui se

tiennent de l'approche parcellaire utilisée par les experts qui

ne tiennent pas compte de la distinction fondamentale entre

l'Etat des pays avancés et celui des pays africains.

En effet, on peut se permettre en occident qui a des

traditions politiques et administratives de procéder à une

réforme isolée d'un service ou secteur de l'administration sans

impliquer la réforme de toutes les institutions de l'Etat. Mais

en pays sous-dêveloppês de l'Afrique, tout est encore à

construire et les institutions politiques et les institutions


8

administratives. Et dans ces pays, il est de mauvaise politique

de procéder à une réforme isolée, qui est de réformer un secteur

de l'administration ou l'administration elle-même sans les autres

institutions politiques qui réglementent justement le

fonctionnement de celle-ci.

Autrement dit, la réforme des seules structures

administratives ne saurait suffire pour régler les problèmes de

développement de ces pays, car de profondes modifications

s'imposent aussi bien dans les structures politiques,

administratives et sociales que dans la conception du

développement, dans les attitudes et les mentalités.

C'est pourquoi encore la réforme, pour qu'elle soit réelle

dans le cas des pays en voie de développement qui doivent se

créer une organisation propre et adaptée â leurs besoins, ne doit

pas être parcellaire ou sectorielle, mais plutôt générale pour

donner une organisation politique et administrative correspondant

au tempérament et aux besoins locaux, et capable de faire

participer les populations â l'effort de développement national

qui doit être commun, non plus réservé â une petite élite quelque

peu débordée.

Le but de cet ouvrage est de décrire dans une première

partie quelques-uns, non des moindres, des problèmes d'ordre

administratif et politique, déjà rappelés brièvement plus haut,

qui freinent le développement des pays africains dont la

compréhension permettra d'apprécier la signification de la Ré-

organisation, objet de la deuxième partie, ayant pour objectif le

développement politique, social et économique comme objectif

national.

Ainsi, la première partie qui est intitulée "LES OBSTACLES

AU DEVELOPPEMENT" sera consacrée à l'étude des divers problèmes


9

des pays africains, partie qui se situe, d'une certaine façon,

dans la tradition classique des ouvrages publiés à ce sujet.

Et la deuxième partie ayant pour titre "LA REORGANISATION"

formulera une nouvelle organisation politique et administrative

pour les pays africains.

Par ailleurs, j'aimerais préciser que mon approche des faits

étudiés et de l'organisation se veut ici globale, cela pour deux

raisons principales:

Premièrement, je n'ai pas jugé nécessaire de faire trop de

détails, sauf dans les cas s'avérant nécessaires ou particuliers

sur les problèmes de chacun des six pays objet de la présente

étude,1 étant donné que les problèmes traités leurs sont communs.

Deuxièmement, pour la ré-organisation je n'ai pas voulu

commettre cette erreur qui est la réforme parcellaire, car

vouloir réformer un seul secteur ou domaine de l'Etat par exemple

l'administration ou l'un de ses services, ou une seule

institution politique, comme la Cour Suprême ou le Parlement,

serait une grave erreur dans le cas des pays africains dans leur

situation actuelle, étant donné que ces différentes organisations

sont les branches d'un seul et même mécanisme formant un tout,

qui est l'Etat; et je ne saurais proposer la réforme ou l'échange

d'une pièce d'un mécanisme si tout le système est en cause.2

Aussi, j'ai préféré dans cette étude le terme de Ré-

organisation qui doit être entendu comme organiser d'une autre

manière, avec une nouvelle conception, plutôt que Réforme, qui

pourrait se traduire par le rétablissement dans l'ancienne forme,

avec quelques retouches, ccmme on remet à neuf un édifice mais

dont les armatures et les propriétés restent les mêmes, c'est-à-

dire archaïques. C'est bien d'ailleurs dans cette traduction

qu'est souvent perçue la réforme en Afrique, qui n'intervient que


10

pour rétablir les anciennes structures, ses méthodes et procédés

seulement rénovés.

Pour clore cette présentation, je voudrais préciser une fois

encore que si â nouveau j'écrivais cet ouvrage, je m'étendrais

davantage bien volontiers non pas sur les problèmes bien connus

qui y sont traités, mais plutôt sur l'étude et la formulation des

nouvelles structures que l'on propose dans la deuxième partie,

cela moins pour leur substance que pour 1'importance à leur

attacher.
11

NOTES

* COte d'Ivoire, Haute-Volta, Mali, Niger, Sénégal et Zaïre.

2 Je ne crois pas à la réussite de "ré f omettes" ou

réformes fragmentaires et moins encore à la réforme par

plusieurs experts ou commissions sans qu'elle soit

coordonnée et dirigée par un seul responsable.


PREMIERE PARTIE

OBSTACLES AO DEVELOPPEMENT

"Savoir se libérer n'est rien,

l'ardu, c'est savoir être libre"

André Gide
2

CHAPITRE I

OBSTACLES D'ORDRE STRUCTUREL:

L'héritage de l'Administration coloniale

Les structures, méthodes et procédés des administrations des

nouveaux Etats africains qui sont hérité de l'époque coloniale,

ont besoin d'être réorientés et adaptés à leur développement

national propre; car ils ont été conçus et appliqués à l'époque

sans que soient respectées les spécificités locales ni les

besoins des populations autochtones. Aujourd'hui encore, ces

pratiques héritées de l'époque coloniale sont moins faits pour

les objectifs nouveaux créés par l'état d'indépendance de ces

pays.

A cet abord, voyons quelques remarques faites par des

auteurs sur l'administration coloniale qui se révèle incapable à

l'indépendance aux taches de développement des pays ex-colonisés.

Pour M. Crozier:

"l'organisation sociale et politique qu'ont apportée les

nations occidentales dans les territoires qu'elles ont

colonisés, les méthodes qu'elles ont employées pour imposer

et maintenir cette organisation et les buts qu'elles

poursuivaient reflètent finalement de façon très précise,

comme dans une sorte de miroir grossissant leurs propres

visions et leurs propres systèmes d'organisation (...)

Sans avoir à s'accommoder à l'existence des sociétés

indigènes, le colonisateur fut impuissant aussi bien â

créer des nouvelles sociétés vigoureuses, qu'à revivifier

les anciennes sociétés".*

Pour G. Langrod:
3

"En effet, le mécanisme hérité (de 1*administration

coloniale) n'est point orienté vers le développement et

était conçu pour servir traditionnellement au seul maintien

de l'ordre public, % l'encaissement des impôts et â la

réalisation des taches simples de gestion".2

Ces remarques étant justes, l'indépendance devait en

principe se traduire pour les pays ex-coloniaux de l'Afrique par

la création d'une organisation nouvelle de l'Etat, différente de

celle qui fut imposée par l'ancienne puissance administrante sans

avoir à s'accommoder aux valeurs et aux traditions locales; ou de

créer, en d'autres termes, une organisation plus adaptée à leurs

conditions et a leurs besoins de sociétés nouvelles, orientée

donc vers les objectifs de leur développement.

Malheureusement tout ceci n'est pas le cas dans les pays

africains où l'on continu à faire vivre les structures, les

méthodes et procédés de l'administration coloniale.

Et si aujourd'hui ces pays se trouvent confrontés à

d'inombrable problèmes c'est évidemment â cause de leurs

administrations qui sont des obstacle à leur développement. Pour

juger de leur aptitude à promouvoir le développement, il faut

tenir compte de la complexité de leur système qui se tient au

modèle occidental, notamment français qui est fortement

spécialisé et centralisé.

En effet, dans les pays africains les structures de leurs

administrations obéissent souvent â trois tendances principales,

qui sont la spécialisation, c'est-è-dire la diversification des

départements ministériels et celle des bureaux ou services, le

grand nombre de niveaux hiérarchiques et la centralisation

excessive qui restreint l'initiative des responsables des

différents niveaux administratifs.


4

En ce qui concerne la spécialisation des départements

ministériels qui est le premier élément de complexité, on compte

au Zaïre, 23 départements dont trois d'entre eux, la Défense

Nationale, les Anciens Combattants et le Plan sont placés sous la

direction du Président de la République. Les vingt autres ont

chacun à leur tête un Commissaire d'Etat (Ministre) et ceux des

départements des Affaires étrangères, de l'Agriculture et de

l'Education nationale étaient assisté d'adjoint jusqu'au

remaniement du 8 mars 1974. En Côte d'Ivoire, depuis le dernier

remaniement en juillet 1974, on compte 5 ministres d'Etat, 20

ministres titulaires et 8 secrétaires d'Etat, soit 33 membres de

gouvernement. Au Sénégal, au Mali, Niger et Haute-Volta on n'en

compte pas moins d'une vingtaine, â ce jour.

Le deuxième élément de complexité découle lui de la dualité

du système administratif: une administration générale et une

administration dite "de développement".3 A première vue, croit-

on savoir on pourrait dire qu'il s'agirait d'une structure

originale, mais en réalité elle est une fausse originalité par

rapport a l'ancien modèle français, puisque déjà dans les années

1950, une séparation s'était établie entre les services du

territoire (administration générale) et les services fédéraux

(administration technique et spécialisée) de 1* AOF (Afrique

occidentale française).

Et le troisième élément de complexité qui découle du second,

c'est l'éclatement de l'administration en de multiples

organismes spécialisés: Etablissements publics, sociétés

d'économie mixte et sociétés d'Etat. Il s'agit tantôt, comme

dirait Gautron, d'une simple décentralisation des actions

économiques de l'Etat, tantôt d'un procédé équilibré de

coopération avec les entreprises privées qui, le plus souvent,

sont détenues par les capitaux étrangers.


5

A remarquer-là que 1*ensemble de ces procédés pourrait

faciliter le transfert des responsabilités des capitaux étrangers

- publics ou privés - à l'administration nationale plutôt que de

permettre la restitution des activités au secteur privé national

qui est, il faut le dire, encore faible et parfois même

inexistant.

Dans ce cas, si ces organismes ont quelques raisons d'être,

leur nombre pose bien des problèmes en ce qui concerne la

coordination de leurs actions économiques dans le développement

du pays. Ainsi, en cote d'Ivoire on compte plus de 65 sociétés

d'Etat ou d'économie mixte, nombre sensiblement égal au Sénégal

et plus encore au Zaïre ob les organismes publics et para-publics

se développent aussi considérablement en nombre, pour faire

sentir ce manque de coordination; et ce dernier pays qui a

entrepris depuis 1972 une vaste réforme dans son appareil

administratif et qui se trouve confronté à ce problème de

coordination, a du mal à déterminer la position des sociétés

parastatales, secteur qui n'a pu encore être touché par le grand

mouvement de réforme que ce pays connaît depuis quelques temps

déjà.

Dans tous ces pays, le développement économique par

l'administration se heurte - â cause de ses structures - à trois

autres obstacles majeurs qui sont les charges financières

occasionnées par la prolifération des services publics, la crise

de l'encadrement rural ayant son origine dans la bureaucratie et

l'insuffisante efficacité de l'administration elle-même sur le

plan économique dQe non seulement à la faiblesse des structures

mais aussi aux comportements des agents publics.

On peut dire que le modèle choisi et l'inflation des

services publics dans ces pays a fait que le poids des dépenses

publiques est considérable. En effet, les dépenses

d'administration générale constituent la plus grande part de leur


6

budget national, au point que les autres dépenses d'action

sociale et économique de l'Etat ensemble n'atteignent pas le plus

souvent, dans quelques-uns de ces pays, les premières dépenses

qui vont en progressant. Il va sans dire là que les dépenses

d'action économique et sociale de l'Etat consacrées aux

infrastructures et au développement rural notamment régressent en

valeur relative et absolue par rapport aux dépenses

d'administration générale qui sont empreints des dépenses

inutiles ou de prestige qui se font dans la seule capitale.

Pour encore plus de détails, précisons que parfois plus des

2/3 des dépenses de fonctionnement sont des dépenses de

personnel, ce qui réduit énormément la part des dépenses en

matériel et équipement nécessaire à l'intérieur du pays qui reste

comme on le sait, pauvre et sous-administré. Enfin, l'importance

du budget de fonctionnement tend presque partout à réduire la

part du budget d'équipement pour le développement rural.

Les obstacles que nous venons de voir sont attachés à

l'esprit de la bureaucratie qui va avec le favoritisme et la

centralisation, qui ont pris une figure et une tournure

inquiétantes en Afrique.

I La bureaucratie

Le phénomène bureaucratique, créé à son origine par la

colonisation, a donné un état d'esprit non moins inquiétant en

Afrique: le mythe qui entoure le monde bureaucratique et son

accès; mythe qui se trouve d'ailleurs entretenu par le prestige

et les privilèges qu'on y trouve, et l'administration publique se

trouvant de loin être le plus grand employeur dans ces pays.

Beaucoup d'auteurs ont tenté d'expliquer le pouvoir

d'attraction du monde des bureaux dans ces pays, soit par le sens

collectif même de l'africain, soit par le système de leur


7

enseignement (encore hérité, il faut le dire, de l'ancien système

français) ou soit par les avantages du fonctionnariat africain.

Ainsi, si le phénomène se situe dans trois domaines différents,

chacun d'eux joue un rOle majeur dans le mépris du travail

manuel. Inutile de dire là quel que soit le domaine il reste un

obstacle au développement des pays africains. Voici quelques

remarques citées à ce propos par A. schwarz:6

Pour M. Croce-Spinelli;

"c'est que l'entreprise privée représente encore pour la

majorité un saut trop lointain dans l'individualisme tandis

que le fonctionnariat constitue indirectement un moyen de se

maintenir dans les structures collectives".5

0. Mannoni avance à son tour une idée semblable parlant de

Madagascar :

"Les fonctionnaires indigènes trouvent (dans l'adminis-

tration) une place rassurante, non pas â cause de l'avantage

de disposer d'un traitement et d'une retraite, mais à cause

d'un réseau de dépendances complexes qui les encadre dans

un ordre sans trop de jeu".6

Pour R. Dumont, il insiste ici pour sa part sur le système

de l'enseignement et les privilèges accordés:

"Pour la plupart des gosses des villes et des campagnes,

l'école représente d'abord le moyen d'accéder à la caste

privilégiée de la fonction publique. Dans la brousse la

plus reculée chacun a compris que le fonctionnaire aux

mains blanches gagne beaucoup sans grand travail".7

A. Schwarz, lui, résuma les deux points de vue :

"En fait, l'accès au fonctionnariat et, partant à l'élite


8

administrative nouvelle se fait par l'école (...) scola-

risation, emploi bureaucratique et situation êlitaire sont

liés plus intimement dans les nouveaux Etats africains que

dans la plupart des pays occidentaux".8

Et plus loin:

".... les privilèges accordés aux agents de l'Etat sont si

nombreux qu'il serait difficile de les camoufler. Ce

serait enfoncer une porte déjà largement ouverte d'insister

beaucoup sur la place privilégiée du fonctionnariat

africains".9

A quoi, R. Dumont remarqua encore qu'il

"... se crée en Afrique une "bourgeoisie" d'un type nouveau,

une bourgeoisie de la fonction publique (...) Nationalisation

signifie pour elle transfert aux autochtones des passe-droit

hérités de la période coloniale (...) Des sommes importantes

sont utilisées en dépenses d'apparat, en voitures, et

villas".i®

A travers ces remarques nous voyons que la bureaucratie

vécue en Afrique, comme l'a fait d'ailleurs remarquer A.

schwarz, et celle pensée et formulée par les théoriciens de la

division et de la spécialisation croissantes des tâches

d'organisation et de gestion sont complètement différentes.

Cette bureaucratie qui a son origine dans l'administration

coloniale qui fut gestionnaire, a orienté et rOdé l'esprit du

personnel en place, phénomène qui se traduit par la routine, la

lenteur, la corruption qui sont en fait les caractéristiques de

toutes les bureaucraties mais qui se caractérise dans les

administrations africaines par la constante préoccupation pour


9

les intérêts personnels qui donna les malversations, les

détournements des dêniers publics et la grande course aux postes.

II le favoritisme

La technique qu'utilisait les anciennes administrations

coloniales pour administrer dans leurs territoires d'autrefois

c'était d'encourager le sentiment d'ethnicisme & partir duquel

elles "s'organisaient" dans leurs colonies; ce qui obéissait â

cette loi bien connue: diviser pour régner. Ainsi elles ont

favorisé telle ethnie, tel groupe de personnes ou tel individu en

leur octroyant soit des avantages matériels, soit en leur

confiant des postes dans l'administration ou au commerce qu'elles

contrôlaient, ou en les installant dans les fonctions de chef de

canton, de village ou de quartier. Tout cela, pour le besoin de

la cause: la colonisation.

Mais il est triste cependant de constater qu'après

l'indépendance, cette situation demeure dans les pays post-

coloniaux et a atteint encore un degré inquiétant.

En effet, il n'est pas possible ou très rare en tout cas, de

se trouver un emploi dans les administrations africaines sans

l'appui ou le "parrainage" d'un parent ou frère (en réalité

souvent simple appartenance â une même ethnie) qui est bien placé

pour ce service; ceci même si l'on est nanti des diplômes et les

qualités requis par les textes de la Fonction publique. Postuler

donc â un emploi public et l'occuper n'a toujours pas été

question de compétence, d'aptitude dans ces pays, mais plutôt de

ce fameux parrainage en usage dans leurs administrations déjà

bien chargées de tant de défauts, qui entravent chacun les

actions de développement.

Dans les services, pour plus de détails, les demandes et les

dossiers de candidatures aux emplois sont examinés d'un oeil


10

"ethnicite" et satisfaits selon la consonnance ou l'orthographe

des noms, le lieu de naissance ou le degré de parenté des

candidats par rapport à telle personnalité publique.

Dans cette situation, ceux qui ne remplissent aucune de ces

conditions ne sont pas surpris de voir leurs demandes ou dossiers

classés sans suite et à s'entendre dire simplement qu'il n'y a

pas de place disponible - mais plutôt pour "eux" précisément.

Et les cadres exerçant déjà une fonction n'ayant pas ces

relations personnelles ne bénéficient souvent de l'avancement par

exemple que par le moyen de la corruption qui compense le manque

de relations. Ainsi, se payer en argent les postes ou un

quelconque service qu'on veut obtenir est d'usage courant dans

les administrations africaines et reste le seul moyen dont

disposent les "sans-relations". Cet aspect qui est la corruption

mériterait bien d'être traité dans une section à part, mais on se

contentera simplement de la dénoncer cela, pour dire que ces

"sans-relations" sont le plus souvent démunis, pauvres et

constituent, peut-on dire, les orphelins de la Fonction publique

de leurs Etats; ce qui est facile à comprendre depuis que les

liens de parenté, les noms sont devenus les critères à

l'admission aux emplois publics; mais même encore au secteur

privé depuis que ce secteur se "nationalise" peu à peu.

Pour illustrer cette situation qui constitue pas moins un

obstacle sérieux au développement des pays africains, voyons

cette déclaration du Président Houphouêt-Boigny, de la Côte

d'Ivoire, qui fut une critique de la société ivoirienne;

"... il est vain et dangereux de vouloir se cacher nos

faiblesses... conjoncturelles ou profondes, et de verser,

sans nuance, dans les autosatisfactions complaisantes

qu'entretiennent parfois les amitiés trop zélées ou trop

intéressées (...). La moralité de certaines élites, dans


11

la vie publique, comme dans le monde des affaires, est de

plus en plus souvent et à juste titre, l'objet d'inter-

rogations et de critiques (...). Je regrette, à cet égard,

que se multiplient certains comportements regrettables

vis-à-vis de l'administré ou de l'usager sans défense; je

déplore les amitiés abusives et les méfaits trop actuels

du régionalisme; je réprouve, sous toutes leurs formes

explicites ou feutrées, les trafics d'influence et la

corruption; je m'attriste, enfin, des difficultés que

rencontrent beaucoup à mettre en accord leurs paroles et

actes".

Remarquons simplement que rares sont les dirigeants

africains qui n'ont pas tenu de telle déclaration sur les

comportements des agents publics! hélas nombreux! de leurs pays

dans l'exercise de leurs fonctions.

Enfin, pour tout observateur, il suffirait simplement de

connaître l'appartenance ethnique d'un ministre, d'un directeur

de service public ou d'un président directeur général d'une

société d'Etat ou mixte pour connaître la nature compositive de

son personnel; à l'exception cependant des postes occupés par les

assistants techniques étrangers. Ce qui est un autre problème

qu'on abordera plus loin.

les nombreux coups d'Etat et événements sociaux qui se font

brutaux et successifs en Afrique sont occasionnés justement par

cet état de chose; mais là encore à ne pas se méprendre, car

l'arrivée au pouvoir de nouveaux hommes n'est que le prélude ou

l'avant-coureur d'une situation appelée à se répéter, car les

nouveaux responsables ne tardent pas eux aussi à faire appel â

leurs "frères" à leurs cOtês, sinon de voir les administrations

envahies par les "frères" favorisés du jour.


12

III La centralisation

Ce système d'administration adopté par les pays africains

dans le développement constitue un paradoxe à leurs politiques de

développement, car le développement nécessite, non seulement la

mobilisation de tous les facteurs (ressources humaines et

matérielles) et le développement de l'initiative de création,

mais aussi la participation des populations dans la gestion des

affaires publiques. Mais tout ceci ne saurait se faire dans une

organisation administrative centralisée; mais plutôt une

administration décentralisée qui est une des conditions

essentielles du développement, car elle permet le bon

fonctionnement de l'appareil administratif de l'Etat.

En effet, le système de centralisation que ces pays ont

adopté ne permet pas le bon fonctionnement des services publics

d'une façon économique, rationnelle et impartiale; et plus grave

encore, il empêche cette participation des populations aux

actions de développement. On reviendra à plus de détails sur les

conséquences de la centralisation administrative dans ces pays au

chapitre V.

Pour ce premier chapitre consacré aux obstacles structurels

ainsi qu'aux méthodes et procédés (la bureaucratie, le

favoritisme et la centralisation) on observera qu'ils sont des

séquelles coloniales et des obstacles au développement des

nouveaux pays; la permanence de leur état de sous-développement

en dépit des plans ambitieux de développement qui se font

d'ailleurs le plus souvent accompagnés de belles promesses aux

populations qui ont toujours su attendre, mais dans

l'indifférence faute de mieux, est un état qui risque de durer,

si les structures administratives ainsi que ses méthodes et

procédés ne sont pas changé.


13

Et la politique de ré-organisation complète qui doit être

entreprise en conséquence pour la réorientation et l'adaptation

des structures administratives doit supprimer les trop longues

constructions hiérarchiques héritées de la colonisation ou

simplement imitées qui sont inadaptées aux tâches de leur

développement, étant conçues soit pour l'intérêt du régime

colonial qui était avant tout une administration de gestion,

d'ailleurs elle-même intégrée dans un système étatique: celui du

pays colonisateur, qui est tout différent des leurs; ou soit

conçues pour les besoins des pays plus développés.

