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Société Française de Génétique

Développement et applications
des techniques
de coloration différentielle
des chromosomes
chez les végétaux :
caryotypes
et structures chromosomiques,
identification des espèces
Société Française
et relations phylétiques
de Génétique
Michel Bemard, Sylvie Bemard
Président
E. Moustacchi

· Vice-présidents Il est connu, depuis le début de ce siè­ parentaux en méiose ; le doublement


P.-H. Gouyon cle, que chaque espèce animale ou de leur nombre, rétablissant une situa­
A. Nicolas végétale possède un jeu de chromoso­ tion disomique pour chacun d'eux,
C. Stoll mes, défmissable par son effectif et cer­ permet une méiose subnormale et res­
tains paramètres morphologiques (taille, taure dans une certaine mesure la fer­
Secrétaire général position des centromères, des constric­ tilité. C'est ainsi que l'hybride blé x
R. Motta tions secondaires). Le caryotype - cet seigle (en latin : Triticum x Secale)
ensemble de caractéristiques - cons­ donne après traitement à la colchicine
Prière d'adresser toute correspondance au titue un élément important de classifi­ une structure amphidiploïde fertile, le
Secrétariat général de la SFG, Roland cation des espèces. triticale. A la même époque, on a émis
Motta, Institut de recherches scientifi­ L'intérêt qui a été porté aux chromo­ l'hypothèse que ce même modèle pou­
ques sur le cancer, laboratoire de recher­ somes a été d'autant plus grand que vait être à l'origine de nombreuses
ches génétiques sur les modèles animaux, leur rôle en tant que support du maté­ espèces polyploïdes naturelles, c'est-à­
7, rue Guy-Môquet, ' 94802 VilleJuif riel héréditaire a été rapidement dire d'espèces dont le nombre de chro-
Cedex, France. reconnu (élaboration de la théorie . mosomes est multiple du nombre de
chromosomique de l'hérédité au début base caractéristique du genre ou de la
Comité de rédaction du siècle). Par ailleurs, à partir des tribu (x) : blé tendre ( Triticum aestivum,
A. Bernheim armées 1930, la cytogénétique végétale 2 n = 6x= 42), blé dur (2n = 4x
J. -C. Dreyfus a connu de prodigieux développements. 28), colza (Brassica napus, 2n = 4x
M . Fellous C'est à cette époque qu'on a décou­ 38), coton (Gossypium hirsutum, 2n = 4x
J . Génermont vert les propriétés de la colchicine, = 52), tabac (NicotÙlna tabacum, 2n
F. Minvielle agent permettant de doubler le stock 4x · =48), etc. La synthèse en labora­
R. Motta chromosomique de cellules végétales. toire de certaines d'entre elles, à par­
A. Nicolas On a donc pu imaginer faire des tir des ancêtres putatifs, a pu être réa­
S . Sommer « super-plantes , en augmentant le lisée et donna des individus très com­
D. de Vienne nombre de chromosomes (plantes poly­ parables à ceux de l'espèce « natu­
ploïdes). On a aussi pu imaginer relle » .
Secrétaire d'exploiter plus systématiquement les Plus récemment, ont été mises au
M . - L. Prunier hydrides entre espèces ; en effet, ·ceux­ point chez de nombreuses espèces
ci sont normalement stériles pour cause végétales des techniques permettant
de non-appariement des chromosomes d'obtenir des individus haploïdes, géné-
mis n ° 3, vol. 8, mars 92
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ralement dérivés de microspores culti­ sombres et claires, caractéristique de chromosomes de ces espèces, bonnes
vées in vitro, ou à la suite de croisements chaque chromosome, qui permet donc performances des techniques de banding,
interspécifiques ou intergénériques. d'identifier chacun d'eux. Un point possibilité d'obtention d'hybrides inters­
Tous ces phénomènes suggèrent une intéressant est cependant que, pour un pécifiques et de variants chromosomi­
extrême tolérance du végétal vis-à-vis de chromosome donné, le « zonage '' peut ques de toute nature, importance éco­
modifications de nombre, mais aussi de présenter de légères variations d'un nomique. Parmi les techniques de ban­
structure, de ses chromosomes : trans­ individu à un autre (à condition qu'ils ding, celle qui a eu la faveur des cyto­
locations, inversions, délétions, trisomie, n'aient pas le même génotype : deux généticiens travaillant sur les Triticinées
monosomie, n'ont souvent qu'une inci­ individus tirés d'une même lignée de (blé et espèces voisines) a été celle du
dence faible sur la viabilité et la ferti­ blé auront le même zonage, deux indi­ C-baruiing , marquant l'hétérochromatine
lité des individus. De surcroît, il faut vidus appartenant à deux lignées diffé­ constitutive, qui, bien que conservant le
souligner que les chromosomes végé­ rentes pourront avoir des zonages dif­ même principe de base (traitement des
taux, présents sous forme condensée férents pour un ou plusieurs chromo­ chromosomes dans une base faible, et
dans tous les tissus méristématiques ou somes). Ce polymorphisme entre indi­ renaturation dans un tampon, le SSC),
sporogènes, sont . d'accès facile. En vidus (on dira aussi : entre génotypes) a fourni des résultats de plus en plus
revanche, leur taille peut être, dans cer­ peut être utilisé pour leur identification. performants. En 1977, Gerlach [8] a
tains groupes, un facteur limitant les Nombre d'espèces végétales ont été tes­ proposé une autre technique (dite N­
possibilités d'observation. tées au cours de la période 1 970-1975 banding), en fait décrite antérieurement
et par la suite, avec des résultats posi­ chez l'homme par Dutrillaux [4], qui
Dans ce contexte de tentative de com­
tifs pour la plupart : on peut citer parmi fait appel à une dénaturation thermique
préhension de certains mécanismes évo­
elles des espèces appartenant aux gen­ des chromosomes ; cette technique
lutifs, et d'exploitation d'événements
res Vù:ùz, Tn"llium, Hepatica, Fritillo.ria, Cre­ donne aussi des résultats très perfor­
identiques à des fins de sélection, il est
pis [ ! ] , Rhoeo [ 1 0 ] , Tulipa [ 1 1 ] , mants sur orge et blé, mais, contraire­
intéressant de disposer de " marqueurs "
Scilla [ 12], Allium [ 13], Anemone [ 1 4] , ment au C-banding, a l'inconvénient de
moins grossiers que ne le sont les seuls
chromosomes. A la fin des années 1960 Nicotiana [ 1 5], Hordeum [8, 1 6 ] , Zea [ 1 7] , ne pas marquer tous les chromosomes
se sont développées de nombreuses E(ymus, Agropyron [ 18, 19], Secale [20, 21], du blé.
techniques de cytogénétique fondées sur Tn"ticum [22], Triticale [23], Phleum [37] . Les quelques exemples que nous allons
l'exploitation de l'hétérogénéité de la Globalement, les techniques de caryoty­ développer concernent donc essentielle­
structure des chromosomes, due notam­ pes à bandes, ou " chromosome banding "
ment les céréales à paille, et plus parti­
ment à l'existence de deux grands types chez les végétaux, sont probablement' culièrement le blé, à partir des résultats
de chromatine : l'euchromatine, peu plus délicates à mettre en œuvre que obtenus en C-banding, soit dans des
visible en interphase, et correspondant sur les animaux, en raison de problè­ situations intraspécifiques, soit dans des
aux gènes transcrits en ARN, et l'hété­ mes liés à l'existence d'une paroi cellu­ situations interspécifiques. Nous réser­
rochromatine, correspondant à des laire coriace, de la difficulté de travail­ verons un paragraphe particulier pour
régions condensées en interphase, et ler sur des cultures de cellules synchro­ les observations réalisées sur méiose et
comportant essentiellement des régions nisées, de l'état physiologique du maté­ sur les spéculations concernant le rôle
répétées non codantes. Suivant les tech­ riel (âge des plantes et des organes - de l'hétérochromatine dans certaines
niques utilisées, on a pu faire apparaî­ racines le plus souvent - sur lesquels fonctions de la plante.
tre des bandes Q (observables en fluo­ sont prélevés les méristèmes, teneur en
rescence à la moutarde de quinacrine), eau des cellules). Il est, par exemple,
des bandes G, C et N, par coloration pratiquement impossible de travailler Exploitation des techniques
au Giemsa à la suite de traitements spé­ sur la première mitose pollinique, en de banding pour la connaissance
cifiques, des bandes R, complémentai­ raison de l'importance de la paroi, mal­ du caryotype d'une espèce
res des bandes Q et G, par coloration gré l'intérêt que cela présenterait. Par
à l'acridine orange ( 1 -8] . Ces travaux ailleurs, le nombre et l'intensité des Dans le cas de blé tendre (Tn"ticum aes­
se sont développés de façon quasiment bandes sont généralement plus faibles tivum), on peut identifier, avec plus ou
stimultanée chez les végétaux et les ani­ ch�z les espèces végétales que çhez les moins de facilité, tous les chromosomes
maux, et ont connu un fantastique ammaux. de cette espèce (n = 2 1 , figure 1). Ces
développement en cytogénétique chromosomes peuvent être classés en
Cependant, sur l'ensemble des espèces
humaine, où il a été démontré très rapi­ de céréales à paille - blé, orge, seigle, trois groupes élémentaires, ou génomes,
dement l'incidence d'anomalies du dénommés A, B et D, qui provien­
triticale - et sur de nombreuses espè�
caryotype sur l'apparition de maladies ces voisines, les travaux faisant interve­ draient chacun d'un ancêtre diploïde,
génétiques. Des phénomènes identiques nir les techniques de banding chromoso­ en l'occurrence Triticum mon.ococcum pour
ont été mis en évidence chez les mique ont été nombreux au cours des A, Triticum tauschii pour D, et un Triti­
animaux [9] . quinze dernières années, et ont apporté cum (ou Aegilops) de la section Sitopsis
Ces techniques révèlent donc sur les des informations intéressantes. Ce déve­ pour B, eux-mêmes dérivant d'une
chromosomes un « zonage '' plus ou loppement tient à différentes raisons : espèce diploïde ancestrale. De ç_e fait,
moins important, constitué de bandes traditionnelle facilité d'observation des pour tout chromosome appartenant à
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* GLOSSAIRE * -----.

