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18 octobre 2019
Populations du monde : espaces, dynamiques et migrations

Bonjour à toutes et à tous,

Je vous remercie, encore une fois, de bien vouloir participer à ce cours aujourd’hui.
Vendredi dernier, j’ai présenté le cas d’étude de l’ejido de La Quemada au Mexique
Central. Maintenant, je vous présente le cas d’une communauté indigène, aussi dans le
Mexique central, mais cette fois dans l’état du Michoacán. Montrer la carte du Mexique
avec Guanajuato y Michoacán.

Pour reprendre le cours de vendredi dernier, je tiens à vous rappeler que l’ejido et la
communauté indigène sont des régimes d’exploitation collective nés de la réforme
agraire postrévolutionnaire des années 30. Changer de diapo

En terme général, la différence entre l’ejido et la communauté indigène est que la


communauté n’est décrétée que dans des centres de population indigène qui sont
historiquement et ethniquement régis par leurs usages et coutumes.

L’ejido est plutôt une société d’intérêt social intégrée par des paysans qui acquiert le
droit au patrimoine social par le fait d’avoir la nationalité mexicaine. Donc, nous
voyons ici que la principale différence entre les deux régimes, est que la communauté
est forcément rattachée à une ethnicité, alors que l’ejido ne l’est pas. Changer de diapo

Après la révolution mexicaine de 1910, la Constitution mexicaine décrétée en 1917


reconnait, selon son 2ème article, que : changer de diapo

« Une communauté faisant partie d’un peuple indigène, qui forme une unité sociale,
économique et culturelle, établie dans un territoire et qui reconnait ses propres autorités
conformément à ses propres usages et coutumes [au droit de] décider de ses formes
internes de cohabitation et d’organisation social, économique, politique et culturelle ».
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La loi reconnait et doit garantir, désormais, le droit des peuples et communautés


indigènes à la libre détermination et autonomie qui expriment le mieux des situations et
aspirations de chaque communauté. Gardez ces éléments juridiques en tête tout au long
de la présentation. C’est important.

Durant la dernière séance, je vous avais demandé, si vous connaissiez les trois
temporalités proposées par le modèle géohistorique de Fernand Braudel qu’il a proposé
dans sa thèse sur la Méditerranée publié en 1949. Changer la diapo

Braudel a proposé d’étudier la géohistoire en plans étagées : dans une longue, moyenne
et courte durée. Changer la diapo

Ici une petite parenthèse, je vous conseille de lire Braudel pour mieux comprendre
l’intime et indissociable relation entre le temps et l’espace, la Géographie et l’histoire.

Souvenez-vous que la dernière fois nous avons parlé de la structuration du territoire de


La Quemada dans un temps de moyenne durée, c’est-à-dire, d’un temps séculaire, tout
au long du XXe siècle. Changer de diapo

Pour le cas de la communauté indigène de Cherán, nous allons plutôt faire une révision
évènementielle, c’est à dire, de courte durée, à l’échelle d’un an [2011], ce qui va nous
permettre de percevoir l’histoire à l’échelle du vécu, « une histoire encore brulante »,
selon Braudel, d’acteurs et de personnages qui défendent leur territoire. S’ils perdent
leurs espoirs, ils se remettent debout et ils changent de stratégie. Je vous propose ainsi
un petit exposée d’évènements qui remonte à 2011. Changer de diapo

Mais d’abord, je vais décrire quelques aspects géographiques et historiques de la


communauté de Cherán. C’est une communauté indigène et paysanne qui se trouve sur
le haut-plateau Purépecha, une région de l’état du Michoacán entourée de volcans et de
montagnes. Changer la diapo
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D’ailleurs, les purépechas sont un peuple indigène du Mexique central, principalement


établi dans l’état du Michoacán. Voici le jour des morts á Tzintzuntzan (changer de
diapo), la diversité de maïs dans la région (changer de diapo), la danse des pépères
qu’on apprend á l’école (changer de diapo), l’île de Janitzio (changer de diapo), le
volcan le plus jeune d’Amérique, le volcan du Paricutín né en 1943.

D’un point de vue historique, l’empire purépecha est reconnu pour sa résistance et
inimitié face au régime de l’empire aztèque, dont je vous avais un peu parlé la dernière
fois. Changer de diapo.

Les purépechas parlent la langue purépecha, une langue isolée qui ne garde aucune
relation linguistique ni avec le nahuatl, langue des aztèques ni avec d’autres langues
parlées au Mexique.

D’ailleurs, mon prénom Itzi est un nom d’origine purépecha signifiant eau ou encore
goutte d’eau. On estime que 141 mil personnes parlent de la langue purépecha dans le
pays à l’heure actuelle.