Si en fait, il n'y a rien de nouveau dans cette politique,

le paradoxe c'est de voir dans les pays africains la persistance

à l'indépendance des anciennes structures de l'administration

coloniale que l'on ne tarde pourtant pas de dénoncer

d'exploitation, mais qui ne se trouve plus être imposée par la

colonisation si ce n'est par la volonté ou la démission de

certains dirigeants nationaux qui ont simplement pris la relève

des colonisateurs dans les administrations.

Face à cette situation, il y a lieu de croire G. Langrod11

quant il a fait remarquer que le maintien des anciennes

structures:

"... leur sert trop souvent d'alibi, quand en dépit de toute

une décennie du régime d'indépendance, les effets,

relativement insatisfaisants, des efforts de développement

planifié se trouvent attribuées (par les gouvernants) aux

séquelles de l'ancienne dépendance de l'étranger".


14

NOTES

Michel Crozier, "Le phénomène bureaucratique", Paris seuil,

1963, pp. 336 et 337, cité par G. Langrod (2) .

Georges Langrod, "Genèse et conséquences du mimétisme

administratif en Afrique". in Revue Internationale des

Sciences administratives. Vol. XXXIX, 1973 No. 2, p. 120.

Cf. à propos du Sénégal "L'administration moteur de

11expansion économique?" par Jean-Claude Gautron, in Monde

Diplomatique, février 1974.

A. schwarz, "Mythe et réalité des bureaucraties africaines".

in Revue canadienne des études africaines. Vol. VIII,

No. 2, 1974, p. 261.

M. Croce-Spinelli, "Les enfants de Poto-Poto". Grasset, Paris,

1967, p. 338-339.

O. Mannoni, "Psychologie de la colonisation", seuil, Paris,

1950, p. 157, cité par A. Schwarz, in op. cité.

René Dumont, "L'Afrique noire est mal partie", seuil, Paris,

édit. revue et corrigée, 1969, p. 81.

A. Schwarz, op. cité.

A. Schwarz, op. cité p. 264.

R. Dumont, op. cité, pp. 72-74.


15

Langrod, op. cité, p. 125.


CHAPITRE II

OBSTACLES D'ORDRE PERSONNEL;

A Le problème des agents ou "cadres hérités de

l'administration coloniale

Ces cadres que l'on retrouve encore dans les divers services

des administrations africaines, ont pour la plupart perdu la

notion de l'éducation permanente qui a, pourtant, acquit droit de

cité dans leurs pays où il existent des Ecoles Nationales

d'administration et d'autres centres de formation et de

perfectionnement. Ces institutions qui sont comme on le sait un

apport de complément non seulement aux éléments qui n'ont pas

reçu une formation suffisante avant d'entrer dans la fonction

publique, mais aussi â tous ceux qui postulent aux emplois

publics après leur formation générale ou autre spécialité.

Mais si ces cadres sont les moins portés au monde pour tout

perfectionnement, c'est que la plupart furent rapidement comblés

et favorisés par l'indépendance ou ont d'autres moyens plus

courts et faciles pour parvenir à leur fin: le favoritisme. Et

bien des promotions se font en dehors des régies au moyen de bien

d'autres manoeuvres peu louables et pour la course aux emplois â

tous les échelons.

B Le problème des cadres post^coloniaux

ou dits de "1* indépendance"

Depuis l'indépendance, de jeunes cadres se sont vu confier

de hauts postes dans bien des secteurs de l'Etat qui est, comme

on le sait, le plus grand employeur dans les pays africains.

Et si les anciens agents ou cadres formés â l'école

coloniale sont pour quelque chose dans le maintien des structures

coloniales, il n'en demeure pas moins vrai que la passivité.


2

l'incivisme, la concussion, l'incapacité et le manque de

rendement, l'insouciance et le manque de conscience

professionnelle assez marqués chez les jeunes constituent autant

de facteurs de paralysie des administrations africaines et, à

bien des égards, responsables de cette situation de "statu quo".

Souvent d'ailleurs, étudiants progressistes à l'étranger,

beaucoup de ces jeunes deviennent des conservateurs après leur

retour au pays dés qu'ils ont reçu un poste bien rémunérateur.

Et encore, s'il est vrai que le vieux personnel

administratif manque souvent de formation, les jeunes

fonctionnaires nantis eux de diplômes ont reçu une formation

théorique souvent mal digérée et sont â la fois plus exigeants et

moins doués; soucieux comme ils sont de confort matériel, ils

veulent surtout servir seulement en ville et redoutent les

petites localités à l'intérieur du pays et leurs inconvénients;

ce qui expliquerait bien d'ailleurs la pléthore de fonctionnaires

dans les agglomérations urbaines et la sous-administration des

campagnes.&

Ainsi donc, le problème de personnel ne se limite pas

seulement à l'ancien personnel, mais aux deux catégories de

cadres (anciens et jeunes) qui n'ont plus la volonté de se

perfectionner (maladie de complaisance), pour n'avoir d'autre

souci que d'exploiter les avantages substantiels qu'offrent leurs

situations, se souciant fort peu de la société au service de

laquelle ils sont là pourtant.

Pour illustrer cette situation, il serait intéressant de

rapporter ici cette récente déclaration du Ministre d'Etat

ivoirien, chargé de l'Intérieur,2 qui réprouvait les

comportements et pratiques de certains fonctionnaires de

commandement vis-à-vis des administrés, qui sont, il faut le

dire, des pratiques coloniales; arrestations arbitraires,

discrimination dans les services publics, intimidation envers les


3

usagers des services publics et aussi versement de pourboires

pour le service public; ce qui sont d'ailleurs choses courantes

dans toutes les administrations africaines. Voici cette

déclaration du Ministre ivoirien;

"Ce genre de chose dénotent une mentalité qui n'est pas

encore affranchie de la mentalité coloniale et mercenaire.

Si elles constituent fort heureusement des cas d'exception

(?), elles n'en sévissent pas moins encore dans certains

services particulièrement sollicités par le public et

surtout dans l'esprit, les paroles et les actes de certains

fonctionnaires de tous les rangs".

Plus loin;

" ... quelques-uns de ceux-ci (les cadres de commandement

s'entend), nourris au sérail des Ecoles d'administration

ex-coloniale, ne réussissent pas encore â opérer certains

ajustements sociologiques. Dans la hiérarchie des

existences â considérer, il y a d'abord eux et l'adminis-

tration, plus souvent eux tout seuls avant l'administration,

et puis il y a les autres".

A ces remarques qui sont justes, il faudrait encore ajouter

que plusieurs des nouveaux mandarins appartenant â l'élite

administrative des pays africains paraissent plus efficaces dans

la démonstration de leurs prérogatives multiples que dans

l'épreuve de leur efficacité, cela quand ce n'est pas encore

l'absentéisme endémique gui s'est établi â tous les niveaux,

compromettant ainsi le bon fonctionnement de l'administration.

C'est dire encore que l'irresponsabilité se généralise â tous les

niveaux et qu'il est extrêmement difficile, voire même

impossible, d'obtenir quelque décision que ce soit.


4

A propos de cet absentéisme endémique et de cette

irresponsabilité générale dans les administrations africaines,

revenons â ces autres réflexions du Ministre d'Etat ivoirien

chargé de l'Intérieur qui, s'il s'adresse encore aux cadres de

son pays, sont valables pour bien d'autres pays africains:

"Les mauvais exemples d'Abidjan où le désintéressement de

quelques chefs de services encouragent encore l'absentéisme

de trop nombreux fonctionnaires sans conscience civique,

(...). L'administrateur que nous voulons, ce n'est pas

celui qui énonce ses titres (...) ou qui se fait attendre

pour imposer sa suprématie (...) l'administration qu'il

nous fait, ce n'est pas celle de fonctionnaires ou de

mandarins seulement soucieux de tirer le maximum d'avantages

et d'honneurs de leur situation".

C Le problème de l'assistance technique et son

influence sur la fonction publique africaine

L'assistance technique n'est pas sans poser quelques

problèmes dans les administrations africaines. Ces problème fut

un des principaux sujets abordés lors du congrès de la Société

Internationale pour le Développement (SID) tenu en août 1974 à

Abidjan.

En effet, le grand nombre d'assistants techniques risque

d'entraîner des retards dans l'africanisation des cadres de ces

pays dont les gouvernements ont souvent, pour des raisons

politiques, tendance à les garder pour ne plus faire confiance

aux cadres nationaux. Cette tendance qui se justifiait autrefois

par la crainte de ne pas avoir de fonctionnaires africains

suffisamment compétents et dévoués ne se justifie plus pour bien

des secteurs, car il existe bien des cadres nationaux qui peuvent
5

remplir certaines fonctions qui sont encore aujourd'hui confiées

à des coopérants techniques, notamment des postes de conseillers

administratifs ou politiques.

Si donc la crainte de se trouver en face de fonctionnaires

pas encore au point ne se justifie plus pour bien des postes,

comme il était admis il y a encore quelques années, les craintes

politiques expliqueraient la présence de nombreux assistants

techniques dans les postes indiqués ci-dessus du fait que bien de

gouvernements écartent certains de ses cadres des postes

importants parce qu'ils ne partagent pas "certaines" lignes

politiques, ce qui est en Afrique une raison suffisante pour se

faire évincer de l'administration, sinon se faire arrêter.

L'autre aspect de ce problème, est que dans certaines

administrations africaines le nombre important de coopérants

techniques a fini par créer, de facto, deux administrations

parallèles: d'un cOtê le Ministre et ses "conseillers

techniques", et de l'autre, son Cabinet dont les membres et les

directeurs d'autres services sont d'origine nationale.

Le troisième aspect de ce problème d'assistance technique

c'est que les anciennes traditions ont tendance à se maintenir

par la présence de fonctionnaires étrangers surtout de l'ancienne

Métropole en nombre important dans les postes clefs, et sans

compter le coût l'assistance technique qui est très élevé.

Sur tout ce problème, je pense que les pays africains n'ont

pas à rejeter l'aide de l'assistance technique étrangère qui leur

est importante ou tout autre apport extérieur qui se révèle utile

et nécessaire; mais qu'on devra plutôt essayer de conférer à

l'apport extérieur un caractère national, sinon l'ajuster aux

situations sociales et économiques du pays.


6

NOTES

1
En COte d'Ivoire, sur plus de 43.000 fonctionnaires et

agents de l'Etat, plus des 2/3 de cet effectif se

trouvent â Abidjan, la capitale, qui ne représente que

le 10ême de la population totale.

« Extrait du discours prononcé â l'occasion du Séminaire

des Préfets, sous-préfets et maires, tenu & Yamoussoukro,

publié dans le quotidien ivoirien Fraternité-Matin No.

2969 du 3 octobre 1974.


CHAPITRE III

OBSTACLES D'ORDRE CONFLICTUEL:

Le conflit des générations dans les administrations africaines.

L'origine de ce conflit de générations entre le personnel

des administrations africaines se tient de la différence de

connaissances acquises par ce personnel et aussi des traditions

africaines mêmes, où le droit d'aînesse reste encore chose

sacrée. Certes, ce droit qui est accordé aux personnes âgées,

considérées comme les gardiennes des traditions, des cultures et

ayant de la sagesse, a profondément marqué les rapports entre les

hommes dans les sociétés africaines où on admet toujours

difficilement qu'un plus jeune que soi prend le devant des choses

ou le faire sans son assentiment. Mais expliquer ce conflit par

un manque à ce droit de la part des jeunes, serait insuffisant.

En effet, si ce conflit de générations se tient des

traditions, il est aussi de connaissances, car les anciens

fonctionnaires, le plus souvent formés sur place croient avoir

droit â tout par l'expérience et par l'âge, tandis que les

jeunes, eux, souvent diplCmês des grandes écoles et des

universités, revendiquent les postes et les directions au nom de

l'instruction et de la formation exigées par le statut de la

Fonction publique. Et ces derniers ont â compter sur la jalousie

des anciens de service qui les traitent d'orgueilleux le plus

souvent. Il faut reconnaître là que beaucoup de ces jeunes ont

bien trop souvent grande conscience de leur formation (d'ailleurs

trop théorique) qui indispose les autres. Et cette attitude des

jeunes est aussi dangereuse, car cet excès de conscience les

conduit parfois à ne plus rien apprendre, croyant déjà tout

savoir.

Et en plus de ce conflit de générations entre

fonctionnaires, il faudrait ajouter l'éloignement progressif de

la nouvelle génération de jeunes membres de la Fonction publique


2

par rapport & la communauté sociale autochtone elle-même qui

devient, lui aussi, une menace constante:

"En effet, les jeunes fonctionnaires, formés soit dans les

écoles d'administration sur place, soit à l'étranger, reviennent

(s'ils reviennent), avec un bagage de conceptions, de

connaissances, de savoir-faire qui ensemble crée un mur

d'incompréhension, de méfiance et de scepticisme entre eux et la

population. En fait, ces jeunes "modernisés" se trouvent souvent

isolés, incompris et même maltraités, & l'occasion, non seulement

par leurs supérieurs autochtones qui ne les comprennent pas

souvent, mais aussi par l'entourage populaire qui reste méfiant;

dans cette situation les jeunes se découragent, se sentent

inutiles et émigrent parfois."*

On pourrait dire que cette situation se rattache à l'essai

de la modernisation, mais qui se révèle ici dangereux car la

modernisation ou la normalité est perçue ou comprise par les

jeunes cadres africains notamment comme un partage complet des

conceptions et des modèles de développement étrangers, quand ce

n'est pas de vivre comme les autres, c'est-à-dire de la façon

occidentale qui comporte comme on le sait des inconvénients:

répartition inégale des richesses, crise sociale, en passant et

de voir que les pays africains paient déjà le prix de

l'imitation, car ces maladies s'y reflètent assez bien et ne

cessent de provoquer des troubles.

D'ailleurs, à propos de cette conception obsessionnelle du

développement économique par rapport à l'économie occidentale et

de cette différence dans les conceptions en jeunes pays, voici en

exemple une déclaration d'un responsable financier ivoirien,

parlant évidemment de la cote d'Ivoire, & laquelle on ne fera pas

de commentaire:

"Tout le monde doit devenir capitaliste, gagner de


3

1* argent".2

Alors que le Président de la République, M. Félix Houphouët-

Boigny envisage l'avenir de son pays en ce point de vue:

"En cote d'Ivoire, tout doit être fait au stade actuel pour

construire la puissance économique et financière de l'Etat,

puisque l'étude du monde moderne fait apparaître de plus en

plus clairement que les doctrines qui sacrifient l'Etat aux

individus (le capitalisme) , se révêlent aussi inefficaces

que celles (le communisme) qui prônent les principes

contraires. La vérité, comme dans la vie, est dans un

juste équilibre qui, en pays neuf, doit s'adapter aux

réalisations du développement économique".?

En effet, l'Afrique d'aujourd'hui ne peut être dirigée

seulement par une science étrangère ou par les deux grandes

théories de développement que l'on connaît; son développement

harmonieux ne saurait se faire qu'à deux conditions essentielles:

la recherche des structures sociales adaptées, et disposer des

hommes capables, au besoin, de faire une science de synthèse,

c'est-à-dire des hommes qui ne s'arrêteraient ou ne se

trouveraient limités par l'expérience ou par une science

étrangère comme telles; des hommes capables de comprendre et de

s'intégrer à leur milieu.

En d'autres termes, pour être encore plus précis, le

fonctionnaire dent on a besoin en Afrique pour son développement

et qui doit être formé en conséquence n'est pas du tout comme en

France ou en Grande-Bretagne, le grand fonctionnaire "cultivé" un

peu pédant; mais plutôt l'homme "well adjusted" (bien ajusté),

c'est-à-dire capable de s'entendre avec son milieu pour réussir

sa mission.
4

Dans la situation actuelle des pays africains, si l'idée

même de la réforme des institutions de l'Etat se trouve

déconsidérée c'est à cause de l'assimilation culturelle de

certains responsables en place qui ralentit le cours de

l'évolution autochtone propre, pour expliquer la pratique des

transpositions de modèles étrangers ou des réformettes, en lieu

et place à de changements véritables qui bénéficieraient de

l'acceptation populaire. Inutile de dire que ces conflits de

générations, notamment de cultures sont à l'origine de cette

incompréhension qui sont bien souvent à la base des révolutions

en Afrique et, de cette confusion dans l'organisation politique

et administrative de ces nouveaux pays.

A rappeler que de ces différends qui sont sans incidence sur

la marche des affaires publiques, c'est toute la société qui en

souffre de même que l'Etat dans ses actions et plans de

développement.

A propos de ces différends encore, cette déclaration du

Président HouphouSt-Boigny de la COte d'Ivoire est significative:

"Je me demande en particulier, aujourd'hui, si les relations

qui se sont établies entre les adultes et les jeunes d'une

part, entre l'Etat et la jeunesse de l'autre, sont suffisam-

ment claires et si l'importance et leur originalité ont

toujours été correctement analysés et perçues (...) il

conviendra que toutes les forces vives de la nation

s'interrogent, à l'avenir, sur l'opportunité d'un dialogue

nouveau entre les jeunes et les anciens, comme sur une prise

en charge beaucoup plus spécifique et systématique du groupe

social (...) au niveau de nos grandes orientations politiques

comme à celui de la programmation de nos actions de

développement".♦
5

Enfin, pour conclure ce chapitre on reviendra pour faire

remarquer que ce conflit de générations dans les administrations

africaines est bien plus émotionnel qu'autre, car il se repose

sur des sentiments négatifs (méfiance, fausse interprétation,

etc) , non seulement des choses ou valeurs mais des uns envers les

autres; ce conflit ne pourrait se régler, du moins s'atténuer,

qu'en réorganisant complètement l'administration tout en se

précisant une conception nouvelle de société ou de développement

propre.
6

NOTES

Cf. à ce propos G. Langrod, op. cité.

Déclaration du Directeur de la Banque Ivoirienne de

développement industriel, rapportée in Expansion, de

novembre 1973, "La CCte d'Ivoire ou la croissance à

1* endroit".

Déclaration citée in "La coordination des services centraux

de l'Administration de la COte d'Ivoire" par P.L. Audat,

Cahiers africains d'Administration publique. No 013,

novembre 1966.

Message à l'occasion du 12e anniversaire de la Fête

Nationale.
CHAPITRE XV

OBSTACLES D'ORDRE STATUTAIRE;

Le statut général de la Fonction Publique

A Recrutement

Tout comme pour les structures, le même mécanisme

conservateur joue en ce qui concerne le statut général des

fonctionnaires. En effet, le statut et les règles applicables

aux fonctionnaires se sont non seulement maintenus à peu près

tels qu'ils étaient avant l'indépendance, mais se compliquent

encore de plus en plus dans les réformes successives que ces pays

ont connu jusqu'alors.

Ainsi, au Sénégal, en COte d'Ivoire, au Mali, en Haute-

Volta, au Niger et dans les autres pays du même sphère, on

retrouve principalement trois niveaux de recrutement des

fonctionnaires dans la Fonction publique:

Il y a au sommet, les fonctionnaires de conception;

au milieu, les fonctionnaires d'application;

à la base, les fonctionnaires d'exécution.

Exception faite du Zaïre, où le recrutement se fait depuis

la grande réforme en cours, uniquement aux grades de

collaboration, c'est-à-dire au niveau d'application et de

l'exécution.

Et dans chacun de ces niveaux, on trouve quatre catégories:

A, B, c et D; en faisant toutefois abstraction du Sénégal et du

Mali, qui ont augmenté à 5, et du Zaïre qui en a réduit à 3 pour

ne retenir que les trois catégories qui se situent au niveau des

emplois de commandement (directeur général, directeur, chef de

division), des emplois de collaboration (attachés de bureau..) et

des emplois d'exécution (agents de bureau...). Il faudrait aussi


2

remarquer que dans son nouveau statut le Zaïre a réduit le nombre

des qrades de quinze à onze et qu'en plus, si la détention d'un

diplôme ne figure plus parmi les conditions générales de

recrutement inscrites dans son statut, le serment à l'idéologie

du parti a été officiellement institué. Ce qui est typique au

Zaïre, car dans les autres pays africains le mécanisme de

recrutement reste encore, du moins officiellement, semblable aux

mécanismes utilisés dans les Etats qui ont influencé leurs

administrations: mécanisme de concours par exemple.

Mais il faudrait noter quand même l'importance de ces deux

facteurs qui influencent fortement le recrutement dans la

fonction publique des pays africains, même s'ils ne trouvent pas

officiellement institués: le facteur politique et le facteur

ethnique, pratiquement inexistants dans les pays de l'occident,

leur modèle. En effet, il n'y a pas de pays africain qui n'a pas

imposé l'appartenance obligatoire à l'unique parti politique au

pouvoir comme condition d'entrée dans la Fonction publique; que

ce soit le Zaïre qui vient de l'instituer officiellement ou les

autres pays africains qui, s'ils n'ont pas inscrit expressément

le serment, du moins pas encore, dans leur statut de la Fonction

publique, n'en admettent pas moins le principe.

Au critère de l'appartenance au Parti, il faut ajouter le

critère ethnique; les autorités qui ont la charge du recrutement

dans ces pays s'efforcent, selon les cas et selon les pays, soit

d'établir une certaine répartition ethnique entre les personnels

qui entrent dans la Fonction publique, soit au contraire de

favoriser les candidats de leur propre ethnie, comme c'est

connu, depuis l'indépendance, plusieurs crises ont éclaté â la

suite de ces pratiques.

Et en plus de ces deux facteurs, politique et ethnique, qui

constituent des faits propres et originaux par leur application

dans les pays africains, il faudrait dire que les règles et les
3

statuts applicables aux fonctionnaires sont en général trop

rigides. Ils respectent trop les droits acquis et ne donnent

pas, par eux-mêmes, la possibilité aux gouvernements d'exercer

une action suffisamment efficace sur les fonctionnaires et le

résultat est le suivant: on aboutit à une distorsion très grande

entre le fait et le droit pour assister de nombreuses révocations

illégales de fonctionnaires ou des promotions qui se font en

dehors des règles admises par les statuts.

Ces violations et dérogations expliquent par elles-mêmes la

désadaptation du statut et des règles de la Fonction publique que

ces Etats africains se sont dotés par simple imitation. Cette

imitation s'est révélée d'une manière ou d'une autre, être un

obstacle au développement de ces pays où l'on se retrouve aussi

le plus souvent avec des textes difficilement applicables ou même

jamais appliqués depuis leur reproduction:

"Il est maintenant d'usage commun de constater la

"désadaptation" du droit ou le statut de la Fonction

publique dans les Etats sous-développés: ce droit très

largement imité de celui des fonctions publiques des

Etats occidentaux ne correspond nullement aux réalités

des pays en voie de développement".*

B Rémunérations et autres charges

S'il n'y a plus de doute que la désadaptation du statut et

des règles de la Fonction publique est un autre obstacle au

développement des pays africains par la forme de recrutement, la

rémunération des fonctionnaires est une des plaies dont ils

souffrent.

