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18 octobre 2019
Populations du monde : espaces, dynamiques et migrations
Je vous remercie, encore une fois, de bien vouloir participer à ce cours aujourd’hui.
Vendredi dernier, j’ai présenté le cas d’étude de l’ejido de La Quemada au Mexique
Central. Maintenant, je vous présente le cas d’une communauté indigène, aussi dans le
Mexique central, mais cette fois dans l’état du Michoacán. Montrer la carte du Mexique
avec Guanajuato y Michoacán.
Pour reprendre le cours de vendredi dernier, je tiens à vous rappeler que l’ejido et la
communauté indigène sont des régimes d’exploitation collective nés de la réforme
agraire postrévolutionnaire des années 30. Changer de diapo
L’ejido est plutôt une société d’intérêt social intégrée par des paysans qui acquiert le
droit au patrimoine social par le fait d’avoir la nationalité mexicaine. Donc, nous
voyons ici que la principale différence entre les deux régimes, est que la communauté
est forcément rattachée à une ethnicité, alors que l’ejido ne l’est pas. Changer de diapo
« Une communauté faisant partie d’un peuple indigène, qui forme une unité sociale,
économique et culturelle, établie dans un territoire et qui reconnait ses propres autorités
conformément à ses propres usages et coutumes [au droit de] décider de ses formes
internes de cohabitation et d’organisation social, économique, politique et culturelle ».
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Durant la dernière séance, je vous avais demandé, si vous connaissiez les trois
temporalités proposées par le modèle géohistorique de Fernand Braudel qu’il a proposé
dans sa thèse sur la Méditerranée publié en 1949. Changer la diapo
Braudel a proposé d’étudier la géohistoire en plans étagées : dans une longue, moyenne
et courte durée. Changer la diapo
Ici une petite parenthèse, je vous conseille de lire Braudel pour mieux comprendre
l’intime et indissociable relation entre le temps et l’espace, la Géographie et l’histoire.
Pour le cas de la communauté indigène de Cherán, nous allons plutôt faire une révision
évènementielle, c’est à dire, de courte durée, à l’échelle d’un an [2011], ce qui va nous
permettre de percevoir l’histoire à l’échelle du vécu, « une histoire encore brulante »,
selon Braudel, d’acteurs et de personnages qui défendent leur territoire. S’ils perdent
leurs espoirs, ils se remettent debout et ils changent de stratégie. Je vous propose ainsi
un petit exposée d’évènements qui remonte à 2011. Changer de diapo
D’un point de vue historique, l’empire purépecha est reconnu pour sa résistance et
inimitié face au régime de l’empire aztèque, dont je vous avais un peu parlé la dernière
fois. Changer de diapo.
Les purépechas parlent la langue purépecha, une langue isolée qui ne garde aucune
relation linguistique ni avec le nahuatl, langue des aztèques ni avec d’autres langues
parlées au Mexique.
D’ailleurs, mon prénom Itzi est un nom d’origine purépecha signifiant eau ou encore
goutte d’eau. On estime que 141 mil personnes parlent de la langue purépecha dans le
pays à l’heure actuelle.
Pendant plusieurs années, l’exploitation illégale de la forêt s’est faite pendant la nuit et
éloignée du village de la commune, une stratégie pour voler « discrètement » les
ressources. Les années ont passé, le bois s’est épuisé, et les déboiseurs avaient la
bassesse de descendre de la montagne avec des camions chargées de troncs sous les
yeux des habitants de la commune.
Ces groupes de bandits étaient fortement armées et pendant plusieurs années personne
n’a osé leur faire face, car en plus la population s’en doutait bien que la mairie
collaborait avec les cartels. S’il n’y avait pas de vraie autorité pour les défendre, auprès
de qui porter plainte ? Ou à quoi bon porter plainte ?
Mais le jour est arrivé où le vase a débordé, le groupe de délinquants a altéré la zone où
se trouvait la source d’eau qui fournissait la commune en eau potable. Vous savez ce
qui arrive aux sols dépourvus de végétation dans des terrains en pente ? Ils sont
gravement atteints par l’érosion, et, du coup, la qualité de l’eau n’est plus bonne.
Changer la diapo
Toute la communauté est sortie dans la rue, enfants, adultes, tous, et ils ont bloqué les
camions chargés de bois provenant de leur forêt. Ils ont brulée quelques véhicules et ils
ont finalement arrêté quatre o cinq déboiseurs. Changer diapo
Le maire, une fois prévenu de cette émeute, est arrivé escorté de la police municipale et
de sicaires du crime organisé. La police et le crime organisé ont tiré plusieurs jours sur
la population, massacrant au total cinq membres de la communauté, et faisant
disparaitre 10 autres.
