Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Promotion 41
2015/2017
La protection judiciaire des terres collectives
2
La protection judiciaire des terres collectives
Sommaire :
Introduction :...................................................................................................... 5
Première partie : ............................................................................................... 15
La protection assurée par les tribunaux de droit commun ................................. 15
Chapitre premier : Les règles communes aux affaires civiles et pénales portant sur les terres
collectives .................................................................................................................................. 16
Section 1 : L’autorisation d’agir en justice, condition sine qua non pour la recevabilité
des actions portant sur les terres collectives : ...................................................................... 16
Section 2 : La preuve de la vocation collective : ................................................................. 22
Chapitre second : Les différents litiges soumis aux juridictions civiles et répressives ........ 28
3
La protection judiciaire des terres collectives
TABLES DES ABRÉVIATIONS
Al. Alinéa
Art. Article
C. P Code pénale
Ed. Edition
p. Page
4
La protection judiciaire des terres collectives
Introduction :
« Nous préconisons de s’atteler à la réforme du régime des terres collectives, et
apprécions l’ouverture d’un dialogue à cet effet, ainsi que l’exploitation et la capitalisation de
ses résultats et de ses retombées fondamentales. Le but recherché est de mettre à niveau les
terres soulaliyates et de faire en sorte qu’elles puissent apporter leur contribution à l’effort de
développement. Il s’agit, en outre, d’en faire un moyen d’intégration des ayant-droits dans cette
dynamique nationale, dans le cadre des principes de droit et de justice sociale, en dehors de
toute considération surannée. Nous appelons donc à des efforts concertés pour faire aboutir
l’opération d’appropriation au profit des ayant-droits et à titre gracieux, des terres collectives
situées à l’intérieur des périmètres d’irrigation. Nous engageons également toutes les parties
prenantes gouvernementales à accélérer l’apurement de la situation juridique des terres
collectives, en vue de créer un climat propice à l’intégration optimale de ces terres dans le
processus de développement économique et social du pays. Afin de répondre aux attentes
exprimées par les collectivités soulaliyates et les différents acteurs économiques et sociaux
pendant le Dialogue national sur les terres collectives, tenu en 2014, il est nécessaire de revoir
le cadre juridique et institutionnel y afférent et de simplifier les procédures pour assurer une
gestion plus efficiente de ce capital immobilier 1 ». Tel fût le message du souverain adressé aux
participants aux Assises nationales sur ‘’la politique foncière de l’Etat et son rôle dans le
développement économique et social’’, tenues à Skhirat. Un Message qui a fait de la réforme
du régime des terres collectives l’une des préoccupations majeurs de l’Etat, et a ainsi mis
l’accent sur la nécessité de revoir le cadre juridique et institutionnel y afférent et de simplifier
les procédures pour assurer une gestion efficiente de ce capital immobilier.
1
Extrait du message royal, dont lecture a été donnée par M. Abdeltif Menouni, Conseiller de SM le Roi à l’occasion
des Assises nationales sur ‘’la politique foncière de l’Etat et son rôle dans le développement économique et social’’
5
La protection judiciaire des terres collectives
Estimées aujourd’hui à près de 15 millions d’hectares 2, les terres collectives
représentent un important réservoir foncier et un enjeu économique de poids.
Les biens collectifs au Maroc sont essentiellement des terres rurales appartenant en
pleine propriété à titre collectif à des groupements ethniques c’est à dire à des tribus, des
fractions, des douars, au sein desquels les droits de chacun ne sont pas déterminés de façon fixe.
Le Dahir du 27/4/1919 est l’acte fondateur du statut des terres collectives. Selon cette
législation, les collectivités, dotées de la personnalité morale, sont propriétaires à titre collectif
d’un domaine qui peut être délimité et immatriculé. Les chefs de famille n’ont qu’un droit de
jouissance, qu’ils exercent selon les us et coutume de chaque région, sur une part de l’immeuble
collectif qui n’est ni localisée ni quantifiée. La législation de 1919 n’intervient que pour définir
les relations entre les collectivités et l’Etat, c’est- à-dire organiser le pouvoir de tutelle. Les
modes de gestion interne de la terre collective )règles de partage, d’accession à la terre,
d’organisation du parcellaire collectif) sont laissés à la discrétion des jemaâ.
2
La superficie totale des terres collectives se situe à près de 15 millions d’hectares dont près de 85% sont des
parcours exploités collectivement par les collectivistes. L’essentiel des superficies restantes est destiné à
l’agriculture.
6
La protection judiciaire des terres collectives
l'inaliénabilité de la propriété collective tout en laissant à l'Etat toute latitude pour acquérir la
propriété de terrains collectifs en vue de créer des périmètres de colonisation (colonisation
officielle). Et en échange des terres ainsi cédées, les membres des collectivités reçoivent
différentes formes d’indemnisations : des équipements, de l’argent ou encore des parcelles
équipées pour y construire une maison. Elles peuvent en outre, faire l’objet de contrat de
location et d’association agricole dans les conditions fixées par le Dahir les régissant.
Les terres collectives ainsi définies diffèrent des terres Guich, des terres appartenant
initialement à l’Etat mais qui a préféré se désister au profit de certaines tribus du droit de menfaa
ne gardant au final que le droit éminent de ces terres et ce en contrepartie du service militaire 3.
Une partie de ces terres dont le droit éminent reste acquis à l’Etat a été transformée en terre
collective, l’Etat ayant renoncé à son domaine éminent sur ces terres maghzen données en
jouissance à ces tribus Guich. Ces terres sont donc réparties en deux catégories : les terres
considérées comme propriété de l’Etat et dont la jouissance est concédée à des tribus guich et
sont soumises aux règles de gestion du domaine privé de l’Etat, et les terres dont la nue-
propriété a été cédée aux tribus guich qui sont régies par les règles de gestion des terres
collectives4. Enfin, on soulignera que le statut des terres Guich présente la caractéristique de
n’être régi par aucun texte spécifique5.
La tutelle des terres collectives est confiée au ministre de l’intérieur représenté par un
conseil de tutelle composé sous sa présidence ou celle de son délégué, du ministre de
l’agriculture ou son délégué, des directeurs des affaires politiques et des affaires administrative
du ministère de l’intérieur ou leur délégué, et de deux membres désignées par le ministre de
l’intérieur.
2015 ،ف ل ن ،" ئي ل ف ل ن ني ل ئهس - ن مه- ت يي: "م ك ل ل ل،ين
ح ن ل3
56
4
M’hammed DRYEF, « Urbanisation et droit de l’urbanisme au Maroc », édition La Porte, 1993, p. 96
لغ ف ا ي ب ل س اع ج " ق ء ع ي في ق نين ل ي ل غ بي م ي ب ف ق نين ل ي، م م بي5
155 2011 ل ني ل ب ل-ل يع ل مل ع ل " بل ي ل شي ل ل ي ل كم ا ي
7
La protection judiciaire des terres collectives
Par ailleurs, les groupements ethniques qui possèdent des biens ou des intérêts collectifs
ont qualité, dans les limites qu’impose à leur action l’exercice du droit de tutelle de l’Etat, pour
gérer les dits biens, engager ou soutenir en justice toutes les actions nécessaires à la sauvegarde
de leurs intérêts, recevoir toute sommes qui leur seraient dus et en donner bonne et valable
quittance. Ils doivent transférer leur pouvoir à telles personnes de leur choix dans les formes
authentiques usuelles. L’ensemble des personnes ainsi choisie, constitue l’assemblée des
délégués ou jemaat nouab. Cette assemblée désigne dans les mêmes conditions un ou deux de
ses membres pour représenter le groupement devant les tribunaux ou dans les autres actes
juridiques intéressant la vie collective.
Historique :
Le législateur, qui pensait n'avoir fait que consacrer une réalité coutumière, n'avait pas
précisé le détail du fonctionnement des collectivités, qui devaient être régies par les «anciens
usages » qu'elles avaient auparavant. Mais les pratiques des collectivités n'étaient pas
homogènes. Des droits contradictoires étaient invoqués au sein des groupements eux-mêmes.
De ce fait, la tutelle en arriva elle-même à défier des règles de fonctionnement du collectif, à
« fabriquer» en quelque sorte de la coutume ... En effet, si le Dahir du 27 avril 1919 est
véritablement l'acte fondateur de la «propriété collective », ce n'est qu'avec l'exercice de la
tutelle que sa spécificité va s'affirmer. Le Dahir n'avait fait qu'esquisser les contours et fixer le
cadre de la «terre collective »... La tutelle et les réactions des paysans, vont donner un contenu
à cette réalité nouvelle; nouvelle, quoiqu'issue d'anciennes pratiques rurales bien réelles.
Une circulaire du grand vizir, publiée au bulletin officiel du 1 ernovembre 1912, aux
gouverneurs, caïds et cadis organisant le contrôle des opérations immobilières. Dans une forme
8
La protection judiciaire des terres collectives
encore peu élaborée, cette circulaire contient en germe toutes les mesures importantes qui vont
être adoptées en matière foncière par la suite 6 et qui ont, pour la plupart, une orientation
préservatrice : le titre I arrête la liste des nombreux biens inaliénables (domaine public, habous,
terres des collectivités, forêts, guich, terres sans maître...) et précise les nombreuses conditions
auxquelles sont soumises les autorisations de vente du makhzen sur les terres n'appartenant à
aucune des catégories inaliénables. Le titre II précise les conditions imposables au x étrangers
candidats à l'achat d'une terre. Cette circulaire rangeait au nombre des biens dont l’aliénation
était subordonnée à une autorisation du gouvernement, les terres occupées par les tribus, et
décidait qu’elles restaient telles qu’elles étaient et continuaient d’être régies par les anciens
usages, sans pouvoirs être vendues ni partagées.
Le dahir du 21 novembre 1914 créant des djemââs de tribus donnait la mission à ces
djemââs de gérer les biens collectifs de la tribu ou de la fraction, bien qui demeuraient régis par
le Dahir, ces biens collectifs ne pouvaient en conséquence être aliénés qu’avec l’autorisation
du gouvernement.
Aujourd’hui, le texte en vigueur régissant les terres collectives est le Dahir du 27avril
1919 qui réglemente la gestion et l’administration des biens collectifs et organise la tutelle
administrative des collectivités. Ce texte a été modifié et complété par les Dahir en date du 23
6
En effet, les grands textes, qui vont être adoptés très rapidement, constituent, le plus souvent, de simples
développements des mesures arrêtées par cette circulaire : dahir du 1 décembre 1912 sur la reconnaissance et
l'évaluation des biens dits habûs; dahir du 12 août 1913 sur l'immatriculation des immeubles ; dahir du 1er juillet
1914, sur le domaine public; dahir du 7 juillet 1914 portant réglementation de la justice indigène et de la
transmission de la propriété immobilière; dahir du 3 août 1914, sur l'expropriation pour cause d'utilité publique et
l'occupation temporaire; dahir du 10 octobre 1917, sur la conservation et l'exploitation des forêts; dahir du 27 avril
1919 organisant la tutelle administrative des collectivités et réglementant la gestion et l'aliénation des biens
collectifs.
7
C'est bien sûr dans la législation que les intentions protectrices du pouvoir colonial s'inscrivent le plus nettement.
Le dahir du 7 juillet 1914 portant réglementation de la justice civile indigène et de la transmission de la propriété
immobilière reprend, pour l'essentiel, les dispositions de la circulaire inaugurale du 1er novembre 1912. La
protection y est fortement organisée. Sept catégories de biens, dont les terres de tribu, sont déclarées inaliénables.
Toute transaction sur la terre, quel que soit son statut, est soumise à une autorisation délivrée par le makh- zen par
une procédure complexe et lourde. Le cadi doit faire une enquête pour vérifier que les vendeurs sont bien
propriétaires au titre du chra'a et que l'immeuble en vente n'appartient à aucune des catégories de biens inaliénables.
Il doit recevoir, sur sa demande écrite, une réponse également écrite des autorités (au moins trois) ayant pouvoir
de certifier que le bien n'est pas inaliénable. Le cadi joue un rôle décisif, mais en cas d'incertitude sur le droit, il
peut consulter un 'alem ou un mufti, choisi sur une liste limitative affichée chez le cadi. Les intentions de l'autorité
coloniale sont donc doubles et ont un caractère bien plus politique qu'économique : soustraire les terres collectives
au marché et aux appétits des colons, mais aussi mettre les collectivités sous contrôle politique.
9
La protection judiciaire des terres collectives
aout 1919, 14 décembre 1920, 20 mai1924, 16 mars 1926, 4 février 1928, 19 octobre1937, 13
décembre 1941, 14 aout 1945, 22 janvier 1952, 28 juillet 1956, 6 février 1963.
Si le Dahir du 27 avril 1919 constitue le texte fondamental et de base régissant les terres
collectives, d’autres textes feront apparition quelques années plus tard. Il s’agit du Dahir du 18
février 1924 modifié par le Dahir du 19 octobre 1937 portant règlement spécial pour la
délimitation administrative et de l’arrêté viziriel du 14 aout 1945 réglementant la gestion des
biens collectifs ayant fait l’objet d’un partage en jouissance perpétuelle.