En effet, en plus du nombre grandissant des fonctionnaires

de ces pays, il y a leur rémunération qui est une bien grande


4

charge sur leurs budgets; ce qui rend actuellement difficile le

progrès économique et le développement, quand encore les

fonctionnaires africains, qui s'efforcent d'ailleurs de vivre au

rythme du monde occidental, et qui ont un niveau de vie

incomparablement plus élevé que celui des autres catégories de la

population, ne font pas peser sur le budget d'autres charges

importantes en s'enrichissant frauduleusement, quand ce n'est pas

confondre le Trésor public et leurs ressources personnelles.

Quand aux rémunérations proprement parler, il suffirait de

rappeler que dans certains de ces pays, la seule part consacrée

aux traitements des fonctionnaires englobe au moins les 2/3 du

budget national, et si l'on ajoutait les "autres" charges sur ces

traitements on verra bien ce qui resterait à consacrer au

développement.
5

NOTE

1
Gérard Timsit, "Fonction publique et développement le cas

des Etats africains francophones", in Revue Internationale

des Sciences administratives, vol. XXXVIII 1972, No. 1.


CHAPITRE V

OBSTACLES D'ORDRE ORGANISATION ADMINISTRATIVE:

La centralisation administrative

L'une des caractéristiques des pays africains c'est la très

grande centralisation de l'administration. Les pouvoirs de

décision et le personnel sont tous concentrés dans les

administrations centrales cela, pour voir réduire les

possibilités d'action des représentants locaux de

l'administration qui sont faibles et leurs services dépourvus en

personnel.

En effet, il y a partout une réduction des pouvoirs des

collectivités locales et l'intervention du gouvernement central

dans la nomination de leurs autorités. Les maires, les

conseillers municipaux ou les conseillers généraux des

départements ou régions qui devront être élus en principe par

leurs populations sont le plus souvent nommés ou désignés par les

autorités centrales.

Dans cette situation, les collectivités locales qui sont

entièrement dirigées par les représentants du gouvernement

central ne bénéficient d'aucune autonomie. Et leurs autorités

administrantes, les maires, les préfets et autres, n'étant aucune

élue mais toutes nommées d'une certaine façon par le gouvernement

central, sont strictement dépendantes du pouvoir central,

dépendance qui prive les collectivités locales de toute

initiative qui se bornent alors â exécuter simplement les

instructions de la capitale.

Ainsi, il n'est pas du tout rare de voir dans les régions de

ces pays, les autorités locales ou les quelques rares maires des

villes tous limités dans leurs pouvoirs, dire avec impuissance

devant une affaire propre à leurs localités et pouvant bien y

être réglée: "Je n'y peux rien... les instructions du "ministre"


2

ne disent pas", ou "ne prévoient pas" ceci ou cela. Ou bien

encore: "Je demanderai des instructions â ce sujet".

Dans ces pays, il est clair que les administrateurs locaux

qui sont les autorités des collectivités ne sont autre chose que

de simples agents de transmission, des exécutants sans aucune

initiative simplement intégrés dans l'Etat où le gouvernement

central a seul pouvoir de décision.

Pour ne citer seulement qu'un exemple, les villes au Zaïre -

hormis Kinshasa la capitale - et les autres collectivités locales

perdent dans la nouvelle organisation territoriale et

administrative, leur personnalité juridique. Et en plus de cette

tendance centralisatrice du pouvoir au niveau du gouvernement

central on assiste à la sous-administration de certaines régions

notamment au Niger, Mali et Zaïre pour qui l'étendue du

territoire posent de problèmes administratifs sérieux.

Tous ceux-ci pour dire qu'aucun de ces pays ne possède de

circonscription qu'elle soit régionale ou communale qui possède

et gère avec un minimum de liberté d'action, de responsabilité et

d'autorité sur un patrimoine ou un budget propres. Et si parfois

la responsabilité est laissée aux collectivités, l'autorité

appartient au pouvoir central. Comme l'on voit, tout se passe au

niveau et au profit de la seule capitale.

Cette attitude des gouvernements africains qui, dit-on,

cherchent les solutions aux problèmes de leur développement mais

qui refusent, paradoxe, de respecter l'une des conditions

essentielles de ce développement (la décentralisation

administrative qui dote les collectivités locales de certains

pouvoirs dans les décisions concernant leurs propres affaires, ce

qui ira avec la participation effective des populations dans les

plans de développement qui est la condition de leur réussite) est

aberrante.
3

En effet, la centralisation administrative ne saurait être

un remède pour les pays africains qui veulent vraiment se

développer, ou moins encore permettre le bon fonctionnement des

services publics d'une manière économique, rationnelle et

impartiale. Inutile d'insister sur les inconvénients de ce

système qui rend, il faut le dire, la solution des affaires

administratives inévitablement lente et rigide, quand ce n'est

pas encombrer les administrations centrales, tout en les

empêchant d'adapter leurs décisions aux circonstances locales et

provoquer la non-participation des populations aux efforts de

développement.

On concevra également la difficulté que présente une

semblable technique administrative en raison de la multiplicité

des taches auxquelles doit faire face l'administration d'un Etat

moderne ce, dans toutes les parties du territoire national. Et

cette tendance centralisatrice des gouvernements africains est

une mauvaise politique et un obstacle au développement de leur

pays, et qu'on pourrait qualifiée de politique de simple gestion,

le prolongement de 1'administration de simple gestion

d'autrefois.

De toute façon, ce que les gouvernements africains qui se

sont tous donné pour mission le développement de leurs pays

devront éviter c'est la très forte centralisation de

l'administration et de ses activités dans la seule capitale, en

plus de ce désir, qui est un autre aspect de la centralisation,

de voir tout se faire et tout se construire dans une seule

localité ou une seule région - pour ne pas donner non seulement

une administration lourde mais une économie de symbole ou une

"modernisation symbolique".1

A ce sujet, on remarquera que les capitales africaines se

font de plus en plus remarquer par leur équipement, sinon leur

architecture moderne, ou leurs buildings et leurs grandes artères


4

qui se construisent, de même que plusieurs réalisations

industrielles, qui se font au détriment de l'arrière-pays. Les

exemples les plus frappants de cette situation sont les villes

d'Abidjan, de Dakar et de Kinshasa où, pour établir le contraste

il suffirait de s'éloigner de quelques centaines de mètres hors

de ces villes. Et les autres capitales comme Niamey, Bamako ou

Ouagadougou qui appartiennent â des pays où les ressources

économiques sont faibles, sont aussi l'objet de cette

modernisation flagrante qui se fait â grands coups

d'investissements financiers.

D'ailleurs, ce développement des capitales africaines

reflète trop bien l'écart de niveau de vie entre les villes et

les campagnes qui est considérable, mais qui a tendance â

s'aggraver rapidement. L'arriére du pays qui reste fortement

rural est parfois aussi sous-administré, phénomène qui est plus

perceptible dans les vastes pays ou dans ceux où la pénétration

reste difficile, du fait de l'insuffisance du réseau de

communications modernes: c'est le cas de certain zones du centre

du Zaïre et certaines régions du Niger, du Mali, notamment.

A propos de ces déséquilibres entre les capitales africaines

et le reste du pays, on citera encore ici une déclaration du

Président HouphouSt-Boigny, â l'occasion du 12e anniversaire de

la fête nationale ivoirienne:

"L'important est, plus concrètement, de prendre

conscience â tous les niveaux, des déséquilibres qui

s'aggravent entre Abidjan et tout ce qu'elle représente

et les régions de l'intérieur et tout ce qu'elles espèrent.

Il est grand temps que les volontés se tournent vers la

satisfaction des attentes d'un monde rural sans lequel

notre fière capitale ne serait jamais devenue ce qu'elle

est aujourd'hui".
5

Pour faire un peu l'histoire de ce déséquilibre régional dû

principalement â la forte centralisation administrative et

économique on rappelera que celui-ci remonte â la colonisation,

car à cette époque, les ressortissants de la métropole se

trouvaient entre 70 et 90% selon les territoires, dans les

capitales de colonies qui sont justement devenues adjourd'hui

pour la plupart les capitales nationales des pays de l'Afrique

indépendante. L'érection de ces villes en capitales par la

puissance coloniale avait pour raison simple qu'elles avaient un

accès facile ou étaient situées dans une région prospère à leur

commerce. Il suffirait pour s'en rendre compte de regarder les

capitales africaines: elles sont toutes situées sur les côtes et

pour les pays situés à l'intérieur du continent elles se trouvent

au bord des grandes voies d'eau navigables. Pour citer encore

quelques exemples, il y a Dakar, Abidjan, qui sont des villes

côtières et les villes de Bamako, Niamey et Kinshasa sont situées

au bord de grands fleuves, qui ont commencé toutes à se

développer sous la colonisation.

Ainsi donc, il y avait déjà au départ une forte

concentration dans les villes pour des raisons en autres

commerciales, mais rien ne se trouve changer à cette situation

depuis l'indépendance et les grandes villes africaines qui sont

généralement les capitales ne cessent aujourd'hui de s'étendre,

d'une façon démesurée, surtout dans les Etats où les ressources

économiques sent importantes, car ce sont ces villes qui

bénéficient en premier lieu du progrès et de l'essor économique.

A titre d'exemple encore le rythme de croissance de Dakar est de

6% par an et on estime qu'en l'an 2.000 la population de la

capitale du Sénégal devrait dépasser plus de deux millions de

personnes; Abidjan atteindra elle aussi â peu près ce chiffre à

cette même époque, et Kinshasa avec déjà ses deux millions huit

cent mille habitants, a, â peu prés, le même taux de croissance.


6

Dans l'ensemble, la population des villes africaines augmente

environ trois fois plus vite que celle de la population dans son

ensemble, comme il serait facile de s'imaginer les multiples

problêmes que cette croissance démographique peut déjà poser.

Mais la croissance urbaine se poursuit sans espoir de solution,

car étant liée a l'industrialisation, à la modernisation des

agglomérations au détriment des campagnes, à l'attrait de la vie

urbaine, aux vains espoirs des chômeurs urbains, auxquels

viennent s'ajouter les ruraux qui n'ont pas de raisons de rester

à la campagne. Enfin, par cette autre conséquence de la

centralisation le divorce se fait plus profond entre le monde

rural qui continue de vivre au rythme ancestral des travaux des

champs et un monde urbain qui s'efforce de vivre â l'image de

l'occident.

Pour conclure ce chapitre, il conviendrait de remarquer que

pour le développement harmonieux des pays africains, on devrait

partir du concept qu* une capitale ne devrait pas être

nécessairement la ville la plus belle, absolument la plus grande

ou la plus économique qui soit dans le pays, ayant droit â tout

sur le reste du pays.

Les exemples dans le monde en témoignent bien: Ottawa qui

est la capitale fédérale du Canada et Washington pour les Etats-

Unis ne sont pas les plus grandes métropoles de leurs pays, et

sont économiquement faibles par rapport aux grandes villes

industrielles et commerciales canadiennes (Montréal, Toronto,

Vancouver) et américaines (New-York, Chicago et Los Angeles).

Avoir quelques infrastructures nécessaires dans la capitale

est important, mais vouloir la faire la grande concentration de

tous les moyens de production ou, mieux, la grande "avaleuse" de

l'économie nationale qui ne peut se faire qu'au détriment de

l'arriére-pays qui reste fortement rural, est non seulement une

mauvaise politique de développement mais un encouragement à


7

1'exode rural pour entretenir lâ les germes des crises et des

révoltes sociales toujours latentes qui éclatent sporadiquement

en Afrique mettant en cause, chacune des fois, et les

institutions et les dirigeants en place.


8

NOTE

* Cf. aussi â ce propos JK Galbraith "les conditions du

développement économique", édit. Revue et augmentée,

N. Horizons, série E, 1964.


CHAPITRE VI

OBSTACLES D'ORDRE ORGANISATION POLITIQUE:

La constitution et le système de Parti Unique

Les précédents chapitres ont été consacré aux divers

problèmes d'ordre administratif des pays africains en voie de

développement; on a vu également pourquoi ils constituent des

obstacles à leur développement.

Dans ce chapitre, il sera question des problèmes d'ordre

politique, ou, de la constitution et du système du Parti Unique,

qui ne constituent pas moins eux aussi des obstacles au

développement de ces pays.

En effet, ces institutions politiques qui ne sont pas encore

moins des emprunts extérieurs posent de graves problèmes à la

marche des affaires publiques de ces pays, tout comme leurs

structures administratives.*

A La constitution

C'est connu que la constitution d'un pays est l'ensemble des

règles générales établies et adoptées par son peuple d'une

manière démocratique par voie de référendum, pour régir sa

destinée. Ce qui suppose évidemment que la constitution est

l'émanation du peuple, sa "compréhension" si on ose dire, ou

encore le reflet de son attitude, de son tempérament du moment,

puisqu'il y a possibilité de changer la constitution établie par

la même voie démocratique qu'est le référendum.

Mais les peuples africains n'ont toujours pas compris leurs

constitutions, qui sont un assemblage de principes, de lois et de

règles importés qui leur sont complètement étrangers. Ceci fait

d'ailleurs rappeler une déclaration de l'ancien Président du

Tchad, N'Garta Tombalbaye:


2

"Notre constitution qui est une simple reproduction des

principes occidentaux étrangers â notre chair et à notre

sang sera révisée en un temps record".2

Et s'il est difficile d'établir un rapport entre la

"Tchaditude" de 1'ex-Président du Tchad avec la négritude de

senghor du Sénégal et l'authenticité de Mobutu du Zaïre - ce qui

est hors de notre sujet - cette déclaration, qui a été

l'expression d'une prise de conscience de son auteur, exprime

bien le problème que pose la constitution dans les pays

africains. Mais "la constitution sera révisée" de cette

déclaration a déçu, car la nouvelle constitution ne fut pas

nouvelle, ni originale, d'ailleurs comme toute réforme

constitutionnelle dans les autres pays africains, où les régies

et les principes, surtout la définition de l'organisation et le

fonctionnement des institutions politiques et administratives

dans la constitution "réformée" ne sont que simplement modifiées

dans quelques-unes de leurs appellations.

De toute façon, on n'a pas tellement à s'étonner de cette

promesse tchadienne qui a déçu, surtout si l'on sait que

l'Afrique détient en si peu d'années d'indépendance, le record de

changement de constitutions qui n'a pas le temps de vivre, car

sujette â de maintes modifications du genre, quand elle ne se

trouve pas encore suspendue pour un temps indéterminé au

lendemain d'un coup d'Etat. Et pour voir encore que la première

préoccupation des nouveaux dirigeants au lendemain des

renversements de régime ou d'ênénements sociaux en Afrique c'est

de se fabriquer toujours selon les mêmes régies et principes une

nouvelle constitution qui ne serait pas respectée. Et tout se

passe d'ailleurs comme si doter uniquement le pays d'une

constitution résoudrait les problèmes auxquels il se trouve

confronté, en laissant par ce fait de cOté, les véritables


3

problêmes et leurs causes qui sont avant tout d'ordre

organisâticnnel.

L'exemple le plus frappant de cette instabilité

constitutionnelle est donné en Afrique par les Etats francophones

où la constitution française de 1958 fut reprise au complet avec

seulement quelques légères modifications.

En effet, le Sénégal n'a pas connu moins de 5 constitutions

dont celle de 1959 qui établissait un régime parlementaire; celle

du 20 août 1962 qui subit entre temps un aménagement pour voir

naître le dualisme de l'exécutif, mais qui déboucha sur la crise

de décembre de la même année (1962). Ce dualisme qui avait

entraîné l'opposition entre le Président de la République et

celui du Conseil de l'époque a amené le retour à l'unicité de

l'exécutif. Il y a eu encore celles du 7 mars 1963, du 20 juin

1967 et du 22 février qui a vu â nouveau le retour à la dualité

de l'exécutif.

La Haute-Volta a connu elle aussi quelques constitutions

depuis le renversement du Président Maurice Yaméogo en 1966

jusqu'au coup d'Etat du 8 février 1974 qui a suspendu - comme on

devait s'y attendre - la constitution en vigueur, et se propose

d'en faire une autre. Ce pays aussi a fait son expérience de

l'exécutif bicéphale jusqu'à ce dernier coup d'Etat de 1974.

Le Zaïre aussi vient de se doter d'une nouvelle constitution

après en avoir ccnnu quelques autres; il y a aussi le Mali, et le

Niger qui n'a pas lui encore de constitution depuis le coup

d'Etat de 1974.

Enfin, la Cdte d'Ivoire, elle, n'a pas connue d'autre

constitution que celle de 1960, qui est sa première, si ce n'est

quelques légères réformes, dont la plus importante est celle qui

désigna en mai 1975 le successerur du Président de la République

en cas d'empêchement définitif de celui-ci pendant la durée de

son mandat.
4

Mais ce qui reste commun â tous ces pays c'est que

l'exécutif, qu'il soit unique ou dualiste, c'est leur

ressemblance et leurs constitutions ayant une même source

obéissent simplement aux mêmes principes: le Président de la

République est le chef de l'Etat qui dispose des pouvoirs qui

sont traditionnellement attribués â cette autorité, avec un

"domaine" réservé qui comprend entre autres les Affaires

étrangères, la Défense Nationale, etc, et agit le plus souvent

sans contreseing ministériel, le moins qu'on puisse dire c'est

que les dispositions inscrites dans la constitution française de

1958-1959 ont fait école en Afrique noire.

Cependant, le domaine législatif du moins dans son mode

d'élection reste un fait original; en effet, l'Assemblée

nationale qui est l'organe législatif est élue au suffrage

universel sur une liste nationale établie â l'avance par les

membres du Bureau politique que l'on retrouve aussi souvent en

grande majorité à l'Assemblée nationale.

La conséquence de ce mode de scrutin est évidemment

l'homogénéité politique de l'Assemblée nationale qui comprend les

représentants d'un seul parti et n'ont librement élus par les

populations.3 Car, lors des élections, le peuple ne fait que

ratifier le choix des candidats désignés par les organes du parti

unique au pouvoir.

Et autre conséquence de ce mode d'élection est le

comportement de ces "élus" qui sont souvent des "étrangers" à

leurs circonscriptions électorales ne vivant qu'en ville. Et

l'exaspération accrue avec laquelle les paysans supportent

"leurs" députés se trouve bien justifiée: n'étant pas élus par

les populations mais plutôt "nommés" ou supportés par le parti

unique, ils sont le plus souvent inconnus de celles-ci qu'ils

sont censés représenter; ou si encore ces députés ne mettent

jamais le pied dans les différentes localités de leurs


5

circonscriptions électorales après être "élus", seul leur village

à la chance de les voir pendant un week-end perdu; autrement dit

ils sont en résidence permanente dans la capitale et ne prennent

réellement contact avec les réalités de leur région que lors de

la visite ou du passage d'une personnalité importante, sinon ils

sont capables de passer tout le temps de leur mandat dans la

capitale en s»occupant de leurs propres affaires.

Voilà quelques-unes des conséquences de l'adoption chez soi

des règles constitutionnelles (mal comprises) qui se sont vite

transformées en obstacles à toute évolution politique dans les

pays africains; et la constitution, étant par définition

1'expression des aspirations politiques et sociales du peuple

qu'elle régit, trouve un sens contraire dans les Etats africains

où elle est plutôt la volonté de quelques hommes au pouvoir.

Encore, il faut le dire, la constitution vaut ce qu'elle est en

occident, mais en Afrique où l'on ne respecte pas ses principes

elle n'a pas sa raison d'être, si ce n'est qu'un encombrement

pour ces pays qui n'ont pas connu le même passé que l'occident.

Le problème constitutionnel se résumerait, au bout du

compte, au fait que ces pays s'affublent des institutions

politiques historiques de l'occident, qu'ils comprennent mal le

plus souvent. En effet, la "Révolution française" qui est â

l'origine de la Constitution française à laquelle obéissent les

institutions actuelles, était la fille de Voltaire, de Rousseau,

de Montesquieu, des Encyclopédistes, etc. qui fit provoquer ce

que J.J. Chevalier* appelle "l'esprit du siècle"; cet esprit

serait, dit-il, un esprit répandu un peu partout qui a sapé, miné

les anciens respects et rendus inévitables les grands

bouleversements en France et en Europe. Et que ces grands

bouleversements qui eurent lieu dans les structures sociales des

pays européens, sont issus de ce que Chateaubriand appelle "la

lente conspiration des intérêts et des systèmes".


6

L1Afrique qui n'a pas connue cet esprit du siècle5 qui a

parcouru, dit-on encore, toute l'Europe comme un courant de

lumière, ne saurait être maître de sa destinée que dans la

pratique de ses propres règles politiques qui se trouveraient

plutôt dans l'esprit de ses peuples ou, sinon, suivre le

mouvement de sa propre évolution, car le système d'organisation

politique d'un pays doit nécessairement tenir compte, pour qu'il

soit réel, des réalités politiques, économiques et surtout

sociales dans lesquelles les mécanismes constitutionnels sont

amenés â fonctionner; autrement dit, à bien des égards, le

système d'organisation politique d'un pays doit refléter son

passé et suivre son propre évolution politique, sinon ses valeurs

et traditions.

En définitive, c'est dans son peuple décidément souverain

qu« il convient de chercher la source, le moteur et la

justification de son organisation politique, non â l'étranger.

Et en matière d'organisation politique, tout ce qui se trouve

chez le voisin ou qui y a réussi n'est pas toujours un critère â

l'imitation eu une solution pour les problèmes du pays

"imitateur".

En Afrique, il s'agit ou suffirait simplement de mettre en

place un certain nombre d'institutions qui lui sont nécessaires

et propres et d'ajouter qu'elle pourrait vivre de ses traditions.

Pour ne citer que deux exemples, il y a la Grande-Bretagne qui a

toujours vécu de ses règles coutumiêres, de ses traditions, et le

Canada dont les principes constitutionnels reposent

essentiellement sur les règles coutumiêres britanniques rappelées

par l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.

Alors, la volonté des Etats africains de se doter d'une

constitution occidentale è la lettre qui ne servira d'ailleurs en

rien à leur développement, tout comme la défaire dans le dessein

précis d'en refaire une autre, est absurde.


7

B les partis uniques

si en occident ou ailleurs les partis politiques jouent un rôle

important, en Afrique la situation est tout autre.

