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ENTRE DÉCROCHAGE ET DÉCOHABITATION PRÉCOCE, L’EXPÉRIENCE

D’UNE JEUNESSE « DÉVIANTE »

James Masy, Nadège Tenailleau

ENS Editions | « Revue française de pédagogie »

2021/2 n° 211 | pages 37 à 48


ISSN 0556-7807
ISBN 9791036204852
DOI 10.4000/rfp.10464
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Revue française de pédagogie
Recherches en éducation
211 | 2021
Les décrochages scolaires : des situations aux
parcours

Entre décrochage et décohabitation précoce,


l’expérience d’une jeunesse « déviante »
“Deviant” young people’s experiences of dropping out of school and leaving
home at an early age

James Masy et Nadège Tenailleau

Édition électronique
URL : https://journals.openedition.org/rfp/10464
DOI : 10.4000/rfp.10464
ISSN : 2105-2913

Éditeur
ENS Éditions

Édition imprimée
Date de publication : 23 septembre 2021
Pagination : 37-48
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ISBN : 979-10-362-0485-2
ISSN : 0556-7807

Distribution électronique Cairn

Référence électronique
James Masy et Nadège Tenailleau, « Entre décrochage et décohabitation précoce, l’expérience d’une
jeunesse « déviante » », Revue française de pédagogie [En ligne], 211 | 2021, mis en ligne le 04 janvier
2025, consulté le 27 septembre 2021. URL : http://journals.openedition.org/rfp/10464 ; DOI : https://
doi.org/10.4000/rfp.10464

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DOSSIER
Entre décrochage et décohabitation
précoce, l’expérience d’une jeunesse
« déviante »
James Masy
Nadège Tenailleau
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Parmi les grandes transformations qui ont reconfiguré le poids de l’école dans la société française,
deux sont particulièrement intéressantes à considérer dans les études sur le décrochage : l’accès au
diplôme devenu une norme et la remise en cause du processus anthropologique du passage à l’âge
adulte. L’intrication de ces deux transformations rend compte d’une expérience de la jeunesse struc-
turée autour d’un long et progressif accès à l’indépendance. Si l’entrée dans ce processus est le plus
souvent marquée par la décohabitation du domicile parental, le manque de diplôme et les difficultés
d’entrée sur le marché du travail la freinent, le décrochage favorisant de facto une dépendance au
milieu familial et le maintien dans le foyer d’origine. En articulant ces champs trop peu souvent trai-
tés conjointement, nous souhaitons interroger l’expérience tout à fait singulière de celles et ceux qui,
en situation de décrochage ou décrocheurs et sans emploi, décohabitent malgré tout. Un choix qui
constitue les prémices d’une expérience de la rue. Cet article vise en premier lieu à enrichir les connais-
sances sur une population encore trop méconnue du fait de la difficulté à la capter, mais aussi à
saisir la manière dont s’articulent ces deux processus ainsi que les conséquences qui en découlent.

Mots-clés (TESE) : décrochage scolaire, interruption des études, attitude envers l'école, jeune sans qualifi-
cation, transition vers la vie active, déviance scolaire