G ro u pes d ' h o m é o l o g i e Allogame : espèce chez /oquLlk l'allofécOTUla­


tüm (fécondo.ti.on de l'oosphère d'une plante par
1 2 3 4 5 6 7 le pollen d'une autre plante) est préporulérante.

Androgenèse in vitro : obtenJÙm in vitro


Génomes

de plllntes hapwiiies, issues du diveloppemmt


des microspores contenues dans les anlhbes.

A
Autogame : espèce chez /oquLllt l'auJnjécon­
dation (fécondation de l'oosphère par l'auiopol­
len) est préporulérante.

Bandes :
G : digestion par enzymes protœ!Jtiques. Colo­
ration au Giemsa ;
C : dérwturation par une base (gtnéralemmt
baryte). Coloration au Giemsa (ou Leishnum) ;
N : dinaJuratüm par température limée en tam­
B pon phosphate. Coloration au Giemsa ;
Q : coloration à !o. mouJo.Tde de quiruu:rine.
Immersion dans un tampon Mc 1/.voi.ne (pH4
à 7). Observation en fluorescence ;
R : dérwturation thermique. Coloration au
Giemsa ou à l'acridine orange (observation en
fluroresœru:e).

(désignation des) : S


Bras chromosomiques
= short = court, L = large = long.

D
Chromosomes homiologues : chromosomes

[j appartenant à deux glnmnes llémenJo.ires dis­


tincts, ayant des fonctions et une organisation
glnétiques proches. Dérivent d'un ancêtre
commun.