En effet, les Etats africains ont renoncé au pluripartisme

qui était pour la plupart d'entre eux la régie au moment de

l'indépendance; ce système fut déclaré responsable de tous les

maux: obstacles â l'unification nationale, facteur d'instabilité

gouvernementale, gêne pour le développement économique, etc. ces

arguments qui dans 1'ensemble ayant de valeur ont donc conduit à

la généralisation du Parti unique dans les Etats de l'Afrique

noire notamment. Au Sénégal, on a préféré la formule du parti

dominant, où il existe désormais un parti d'opposition. Mais si

les nouveaux Etats africains ont cherché à résoudre le problème

de l'autorité et de l'unité politique en adoptant le système de

"parti unique", l'unité créée de cette pratique n'a pas toujours

su créer l'intégration nationale ni mettre le pays à l'abri de

remous et des coups d'Etat, tout comme le multipartisme.

En effet, si en dépit d'une quinzaine d'années

d'indépendance l'on constate partout en Afrique l'échec du

système de parti unique, celui de multipart! n'y a pas non plus

réussi. A propos de l'échec du multipartisme on citera comme

exemple la Haute-Volta qui, après l'éviction du Président Maurice

Yaméogc, voulait donner le premier exemple dans l'histoire

africaine après-indépendance: ce pays vivait après son premier

coup d'Etat sous un régime de libertés politiques où l'on

comptait au moins 8 partis politiques et 3 centrales syndicales;

ce régime a duré jusqu'au 8 février 1974 qui a vu les militaires

revenir au pouvoir, sans en avoir d'ailleurs jamais été très

éloignés. Et si on attend aujourd'hui la constitution d'un parti

unique sous l'égide des militaires, le problème comme partout


8

d'ailleurs reste le ralliement des cadres des partis dissidents

qui sont nombreux.

Au Mali comme au Niger, il n'est pas encore question pour le

moment d'un parti, mais qui ne saurait tarder à venir. Le Zaïre

prévoyait lui, jusqu'à une date récente, au moins deux partis

dans sa constitution, et la COte-d'Ivoire admet jusqu'à ce jour

le principe du multipartisme. Mais il faut remarquer cependant

que si certains Etats africains ont laissé dans leur constitution

le multipartisme comme admis, tout est arrangé en sorte qu'il ne

puisse pas en être pratiquement, d'autant plus que lors des

élections générales, comme il a été indiqué plus haut, le peuple

ne fait que ratifier le choix des candidats désignés et imposés

par les organes du parti unique; ce qui ne laisse évidemment pas

de chance à d'autres candidatures, d'où la fusion totale entre le

parti, le gouvernement et l'assemblée.

Pour faire encore la preuve de l'échec et de l'inutilité des

partis politiques en Afrique - cela, si besoin en était - on dira

qu'elle est donnée par les pays qui se trouvent dirigé par des

hommes sages, prestigieux et dynamiques où le problème de

l'autorité et du consensus trouve une certaine solution. Les

ensembles les plus heureux en Afrique francophones sont la COte-

D'Ivoire et le Sénégal. Dans ces pays, on peut dire que si

l'unité et l'intégration politique relatives furent réalisées au

début de leur indépendance par le parti unique et le parti

majoritaire ou dominant, elles se trouvant aujourd'hui affirmées

non plus par ces systèmes, mais plutôt par la politique menée par

leurs Présidents, notamment: dialogue en GOte-d'Ivoire et

ouverture - si l'on peut dire ainsi - au Sénégal qui vient

d'admettre la création d'un parti d'opposition.

Dans tous les cas, les dirigeants africains se trouvent de

plus en plus devant la nécessité de reconvertir leurs partis

uniques et mouvements de la libération ou de révolution qui est


9

autre forme de parti unique pour en faire des instruments

politiques plus adéquats et plus conscients du développement,

comme le dialogue et l'ouverture politique.

Ainsi, si en Afrique les partis politiques furent souvent

nécessaires pour combattre la domination coloniale pour recouvrir

son indépendance, il n'est plus nécessaire après l'indépendance

de continuer avec les partis politiques pour son développement

socio-économique.

Et encore, les partis politiques issus de la colonisation se

trouvent dans beaucoup de pays africains essouflés: ils étaient

nés et avaient lutté pour libérer le pays et obtenir

l'indépendance. Celle-ci atteinte, plusieurs de leurs anciens

dirigeants n'ont pas aperçu leurs nouveaux objectifs et se sont

perdus soit en querelles internes soit en devenant des

"bureaucraties" ou des classes de privilégiés. De même, les

partis politiques qui ne cessent de se créer après l'indépendance

à chaque renversement de gouvernement qui obéissent à des

idéologies plus où moins précises ne tardent pas eux aussi à

devenir des bureaucraties ou des classes de privilégiés, ont

aussi montré leur inutilité.

Pour faire un peu de digression, on remarquera que l'Afrique

n'a jamais eu dans son histoire cette rigueur de l'esprit qui

consiste â ériger les différents modes de pensée de la conduite

des affaires humaines ou sociales, représentés en occident par

les partis politiques, en idéologies étiquetées et fait de cela

une lutte permanente entre les hommes et les sociétés. Faut-il

rappeler que dans les sociétés traditionnelles africaines on

usait plutôt de la concertation et du dialogue qui est une sorte

de discussion des points de vue, dénudé des passions partisanes

pour régler les problèmes de la communauté; et par ces moyens,

l'on parvenait à une entente entre les différentes opinions.


10

mettant ainsi la communauté à couvert de stériles oppositions

stéréotypées d'aujourd'hui.

En effet, c'est bien ces moyen et méthode qui sont

traditionnellement connus des sociétés africaines et qui l'ont

toujours réussi jusqu'au moment où l'on y a introduit les

méthodes étrangères qu'on ne connaît pas, pour semer la confusion

dans les structures sociales et politiques traditionnelles

propres.

N'est-ce pas dans cet ordre d'idées que le Ministre d'Etat

Ivoirien chargé de l'Intérieur* a déclaré récemment:

"...C'est le seul, il n'y en a pas d'autre, ni dans aucune

doctrine étrangère, (...) qui puisse atteindre en valeur

sociale et politique la justesse désormais vérifiée et

reconnue de notre option pour le dialogue comme moyen de

gouverner les hommes dans une discipline librement

instituée".

Mais si le dialogue est institué désormais par les

dirigeants ivoiriens et accepté par les populations (car le

dialogue n'est pas étranger à leurs traditions), la question qui

se pose c'est de savoir si le dialogue est vraiment possible dans

un régime de parti.

Pour ma part, les pays africains n'ont pas besoin de parti

politique pour leur développement quels que soient les motifs mis

en avant ou la coloration idéologique; mais plutôt un système de

dialogue ouvert sans parti unique qui n'a jamais réussi à faire

l'unanimité des populations, moins encore faire l'adhésion des

cadres.

En d'autres termes, si le parti unique a été institué pour

consolider au départ l'unité nationale - qui semble d'ailleurs

être acquis - aujourd'hui comme plus tard, le parti unique


11

demeure une source de tensions car il ne saurait jamais avoir

l'adhésion de la majorité vraiment militante, moins encore faire

l'unanimité autour de lui; ceci se trouve confirmé par le fait

qu'il est facile de constater en Afrique dans ses réqimes de

parti unique un plus grand nombre de militants de fait,

d'intérêts et "silencieux" que de vrais militants, c'est à dire

de conviction. Et la plupart des cadres qui adhèrent au parti

unique au pouvoir sont ou des opposants en puissance qui sabotent

de leur mieux les actions du régime en attendant de prendre le

pouvoir, ou des adhérents sans conviction politique ou des

convertis, c'est-à-dire ceux dont le militantisme est né au

moment où des pestes leur ont été confiés. C'est pourquoi

d'ailleurs il y a partout de l'irresponsabilité dans les

administrations africaines, quand ce n'est pas encore pour dire

que le parti unique a crée cette irresponsabilité.

Dans cette situation, ceux qui ne se classent dans aucune de

ces catégories sont en exil (fuite des cadres) pour voir là que

certains de ces pays ont plus de cadres à l'extérieur qu'à

l'intérieur; et les oppositions, si elles sont réprimées à

l'intérieur, se font à l'extérieur.

En outre, les communautés autochtones africaines ont

largement montré, surtout ces dernières années et bien des fois,

leur désaffection au parti qui leur est imposé par les dirigeants

et dont ils réprouvent aussi le comportement et attitudes. Cette

désaffection des populations à l'égard des partis et

l'essouflement de ces derniers sont tels que non seulement ils

créèrent un vide d'autorité et de consensus, entraînant

l'intervention de l'armée, mais encore les Coups d'Etat militaire

se font sans résistance populaire aucune: le Niger et le Tchad en

sont les exemples plus récents. Et les promesses non tenues des

dirigeants (anciens et nouveaux), la vente forcée des cartes

d'adhésion, des fanions et insignes expliquent en grande partie


12

cette désaffection des populations africaines a l'égard des

partis; surtout encore si l'on sait que le parti unique ou

dominant facilite les tentations autoritaires.

Et autre raison non moins concluante de cette désaffection,

c'est qu'aujourd'hui partout dans les pays africains, on constate

que leurs citoyens voient dans l'Etat, non dans un parti ou une

révolution, l'institution propre à satisfaire leurs besoins

immédiats et futurs.

D'ailleurs, dans son ouvrage sur l'Illusion politique,

Jacques Ellui a fait remarquer avec justesse que:

"... quelle que soit l'opinion politique du citoyen, son

appel â l'Etat vient de bien plus profond que son

idéologie, du plus profond de sa participation à la société,

de sa situation même dans la société".

Si cette remarque est vraie pour l'Europe,7 elle l'est plus

encore pour l'Afrique où l'Etat est tenu d'inventer une nouvelle

organisation sociale et une nouvelle forme d'administration

publique capables de combler les lacunes existant dans les

domaines social et économique.

De toute façon le problème des pays africains est celui de

l'organisation de la société et de l'administration dont on doit

réorienter et adapter les structures, les méthodes et les

procédés en fonction d'un développement national propre (et pas

colonial) afin que l'administration participe à l'effort

collectif exigé de tous pour vaincre les difficultés et favoriser

le progrès. Pour ce faire, on n'a pas besoin de parti ou de

révolution.

Il est évident que face à l'accroissement en variété, en

nombre et en complexité des tâches de l'Etat en notre époque,

notamment en pays africain où l'on constate surtout un plus grand


13

déséquilibre entre les aspirations et les réalisations à faire,

entre les besoins des populations et la capacité de l'appareil de

l'Etat à les satisfaire, on se doit d'établir ou créer un cadre

politique de consensus général; sinon tout autre système que ce

soit de parti unique comme c'est le cas presque partout

aujourd'hui en Afrique, ou multipartiste peut-être demain, ne

fera qu'aggraver cette situation de déséquilibre et de confusion.

Autre inconvénient des partis politiques en Afrique, c'est

qu'il y a paralysie du pouvoir de l'Etat et les gouvernements,

pour se maintenir en place, se livrent aux actes de répression

plutôt qu'à la construction nationale. Nous savons à ce propos

des régimes au pouvoir, ou qui l'ont été, s'attachant â des

principes importés non compris et non partagés par leurs

populations qui ont usé de moyens de persécutions, d'intimidation

ou des arrestations arbitraires le plus souvent parmi les cadres

du pays pour occasionner l'exil des milliers de ses cadres &

l'étranger, sans grand espoir de retour. L'absence générale de

garantie des libertés politiques et les contraintes politiques

expliquent bien la fuite de ces cadres qui ne peuvent

s'accommoder â la situation de leur pays, où le plus souvent la

critique n'est pas, soit admise (reconnaissance d'une simple

opposition), soit même tolérée (expression d'opinion).

Cette situation est encore plus nette sous les régimes

militaires qui, sous couvert de comité ou mouvement de libération

ou de la Révolution avaient au début suscité bien des espoirs, il

y a encore quelques années, mais vite les masses ont cessé de se

tromper sur le compte de ces régimes qui, prétendant moraliser la

vie publique et établir la justice sociale se sont laissé aller

eux aussi aux mêmes excès, rétablissant le même régime que ceux

qu'ils ont évincés.

Après ces remarques sur les inconvénients et l'inutilité de

toute forme de parti politique dans les Etats africains,


14

j'aimerais préciser qu'il est loin de moi de vouloir prôner par

lâ l'idéologie de l'apolitisme en Afrique qui d'ailleurs à un

contenu proprement politique, mais de démontrer la nécessité

d'une société sans parti.

En effet, la société est par définition politique et dans

toute société, la représentation de même que les dirigeants sont

nécessaires à sen organisation même, mais cette nécessité n'a de

chance d'être reconnue et acceptée au moins par la majorité qu'à

la condition d'être débarrassée de toute coloration de parti. En

outre, que ce soit en pays développés ou sous-développés, la

politique avec un ou plusieurs partis n'arrange rien du tout si

ce n'est créer marchandages, compromissions et intimidations.

Cette situation est plus subtile mais plus intense dans les

pays où coexistent plusieurs partis, comme en France, en Grande-

Bretagne ou aux Etats-Unis (avec ses deux partis) où il est

difficile d'établir de réelles frontières entre les partis qui

n'est d'ailleurs possible qu'en théorie et de voir que les

tractations entre les dirigeants de partis avant ou lors des

élections, sont des plus courantes. Il suffirait encore de

remarquer que le gouvernement soit républicain ou démocrate,

conservateur ou travailliste, socialiste ou communiste, etc, pour

savoir que leurs problèmes restent toujours les mêmes.

D'ailleurs n'est-il pas admis que les partis politiques ne

servent réalité que des intérêts inavoués et personnels de

quelques gens? quand ce n'est pas créer dans leurs pays des

foyers de guerres idéologiques en se forgeant un parti tout aussi

inconsistant gue leur idéologie. Dans les Etats africains la

situation est encore plus flagrante, où l'esprit de parti unique

a conduit à bien des abus et fini par créer un Etat autoritaire.

Pour ne citer que deux exemples pour illustrer la situation où a

conduit les partis en Afrique, il y a le Cameroun, où le 25

février fut l'inauguration d'une école du Parti (l'Union


15

Nationale Camerounaise) où pendant près d'un mois un certain

nombre de dirigeants et fonctionnaires se sont trouvés sur les

bancs de l'école du parti; certains pour se recycler, d'autres

pour se former. Et le Zaïre qui vient de faire une autocritique

des plus sévères rarement faite par un régime africain au pouvoir

surtout militaire et de prendre en conséquence des mesures

appropriées, s'est laissé lui aussi tenter par 1' "idéologisme";

c'est-a-dire la recherche d'une idéologie du parti et

l'obligation peur tous de se former à cette idéologie, notamment

dans le cadre de l'enseignement.

Faut-il là encore rappeler que tout cela n'est pas vraiment

nécessaire pour leur développement? Et si l'on sait encore que

l'influence idéologique des partis politiques décroit en

occident,8 leur modèle, en raison de l'affaiblissement des

idéologies qui justifient leur existence, où ils tendent à perdre

toute leur fonction d'intermédiaires nécessaires, comme l'a fait

remarquer J.P. Lassalle, entre le pouvoir et les groupes

d'intérêts, c'est-à-dire les associations professionnelles, les

syndicats, etc, qui ont désormais accès directement à certains

niveaux de la décision politique, en ce qui concerne par exemple

le plan ou l'aménagement du territoire et qui peuvent donc se

passer de l'intercession partisane.9

Tout compte fait, la conduite ou la ligne politique choisie

par les dirigeants africains qui voient aujourd'hui, on ne sait

quelque grande vertu à l'institution d'un parti, est contraire au

caractère même de leurs peuples, d'autant plus que les sociétés

auxquelles ils appartiennent sont restées foncièrement

traditionnalistes, communautaires et démocratiques imprégnées

d'une philosophie qui cultive le doute et pour qui la vérité et

le bonheur sont de perpétuelles recherches. Dans ces sociétés

toutes les idées sont entendues, discutées sans esprit de


XeuX- ^4
partisannerie entre ses membres désignés et entre eux mOmoo et
16

les populations pour conduire les affaires de la communauté ou

pour choisir la ligne qui conviendrait de suivre.

C'est ce qui fait la force des sociétés traditionnelles qui

savent mettre en doute les idées sans pour autant qu'elles se

mettent elles-mêmes en doute en tant que communauté, et où le

chef doit composer avec toute une série d'institutions

coutumiêres: les castes, les classes d'âge, les associations

professionnelles, religieuses, etc; et chacune de ces

institutions ont des droits et des devoirs définis par les régies

coutumiêres. Et, on devient généralement chef de ces

institutions ou de toute la communauté pour son dévouement à la

cause publique et pour les services rendus.

D'ailleurs c'est cela qu'a justement fait remarquer le

ministre d'Etat Ivoirien de l'Intérieur lors du séminaire des

préfets;

"chez nous, la tradition nous enseigne que le chef est

établi ou reconnu pour les services qu'il a rendus (...)

parce qu'il est un grand serviteur de ses concitoyens".1 o

Pour cela, le chef de la communauté ou d'une de ces

institutions ainsi reconnu est un homme ouvert à la discussion

qui accepte l'autocritique et le dialogue avec les membres de sa

communauté, qui se fait évidemment dans une discipline établie et

acceptée par tous;

"De là proviennent la paix et l'harmonie qui caractérisent

la vie dans nos tribus ancestrales"

On peut bien-lâ se demander quelle autre forme

d'organisation sociale peut-être bien plus meilleure que celle-ci

où les institutions ou organes s'équilibrent aussi bien, dans le


17

respect des hommes, des valeurs, des droits et des devoirs? L'on

imagine facilement ce que l'intrusion des principes

individualistes que caractérise toute forme de parti politique,

égoïste par définition, peut causer comme traumatisme dans une

société aussi communautaire.

En Afrique, pour assurer le développement social et

économique cohérent, il faudrait organiser le jeu des forces

économiques et sociales (on verra comment devront être organisées

ces forces, dans le chapitre V de la deuxième partie de ces

travaux) et qu'entre l'Etat et ces forces il y ai concertation,

qui doit se réaliser en dehors de la lutte partisane pour le

pouvoir de gouverner et qu'encore les décisions de l'Etat soient

objet de discussion.

Enfin pour terminer ce chapitre une précision s'impose. Si

la désaffection pour tout système de parti est salutaire et une

des conditions principales de développement des pays africains,

ne serait-ce que pour la paix et l'harmonie dans leurs sociétés,

il faudrait préciser que cela ne peut et doit pas se traduire

pour la politique en tant que politique, puisque la bonne

conduite des affaires publiques demande toujours la

représentation et des dirigeants. Mais plutôt un désintérêt pour

ces certaines expressions de la politique que sont les partis qui

sont non seulement contraires â la culture et à la tradition

africaines et qui ont fait pour cause, de bien mauvaises

expériences mais ils se trouvent aussi périmés par l'évolution

même des structures sociales dans le monde; comme l'a si bien dit

Ben Gourion:

"L'esprit de la Nation vaut mieux que l'esprit

des partis".
18

RESUME DE LA PREMIERE PARTIE

Les chapitres de cette première partie a été une critique

des problèmes pratiques et des principes dont s'inspirent les

institutions actuelles des Etats africains. La condition

essentielle de leur développement, c'est-à-dire le noeud de la

solution de leurs problèmes est dans un réexamen profond de

toutes les institutions en place et d'explorer en conséquence les

solutions originales.

D'ailleurs, le maintien des anciennes structures s'est fait

à 1» encontre de certaine expérance exprimée par bien des gens

qu'avec leur indépendance les pays africains allaient tenter de

dégager de nouvelles solutions plus conformes à la fois à leur

culture et aux problèmes actuels.11

On pourrait citer ici Israël comme exemple, dont les cadres

ayant pris conscience des problèmes de leur pays ont excellé "en

inventant, innovant et court-circuitant" avec génie le processus

communément admis dans l'organisation des sociétés pour faire de

leur pays un des mieux organisés et des plus développés du monde.

N'est-ce pas-là un exemple pour les cadres africains qui devront

eux aussi imaginer des solutions originales aux problèmes de

leurs pays ce qu'aucun manuel d'économie politique ou

d'administration ne traite à ce jour comme tel, à l'exemple du

capitalisme, du communisme ou autres doctrines, et surtout se

faire une conception nouvelle de développement?


19

NOTES

"... tout se passe aujourd'hui comme si les peuples colonisés

n'accédaient à l'être gu'% partir du moment où ils se

dotent de structures et de schémas politiques exportés par

l'occident". J.P. Sasalle, "Clefs pour la politique", édit.

Seghers, 1969, p. 13.

In Bulletin de l'Afrique noire. No. 760 du 5.12.1973.

Non seulement cette assemblée ne saurait discuter des

questions importantes, moins encore inquiéter le gouverne-

ment dans ses décisions.

Cours d'Histoire des Idées politiques. Edit. Les cours de

droit, Paris, p. 11 et suivantes.

qui fut dominé par les mots: individu, raison, nature,

bonheur, progrès ayant émergé la crise de la conscience

européenne.

Lors du Séminaire des Préfets, op. déjà cité.

"... dans toutes les sociétés avancées ou non, il existe

une désadaptation croissante entre la réalité et

l'idéologie des partis; ceux-ci sont le plus souvent en

retard d'une société et ne sont pas en mesure de répondre

aux aspirations collectives", J.P. Lasalle, op. cité.

Le pourcentage des votants aux élections démontre bien

cette tendance.
20

Cf. Le club Jean Moulin, "L'Etat et le citoyen", seuil, 1961

in Déclaration déjà citée.

Cf. â ce sujet, par exemple A. Combax-Fauquel "Structures

d'intervention et de participation internationale" Revue

internationale des sciences administratives, 1964, pp. 367


DEUXIEME PARTIE

RE-ORGANISATION
2

Après avoir fait ressortir dans la première partie les

facteurs qui constituent les obstacles au développement des pays

africains - obstacles créés, il ne faut pas l'oublier, par ces

pays mêmes en adoptant des règles et modèles d'organisation

étrangers au grand complet - on proposera dans cette seconde

partie une nouvelle organisation de l'Etat et de son

environnement1, basée sur la concertation de la politique de

l'Etat, la coordination de l'administration de l'Etat, la

régionalisation qui implique la déconcentration de l'appareil

administratif de l'Etat et la formation des partenaires socio-

économiques de l'Etat.

Ainsi, le premier chapitre de cette deuxième partie donnera

le concept sur lequel se fonde le modèle de l'organisation que

l'on propose et les autres chapitres dresseront la charpente

conceptuelle de l'appareil législatif, exécutif et judiciaire

d'une part, et de l'autre, l'organisation des administrations

locales et des groupes socio-économiques qui constituent à la

fois les partenaires et l'environnement de l'Etat.