Introduction le diplôme a pris une importance capitale. « Ainsi,


l’écart se creuse entre les jeunes qui, de plus en plus
Le modèle de l’identification faisant place au modèle nombreux, possèdent ce viatique et ceux qui en sont
de l’expérimentation (Galland, 1990), la jeunesse est dépourvus. Ces derniers, et non l’ensemble de la jeu-
devenue un espace structuré par la construction pro- nesse, sont soumis à des risques croissants de margi-
gressive des statuts et rôles d’adulte au sein de laquelle nalisation sociale et professionnelle » (Galland, 2007, 37-48
p. 169). Inscrit à la fois dans la sociologie de l’expérience Cette décohabitation s’inscrit pleinement dans ce
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(Dubet, 1994) et la socio-anthropologie de la jeunesse que M. Bozon (2002) appelle les « rites de première
(Goguel d’Allondans & Lachance, 2014), cet article s’at- fois ». Parmi ces derniers, on peut en identifier deux
tache à rendre compte de l’expérience tout à fait sin- types : ceux qui augmentent la zone d’autonomie de
gulière de jeunes qui, sortis du système scolaire sans l’individu (décohabitation, permis de conduire, etc.) et
diplôme et sans emploi, décohabitent malgré tout. Un les conduites perçues comme déviantes (alcool,
choix qui constitue le plus souvent les prémices d’une drogue, cigarette, etc.) constituant néanmoins une
carrière déviante marquée par une expérience de la expérience. Les premiers s’inscrivent dans un proces-
rue et de la zone (Pimor, 2014c). En nous intéressant sus d’engagement, que H. S. Becker (1985) définit
aux jeunes qui décrochent, décohabitent et font l’ex- comme l’investissement progressif dans des institu-
périence d’une vie à la rue, l’objectif est d’éclairer l’in- tions et conduites conventionnelles, le plus souvent
trication de ces espaces de socialisation, d’en saisir le marqué par la décohabitation (Van de Velde, 2015).
poids et l’impact sur les trajectoires de jeunesse. C’est aujourd’hui le modèle dominant du fait de la mas-
Tandis que le processus qui conduit au décrochage sification des études supérieures. Cependant, le
scolaire a été très largement documenté, depuis les fac- manque de diplôme et les difficultés d’entrée sur le
teurs qui le favorisent (Fortin, Royer, Marcotte et al., marché du travail freinent cette décohabitation (Solard
2004 ; Fortin, Marcotte, Royer et al, 2005 ; Bernard, 2011a, & Coppoletta, 2014), voire conduisent au maintien dans
2011b), jusqu’aux ruptures qui se combinent pour abou- le foyer d’origine. Les rites du second type sont plus
tir à un abandon scolaire (Millet & Thin, 2003, 2012 ; transgressifs. Ils sont pour H. S. Becker la première
Douat, 2016), l’expérience du décrochage « hors les étape d’une « carrière déviante » et peuvent, dans cer-
murs » en tant que phase ultime du décrochage a le plus tains cas, être un prédicteur de l’abandon scolaire
souvent été étudiée sous l’angle des politiques éduca- (Janosz, Le Blanc & Boulerie, 1998).
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tives de prévention (Boudesseul, Grelet & Vivent, 2012 ; Nous nous intéressons ici aux jeunes qui font « de la
Berthet & Zaffran, 2014) ou d’intervention (Bernard déviance un genre de vie et qui organisent leur identité
& Michaut, 2012 ; Maillard, Merlin, Rouaud et al., 2016). sur la base d’un mode de comportement déviant » (Bec-
Une autre partie tout à fait intéressante pour éclairer ker, 1985, p. 53), pour lesquels « sécher les cours » s’ap-
notre propos explore l’expérience du raccrochage (Vol- parente à une première fois transgressive altérant plus
let, 2016a ; Zaffran & Vollet, 2018) et souligne à la fois ou moins l’implication dans leur scolarité. Ils relèvent de
l’entremêlement des séquences de décrochage et rac- la récente catégorie européenne des jeunes âgés de 15
crochage dans les récits (Guibert & Amar, 2019) mais à 24 ans qui ne sont ni en emploi, ni en études, ni en
aussi la spécificité et la temporalité de chacune de ces formation (NEET1). Une catégorie qui n’en reste pas
séquences (Vollet, 2016b). Le temps du décrochage hors moins « étroite et trompeuse » (Cuzzocrea, 2014, p. 84)
les murs est le plus souvent entendu, dans les politiques que celle des décrocheurs. On compte 12,9 % de jeunes
publiques, comme une « période de latence étant syno- NEET en France, parmi lesquels 14,5 % ont décohabité,
nyme de “danger” – autant pour les jeunes que pour la 37 % se tiennent à distance du service public de l’emploi
société » (p. 155), une tendance sécuritariste qui préside (SPE) et 3,3 % sont mineurs (Mahfouz, 2020).
à la gestion de l’absentéisme scolaire (Douat, 2007) et Les jeunes enquêtés appartiennent à cette infime
rappelle la tendance répressive des politiques de pré- partie qui a quitté précocement le système éducatif,
vention de la délinquance (Mucchielli, 2004). Ainsi, son ne souhaite pas s’insérer sur le marché du travail et fuit
étude permet de questionner l’expérience avant toute pour un temps au moins toutes formes d’accompagne-
forme de raccrochage : celle qui fonde autant la satis- ment, dont on sait pourtant le lien fort avec les formes
faction du temps libre que l’ennui qui en résulte (Vollet, de raccrochage (Bernard & Michaut, 2018). Sans emploi,
2016b). Pour ces jeunes, les « sensations de liberté et de sans formation, sans accompagnement, décohabitant
maîtrise de son existence » qu’induit la déscolarisation sans aucune ressource, ils deviennent des « sans domi-
font très vite place aux « sentiments d’ennui et d’enfer-
mement dans le quotidien » (p. 167) qu’implique la rou-
tine. S’ensuit alors une dégradation de la relation avec 1 Neither in Employment nor in education or training. L’acronyme
la famille qui débouche sur une nouvelle phase : la a été officialisé à la fin des années 1990, par « Bridging the Gap » en
1999 (Social Exclusion Unit, 1999), des chercheurs ont commencé à
recherche d’un emploi pour les uns ou la décohabita-
employer l’acronyme NEET, puis il devient dès 2010 un indicateur
38 tion pour les jeunes de cette enquête. utilisé par la Commission européenne.
cile », voire des jeunes recherchés pour disparition jeune femme de 19 ans connue des enquêteurs, qui a

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inquiétante2. Bravant le carcan socio-anthropologique donné le point de départ à cette recherche en annon-
du passage à l’âge adulte, adossé à la massification de çant : « Bah nous au squat, on est tous décrocheurs ! ».
l’enseignement supérieur qui en fait une période de Elle est ainsi devenue l’informatrice-relais de cette
formation préliminaire à l’insertion définitive, ils enquête, en assurant sa promotion au sein du squat et