Détélosomique : plante nullisomique pour un

bras chromosomique.

Mixogénome : gbwmt " artificiel » =posl


de chromosomes provenant de glnmnes lwmitJ­
R
wgues élémentaires différents (ex. : lA, 2B,
3A, 4A, 5B, 6B, 7A : les sept chromosomes
proviennent des glnmnes llémenl.aires A » et
B du bit).
"

" "

Nullitétrasomique : plante nullisomique pour


un chromosome et tétrasomique pour un chro­

mosome homiowgue du chromosome absent


(structure permettant une viabilite' correcte de !o.
plante : possible chez une pla.nu polypwük).
Figure 1 . Idéogramme eri C-banding des chromosomes des génomes élé­
mentaires A, 8, D et R (d'après {42]}. Le blé dur (Triticuni turgidum) com­
porte A et B ; le blé tendre (Triticum aestivum ) : A, 8, D ; le triticale : ABR (2n
= 6x 42) ou ABDR ( 2n
= = 8x 56) .
=
.Phénomèms d'introgression : phlnornènes
conduisant à l 'inbrxluction de gènes
d'une espèce
dans une autre (gtnéralement, l'espèce rkmneuse
est une ·espèce sauvage, l'espèce acceptrice est
l'espèce cultivée).

Recombinaison homiologue : �
entre chromosomes homiowgues.

mis n ° 3, vol. 8, man 92 Ill


• •


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C'est ainsi que Naranjo [28] a pu mon­ associant universités américaines, aus­
SA 4A 78 trer qu'il existait dans le blé dur (2n = traliennes, japonaises et britarmiques sur
4x = 28, génome AB) des remanie­ un projet de cartographie moléculaire
ments structuraux importants (translo­ du blé, dispose par exemple de plus de
cations en chaîne et inversion péricen­ 1 50 lignées de délétion de la variété Chi­
s
trique), concernant simultanément les nese Spring. De même, cette méthode a
chromosomes 4A, 5A et 7B (figure 2). permis à Endo et Mukai [30] de locali­
Ces remaniements semblent généraux ser un locus dit speltoïde - impliqué
dans l'ensemble des espèces blé tendre dans la morphologie de l'épi de blé -
et blé dur. n est donc vraisemblable que sur le chromosome 5A. Cette approche
la structure ainsi créée est << née , en permet de vérifier, une fois encore,
L
même temps que ces espèces ; on peut combien sont différentes la carte physi­
se demander si elle correspond à un que et la carte génétique (figure 3). Elle
événement aléatoire ou si elle a une permet aussi de constater que les mar­
signification particulière dans le proces­ queurs RFLP issus d'ADNe, et les
sus d'élaboration et de domestication du gènes que l'on peut identifier, sont sou­
blé. Cette structure a été confirmée par vent localisés chez le blé dans les por­
les analyses moléculaires (RFLP) [29] . tions télomériques des chromosomes, et
Figure 2. Structure des chromoso­ De façon plus ponctuelle, on sait que rarement dans les secteurs péricentri­
mes 4A, 5A et 78 : schéma des les génotypes de blé peuvent différer les ques. Il semble que le seigle présente
réarrangements chromosomiques uns des autres - et de la structure dite une situation identique.
intervenus entre ces 3 chromo­ << primitive >> que l'on trouve chez la Chez des espèces diploïdes de céréales,
somes. (D'après [28].)
variété de référence Chines� Spn:ng - par notamment le seigle (Secale cereale,
un certain nombre de remaniements, génome R) et l'engrain (Triticum mono­
notamment translocations (par exemple coccum), l' identification des différents
un génome, on trouve, dans les autres,
5B5/7B 5, très courante dans de nom­ chromosomes par C-banding a permis
un chromosome ayant grossièrement les breux génotypes européens). Certaines
mêmes fonctions génétiques. Cet d'isoler avec une relative facilité les dif­
de ces translocations sont aisément déce­ férentes familles trisomiques, ce qui
ensemble de chromosomes constitue un
lables en C-banding. Là aussi, on ne sait offre la possibilité de procéder à des
groupe d'homéologie : ces chromosomes
pas si les différences d'organisation sont analyses génétiques [32 , 33].
ont, en méiose, tendance à s'apparier.
des réponses aux pressions de sélection
Ce type d'appariement est normalement Dans la mesure où il existe un polymor­
ou s'il s'agit d'événements aléatoires.
inhibé, chez le blé, par un système phisme intraspécifique, on peut chercher
génétique assez complexe, dont la pièce Une autre application concerne l'élabo­ à l'utiliser dans des processus d'identi­
maîtresse est un gène, Phi, porté par ration et le maintien de tout un ensem­ fication d'individus, lignées ou clones.
le chromosome 5B ; il s'ensuit que le ble de matériels aneuploïdes (monoso­ Chez le blé tendre, Friebe et al. [34] ont
blé tendre, espèce polyploïde , a une miques, nulli-tétrasomiques, ditélosomi­ clairement montré l'existence d'un tel
méiose de diploïde. ques, etc.) qui sont utilisés pour la loca­ polymorphisme. Sur blé dur et seigle,
Une observation, même superficielle, lisation de nombreux gènes. En effet, N. Jouve et al. [35] ont répertorié 23
des chromosomes de blé tels qu'ils le risque est grand de perdre ces famil­ bandes polymorphes sur 28 décelables
apparaissent en C-banding, montre que les particulières, qu'il faut contrôler sur le génome A, 36 sur 59 sur le
ceux du génome B présentent des ban­ périodiquement. La reconnaissance génome B, 30 sur 39 pour le génome
« immédiate >> de nombreux chromoso­
des très chargées, principalement autour R. Ce polymorphisme peut faciliter
du centromère, alors que ceux des mes permet d'alléger considérablement l'élaboration de certains matériels. Par
génomes A et D présentent des bandes les procédures de conservation. exemple, nous avons créé au labora­
beaucoup moins importantes (figure 1). Plus généralement, l'identification des toire, dans un fonds génétique connu
Or, jusqu'à une époque récente , et sur chromosomes par C-banding peut appor­ (celui de la variété demi-naine
la base d'analyses génétiques et d'obser­ ter une aide précieuse à un projet de Courtot), des variants chromosomiques
vations cytologiques antérieures, le cartographie physique. En effet, on peut obtenus en remplaçant un chromosome
chromosome 4A actuel était identifié engendrer, par diverses méthodes particulier de Courtot par un homo­
comme étant le 4B, et vice versa. C'est (androgenèse in vitro, embryogenèse logue provenant d'autres génotypes : ce
sur la base des observations en banding somatique), des lignées présentant des travail a été réalisé pour les chromoso­
que Dvorak [24] a proposé de revoir délétions plus ou moins importantes sur mes lA, l B, lD, 6A, 6B, 6D. Dans
cette classification ; cette révision a les divers chromosomes, dont certaines certains cas, il a été possible d'utiliser
ensuite été corroborée par des observa­ peuvent être identifiées ; ce matériel le polymorphisme des bandes pour véri­
tions faisant appel à d'autres techni­ peut alors être utilisé pour localiser fier que la substitution a bien été réali­
ques, notamment moléculaires [25]. << physiquement >>, sur une portion de sée [35 ]. De surcroît, il a été observé
Le C-banding a permis aussi d'affmer nos chromosome déterminée, certains loci dans Courtot lui-même, pour deux
connaissances sur la structure chromo­ identifiés par RFLP. Le groupe ITMI chromosomes ( lD et 6B), une hétéro­
somique du blé et du seigle [26, 27]. (international Triticeae mapping initiative), généité pour des phénomènes de pré-
IV mis n ° 3, vol. 8, TTI/lrs 92
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espèce allogame, le blé et l'orge sont à