Et le modèle de société dont il sera question ici s'est fait

en tenant compte le plus possible de certaines valeurs des

sociétés traditionnelles africaines qui ont toujours admis les

principes de la discussion, de la concertation et du dialogue

pour conduire les affaires de la communauté, et des besoins des

nouveaux pays africains; car toute société a ses principes, ses

caractères, ses valeurs et traditions, de même que des objectifs

qui lui sent fondamentaux.

En conséquence, l'organisation d'une société ne saurait être

réelle que dans la mesure où elle tient compte de ces

considérations et sur lesquelles doivent dépendre les structures

politiques et administratives.

En résumé, la solution pour l'Afrique n'est pas dans la

recherche du meilleur système à "l'occidentale", mais d'un


3

système propre, capable de mettre en jeu toutes les ressources

humaines et matérielles en vue de son développement économique et

social. Il suffirait pour cela de mettre en place un certain

nombre d'institutions politiques et d'organes administratifs qui

permettront le bon fonctionnement des affaires publiques.


4

CHAPITRE I

CONCEPT DE LA NOUVELLE ORGANISATION

Les sociétés traditionnelles africaines

ces sociétés qui fondent le concept de notre modèle, sont

des organismes communautaires et démocratiques où coexistent

plusieurs institutions définies par la coutume et intimement

liées. Dans ces sociétés, le chef de la communauté qui

représente les pouvoirs politique et administratif est

généralement choisi â ces fonctions pour les services qu'il a

rendus & la communauté, et doit composer avec toute une série

d'institutions coutumiéres: les castes, les classes d'Age, les

associations professionnelles, religieuses, etc qui ont des

droits et des devoirs et dont les taches sociales sont

différentes selon l'agilité, la force, l'autorité et l'expérience

de leurs membres.

Dans cette organisation communautaire les institutions ainsi

représentées, sont intimement liées et non fermées: le passage de

l'une à l'autre est possible pour chaque membre des différentes

institutions à la seule condition de satisfaire les conditions

des classes d'âges et professionnelles établies sur les aptitudes

des les différentes tâches sociales. Ainsi, dans la société

traditionnelle africaine, tout le monde a sa place et participe

activement, volontairement â la vie de la communauté indemme de

toute querelle ou contestation politique pernicieuse cela, dans

le respect des institutions définies par la coutume.

La solidarité sociale et l'unité politique, basées sur la

concertation, sent les principales caractéristiques de la société

traditionnelle africaine dont le système démocratique a pour

base: la gérontocratie représentant l'expérience et le pouvoir

politique; l'êlitocratie basée sur la compétence et la


5

technocratie qui est la force et l'agilité, qui sont représentée

par les artisans de tous les métiers de la communauté, dont la

cohésion va donc avec la collaboration et la participation de

tous aux affaires publiques dans le cadre fixé par les traditions

acceptées par tous.

Evidemment, cette organisation démocratique pourrait se

révéler complexe voire même incompréhensible si l'on faisait le

rapport, ce qui serait une erreur, avec le système démocratique

du monde occidental; de même, les bases du système de la

démocratie occidentale qui sont: le pouvoir de contestation, la

liberté de choix individuelle ou l'individualisme et le

matérialisme sont aussi bien les éléments d'un système politique

ou une doctrine fait de libertés contradictoires que l'Afrique ne

peut comprendre.

Par ailleurs, on dit souvent que la démocratie n'est

possible que si l'ensemble de la population possède un minimum

d•instruction :

"A ceci on pourrait répondre que les Africains n'ont pas

attendu la diffusion de l'enseignement de type européen

pour s'administrer eux-mêmes. D'ailleurs, dans une étude

intitulée "Les Africains et la démocratie" (...) Julius

Nyerere s'est élevé vivement contre l'idée que la démocratie,

fondée sur la discussion, l'égalité et la liberté, était

inconnue en Afrique. De même, T. Olawale Elias citant le

témoignage des ethnologues, a souligné l'importance des

assemblées et des conseils dans l'Afrique précoloniale".z

on ajoutera simplement à ceci que la notion et les critères

de la démocratie sent relatifs d'une civilisation à l'autre.

Alors en comprendra facilement ce que l'intrusion des

principes et des procédés individualistes peut causer de


6

traumatismos dans les sociétés africaines qui restent toutefois

foncièrement communautaires malgré tout. La concertation et le

dialogue qui sont les seuls moyens vraiment connus par elles et

utilisés pour conduire leurs affaires, caractérisent la paix à

l'intérieur de ces sociétés traditionnelles; et il n'y a vraiment

pas de raison peur que l'on ne prenne pas comme modèle ces

sociétés traditionnelles et en faire le fondement de la nouvelle

organisation que l'on propose pour le développement même des

nouveaux pays africains dans le respect de leur personnalité, de

leurs traditions et de leurs besoins.

On avait dit plus haut que les modèles et structures que les

pays africains se font transférer ont été construits ailleurs,

dans le temps et dans des conditions propres aux sociétés

avancées qu'ils prennent pour modèle, mais qui sont dans la

plupart des cas inadaptés aux besoins et aux conditions de

1'Afrique.

Ces structures et modèles imités qui reflètent bien le

caractère d'une société déterminée ne sont pas compris par les

populations autochtones de ces pays. Et cette intrusion de

modèles étrangers parfois au grand complet a provoqué un divorce

profond entre le système individualiste de l'Etat nouveau et le

système traditionnel communautaire des communautés rurales que

l'on retrouve d'ailleurs nen loin des centres administratifs

modernes où l'on s'efforce de vivre â la manière européenne.

Entre deux systèmes et modes de vie contradictoires - celui

des quelques centres administratifs aux structures modernes et

celui des communautés rurales qui sont les plus nombreuses - les

populations africaines, il faut le dire, se trouvent quelque peu

désemparées devant la coexistence de ces systèmes qui ne va pas

sans influence de l'un sur l'autre et qui a donné, à ne pas en

douter, ce que l'on sait: désorganisation sociale et dépression

économique d'une part et la confusion politique et administrative


7

d'autre part; tout en provoquant la non participation des masses

populaires aux efforts de développement.

Après tant d'échecs de réformes en Afrique, l'expérience, le

démontrant largement, veut qu'on interroge à présent son passé

politique pour trouver les solutions à ses problèmes

d'aujourd'hui. N'est-ce pas dans sen propre peuple qu'il

convient de chercher la source, le moteur et la justification de

son organisation politique et sociale?

En d'autres termes, il n'y a pas à chercher à l'ouest ou à

l'est, le modèle qui conviendrait pour le développement des pays

africains, si ce n'est de le chercher dans leur propre passé.

Mais faut-il préciser qu'il ne s'agit pas là de faire

simplement revivre les sociétés traditionnelles et de les

transposer purement à l'échelon national - car le présent a ses

exigences qu'il faut tenir compte - mais plutôt de les repenser

et garder ce que leurs systèmes ont de véritables valeurs ou

veiller à ce que le modèle choisi soit un modèle puisé dans le

passé et repensé à la lumière du présent.

Dans cette conception de l'organisation, il n'est évidemment

pas question d'une imitation servile d'un modèle quelconque mais

de l'adaptation des apports du passé traditionnel qui doit être

considéré comme source d'inspiration, d'amélioration dans le

présent et les emprunts, s'il y en a, devront être aussi adaptés

à la hiérarchie propre des valeurs locales reconnues et admises,

afin de servir la tendance de développement dans l'amélioration

de l'appareil politique et administratif de l'Etat.

Hors d'un mimétisme outrageant et grâce à cette

compréhension de la rê-organisatien pour maintenir l'équilibre

harmonieux de la société dans son passé et le présent, qu'on

pourra avoir la maîtrise de sa propre destinée.

Telles sont-là les conditions pour réussir une véritable

réforme dans une société.


8

NOTES

1
Dans ces travaux "Etat" désignera l'ensemble des institutions

politiques de la nation, à savoir les appareils législatifs

(le Parlement) , exécutif (le Gouvernement) et judiciaire

(la Cour Suprême); "Administration" désignera l'ensemble

des organismes administratifs de l'Etat (administrations

centrales et décentralisées locales notamment) ; "Environ-

nement" désignera les groupes socio-économiques (les

associations professionnelles, les coopératives agricoles).

2
Cf. M.P.F. Gonidec "Les cours d'Institutions publiques

africains et malgaches", p. 291.


CHAPITRE II

CONCEPT DE LA NOUVELLE ORGANISATION DE L'APPAREIL

LEGISLATIF ET DE L'APPAREIL JUDICIAIRE

Section I - LE PARLEMENT

A NATURE

Dans les pays africains le Parlement doit Stre l'arène de

l'opinion générale de la nation qui doit se produire en pleine

lumière et susciter de la discussion - mettant ainsi librement

les idées et les opinions à l'épreuve de la contradiction, cela à

l'abri de tout esprit de parti politique, comme il se passe

encore dans leurs sociétés traditionnelles à travers ses

assemblées et ses Conseils.

Le mérite d'un tel Parlement est que ceux dont l'opinion est

rejetée après vote auront la satisfaction intime de voir que leur

voix a été entendue et que leur thèse n'est pas écartée en vertu

d'un acte arbitraire mais pour des raisons réputées supérieures

et approuvées comme telles par les représentants de la majorité

de la nation.

Evidemment, c'est le contraire lorsqu'il existe dans le

Parlement l'esprit de parti. En effet, dans un Parlement où

siègent les représentants d'un ou de plusieurs partis politiques,

il deviendra vite, soit le "Congrès" des représentants d'un parti

ou le lieu de confrontation d'inconsistantes idéologies, des

rivalités sans réels intérêts pour le public entre les

représentants des partis. En plus, il n'y a pas d'indépendance

d'idée eu d'opinion, car on est tenu de rallier sa voix au parti

d'appartenance, sur n'importe quel sujet lors des votes au

Parlement; on ne saurait ici trop déconseiller ce type de

Parlement.1
2

Et dans le régime de parti unique, 1•ensemble des membres du

Parlement et celui des membres du gouvernement appartiennent tous

â un seul parti. Dans ce régime, cela va sans dire, le vote au

Parlement se fait à l'unanimité des députés, sans qu'il y ait de

véritable discussion: voter contre une proposition ou un projet

de loi, ou critiquer la politique économique ou sociale du

gouvernement, c'est aller contre le parti et, consêquemment,

compromettre son mandat de député - puisque détenu en fait du

parti. Ce qui est là un des inconvénients du système de liste

nationale présentée par l'crgane du parti unique lors des

élections, comportant les noms des membres du Parlement qui se

savent déjà "élus". L'on imagine facilement ce que peut être la

nature d'une telle assemblée.

Cependant, si les députés qui sont les représentants de la

nation ne sont pas tenus par aucune exigence d'un parti, ils

votèrent pour ce qui leur semble être juste et de l'intérêt de la

nation; et c'est là que le Parlement pourra exercer efficacement

son controle sur le gouvernement. On se souvient avoir déjà dit

que tout régime de parti était un obstacle au développement des

pays africains et un "luxe" qu'ils ne peuvent se permettre.

Alors pour les raisons ainsi évoquées, le Parlement doit

être, dans les pays africains, le lieu de l'opinion générale du

pays où les idées peuvent être plaidêes hors de tout esprit de

parti (comme dans leurs sociétés dites traditionnelles) et

contraindre par la discussion les tenants d'une autre thèse à se

rallier à celle de la majorité, ou qu'ils disent clairement

pourquoi ils ne s'y rallient pas; ce qui fera du Parlement une

des institutions politiques les plus importantes qui puissent

exister et un des bienfaits les plus précieux d'un régime de

liberté.

De telles discussions dans le Parlement ne doivent pas être

considérées avec mépris si elles ne visent pas à entraver


3

l'action gouvernementale; car elles peuvent être bénéfiques au

gouvernement qui pourra s'assurer avec beaucoup plus de certitude

que par tout autre indice, quels sont les éléments de l'opinion,

du pouvoir sinon les désirs qui sont en progression et quels sont

ceux qui sont en recul; et il pourra par la discussion de tâter

le pouls de l'opinion en prenant en considération non seulement

les impératifs du présent, mais les tendances qui se font jour,

ce qui est-là un autre mérite de l'établissement d'un tel

Parlement, ne serait-ce que les discussions orienteront

objectivement les politiques du gouvernement et ses actions

seront en conséquence plus efficaces que jamais.

C'est pourquoi, un gouvernement doit adopter une attitude

positive vis-à-vis de la discussion dans la société qui n'est pas

forcément de l'opposition pris dans sa globalité; il doit avoir

un haut degré de tolérance pour la discussion qui doit être

utilisée comme "soupape de sécurité", sinon la tendance à la

suppression pure et simple de toute discussion (comme c'est le

cas en Afrique indépendance d'aujourd'hui) est cause des ruptures

brutales.

B COMPOSITION EU PARLEMENT

le modèle de Parlement que l'on a ainsi proposé doit être

composé d'une seule Chambre; l'Assemblée Nationale.

En effet, sur le plan d'organisation, il serait superflu de

créer dans les pays africains, deux Chambres, celle des députés

et celle des sénateurs ou tout autre corps intermédiaire, surtout

quand les questions d'organisation des pouvoirs sont tranchées

dans le droit sens - le but que s'est fixé les présents travaux -

et est inutile sur le plan politique, étant donné que c'est la

première Chambre, c'est-à-dire l'Assemblée nationale composée de

députés librement élus, qui pourrait réellement représenter le


4

sentiment populaire, vu la diverse provenance de ses membres élus

au suffrage universel direct à travers tout le pays. A ma

connaisanee, il n'y a pas un autre corps représentatif plus

désigné capable de mieux exprimer ce sentiment populaire

indispensable à l'élaboration de la politique nationale que

l'Assemblée Nationale, capable de fixer les régies de jeux

politiques et orienter les politiques gouvernementales.

Evidemment, ce Parlement à une assemblée doit comprendre en

son sein des commissions spécialisées correspondant aux grandes

fonctions gouvernementales: économique, sociale, culturelle, etc,

pour pouvoir exercer son ccntrOle. On en donnera les détails à

propos des fonctions du Parlement et beaucoup plus

ultérieurement.

C LE RECRUTEMENT DES PARLEMENTAIRES

Si le Parlement doit être la tribune où le peuple exerce au

moyen du système de représentation le pouvoir suprême de

surveillance et de controle des opérations gouvernementales, il

ne pourra accomplir efficacement et pleinement sa mission s'il

n'a pas pour membres des personnes émanant directement du peuple,

c'est-à-dire librement désignées et élues par les diverses

collectivités qui composent le pays; non par un quelconque parti

politique, car si l'on admet que la souveraineté appartient au

peuple elle ne saurait être représentée par un parti politique.

Et le peuple doit alors pouvoir s'exprimer directement et dans

son ensemble pour la désignation de ses représentants politiques

au Parlement cela, dans des élections libres.

Dans cette optique, il n'est pas question de liste nationale

ou des élections à deux degrés, c'est-à-dire l'interposition d'un

corps intermédiaire au suffrage populaire direct. Certes, ce

suffrage fait l'objet de controverse à cause justement de son


5

caractère populaire et les raisons évoquées sont le manque

d'intelligence et d'instruction des masses; mais faudra-t-il plus

d'intelligence et plus d'instruction pour juger lequel de nos

voisins peut être chargé avec le maximum de sécurité de choisir

un membre du Parlement, que pour désigner quel candidat est plus

digne d'aller siéger au Parlement? Laissant se quereller les

tenants de la conception du suffrage direct et ceux de la

conception du suffrage indirect, constatons simplement que le

suffrage indirect tout en étant un rouage supplémentaire et

superflu dans le mécanisme électoral n'est pas, de surcroît, fait

pour développer l'esprit public et de l'intelligence politique,

et moins encore fait pour transformer les affaires publiques en

un objet qui suscite l'intérêt du public et permettre d'exercer

ses facultés.

Pour terminer avec les inconvénients du système de liste

nationale ou des élections à deux degrés, on remarquera que si le

corps électoral primaire laissait à quelques électeurs le soin de

choisir ses représentants au Parlement ou à l'organe d'un parti

politique, l'électeur ne pourrait plus s'identifier à son porte-

parole au Parlement et, plus grave encore ce dernier nourrirait

un sentiment beaucoup moins vif de ses responsabilité vis-à-vis

de ses mandants. En outre, dans ces systèmes, le nombre

comparativement restreint de personnes entre les mains desquelles

reposerait en fin de compte l'élection des membres du Parlement

ne pourrait qu'offrir de plus grandes facilités à l'intrigue et

toutes les formes de corruption. Les circonscriptions

électorales seraient universellement réduites à l'état de foyers

de corruption: il suffirait de gagner à sa cause un petit nombre

de personnes pour être assuré d'être élu.

C'est pourquoi encore le suffrage universel direct doit être

ici adopté pour élire les parlementaires, aussi bien les maires

que le Président de la République. Ce suffrage aura encore


6

l'avantage de n'élire que les candidats connus des collectivités

où ils se présenteront, qui doivent aussi avoir une connaissance

suffisante de leurs collectivités; pour cela, ils doivent être

aussi en résidence permanente dans leurs collectivités et être en

contact permanent avec les électeurs afin de connaître leurs

problèmes.

Ces conditions remédieront à cette fâcheuse habitude que

l'on trouve en Afrique qui fait que les députés se trouvent

presque tous dans la capitale où ils ont élu domicile de façon

permanente et souvent même inconnus des collectivités qu'ils sont

censés représenter, et pour n'y mettre pied que lors de rares

occasions. Tout ceci ne saurait étonner si l'on sait déjà

comment ils sent élus.

Pour terminer, il faudrait rappeler encore une fois que les

parlementaires ne seront pas élus pour leur appartenance à un

parti ou pour une quelconque idéologie étrangère, mais plutôt

pour leur mérite personnel, pour leur expérience pratique des

affaires publiques et pour leur dévouement à la cause publique.

Pour tout ceci, on peut faire confiance â l'électeur qui, s'il ne

peut généralement être bon juge de la qualification d'un

candidat, est un juge suffisant de l'honnêteté et de la capacité

générale de celui qu'il désignera pour le représenter au

Parlement.

D FONCTIONS DU PARLEMENT

Celui-ci doit exercer les deux fonctions essentielles comme

tout corps de représentation du genre, qui sont le vote des lois

et le ccntrOle du gouvernement.

Pour ce faire, il doit comprendre une commission de

législation pour les question législatives et des commissions

spécialisées pour les questions gouvernementales.


7

a) Fonctions législatives

Il doit avoir au sein de ce Parlement pour les questions

législatives, une commission de législation dont la tâche serait

de préparer les lois; car les lois ne peuvent être bien faites

que par une commission composée d'un nombre restreint de

personnes expérimentées et rompues â cette tâche, cette

commission qui doit être permanente veillera à l'oeuvre

législative, la protégera contre toute altération et l'amendera

aussi souvent qu'il est nécessaire. Enfin, cette commission doit

incarner l'élément d'intelligence de l'élaboration des lois et le

Parlement, dans son ensemble, doit représenter par son vote

l'élément de volonté.

b) Fonctions gouvernementales

Les fonctions de ce Parlement en ce qui concerne les

questions gouvernementales ne seront pas d'en décider par son

vote, mais de veiller â ce que l'organe qui doit décider, c'est-

à-dire l'exécutif, soit un organe responsable.

Le Parlement, comme partout ailleurs où le système

représentatif est compris et qui comprend de nombreux membres, ne

doit pas avoir pour mission de gouverner mais de contrôler et

surveiller le gouvernement. C'est le principe même de la

conduite efficace des affaires publiques qui le veut ainsi; car

aucun corps composé et disparate comme le Parlement n'est fait

pour l'action et ce qu'il peut faire mieux que tout individu,

c'est de délibérer.

Cependant, pour que le Parlement ait sa raison d'être ou

puisse accomplir sa mission de controle et de surveillance (afin

que le gouvernement soit un organe vraiment responsable) il

faudrait que le Parlement, dans une rencontre (annuelle)

organisée à cet effet, soit amené à poser des questions au

gouvernement sur tel ou tel secteur où il aurait constaté la


8

faiblesse de sa politique et que le gouvernement soit tenu à lui

fournir des explications, cela doit aller aussi bien pour les

mesures prises par l'exécutif en telle ou telle matière que pour

le fonctionnement même de son administration. Et que le

Parlement, par un vote à majorité simple ou relative, se montre

"content" ou "mécontent" du résultat de l'activité

gouve r nementale.

En d'autres termes, le gouvernement doit faire annuellement

le bilan de ses activités devant le Parlement qui l'apprécierait

ou non par son vote et c'est par ce contrôle que chacun des

membres du gouvernement et l'organe exécutif en général, sentira

peser sur lui une certaine responsabilité. Ce qui est une raison

suffisante pour que les grands responsables placés à la tête de

chacune des grandes activités de l'Etat (qui seront précisées

dans le prochain chapitre) se rendent au Parlement une fois par

an pour faire le compte-rendu des activités de leurs départements

et répondre aux questions des représentants élus du peuple.

Ces grands responsables de l'exécutif qui se présenteront

devant le Parlement devront être les Ministres d'Etat à qui l'on

doit confier les différents secteurs de l'administration de

l'Etat ou les grandes fonctions du gouvernement, que nous verrons

plus en détails dans le chapitre III, de même que la manière dont

ces fonctions ou secteurs devront être organisé dans la nouvelle

organisation de l'Exécutif.

Pour donner plus de détails sur le débat-rencontre, à

l'issue duquel le Parlement procédera à un vote, un rapport doit

être rédigé par celui-ci comprenant le résultat de son vote,

c'est-â-dire le nombre des voix "pour" et "contre", de même que

les critiques portées sur les secteurs de l'Etat qui sont

défaillants et les suggestions. Ce qui veut dire que la

politique du gouvernement ne doit pas être jugée d'une façon

globale par le Parlement mais par secteur. Bien entendu le


9

rapport du Parlement doit être adressé au Président de la

République, qui n'aura pas à se présenter devant le Parlement

étant un corps élu tout comme celui-ci au suffrage universel

direct, donc directement responsable devant le peuple.

Et après le rapport du Parlement, le Président de la

République pourrait être amené â prendre, s'il ne l'a pas fait

encore, des mesures qu'il jugera nécessaire: soit le remaniement

du département ayant mal fonctionné ou changer son titulaire,

soit l'amélioration de sa politique dans ce secteur. Ces

présentes mesures amèneront ces grands responsables à mieux gérer

leur département.