Entre décrochage et décohabitation précoce, l’expérience d’une jeunesse « déviante »


décident de vivre une autre jeunesse : une jeunesse à en proposant des rendez-vous entre les jeunes et les
la rue en rupture avec les normes sociales qui l’enca- chercheurs. Ainsi, tous les jeunes enquêtés sont des
drent. En questionnant, à travers cette population, le membres plus ou moins proches de ce groupe. Dix sont
processus socio-anthropologique, nous cherchons à « passés au squat », y vivant à temps plein ou partiel,
éclairer autant la place que l’école – ou plutôt son quatre d’entre eux en sont les fondateurs : les
absence – y occupe, que la marge dans laquelle ces « ouvreurs ». Enfin, deux sont liés au groupe, mais sont
jeunes vivent leur jeunesse. Quelle place a l’école dans arrivés après la fermeture du squat.
la rue ? Quelle place tient la rue dans le processus de Le deuxième problème propre à ce champ de la
décrochage ? Comment se structure l’expérience de la recherche est la temporalité. Celle de l’enquête n’est
jeunesse à la rue ? Dans quelle mesure déviance et pas toujours celle du squat et celle des chercheurs rare-
déscolarisation s’articulent-elles ? ment celle des jeunes. Le projet d’enquête a com-
mencé au début de l’été 2017. Deux mois plus tard, le
Méthodologie et cadres d’analyse squat dans lequel Alaska et ses amis vivaient est évacué
par la police. S’ils étaient restés regroupés au même
Cette enquête, qui s’étale sur près de deux années endroit, l’enquête ethnographique aurait assuré un
entre 2017 et 2018, s’appuie sur une série de douze recueil de données plus aisé. Le squat dissous, le
entretiens, soit environ vingt heures, auprès de jeunes groupe le fut aussi : il fallait retrouver chacun, mais
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à la rue âgés de 16 à 25 ans et en dehors de tout dispo- surtout fixer un rendez-vous à une heure et dans un
sitif, rendant l’accès au terrain très complexe. Tous ont lieu précis. Or, leur rapport au temps rendait le plus
décohabité étant mineurs et ont vécu en squat plus ou souvent la projection sur plus de quelques jours impos-
moins longtemps. La méthodologie empruntée sible. Il n’était pas rare que les rendez-vous soient
répond à l’ancrage théorique et à l’objet, aussi les annulés la veille ou le jour même et les retards de plus
entretiens se trouvent à la croisée des démarches com- d’une heure fréquents. Nous précisons ici que les don-
préhensive et ethnographique. La sociologie de l’ex- nées présentées sont issues des entretiens menés à la
périence amène à l’entretien compréhensif (Kauffman, suite de la fermeture du squat, sur une période d’envi-
2001) parce qu’elle invite à considérer chaque individu ron dix mois.
comme un « intellectuel, comme un acteur capable de Le contexte des entretiens mérite que l’on s’y inté-
maîtriser consciemment, dans une certaine mesure en resse. Rencontrer des jeunes qui ne vivent plus néces-
tout cas, son rapport au monde » (Dubet, 1994, p. 128). sairement en squat, mais squattent ici et là, implique
La démarche ethnographique permet quant à elle de le plus souvent des rencontres dans un espace public.
conduire des entretiens approfondis longs qui servent La plus grande partie des entretiens s’est donc dérou-
autant de données de substitution que de récits lée au bar en fin de journée, où les enquêteurs ont, à
contextualisés (Beaud, 1996). chaque fois, offert un verre à l’interviewé. Cette pra-
L’accès à ces jeunes est l’une des plus grandes dif- tique invite à dépasser la situation sociale attendue
ficultés car, comme l’explique Tom, travailleur social en et à inscrire l’interviewé dans une relation de
charge d’un dispositif de sortie de rue, ces jeunes évo- confiance, acceptant ainsi sans trop de difficultés de
luent « en dessous des radars ». Comme souvent dans « se raconter », malgré la brièveté relative de la ren-
ce type d’enquête, c’est l’accès de proche en proche contre. En effet, si l’enquête ethnographique autorise
qui a permis de mener ces entretiens. C’est Alaska3, une généralement les entretiens répétés, la situation occa-
sionnée par l’éclatement du groupe à la suite de la
fermeture du squat oblige à repenser les entretiens
2 Tout signalement de disparition d’un mineur est considéré
comme inquiétant et donne lieu à l’inscription au fichier des per- comme des opportunités uniques d’obtenir un récit,
sonnes recherchées.
3 Nous avons, lorsque c’était possible, choisi avec les jeunes
concernés les pseudonymes que nous utiliserons dans le texte. Dans relais. Par ailleurs, nous avons opté pour une codification simple
le cas contraire, nous nous sommes référés à notre informatrice- des deux caractéristiques retenues : Homme ou Femme ; âge. 39
une expérience qui touche à l’intimité de chacun. Afin la réussite académique, l’adaptation normative et l’en-
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de limiter les effets de domination qu’implique l’uti- gagement, l’auteur propose quatre profils qui viennent