Un Dahir du 9/5/1959 avait édicté que toute concession perpétuelle de jouissance était
résiliée et que les contrats de location à long terme serait révisés 10.Un Dahir 11 du 19/03/1952
8
La concession du droit perpétuel de jouissance était un droit réel perpétuel, le concessionnaire doit verser chaque
année à la collectivité une rente foncière, dont le taux tout au moins pour les concessions consenties sous le dahir
de 1941, était révisable tous les dix ans. Le droit de la collectivité, titulaire de la rente foncière, et le droit du
concessionnaire du droit de jouissance, était inscrits sur les livres fonciers, comme droit réels distincts, et faisant
l’objet pour chacune des parties d’un duplicata spécial.
9
Paul Decroux, op.cit, p.466
10
Les réclamations provoquées par l’application de ces mesures ont du être portées par les intéressés devant une
commission qui a fait rapport au conseil de tutelle. En ce qui concerne ces contrats de location à long terme )c’est-
à-dire de 10ans), à défaut d’accord, le conseil de tutelle a pu décider soi la résiliation du contrat et le retour de
l’immeuble en pleine propriété à la collectivité, soit la substitution par voie d’avenant d’une location à court terme
avec possibilité de modifier le loyer.
11
Il apparait hautement désirable d’assurer la mise en valeur rationnelle des biens collectifs, tant pour accroitre les
revenus des collectivités et leur permettre ainsi d’améliorer leurs conditions de vie, que pour faire face aux besoins
croissants en produits agricoles et industriels qu’entraine l’augmentation rapide et constante de la population.
Or, le domaine collectif s’est révélé contenir non seulement des terrains pauvres à usage de parcours, mais aussi
des terres assez riches pour mériter d’être défrichées et mises en culture, des terres qui seront incluse dans les
périmètres d’irrigation qu’il conviendrait en outre de niveler et de drainer, des terres, situées dans des zones
urbaines ou suburbaine, dont l’utilisation à des fins agricoles n’est plus concevable, enfin des biens comme des
mines ou carrières qui ne peuvent êtres exploitées qu’a l’aide de fonds souvent supérieurs à leur propre valeur
foncière.
Ces fonds, indispensables pour arracher les terres à leur quasi-stérilité actuelle ne peuvent être trouvés qu’au moyen
d’aliénations partielles. Le présent Dahir a pour objet de déterminer les cas et modalités de ces alienation. » Tel
été l’exposé des motif du Dahir du joumada II 1370)19mars1951) réglementant la gestion et l’aliénation des biens
collectifs.
10
La protection judiciaire des terres collectives
avait règlementé l’aliénation des biens collectifs, des aliénations qui furent résiliées par le Dahir
du 30/6/196012.
Par la suite, on ne parlait plus de propriété collective mais de propriété indivise, puis
propriété privée à régime spécial. En Effet, les terres collectives situées dans le périmètre
d’irrigation ont disparu en tant que telles, depuis un Dahir 13 du 25juillet 1969 relatif aux terres
collectives situées dans les périmètres d'irrigation 14. Dès la publication de ce Dahir au bulletin
officiel, les terres collectives, situées en totalité ou en partie à l’intérieur des périmètres
d’irrigation, sont désormais considérées, non plus comme terres collectives, mais comme
appartenant dans l’indivision aux personnes qui à la dites dates avaient la qualité d’ayants droit.
L’analyse dans laquelle on se projettera est intéressante dans la mesure où l’on sera
amené à faire l’étude du texte fondateur du régime des terres collectives à la lumière de la
jurisprudence, un texte qui a abouti au maintien de formes incontestablement désuètes
d'organisation sociale, le maintien dans les campagnes marocaines d'une petite paysannerie
nombreuse et fortement enracinée sur des dizaines de milliers d'hectares.
On avait souvent dit que les terres collectives sont le statut malade de la terre marocaine
vu le nombre des affaires litigieuses exposées devant les tribunaux du royaume. Des litiges qui
concernent aussi bien le bien collectif que les collectivistes eux-mêmes. Aussi les tribunaux
12
Paul Decroux, op.cit, p.467
13
Il s’agit du Dahir n° 1-69-30 du 10 joumada I 1389 (25 juillet 1969) publié au Bulletin Officiel n° : 2960-
bis du 29/07/1969 et qui stipule dans son article premier que les dispositions de ce dahir sont applicables aux
terres collectives situées en totalité ou en partie à l'intérieur des périmètres d'irrigation et dans article second que
Dès la date de publication du présent dahir, les terres soumises à ses dispositions sont considérées comme
appartenant dans l'indivision aux personnes qui à ladite date ont la qualité d'ayant droit.
14
Exposé des motifs du dahir relatif aux terres collectives situées dans les périmètres d'irrigation: « La mise en
valeur et l'intensification des cultures et de l'élevage à l'intérieur des périmètres d'irrigation supposent des
exploitations et des exploitants soumis à un régime juridique leur assurant l'indispensable stabilité.
Or, le collectiviste, en fait, simple occupant de la terrie à titre précaire, ne bénéficie pas de la stabilité nécessaire à
une exploitation judicieuse et à l'équipement du lot qui lui est dévolu périodiquement.
De plus, le mode actuel de désignation des ayants droit ne peut que favoriser la multiplication des micro-
exploitations dont le format est incompatible avec une mise en valeur rationnelle.
Il importe donc de définir, dans les périmètres d'irrigation, les modalités selon lesquelles seront stabilisés des
immeubles collectifs appelés à devenir le support d'une mise en valeur intensive.
Dans ce but, ces immeubles seront considérés comme appartenant dans l'indivision aux ayants droit ayant celle
qualité à la date de la publication du présent dahir ; par ailleurs, un mode particulier de dévolution successorale
sera institué afin de ne pas augmenter le nombre des indivisaires.
11
La protection judiciaire des terres collectives
seront-ils amenés à juger des affaires pénales, civiles et administratives et contribueront ainsi à
travers leurs jugements à assurer une certaine protection, et par-là garantir la pérennité du statut
des terres collectives qui tendent peu à peu à disparaitre.
C’est justement une interrogation sur la décadence et la régression continue des terres
collectives qui est à l’origine de cette recherche. Une recherche qui se focalisera surtout sur
l’évolution de la jurisprudence et la contribution des juridictions civiles, répressives et
administratives dans le maintien du statut des biens collectifs.
En effet, ce texte ne définit pas avec précision les attributions de l’assemblée des
délégués, celles du conseil de tutelle et celles relevant des tribunaux. Ce qui a poussé le
ministère de l’intérieur en concertation avec le ministère de la justice, à publier des circulaires
afin de fixer définitivement des limites aux pouvoirs revenant aux organes de gestion,
d’administration et de tutelle institués par le Dahir de 1919, mais aussi à ceux des juridictions
du royaume relativement aux affaires relatives aux terres collectives. Il s’agit de la circulaire
interministérielle N° 8/62 du 12 mars 1962 qui répartit les compétences entre l’assemblée des
délègues, le conseil de tutelle et les tribunaux.
Selon cette circulaire, sont de la compétant de l’assemblée des délégués et du conseil de tutelle :
Premièrement : Les litiges nés entre les membres d’une même collectivité relativement à un
immeuble immatriculé au nom de la collectivité ou ayant fait l’objet d’un décret
d’homologation des opérations de la délimitation administrative.
Deuxièmes : Les litiges nés entre deux ou plusieurs collectivités propriétaires d’un immeuble
en indivision, immatriculé au nom de la de la collectivité ou ayant fait l’objet d’un décret
d’homologation des opérations de la délimitation administrative.
Troisièmement : Les litiges nés en entre la collectivité et un tiers prétendant avoir un droit de
jouissance sur une terre dont le caractère collectif ne fait l’objet d’aucune contestation.
Autrement dit, il s’agir ici des litiges nés entre la collectivité est un tiers qui prétend en être
12
La protection judiciaire des terres collectives
membre. En effet, l’appartenance ou non à une collectivité ethnique relève de la compétence
exclusive de l’assemblée des délégués 15.
Quant aux tribunaux, ils sont compétant pour connaitre :
Toutes affaires pénales ;
Les actions en revendication ;
Les litiges concernant les terres collectives qui n’ont pas encore été apurées ;
Les litiges nés entre une collectivité et un tiers étranger qui prétend être titulaire de droits sur
une terre n’ayant pas encore été apurée.
Problématique :
-Le Dahir de 1919 permet-il réellement au juge d’intervenir pour résoudre les
conflits liés aux terres collectives ?
-Quels sont les litiges auxquels sont confrontés les tribunaux relativement aux
terres collectives ? Et quels sont les apports de la jurisprudence en la matière ?
-Enfin, si l’on admet la contribution effective des juridictions dans la résolution des
conflits portant sur les terres collectives, quelle est l’étendue du pouvoir du juge et quelles
en sont les limites ?
Première partie : La protection assurée aux terres collectives par les tribunaux de droit
commun
15
En effet la circulaire N° 2977 du 13 Novembre 1957 reconnaît la qualité d’ayants-droit aux étrangers qui,
pendant 10 ans au moins, ont résidé au sein de la collectivité ethnique et ont eu les mêmes droits et les mêmes
charges que les chefs de familles originaires de la collectivité.
13
La protection judiciaire des terres collectives
Chapitre 1 : Les règles communes aux affaires civiles et pénales portant sur les terres
collectives
14
La protection judiciaire des terres collectives
Première partie :
15
La protection judiciaire des terres collectives
16
La protection judiciaire des terres collectives
parquet ? Que se passerait-il si l’autorité de tutelle refuse de délivrer une telle
autorisation ? Quel intérêt avait le législateur à imposer aux collectivités de se faire
délivrer une autorisation pour défendre ses propres intérêts ? N’a-t-on pas reconnu à la
collectivité la personnalité morale et la possibilité de se faire représenter par l’assemblée
des délégués ? Cette assemblée n’est-elle pas capable de défendre les intérêts la collectivité
sans ce recours obligatoire à l’autorité de tutelle ?
Si tout le monde s’accorde à dire que l’obligation faite aux collectivités d’obtenir
de leur tuteur une autorisation d’agir en justice avant d’intenter toutes actions visant à la
protection de leurs intérêts, est la consécration même du pouvoir de tutelle exercé par le
ministère de l’intérieur sur les terres collectives, la nature de cette autorisation et les cas où elle
doit être requise, n’ont pas toujours fait l’objet d’unanimité.
Pour certains auteurs, l’autorisation en justice est nécessaire que l’action soit
introduite devant les tribunaux civils, répressifs et même devant les juges de référés et se basent
pour conforter leur position sur un arrêt de la cour d’appel administrative de Rabat 16.
17
La protection judiciaire des terres collectives
actions personnelles. Et c’est dans ce sens que s’est prononcé la Cour de cassation 18 dans un
arrêt rendu en 2013, estimant que les actions tendant à la protection d’un droit personnel ne sont
pas conditionnées par la production d’une autorisation d’agir en justice.
نه " حيث ي يب م غي2012/1/1/2722 في ل ف ل ني قم2013/1/8 في م5/15 ل ض ع ج ء في ق ل18
1919 من ي5 ل ل م ي في سي ه ل حي ع ا ت ع أس س يم انه ب ي ع ت يل م ل عن ع ل
ل في ل ع ل صي ه ل يء ل لم ي من ل ع ب ل ي ي ص ل ضي ل ئب أ ضي ل
اغ مه ب ل لي ف ن ك من ف ل ع ل الي ه ي يم في ح ي ي ت ي نه ي ف في أ نه ل ب
ل ن بل ي ل ه ا ي ق بل ي ع ت فه ام ح ه ي لب ب ل أ ض ي ق به ي
.ق ئم ل ك ل ب لهل ع ل م ي ع ا ع ء به
ب ت يي ت ق ب ام ل ي1919 لك م ي ل ل ل مس من ي ح حيث صح م ع به ل عن ع ل
ص ن ئب أ ضي ل مه ش ش ي لي ت ع ي م ي ل لي ت مي ل ح ي ح ع في حين ل ع
."ع ض ل ض ل ع أس ل صي م ا ي من ل ع ل
س في س م2010/1/1/44 ل ف ل ني قم2011/10/18 في م4503 ج ء في ق ل س أع ع19
ل ي ل ء ل ي ي في ل ل ل يي م ن ل ل يظ ل ل ع ل ي في ض ء ن أب
5فيه لك نه ع ل ق ء ب ل ل ل نه " حيث صح م ع ب ه ل ع ع ل241 240 2015 9 ل ني ل
ا ي ل جب ت ع م ل فظ ع اما ل ي هي م ح عن فع ل ض ث ء ج ي ل ل ك ي
ل ي ص ع نه" ق ل لب من ي ل يظ ل37ل ل م ل ء ليي ل ت ف عن عن م ح ع
ع اش ب لك ت عي ل ل عن ت ضه ف ل ل ت ث ءج ي لع ل يظ ل
ت ق ا ف م ل م" في حين ت يل ل ف ع ل فظ ل ي ع اق ء ب ل يظ مع ع ل ل
"ا ي ن ي ع ا ب من ل صي كا ب ت ص ع " فع ه ل1919/4/27 م ي ل ل ل مس من ي
18
La protection judiciaire des terres collectives
Par ailleurs, la cour de cassation considère que le représentant سNaib- de la collectivité
qui, à l’occasion des oppositions formées par cette dernière, soutient que l’immeuble litigieux
n’est pas un bien collectif, comme ayant donné mainlevée de l’opposition et que cela nécessitait
également une autorisation du tuteur 20.