Il n'est pas question ici que le Parlement renverse le

Président ou vice-versa car étant tous directement élus du

peuple. Alors, il doit appartenir au peuple qui suivra de près

les actions du gouvernement et puis éclairé par le débat-

rencontre et le résultat du vote du Parlement, de retirer ou de

réaccorder sa confiance au Président, de même qu'aux

Parlementaires. Et cette question se trouvera vite réglée lors

des élections générales qui se feront, comme on l'a dit, au

suffrage universel direct; le chef du gouvernement qui est le

Président de la République et les parlementaires compromettront

chacun leur chance de réélection, en cas de non confiance ou

mauvaise politique. On peut compter sur le droit souverain du

peuple d'accorder ou retirer sa confiance lors des élections.

Pour terminer avec le domaine gouvernemental du Parlement,

et pour que celui-ci soit encore â même de contrôler efficacement

l'activité gouvernementale, on doit créer des commissions

spécialisées en matière gouvernementale tout comme la commission

de législation que nous avons déjè vue. En effet, chaque

activité du gouvernement ou de son administration publique étant

une affaire spécialisée, il ne pourrait avoir d'action de

contrôle efficace si le Parlement n'est pas composé d'un nombre


10

de commissions spécialisées correspondantes aux fonctions

gouvernementales, afin de pouvoir surveiller leurs activités de

près. Les travaux de ces commissions seront des moyens non

négligeables à la disposition du Parlement lors du débat-

rencontre, qui devrait être institutionnalisé.

Ces commissions spécialisées auront deux sortes de

fonctions:

recueillir des informations en vue de la rencontre

annuelle avec le gouvernement sur des faits déterminés

de l'activité gouvernementale avec l'examen de la

gestion des services publics dans son ensemble;

- éclairer l'opinion publique sur l'activité du

gouvernement.
11

section II - LA COUR SUPREME

Pour introduire cette deuxième section consacrée a la

nouvelle organisation de la Cour suprême, rappelons que

l'organisation judiciaire actuelle des pays africains, tout comme

les structures administratives, ne diffère presque en rien de

celle des pays avancés de l'Europe et de l'Amérique.

En effet, on retrouve généralement les mêmes institutions,

les mêmes paliers ou degrés de juridiction, semblables tant dans

leur organisation que dans leur fonctionnement. Et l'on constate

que la plupart de leurs institutions judiciaires ainsi adoptées

n'ont jamais fonctionné eu ne fonctionnent pas avec la même

efficacité pour la simple raison qu'elles n'ont pas leur raison

d'être, ou quand elles ne sont pas complexes pour eux.

Alors, il n'y a pas de raison qu'on apporte pas des

transformations dans leur organisation judiciaire et simplifier

autant les procédures afin d'avoir quelque chose de plus

fonctionnel et de mieux adapté.

Dans sa nouvelle organisation donc, la Cour Suprême

présenterait une importance particulièrement grande. En effet,

cet organisme tout étant la plus haute juridiction de l'Etat,

sera chargée de l'organisation et du controle des élections.

I Organisation et fonctions de la Cour Suprême

a) Juridiction suprême de l'Etat

A ce titre, cet organisme doit être appelé à statuer en

dernier ressert sur tout jugement rendu par les deux ordres de

juridictions: civiles et administratives, par la voie de

cassation.

Ainsi, l'Appel doit être laissé à une Cour dans chacune des

deux juridictions du nom et la Cour Suprême n'étant que juge de


12

cassation pour tous les ordres de juridiction; dans ce cas les

décisions rendues par les deux ordres de juridiction (civiles et

administratives) qui lui seront déférées ou portées à sa

connaissance devront faire l'objet d'un examen intégral de

l'affaire, dans tous ses éléments et doit avoir le pouvoir par la

suite de réformer leur décision ou la confirmer. Dans le cas

d'une réforme, elle doit substituer définitivement sa propre

décision à celle des Cours d'Appel.

Pour cette fonction judiciaire, la Cour Suprême doit

comprendre:

- une Chambre Judiciaire (civile);

- une chambre administrative.

Avec ces Chambres spécialisées (qui seront chargée chacune

de ce qui la concerne) la Cour Suprême doit juger les litiges

soulevés par l'application d'une loi ou par l'excès de pouvoir de

l'autorité administrative chargée de l'exécution. Et s'il y a un

conflit entre un Tribunal civil et un Tribunal administratif, une

commission mixte composée des membres des deux Chambres devra se

réunir pour régler le litige.

Pour d'autres détails, la cour Suprême doit être juge des

recours en annulation, interprétation ou de l'appréciation de la

validité des décrets, règlements ou lois quelle que soit la

forme de ces actes et quel que soit leur contenu, ce qui est

bien une raison pour que toutes les lois ou décrets soient soumis

obligatoirement avant leur entrée en vigueur au contrOle de la

Cour Suprême afin de voir si ces actes respectent la liberté des

citoyens et conformes â l'intérêt général. Evidemment, cette

liberté et cet intérêt général doivent être perçus dans la

conception communautaire ou sociale où la liberté des citoyens ne

s'arrêterait que lâ où commence l'intérêt social. Il n'est pas


13

question donc de sacrifier la liberté individuelle à l'intérêt

social ou vice-versa; mais plutôt de choisir le juste milieu,

cela en vertu de la conception communautaire des populations

africaines.

b) Charges de l'organisation et contrôle

des élections

la Cour Suprême doit organiser les élections du Président de

la République, des parlementaires et des maires.

En cette matière, elle doit recevoir les candidatures à ces

différentes magistratures, les étudier, fixer la date des

élections, accorder des subventions pour les campagnes

électorales et proclamer les résultats, réservées seulement aux

candidats à la Présidence de la République - et proclamer les

résultats.

Dans ses attributions diverses, elle doit veiller à ce que

les campagnes électorales ne revêtent pas un caractère tribal ou

régional (la situation de l'Afrique l'exige); et chez tout

candidat dont on aura décelé ou même soupçonné ce sentiment,

doit voir sa candidature annulée et condamné à des peines sévères

par la loi. Elle doit veiller également lors des élections au

controle des mass média, afin qu'elles n'influencent en aucune

manière l'opinion publique, et qui ne doivent alors rapporter au

public eu ne l'entretenir que sur des faits réels et précis.

II statut des membres de la cour Suprême

Pour les membres de cet organisme qui doivent être en nombre

restreint, il doit exister pour eux une inamovibilité. Son

Président doit être nommé par le Président de la République en

accord commun avec le Parlement, afin qu'il garde son

indépendance vis-à-vis et du gouvernement et du parlement. En


14

conséquence, il ne peut être démis de cette fonction qu'en cas de

faute grave liée à l'exercice de ses fonctions par un accord

commun du gouvernement et du Parlement, afin d'éviter toute

action arbitraire des deux autres organes de l'Etat.

Le Président de la Cour suprême doit remplacer le Président

de la République en cas de vacance définitive: décès, démission,

etc; cela, jusqu'aux prochaines élections qui doivent être

organisées dans un délai déterminé, par exemple 45 jours.


15

NOTE

1
"Lorsqu'un (poète) veut faire de la politique, il est obligé

d'entrer dans un parti et, â partir de ce moment-là, il

est perdu pour la (poésie). Il faudra qu'il abandonne sa

liberté de pensée, sa lucidité et sa clairvoyance et qu'il

enfonce sa tête jusqu'aux oreilles dans le bonnet de la

pensée mesquine et de la haine stupide", a dit Goethe.


CHAPITRE III

CONCEPT DE LA NOUVELLE ORGANISATION DE L'APPAREIL EXECUTIF

Les principales caractéristiques des administrations

africaines aujourd'hui, c'est l'importance des cabinets

ministériels, la hiérarchisation excessive des unités

administratives et le manque de coordination entre leurs

activités qui sont avant tout complémentaires, cette

multiplication du nombre d'administrations centrales qui consiste

â disperser les taches administratives entre de nombreuses

administrations centrales, a conduit à une répartition imprécise

des attributions en autant que les frontières sont plus

difficiles à tracer entre elles, tant les domaines de chaque

ministère sont voisins.

Pour ne citer que le cas de la cote d'Ivoire, il y a dans ce

pays un ministère des Eaux et Forêts, un Ministère de

l'Agriculture, un Secrétariat d'Etat à la reforestration et un

Secrétariat d'Etat aux Parcs Nationaux; un Ministère de

l'Education nationale et un autre de l'enseignement technique et

de la formation professionnelle relevant chacun d'un ministre.

Or, la nature des affaires ainsi dispersées entre les ministères

différents peut bien justifier leur réunion au sein d'une seule

et même administration.

Aussi, il résulte de cette multiplication des postes

ministériels dans les pays africains, qui obéit le plus souvent à

des considérations politiques plutôt qu'économiques, des charges

financières écrasantes et conduit â une autre conséquence

désastreuse, à savoir le morcellement excessif des taches

administratives au détriment de l'efficacité, et entraîne

inévitablement des conflits de compétence. On n'en dira pas plus

car il a été largement question de l'irrationalité des structures

des administrations africaines tout au long des chapitres de la

première partie des présents travaux, notamment dans le 1er et 5e


2

chapitres. Il serait donc inutile d'y revenir ici cela, pour

rappeler simplement que le système gouvernemental actuel accentue

aussi la concentration du pouvoir effectif au niveau de la

Présidence et encourage en même temps l'irresponsabilité au

niveau des ministères et des administrations.

La solution de ce problème de l'organisation gouvernementale

réside dans l'institution de grands organes de direction et de

coordination dans les différents secteurs de l'activité

gouvernementale, c'est-à-dire le regroupement rationnel des

divers postes ministériels d'un même secteur en une seule

administration. Par exemple, l'administration sociale pourra

regrouper le Travail, la Justice, l'assistance et sécurité

sociale, etc. L'importance de ces organismes de coordination

peut être encore démontrée sur d'autres plans.

En effet, le rôle du chef de l'Etat étant très important

dans la conduite de l'ensemble des affaires publiques, il est

nécessaire que ce personnage ait autour de lui une équipe

restreinte qui lui permettra d'appréhender tous les problèmes

importants qui se posent dans le pays. Pour cela, l'institution

de grands organes de direction et de coordination est nécessaire,

et cela encore si l'on considère que l'Etat, qui est amené

aujourd'hui à jouer un rôle déterminant dans le développement

économique et social, doit assumer le rôle moteur qui doit être

le sien dans ce développement. En tout état de cause, la

situation actuelle des pays africains exige une transformation

complète de la structure de l'appareil gouvernemental, comme il

s'est d'ailleurs toujours imposée.

En conséquence, le modèle de l'exécutif que l'on propose

pour ces pays de même que les autorités qui doivent se partager

le pouvoir exécutif est le suivant:

- Président de la République
3

- Ministres d'Etat

- Délégués et commissaires

Avant de donner plus de détails sur ce modèle, on précisera

que seulement cinq grands départements ministériels doivent être

créés et institutionnalisés, qu'on pourrait appeler Ministères

d'Etat, confiés à des personnalités politiques nommées

directement par le Président de la République. Et chacun de ces

départements ministériels qui correspondront aux différents

secteurs de l'activité gouvernementale, à savoir le secteur

économique, le secteur social, le secteur équipement, etc. sera

composé des délégations à la tête desquelles doivent être nommés

des hauts fonctionnaires avec accord ou sur proposition des

Ministres d'Etat.

Le mérite de l'institution de ces ministères c'est de

permettre au Président de prendre du recul et d'éviter l'usure du

pouvoir; on verra par ailleurs que ce modèle est le moyen

d'assurer une stabilité politique en Afrique qui est nécessaire à

son développement, car le dualisme exécutif et le régime

présidentiel que l'on connaît y ont fait de bien mauvaises

expériences.

Pour revenir à notre modèle et pour permettre encore de

saisir toute la portée et cerner tous les contours de cette

nouvelle organisation, il serait nécessaire de connaître avant

tout le statut, les attributions et le cadre de l'autorité de

nomination du Président de la République, ne fut-ce que de façon

très sommaire et de voir ensuite l'organisation des grands

ministères.
4

I Le Président de la République

A) Désignation et statut

Le Président doit être élu au suffrage universel direct pour

un minimum de 5 ans et politiquement responsable devant la

nation. Il est le représentant et chef de l'Etat. A ce tire, il

doit être évidemment le chef de l'administration.

B) Attributions

1. Il doit désigner et nommer essentiellement et

directement les 5 ministres d'Etat qui doivent

être responsables devant lui. Et la compétence de la

nomination des Ministres d'Etat qui appartient au

Président qui met fin également à leurs fonctions ne

doit être soumise â aucune condition du Parlement.

2. Il doit nommer les responsables des délégations qui

formeront désormais les ministères d'Etat mais sur

la proposition des Ministres d'Etat intéressés; et il

doit mettre fin également aux fonction d'un "délégué"

sur la demande ou avis du Ministre d'Etat auquel

il relève.

3. Le Président doit présider le Conseil du gouver-

nement, c'est-à-dire l'organe réunissant les

cinq ministres d'Etat, qui doit délibérer sur la

politique générale du gouvernement.

II L'organisation des départements ministériels

A Organisation structurelle

Comme indiqué, il ne doit avoir que cing grands départements

ministériels formés de délégations. Pour faciliter la


o
k.
*a>
c
®
O)
o
•c
s
kg
w
o
to
2
®
c
«o
O)
o
k.
p
®
k.
w
«
to
o
k_
«
c
O)
o
'II
s
2
w
®
to
o
k.

c
«o
O)
4-
g
c
5
s
2
w
0)
to
s
o
c
-o
0>
o
•c
o
•2
w
o
to
5

présentation de ces nouveaux départements, on se servira d'un

certain nombre de postes ministériels et services incompressible

ou nécessaire, cela comme modèle en les regroupant et même en

suggérant d'autres.

I Ministère d'Etat à l'Administration Nationale

Ce département doit comprendre notamment les délégations à:

- L'intérieur

- La Fonction Publigue

Et les grandes Directions à caractère national, comme

La sûreté nationale

- La Gendarmerie nationale

- L'Imprimerie nationale

- Les Archives nationales

II Ministère d'Etat à l'Administratin Sociale

Les délégations de ce département doivent être:

La Justice

- Le Travail

La Santé publique

L'Assistance et sécurité sociales

La Jeunesse et Sports

III Ministère d'Etat à l'Economie Nationale

Ce département dcit comprendre les délégations:

- aux Finances1

à L'Agriculture
6

à L'Industrie et Commerce*

a L'Elevage ou Production animale

IV Ministère d'Etat à l'Education Nationale

Ce pépartement doit être composé des délégations:

- a L'Enseignement primaire et secondaire*

- à L'Enseignement technique et formation professionnelle

- a L'Enseignement supérieur

â La Recherche scientifique

- aux Arts et Cultures

V Ministère d'Etat a l'Equipement National

et à l'infrastructure

Ce département dcit avoir pour composition les délégations:

- aux Travaux publics

a la Construction et Urbanisme

aux Postes et Télécommunications

aux Transports

a L'Energie et Mines

au Tourisme

C'est cette organisation des départements ministériels que

l'on propose pour les pays africains. En fait de quoi s'agit-il

par cette organisation, si ce n'est d'intégrer les diverses

taches et annexes du gouvernement au sein des grands organes

chargés de la coordination des divers organismes administratifs

centraux â l'entreprise commune que peut constituer et exiger le

développement sur une structure qui vise à situer les


6-bis
_0
O
c
o
c
o
M
E
'i
-o
<
'O
13
Ld
"b
0
k.
'<D
w
C
1
0)
E
E
S
O)
E
o
O)
7

responsabilités et l'autorité à tous les niveaux de

1'administration?

C'est en toute connaissance de cause que l'on propose ici ce

modèle de coordination centrale pour mettre fin au morcellement

excessif des taches administratives dans les pays africains

actuellement dispersées entre différents ministères qui se fait

le plus souvent au détriment de l'efficacité, quand il ne va pas

encore avec le cloisonnement entre les organismes administratifs

et la hiérarchisation escessive des unités administratives, tant

au niveau central que celui décentralisé. Evidemment ce système

ne permet pas de situer la responsabilité des organismes publics

si ce n'est de rendre leurs dirigeants des irresponsables.

On pouvait aussi proposer l'institution d'un organisme

central unique pour la coordination interministérielle, un

Secrétariat général du gouvernement par exemple ou un Bureau

rattaché a la Présidence de la République; mais cela n'a jamais

arrangé les choses, car il existe bien déjà ce genre

d'institution, d'ailleurs à l'efficacité douteuse, mais qui ne

cesse aussi de se multiplier en nombre dans les Etats africains

sous le nom de Ministère délégué, de secrétariat d'Etat à la

Présidence et ou du gouvernement qui font souvent fonction

d'office de coordination ou d'organisme de soutien. Je ne crois

pas aussi à l'utilité d'un poste de Premier Ministre pour cette

fonction de coordination interministérielle, poste qui n'a jamais

d'ailleurs rien enlevé aux prérogatives, aux pouvoirs et aux

charges du Président.

D'ailleurs l'expérience prouve que ce genre de grand organe

unique de coordination ne saurait réussir â l'échelle de tout un

gouvernement, car il est pratiquement impossible à un seul

organisme ou à une seule personne d'accomplir efficacement cette

fonction de coordination gouvernementale tant il reste vrai que

les taches de l'administration publique sont devenues aujourd'hui


8

plus vastes, plus complexes et plus spécialisées dans la même

mesure où l'Etat est devenu le principal planificateur du

développement économique et social, ou quand il ne se trouve pas

être l'élément majeur du développement, en prenant en charge

toutes les charges du développement national. Tout ceci

impliquerait une politique cohérente dans chacun des secteurs de

l'activité gouvernementale pour avoir des décisions rapides et

adaptées.

Dans le même ordre d'idées, il faut remarquer que le nombre

des ministres (20, 30 ou plus) autour du Président pose bien

d'autres problèmes. En effet, ces ministres qui sont tous des

responsables devant le Président de la République doivent

participer au Conseil de Cabinet pour prendre des décisions ou

délibérer sur la politique du gouvernement; la question serait-là

comment le Président peut prendre des décisions importantes dans

une telle réunion qui rassemble un si grand nombre de

responsables â titre qui n'appartiennent en fait qu'à quelques

secteurs, dont les avis ne sont que trop souvent opposés - ce qui

est inhérent et pour cause, au petit morcellement des fonctions

entre diverses personnes - cela encore quand il n'y a pas des

conflits de compétence? Et il est hors de question que le

Président puisse seul diriger et contrôler efficacement les

activités de tant de ministères.

Ici, la réponse à ces deux questions reste négative.

D'abord, on ne peut toujours pas prendre de décision rationnelle

et claire dans de grandes réunions et, ensuite, quelle que soit

la capacité d'un homme, il ne peut diriger et contrôler

l'activité de plus de 5 ou 6 personnes d'une manière efficace.

Tout cela, si besoin est, a été prouvé par les résultats de

plusieurs recherches faites à ce sujet.

Et si 1* on admet alors que le Président doit prendre les

décisions importantes en Conseil ou Comité "restreint", c'est


8-bis
Jtt
O
w
O
CO
c
o
(/)
c
'i
"O
<
'O
o

O
L.
'<D
</>
c
ü
O
E
E
o
&_
O)
c
o
O)
9

admettre que l'avis de quelques personnalités marquantes du

gouvernement lui suffirait pour prendre des décisions en telle ou

telle matière; et il n'y a de raison pour qu'on ne réduise pas le

nombre des départements ministériels, comme il a été décrit plus

haut, pour les diverses raisons et avantages que tout cela

représente, sur le plan de fonctionnement et d'efficacité.

B Le statut et fonctions des Ministres d'Etat

La nomination des cinq Ministres d'Etat doit être, comme on

l'a vu, réservée au Président de la République qui met également

fin a leurs fonctions.

Les Ministres d'Etat doivent être;

- les plus proches collaborateurs du Président de la République;

- ses conseillers dans l'élaboration de la politique générale

du gouvernement;

- placés chacun à la tête d'un des départements gouvernementaux

ou secteurs, ils devront à ce titre, être responsables de

leur bon fonctionnement devant le Président et représenter

celui-ci devant le Parlement pour faire l'état de la situation

de leur ministère. C'est pour répondre à ce besoin, nous

nous en souvenons, qu'il a été question, dans le deuxième

chapitre, paragraphe II, d'instituer un débat-rencontre

annuel entre les responsables du gouvernement et les

parlementaires.

- les membres participants et permanents du Conseil de

Gouvernement, présidé par le Président de la République-

Conseil destiné â délibérer en commun sur la politique

gouvernementale;

III Le statut et fonctions des délégués


10

Les délégués qui doivent être nommés et révoqués par le

Président de la République sur proposition et avis des Ministres

d'Etat, doivent être:

- les collaborateurs directs des Ministres d'Etat;

- leurs conseillers pour la mise en application de la

politique du gouvernement;

- responsables S part entière du fonctionnement des divisions

(délégations) des départements ministériels;

- les membres participants et permanents du Conseil

ministériel présidé par leur Ministre respectif, qui est

un Conseil destiné à prendre les décisions pour la mise en

application de la politique gouvernementale dans leur

département.

Pour donner encore plus de détails sur ce Conseil, celui-ci

doit étudier les activités et les taches spécifiques qui doivent

être envisagées pour mener à bien l'exécution des plans ou

programmes gouvernementaux. Dans ce conseil, les Ministres

devront être attentifs aux suggestions des délégués qui doivent

être chargés de l'exécution et de qui dépendra en effet le succès

ou l'échec des réalisations. Autrement dit, ce Conseil doit

avoir pour but de formuler les objectifs secondaires dans le

cadre des plans et programmes généraux définis par le Conseil du

gouvernement; ces plans généraux une fois clarifiés par les

Ministres d'Etat devront être expliqués et discutés à ce second

Conseil avec les délégués chargés de leur exécution.

N.B. On devrait tenir compte des suggestions et

recommandations des délégués autant que possible dans

l'élaboration des objectifs généraux. Par ailleurs, ce seront

les délégués qui doivent effectuer les missions à l'étranger et à


10-bis
11

l'intérieur du pays, signer les accords au nom du gouvernement et

participer aux diverses conférences. Tandis que les déplacements

des Ministres d'Etat devront strictement être limités aux

missions spéciales eu à la représentation du Président de la

République dans des occasions exceptionnelles.

A Organes dépendant du Chef de l'Etat

Dans cette nouvelle organisation du pouvoir exécutif, le

rattachement au sommet de certains organes et services a

caractère purement politique ou fournisseurs des moyens spéciaux

d'action eu d'information, à tous les ministères est nécessaire.

On en propose notamment cinq, que voici:

a) Délégation aux Affaires étrangères

Comme son nom l'indique, elle s'occupera des Affaires

extérieures.

b) Commissariat National au Plan

Cet organe Chargé des prévisions et projections doit être

placé le plus près du niveau de la prise de décision stratégique

pour fournir les données et les informations nécessaires.