Concernant les purépechas il y a vraiment tout un monde à explorer, j’aurais même pu


ne vous parler que des aspects historiques ou ethniques de ce peuple tout au long de
cette session. Je vais juste vous signaler que si l’un de vous va au Mexique pendant la
Toussaint, ou même à n’importe quelle saison, la visite de la région purépecha est
vraiment quelque chose voir.

Passons maintenant au cœur de cet exposé : la communauté de Cherán et l’évènement


qui a marqué le début de leur autonomie politique. Voici un échantillon de toute
l’attention médiatique qu’a reçu cette commune. Mostrar diapo de suivi mediatique
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La communauté indigène de Cherán a une population d’environ 15 mil 734 habitants


(mostrar diapo habitantes) et se trouve à 2,400 mètres d’altitude et était entouré, il y a
quelques années par 20 mil hectares de forêt de montagne mixte de pins et de chênes
(mostrar imagen de satélite ; agregar polígono)

Cette forêt fait partie du territoire de la communauté indigène. Hors, il existe un


problème très sévère, dans toute la région du Michoacán, de déforestation illégale qui
est dirigée par les cartels du crime organisé qui est, à son tour, infiltrée dans
l’administration des différents niveaux de gouvernement.

Pendant plusieurs années, l’exploitation illégale de la forêt s’est faite pendant la nuit et
éloignée du village de la commune, une stratégie pour voler « discrètement » les
ressources. Les années ont passé, le bois s’est épuisé, et les déboiseurs avaient la
bassesse de descendre de la montagne avec des camions chargées de troncs sous les
yeux des habitants de la commune.

Ces groupes de bandits étaient fortement armées et pendant plusieurs années personne
n’a osé leur faire face, car en plus la population s’en doutait bien que la mairie
collaborait avec les cartels. S’il n’y avait pas de vraie autorité pour les défendre, auprès
de qui porter plainte ? Ou à quoi bon porter plainte ?

Mais le jour est arrivé où le vase a débordé, le groupe de délinquants a altéré la zone où
se trouvait la source d’eau qui fournissait la commune en eau potable. Vous savez ce
qui arrive aux sols dépourvus de végétation dans des terrains en pente ? Ils sont
gravement atteints par l’érosion, et, du coup, la qualité de l’eau n’est plus bonne.
Changer la diapo

Á environ 8 heures du matin, le vendredi 15 avril 2011, la communauté de Cherán,


dirigée par un groupe de femmes, a crié : Assez ! Changer de diapo
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Toute la communauté est sortie dans la rue, enfants, adultes, tous, et ils ont bloqué les
camions chargés de bois provenant de leur forêt. Ils ont brulée quelques véhicules et ils
ont finalement arrêté quatre o cinq déboiseurs. Changer diapo

Le maire, une fois prévenu de cette émeute, est arrivé escorté de la police municipale et
de sicaires du crime organisé. La police et le crime organisé ont tiré plusieurs jours sur
la population, massacrant au total cinq membres de la communauté, et faisant
disparaitre 10 autres.

Face à toute cette violence et ce climat d’insécurité, Cherán s’est soulevé. Cambiar
diapo

Ils ne pouvaient, de toute façon, plus revenir en arrière, les dés étaient jetés. La
communauté s’est protégée et a construit des barricades avec des pneus, des pierres, des
véhicules et des bâtons. Cambiar diapo

Elle a bloqué ses entrées et ses sorties, plus personne ne pouvait rentrer, ni sortir, c’était
décidé. La communauté a mis en place un système de survaillance, les habitants chacun
leur tour, 24 sur 24. La nuit, les habitants allumait le feu, las fogatas. Le phénomène
des fogatas est extrêmement intéressant. Changer la diapo

Environ 60 fogatas étaient la responsabilité des voisins de la commune. Les flammes


ont attiré et réuni les habitants et, petit à petit, ils se sont rassurés grâce á la chaleur du
feu et au rassemblement.

Les fogatas sont devenues l’espace de la convivialité et de la solidarité communautaire,


de la rencontre des voisins. C’était le lieu du partage : il y avait toujours de quoi
manger, de quoi se réchauffer, de quoi se faire entendre, discuter et mettre en place des
idées et des stratégies pour la défense du territoire.
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De ces fogatas est né, d’ailleurs, le nom de la radio communautaire : Radio Fogata
101.7 FM (colocar link).

C’est à la lumière des fogatas que la communauté longtemps divisée par les partis
politiques, s’est regroupée. Ce regroupement a ravivé l’organisation et la cohésion
sociale. Ce recul introspectif allumé par la discussion leur a fait comprendre qu’en fait,
ils avaient été manipulés par les institutions politiques, qu’ils s’étaient disputés non pas
pour des idéaux, mais pour des couleurs, la couleur du parti, mais surtout, qu’ils
s’étaient éloignés pour défendre les intérêts de certaines personnes qui ne leur
apportaient rien. Le comble pour les habitants a été que lorsqu’ils ont demandé de l’aide
au gouvernement du Michoacán et au gouvernement fédéral du Mexique pour contrôler
la déforestation, rien ne s’est passé, les camions continuaient à passer par d’autres
routes pour exploiter la forêt.