Enfin, il a été jugé que dans la mesure où la collectivité peut s’opposer à une réquisition
d’immatriculation sans autorisation de l’autorité de tutelle, le jugement prononcé à l’issu de ce
litige devrait lui été notifié à personne et que la notification faite à l’organe de tutelle demeure
son effet.21
Dans un premier temps, les tribunaux et plus précisément le ministère public, n’exigeait
pas des collectivités en cas de dépôt de plainte concernant leurs terres, la production de
l’autorisation d’agir en justice.
19
La protection judiciaire des terres collectives
C’est ainsi qu’en 2009, la cour de cassation a estimé qu’une telle autorisation n’était
pas nécessaire lorsque la collectivité décide de déposer une plainte auprès du ministère public. 22
Toutefois, la Cour de Cassation dans l’un de ses récents arrêts23 a fait de
l’autorisation d’agir en justice une condition sine qua non pour la recevabilité des poursuites et
a jugé que le tribunal répressif devrait s’assurer de la qualité du représentant de la collectivité
et du fait qu’il dispose ou non de l’autorisation d’agir en justice.
Dans le même sens, la cour de cassation dans un arrêt 24 rendu en 2015 a estimé que
l’autorisation d’ester en justice délivrée par le tuteur est une condition qui relève de l’ordre
public, dans une affaire pénale où elle avait jugé que même lorsque la collectivité dispose d’une
autorisation d’ester en justice, celle-ci devrait être produite au nom du délégué et non au nom
de son avocat.
20
La protection judiciaire des terres collectives
Un arrêt qui dénote la rigueur et la rigidité dont fait preuve la Cour de Cassation
face aux litiges qui se rapportent au terres collectives, surtout lorsque l’on sait que la circulaire
interministérielle 8/62 qui fixe la compétence de l’assemblée des délégués, de l’autorité de
tutelle et des tribunaux en matière de règlement des litiges pouvant survenir relativement aux
terres collectives, précise que l’autorisation d’agir en justice n’est pas requise en cas d’urgence,
mais aussi qu’une autorisation délivrée à un avocat pour défendre les intérêts de la collectivité
vaut l’autorisation délivrée au nom du délégué de la collectivité 25.
C’est ainsi que dans une affaire portée devant le tribunal de Souk Larbaa, le délégué
d’une collectivité avait déposé une plainte pour atteinte à la possession, l’accusé a été poursuivi,
et au cours de l’instance, le représentant de la collectivité s’est constitué partie civile sans avoir
présenté l’autorisation d’agir en justice requise en vertu de l’article 5 du dahir de 1919. A l’issu
de ce procès, l’accusé a été déclaré coupable, mais l’action civile n’a pas abouti est a été
déclarée irrecevable. Le jugement 26 rendu par le tribunal a été confirmé par la cour d’appel.27
21
La protection judiciaire des terres collectives
autorisation délivrée par l’autorité de tutelle au moment du dépôt de la plainte, et que cela vaut
tant pour l’action publique que pour l’action civile.
En ce qui concerne, les plaintes avec constitution de partie civile introduites devant le
juge d’instruction, l’on s’est accordé à exiger la production de l’autorisation précitée29.
ي ق ك ل ب نه ا ل ل ع من حي لغي ن نت ل عن من جل ج ل ل ل ل فط
." اب ق ع ت ق ه ت يا ف س ع ض ه ل ض ل ف خ من لك ت ب ل فع ا ي ف ع
22
La protection judiciaire des terres collectives
En effet, l’initiation d’une procédure de délimitation ne suffit pas en elle-même pour
prouver que tel bien appartient à telle collectivité, étant donné que cette procédure peut faire
comme on le verra par la suite-, et tant qu’elleس l’objet de contestation par le biais d’oppositions
n’a pas été clôturée et couronnée par une décision d’homologation, elle ne pourra être opposable
aux tiers. D’autant plus que la collectivité ne pourrait se prévaloir ni des dispositions du dahir
du 27/4/1919 ni de celles du dahir du 18/2/1924 tant que la délimitation n’a pas fait l’objet
d’homologation31 .
Certaines juridictions avaient même jugeaient que le caractère collectif ne pourrait être
acquis qu’en vertu d’une décision d’homologation des opérations de la délimitation
administrative. Toutefois, la cour de cassation a estimé qu’aucune des dispositions de dahir du
18/2/1924 n’exigent qu’une telle procédure doit obligatoirement être suivie par collectivité pour
prouver la vocation collective de ses terres32.
23
La protection judiciaire des terres collectives
Par ailleurs, le juge statuant sur une affaire portant sur les terres collectives devrait
indiquer les éléments sur lesquels il s’est basé pour déduire le caractère collectif de l’immeuble
afin de permettre à la cour de cassation d’exercer son contrôle sur les décisions attaquées 33.
Pour ce faire, le juge dispose de larges pouvoirs et pourrait user de tous moyens d’instruction
pour s’assurer de la vocation collective de tel ou tel bien. C’est ainsi que la preuve testimoniale
a été admise34. Il en va de même pour les présomptions 35.
La Cour de cassation dans l’un de ses arrêts a même précisé que les juges devraient se
déplacer et se rendre sur les lieux afin de s’assurer du caractère collectif des terres litigieuses, 36
24
La protection judiciaire des terres collectives
et ce conformément aux dispositions des articles 34 et 43 du Dahir du 12/08/1913, tel qu’il a
été modifié et complété par la loi 14/07.
Dans un autre arrêt, la cour de cassation a posé certaines directives qui aideront le juge
à connaitre la nature de l’immeuble objet du litige sur la base de certains critères tels que
l’exploitation collective de la terre, et ce quel que soit sa superficie, et peu importe si elle
entourée d’immeubles appartenant à des particuliers.37
La haute juridiction a même annulé les décisions de certains tribunaux qui ne se sont
pas assurés lors des enquêtes effectuées de la manière dont l’immeuble litigieux a été exploité
et de l’usage auquel il a été destiné 38.
Il se peut aussi que la collectivité puisse prouver que tel immeuble lui appartient au
moyen d’un acte adoulaire attestant de la possession paisible et continue. Alors que certaines
juridictions écartaient de tels actes lorsqu’ils ne respectaient pas les conditions requises par
l’article 240 du code des droits réels -comme on le verra par la suite-, la cour de cassation elle, 39
25
La protection judiciaire des terres collectives
a estimé qu’il suffirait que les témoins y attestent que le terrain est exploité de façon collective,
et au tribunal dans ce cas, de s’assurer du caractère collectif de l’immeuble conformément aux
dispositions de l’article 43 du Dahir du 12/08/1913. De plus, l’appartenance des témoins à la
collectivité n’influe pas sur la force et la valeur de l’acte adoulaire dans la mesure où leurs
témoignages profitent à la collectivité exclusivement 40.
Mais qu’adviendrait-il des terres dont la vocation collective n’a pu être établie et dont
une collectivité prétend être propriétaire, si une décision d’immatriculation venait à être
prononcée au profit d’un tiers ?
L’immatriculation foncière annule tout titre et purge tous les droits antérieurs qui ne
seraient pas mentionnés sur le titre foncier. En effet, une fois établi, ce titre constitue le point
de départ des droits réels à l’exclusion de tous autres droits non-inscrits. Autrement dit, il fait
26
La protection judiciaire des terres collectives
table rase de passé, dès lors que ce passé n’a pas été retenu par le conservateur de la propriété
foncière. Il constitue un titre juridique nouveau qui se suffit à lui-même et qui ne se rattache à
aucun passé juridique. Cet effet de purge est nécessaire pour apurer l’immeuble « le faire
repartir à zéro » et le soumettre ainsi au nouveau régime des livres fonciers sans attache avec
un passé aboli 42. Il est donc affranchi de toutes les prétentions juridiques dont il pouvait l’objet
antérieurement 43.
La question que l’on pourrait se poser est la suivante : cet effet de purge est-il opposable
aux collectivités ethniques propriétaires des terres collectives jugées comme «imprescriptibles,
inaliénables et insaisissables » ? Les droits de ces collectivités peuvent-il être lésés par l’effet
de l’immatriculation prononcée au profit d’un tiers ? Peut-on dire qu’en raison de leur
imprescriptibilité, les terres collectives sont « en dehors et au-dessus de l’immatriculation
foncière » ?
Si la réponse parait claire pour un certain nombre de biens tels que le domaine public 44
ou les habous publics45, il en est autrement pour les terres collectives. En effet, si les auteurs 46
s’accordent à faire des terres collectives une exception à l’effet de purge et au caractère définitif
du titre foncier résultant d’une décision d’immatriculation, la cour de cassation, elle, voit les
42
Paul DECROUX, op.cit, p102,103
43
Didier MARTIN, « Droit commercial et bancaire marocain », la société d’édition et de diffusion Al
Madariss, 4ème édition, 2010, p.18
44
En effet, le domaine public ne peut être atteint par une décision d’immatriculation prononcée au profit
d’un tiers, il subsiste et n’est pas « purgé », même s’il a été attribué au requérant, celui-ci n’en devient
pas propriétaire. Cette situation spéciale, reconnue au domaine public, dans la procédure de
l’immatriculation a été déduite par la jurisprudence des deux principes fondamentaux qui caractérise le
domaine public, à savoir son inaliénabilité et son imprescriptibilité, il ne peut être atteint par
l’immatriculation prononcée au profit d’un tiers, les droits s du domaine public ne peuvent être lésés par
une immatriculation, malgré la transformation légale du régime juridique qui en découle.
م،ف ل ن ، ئي ل ف ل ن ني ل س، 39-08 قم ل ي ي فق ل ن ل، يس ل خ46
18 ، 2014 ، ل ف ل ي ل ب
ل،ء لي ل ل ي ل م،ل ض ءم ق في ض ء ل يع ل ل يظ ل، ك ع
م ي ي480 ، 2014 ا ل
27
La protection judiciaire des terres collectives
choses sous un autre angle et ne les considère pas comme une exception 47, bien au contraire, le
titre foncier établi au profit d’un particulier demeure opposable aux terres collectives, qui ne
sont donc pas placées hors des atteintes de l’immatriculation.
L’on pense que cet arrêt va à l’encontre de la protection voulue pour les terres
collectives, une protection qui profite aux biens habous qui, autrefois trouvait sa source dans la
jurisprudence marocaine, mais qui aujourd’hui se trouve consacrée par l’article54 du code des
habous48. En effet, selon cet article, dès lors que le « caractère habous » de l’immeuble
immatriculé en cause est établi en vertu d’un jugement ayant acquis la force de la chose jugée,
l’immatriculation dudit immeuble au profit d’un tiers requérant ne peut purger les droits que
détient l’administration des habous sur cet immeuble. Le conservateur de la propriété foncière
procèdera à la radiation de tous les droits inscrits sur le titre foncier qui sera désormais au nom
de l’administration des habous.
28
La protection judiciaire des terres collectives
celles ayant trait aux partages en jouissance, à la distribution des parcelles attribuées aux
collectivistes, ou à la question d’appartenance à la collectivité.
Les litiges soumis aux tribunaux civils sont nombreux. Nous nous limiterons à ceux nés
à l’occasion de la délimitation administrative (A), de la conclusion de certains contrats portant
sur les terres collectives (B) et aux actions réelles immobilières (C). Quant aux affaires pénales,
les atteintes à la possession (A) et au principe d’inaliénabilité des terres collectives (B)
constituent les infractions auxquelles les tribunaux répressifs sont le plus souvent confrontés.
La délimitation administrative est une procédure spéciale calquée sur celle du domaine
privé de l’Etat telle quelle a été décrite par le Dahir du 03/01/1916. Il s’agit d’une procédure
qui ne concerne que les terres dont la superficie dépasse 500hectars, celles dont la superficie
est moindre, sont soumises à la procédure d’immatriculation ordinaire telle qu’elle a été prévue
par le Dahir du 12/08/1913 complété et modifié par la loi 14/07.
Son but est de fixer d’une manière irrévocable la consistance matérielle et l’état
juridique de l’immeuble délimité, de mettre fin de ou de prévenir les conflits qui peuvent naitre
entre collectivistes, voir entre les collectivités, et ainsi de préserver la paix sociale. La
délimitation permet aussi à l’Etat de connaitre le sort des terres collectives en suivant de près
les opérations dont elles peuvent faire l’objet. Pour les tribunaux, cette procédure constitue un
moyen de preuve attestant le caractère collectif des terres qui y sont soumises, mais c’est aussi
une procédure qui donnera lieu à grand nombre de litiges particulièrement lors de la phase
judiciaire. Aussi, nous parait-il judicieux de décrire le déroulement de cette procédure avant
d’en étudier les incidents à l’occasion desquelles le juge civil intervient.
1 : La phase administrative :
*Les personnes habilitées à initier la procédure de délimitation administrative :
Les immeubles présumés collectifs, pourront, à la requête du tuteur des collectivités, et les
djemaas consultées, faire l’objet de délimitation ayant pour but d’en fixer la consistance
matérielle et l’état juridique.