Etant le planificateur national, cet organe doit être chargé

d'établir un plan général équilibré de développement national,

éclairer le gouvernement et plus spécialement le Président dans

ses décisions. Il importe aussi que cet organe soit organisé de

façon à pouvoir aider les ministères et les délégations, ainsi

que les autres institutions administratives dans leurs

programmes, et de remplir au mieux les fonctions ci-aprês:

- Rassemblement et analyse des données générales concernant

les ressources tant humaines que matérielles du pays ;

- Elaboration des études fondamentales sur des problèmes


12

spéciaux tels que la formation et l'utilisation de la main

d'oeuvre, le taux des investissements, etc, dont on peut

avoir besoin dans la mise en oeuvre des programmes;

- Elaboration de plans pour une meilleure utilisation des

ressources; échange de renseignements sur la planification

dans l'ensemble des ministères de façon qu'aucun ne prenne

de décision sans être informé de ce qui se fait ailleurs

et que ces activités n'entrent pas en concurrence avec

celles d'un autre;

- Préparation de plans d'opérations et élaboration des

projets spécifiques en vue de la irise en oeuvre du

programme national.

c) Commissariat National au budget

Cet organe aura pour tache la préparation et l'exécution du

budget annuel. Il doit comprendre des inspecteurs au budget (ou

contrôleurs financiers) qui seront placés dans les différentes

délégations des département ministériels de l'Etat, afin de

suivre l'exécution du budget et éclairer le gouvernement dans la

préparation du budget.

d) commissariat & l'organisation administrative

Cet organe doit améliorer le fonctionnement des structures

de l'Administration, perfectionner les pratiques et les méthodes

administratives, ou, fournir l'assistance technique aux

Ministères et organismes du gouvernement en matière

d'organisation pour une meilleure gestion des affaires publiques.

e) Délégation aux Forces armées

Cet organe doit s'occuper de l'administration courante des

forces armées.
12-bis
o
k.
0)
c
®
O) _Q)
o O
k.
o C
O
u
a>
t/>
c
o
+"*
o
w
3
"D

J2
i— o
'O
o
U
îo
0
k.

V)
-o C
1
0
E
S. ± E
? ® z ^ o
w
c
o U U O 7 O)
23h5 c
o o o < 2 o
o> O)
«® wz$ %
.0) vi I ú¿ U
Q U O
4C. w w u.
u u ^ o
— I- an
u
0¿
<
ijjjss
âo< O
® rr,
J2 u < s U
^ to U
Q Z Q- en
U
<D
13

N.B. Ces délégués et ces Commissaires qui dépendent du

Président auront le même statut et la même position hiérarchique

dans l'organisation gouvernementale que ceux dépendant des

ministères d'Etat; cependant, leur choix et leur nomination à la

tête de ces organes doivent être réservés au Président de la

République seul, étant donné qu'ils sont ses collaborateurs

directs, contrairement aux délégués des ministères d'Etat qui

sont nommés sur proposition de leurs ministres.

B Les Secrétariats généraux

Il devra être créé un Secrétariat général de la Présidence

de la République et un secrétariat général au niveau de chacun

des Ministères d'Etat. Ces Secrétariats généraux ne devront

avoir qu'un rOle purement administratif dans leur position de

"staff", c'est-â-dire de service de soutien située hors de la

ligne hiérarchique. Ils devront s'occuper principalement de la

préparation des documents et des dossiers pour les réunions et

d'autres travaux administratifs du même ordre. Autrement dit,

ces secrétariats doivent assister le Président et les Ministres

d'Etat dans leurs taches en communiquant notamment les

informations, ou maintenir les contacts en suivant les affaires.

N.B. La création de ces secrétariats ne doit pas être

perçue comme une nouvelle chaîne hiérarchique entre le Président

et les Ministres d'Etat et ou entre ces derniers et les Délégués

dont les relations doivent être directes.2 Cette précision est

nécessaire car de nombreux chefs d'Etat ou de gouvernement

disposent déjà d'un secrétariat général qui joue à la fois un

rOle administratif et politique, et parfois même le secrétaire

qui en est chargé a le rang et le titre de Ministre (comme au

Sénégal, il y a encore quelques années). Et le Président passant

le plus souvent par-dessus la tête de ses ministres travaille

soit avec son secrétariat général ou soit avec son Cabinet formé
14

de nombreux conseillers. Il est évident que ce genre de

secrétariat ou cabinet est perçu à raison par les responsables

hiérarchiques comme la cause de beaucoup de maux parce que

souvent ils ont la possibilité de "brouiller les cartes" et

déclencher chez les responsables opérationnels des mécanismes de

défense. Tout ceci n'arrange évidemment pas la marche normale

des affaires.

IV Pouvoirs des Ministres d'Etat, des Délégués

et Commissaires

Evidemment tous ces responsables. Ministres d'Etat, Délégués

et commissaires doivent exercer â leurs niveaux plusieurs

catégories de fonctions:

- Pourvoir hiérarchique, qui consiste à diriger leurs

subordonnés, leur donner des instructions;

- Pouvoir de gestion, c'est a dire représentant du Gouvernement

pour son administration, exécution du budget;

- Pouvoir réglementaire qui consiste â prendre des règlements

administratifs, en telle ou telle matière.

V les rapports entre le Gouvernement central

et les Administrations centrales

Le terme de gouvernement central désigne ici le Chef de

l'Etat et les Ministres d'Etat qui doivent constituer l'appareil

politique de gestion, ou de direction de l'action à entreprendre

et de coordination interministérielle; celui des administrations

centrale désigne les délégations qui sont les "acteurs" de

l'appareil central. Il s'agirait ici de définir les rapports de

relations entre les principales composantes de l'organe exécutif,


14-bis
O
k.
3
u
3
k.

M
O
o
+.
o
"o
c
o
*■
o
c
o
£
o
Q.
3
cr
U
o

"b
o
&_
'O
10
c
fl)
E
E
2
O)
E
o
o>
15

c'est-à-dire son appareil de direction et de coordination et ses

acteurs d'une part, et entre "eux" et les objectifs eux-mêmes de

l'action du gouvernement.

Cette définition des rapports pose un des plus importants

problèmes administratifs des pays africains, qui est celui de

l'organisation de la coordination interministérielle, étant donné

que la participation de leurs divers organismes administratifs à

l'entreprise commune que constitue le développement est presque

nulle. La solution de ce problème réside dans la définition

claire du rapport entre l'appareil de conception et de décision

et l'appareil d'exécution, ainsi que l'interaction des divers

organismes dans le développement.

Dans les rapports entre les divers organismes de notre

modèle, la fonction principale de l'appareil supérieur doit

consister à diriger l'action planificatrice interministérielle en

tant que centre de décision. On a déjà décrit plus haut ses

principales composantes suivant leur degré et mode d'implication

dans l'action à entreprendre, leurs fonctions et les règles de

son fonctionnement. En d'autres termes, les rapports que

l'appareil politique doit entretenir avec les organismes

administratifs qui sont les "acteurs" dans l'organisation du plan

de développement, doivent être ceux qui mettent en présence un

organe de direction et de décision d'une part et les acteurs

proposeurs ou demandeurs d'autre part, ces rapports impliquent

nécessairement une certaine autonomie des organes inférieurs vis-

à-vis de l'appareil supérieur; car si les organismes

administratifs qui sont les acteurs placés près du terrain de

l'action n'ont pas cette autonomie nécessaire, leur efficacité

opérationnelle serait moindre. On sait que ces organismes

intermédiaires responsables sont les composantes du gouvernement

central qui est l'appareil décideur, mais il faudrait que ces

organismes intermédiaires disposent de l'autorité nécessaire pour


16

pouvoir jouer leur rôle avec pleine efficacité. Et la

responsabilité accompagnée de l'autorité nécessaire à ces

organismes administratifs impliqués feront qu'ils participeront

pleinement à la réalisation des grands objectifs qui sont la

raison d'être du gouvernement.

Enfin, le bon fonctionnement de tout le système

gouvernemental dépendra de sa capacité de maintenir l'équilibre

entre ses rôles d'organe directeur, de centre de décision et de

concertation pour les organismes administratifs chargés de

l'exécution: c'est bien de cela qu'il s'agit - de la concertation

entre les acteurs au sein de tout l'appareil du gouvernement -

lorsqu'on parle de la coordination interministérielle.

VI Fonctionnement de l'appareil gouvernemental

Pour fonctionner, l'appareil gouvernemental doit comprendre

deux conseils: un conseil du gouvernement et un conseil

ministériel.

- Conseil du gouvernement, ce conseil doit constituer

l'organe de conception et de décision des orientations

générales de la politique du gouvernement. Il doit

réunir autour du Président de la République les cinq (5)

Ministres d'Etat et destiné à éclairer celui-ci sur les

politiques qui prendra en dernière analyse les décisions

finales, en tant que chef de l'exécutif.

- Conseil ministériel, ce conseil doit être l'organe

d'exécution des décisions du gouvernement; il doit

réunir dans chacun des Ministères d'Etat, le Ministre

et les chefs de ses délégations ou administrations centrales

chargées de l'exécution. Ce conseil doit être destiné à


17

prendre les décisions pour la mise en application de la

politique du gouvernement dans leur département respectif.

Le Président de la République est, pour plus de détails,

responsable de la marche des affaires publiques de l'Etat devant

la nation. A ce titre, s'il doit établir les orientations

générales de la politique du gouvernement, il doit seulement

veiller à leurs principes au niveau de l'application, c'est-à-

dire des Ministères d'Etat; quand A celui de l'exécution, il doit

appartenir aux Ministres d'Etat d'y veiller. Ainsi le Président

établira la stratégie globale de la politique gouvernementale

avec les Ministres d'Etat qui seront chargés chacun des grandes

orientations fonctionnelles du gouvernement et de la coordination

des activités opérationnelles qui seront, elles, les faits des

Délégués placés sous leur autorité.

Pour que le modèle fonctionne normalement et donne de

meilleurs résultats, il faudrait;

Premièrement, que le Président sache garder l'essentiel de

ses fonctions;

Deuxièmement, que les Ministres d'Etat qui sont ses plus

proches collaborateurs ne l'encombrent pas de détails ou ne le

mobilisent pour des décisions subalternes, et qu'autour de lui

chacun exerce pleinement ses responsabilités;

Troisièmement, que l'exécution ne soit pas le fait ni du

Président, ni des Ministres d'Etat, mais des Délégués qu'on doit

laisser libres du choix de la tactique à suivre pour atteindre

les objectifs du gouvernement.

En d'autre termes, le Président ne doit pas accumuler des

pouvoirs exorbitants pour ne pas rendre sa tâche humainement

impossible, afin de pouvoir prendre des distance avec les


18

événements qui se font rapides et cela pour mieux les saisir dans

leur intégralité. Pour cela encore, il doit savoir déléguer

l'autorité nécessaire à ses collaborateurs quant à la tactique de

l'exécution des taches de la politique du gouvernement, cela bien

entendu une fois les objectifs généraux fixés, ce qui n'empêche

pas le Président de veiller non seulement aux principes des

orientations générales mais aussi au controle des résultats.

C'est à ces conditions là qu'on pourrait avoir un meilleur organe

exécutif et une administration moins pesante et simple.

Le style et le système de cette nouvelle organisation du

pouvoir exécutif font appel à la responsabilité et à la

participation de chacun, à tous les niveaux.

N.B. Si le conseil du gouvernement est l'organe de

conception et de décision des politiques gouvernementales et le

conseil ministériel l'organe d'exécution où l'on étudie les

décisions à envisager pour mener à bien l'exécution des plans et

programmes du gouvernement, l'exécution proprement dite ne doit

pas être le fait ni du Président et ni des Ministres d'Etat, mais

des Délégués qu'on doit laisser libres du choix de la tactique à

suivre pour atteindre les objectifs fixés.


19

NOTES

N.B. La Délégation â 1'Industrie et Commerce peut être

scindée en deux pour constituer chacune une délégation

à part entière si c'est important, tout comme pour la

Délégation à l'Enseignement Primaire et secondaire.

La délégation aux finances s'occupera principalement des

Recettes et des comptes publics (impCts notamment) .

Il doit avoir une délégation au Budget dont les fonctions

seront la préparation, la répartition du budget et le

paiement des dépenses publiques. Nous y reviendrons à

propos des organismes qui seront rattachés â la Présidence

de la République.

La multiplication des échelons dans la structure n'amène

que rigidité, lourdeur et bureaucratisation administrative.

Dans ce cas pour améliorer au maximum les communications

et la coordination entre chaque élément il faut donc

établir une chaîne de commandement ou hiérarchique aussi

courte que possible en définissant les pouvoirs et les

responsabilités.
CHAPITRE IV

CONCEPT DE LA NOUVELLE ORGANISATION DE L'ADMINISTRATION REGIONALE

Dans les pays en voie de développement, comme on l'a indiqué

dans la première partie de ces travaux, on relève une tendance

excessive è la centralisation et è la concentration des services

administratifs dans la capitale. Pour ne citer en exemple que le

Zaïre qui vient de connaître, pour cause, une nouvelle

organisation territoriale et administrative1, les villes et les

collectivités locales perdent toute leur personnalité juridique,

hormis celle de Kinshasa; ce qui confirme la tendance de plus en

plus centralisatrice du Pouvoir dans la capitale.

Pourtant, une structure administrative qui laisse une grande

latitude aux régions, aux autorités des provinces, des districts,

des villes et des villages, est la condition d'une action

efficace.

I Déconcentration de l'administration de l'Etat

Si l'action planificatrice du gouvernement national doit

aussi être une action de développement régional ou rural en pays

africains, une autre transformation de la structure de l'appareil

de l'administration s'impose: sa déconcentration, ceci si l'on

admet qu'un gouvernement moderne qui est planificateur doit

surtout traiter des problèmes de dimension nationale - d'ordre

intérieur ou extérieur - et s'occuper de grands programmes

financiers et de développement. Pour ce qui est l'administration

des affaires courantes des collectivités locales, il doit estimer

avantageux d'en déléguer la responsabilité à des services

extérieurs qui sont en mesure d'agir aussi près que possible de

l'endroit où se posent les problèmes.


2

La nouvelle organisation de l'administration régionale que

l'on propose ici obéira aux mêmes principes que le modèle du

pouvoir exécutif central précédemment décrit, ceci pour plus

d'efficacité et de responsabilité: coordination, concertation,

participation.

En effet, dans la mesure où une planification du

développement régional est entreprise par l'Etat, la rationnalité

de cet effort commande, au sein de l'administration de l'Etat, la

participation des instances inférieures aux décisions â prendre,

qu'il s'agisse de celle des unités sub-régionales ou locales à

l'élaboration et à la mise en oeuvre de plans de développement

des régions mêmes ou de celle de ces unités régionales â

l'élaboration et à la mise en oeuvre de plans plus globaux.

Cette participation doit être efficacement explicitée et reconnue

par les niveaux supérieurs de l'Etat pour inciter les niveaux

inférieurs de l'administration à s'organiser eux-mêmes et â

interagir avec lui à chacun de ces niveaux.

Cette déconcentration de l'administration de l'Etat

impliquerait:

- l'attribution aux agents régionaux d'un pouvoir

d'intervention et d'initiative dans la préparation des

programmes ayant des implications régionales, et d'un

pouvoir d'intéraction avec les représentants des intérêts

locaux; ceci afin d'adapter le mieux possible les

programmes d'action des organismes administratifs aux

demandes et aux projets locaux;

- l'attribution d'un pouvoir accru de décision à ces mêmes

agents au niveau de l'exécution des programmes, et

l'intégration des agents locaux impliqués sous une

direction régionale unique;


3

En ce qui à trait aux rapports de coordination interministérielle

au niveau des régions, ceci commande:

- la création, au niveau des régions, d'appareils de

direction et de coordination intermédiaires des différents

ministères d'Etat, responsables de l'orientation et de

l'intégration des programmes des organismes administratifs

en présence, disposant d'un pouvoir de recommandation

vers le haut quant aux implications régionales ou

interrégionales des plans de développement des régions;

- la mise en rapport structurée de ces appareils inter-

médiaires et leur participation obligatoire aux décisions

des échelons supérieurs qui ont des implications sur

l'équilibre interrégional des plans de développement.

Avant de voir encore plus en détail la coordination de

l'administration au niveau régional et la nécessité de dévolution

de pouvoir aux autorités régionales et locales, il conviendrait

de voir quelques avantages et conditions de cette déconcentration

administrative. Ainsi, la responsabilité de la conduite des

opérations sur le plan local ou régional, si elle est délégués

aux autorités régionales et locales permettra:

- de décharger les ministères et les Ministres d'un grand

nombre de tâches quotidiennes dont la plupart sont

d'ailleurs régies par des précédents;

- de régler les affaires publiques plus rapidement et de

décongestionner les administrations centrales de leur

personnel dans la capitale où l'on trouve des fois plus

des 2/3 de l'effectif total du personnel de l'Etat, qui

pourront être plus utiles â l'intérieur du pays.

- au fonctionnaire ou â l'autorité qui est sur place et


4

qui connaît bien les conditions locales de voir plus

clairement comment les plans et les règles conçus à

l'échelon national peuvent s'y appliquer.

Là encore certaines conditions seront nécessaires à la

gestion efficace des affaires locales. Celles-ci doivent être

confiées à un personnel de carrière, instruit et capable de

prendre sous sa responsabilité des décisions judicieuses. Pour

cela, les responsabilité des autorités locales doivent être

clairement définies - et leurs limites acceptées - de façon

qu'elles sachent quand il y a lieu de renvoyer une question aux

Ministères et que ceux-ci soient assurés, de leur cOtê, que les

décisions prises à l'échelon régional ou local sont conformes,

dans l'ensemble, aux directives ministérielles ou aux précédents.

Autre condition non moins concluante est que les

fonctionnaires "extérieurs" de même que les ministères dont ils

relèvent doivent évidemment être au courant des besoins locaux et

de l'état d'esprit qui règne dans la circonscription, et doivent

en tenir compte, dans toute la mesure compatible avec la

politique ministérielle et les procédures établies.

Il s'agit-là en effet d'inculquer un certain esprit au

personnel, mais il est également utile que les réglementations

générales soient relativement souples car la participation dépend

avant tout d'un état d'esprit et d'un climat d'intégration que

l'on se doit de créer.

Il serait également nécessaire d'assurer dans cette

déconcentration des transferts réguliers de fonctionnaires dans

les pays en voie de développement où l'on constate une fois

encore un surnombre de cadres dans la capitale. Même si des

changements trop fréquents bouleversent le service, il n'est pas

mauvais de procéder à ces mutations de fonctionnaires des

services extérieurs avant qu'ils ne comptent un trop grand nombre


5

d'années de résidence, cela est conforme â l'intérêt du service

et à celui de la carrière du fonctionnaire.

Il serait utile cependant d'ordonner de tels transferts de

circonscription â circonscription et des circonscriptions aux

administrations centrales et puis les ministères, afin de

disposer d'un personnel capable de porter des jugements sains et

équilibrés sur les besoins d'ordre local et national.

Pour terminer, on doit encore attirer l'attention sur

l'intérêt que présente l'existence des services extérieurs dans

les collectivités autonomes - entendez déconcentrées - qui, outre

une bonne administration du pays, constituent un terrain

d'entraînement pour les jeunes et futurs fonctionnaires des

ministères de même que pour les futurs délégués des ministères

d'Etat qui pourront tous s'y préparer pour les plus hautes tâches

politiques et administratives de l'Etat.

En outre, ces services extérieurs permettront d'une part de

révéler les qualités d'initiative et de tact dans le rapport avec

le public et offrent l'occasion de la pratique quotidienne de la

décision dans des conditions que l'on retrouve rarement â

l'administration centrale. Et d'autre part, le séjour dans un

service extérieur permettra au fonctionnaire de connaître son

pays, ses ressources et sa population, et cette expérience lui

sera profitable durant toute sa carrière.

II Les organes de coordination et de direction des

administrations extérieures des ministères d'Etat

dans les collectivités régionales

Au niveau de chaque région ou département administratif du

territoire en doit créer une direction régionale ou

départementale, des cinq ministères d'Etat décrits plus haut.

Par exemple:
5-bis
c
o
"5>
o
«A
O c
o
O T»
c
o
"3
*5)
<D o
*-
(/>
C
:
O !l
c
g
O f *5>
%
sfl)
(/) c
o M
"E c
O o
c •4=
E O
b.
-o «o
o a
< o
u o
o
E ■8-8
E
o
k_
O) MD)
'c
o
O) S-5
O —
S o
o '€
Q. Q)

m- CS
es n
6

- Direction régionale ou départementale de l'Economie

nationale

- Direction régionale ou départementale de l'Equipement

national et â l'infrastructure

- Direction régionale ou départementale de l'Education

nationale, etc.

Ces directions régionales spécialisées doivent être créés

pour coordonner et contrôler les services des différentes

délégations des Ministères d'Etat implantés dans les

collectivités de 2ème degré c'est-â-dire les sous-préfectures ou

les sous-régions:

- Services de l'agriculture, de l'élevage, de l'industrie,

etc, pour la direction régionale de l'économie nationale;

- Services des enseignements primaire, secondaire, technique

et formation professionnelle pour l'Education Nationale;

- Services des Travaux publics, de la construction et de

l'urbanisme, des postes et Télécommunications etc, pour

l'Equipement national et l'infrastructure.

Evidemment, les bureaux des directions régionales doivent se

trouver aux chefs-lieux des régions ou des départements

administratifs du territoire, chargés en ce qui les concerne de

la coordination et du contrôle des services administratifs.

Et pour coordonner les activités de ces directions

régionales ou départementales spécialisées des ministères d'Etat,

elles doivent être eux aussi placées sous l'autorité d'un

administrateur général, représentant l'Etat dans la région ou

dans le département: le Préfet par exemple. Cette autorité

administrative et politique régionale sera elle chargée d'assurer

la coordination et le contrôle des activités des diverses


7

directions régionales spécialisées se trouvant sur son

territoire.

les rapports entre ces services extérieurs devront être les

mêmes que ceux des administrations centrales de la capitale;

c'est-à-dire que chaque responsable assurera à son niveau les

tâches qui lui sont confiées cela, avec l'autorité nécessaire.

Ce système permettra de mettre en rapports suivis les

fonctionnaires des différents services et ministères dans les

collectivités, et ils découvriront sur place que leurs

attributions sont beaucoup plus interdépendantes et

complémentaires qu'en ne le suppose généralement dans les

Ministères de la capitale. Et autre avantage pratique de ces

unités administratives, c'est qu'elles seront les plus qualifiées

pour répondre à l'intérêt public en raison de leur connaissance

directe des problèmes locaux qui sont avant tout leurs problèmes.