X-Nor-R1 prédominance autogame. Des constata­
c Xpsr 1 61 Gpi-R1 XGii-R1 tions analogues ont été faites dans
1 '
\
'
d'autres groupes [18]. Cette organisa­
'
1 '
'
\ ' tion pourrait aussi être liée à l'établis­
'
1 '
' \ sement des connections physiques entre
'
1 ' ' \
' ' \ 1 R5 chromosomes, préliminaires aux phéno­
1 '
1
'
'
'
\ mènes de recombinaison. Nous aurons
'
1
'
' ' \ l'occasion d'évoquer quelques travaux
' ' \
1 '
' ' \
sur ce sujet.
1 ' '
Le deuxième aspect concerne les possi­
x 11 • bilités d'analyse phylétique. Dans la
NOR (constriction secondaire) mesure où le polymorphisme s'accroît
quand on considère l'espèce, le genre
ou la tribu, on peut tenter de l'utiliser
pour contribuer à établir des relations
C NOR 82 C-bÏ:md Gli-82 T phylétiques entre sous-ensembles d'un
. même ensemble. C 'est ainsi que Linde­
1 ' 1 2,2 cM ' 1 0,2 cM \ 7,6 cM
' '
1 '
' ' \ Laursen et al. [ 1 6 ] , ont étudié les
' ' \
1 '
'
' \ caryotypes d'espèces du genre Hordeum
1 ' '
\ d'Amérique latine, diploïdes et polyploï­
1 '
'
'
' \ 685
1
'
'
' \ des. Ces auteurs ont pu établir nette­
'
1
'
' ' \ ment la participation de certaines espè­
' ' \
1 '
' ' \ ces diploïdes à l'élaboration d'espèces
1 ' '
\ polyploïdes, et donc préciser les relations

x Il 1

de proximité dans ce groupe d'espèces.
NOR Des travaux analogues ont été réalisés
220 mégabases sur Phleum [37], ainsi que sur un ensem­
ble de sous-espèces de maïs [38] , où il
a été possible de proposer une structu­
Figure 3. Cartes physiques et cartes génétiques des bras courts (cc short »)
ration malgré un nombre total de ban­
des chromosomes 1R et 68. (D 'après M. Gale -et R. Koebner, communication
personnelle, et [31].)
des relativement faible (6 à 18, suivant
les génotypes).
Une application très immédiate du C­
sence/absence de bàndes mineures « ''· Comparaison d'espèces et étude banding est celle de la vérification de
Pourtant cette variété, inscrite au Cata­ d'hybrides interspécifiques
l'existence d'hybrides, notamment à
logue officiel en 1974, est maintenue
partir de parents qui ont le même nom-.
depuis lors suivant des schémas de bre de chromosomes, mais qui sont dis­
La possibilité de décrire les chromoso­
sélection conservatrice. Elle présente cernables par leurs phénotypes chromo­
mes de façon plus détaillée que par le
cependant une certaine instabilité, et somiques : par exemple Tn'ticum taZLSchii
passé a permis à la cytogénétique
notamment 1 'apparition récurrente de x seigle (2n 1 4), maïs x sorgho (2n
d'apporter d'intéressantes contributions =

plantes plus hautes et à épi plus lâche. 20). Dans le premier cas, l'obten­
à l'identification des espèces, à l'établis­ =