lisation d’un guide, celui-ci était intégré aux pages renforcer l’analyse de Janosz, Fallu et Deniger (2000).
d’un vieux cahier qui permettait la prise de notes sau- Notre enquête montre que, pour ces jeunes, c’est avant
vages, sans trop scolariser davantage la situation d’en- tout une forme de résistance à la forme scolaire qui
quête. De la même façon, l’enregistreur était celui fonde le décrochage, les affiliant dès lors aux caracté-
d’un smartphone, objet du quotidien. Enfin, les ristiques des « rebelles » qui associent difficultés sco-
enquêteurs, par leur hexis empruntant certains codes laires, moindre engagement et déviance scolaire. Nous
repris par la culture juvénile contemporaine (pier- verrons toutefois qu’une large part de l’échantillon
cings, sweat à capuche, baskets, Doc Martens), ont correspond en partie aussi aux « désengagés » caracté-
aussi favorisé le récit de soi le plus libre qui soit. Au risés par une origine sociale plutôt favorisée, sans dif-
total, près de vingt heures d’entretien constituent le ficultés cognitives, ni défiance vis-à-vis de la forme
matériau de cette enquête. scolaire jusqu’au lycée.
Les entretiens ont été pensés dans une logique
biographique permettant de situer chronologique- Les rebelles, construction
ment les faits en interrogeant respectivement l’expé- d’une rupture scolaire
rience scolaire et celle de la rue. Bien que les deux aient
été distingués, l’identification délicate des éléments Issus des milieux sociaux les plus défavorisés et dans
de rupture pousse les jeunes à des allers-retours inces- des situations familiales précaires, ces jeunes « rebelles »
sants dans leur récit. L’analyse s’en trouve dès lors très ont décroché à la fin du premier cycle du secondaire.
complexe et nécessite de distinguer le vertical, davan- Bien que ce profil soit récurrent dans la littérature et
tage biographique, de l’horizontal, plus thématique. fréquent dans la rue, il ne concerne que trois jeunes
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L’analyse verticale a permis de considérer dans le dans cette enquête. Les difficultés scolaires précoces
discours le « fait expériencé » et la « pensée construite » tiennent, pour eux, lieu de « premier temps » du décro-
(Blanchet & Gotman, 1992) : le « fait expériencé » en tant chage (Bernard, 2011a), ce qui les conduit à des com-
qu’expérience vécue considérée comme une articula- portements a-scolaires et à des parcours de relégation
tion entre « l’épreuve personnelle concrète, pratique, (Millet & Thin, 2012). C’est le cas de Julio, Mamèn ou
singulière, située dans le temps et l’espace social, et les Mimouch, pour qui le rejet de l’école passe surtout par
enjeux collectifs dans lesquels ils peuvent se com- un « processus d’hostilité circulaire » (Millet & Thin,
prendre et doivent être interprétés » (p. 28) ; la « pensée 2012, p. 196) au sein duquel la sanction de leurs écarts
construite » en tant qu’« organisation d’opinions, d’at- de conduite donne lieu à des représailles sur les ensei-
titudes et de valeurs, une façon d’envisager l’homme gnants, qui à leur tour les sanctionnent. Ils finissent
et la société » (p. 26). Nous avons complété ce premier donc par être exclus pour raisons disciplinaires et sont
niveau par une analyse thématique visant à appréhen- finalement « décrochés par l’institution scolaire » (Ber-
der de manière progressive le discours, afin d’en déga- nard, 2011b).
ger des « tas » (Bardin, 2013). Cette double analyse nous
permet d’identifier comment décrochage scolaire et Si le prof, je l’aimais bien, j’étais sympa avec lui et tout.
Mais si le prof, il me cherchait et tout… parce que des
décohabitation s’articulent.
fois, il disait des remarques et tout que j’aimais pas...
bah là, par contre et tout, je lui faisais la misère. [Rires]
mais c’est la vérité, quoi (Julio, H, 18 ans).
La résistance comme ancrage
du décrochage Ces pratiques qui visent à remettre en cause l’au-
torité professorale conduisent à des sanctions formant
Nous avons fait le choix de situer l’expérience scolaire un « casier scolaire », dont le renvoi définitif constitue
menant au décrochage à partir de la notion d’engage- « un déracinement social, géographique et affectif »
ment développée par H. S. Becker (1960) puis transpo- (Millet & Thin, 2012, p. 250) et in fine l’aboutissement
sée au monde scolaire par P.-Y. Bernard (2011b). Cela du processus institutionnel de désaffiliation scolaire.
permet d’identifier plusieurs profils de décrochage et Cette manière de ne pas se soumettre à la domination
de parcours scolaires repris dans l’analyse. À travers ou plus exactement d’y résister (Scott, 2008) se cumule
40 une modélisation de l’expérience scolaire appuyée sur à un comportement a-scolaire en classe.
Ces jeunes, scolarisés dans des établissements ces jeunes fait état d’une volonté d’apprendre tout en