Quelle était donc l’étape suivante ? Changer de diapo.

Il fallait logiquement qu’ils se défassent des fonctionnaires de l’administration du


gouvernement à tous les niveaux et de leurs partis politiques. Mais comment faire ?

C’est dans ce contexte qu’une demande d’autonomie a pris forme. Cherán, cependant,
devait vite agir car les élections aller avoir lieu le 13 novembre 2011. Ils ont reçu
nombreuses visites des représentants des partis qui leur promettaient des accords, des
garanties, des solutions aux conflits, de la protection, comme d’habitude. Mais rien n’a
pu les faire changer d’avis : ils n’allaient pas participer aux élections.

Avant les élections de novembre, au mois de juin, les membres de la communauté ont
convenu, lors de l’assemblée générale, de ne pas participer ni de laisser installer des
bureaux de vote en territoire indigène de Cherán. Ils ont fait appel au droits
constitutionnels du Mexique et aux cadres juridiques internationales pour élire leurs
autorités à partir de systèmes normatifs propres et à partir de leurs « usages et
coutumes ».
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Souvenez-vous qu’en début de classe je vous ai demandé de garder les éléments


juridiques en tête pendant la présentation ? Eh bien, voilà ! La connaissance de la loi et
de ses droits ont été la clé pour que ce peuple purépecha gagne sa lutte contre les abus
du régime criminel.

Bien sûr, je vous ai un peu spoilé la fin, car je viens de dire que le peuple de Cherán a
fini par gagner sa lutte vers son autonomie. Mais avant d’avoir gagné, ils ont dû faire
face à de multiples démarches, de réponses négatives de l’Institut Electorale, de
blocages de la part des trois niveaux d’administration du gouvernement. Mais la
popularité que ces habitants avaient gagnée dans la presse, dans les médias en général,
les a aidés.

L’opinion populaire s’est solidarisée avec leurs pétitions et les magistrats des tribunaux
de justice n’ont pas eu d’autres choix que de résoudre l’affaire en faveur de la
communauté indigène de Cherán. Après tout, c’était l’application de la loi et de
l’ignorer n’était plus une solution puisque que tout le monde regardait dans cette
direction.

Afin de démocratiser le processus d’autonomie et de le de rendre plus transparent, les


tribunaux ont demandé à l’institut électorale de bien vouloir collaborer avec la
commune pour réaliser un référendum, pour ou contre le régime communautaire.

Le 18 décembre 2011, 4 mil 846 membres de la commune ont voté pour le régime
d’usages et coutumes, face á 8 membres qui ont voté contre. Le résultat de la
consultation était catégorique et la commune s’est fait entendre par la voie légale.

Dans son article : « Proceso de autonomía de Cherán. Movilizar el derecho », María del
Carmen Ventura Patiño, professeur au Colegio de Michoacán – petite parenthèse…
C’est le même collège qui a accueilli pendant longtemps le prix Nobel de littérature
français, Jean-Marie Le Clézio.
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Dans son article, Ventura Patiño expose les trois aspects à souligner de l’expérience de
Cherán : premièrement, elle souligne la capacité de la communauté pour s’organiser et
agir contre l’agression des cartels, un exemple qui reste très particulier et très ponctuelle
dans le contexte mexicain.

Deuxièmement, elle montre la capacité d’utiliser les ressources du Droit comme


stratégie politique et juridique pour se faire respecter. Le cas de Cherán est d’ailleurs le
précédent juridique pour que d’autres communautés indigènes au Mexique suivent ce
chemin.

Troisièmement, elle fait ressortir la capacité des habitants à structurer une forme de
gouvernement alterne reconnu et légitimé par la loi nationale.

La communauté indigène de Cheran est consciente des défis et des difficultés à venir :
pour maintenir une représentativité, par exemple, mais aussi pour rétablir leur territoire,
pour reboiser les forêts, éduquer leurs enfants dans les valeurs du collectif, de la
solidarité, mais aussi pour devenir de plus en plus autonome et résistants.

J’espère que ces deux cas d’étude, celui de Cherán et comme celui de La Quemada vous
auront inspirés, de la même façon qu’ils continuent à inspirer de nombreuses personnes
qui sont convaincus qu’un monde meilleur, un monde plus juste, plus inclusif, moins
individualiste, peut exister.

Je vous remercie de votre attention.

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