Il sera intéressant de vérifier si les tion d'hybrides a pu être confirmée


sement de relations phylétiques, à l'éva­
deux phénomènes - instabilité phéno­ [39], dans le second cas, elle a été réfu­
luation de phénomènes d'introgression.
typique et hétérogénéité du caryotype tée [ 40 ] .
- sont liés, et de préciser comment La simple observation des caryotypes
se maintient et se transmet cette révèle que la répartition des bandes est Une démarche fréquemment suivie en
hétérogénéité. très différente suivant les espèces. Par amélioration des plantes consiste à
exemple, le seigle, l'orge et le blé - qui réduire le plus possible le matériel géné­
sont phylétiquement et génétiquement tique introduit d'une espèce dans une
Il est évident que ce genre de travail des espèces proches - ont des caryoty­ autre. On crée pour cela, à partie des
ne peut être fait que s'il y a polymor­ pes extrêmement dissemblables. Le sei­ hybrides initiaux, des lignées dérivées,
phisme intraspécifique, il ne faut pas gle a des bandes essentiellement en posi­ se rapprochant du type cultivé par addi­
que celui-ci soit trop important. Chez tion terminale (télomérique) ; le blé et tion ou substitution de chromosomes,
le maïs, par exemple, les bandes sont l'orge, essentiellement en position péri­ ou par << recombinaison , homéologue.
si peu nombreuses et si variables, qu'il centrique. Certains auteurs [ 10, 5 1 ] Le génome de 1' espèce acceptrice est
paraît extrêmement difficile, dans les considèrent que l'organisation du chro­ donc aussi peu modifié que possible. Ce
hybrides, de déterminer les couples de mosome ainsi révélée est liée à la bio­ genre de manipulation a fréquemment
chromosomes homologues (figure 4). logie florale : le seigle est en effet une été réalisé à partir d'hybrides entre blé
mis n ° 3, vol. 8, mars 92 v
• •

Société Française de Génétique

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Figure 4. Photographies de cellules colorées par la technique de C-banding : cellules somatiques de maïs (a}, d'un
blé porteur d'une translocation 1 B/1 R (b} ; cellules mères de pollen d'un amphiploïde Triticum tauschii x Secale
cereale (c} et d'un hybride triticale x Secale cereale (d}. · En c, d, les chromosomes de seigle sont reconnaissables à
leurs blocs télomériques fortement chargés en hétérochromatine. (Photos a et b : S. Bernard ; photos c et d : M. Bernard.)

et d'autres Triticées (seigle, orge, Aegi­ l'on peut caractériser. Par exemple, les et l'insensibilité à la photopériode,
lops ou chiendent), ainsi que chez les descendances de croisements entre tri­ caractères particulièrement utiles en
Crucifères, les cotonniers, etc. , princi­ ticale et blé ségrègent plus ou moins situation intertropicale. Des études
palement pour introduire chez 1 'espèce rapidement en familles de type triticale systématiques, réalisées sur des popu­
cultivée des gènes de résistance aux et familles de type blé, de compositions lations dérivées de ce genre de croise­
maladies. Par les méthodes cytogénéti­ génomiques respectives ABR et ABD. ment et non soumises à des pressions
ques conventionnelles, l'obtention de ces Cependant, il arrive que l'on décèle des de sélection, tendent à montrer [ 42] que
matériels implique un travail considé­ individus ne comportant pas les géno­ les différentes substitutions RJD ne sem­
rable, et le résultat n'est pas toujours mes R ou D entiers ,, (7 chromoso­
<< blent pas équiprobables : pour des
celui espéré. Le C-banding permet dans mes), mais seulement 6 éléments d'un questions de viabilité (zygotique ou
bien des cas de repérer et d'isoler les génome et un de l'autre. C'est . par gamétique), de compétition pollinique,
plantes porteuses du chromosome étran­ exemple le cas d'une lignée de triticale de fertilité des plantes porteuses, certai­
ger souhaité, et de vérifier la constance développée par le CIMMYT (centre nes substitutions sont plus fréquentes
du fonds génétique de l'espèce accep­ international pour l'amélioration du que d'autres. Cependant, globalement,
trice [41 ] . maïs et du blé) vers 1 970, nommée l'obtention de plantes <<multisubsti­
Il arrive aussi que, à partir d'hybrides Armadillo, qui comporte le chromo­ tuées " semble difficile.
entre espèces, on obtienne des indivi­ some 2D substitué au chromosome 2R. Réciproquement, dans le blé, on con­
dus « recombinants ,, souvent à la suite Cette substitution était intéressante car naît des génotypes porteurs de frag­
de réassortiments chromosomiques, que elle apportait une précocité plus grande ments de chromosomes de seigle,
VI mis n ° 3, vol. 8, mars 92
Société Française de Génétique