Face à toute cette violence et ce climat d’insécurité, Cherán s’est soulevé. Cambiar
diapo
Ils ne pouvaient, de toute façon, plus revenir en arrière, les dés étaient jetés. La
communauté s’est protégée et a construit des barricades avec des pneus, des pierres, des
véhicules et des bâtons. Cambiar diapo
Elle a bloqué ses entrées et ses sorties, plus personne ne pouvait rentrer, ni sortir, c’était
décidé. La communauté a mis en place un système de survaillance, les habitants chacun
leur tour, 24 sur 24. La nuit, les habitants allumait le feu, las fogatas. Le phénomène
des fogatas est extrêmement intéressant. Changer la diapo
De ces fogatas est né, d’ailleurs, le nom de la radio communautaire : Radio Fogata
101.7 FM (colocar link).
C’est à la lumière des fogatas que la communauté longtemps divisée par les partis
politiques, s’est regroupée. Ce regroupement a ravivé l’organisation et la cohésion
sociale. Ce recul introspectif allumé par la discussion leur a fait comprendre qu’en fait,
ils avaient été manipulés par les institutions politiques, qu’ils s’étaient disputés non pas
pour des idéaux, mais pour des couleurs, la couleur du parti, mais surtout, qu’ils
s’étaient éloignés pour défendre les intérêts de certaines personnes qui ne leur
apportaient rien. Le comble pour les habitants a été que lorsqu’ils ont demandé de l’aide
au gouvernement du Michoacán et au gouvernement fédéral du Mexique pour contrôler
la déforestation, rien ne s’est passé, les camions continuaient à passer par d’autres
routes pour exploiter la forêt.
C’est dans ce contexte qu’une demande d’autonomie a pris forme. Cherán, cependant,
devait vite agir car les élections aller avoir lieu le 13 novembre 2011. Ils ont reçu
nombreuses visites des représentants des partis qui leur promettaient des accords, des
garanties, des solutions aux conflits, de la protection, comme d’habitude. Mais rien n’a
pu les faire changer d’avis : ils n’allaient pas participer aux élections.
Avant les élections de novembre, au mois de juin, les membres de la communauté ont
convenu, lors de l’assemblée générale, de ne pas participer ni de laisser installer des
bureaux de vote en territoire indigène de Cherán. Ils ont fait appel au droits
constitutionnels du Mexique et aux cadres juridiques internationales pour élire leurs
autorités à partir de systèmes normatifs propres et à partir de leurs « usages et
coutumes ».
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Bien sûr, je vous ai un peu spoilé la fin, car je viens de dire que le peuple de Cherán a
fini par gagner sa lutte vers son autonomie. Mais avant d’avoir gagné, ils ont dû faire
face à de multiples démarches, de réponses négatives de l’Institut Electorale, de
blocages de la part des trois niveaux d’administration du gouvernement. Mais la
popularité que ces habitants avaient gagnée dans la presse, dans les médias en général,
les a aidés.
L’opinion populaire s’est solidarisée avec leurs pétitions et les magistrats des tribunaux
de justice n’ont pas eu d’autres choix que de résoudre l’affaire en faveur de la
communauté indigène de Cherán. Après tout, c’était l’application de la loi et de
l’ignorer n’était plus une solution puisque que tout le monde regardait dans cette
direction.
Le 18 décembre 2011, 4 mil 846 membres de la commune ont voté pour le régime
d’usages et coutumes, face á 8 membres qui ont voté contre. Le résultat de la
consultation était catégorique et la commune s’est fait entendre par la voie légale.
Dans son article : « Proceso de autonomía de Cherán. Movilizar el derecho », María del
Carmen Ventura Patiño, professeur au Colegio de Michoacán – petite parenthèse…
C’est le même collège qui a accueilli pendant longtemps le prix Nobel de littérature
français, Jean-Marie Le Clézio.
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Dans son article, Ventura Patiño expose les trois aspects à souligner de l’expérience de
Cherán : premièrement, elle souligne la capacité de la communauté pour s’organiser et
agir contre l’agression des cartels, un exemple qui reste très particulier et très ponctuelle
dans le contexte mexicain.
Troisièmement, elle fait ressortir la capacité des habitants à structurer une forme de
gouvernement alterne reconnu et légitimé par la loi nationale.
La communauté indigène de Cheran est consciente des défis et des difficultés à venir :
pour maintenir une représentativité, par exemple, mais aussi pour rétablir leur territoire,
pour reboiser les forêts, éduquer leurs enfants dans les valeurs du collectif, de la
solidarité, mais aussi pour devenir de plus en plus autonome et résistants.
J’espère que ces deux cas d’étude, celui de Cherán et comme celui de La Quemada vous
auront inspirés, de la même façon qu’ils continuent à inspirer de nombreuses personnes
qui sont convaincus qu’un monde meilleur, un monde plus juste, plus inclusif, moins
individualiste, peut exister.