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ségrégués, se définissent à travers une culture anti- désirant exercer une forme de résistance :
école caractérisée par une forte opposition à l’autorité.
J’me disais : « je vais pas en cours par obligation. J’vais
Leur expérience scolaire est conforme aux travaux sur
en cours parce que j’ai envie d’apprendre des choses,
le décrochage dans les murs. Leur casier scolaire pa’c’que c’est moi qui ai décidé, en fait ». […] C’est un

Entre décrochage et décohabitation précoce, l’expérience d’une jeunesse « déviante »


constitue les fondements d’une stigmatisation, qui se peu moi qu’avais l’dessus, quoi (Alaska, F, 19 ans).
combinent avec la socialisation familiale, leur sociabi-
lité juvénile, leurs difficultés cognitives et d’apprentis- Bien entendu, ce rapport au savoir n’est pas délié
sages scolaires (Douat, 2011), et les conduit à une dis- du rapport aux enseignants (Charlot, 1996), chacun
qualification symbolique à l’école (Millet & Thin, 2012, mentionnant un « bon prof » comme celui qui « donne
p. 289). C’est donc à travers des absences répétées, envie d’apprendre », cependant il reste bien moins
mêlées à des renvois, qu’ils vont investir le groupe de important qu’il ne l’est dans le discours du premier
pairs que la rue leur offre. C’est, nous le verrons plus groupe pour qui le bon enseignant conditionne même
loin, au moment de ce décrochage « hors les murs » que le comportement. Pour les désengagés, les ensei-
le processus ouvre sur une nouvelle carrière : la zone gnants ne définissent pas le comportement marquant
marquée par une forte envie de liberté. l’absence de logique stratégique, mais davantage une
logique subjective comme « maîtrise de l’expérience »
Le désengagement : (Dubet & Martuccelli, 1996, p. 64) dont rend tout à fait
une forme de résistance ? compte l’implication dans le travail personnel défini
par le cloisonnement des temps sociaux. Selon Djoulaï
La deuxième partie des jeunes, qui constitue deux tiers (F, 23 ans), « l’école c’était l’école et une fois que j’étais
des jeunes de cette enquête, a décroché durant le cycle rentrée de l’école, je lançais le cartable et c’était fini !
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du second degré. Ces jeunes « désengagés » constituent J’avais souvent des mots pour ça, d’ailleurs ».
une population hétérogène tant du point de vue social Ils semblent ne rien attendre de l’école, « selon un
que scolaire (Bernard & Michaut, 2006). Ils sont carac- principe d’indifférence réciproque » (Dubet & Martuc-
térisés par un faible investissement dans ce que l’école celli, 1996, p. 254), et résister à l’aliénation « en se déta-
propose. Ce désengagement est à la fois lié au refus du chant de leurs identifications scolaires » (p. 262). Cette
cadre scolaire qui ne correspond pas à leur projet mais volonté d’être en position de décision quant à l’utilisa-
est aussi dû à leur difficulté d’intégration. La spécificité tion de leur temps traduit in fine un principe d’auto-dé-
de cette catégorie par rapport à la première, outre le termination visant la remise en cause du temps scolaire
moment du décrochage ou leurs résultats, tient aux (Willis, 2011), une façon de s’accaparer le temps qui sert
formes passives de résistance. Quand les premiers à « préserver un état […] et non pas aboutir à un objec-
enfreignent l’ordre scolaire et entrent dans une oppo- tif : obtenir des diplômes » (p. 51). Il s’agit là d’une cer-
sition frontale qui les conduit à la circularité évoquée taine façon de remettre en cause la forme scolaire et
plus haut, les seconds refusent le cadre sans y déroger ses modes de socialisation basés sur l’obéissance.
autrement que par leurs absences qui ne commencent
qu’au lycée. Au contraire des rebelles, ils ne disent pas Désengagement et déficit d’intégration
s’opposer aux enseignants mais au système qui les
contraint. Cette « fuite » de la contrainte scolaire, vers Cette résistance à la forme scolaire s’articule très forte-
un temps non contraint, prend la forme d’absences ment à la difficulté d’intégration de ces jeunes, notam-
perlées dont la fréquence augmente jusqu’au décro- ment à leur groupe de pairs. Ils sont très tôt « percés »,
chage hors les murs, mais dans la rue. Cette occupation affichent des looks et des coupes ou couleurs de che-
de la rue fonde l’entrée dans la carrière zonarde mar- veux revendicateurs. Cette logique de subjectivation,
quée là aussi par le principe de liberté. « noyau d’une maîtrise de l’expérience » (Dubet & Mar-
Le sens que les désengagés donnent à l’action ne tuccelli, 1996, p. 64), marque leur désir de singularité,
convient pas à ce qu’attend l’école, pas plus que la mais rend difficile leur intégration, ne serait-ce que par
forme scolaire ne leur convient. Une idée que Birdy (F, l’opposition de « l’authenticité individuelle » au
19 ans) exprime en ces mots : « L’école, c’est une bonne « conformisme de groupe » (p. 162) marquant aussi la
idée mais c’est mal fait ! ». Malgré une critique acerbe « double distance au conformisme de l’intégration [et]
de la manière dont l’école est organisée, l’ensemble de à la seule utilité scolaire » (p. 65). 41