d'Agropyron ou d'Aegilops, qui ont été le cas des mixogénomes R/D, prece­ vent s'établir des échanges entre chro­
in.troduits par recombinaison homéo­ demment évoqués, ces 1 28 combinai­ mosomes homéologues, cytologique­
logue ou par translocation. Le plus sons semblent relativement équipro­ ment décelables. Ces renseignements
connu de ces fragments est le bras court bables, pour autant que l'on s'en sont précieux, dans la mesure où l 'on
du chromosome l R , qui remplace la réfère aux données actuelles [ 45] ; il ne peut déduire a pnori de données
partie homéologue du l B , ce qui a est donc difficile, pour une simple pure m e n t génét i q u e s , bio­
abouti à la construction d'un chromo­ question de probabilités, d'obtenir une chimiques ou même moléculaires, les
some composite l B/l R . Ce chromo­ composition chromosomique homo­ possibilités d 'échanges génétiques
some est très facilement identifiable en gène, de type AA RR ou BB RR entre espèces. Par exemple, chez les
banding, car il se différencie notablement [46] . Cela démontre que les chromo­ Triticinées, les génomes << élémentai­
du chromosome l B « normal ''· Les somes A et B sont largement inter­ res ,, A, B, D, R (et autres), sont très
génotypes qui en sont porteurs, dérivant changeables et confirme la proximité proches quant à leur contenu généti­
d'un croisement blé x seigle réalisé de leurs contenus génétiques. Des cas que et leur organisation générale. Or,
probablement au début de ce siècle, ont analogues démontrent que les chromo­ l'observation des figures d'apparie­
été retenus par la sélection pour leur somes du génome D du blé tendre ments chromosomiques conduit à des
résistance à diverses maladies, et aussi sont également facilement substitua­ résultats assez contrastés. Par exem­
pour leur productivité et la stabilité de bles aux éléments homéologues de A ple, dans les confrontations D-R,
leurs performances agronomiques. Ce et B . observables dans les hybrides T. taus­
chromosome lB/lR se trouve par chii x seigle ou triticale x blé ten­
exemple dans Kaukaz, Aurora, Clé­ dre, il n 'apparaît presque j amais de
ment, Veery, etc . , toutes variétés qui Observations e n méiose figure d 'appariement [39].
ont marqué leur époque. Cette trans­
location s'accompagne de deux autres Un cas intéressant est celui d 'hybri­
Les techniques de banding chromo­ des blé x seigle comportant ou non
particularités : d'une part, elle affecte
beaucoup la qualité technologique car somique sont parfaitement applicables le gène Phl , régulateur des apparie­
sur des cellules en méiose (notamment ments chromosomiques chez le blé
le segment « seigle " porte un locus
codant pour certaines protéines de cellules mères de pollen, facilement [ 48] . Le nombre de chromosomes
accessibles). De telles observations per­ appariés est plus important chez les
réserve qui sont très défavorables à ce
mettent d'estimer, pour une paire de hybrides qui n 'ont pas le gène Phl (5
caractère ; d'autre part, elle semble
chromosomes donnée, identifiable, les à 6 bivalents en moyenne, au lieu de
favoriser fortement les processus de
fréquences d'appariement, par obser­ 1 ; présence de trivalents). On pour­
régénération des embryoïdes obtenus
vation des « chiasmas "• définis au rait donc penser que 1 'élimination de
par culture in vitro des anthères : 60 à
80 % des plantes régénérées (haploïdes, niveau cytologique, visibles en méta­ ce gène a favorisé les appariements
phase 1 . Cela est susceptible d'appor­ entre chromosomes de seigle et de blé.
puisque provenant de microspores) sont
porteuses du chromosome transloqué ter des informations intéressantes, En fait, un examen en banding permet
aussi bien en situation d 'homologie de constater que l 'augmentation des
lB/lR [43 ] . En revanche, ce chromo­
some semble se transmettre moins faci­ que d'homéologie. appariements est essentiellement le fait
lement par voie sexuée ; en F2 d'un Il est par exemple connu que les tri­ d'associations entre chromosomes de
croisement étudié au laboratoire, les ticales, et notamme nt les triticales pri­ blé (A, B et D), plutôt qu'entre ceux
individus hétérozygotes l B- l B/ 1 R et maires, directement issus du croise­ du seigle et du blé. De même, dans
homozygotes lB sont sur-représentés, ment entre blé et seigle, ont des com­ les hybrides triticale 6x x seigle com­
les individus homozygotes l B/ l R portements méiotiques beaucoup plus portant le gène Phl, on constate 1 'exis­
sous-représentés. irréguliers que ceux de leurs parents, tence d'appariements A-B assez fré­
avec présence de nombreux chromo­ quents [ 49] ; ce phénomène démon­
Un autre exemple où le banding a somes non appariés (univalents). Des tre que le génome R porte lui-même
apporté d'intéressantes informations est analyses en C-banding permettent de des systèmes de contrôle des échan­
celui des triticales tétraploïdes. Il s'agit voir que ces univalents correspondent ges entre chromosomes qui, dans cer­
de triticales à 28 chromosomes, géné­ majoritairement aux chromosomes de taines situations génétiques, peuvent
ralement dérivés d'hybrides triticale 6x seigle [ 4 7 ] . Il est donc clair que la inhiber l 'action du gène Phl et favo­
x seigle ; ces triticales comportent 2 x
coexistence dans une même structure riser l 'appariement entre homéolo­
7 chromosomes de seigle, et 2 x 7 des deux génomes blé et seigle gues. De tels systèmes, plus ou moins
chromosomes de blé, provenant indif­ entraîne des dysfonctionnements au puissants, ont été mis en évidence
féremment des génomes A et B . Ce niveau des possibilités d' appariement chez nombre d'espèces diploïdes voi­
dernier ensemble, désigné par le terme des chromosomes, même homologues. sines du blé, notamment certains Aegi­
de « mixogénome comporte 2 7
'' • =
En revanche, il est possible de sélec­ lops, Agropyron, etc. Cela suggère que
1 28 modalités possibles (sans comp­ tionner des plantes présentant des 1 'existence du locus Ph est antérieure
ter les cas de recombinaison homéo­ niveaux d'appariement chromosomi­ à la formation du blé, et que l ' allèle
logue intrachromosomique). Or, con­ que beaucoup plus élevés. Phl a été sélectionné parce qu 'il con­
trairement à ce qui est observé dans Dans des hybrides entre espèces peu- férait un avantage sélectif important
mis n ° 3, vol. 8, mars 92 VIl
Société Française de Génétique

aux plantes qui en étaient porteuses.


Tableau 1
L 'observation de méioses d'hybrides
permet aussi d 'apprécier le degré de NOMBRE DE CELLULES MÈRES DE POLLEN PRÉSENTANT
divergence entre génomes désignés par SOIT DEUX UNIVALENTS SOIT UN BIVALENT
une même lettre, donc supposés com­ POUR LA PAIRE DE CHROMOSOMES
muns, et présents dans différentes CONSIDÉRÉS, DANS L'HYBRIDE -

espèces (par exemple, A , de Tn"ti­


« TRITICUM AESTIVUM x TRITICUM MONOCOCCUM
cum monococcum et << A '' du blé tendre).