29
La protection judiciaire des terres collectives
Ce décret interviendra sur une requête de l’autorité de tutelle précisant, pour chaque immeuble,
le nom de la collectivité propriétaire, et faisant connaitre, à titre de simple indication, son
emplacement, ses limites, le nom sous lequel l’immeuble est connu, les riverains, les enclaves
et s’il y a lieu, les charges ou droits réels qui paraissent le grever.
*Publicité préalable : La date d’ouverture des opérations est portée, un mois à l’avance,
à la connaissance du public par voie de publication et d’affiches en français et en arabe.
A cet effet, le décret ainsi que la requête de l’administration sont publiées au bulletin
officiel, un mois avant la date des opérations de délimitation. Ils sont publiés par voie de criée
pendant tout le mois qui précède la délimitation, aux jours et heures les plus propices, dans les
villages et marchés, par les soins de l’autorité administrative du lieu.
Enfin, le décret et l’extrait de la requête sont, pendant le temps même, affichés dans l’endroit
le plus apparent des locaux :
30
La protection judiciaire des terres collectives
*La fin de la procédure de délimitation administrative : L’homologation est
prononcée par un décret insérée au bulletin officiel. Ce décret ne peut intervenir qu’au vu d’un
certificat délivré par le conservateur de la propriété foncière et attestant :
La question que l’on pourrait se poser relativement au décret d’homologation étape qui
marque par évidence la clôture des opérations de la délimitation administrative est : est-ce que
ce décret peut faire l’objet de recours en cas de non-respect des règles et formalités prévues par
le dahir de 1924 ?
Une réponse par l’affirmative s’impose, dans la mesure où il s’agirait d’un acte
administratif émanant d’une autorité administrative, et qui influe sur la situation juridique des
partie et pourrait donc de ce fait faire l’objet d’un recours en annulation pour excès de pouvoir
qui induirait la nullité de toute la procédure de délimitation administrative.
31
La protection judiciaire des terres collectives
d’homologation des opérations de la délimitation administrative même si les conditions visées
à l’article 8 ont été respectées50.
En effet, l’immatriculation des terres ayant fait l’objet de décrets d’homologation, peut
être prononcée à la requête du tuteur des collectivités, après simple récolement du bornage et
levé du plan foncier de l’immeuble par le service de la conservation foncière. Mais si la
délimitation vise à fixer d’une manière irrévocable la consistance matérielle et l’état juridique
de l’immeuble délimité, quel rôle faut-il reconnaitre à l’immatriculation ultérieure de terrains
préalablement délimités ? L’on s’est accordé à reconnaitre à la décision d’immatriculation
consécutive à une procédure administrative de délimitation, un caractère déclaratif 51.
2 : La phase judiciaire
Toute personne qui prétend avoir un droit privatif sur une terre collective en voie de
délimitation administrative, doit faire opposition à cette délimitation, dans un délai de six mois
à compter de l’insertion au bulletin officiel de l’avis de dépôt du procès- verbal de délimitation.
En effet, l’article 5 du Dahir du 18/2/1924 précise que toute personne qui conteste les
limites de la surface faisant l’objet de la délimitation, ou prétendant avoir un droit sur les terres
délimitées, peut s’opposer sur le terrain même, devant la commission chargée des opérations
de la délimitation, ou entre les mains du représentant de l’autorité locale, et dispose d’un délai
de six mois à compter de la publication au bulletin officiel du dépôt du procès-verbal de
délimitation auprès du représentant de l’autorité locale et à la conservation foncière.
L’opposition se fait moyennant une déclaration écrite indiquant l’objet et les moyens
d’opposition. Lorsque la déclaration est verbale, il en est obligatoirement dressé un procès-
verbal par l’autorité qui la reçoit. A l’expiration du délai de six mois après l’insertion au bulletin
officiel de la date du dépôt du procès-verbal, aucune opposition ni revendication ne peut être
admise, et les opérations de délimitation deviennent définitives.
32
La protection judiciaire des terres collectives
Il conviendra de souligner que l’opposition formée à l’occasion de la procédure de
délimitation administrative ne pourra produire effet qu’ à charge pour l’opposant dans les trois
mois qui suivent l’expiration du délai imparti pour les oppositions, de déposer une réquisition
d’immatriculation confirmative d’opposition, et que faute par l’opposant de ce faire, il sera
déchu de tout droit sur la surface délimitée, sous réserve des droits qu’a pu lui reconnaitre le
conseil de tutelle par un avenant au procès-verbal de la commission constatant une modification
de la délimitation primitive.
Nous pensons que le formalisme et les délais imposés par le législateur pour la
recevabilité des oppositions, pourront priver grand nombre de personnes des droits qu’ils
détiennent sur les surfaces délimitées, surtout lorsque l’on sait que les frais des réquisitions
confirmatives d’opposition sont à la charge de l’opposant.
Par ailleurs, on soulignera que le législateur est resté silencieux quant à la procédure
dont seront instruites les réquisitions confirmatives d’opposition. Seront-elles soumises à une
procédure particulière ou à celle prévue par le Dahir du 12/08/1913 ? Peuvent-elles faire l’objet
d’oppositions52 ? Et dans l’affirmative, quel lien y’aurait-il entre la collectivité bénéficiaire de
la délimitation administrative et le nouvel opposant ? Quels sont les pouvoirs dont dispose le
conservateur de la propriété foncière face aux réquisitions confirmatives d’opposition ?
Peuvent-elles faire l’objet d’annulation ou de rejet à l’instar des réquisitions ordinaires ou
doivent-elles obligatoirement être transmises au tribunal sans que le conservateur ait à vérifier
les pièces produites à l’appui de ces réquisitions ?
Aucune réponse à ces questions n’a été donnée par le législateur dans le Dahir du
18/2/1924. Toutefois, la circulaire n 381 du 8/12/2010 publiée par l’agence nationale de la
conservation foncière a mis l’accent sur un certain nombre de points extrêmement importants :
33
La protection judiciaire des terres collectives
réquisitions ordinaires. Selon cette circulaire, rien ne justifierait que ces réquisitions soient
immunisées contre d’éventuelles oppositions, surtout lorsque l’on sait qu’aucun texte ne prévoit
l’exclusion ou l’irrecevabilité de ces oppositions sur des réquisitions confirmatives
d’opposition.
Enfin, cette circulaire a mis l’accent sur la manière dont les tribunaux devraient traiter
des oppositions sur des réquisitions confirmatives, et a formulé un principe qui régira cette
relation triangulaire سentre collectivité bénéficiaire de la délimitation administrative, et les
éventuels opposants-, un principe selon lequel « les oppositions formées contre une réquisition
confirmative d’opposition ne peuvent produire effet à l’encontre du bénéficiaire de la
délimitation administrative ». Ce qui parait logique, car accepter qu’une telle opposition
produise effet contre la collectivité, constituera une échappatoire pour les personnes qui n’ont
pas eu l’occasion de s’opposer dans les délais prescrits par le Dahir de 1924.
34
La protection judiciaire des terres collectives
des partie. En effet, l’opposant à la délimitation d’une terre collective, qui formalise cette
opposition par le dépôt d’une réquisition d’immatriculation relative à la parcelle revendiquée,
à la qualité de demandeur et doit apporter la preuve de son droit de propriété, alors qu’en
principe, un requérant dans la procédure d’immatriculation est défendeur en cas d’opposition.
La collectivité bénéficiaire de la délimitation administrative quant à elle, acquiert la qualité de
partie défenderesse, et n’a donc pas la charge de la preuve. Ce qui a été consacré par la cour de
cassation dans l’un de ses arrêts en 2008 54.
Comme on l’a dit plus haut, l’opposant doit, conformément à l’article 5 du Dahir de
1919, s’opposer sur le terrain même, devant la commission chargée des opérations de la
délimitation, ou entre les mains du représentant de l’autorité locale, et dispose d’un délai de six
mois à compter de la publication au bulletin officiel du dépôt du procès-verbal de délimitation
auprès du représentant de l’autorité locale et à la conservation foncière. Faute par l’opposant de
ce faire, il sera déchu de tout droit sur la surface délimitée 55.
35
La protection judiciaire des terres collectives
conformément aux indications prévues par l’article 37 du dahir de l’immatriculation. Le juge
statuera ainsi sur l’existence, la nature et l’étendue des droits de l’opposant considéré comme
demandeur, et usera pour ce faire des règles du Fikh. La collectivité, qui dans cette situation, a
qualité de partie défenderesse n’aura pas a apporté la preuve de ses droits, sauf si le tribunal
estime plausibles les pièces produites à l’appui de l’opposition. Dans ce cas, la charge de preuve
incombera à la collectivité.
Deuxième situation : l’opposition formée par la collectivité contre un tiers ayant requis
l’immatriculation d’un bien déterminé
36
La protection judiciaire des terres collectives
très convaincant puisque l’imprescriptibilité ne pourrait s’attacher qu’aux terres dont le
caractère collectif est certain, et que dont la mesure ou l’immeuble n’a pas été immatriculé ou
au moins délimité, la collectivité ne peut se prévaloir des dispositions du Dahir de 1919
prévoyant que les terres collective sont imprescriptible !
Par ailleurs, à supposer que la procédure de délimitation administrative ait été initiée par
la collectivité, avant qu’elle ne s’oppose contre une réquisition d’immatriculation au profit d’un
tiers, cela n’entrainerait certainement pas un renversement de la charge de preuve, la collectivité
conservera la qualité d’opposant et devra appuyer son opposition des pièces prouvant les droits
qu’elle revendique, du moment que la date d’ouverture de la procédure de délimitation est
ultérieure à celle du dépôt de la réquisition par un tiers et que cette procédure n’a pas encore
été clôturée. 60
37
La protection judiciaire des terres collectives
Dans le même sens, la cour d’appel de Meknès61 avait estimé non fondée l’opposition
formée par une collectivité prétendant être bénéficiaire d’une décision de délimitation qu’elle
n’avait pas produite au cours du procès.
B : Les litiges nés à l’occasion de certains contrats portant sur les terres collectives :
Si les terres collectives sont imprescriptibles, inaliénables et insaisissables, elles peuvent
néanmoins faire l’objet d’un certain nombre de contrats. En effet, l’article 6 du dahir du
27/04/1919 énonce que, les collectivités peuvent, avec l’autorisation du tuteur, passer de gré à
gré des contrats d’association agricole et des baux d’une durée n’excédant pas trois années. Ces
baux ou contrats doivent être constatés par écrit. Ils ne peuvent être renouvelés sans
l’approbation expresse du tuteur.
C’est ainsi que la Cour de cassation 62 a eu l’occasion de se prononcer sur le sort d’un
contrat de bail ne respectant pas les conditions requises par l’article précité. En effet, dans cette
38
La protection judiciaire des terres collectives
affaire, les représentants de la collectivité avaient conclu un contrat de location sans l’accord
de cette dernière, ni même celui de la de l’autorité de tutelle. Le tribunal a estimé que ce contrat
était inopposable à la collectivité et a ordonné l’expulsion des locataires.
Quant aux actes portant partage des terres collectives, la doctrine et la jurisprudence
n’admettent pas la possibilité de telles opérations. En effet, si ces terres sont passibles de partage
en jouissance, elles ne peuvent faire l’objet d’un partage en nature 63 qui aboutira à
l’appropriation privative de chaque parcelle, ce qui serait contraire à l’esprit du dahir de 1919.
Il n’en demeure pas moins que le Dahir de 1969 offre la possibilité d’un partage des
terres collectives situées dans le périmètre d’irrigation par le biais d’opérations de lotissement
qui ne peuvent aboutir à la création de lots d’une superficie inférieure à 5ha.
Par ailleurs, l’on s’interrogera sur la valeur et le sort des actes établis par les tiers sur les
terres collectives. Les tribunaux du royaume se sont accordés sur l’idée que ces actes sont
dépourvus de toute valeur vue les principes régissant les terres collectives à savoir :
inaliénabilité, insaisissabilité et imprescriptibilité. Il en découle que tout acte portant aliénation
d’une terres collective au profit d’un tiers ou même d’un collectiviste sera annulé puisqu’il porte
sur un bien inaliénable. C’est ainsi que le tribunal de Tiznit 64 a eu l’occasion de se prononcer
sur la nullité d’un acte de vente portant sur un immeuble dont la vocation collective a été établie,
et a estimé qu’il s’agit d’une nullité absolue.
Et dans le même sens, la cour de cassation 65 a jugé sans valeur tout acte portant sur un
immeuble dont le caractère collectif a été établi.
39
La protection judiciaire des terres collectives
C : Les actions réelles immobilières :
Les actions réelles immobilières ayant pour objet des terres collectives sont ou bien des
actions en revendication ou des actions possessoires. Et lorsqu’elles sont introduites par la
collectivité, elles sont soumises à l’autorisation du tuteur comme on l’a dit plus haut.
*Principe 2 : On ne pourrait concevoir qu’une telle action puisse porter sur une terre
ayant fait l’objet d’une décision d’homologation des opérations de délimitation ou d’une
décision d’immatriculation.