On constate une affirmation de la logique de sub- zonarde). Elle débouche potentiellement sur la
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jectivation là où la stratégie et l’intégration semblent séquence « Zonard Intermittent » qui se caractérise par
faire défaut. En effet, le discours de ces rebelles désen- une hésitation à la conversion complète tout en s’en-
gagés souligne la très grande valeur accordée à la socia- gageant toujours plus dans la carrière zonarde. La troi-
bilité juvénile extra-scolaire et un sentiment de non- sième séquence, « Zonard Expert », est un premier
appartenance au groupe scolaire. Il se joue ici la distinc- aboutissement de la carrière zonarde, impliquant un
tion entre sociabilités intra-scolaire et extra-scolaire engagement total. Enfin, si sortie de carrière il y a, elle
(Jellab, 2008) constituées des « rapports socio-objectifs est plus ou moins heureuse. Bien que l’idéal du Zonard
définissant l’univers relationnel de l’élève en dehors du soit de devenir « Traveller » (habitat en camion, grande
milieu familial » (p. 177). La sociabilité intra-scolaire est mobilité, free parties...), quatre autres orientations sont
une partie non négligeable de ce qui permet l’engage- à préciser : le suicide, l’errance institutionnelle, la clo-
ment dans la scolarité, son altération conduit à fuir chardisation, le retour à la norme. Nous verrons que
l’école et induit un report de la sociabilité vers le groupe ces séquences de durées diverses ne dessinent pas un
choisi en dehors des murs. Autrement dit, ce qu’ils ne continuum immuable et sont corrélées au décrochage
trouvent pas dans l’école, ils le trouvent à l’extérieur où et à la décohabitation.
ils nouent des relations autour d’une « communauté de
destins » (Wallez & Aubrée, 2005, p. 253), passant alors Décohabitation et carrière zonarde
« de la rue » « à la rue ».
Selon C. Villeneuve-Gokalp (1997), la décohabitation
Du décrochage est un processus de forme et de durée variable. Il est
fortement conditionné par la situation sur le marché
à la décohabitation : du travail, le niveau de diplôme et le sexe : les plus
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l’expérience de la rue employables décohabitent plus aisément que les peu
ou pas diplômés plus fréquemment au chômage, les
La seconde partie de l’analyse interroge enfin le pas- jeunes femmes décohabitent plus que les jeunes
sage à la rue de ces jeunes à travers la trajectoire de hommes à âge et diplôme identiques (Solard & Cop-
décohabitation et la notion de carrière déviante. En poletta, 2014). Outre les modèles culturels de décoha-
distinguant « jeunes de rue » de « jeunes à la rue », nous bitation des jeunes en Europe, C. Van de Velde sou-
souhaitons souligner ce que H. S. Becker (1985) appelle ligne la longue et progressive marche vers l’indépen-
les séquences d’une carrière. Tandis que la notion dance résidentielle des jeunes Français : la situation la
« jeunes à la rue » suggère l’errance (Chobeaux, 2011), plus courante étant la double résidence ou « l’indé-
le sans-abrisme (Anderson, 2014) ou la zone (Pimor, pendance financée » (2008, p. 115). De son côté, A. Pel-
2014c), la notion « jeunes de rue » renvoie à un usage lissier (2002) identifie trois logiques dans les trajec-
populaire de l’espace public (Sauvadet & Bacqué, 2011), toires de décohabitation définitive. La logique d’ins-
où la rue est « un espace intermédiaire entre le dedans tallation, plus populaire, articule insertion
et le dehors, la famille et les amis, la contrainte et la professionnelle et stabilité du couple. La logique
liberté » (Bordes, 2006, p. 5). Cette rue-lien (Vulbeau d’investissement professionnel correspond à la
& Barreyre, 1994) joue le rôle de « transformateurs des double résidence des étudiants. Enfin, la logique du
sociabilités ailleurs interdites » (p. 15). Nous propose- repli conjugal concerne davantage les jeunes femmes
rons une typologie basée sur les motivations de la peu ou pas diplômées et de milieu populaire qui
décohabitation, que nous articulerons aux séquences constituent une famille particulièrement tôt. Dans les
de la carrière zonarde (Pimor, 2014a). trois cas, l’aspect définitif tient à une stabilité finan-
Les premiers pas dans la rue et les rencontres que cière minimum intégrant une activité salariée de l’un
ces jeunes y font tiennent lieu de première « séquence » ou l’autre des deux membres du couple, ce qui n’est
d’une carrière déviante (Becker, 1985). T. Pimor (2014a) pas le cas des jeunes enquêtés. Peu diplômés et sans
en identifie quatre qui correspondent à des niveaux ressources, ils sembleraient, à l’instar des jeunes NEET,
d’engagement dans la carrière zonarde. Cette dernière plutôt voués à une « cohabitation négociée »
débute par la séquence « Satellite » correspondant à (Van de Velde, 2008, p. 115), c’est-à-dire la possibilité,
une forme de gravitation autour de la zone (décou- sous certaines conditions (Vollet, 2016b), d’habiter
42 verte des free parties, des drogues, de la culture chez leurs parents à l’heure où leurs camarades déco-
habitent. Pourtant, pour des raisons diverses, ils suivre son projet scolaire, puis un lycée de centre-ville