II faut aussi songer au rCle important qu'elles peuvent jouer en

tant que porte-parole d'une opinion libre et éclairée.

III ContrOle du gouvernement central sur ces

administrations extérieures eu déconcentrées

Si cette forme d'organisation de l'administration régionale

bénéficie entre autres de l'autonomie, il faudrait préciser

cependant qu'il ne s'agit pas d'une autonomie "totale", car le

rOle moteur du gouvernement central se trouve encore affirmé

lorsqu'on considère la dimension régionale. En effet, on ne

saurait méconnaître la nécessité de l'intervention du

gouvernement central lorsqu'il s'agit de constituer des unités

régionales dynamiques et d'en planifier le développement

économique et social, ou encore lorsqu'il faut réaliser un

équilibre interrégional du développement global.


8

Il imperte alors que les autorités locales dans cette

administration décentralisé et déconcentrée soient soumises à des

vérifications, des inspections et une certaine tutelle, car d'une

part ces localités autonomes exerceront des fonctions qui

intéressent le gouvernement central; d'autre part, elles doivent

bénéficier de ses prêts et de ses subventions; mais les

Vérifications et controles du gouvernement devraient toutefois

être effectuées en prenant bien soin de ne pas tuer l'initiative

locale ni la responsabilité des autorités locales. Leur but

n'est pas d'intervenir dans les détails, mais de consolider et

d'améliorer les administrations locales.

IV La participation des copulations aux affaires

publiques dans les collectivités locales ou régionales

Le transfert des pouvoirs aux collectivités locales doit

suivre la déconcentration des fonctions des services des

ministères; car la dévolution de fonctions â des collectivités

décentralisées favorisera une plus large participation des

citoyens aux affaires publiques, laquelle participation aidera à

surmonter l'inertie et l'apathie civiques des populations

(africaines) restées trop longtemps en marge de la conduite de

leurs affaires. En outre, cette participation donnera encore au

citoyen le sentiment de s'identifier à son gouvernement et grâce

encore à laquelle les décisions prises répondront mieux aux

aspirations et aux besoins locaux.

Pour mettre plus en lumière l'intérêt de cette participation

des populations, on dira qu'il faut s'attacher dans les jeunes

pays en voie de développement et par priorité, à combler le fossé

existant entre le gouvernement et les populations pour avoir leur

pleine coopération cela, si l'on veut que l'application rapide

des programmes de développement présents ou futurs conçus par le


9

gouvernement n'aboutisse pas à un échec, comme d'ailleurs la

plupart des programmes précédents.

A propos de cette participation des populations aux affaires

publiques, rappelons que la CCte d'Ivoire a choisi le dialogue

comme le moyen de parvenir à cette fin; ce pays a plus d'une fois

montré sa volonté d'ériger le dialogue en une institution

permanente tant pour régler les problèmes intérieurs que pour les

relations extérieures, pour devenir désormais la ligne de

conduite politique de ses dirigeants.

A ce sujet, voilà un passage d'un article publié par une

haute personnalité ivoirienne,2 sur la nécessité de la dévolution

de pouvoirs aux différents collectivités locales et du dialogue

qui doit être permanent dans tous les secteurs de la vie

nationale:

"Mais cette permanence exige la formation civique et

l'éducation démocratique de chaque citoyen à la gestion

des affaires publiques. Cela ne peut se réaliser que

dans les petites communautés de base d'une administration

décentralisée: cellule de quartier, communautés villageoises

ou rurales, communes urbaines, les représentants de

l'exécutif. Préfets et sous-Préfets, n'assurant plus alors

que la coordination. Les différents échelons doivent

être responsables des affaires qu'ils gèrent sinon la

gestion directe de la société sera assurée par l'admi-

nistration qui se transformera vite en bureaucratie

entraînant peu à peu un blocage général".

Pour éviter aussi ce blocage général à l'avenir dans les

pays africains, on doit encore constituer en vue de la

participation des populations, non seulement des groupes

consultatifs socio-économiques mais aussi des conseils régionaux


10

dans toutes les localités, ayant des pouvoirs en certaines

matières relevant d'agents du gouvernement central.

Si aujourd'hui, dans la plupart des Etats africains

francophones les mesures de décentralisation ont été prises

elles n'cnt pas reçu d'application effective. Il en est ainsi en

COte d'Ivoire où les départements ont été dotés par la loi du 10

avril 1961 de Conseils généraux élus au suffrage universel

direct. L'article 59 ne prévoit pas moins de vingt matières pour

lesquelles le Conseil est compétent et, comme dans bien d'autres

Etats, l'organe exécutif est le Préfet qui instruit les affaires

traitées par le Conseil. Il exécute les délibérations et la

Commission départementale élue par le Conseil général exerce une

surveillance sur l'action du Préfet.

Enfin, toute cette organisation est inspirée de la

législation française et son seul défaut est de n'être jamais

entrée réellement dans les faits. Aucune session des Conseils

généraux n'a eu lieu depuis leur création. Pour justifier cela

plusieurs raisons, notamment financières, ont été avancées, comme

par exemple, par l'ancien Ministre de l'Intérieur cela encore en

1974.3 Mais il faudrait remarquer cependant que si l'on veut

obtenir cette participation des populations qui se révèle urgente

et nécessaire â la réussite des programmes de développement, il

ne suffit pas de transférer certains pouvoirs détenus par les

ministères aux seuls administrateurs ou à d'autres organismes

administratifs locaux représentant le gouvernement central; mais

aussi â des groupes locaux, cela pour ne pas toucher à

l'influence et au pouvoir de décision des populations dans les

affaires locales.

La méthode la plus efficace et la plus indiquée consisterait

donc dans le développement des circonscriptions autonomes qui

créeront des unités économiques et sociales locales, telles les

coopératives, associations et conseils, nantis d'un pouvoir de


11

décisions dans les matières économiques et sociales qui les

concernent dans une mesure compatible avec l'intérêt de l'Etat.

Cette autonomie locale "réelle", c'est-à-dire avec la

participation des populations est également une condition

essentielle pour que se développe dans le peuple la confiance à

l'égard de l'appareil gouvernemental.


12

NOTES

Loi No. 73-015 du 5 janvier 1973.

Arsène Assouan Usher, membre du Bureau politique national

et Ministre des Affaires étrangères de la CSte d'Ivoire,

paru in Le Quotidien Fraternité-Matin, No. 2755 du 19-20

janvier 1974.

Avant le remaniement du gouvernement du 25 juillet 1974.


CHAPITRE V

CONCEPT DE LA NOUVELLE ORGANISATION DE L'ENVIRONNEMENT

DE L'ADMINISTRATION DE 1'ETAT

On a étudié dans les précédents chapitres ce que doivent

être les nouvelles structures de l'organisation de

l'Administration de l'Etat: administrations centrales et

administrations régionales. Mais cette étude ne porte à vrai

dire que sur deux facettes du problème de l'organisation de

l'administration de l'Etat et de l'action planificatrice du

développement. Et la nouvelle organisation de l'administration

de l'Etat risque même de perdre sa signification si l'on ne la

complète pas par celle de son environnement.

En effet, pour les pays africains la question ne se pose

plus de savoir si l'appareil de l'Etat serait vraiment confronté

aux attentes et aux rejets de son environnement, c'est-à-dire

l'environnement national. Et à cette question, il n'y a plus de

doute que le développement de ces pays se heurte à plusieurs

facteurs, qui sont du genre de l'incompréhension entre les

populations et les dirigeants; l'incapacité des gouvernements à

susciter une participation populaire aux programmes de

développement; l'incapacité des communautés rurales à saisir la

signification de la politique de l'Etat et la portée de celle-ci;

à s'identifier aux objectifs du gouvernement, etc.

Pour remédier à ces lacunes, il faudrait ré-organiser

l'environnement de l'Administration en diversifiant les canaux de

communication entre l'appareil de l'Etat et son environnement,

constitué de partenaires économiques et sociaux.

En effet, dans les Etats africains, il n'existe généralement

qu'une seule centrale syndicale des travailleurs pour tous les

secteurs économiques et mêmes sociaux du pays qu'on retrouve sous

le nom d'Union Nationale des Travailleurs, Union Générale des


2

Travailleurs, Confédération des travailleurs, etc, selon les

pays. Et l'environnement de l'appareil de l'Etat se trouve ainsi

formé par une seule centrale syndicale qui est alors le seul

canal de communication entre l'administration de l'Etat et son

environnement qui est constitué par les travailleurs de tous les

secteurs du pays, qui sont, comme on l'a dit, aussi ses

partenaires économiques et sociaux.

Il va sans dire que ces centrales syndicales fortement

politisées, d'ailleurs comme tout bon syndicat, sont entièrement

contrôlées par les gouvernements en place qui les a créés et qui,

le plus souvent, nomment leurs dirigeants. L'on voit

difficilement alors comment de tels syndicats pourront défendre

les intérêts des travailleurs qu'ils sont censés représenter ou,

du moins pouvoir concilier les intérêts.

De toute façon, le syndicalisme en Afrique qui y a pris un

tout autre aspect n'a pas lui aussi sa raison d'Être, tout comme

les partis politiques, pour les raisons suivantes:

Premièrement, le syndicalisme est par définition politique,

soit par allégeance à un parti, à une idéologie, ou soit qu'il en

est sa création; cr toute forme de parti politique, on l'a déjà

dit, est un obstacle au développement des pays africains, pour

les raisons aussi évoquées au dernier chapitre de la première

partie de ces travaux.

Deuxièmement, il n'y a de véritable syndicalisme que s'il y

a liberté syndicale; or la liberté syndicale ne va pas sans

causer de graves troubles sociaux d'ordre divers, quand ce n'est

pas provoquer la paralysie totale des secteurs économiques du

pays. Les pays avancés de l'Europe et de l'Amérique qui sont des

exemples continuent de connaître de nombreuses grèves des

travailleurs plus ou moins justifiées. Un pays africain ne peut

se permettre de telle liberté.


3

Troisièmement, les populations africaines n'ont jamais connu

dans leurs sociétés dites traditionnelles ce genre de grandes

organisations de travailleurs que constituent les centrales

syndicales, d'ailleurs impersonnelles et inefficaces; mais plutôt

des associations et des coopératives formelles et responsables,

présentes dans les différents secteurs d'activité de la

communauté. C'est bien pourquoi les travailleurs de ces pays qui

ne prennent connaissance de ces syndicats que dans les villes ont

montré depuis longtemps leur indifférence â l'égard de ces

grandes Unions ou Confédérations syndicales qui n'ont jamais su

régler leurs problèmes, et qui se sont d'ailleurs vite

transformées en bureaucratie, tout comme leurs administrations

publiques.

En fin de compte, ces organisations centrales de

travailleurs, n'ont pas l'aptitude d'intéresser ses membres à

leurs affaires moins encore savoir poser les problèmes

intéressant chacun des secteurs du pays qu'elles sont censés

représenter.

Alors, pour toutes ces raisons, des transformations

s'imposent dans les modes et le canal de communications entre

l'appareil de l'Etat de ces pays et son environnement, car ces

grandes organisations ou attre grand corps consultatif interposés

entre les travailleurs et l'Etat ne répondent pas aux besoins des

pays africains pour leur développement.

Le nouveau environnement de 1'Etat doit être formé des

coopératives qui restent è créer dans les différents secteurs de

productions agricoles et des associations professionnelles pour

les métiers des divers autres secteurs aux niveaux national,

régional et local. Le but et le sens de ces associations et

coopératives seront, à ne pas en douter, apolitiques


4

contrairement aux grandes centrales syndicales actuelles ou

d'ailleurs.

Cette nouvelle organisation de l'environnement de l'appareil

de l'Etat est plus adaptée à la situation des pays africains,

dont l'économie est d'ailleurs généralement de 80 à 90% agricole,

que n'importe quelle autre organisation.

En outre, question de détail, ces coopératives agricoles

doivent être organisées de façon qu'elles commercialisent leurs

propres produits; car dans les pays africains, les agriculteurs

sont bien souvent victimes des commerçants intermédiaires qui

sont nombreux et dent l'honnêteté est de plus moindre, tirant

deux â trois fois plus de profits de la vente des produits que

les agriculteurs eux-mêmes. Etant donné l'approche de la

présente étude qui se veut globale on se limiterait seulement à

dénoncer ce problème de commercialisation cela pour y revenir

dans une prochaine recherche sur l'organisation du développement

rural qui reste en effet un détail important, tout aussi comme la

réforme de l'enseignement dans ces pays.

Pour revenir donc à notre sujet présent, on dira que chacune

de ces coopératives et associations sauront mieux exprimer et

discuter leurs problèmes que quelque autre ensemble. En outre,

elles pourront servir au gouvernement et au parlement de

baromètre permettant d'orienter leurs actions; et toutes les

mesures prises en conséquence seront plus adaptées aux problèmes

qui se poseront aux différents secteurs économiques et sociaux

ainsi représentés, tout en les prévenant.

Enfin, pour permettre à l'Etat d'avoir une meilleure

connaissance des problèmes de ses partenaires, on propose encore

ces coopératives et associations qui sont les meilleurs canaux de

communications, du fait que par ces canaux l'Etat aura des

contacts plus directs avec ses partenaires et pourra facilement

les consulter sur les mesures qu'il envisage de prendre dans tel
5

ou tel secteur du pays. Ce qui suppose évidemment en matière de

planification une concertation permanente entre l'Etat et son

environnement ainsi constitué.

En effet, l'Etat planificateur ne peut avoir le monopole de

la rationalité et de l'information pertinente. Et s'il est

important qu'il obtienne un pouvoir de décision et d'arbitrage en

matière de planification ce pouvoir n'aura sa pleine efficacité

que dans la mesure où cet environnement peut être consulté lors

de l'élaboration des projets collectifs et formuler ses besoins.

Pour conclure, on pourra dire que cette concertation

souhaitée peut être définie comme une partie du noeud du problème

de l'organisation de la planification du développement des pays

africains; car une bonne organisation de la planification du

développement dans ces pays n'exige pas seulement une

identification claire des centres ou organes administratifs

responsables, mais il faut en plus connaître les différents

autres partenaires économiques et sociaux impliqués que ce soit

un niveau national, régional ou sub-régional et que ceux-ci

puissent eux-mêmes s'identifier. Pour que la concertation ne

soit pas un simple jeu politique, il faudrait donc créer des

canaux institutionnels et obligatoires de communications entre

l'appareil de l'Etat â tous ses niveaux et son environnement.

Et, enfin, l'Etat, l'administration et son environnement ne

pourront se concerter si on ne prévoit pas ces mécanismes de

rencontre obligatoires, ouverts et réguliers non seulement entre

ceux qui composent l'environnement de l'appareil de l'Etat mais

également entre eux et l'appareil lui-même.

N.B. les rapports de concertation entre l'Etat et les autres

acteurs économiques et sociaux ne doivent pas être considérés ou

dégénérés en rapports d'adversaires, mais plutôt de partenaires.

Ceci est important pour sauvegarder la paix dans la société.


RESUME DE LA DEUXIEME PARTIE

Il a été question dans cette deuxième partie de ces travaux

des transformations nécessaires du rOle et de la structure des

différentes institutions politiques et administratives dans les

Etats africains et de leur adaptation â leur situation. L'on a

proposé un modèle d'organisation plus fonctionnel et plus

conforme à leur situation cela en partant de certains principes

et considérations propres.

Les caractéristiques de ce modèle qui comprend un ordre

organisationnel (l'administration) et un ordre environnemental

(coopératives et associations) se résument à la coordination des

diverses fonctions du gouvernement â tous ses niveaux, à la

déconcentration et â la décentralisation des pouvoirs et des

activités administratives aux niveaux des régions et des

localités, à la concertation des décisions de l'Etat par ses

partenaires économiques et sociaux; tous ceux-ci, pour la bonne

réussite des programmes et plans de développement et la

participation des populations â ce développement.


2

CONCLUSION

Dans la première partie de ces travaux il a êtë question des

problèmes de structures, des hommes, des statuts des personnels,

des méthodes et du style de travail qui sont des emprunts

extérieurs et les obstacles que tous ceux-ci posent au

développement des pays africains. Et, si le favoritisme, la

bureaucratie et la corruption se retrouvent dans toutes les

administrations, en Afrique, ils sont plus inquiétants, pour voir

la Fonction publique devenir le lieu privilégié de toutes sortes

de mauvaises manoeuvres, si elle ne se trouve pas déjà être

rongée par le népotisme.

Il a été question aussi de la politique autoritaire et

centralisatrice du pouvoir central; la multiplication des postes

ministériels, dont certains se trouvent sans portefeuille ou

ayant des attributions souvent imprécises; la mauvaise

coordination des actions des services publics; le manque d'une

planification rationnellement conçue et exécutée.

Et enfin, l'adoption des constitutions étrangères avec leurs

institutions qui n'ont jamais servi le pays, et l'institution de

parti unique dont on connaît les abus, au lieu d'instituer et

d'organiser la concertation et la discussion au sein de l'Etat,

comme il s'est toujours passé dans leurs sociétés

traditionnelles.

Dans la deuxième partie, il a été question donc des

transformations nécessaires du rOle des organes politiques de

l'Etat, de la structure de son administration et de leur

adaptation aux situations des pays africains; de la coordination

interministérielle; de la régionalisation et de la concertation

entre l'appareil de l'Etat et son environnement qui doit être ré-

organisé. Ces transformations sont nécessaires dans la mesure où


3

l'Etat veut assumer dans ces pays le rôle-moteur qui doit être le

sein en cette matière de planification du développement, pour

disposer une administration solide, bien organisée et adaptée à

ce rôle.

En effet, entre autres avantages sur le plan d'organisation,

la coordination des divers organismes administratifs de l'Etat

qui fait défaut dans ces pays est nécessaire pour la réussite des

programmes de développement; c'est pourquoi l'on a procédé à un

arrangement structurel de l'appareil exécutif de l'Etat en vue de

cette coordination.

Et si l'action planificatrice de l'Etat doit être aussi une

action de développement régional, il faudrait déconcentrer la

structure de l'Etat; car la planification du développement exige

la mise en rapport structurée des principaux acteurs

administratifs impliqués au niveau national, régional et local,

entre eux et avec leur environnement. Ce qui veut dire que si la

planification nationale de développement doit se faire au sommet

il faudrait qu'elle se fasse avec les apports des divers éléments

des collectivités locales de l'ensemble du territoire, apports

fournis par les services extérieurs d'une part et les populations

d'autre part, qui auront tous â participer, à leur niveau, à

l'élaboration du plan national.

Quand â l'exécution des tranches régionale de programmes

nationaux, il faudrait que les pouvoirs d'exécution soient

décentralisés et la délégation de l'autorité soit aussi basse que

possible tant au niveau des services centraux que celui des

services extérieurs implantés dans les collectivités locales. Au

sens large, l'administration publique doit être assez générale

pour couvrir tous les problèmes qu'elle doit traiter, ce qui ne

saurait se faire dans la centralisation. Et la décentralisation

qui doit se faire, doit s'accompagner de la délégation de


4

l'autorité qui aide la responsabilité à atteindre le meilleur

résultat.

Faut-il rappeler lâ que si bien des plans et programmes ont

tourné court dans les pays africains, c'est qu'il n'y a pas

justement cette décentralisation des pouvoirs d'exécution et de

délégation de l'autorité nécessaire au niveau des collectivités

locales. Et la centralisation administrative comme on le sait

étouffe les initiatives et instaure un système d'irresponsabilité

des agents du développement.

Pour ce qui est de la participation des populations aux

programmes de développement qui est une autre condition de leur

réussite, on a dit qu'elle dépend avant tout d'un état d'esprit

et d'un climat d'intégration que l'on se doit de créer. Et les

moyens les plus indiqués sont la création des coopératives, des

associations socio-professionnelles, des conseils locaux dans les

collectivités, qui seront les partenaires organisés de l'Etat

dans l'élaboration et l'exécution de ses politiques. C'est de

cette façon qu'en pourrait intéresser et faire participer les

populations à ses affaires; ce qui serait encore un meilleur

moyen de conscientiser les populations qui, non seulement ne se

trouveront plus étrangères à leurs propres affaires de même qu'à

leur conduite, mais aussi un moyen de dynamiser leur volonté de

contribution.

Rappelons toutefois que dans l'organisation administrative

des pays africains des Conseils généraux ont été prévus mais qui

n'ont jamais fonctionné, car victimes de cette centralisation

bien connue du pouvoir central et qui n'ont existé que dans les

textes de lois. En tout état de cause, les populations

africaines qui sont restées trop longtemps en marge de la

conduite de leurs affaires, doivent y participer et les meilleurs

moyens pour ce faire seront les Conseils locaux qui doivent

fonctionner, de même que les coopératives et les associations


5

qu'on doit créer au niveau de chaque collectivité; et au besoin

les aider financièrement et matériellement, ces corps, une fois

constitués, seront une fois encore les meilleurs partenaires de

l'Etat.

Quant à la concertation entre l'Etat et ses partenaires

constitués, elle n'entraîne pas une transformation de l'Etat en

un vaste système de co-gouvernement, mais de permettre la

participation des corps intermédiaires (conseils locaux,

coopératives et associations) au développement national, c'est

aussi par la concertation que le peuple fait son éducation

politique tout en prenant conscience par lui-même de son sort en

participant à la conduite de ses affaires à tous les niveaux.

Enfin, pour terminer, on rappelera que souvent on explique

les causes de la pauvreté ou du sous-développement des pays

africains par le fait qu'ils ont été maintenus dans un état

d'oppression coloniale ou par insuffisance de capital ou encore

par manque de cadres. Ces explications semblent quelque peu trop

faciles étant donné l'irrationnalité dans le rOle et la structure

de leurs administrations. On ne peut parler là de développement

si l'on a pas une administration adaptée à sa situation. De même

qu'on ne peut aussi parler de manque de capitaux ou de cadres

s'il y a mauvaise gestion des investissements et mauvaise

utilisation des cadres.

Ici, la véritable cause de l'état de pauvreté des pays

excolonisês, c'est de ne pas savoir se libérer de leurs anciennes

structures qui ne se changent pas en plus de cette conception

obsessionnelle à vouloir se développer comme les pays de l'Europe

ou de l'Amérique, au lieu de la conception du développement à

partir des communautés de base ou rurales.

On remarquera que les dirigeants qui continueront à demander

que les habitudes ne soient pas changées au sein de leurs

administrations d'aujourd'hui ou à les défendre, ou encore à


trouver les chemins pour contourner les ré-organisations qui

s'imposent dans leurs pays - nécessaires pour prendre un nouveau

souffle en vue d'un développement harmonieux - condamnent non

seulement leurs pays à la situation peu enviable de sous-

dêvelcppêe, mais aussi à cette autre situation chronique

d'instabilité générale.

Vous aimerez peut-être aussi