Par ailleurs, les actions en revendication portées devant les tribunaux sont de deux
sortes :
40
La protection judiciaire des terres collectives
Parfois, il arrive que des personnes étrangères à la collectivité revendiquent un droit de
propriété sur un bien considéré comme collectif. L’action en revendication peut revêtir la forme
d’opposition comme on l’a vu plus haut, ou être tout simplement une action principale
introduite initialement devant le tribunal civil. C’est ainsi que la cour de cassation a rendu un
arrêt en 2015, dans une affaire ou le demandeur prétendait être propriétaire de la terre dont la
partie défenderesse s’est emparée, et revendiquait ainsi son droit de propriété. Le tribunal de
première instance s’est prononcé en faveur du demandeur et a ordonné l’expulsion de son
adversaire. Une décision qui a été cassée au motif que le tribunal s’est abstenu de se prononcer
sur un moyen de défense selon lequel l’immeuble litigieux serait un bien collectif 67.
Ces actions en revendications formées par des tiers peuvent également revêtir la forme
d’opposition. C’est ainsi que la cour de cassation a estimé que l’opposition formée par le
ministère des habous constituait une action en revendication, et lui a donné gain de cause au
motif qu’elle jouissait de la possession de l’immeuble alors que la collectivité ayant initié la
procédure de délimitation n’a pas apporté la preuve de son droit de propriété68.
41
La protection judiciaire des terres collectives
Il se peut aussi, à l’occasion d’une action introduite par un tiers, que la collectivité
soulève comme défense au fond que l’immeuble litigieux est un bien collectif. C’est ainsi qu’à
l’occasion d’une demande de partage introduite devant le tribunal, la partie défenderesse a
soulevé que l’immeuble objet de la demande est une terre collective mais le tribunal a tout
même ordonné le partage dudit bien. La cour de cassation quant à elle, a estimé que le tribunal
n’aurait dû statuer qu’après s’être assuré de l’éventuelle vocation collective 69.
Par ailleurs, on sait que le possesseur d’un bien immeuble est présumé en être le
propriétaire71, et de ce fait dispose de l’action possessoire qui constitue une garantie qui devrait
lui permettre de protéger sa possession toutes les fois que les conditions citées aux articles 166
à 17072 du code de procédure civile sont réunies.
42
La protection judiciaire des terres collectives
Toutefois, la cour de cassation avait une autre vision des choses en considérant qu’on
ne peut concevoir une action en réintégration telle qu’elle a été prévue par les dispositions du
code de la procédure civile puisque les terres collective sont régies par une législation spéciale
et que de ce se fait, ce sont ses dispositions qui seront applicables 73.
Cet arrêt a été critiqué par certains auteurs 74 qui estiment les dispositions des articles
166 et suivant du code de procédure civile sont applicables à tous les immeubles même
collectifs, et que rien ne justifie leur exclusion du champ d’application de ces dispositions dont
les termes doivent être interprétés dans un sens large. De plus, même si les collectivistes ne
disposent à l’égard de leurs terres que d’une « détention précaire » selon l’arrêt, rien n’empêche,
en cas de réunion des conditions de l’action possessoire telle qu’elle a été décrite par les articles
166 et suivant, que ces collectivistes jouissent de la même protection assurée par les dispositions
du code de la procédure civile. Et enfin, le même auteur pense qu’une action qui tendrait à la
protection de cette détention précaire ne va pas à l’encontre du principe selon lequel les terres
collectives seraient imprescriptibles, et que ça serait plutôt les actions qui tendrait à revendiquer
un droit de propriété qui sont prohibées.
C’est dans ce sens que la Cour de cassation dans un arrêt 75 rendu en 2014, a finalement
estimé que les dispositions du code de la procédure civile sont applicables aux terres collectives,
Article 170 : Dans le cas où le demandeur et le défendeur émettent l'un et l'autre des prétentions à la
possession réclamée et où tous deux rapportent la preuve de faits possessoires, le juge peut, soit les
maintenir concurremment en possession, soit établir un séquestre, soit donner la garde du bien
immobilier litigieux à l'une ou à l'autre des parties, à charge de rendre compte des fruits, le cas échéant.
43
La protection judiciaire des terres collectives
à l’occasion d’une affaire où la partie demanderesse à savoir la collectivité a introduit une action
possessoire dans le cadre des articles 166 et suivants contre un étranger à la collectivité ayant
cultivé près de 400 m du terrain litigieux.
C’est ainsi que les litiges portées devant les juridictions répressives relativement aux
terres collectives se résument généralement à :
1/Déposséder autrui d’une propriété immobilière. 77
ب م ء" م ل يع عي بين ل أ ضي ل ع لغي ل ع من حي "ج ي ن ش ي ل76
103 2016 س166 ل ء ل ن ع
77
Selon l’article 570 du C.P : Est puni de l'emprisonnement d'un à six mois et d'une amende de 120 à
500 dirhams, quiconque, par surprise ou fraude dépossède autrui d'une propriété immobilière. Si la
dépossession a eu lieu soit la nuit, soit avec menaces ou violences, soit à l'aide d'escalade ou d'effraction,
soit par plusieurs personnes, soit avec port d'arme apparente ou cachée par l'un ou plusieurs des auteurs,
l'emprisonnement est de trois mois à deux ans et l'amende de 120 à 750 dirhams.
44
La protection judiciaire des terres collectives
2/Disposer de biens inaliénables.78
3/Le droit de jouissance que le collectiviste détient doit lui avoir été consenti par la collectivité.
Le collectiviste, doit en effet apporter la preuve de cet octroi de jouissance soit par une
attestation délivrée par l’assemblée des délégués, ou par l’autorité locale sur avis du délégué,
ou par la comparution de ce dernier devant le tribunal répressif qui procédera à son audition 79.
La question qui a souvent été débattue est quelle est la législation applicable dans ce
genre de litiges ? Les tribunaux répressifs devraient-ils appliquer l’article 570 du code pénal ou
le dernier aliéna de l’article 4 du dahir du 27/4/1919 ?
78
Selon l’article 542 du C .P : Est puni des peine de l’escroquerie prévu à l’alinéa premier de l’article
540, quiconque de mauvaise foi :
1°Dispose des biens inaliénables …
A souligner que les peines prévues par l’article 540 sont d’un an à cinq ans de prison et d’une amande
de 500 à 5000 dirhams
ب ع أ ضي ل عي بين ل يع ل ء" م م ع من حي لغي ل "ج ي ن ش ي ل79
104 2016 س166 ل ء ل ن ع
ن ب اس ف ب ل ب " م من خا ل ل ل ئي ل في م له " ضي ل ل ق ع ل ح80
ن خ ص ب س،" اس ف ب ل ب م "ح ي ل ي ل ي من خا ق اس ف ب ل ب ت ت ع م
68 2013 ، ل ل،ل ئ ي لك
45
La protection judiciaire des terres collectives
Ce premier courant se base sur un arrêt de la Cour de Cassation datant de 2001 81 selon
lequel « Pour qu’il y ait délit de dépossession, une décision préalable de l’assemblée des
délégués ou du conseil de tutelle doit avoir été rendue relativement au partage en
jouissance entre collectivistes, et en cas d’opposition aux mesures prises pour l’exécution
de cette décision, ce serait les dispositions de l’article 4 du Dahir du 27/4/1919 tel qu’il a
été modifié par le Dahir 6/3/1953 du qui seront applicables et non celles de l’article 570
du code pénal ».
L’on pense comme certains auteurs 82, que cet arrêt n’écarte pas réellement l’application
des dispositions du code pénal, mais souligne que l’article 4 ne s’applique que lorsqu’une
décision de l’assemblée ou du conseil relativement aux partages en jouissance a été rendue, et
que l’un des collectivistes s’oppose aux mesures prises pour l’exécution de cette décision, et
que dans ce cas d’espèce ni l’article 570 ni l’article n’ont à être appliqués.
Dans un arrêt récent de la Cour de Cassation datant du 06/05/2015 83, pour que les
dispositions de l’article 4 prévalent sur celles de l’article 570 deux conditions doivent être
réunis : le conflit doit porter non seulement sur une terre collective, mais doit aussi être lié à un
partage en jouissance entre membres de la même collectivité.
ء" م جع س بق ل يع عي بين ل أ ضي ل ع لغي ل من حي ع ن "ج ي شي ل 82
106
ء في م ق ع م2014/6/6/15403 في ل ف ل ي2015/5/6 ب يخ882 ل ض ع ج ء في ق ل83
ح1919/4/27 ي م ي ي نه "حيث ي ي ل يق م ي442 2015 ام ي م79 ل ض ل م
غ ليس ف ط ل ل ا من ل ن ل ئي ت570 ع ل ل ه ل ل ل ل ل بع م ه ل يم ل ص ل
في ن ل ل ه ام غي ل بين ن س أع ئ من ت ك أ ع ت يع ان ن ي ب ي ب ل ل عي
ته ي ه أخي ت ب ي ه من جل اع ء ع حي ع نه ي ين من خا ج يع ث ئق ل ف ن اق من ش ي ل
ه ق ع تق ل ل أعا من ل ي ت ح ل ب ل ل ق تب ق ي من ه ل ق ف ل ل
". ت يا ف س م ي ان مه ع ض ه ب ل لي ل ض اب
46
La protection judiciaire des terres collectives
Pour d’autres auteurs84, aucune raison ne pourrait justifier que l’on écarte l’application
des dispositions du code pénal, en l’occurrence l’article 570, car il s’agirait de dispositions
d’une portée générale, dont les termes doivent entre entendus dans un sens large et qui visent
la protection de tous les immeubles, abstraction faite de leur origine, de leur nature, de leur
régime ou de leur statut foncier. Pour ces auteurs, il serait aberrant d’exclure les terres
collectives de la protection que le législateur a voulu leur assurer. D’autres auteurs 85, vont
même jusqu’à souligner qu’il n’existe aucun lien entre les dispositions de l’article 4 du Dahir
de 1919 et celles de l’article 570 du code pénal, et que chacun de ses deux articles a un champ
d’application différent. Un arrêt 86 de la cour de cassation est d’ailleurs parti dans ce sens.
La cour d’appel de Marrakech avait une autre vision sur cette question. En effet, selon
l’un de ses arrêts87, les dispositions de l’article 570 Du code pénal ne sont applicables que
lorsque le plaignant a déjà recouru au conseil de tutelle pour résoudre le conflit qui l’oppose à
47
La protection judiciaire des terres collectives
un autre membre de la collectivité et que ledit conseil ait ensuite rendu une décision
relativement à ce litige.
La Cour de Cassation quant à elle, qui dans un premier temps écartait l’application des
dispositions de code pénal en faveur des disposition du texte spécial à savoir le Dahir de 1919
s’est vite rattrapée en admettant désormais que l’on applique l’article 570 afin de ne pas exclure
les terres collective de la protection que pourrait leur assurer les dispositions pénales. 88
Le législateur marocain a posé un principe selon lequel les terres collectives seraient
inaliénable -mis à part au profit de l’Etat, des établissements publics, des collectivités locales
et des collectivités ethniques-.
48
La protection judiciaire des terres collectives
code pénal au cas où la collectivité disposerait des terres collectives au profit de personnes
autres que celles indiquées dans l’article 11 du Dahir de 1919. Ce qui à notre sens, parait
logique, dans la mesure où aucune des dispositions du texte spécial ne sanctionne le délit de
disposer de biens inaliénables que ce soit à titre onéreux (vente, échange…) ou gratuit )donation
ou donation aumônière). Le recours au code pénal reste l’issu unique pour assurer le respect du
principe de l’inaliénabilité des terres collectives.
Enfin, l’on n’oubliera pas de signaler que les terres collectives peuvent faire l’objet
d’autres infractions telles que le déplacement ou suppression des bornes ou toutes autres
marques plantées ou reconnues pour établir les limites entre différentes propriétés, sanctionné
par l’article 606 du code pénal. 90
49
La protection judiciaire des terres collectives
La deuxième partie :
50
La protection judiciaire des terres collectives
Seconde partie : La protection conférée par les juridictions
administratives
Cette deuxième partie sera consacrée au champ d’intervention du juge administratif
(chapitre 1) et aux manifestations de la protection conférée par ses soins (chapitre 2).
51
La protection judiciaire des terres collectives
L’assemblée des délégués a pour principale attribution le partage en jouissance, à titre
provisoire, entre les collectivistes, conformément aux usages et aux directives de la tutelle. Le
partage des terres collectives portant attribution à chacun des chefs de familles du groupement,
d’un droit perpétuel de jouissance 92, est également possible. Il y est procédé conformément aux
dispositions de l’arrêté viziriel du 14/08/1945.
L’assemblée des délégués est également chargée de veiller à l’exécution des décisions
prises par le conseil de tutelle et par elle-même. Elle peut, à cette fin, ordonner toutes mesures
nécessaires et, le cas échéant, demander l’intervention de l’autorité locale qui dispose de la
force publique.
Selon l’article 4 du Dahir de 1919, les décisions de l’assemblée des délégués relatives
aux partages en jouissance ne sont susceptibles d’aucun autre recours que devant le conseil de
tutelle, saisi par les intéressés eux-mêmes ou par l’autorité locale. Ce qui nous pousse à nous
interroger s’il n’était pas permis de recourir directement au tribunal administratif lorsque les
intérêts d’un membre de la collectivité ont été lésés suite à une décision de l’assemblée des
délégués.