DOSSIER
quittent le domicile familial. sans internat qui lui impose de prendre un
Nous avons identifié deux types de décohabita- appartement :
tion. Cette typologie, construite à partir de la littéra- B : j’avais ma famille qui me donnait cent euros par
ture et des récits, vise à mettre en avant le moment de mois, en gros. Et j’vivais avec vingt euros par mois

Entre décrochage et décohabitation précoce, l’expérience d’une jeunesse « déviante »


rupture entre le décrochage « hors les murs » et l’arrivée pour bouffer. Pour tout. Du coup, là, ça passait pas.
dans la rue, mais aussi à révéler l’entrée et l’engage- Vingt euros par mois, tu… tu commences à te dire :
« bah il faut que je trouve des moyens de gagner de
ment dans la carrière zonarde :
l’argent parce que… »
– la décohabitation « négociée » ; E : et donc, les meilleurs moyens, c’est quoi ?
– la décohabitation « fuite ». B : donc le premier, c’est la manche. Le deuxième, c’est
Ce qui distingue ces deux types, c’est avant tout le commencer à faire… à vendre de la drogue. Moi,
motif de la décohabitation. L’une s’inscrit dans les tra- j’étais pas du tout ça. […] j’ai fait la manche. Et au final,
moi, mon lycée m’a convoquée. Et ils l’ont très mal
jectoires normalisées des jeunes où l’indépendance
fait, d’ailleurs. Et c’est peut-être pour ça que je ne suis
est, pour une part plus ou moins importante, financée pas retournée au lycée.
par les parents dans le cadre d’un projet d’étude. La E : qu’est-ce qu’ils ont fait ?
seconde, volontaire ou subie, est le plus souvent une B : ils m’ont convoquée à… [gênée] à l’infirmerie.
conséquence du décrochage hors les murs. […] Alors bon, je vais à l’infirmerie. « Il y a un souci,
quelque chose ? ». « Oh bah on va te le dire cash : on
La « décohabitation négociée » ne concerne que
t’a vue traîner avec les gens de la rue ». « Ah… c’est ça
deux jeunes sur les douze. Cette notion emprunte à le problème ? » D’ailleurs, après ce rendez-vous, je suis
C. Van de Velde (2008) l’idée de négociation avec les plus jamais retournée au lycée. Ça faisait du coup
parents. Mais au contraire de l’autrice qui l’emploie peut-être déjà huit mois que je galérais toute seule…
dans un principe de maintien de la cohabitation, nous à trouver un appart’, à tout faire. Et le directeur,
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comme le CPE, le savait très bien. Et c’était au bout
souhaitons mettre ici en avant le caractère contractuel
de trois mois, enfin de six mois qu’ils se sont dit : « ah
de la décohabitation. Il s’agit d’un premier départ non bah elle fait la manche, on va essayer de l’aider ». Enfin
définitif dont l’objet est la scolarité, à l’instar des étu- j’ai trouvé ça… en fait, c’était humiliant plus que de
diants ou lycéens loin des grandes villes qui visent un l’aide. C’était : « Ah bah t’as vu, t’es comme ça, avec
type d’établissement ou de formation. Les deux jeunes les gens, là, ces fréquentations-là »… Bah ces fréquen-
concernées ont quitté le domicile familial pour intégrer tations, bah ça fait six mois qu’elles me font survivre !
(Birdy, F, 19 ans)
un établissement dans une autre ville. Cela touche
donc davantage les désengagés, du fait que cette La décohabitation « fuite » renvoie au conflit avec
démarche soit plus fréquente au lycée. Cette décoha- les parents, identifié par Wallez et Aubrée (2005)
bitation précoce, financée en partie par les parents, est comme un des scénarios principaux du passage à la
soumise à des résultats scolaires qui sont l’indicateur rue. Latent ou ouvert, le conflit provoque une rupture
du respect du contrat. Or, par opportunité des ren- qui pousse les uns à fuir de plus en plus souvent le
contres dans la rue ou par nécessité de faire la manche domicile familial, les autres à fuguer pour se protéger.
pour subvenir à leurs besoins, ils occupent le plus sou- Ce type de décohabitation très fréquent chez les
vent la rue et découvrent très vite la zone, mais restent jeunes à la rue touche autant les rebelles que les désen-
en lisière. Cette séquence est parallèle au processus de gagés. Ce conflit, qui permet à une partie des jeunes
décrochage, marqué par un absentéisme toujours plus en situation de décrochage de raccrocher comme nous
important, et débouche sur l’étape de l’intermittence l’avons vu avec J. Vollet (2016b), est ici la base de la
durant laquelle les acteurs fréquentent de manière décohabitation. L’autrice souligne la place des parents
récurrente la zone (Pimor, 2014b), jusqu’à quitter défi- dans la normalisation de l’occupation du temps face à
nitivement l’école, et donc rompre le contrat familial. l’inactivité de leur enfant. Or, c’est précisément cette
Décrochant peu à peu, ces deux jeunes femmes sont tension entre injonction à l’activité et rejet des
alors privées de l’aide financière parentale, entraînant contraintes qui poussent les jeunes vers la rue :
une impossibilité de payer leur loyer. Le processus Je suis arrivée tellement à un point de non-retour ET
prend fin avec l’installation en squat suite à une invi- avec ma mère ET avec mon père qu’à un moment je
tation ou par défaut de logement. Un processus que me suis dit : « je me casse ! Je me casse ! Allez tous vous
révèle très bien l’histoire de Birdy (F, 19 ans) qui intègre faire foutre, je me casse, quoi ! » Donc je suis partie
(Alaska, F, 19 ans).
d’abord un internat pour « quitter la vie familiale » et 43
Cette fuite peut aussi être perçue comme une obli- reste confortée par les trajectoires de décohabitation
Revue française de pédagogie | 211 | avril-mai-juin 2021

