Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
ET ENTREPRISES NATIONALES
1
THÉMIS
COLLECTION DIRIGÉE PAR M A U R I C E D U V E R G E R
� D R O I T
JEAN-MARIE AUBY
Président de l'Université de Bordeaux I
ROBERT DUCOS-ADER
Professeur aux Universités de Bordeaux I
et Paris-Sud
P R E S S E S UNIVERSITAIRES D E F R A N C E
INTRODUCTION 13
PREMIÈRE PARTIE
TITRE PREMIER
LES NOTIONS D E SERVICE P U B L I C
ET D'ENTREPRISE PUBLIQUE
TITRE II
LES MODES D E GESTION DES SERVICES PUBLICS
THÉORIE GÉNÉRALE
DES SERVICES PUBLICS
ET DES ENTREPRISES PUBLIQUES
§ 1. LA JURISPRUDENCE
Comme il a été déjà indiqué, la jurisprudence du XIXE siècle
a employé de bonne heure l'expression « service public ». Cepen-
dant, ce n'est qu'à une certaine époque qu'elle a fait du service
public une notion juridique en y attachant des conséquences
juridiques précises, savoir l'application d'un certain régime.
Du reste, pendant cette même période, la jurisprudence n'a
pas dégagé de manière très nette le critère permettant de
reconnaître le service public.
Le point de départ de cette jurisprudence doit être recher-
ché (abstraction faite de quelques décisions annonciatrices)
dans le célèbre arrêt Blanco, rendu par le tribunal des conflits
le 8 février 1873.
L'espèce soumise au tribunal était la suivante :
La jeune Agnès Blanco, qui travaillait à la Manufacture de Tabacs de
Bordeaux, avait été blessée par un wagonnet appartenant à cette Manufac-
ture de l'Etat. Son père avait introduit une action en indemnité devant le
tribunal civil de Bordeaux sur le fondement de l'article 1382 du Code civil,
à savoir contre les ouvriers responsables de l'accident et l'Etat civilement
responsable de ceux-ci.
La cour de Bordeaux ayant rejeté, le 17 juillet 1872, le déclinatoire de
compétence qui lui avait été présenté, un arrêté de conflit intervint.
Le Tribunal des conflits allait valider l'arrêté de conflit par deux consi-
dérants essentiels :
« Considérant que la responsabilité qui peut incomber à l'Etat pour
les dommages aux particuliers par le fait des personnes qu'il emploie dans le
service public ne peut être régie par les principes qui sont établis dans le
Code civil pour les rapports de particulier à particulier ;
« Que cette responsabilité n'est ni générale, ni absolue ; qu'elle a ses
règles spéciales qui varient suivant les besoins du service et la nécessité de
concilier les droits de l'Etat avec les droits privés. »
Dans ses conclusions (D., 1873.III. 1 ; S., 1873.11.153), le commissaire
du gouvernement, David, tout en continuant à employer les notions tradi-
tionnelles (Etat personne publique et Etat personne civile), dégagea cepen-
dant assez clairement la théorie de service public, en montrant à propos de
la responsabilité que le service public, activité administrative d'intérêt
général, appelait un régime juridique spécifique et ne pouvait être soumis aux
règles du Code civil.
LA NOTION ACTUELLE
DE SERVICE PUBLIC
SECTION I . — L e s e r v i c e p u b l i c d a n s l ' a c t i v i t é
des p e r s o n n e s publiques
I l e n r é s u l t e q u e les a c t i v i t é s des p e r s o n n e s p u b l i q u e s , q u i
ne c o m p o r t e n t pas u n e finalité d ' i n t é r ê t général, ne c o n s t i t u e n t
pas des services publics.
Il en va du reste assez rarement ainsi, car l'administration agit normale-
ment dans l'intérêt général.
La jurisprudence offre comme exemple les courses de chevaux (C.E.,
30 octobre 1953, Bossuyt, R. 466, R.D.P., 1954.178, note Waline ; T.C.,
10 juillet 1956, Sociétés des Steeple Chase de France, R. 587 ; 8 janvier 1958,
ministre des Travaux publics, A.J.D.A., 1958. I I . 5 4 , concl. Long, ou le
transport par un véhicule communal des membres d'une association sportive
(T. Adm. Lille, 11 mai 1955, D., 1956.462). Elle donnait jadis la même
solution pour les théâtres appartenant à une personne publique (jusqu'à
l'arrêt du C.E., 27 juillet 1923, Gheusi, R.D.P., 1923.560, concl. Mazerat).
Certains auteurs citent également l'activité des associations syndicales
de propriétaires, analyse traditionnelle (V.T.C., 9 décembre 1895, Association
du canal de Gignac, R. 731), mais erronée.
On verra plus loin que l'activité de certaines entreprises publiques
(Renault, Charbonnages, etc.) ne constitue pas un service public.
De nombreux auteurs y font rentrer encore la gestion du domaine privé
qu'ils prétendent dépourvue de finalité d'intérêt général. Cette conception
paraît contestable (v. infra et Auby, Contribution à l'étude du domaine
privé de l'administration, E.D.C.E., 1958, p. 35) ; cette gestion peut être
considérée comme un service public.