L ' analyse en C-banding des d 'hybrides 1 bivalent

blé tendre x T monococcum (Tableau l)


Chromosome 2 univalents droit anneau
montre que l'affinité est loin d 'être la
même pour les différents couples de 1A 38 66 16
chromosomes : pour certains, les fré­ 2A 39 51 18
quences d 'appariement sont très éle­ 3A 29 75 6
vées (60-70 % ) ; pour d ' autres, qua­ 4A 1 20 0 0
siment nulles [50]. Cela suggère soit 5A 16 98 3
que les génomes << A , ont fortement 6A 57 63 0
divergé depuis la formation de l'espèce 7A 24 28 68
blé tendre, et que cette divergence n'a
pas eu la même vitesse pour tous les
chromosomes, soit que le génome A
du blé tendre comporte: en fait des tiellement amylacées, au fur et à bilité de l'importance des zones hété­
chromosomes qui ne proviennent pas mesure de leur formation, par action rochromatiques du seigle dans un con­
du génome A ancestral, mais d'un des amylases qui restent actives pen­ texte triticale ; ils ont tenté de démon­
autre. dant la période de maturation. Des trer que cette importance décroissait
On ne peut certes pas inférer de tel­ auteurs [5 1 ] ont montré qu'il y avait au fur et à mesure des progrès de la
les données des conclusions sur les chez ces plantes, au début de la for­ sélection chez le triticole, qui se tra­
parentés et contenus génétiques entre mation de l'albumen dont la structure duisent par une productivité plus éle­
génomes de différentes espèces, ce qui est d'abord syncytiale, de nombreu­ vée, un comportement méiotique plus
demande des analyses beaucoup plus ses anomalies dans les divisions régulier, une fertilité d'épi plus
fines. Cependant, de telles observa­ nucléaires (ponts chromatiques , grande, une tendance à l'<< autogami­
tions tendent à montrer que les diver­ noyaux aneuploïdes en forte propor­ sation ,, etc. [45 ] . D ' autres auteurs
gences entre génomes sont vraisem­ tion, etc.). Ces auteurs ont cru pou­ ont cherché à étudier ce phénomène
voir établir des relations entre ces ano­ sous l'angle génétique, notamment
blablement le fait d'éléments chromo­
somiques autres que les gènes de malies, la présence de blocs hétéroch­ par l'analyse d'hybrides obtenus dans
romatiques importants provenant du des systèmes de croisements orthogo­
structure qui paraissent remarqua­
seigle, et l'intensité de l'échaudage. naux ; ils n'ont pas relevé l'existence
Actuellement, il est pratiquement
blement conservés d'un génome à
d'une tendance particulière vers une
l'autre .
démontré, par suite des progrès de la diminution ou une augmentation de
sélection contre ce caractère, et d'étu­ telle ou telle zone hétérochromatique.
des génétiques, que ces phénomènes En revanche, il a été mis en évi­
Hétérochromatine :
quelles fonctions ?
sont indépendants les uns des autres : dence [35] que certaines bandes -
il n 'apparaît pas de relation de cause généralement mineures - présentes
à effet entre importance des zones chez les parents blé et seigle pouvaient
Enfin, la possibilité de mettre cytolo­ hétérochromatiques et échaudage [52]. être absentes chez les hybrides. Cela
giquement en évidence l'hétérochro­ Un autre thème a été celui de possi­ suggère l'existence, comme pour
matine a ouvert le champ à certaines bles relations entre le régime de repro­ d ' autres systèmes génétiques (par
investigations sur le rôle qu'elle pour­ duction des espèces et la position des exemple, locus NOR), de phénomènes
rait jouer dans l'expression de certains zones hétérochromatiques. Sur ce d ' interactions pouvant inhiber
caractères. point, il a été signalé précédemment l'expression de certaines de ces ban­
Concernant le triticale, par exemple, les différences existant entre blé, orge des. Celles-ci ne seraient donc pas des
la littérature - notamment améri­ et seigle : blé et orge sont à prédo­ entités structurales figées et immua­
caine - abonde sur le rôle possible minance autogame - surtout les bles, mais seraient sous la dépendance
de l'hétérochromatine dans l'échau­ types cultivés -, le seigle est stricte­ - individuellement - d 'un contrôle
dage du grain ; ce phénomène se ment allogame (auto-incompatible). génétique plus ou moins complexe
manifeste par la production de grains Le triticale, issu de l'hybridation entre déterminant une conformation parti­
plus ou moins ridés, parfois presque blé et seigle, est lui-même à prédo­ culière du chromosome dans une
réduits aux seules enveloppes ; il est m i n ance autogame . C ertains région particulière.
dû à la destruction des réserves, essen- auteurs [5 1 ] ont constaté une varia- Un autre point - qui n'est pas tota­
VIII mls n ° 3, wl. 8, TTIIJTS 92
�rd'

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lement étranger au précédent -, et banding chromosomique ne constituent Références


sur lequel la littérature en cytogéné­ qu'un élément d'approche de la struc­
tique végétale abonde, concerne les ture du génome végétal et qu'elles
relations entre appariements chromo­ n'ont, notamment, pas de valeur 1 . Caspersson T, Zech L, Modest E, Foley
somiques (formation et terminalisation explicative quant à son fonctionne­ GE, Wagh U, Simonsson E. DNA binding
fluorochromes for the study of the organization
des chiasmas), échanges génétiques et ment. Cependant, les quelques exem­ of the metaphase nucleus. Exp Cel! Res 1969 ;
localisation des zones hétéro­ ples précédemment évoqués montrent 58 : 1 4 1 -52 .
chromatiques. Globalement, il appa­ qu'elles sont susceptibles d'apporter
raîtrait que les zones hétérochroma­ beaucoup dans certains domaines : 2. Pardue ML, Gall JG. Chromosomal loca­
tiques joueraient un rôle dans les phé­ meilleure connaissance de la structure lization of mouse satellite DNA. Science 1 970 ;
168 : 1 356-8.
nomènes d'appariement des chromo­ et de la variabilité du génome au
somes au cours des phases précoces niveau intraspécifique, participation à 3 . Arrighi FE, Hsu TC. Localization of hete­
de la méiose, mais seraient aussi des l'élaboration d'une cartographie physi­ rochromatin in human chromosomes. Cywge­
zones « interdites à la recombinai­ que, contribution à des études de netics 1 9 7 1 ; 1 0 : 8 1 -6.