Les tribunaux sont partagés entre ceux qui admettent un tel recours, tel est le cas pour
le tribunal d’Agadir 93 qui considéra les décisions émanant de l’assemblée des délégués comme
décisions administratives susceptibles de recours devant les juridictions administratives, et
ceux94 qui jugeaient que l’action était irrecevable car il fallait s’en tenir à la lettre du texte et
92
Selon l’article 4 du dahir de 1919 : Ce droit perpétuel de jouissance est imprescriptible, ne peut être
aliéné ou saisi qu’au profit de la collectivité elle-même. Les lots peuvent faire l’objet d’échange entre
attributaires, leur location ou leur mise en association entre attributaires exclusivement, pour une durée
maximale de deux années agricoles, est subordonnée à l’autorisation de l’assemblée des délégués.
52
La protection judiciaire des terres collectives
donc recourir en premier lieu au conseil de tutelle dont les décisions sont seules considérées
comme administratives, et partant susceptibles de recours devant le juge administratif.
Par ailleurs, le conseil de tutelle ayant souvent été assimilé par grand nombre d’auteurs
à un « second degré de juridiction », n’entrera donc dans le champ de sa compétence que les
conflits sur lesquels pourrait statuer l’assemblée des délégués 96.
53
La protection judiciaire des terres collectives
D’autres tribunaux, et dans le même sens, avaient estimé que les attributions97 dévolues
au conseil de tutelle étaient indiqué à titre limitatif et non indicatif 98.
Les attributions du conseil de tutelle varieront désormais selon la situation des terres
collectives :
Pour les terres situées à l’intérieur du périmètre d’irrigation : Le conseil n’est plus chargé
d’arbitrer les conflits liés aux partages en jouissance entre collectivistes, mais statuera sur les
litiges pouvant survenir à la suite de l’établissement de la liste des ayant droits par l’assemblée
97
1-Toute transaction intéressant une propriété collective, passée entre la collectivité intéressée et un
tiers opposant, doit être approuvé par le conseil de tutelle.
2-Dans le cas où la collectivité propriétaire et le conseil de tutelle sont d’accord sur le principe et les
conditions de ventes, un immeuble collectif peut être vendu de gré à gré à l’Etat a une commune, à un
établissement public ou à une collectivité ethnique.
3-Le conseil de tutelle doit examiner les projets ou les demandes qui lui sont soumis en considérant
exclusivement les risques et pertes de toute nature, les bénéfices qui pourront en résulter pour la
collectivité intéressée.
3-Il s’assurera que cette dernière possède des terres suffisantes pour son développement normal
Il tiendra compte, dans son appréciation, des avantages que les collectivistes retireraient de l’installation
d’établissement agricoles, industriels ou administratifs.
Il recourra, s’il y a lieu, à toutes les mesures d’information, et notamment il entendra, suivant les cas,
les représentants de tout service public intéressé, ceux de l’autorité locale, les délégués de la collectivité,
ainsi que toutes personnes qui manifesteraient l’intention d’être entendues.
4- Le conseil de tutelle décidera, dans chaque cas d’espèces, de l’utilisation à faire, au profit de la
collectivité, des capitaux provenant d’une cession de terres collectives ou des transactions.
Ils pourront, exceptionnellement, sur demande expresse de la collectivité et si le conseil de tutelle estime
que la situation le comporte, être répartis en totalité ou en partie, entre les chefs de familles de la
collectivité.
أ ته حي ل ي ي م جع2008/3/1/275 في ل ف ل ني ع2008/11/5 ب يخ3793 ل ض ع ج ء في ق ل98
ل ق ب يم اي1919 ب يل27 من ي4لك ل ل "حيث ت ين ص م ع ب ه ل سي ع ل104 س بق
م س ل ل ع ل ع اص ي ض ط ت بي ماك ل عي ت ي ي ي في ف ته ل ب ب … ب لك ف خ
ب ل يم ب ل ج عي بين ف ه ل ل ت قب ي كل ن ع س يل ل ل ص ي س ئي
في ل ع ي ك نت ل س ت ص فيه ب ل لي ل كم ل ي ب ل من اي ع م ل ل خ ج عن اخ
ض ع ل بت من ق ئع ل ي ل ل ج ق ئي خ ل ي ف م لم ي ي خ ص ب ص خ ي
ل ي هي م ض لع حي ت لا بين ن ا ل ل ل ب م م م ل ل عت ع ل ل ض ق
م خل كل م ع جه ل ء ب لك ف ل ع مل ل ل ل ع اص ي ب ل فين م ا ي ج عي
م س ب لك عن خ ت ل ع في بل ت يم ان في م م من ف ج ي ل بين ب لي ت
ب ن غي فيه ل ع ت ق ه في ه ل ل ل م ل ل ي ل ل ص ي ت من خ
به ل1919/4/27 من ي4ق خ قت ل ل ت ل م س ل صي ه ل ص ح ت ب م
"ل ي ف ض ه ب ل لي ل ض ل ين ب ع من167 166ل ين
54
La protection judiciaire des terres collectives
des délégués99 et à la désignation de l’héritier qui succédera à l’un des attributaires en cas de
décès.
L’on remarquera que les limites entre les attributions du conseil de tutelle et la
compétence des juridictions relativement aux litiges portant sur les terres collectives sont
souvent difficiles à tracer, surtout lorsque l’on sait que le législateur a reconnu que le conseil
était compétant pour statuer sur toutes difficultés pouvant survenir suite aux décisions de
partages sans précision sur la nature de ces difficultés. C’est ainsi que les tribunaux se trouvent
souvent contraints de fixer des limites aux pouvoirs du conseil 100 et parfois cherchent à se fixer
eux-mêmes des limites à leur propre compétence sans qu’ils ne réussissent toujours à faire la
bonne part des choses101.
99
En effet, l’assemblée des délégués de chaque groupement collectif intéressé devra établir la liste des
ayants droit. Cette liste devra être notifiée à l'autorité locale et à chaque ayant droit par le représentant
de la collectivité intéressée dans un délai de six mois à compter de la date de publication du présent
dahir. La liste ainsi établie ne peut faire l'objet de recours que devant le conseil de tutelle saisi par les
intéressés eux-mêmes ou par l'autorité locale dans un délai de trois mois à compter de la notification.
Elle sera ensuite homologuée par arrêté du ministre de l'intérieur publié au Bulletin officiel.
55
La protection judiciaire des terres collectives
Section 2 : Le fondement de l’intervention du juge administratif dans
la résolution des conflits liés aux terres collectives :
Les dispositions de l’article 12 du Dahir du 27/04/1919 édictent une règle selon laquelle
les décisions du conseil de tutelle n’ont pas à être motivées et ne sont susceptibles d’aucune
voie de recours.
En 1995, le tribunal administratif d’Agadir 102 a eu le mérite d’admettre que les décisions
du Conseil de tutelle puissent faire l’objet d’un recours en annulation pour excès de pouvoir.
Son jugement fut malheureusement cassé par la Cour suprême comme on le verra par la suite.
Les fondements sur lesquels se base l’intervention du juge de l’excès de pouvoir sont
tirés de la loi 41-90 portant création des tribunaux administratif, d’autres sont tirées de la
jurisprudence :
56
La protection judiciaire des terres collectives
A : Les fondements tirés de la loi :
-L’article 8 de la loi 41-90 103 dispose que : « Les tribunaux administratifs sont
compétents sous réserve des dispositions des articles 9 et 11 de la présente loi, pour juger, en
premier ressort, les recours en annulation pour excès de pouvoir formés contre les décisions des
autorités administratives104… »
-L’article 20 quant à lui dispose que : Une décision administrative est entachée d'excès
de pouvoir soit en raison de l'incompétence de l'autorité qui l'a prise, soit pour vice de forme,
détournement de pouvoir, défaut de motif ou violation de la loi. La personne à laquelle une telle
décision fait grief peut l'attaquer devant la juridiction administrative compétente.
L’on déduira de tous ces textes, que les décisions du conseil de tutelle sont soumises à
l’instar de toute autre décision émanant d’une autorité administrative au contrôle du juge
administratif à l’occasion des recours en annulation pour excès de pouvoir.
Par ailleurs, l’article premier de la loi 01-03105 : Les administrations de l'Etat, les
collectivités locales et leurs groupements, les établissements publics et les organismes chargés
de la gestion d'un service public sont tenus, sous peine d'illégalité, de motiver les décisions
103
Dahir n° 1-91-225 du 22 rabiaa I 1414 (10 septembre 1993) portant promulgation de la loi n° 41-90
instituant des tribunaux administratifs.
104
Le recours en annulation pour excès de pouvoir est un recours formé devant les tribunaux
administratifs, fondé sur des moyens de légalité interne (qui porte sur la décision elle-même) ou externe
)qui porte sur le processus de formation de la décision) et dont le seul but est d’obtenir l’annulation
totale ou partielle de la décision querellée. On dit souvent que c’est un procès fait à l’acte. C’est
également le recours ouvert même sans texte contre tout acte administratif et qui a pour effet d’assurer
conformément aux principes généraux du droit, le respect de la légalité.
105
Dahir n° 1-02-202 du 12 joumada I 1423 (23 juillet 2002) portant promulgation de la loi n° 03 -
01 relative à l'obligation de la motivation des décisions administratives émanant des administrations
publiques, des collectivités locales et des établissements publics
57
La protection judiciaire des terres collectives
administratives individuelles visées à l'article 2 ci-dessous lorsqu'elles sont défavorables aux
intéressés. Cette motivation doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et
de fait qui constituent le fondement de la décision.
La loi 01-03 a par la suite cité dans des articles 3 106 et 4 107 les décisions administratives
faisant exception à l’obligation faite aux administrations de motiver leurs décisions, et l’on
signalera que celles rendues par le conseil n’en font pas partie 108.
Article 3 : Ne sont pas soumises aux dispositions de l'article premier ci-dessus, les décisions
106
107
Article 4 : Ne peuvent être entachées d'illégalité pour défaut de motivation, les décisions
administratives individuelles prises par l'administration, dans des cas de nécessité ou de circonstances
exceptionnelles empêchant leur motivation. Toutefois, dans un délai de 30 jours courant à compter de
la notification de ladite décision à la personne intéressée, celle-ci peut adresser à l'autorité concernée
une demande tendant à se faire communiquer les motivations de ladite décision.
58
La protection judiciaire des terres collectives
administrative peut fait l’objet, sans aucun texte, d’un recours pour excès de pouvoir. Un
principe selon lequel toute personne peut contester la légalité d’une décision émanant d’une
autorité administrative, et demander ainsi au juge d’examiner et de contrôler cette légalité tant
au niveau interne qu’externe et partant annuler la décision administrative entachée de
quelconque irrégularité.
Les tribunaux marocains à l’instar du Conseil d’Etat français se sont inspirés de l’arrêt
Dame Lamotte. Ce fut le cas du tribunal d’Agadir -cité plus haut-. D’autres juridictions suivirent
Considérant enfin que, par une décision du 29 décembre 1944, le Conseil d'Etat a annulé comme entaché
de détournement de pouvoir un troisième arrêté, en date du 2 novembre 1943, par lequel le préfet de
l'Ain "en vue de retarder l'exécution des deux décisions précitées du 24 juillet 1942 et du 9 avril 1943"
avait "réquisitionné" au profit du même sieur de Testa le domaine de Sauberthier
Considérant que le ministre de l'Agriculture défère au Conseil d'Etat l'arrêté, en date du 4 octobre 1946,
par lequel le conseil de préfecture interdépartemental de Lyon, saisi d'une réclamation formée par la
dame Lamotte contre un quatrième arrêté du préfet de l'Ain, du 10 août 1944, concédant une fois de plus
au sieur de Testa le domaine de Sauberthier, a prononcé l'annulation de ladite concession ; que le
ministre soutient que le conseil de préfecture aurait dû rejeter cette réclamation comme non recevable
en vertu de l'article 4 de la loi du 23 mai 1943
Considérant que l'article 4, alinéa 2, de l'acte dit loi du 23 mai 1943 dispose : "L'octroi de la concession
ne peut faire l'objet d'aucun recours administratif ou judiciaire" ; que, si cette disposition, tant que sa
nullité n'aura pas été constatée conformément à l'ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement
de la légalité républicaine, a pour effet de supprimer le recours qui avait été ouvert au propriétaire par
l'article 29 de la loi du 19 février 1942 devant le conseil de préfecture pour lui permettre de contester,
notamment, la régularité de la concession, elle n'a pas exclu le recours pour excès de pouvoir devant le
Conseil d'Etat contre l'acte de concession, recours qui est ouvert même sans texte contre tout acte
administratif, et qui a pour effet d'assurer, conformément aux principes généraux du droit, le respect de
la légalité. Qu'il suit de là, d'une part, que le ministre de l'Agriculture est fondé à demander l'annulation
de l'arrêté susvisé du conseil de préfecture de Lyon du 4 octobre 1946, mais qu'il y a lieu, d'autre part,
pour le Conseil d'Etat, de statuer, comme juge de l'excès de pouvoir, sur la demande en annulation de
l'arrêté du préfet de l'Ain du 10 août 1944 formée par la dame Lamotte
Considérant qu'il est établi par les pièces du dossier que ledit arrêté, maintenant purement et simplement
la concession antérieure, faite au profit du sieur de Testa, pour une durée de 9 ans "à compter du 1er
février 1941", ainsi qu'il a été dit ci-dessus, n'a eu d'autre but que de faire délibérément échec aux
décisions susmentionnées du Conseil d'Etat statuant au contentieux, et qu'ainsi il est entaché de
détournement de pouvoir
DECIDE : Article 1er - L'arrêté susvisé du conseil de préfecture de Lyon du 4 octobre 1946 est annulé.