On notera du reste que la jurisprudence entend très largement la notion
d'intérêt général (v. concl. Kahn, A.J.D.A., 1971.153 ; v. aussi sur l'idée
d'utilité publique « absolue » les observations de G. Liet-Veaux, Rev. adm.,
1963.461). Au reste, les cas où les personnes publiques agissent dans un but
qui n'est pas d'intérêt général sont fort limités.
B ) L ' o b j e t de l ' a c t i v i t é
§ 1. GÉNÉRALITÉS
1° Le régime du service public, régime juridique applicable
au service public, semble devoir être la conséquence de la qualité
de service public reconnue à une activité. En réalité, cette idée,
sans être fausse, se révèle, comme on le verra un peu plus loin,
incomplète.
En quel sens peut-on parler d'un régime du service public ?
A quel régime juridique correspond la qualification de service
public ?
Il est bien évident qu'il n'existe pas un régime juridique
commun à tous les services publics (comme l'avait prétendu
l'École du service public, v. supra). Des différences profondes
séparent à cet égard les services et, notamment, les services
publics à gestion publique et les services publics à gestion
privée obéissent à des règles non seulement dissemblables mais
presque opposées.
Existe-t-il, cependant, entre les régimes applicables aux
différents services un fonds commun, un dénominateur com-
mun ? Il paraît difficile de ne pas l'admettre, et pourtant la
détermination de ce régime commun du service public est des
plus difficiles.
Selon une certaine conception, le régime du service public est un régime
juridique exorbitant du droit commun, réduit à quelques règles, qui s'ap-
pliquerait dans tous les services, complété par des règles variables. Il est,
cependant, difficile de dégager le contenu de ce régime minimum.
D'autres auteurs (Latournerie) voient dans le régime du service public
un régime mixte, fait à doses variables, du droit public et du droit privé.
Cette conception, qui peut paraître acceptable, n'aboutit cependant qu'à
un résultat assez mince.
20 A v a n t d ' é t u d i e r les p r i n c i p e s d u s e r v i c e p u b l i c , il c o n v i e n t
d ' i n d i q u e r q u e le r é g i m e d u service p u b l i c n ' e s t p a s u n i q u e m e n t
la c o n s é q u e n c e de l a q u a l i t é d e service p u b l i c .
Le régime d u service public a p p a r a î t d ' a b o r d parfois c o m m e
l a c a u s e de l a q u a l i f i c a t i o n de service p u b l i c . E n e f f e t , le j u g e ,
p o u r r e c h e r c h e r si u n e a c t i v i t é c o n s t i t u e u n s e r v i c e p u b l i c ,
p e u t t r o u v e r d e s i n d i c e s d a n s l e s r è g l e s a p p l i c a b l e s à ce s e r v i c e
e t n o t a m m e n t d a n s les t e x t e s q u i l e s r é g i s s e n t ( v . s u p r a e t
Leclercq, L a mission d u service public, D., 1966.13). A cet
é g a r d , p a r c o n s é q u e n t , l a d é m a r c h e se t r o u v e i n v e r s é e : c ' e s t
la considération d u régime qui sert à déterminer la qualité du
service public.
La considération du régime n'est pas uniquement la cause déterminante
de la qualification du service public : elle peut en être la cause finale. Le juge
qualifie une activité service public pour qu'elle soit soumise à un régime du
service public.
C'est là, semble-t-il, le mécanisme intellectuel qui a joué à propos de la
jurisprudence sur lecc service public virtuel» (v. supra). Telle est, sans doute,
également l'explication de l'arrêt Bertin (20 avril 1956, R. 167, D., 1956.433,
note Laubadère ; R.D.P., 1956.864, note Waline, concl. Long). L'activité
d'un particulier assurant l'hébergement de ressortissants soviétiques a été
déclarée service public pour que soit applicable un régime de droit public.
L a g é n é r a l i t é d ' a p p l i c a t i o n d e ces p r i n c i p e s a é t é p r o c l a m é e
p a r l a j u r i s p r u d e n c e e t n o t a m m e n t d a n s le c a s o ù le s e r v i c e
est accompli p a r u n e p e r s o n n e privée : on voit alors l ' a u t o r i t é
a d m i n i s t r a t i v e u t i l i s e r ses p o u v o i r s p o u r i m p o s e r l e u r r e s p e c t
d a n s les l i m i t e s de l ' a c t i v i t é de service p u b l i c de l ' e n t r e p r i s e
privée.
1975. — Imprimerie des Presses Universitaires de France. — Vendôme (France)
É D I T . N° 33 808 IMPRIMÉ EN FRANCE IMP. N° 24 688
Participant d’une démarche de transmission de fictions ou de savoirs rendus difficiles d’accès
par le temps, cette édition numérique redonne vie à une œuvre existant jusqu’alors uniquement
sur un support imprimé, conformément à la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012
relative à l’exploitation des Livres Indisponibles du XXe siècle.
Cette édition numérique a été réalisée à partir d’un support physique parfois ancien conservé au
sein des collections de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal.
Elle peut donc reproduire, au-delà du texte lui-même, des éléments propres à l’exemplaire
qui a servi à la numérisation.
Cette édition numérique a été fabriquée par la société FeniXX au format PDF.
*
La société FeniXX diffuse cette édition numérique en accord avec l’éditeur du livre original,
qui dispose d’une licence exclusive confiée par la Sofia
‒ Société Française des Intérêts des Auteurs de l’Écrit ‒
dans le cadre de la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012.