son ''·Sur triticale, Merker [53] a taxonomie, caractérisation d'hybrides


4. Dutrillaux B , Lejeune J . Sur une nouvelle
montré que, pour une paire de chro­ interspécifiques et d' introgressions technique d' analyse du caryotype humain. CR
mosomes donnée, il y a échec d'appa­ d'une espèce dans une autre, etc. Elles Acad Sc Paris 1 9 7 1 ; 272 : 2638-40.
riement plus fréquemment chez les doivent naturellement ouvrir le che­
individus hétérozygotes ( + - ) pour la min et être associées à d'autres tech­ 5. Distèche C, Hausman-Hagemeijer AM ,
Frederic J. Enregistrements détaillés des cour­
présence d'une bande C télomérique, niques relevant de la biochimie, de la bes de distribution de la fluorescence des chro­
que chez les homozygotes ( - - ) ou biophysique, , de la biologie molécu­ mosomes humains, par une application nou­
( + + ). Par ailleurs, Gillies et al. [54] laire, pour parvenir à mieux com­ velle de microdensitométrie. CR Acad Sc Paris
ont montré sur seigle que l 'élabora­ prendre l'organisation du chromosome 1 9 7 1 ; 273 : 92-4.

tion du complexe synaptonémal chez des végétaux supérieurs, son fonction­


6. Vosa CG. The quinacrine-fluorescence pat­
un individu hétérozygote pour une nement, et le rôle que peuvent avoir terns of the chromosomes of Allium carinatum.
zone télomérique hétérochromatique certaines zones particulières dans cer­ ChrorrwsoTIU/. 1 9 7 1 ; 33 : 382-5.
se faisait de façon dissymétrique (éla­ taines fonctions cellulaires et tissulai­
boration inégale des éléments laté­ res spécifiques. 7. Vosa CG, Marchi P. Quinacrine fluores­

Enfm, les techniques d'observation des


cence and Giemsa staining in plants. Nature­
raux). Dans ces différents cas, il est New Biology 1 9 72 ; 1 9 1 - 2 .
difficile de conclure si le déficit chromosomes continuent d'évoluer,
d'appariement constaté traduit un rôle suivant des axes qui ont été évoqués 8. Gerlach WL. N-banded karyotypes of wheat
fonctionnel de l'hétérochromatine dans dans l'article de Popescu [9] . Par species. ChrorrwsoTIU/. 1 9 77 ; 49 : 357-70.
les mécanismes d' appariement entre exemple, dans le domaine végétal, de
9. Popescu CP. La cytogénétique des animaux
chromosomes, . ou si celui-ci résulte même que dans le règne animal, la
possibilité d'utiliser l'hybridation in situ
d'élevage. médecine/sciences 1991 ; 7 : IX.
simplement d'une hétérozygotie struc­
turale locale (toute délétion étant sus­ permet d'acquérir de nouvelles infor­ 1 0 . Natarajan AT, Natarajan S. The hetero­
ceptible d'entraîner le même effet) . mations, différentes selon que l 'on chromatin of RlwerJ disco/or. Hereditas 1972 ; 72 :
323-30.
Pourtant, il apparaît clair, à partir des s'adresse à des sondes « séquences
études de recombinaison rendues pos­ uniques '' ou séquences répétées » ,
«
1 1 . Filion GF. Differentiai Giemsa staining in
sibles par l'existence de marqueurs de certaines d 'entre elles pouvant être plants. I - Banding patterns in three cultivars
plus en plus nombreux (RFLP spécifiques d'un génome élémentaire of Tulipa. Chrorrwsoma 1 974 ; 49 : 5 1 -60.
notamment), que le centimorgan chez ou d'un chromosome. On a pu ainsi
12. Schweizer D. Differentiai staining of plant
le blé ou le seigle peut correspondre déjà caractériser la présence d'élé­ chromosomes with Giemsa. Chromosoma 1973 ;
à une quantité de paires de bases ments chromosomiques de seigle dans 40 : 307-20.
extrêmement variable (de quelques le blé, ou d'éléments du génome D
mégabases à plusieurs centaines de dans le blé dur. 13. Fiskesjo G. Two types of constitutive hete­
rochromatin made visible in Allium by a rapid
mégabases) ; et que les zones où les La conjonction de l'ensemble de ces C-banding method. Hereditas 1974 ; 78 : 1 53-6.
phénomènes de recombinaison sont techniques permet d'affiner nos capa­
peu intenses semblent correspondre cités d 'observation et nos systèmes 14. Schweitzer D. An improved Giemsa C­
aux zones chromosomiques fortement d'analyse, pour une meilleure compré­ banding procedure for plant chromosomes.
chargées en hétérochromatine. n sem­ hension des mécanismes évolutifs et Experimentia 1 974 ; 30 : 570- 1 .

ble se dégager de tout cela un ensem­ du fonctionnement du génome


végétal •
1 5 . Merrit JF, Burns JA. Chromosome ban­
ble cohérent qui mérite des vérifica­ ding in Nicotiana owplwra without denaturation
tions expérimentales rendues possibles and renaturation. The Journal of Heredity 1974 ;
par la disponibilité en marqueurs 65 : 1 0 1 -3 .

moléculaires · saturant les cartes 1 6 . Linde-Laursen I , Von Bothmer R , Jacob­


M. Bernard : directeur de recherche à l'INRA.
génétiques. S. Bernard : chargée de recherche à l'INRA. Labo­ sen N. Giemsa C-banded karyotypes of South
ratoire .d ' amélioration des plantes, INRA, and Central American Hordcum (Poaceae).
Il est donc clair que les techniques de 63039 Clermont-Ferrand Cedex, France. Herediw 1990 ; 1 1 2 : 93- 1 0 7 .

mis n ° 3, ool. 8, mars 92 IX


Société Française de Génétique

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