Article 2 - L'arrêté du préfet de l'Ain du 10 août 1944 est annulé. Article 3 - Expédition de la présente
décision sera transmise au ministre de l'Agriculture
59
La protection judiciaire des terres collectives
le même courant. Il en est ainsi du tribunal administratif d’Oujda 110, de la cour d’appel
administrative de Marrakech 111 et de la cour de cassation. 112
Selon ces juridictions, les décisions du conseil de tutelles sont des décisions
administratives dans la mesure où elles émanent d’une autorité administrative et influent sur la
situation des parties, et de ce fait ne peuvent échapper au contrôle des tribunaux administratifs.
Un contrôle qui ne se réaliserait que si l’on admet qu’un recours pour excès de pouvoir soit
formé contre les décisions du conseil.
De plus, législateur en édictant que les décisions du conseil de ne sont susceptibles
d’aucun recours, ne pouvait certainement par anticipation interdire ou exclure un recours qui
n’existait pas encore à l’époque.
Par ailleurs, si le juge administratif ne pouvait autrefois intervenir pour contrôler les
décisions du conseil de tutelle, c’est parce que l’on considérait qu’il lui serait difficile de cerner
les difficultés occasionnées par les partages en jouissance régis par les us et coutumes de chaque
60
La protection judiciaire des terres collectives
région. Aujourd’hui, le nombre de circulaires publiées par le ministère de l’intérieur lui
permettent d’intervenir efficacement dans la résolution des conflits entre collectivistes.
A notre sens, l’expression سselon laquelle les décisions du conseil sont inattaquables-
dont a usé le législateur ne peut être interprétée, en l’absence d’une volonté clairement
manifesté par lui, comme excluant la possibilité de former contre une décision administrative,
un recours en annulation pour excès de pouvoir recours ouvert contre tout acte émanant d’une
autorité administrative, et qui a pour effet d’assurer conformément aux principes généraux du
droit, le respect de la légalité.
Dans un premier temps, la cour suprême faisait la distinction entre les décisions du
conseil de tutelle qui étaient susceptible de recours en annulation pour excès de pouvoir et celles
qui ne l’étaient pas. On avait estimait que les décisions du conseil, lorsqu’il statuait dans le
cadre de ses compétences, n’étaient susceptibles d’aucun recours même devant le juge de
61
La protection judiciaire des terres collectives
l’excès de pouvoir. Mais dès lors que le conseil dépassait les attributions qui lui dévolues en
vertu du Dahir du 27/4/1919, ou que ses décisions étaient entachées d’une quelconque
irrégularité, celles-ci pouvaient alors être annulées pour incompétence, pour vice de forme ou
pour violation de la loi.
C’est ainsi que la haute juridiction avait par un arrêt du 19 juin 1997113, annulé une
décision du tribunal administratif d’Agadir -qui d’ailleurs a été le premier à avoir admis la
recevabilité du recours en annulation pour excès de pouvoir contre les décisions du conseil de
tutelle en 1995- se prononçant contre une décision du conseil de tutelle. Le motif de cette
annulation reposait sur l’article 12 du dahir régissant les terres collectives, sur la base duquel
était intervenu le conseil de tutelle, et la cour suprême avait précisé que : « les décisions de
l’assemblée des déléguées relatives aux partages en jouissance n’étaient susceptibles d’aucun
autre recours que devant le conseil de tutelle dont les décisions ne sont susceptibles d’aucun
recours devant les tribunaux tant qu’elles entrent dans le cadre de l’exploitation des terres
collectives et de leur jouissance ».
L’arrêt de la cour suprême à l’époque n’était pas passé inaperçu, immunisant ainsi les
décisions du conseil de tutelle et excluant un acte d’administratif du recours pour excès de
pouvoir, en le faisant ainsi échappé au contrôle des juridictions censées porter une appréciation
sur tout acte administratif tant qu’aucun texte légal ne l’exclus expressément.
1/Incompétence :
Le conseil de tutelle est compétant pour connaitre les recours formés contre les décisions
de l’assemblées des délégués relatives aux partages en jouissance entre les collectivistes. En
dehors de ce cadre, toute décision rendue par le conseil était susceptible de recours pour excès
ع ل أن س، ل غ بي ل في م م1997/6/19 ص ب يخ1096 ج ء في ق ل س اع ع113
ل، ل بي ق ل ع ، ل ئي ل يي ل ي ضي ل ع ل الي ا، ل ي اص ا
عن م س ل ص ي ل لغ ه ل ي ل ه م ف "حيث ج ه ل م ي ي333 2010 ا ل ي ي
.إ ي ل
ضط ل ق ب يم ل ص ي إ ي ع ل ع1919/4/27 ي ي ب ل ج ل ع ه ل حيث نه ل
. 1963/2/6 أما ل عي ت ي ك قع ت ي ه ب ي ش
م ق حيث ل ع ك ي ي ل لك ل ل ل بع من ل ي ل يف ل ك هي ل ي ل ل ق في ت يع أ ضي ب
ل ث في م ع ج ي ل ل ع ل ي ت عن ه ل يع ت ي غ ه ب بين أع ئ لي
ل ت ي م ته غي ا ي ل ل ن م أ ج غي م س ل ص ي ل صي مله ل ل ي لاع ف م
. ب ان س غا أ ضي ل عي ق ب ل ن في م ل كم م مت ت خل في
م س ل صي لغت م ل ك ي ع م ب ت في ل إ ي ق خ قت م ي ل لك حيث م
."ل ب ل نف ل م ب ق ل يء ل ي ين م ه لغ ء ل
62
La protection judiciaire des terres collectives
de pouvoir, un recours justifié par l’incompétence du conseil pour statuer sur tous litiges
dépassant le cadre fixé par le Dahir de 1919 114.
C’est ainsi que les tribunaux 115 n’ont cessé de confirmer que le conseil de tutelle ne
pouvait être compétant pour connaitre les litiges relatifs au terres « guich » qui restent de la
compétence exclusive des tribunaux ordinaires et se basent généralement sur l’article 16 du
dahir régissant les terres collectives.
Toutefois, la cour de cassation 116 dans un arrêt du 17 octobre 2007, avait admis la
possibilité d’appliquer les dispositions du dahir de 1919 aux terres guich, dans le cas où l’Etat
63
La protection judiciaire des terres collectives
viendrait à céder la nue-propriété aux bénéficiaires du droit de « menfaa », et de ce fait le conseil
de tutelle serait compétant pour connaitre les litiges relatifs à ces terres.
2/Les décisions du conseil de tutelle entachées d’un vice de forme, défaut de motif
ou violation de la loi :
La jurisprudence a décidé à cet effet que les décisions du conseil pouvaient être annulées
lorsque les formalités du Dahir de 1919 n’ont pas été respectées. Il en est ainsi lorsque la
décision rendue par le conseil n’a pas été signée 118 par toutes les parties présentes lors de la
réunion, ou lorsqu’elle ne précise pas quelles sont les parties ayant participé à la prise de la
117
Selon l’article 12 du dahir du 27/4/1919 : Le conseil de tutelle s’assemble sur la convocation du
ministre de l’intérieur pour examiner les projets ou demandes motivées dont la tutelle a été saisi par
écrit, et pour statuer sur ceux qui ne nécessitent pas un supplément d’information. Le conseil assemblé
est assisté d’un secrétaire désigné par le ministre de l’intérieur. L’examen des pièces et l’instruction de
chaque affaire ont lieu sans publicité. Les décisions sont rédigées par le secrétaire désigné et signées par
tous les membres du conseil.
64
La protection judiciaire des terres collectives
décision119, ou même lorsque le conseil statue deux fois sur la même affaire opposant les mêmes
personnes.120
La cour de cassation, qui autrefois était hostile à la recevabilité des recours contre les
décisions du conseil de tutelle, est désormais favorable à l’idée qu’aucune décision
administrative ne peut échapper au contrôle juridictionnel 121. Ce qui n’est enfin de compte que
65
La protection judiciaire des terres collectives
la consécration de l’un des droits fondamentaux dont dispose tout citoyen, le droit d’ester en
justice, le droit de contester toute décision portant atteinte à ses intérêts.
Et c’est dans ce cadre, qu’un certain nombre de circulaires ont été publiées par le
ministère de l’intérieur indiquant la procédure à suivre par les autorités locales chargées
d’instruire les demandes tendant à la délivrance des certificats attestant que tel ou tel immeuble
n’appartient pas à la catégorie des biens visés par l’article 18.
Par ailleurs, il conviendra de faire remarquer que ces mesures, bien que jouant un rôle
préventif, n’ont souvent pas été appliquées de manière correcte. C’est ainsi, à l’occasion d’un
litige porté devant la cour d’appel administrative de Rabat 124, que la partie demanderesse avait
L’article 18 stipule que : Lors de la réception des témoignages, l'adoul doit prendre en considération
122
66
La protection judiciaire des terres collectives
exposé qu’elle avait requis des autorités locales de Nouacer la délivrance d’un certificat
attestant que le bien pour lequel elle entend établir l’acte appelé Istimrar, n’était pas un bien
relevant du domaine de l’Etat, des biens habous ou collectifs. La réponse des autorités locales
était que l’immeuble était un bien indivis et qu’il y avait un empiètement entre ses limites et
celles de l’immeuble voisin.
La Cour d’appel administrative de Rabat a estimé que l’autorité locale n’avait pas à
refuser la délivrance du certificat attestant de la vocation non collective de l’immeuble en jeu
sous prétexte d’un éventuel conflit entre la partie demanderesse et les riverains, un conflit qui
n’a d’ailleurs pas été porté devant les tribunaux, et que sa compétence se résumait à déclarer si
le bien en cause est ou non un bien collectif.
On déduit de cet arrêt, que si le législateur a prévu des mesures protectrices pour les
terres collectives, celles-ci ne doivent pas être une cause d’abus de la part des autorités locales
dont les décisions comprenant une part d’arbitraire, ont souvent fait l’objet de recours en
annulation pour excès de pouvoir.
Il était ainsi du rôle des tribunaux de rendre justice à ces femmes soulaliyates et
d’assurer la protection de leurs droits en les faisant bénéficier de la jouissance des terres
collectives ou des revenus résultant de certaines opérations dont elles pouvaient faire l’objet.
67
La protection judiciaire des terres collectives
des biens collectifs ayant fait l’objet d’un partage en jouissance perpétuelle, a précisé dans son
article 10 qu’au décès de l’attributaire, le droit perpétuel de jouissance est dévolu à l’un ou à
plusieurs de ses héritiers membres de la collectivité et que le choix du ou des dévolutaires est
confié à la djemaa, sous le contrôle de l’autorité locale.
Il en va de même pour le Dahir de 1969 qui a prévu dans l’article 8 et suivants qu’au
décès d'un indivisaire, sa part revient à un seul de ses héritiers, à charge pour ce dernier de payer
aux autres la valeur de leurs droits. Le choix de l'attributaire et les modalités de ce paiement
doivent faire l'objet d'un accord entre les cohéritiers. A défaut d'accord, le conseil de tutelle est
saisi par le cohéritier le plus diligent ou, le cas échéant, par l'autorité locale. Le conseil désignera
l'attributaire et fixera le montant et les conditions de paiement de l'indemnité due par ce dernier
à ses cohéritiers. Il a même été prévu qu’un prêt pourrait être accordé par les établissements
publics de crédit agricole afin de permettre à l'attributaire de désintéresser ses cohéritiers.
C’est ainsi que les tribunaux administratifs avaient souvent annulé les décisions du
conseil de tutelle qui avaient tendance à priver les femmes soulaliyates du droit à l’héritage afin
d’éviter l’intrusion de tiers étrangers à la collectivité si ces femmes venaient à se remarier. Pour
les tribunaux tels que le tribunal administratif de Fès125, cela ne pouvait en aucun cas justifier
68
La protection judiciaire des terres collectives
que l’on les prive de droits qui leur sont reconnus aussi bien par la Constitution que par les
préceptes de la Chariaa islamique.
ليه .حي لي س ي ،م جع قم 404ب يخ 2007/6/20في ل ف 5/2006/3ش اس ف ب ل ب ج ء في ق خ ل
ع ا ك ي يه بع ": 91 90حيث ي يب ل نف ل م ل نف ب قه م ي ل ل من ف ل س بق،
ل ن ني . ن ني أس
ليس ل ق ن م ح بل ه ل من أ ضي ي ع ج نب م ه ل ل ي إسامي ل ن حيث نه من ج ف أ ضي ل
ل ي هم ل ص ل ي ي ت ل ف ل ي 1919/4/27ي ي ع ل نب اخ م ه ل ل ن ل ض ي ه
ع ن ه ا ضي.
في 1945/8/14ت ي ل ي 1919/4/27ل ق ب يم ل ص ي إ ي ع ل ل ي ل ل حيث نه ب ل ج
ل ح ث ه ل ب ض ث ه ل ين حق ل ي ين ل ل 10م ه ي ص ع نه ع ف ل ص ي أ ضي ل
ليه ل ق ل ك . ل ل ع بخي ل ص ل ي هم أع ء ل ع ي
" ل ح ث ل لك" ه ان بل ج ء ع م لك نه أ فيه ف ط ع ل ل أعا لم ي ي بين ل ث ل ك حيث
غي م ت ع أس . في ه ل مه ل ب ل أن م ي ف ا عن ح ل ي ا ت ي في إ بين ل ك
ل ل نف ع ي ن ب ع هن فيه ع لغ ي من ت يص ه أ ضي ل ل حيث نه من ج أخ ف ع ل
في ه ل ب غي ج ي ب اع . مه ل ب ل نف ل ي ج ب ي ع م ي ي ج في ب ن ب ع خاف ل
جب ل يي ". ل م ل نف ص ئ في اس ف ي ل أس حيث نه م س
69
La protection judiciaire des terres collectives
Pour d’autres juridictions telles que tribunal administratif d’Oujda 127, priver les femmes
du droit à l’héritage est contraire à l’esprit de la constitution, aux traités internationaux et aux
principes de l’Islam.
L’on soulignera enfin, que le conseil de tutelle, n’a pas toujours été hostile à l’idée de
reconnaitre aux femmes soualiyates la possibilité d’accéder à la jouissance des terres collectives
et à l’héritage malgré certaines coutumes qui vont à l’encontre de la décision prise par le conseil,
une décision qui a d’ailleurs été confirmée par le tribunal administratif d’Agadir 128.
70
La protection judiciaire des terres collectives
71
La protection judiciaire des terres collectives
Conclusion :
Nous pourrons déduire des développements qui précèdent que le statut des terres
collectives pose grand nombre de problèmes. En effet, les litiges auxquels sont confrontés les
tribunaux démontrent l’ampleur des dangers qui entourent les terres collectives. Il a été ainsi du
rôle des juridictions civiles, répressives et administratives de garantir une certaine protection
aussi bien aux terres appartenant aux collectivités qu’aux collectivistes eux-mêmes.
En effet, ces tribunaux doivent assurer la protection des terres collectives en veillant à
ce que les dispositions des textes les régissant soient appliqués correctement, mais aussi à ce
que les organes assurant la gestion de ces terres qu’il s’agisse de l’assemblée des déléguée ou
du conseil de tutelle n’outrepassent les pouvoirs qui leurs sont conférés par la loi
Et c’est aussi dans ce sens que le Souverain a appelé à conjuguer les efforts pour faire
aboutir l'opération d'appropriation au profit des ayants-droit, des terres collectives situées à
l'intérieur des périmètres d'irrigation. Le but recherché étant de mettre à niveau les terres
soulaliyates et de faire en sorte qu'elles puissent apporter leur contribution à l'effort de
développement. Il s'agit, en outre, d'en faire un moyen d'intégration des ayants-droit dans cette
dynamique nationale, dans le cadre des principes de droit et de justice sociale, en dehors de
toute considération surannée.
72
La protection judiciaire des terres collectives
Bibliographie
Ouvrages en langue française :
Paul DECROUX, « Droit foncier marocain », édition La Porte, Rabat, 1977
M’hammed DRYEF, « Urbanisation et droit de l’urbanisme au Maroc », édition
La Porte, 1993
Didier MARTIN, « Droit commercial et bancaire marocain », la société
d’édition et de diffusion Al Madariss, 4 ème édition, 2010
73
La protection judiciaire des terres collectives
ي ف ق نين ل ل غ بي م ي ب ي بي " ،ق ء ع ي في ق نين ل م م
ل شي ل ي ل ي كم ا ل س اع ي بل لغ ف ا ج
ل ني 2011 ل يع -ل ب ل ل ع ل مل ي " بل
ء، لي ل ي ،ل ل ل غ بي" ،م ئي في ل ن ل "،ل ل م
ل ني 2011، ل
ء ل ل ك س ب فيه في ض ء ل ه ل ل ي ك ليل ع ل " ،حي ل م
ل لي عن ف ه ل ثي ن فه ل ي ل ل فع حي س اهم ح ل غ بي مع
في ل ا إسامي "، ل لك ف ه ح ث ح ي ل ي ع س
ل ني 2009 ام ،ل ب ،ل
: جع ل ل
ي ل ي، هن ل ن ني بين ل ضي ل ي ي " ،ض ي ل حي
ف ل ي -ل ب ، ل ء ا ،م ت يي ه" ،ل ل ن ني أ ضي ل ل
2017
يم ل ن ني ش ا بين ل ل الي ب ل غ ع ي " ،ضي ل ل ب م
ي ي 2016 يع -ل ب ، ل ل ع ل ا ل ل قع"،
ي ت عا ا ضي ل الي " ،س ئي في ن مي "،ل ل ل ل بي م
ا ل 2016 ف ل ي -ل ب ،ل ل ك ،م ل
،ل ي ل الي " ،م ع مل ل مي " ،ت ما في ل ن ل بي م
ا ل 2014
-ل ء ي بل غ ل ضي ل يش ان ل الي ع ل م من " ما م
،ا ل 2014 ف ل ل ن ا ،-
ل ع ل مل " ،م ضي ل " ،ل ليل ل ي في ت بي ش م
م ي 2012 ل ني م يع ل ب ،ل ل
ل ن ني ل ل ص ي " ،س يم بين ل فع " ،ضي ل ل ه ع
ا ل 1999 ي ،ل ق ل ل ل ص ،ل
ل ا : ل ا
ل ا :
74
La protection judiciaire des terres collectives
م لييي ه،م إش لي اه ي ضي ل ت ي ني ،م ش ن
2012 ل لث-م ل ي ل ي ل ل ب
2 ل ل ل ما ب م ،م ضي ل ،ت ييف ل ق في ح ن ل
2013
ل الي ،م ع أ ضي ل ي ا ل ل ضب ءم ،ق ح نف
ب ضي 5خ ام ي ،ل م ،م ئي ل ل اج ب م
ل
ي ل :ج ب ضي ل ي ل ل ع ل صي ،خ س ي يت ج
ي ل ع ل أن ل غ بي ،س ل ب م ج،م يغ ن
بي ئي ، ل ي ل يي ل ل الي ا ع ضي ل ا ، اص
ا ل ي ي 2010 ،ل ل ع ل ق
يظ ل ي إ :ح ي -ل ل ي ي أ ضي ل ل غي ،ل م
ي اص ل ع ل أن ل غ بي ،س ل ب م ،م ل
بي ق ئي ، ل ي ل يي ل ل الي ا ع ضي ل ا ،
ا ل ي ي 2010 ،ل ل ع ل
م ئي ،م ل ل ل من خا ضي ل ،ش ا ل يب ب هيم ص
ب ضي ل 5خ ام ي ،ل م ،م ئي ل ل اج ب
اس ف ئي ل ل ل ل من خا " ،ضي ل ق ل ل ح ع
"ح ي ل ي ت تع اس ف ب ل ب م ن ب م ب ل ب " ،م
ل ئ ي، لك خص ب س اس ف ب ل ب " ،ن م ي من خا ق ل
2013 ، ل ل
فه ء ا بين ل ئي أ ضي ل ل ي ل ن ني عي ،ل ل ا ل ع
8-7ف ي -ب يل2010 ل ل م ك ب م ،م يظ ل ء ل ق
ب يخ 2015/3/5 ل ض قم 1/384ل م ل م ق ل ي ،ت يق ح
مين ل عن هي مي ل ل ب م ف ع ،2012/1/4/1932م في
2016 67ش ي 1ل ا ع بل كش ع خ ب
ض م لص بين ضي ل ي ع ل ،ل ق ل ل ح ع
ي في ل ع ل أب س ب م ،م اس ب ل اس
75
La protection judiciaire des terres collectives
ي ل ي ي في ل ل ل ل يي م ن ل يظ ل ل ض ءن
2013 5 ل ء أ ل
عي بين أ ضي ل ع ل لغي من حي ع ن "ج ي، ل شي
2016 س166 ع، ل ن ء ل ب م م،"ء ل يع ل
في ش أ ضي ل ع ل ء في ل ع ل "س، مين ل ب م
-2015 م22 ف ي ل23 سمن40 ع، ل غيي ي مغ ب م م،" ل ج
: ل ا
،1 ي ا ع بل كش ع خ مين ب ل عن هي مي ل ل م
2016 ش67 ل
2015 ام ي م79 ل ض ل ءم ق م
ضي ، ا ي اص ل ع ل أن س، ل غ بي ل م
ع ل بي ق ، ئي ل ي ل يي ل ل الي ا ع ل
2010 ا ل ي ي ل، ل
2013 ،2 ل ل ل ما ب
2012 م-ل لث ل ي ل ي ل ل م
Textes de loi :
Dahir du 26 rejeb 1337 (27 avril 1919) organisant la tutelle administrative des
collectivités ethniques et réglementant la gestion et l’aliénation des biens collectifs tel
qu’il a été modifié et complété notamment par le dahir n°1-62-179 du 12 ramadan 1382
(6 f2vrier 1963)
Dahir n°1-59-172 du 1erkaada 1378 (9 mai 1959) relatif à la résiliation des concessions
des droits de jouissance perpétuelle et à la révision des contrats de location à long terme
consentis sur les terres collectives
Dahir du 11 joumada II 1370 (19 mars 1951) réglementant la gestion et l’aliénation des
biens collectifs
Dahir n°1-60-078 du 5 moharrem 1380 (30 juin 1960) relatif à la résiliation des
aliénations consenties par les terres collectives
Dahir n°1-70-158 du 1erchaabane 1390 (3 octobre 1970) relatif aux aliénations de terres
collectives consenties à des marocains
76
La protection judiciaire des terres collectives
Dahir du 12 rejeb 1342 (18 février 1924) portant règlement spécial pour la délimitation
des terres collectives
Arrêté viziriel du 5 ramadan 1364 (14 aout 1945) règlementant la gestion des biens
collectifs ayant fait l’objet d’un partage en jouissance perpétuelle
Dahir n° 1-11-178 du 22 novembre 2011 portant promulgation de la loi n° 39-08 portant
code des droits réels
Dahir n° 1-11-177 du 25 hija 1432 (22 novembre 2011) portant promulgation de la loi
n° 14-07 modifiant et complétant le dahir du 9 ramadan 1331 (12 août 1913) sur
l’immatriculation foncière.
Dahir n° 1-09-236 du 8 rabii I 1431 (23fevrier2010) relatif au code des habous.
Dahir n° 1-06-56 du 15 moharrem 1427 portant promulgation de la loi n° 16-03 relative
à la profession d'Adoul
Décret n° 2-08-378 du 28 chaoual 1429 (28 Octobre 2008) pris pour l'application des
dispositions de la loi n° 16-03 relative à la profession d'Adoul.
77
La protection judiciaire des terres collectives
Index alphabétique
A I
action en réintégration............................ 42, 43 immatriculation.....8, 16, 18, 19, 26, 27, 28, 29,
action pétitoire ............................................. 42 31, 32, 33, 35, 36, 37, 40, 41, 77
action possessoire ........................................ 42 inaliénables....................... 6, 27, 28, 38, 45, 49
actions 7, 16, 17, 18, 19, 21, 29, 40, 41, 42, 43, indivision..................................................... 11
51
assemblée des délégués .... 7, 13, 17, 21, 45, 46, N
51, 52, 53, 55, 61
autorisation d’ester en justice ......16, 17, 20, 21 Naib....................................................... 19, 26
autorité de tutelle . 17, 18, 19, 21, 22, 29, 39, 61
ayant droit........................................ 11, 51, 55
P
78
La protection judiciaire des terres collectives
Table des matières :
Introduction :...................................................................................................... 5
Première partie : ............................................................................................... 15
La protection assurée par les tribunaux de droit commun ................................. 15
Chapitre premier : Les règles communes aux affaires civiles et pénales portant sur les terres
collectives .................................................................................................................................. 16
Section 1 : L’autorisation d’agir en justice, condition sine qua non pour la recevabilité
des actions portant sur les terres collectives : ...................................................................... 16
A : Devant les juridictions civiles : ................................................................................. 17
B : Devant les juridictions répressives : .......................................................................... 19
Section 2 : La preuve de la vocation collective : ................................................................. 22
A : Les moyens de preuve :.............................................................................................. 22
B : La preuve de la vocation collective et l’effet de purge : .......................................... 26
Chapitre second : Les différents litiges soumis aux juridictions civiles et répressives ........ 28
79
La protection judiciaire des terres collectives
B : Les attributions du conseil de tutelle : ....................................................................... 53
Section 2 : Le fondement de l’intervention du juge administratif dans la résolution des
conflits liés aux terres collectives :....................................................................................... 56
A : Les fondements tirés de la loi : .................................................................................. 57
B : Les fondements tirés de la jurisprudence des tribunaux administratifs : ................ 58
Chapitre II : Les manifestations de la protection assurée par les tribunaux administratifs .. 61
80