gation liée au désaveu de parenté (Wallez & Aubrée, structurée autour de l’école (Van de Velde, 2008) ou
2005), cette décision fait dans ce cas suite au décro- de la rue (Wallez & Aubrée, 2005). Elle nous révèle que
chage hors les murs. Après une longue période sans le processus de décrochage n’est pas plus la raison du
aucune activité, ces jeunes sont ou se sentent mis à la passage à la rue que la rue celle du décrochage, mais
porte du domicile familial. Leur arrivée soudaine dans conduit toutefois à des manières de décohabiter. La
la rue les conduit à la même carrière que les « fugueurs », décohabitation apparaît pour cette infime frange de
faisant très vite d’eux des Experts : la population des jeunes qui décrochent et décoha-
bitent comme une nouvelle séquence liant trois
Au bout d’un moment ma mère elle nous a mis dehors
espaces de socialisation. L’ensemble de ces jeunes
moi et ma copine, parce qu’elle a dit « Moi j’en peux
plus, ta copine elle bouge pas, toi non plus, vous êtes vivent en définitive à ce moment-là une socialisation
là vous squattez, c’est bon ». Du coup elle m’a mis triadique « rue, école, famille ». C’est ce point de rup-
dehors, et heu y a Mimouch qui m’a appelée, je lui ai ture biographique qui marque la dernière étape du
dit que j’étais pas bien, elle est venue me chercher, décrochage et la première séquence de leur « carrière
elle m’a emmenée au squat, première fois que j’y allais
zonarde ». C’est parce que l’école devient pour eux
(Mamèn, F, 17 ans).
invivable, n’y trouvant pas les ressorts de l’intégra-
Délibérée ou obligée, la manière de « partir » – pro- tion, que la rue devient alors une liminarité intégra-
gressive (fuite) ou brutale (fugue) – définit la durée des tive proche de ce que V. Turner (1990) appelle la « com-
séquences de la carrière zonarde. Lorsque la fuite est munitas ». C’est-à-dire une communauté non structu-
une conséquence du décrochage hors les murs, les rée ou structurée de façon rudimentaire, dont les
jeunes restent Satellites plusieurs mois avant de s’ins- acteurs se caractérisent par une distanciation vis-à-vis
taller en squat. Cela favorise une « intégration plus des positions assignées par la loi, la coutume ou la
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engagée dans la zone » (Pimor, 2014a, p. 82), les jeunes norme : une opposition à la structure sociale qui
devenant ainsi des Intermittents. Là encore, le décro- rejoint le concept de « socialisation marginalisée »
chage n’a pas encore abouti à un état définitif avant (Parazelli, 1997).
l’installation en squat. Pour les autres, la décohabitation
conduit au décrochage hors les murs. Faute d’héberge-
ment et recherchés par la police dans le cadre d’une
Hors les murs,
disparition inquiétante, ils ne peuvent plus aller à l’école une socialisation marginalisée
et trouvent refuge en squat. C’est le cas de Mimouch :
Genre en fait, il y a eu des conflits familiaux qui ont Si les jeunes de notre enquête se retrouvent « à la rue »,
fait en sorte que pour ma survie... hop, « je me casse ». il faut néanmoins rompre avec l’idée d’une « école de
Du coup bah, je suis partie de chez moi, j’étais tou- la rue » comme espace de socialisation où « les élèves
jours en cours et genre bah j’avoue que les flics... bah amenés à détester l’école [trouveraient] une source de
j’étais en fugue, quoi. Eh bah quand t’es en fugue, tu
prestige dans l’accumulation d’un “capital guerrier”4
peux pas aller en cours (Mimouch, F, 18 ans).
(mélange de virilité, de violence et d’une discipline
Pour eux, les séquences Satelitte et Intermittent morale du guerrier basée sur un code de l’honneur) »
sont courtes. Leur implication dans la zone du fait de (Vienne, 2008, p. 183). La socialisation « marginalisée »
la fugue est totale, ce qui les engage à temps plein dans indique avant tout une « tension conflictuelle entre le
la zone jusqu’à devenir des Experts : sujet comme acteur et la structure qui le contraint dans
Mes parents je m’engueulais avec eux pareil. Ouais, ses désirs de socialisation » (p. 69). Dans le cas des
c’était chaud. Bah c’est pour ça que je suis parti, d’ail- jeunes de notre enquête, il s’agit d’une « socialisation
leurs : ça allait plus. […] Je voyais que je pouvais plus zonarde » (Pimor, 2014a, p. 71).
rester chez moi. Ça partait trop en couille, tous les Toutefois, cette dernière est très différente d’une
matins. Ah ouais, avec mon père, c’était chaud. Donc
trajectoire à l’autre en fonction du rapport à l’école, de
je lui ai dit, un jour que j’ai pété les plombs, je lui ai
dit « c’est bon, je me casse ! ». Du coup je suis parti. Et la situation familiale et de la nature des liens familiaux
c’est là que je suis allé au squat (Julio, H, 18 ans). (divorce des parents, désaveu parental, maltraitance,

Cette typologie, loin d’être exhaustive en ce


44 qu’elle s’appuie sur un nombre restreint d’entretiens, 4 La notion de capital guerrier est empruntée à T. Sauvadet (2006).
etc.). Dans son analyse des trajectoires biographiques Ben, le squat, déjà j’ai trouvé des gens qui étaient là

DOSSIER
des zonards, T. Pimor révèle à cet égard que ce sont pour m’aider, premièrement. Parce que c’est eux qui
m’ont dit « si tu sais pas où aller, tu peux venir dormir
bien les expériences sociales qui favorisent une « incli-
ici, y a pas de souci, tu seras toujours la bienvenue »
naison vers une vie zonarde plus ou moins engagée » et tout ça (Djoulaï, F, 23 ans).
(2014a, p. 78). En effet, on peut se référer à l’expérience

Entre décrochage et décohabitation précoce, l’expérience d’une jeunesse « déviante »


scolaire pour déterminer une première expérience de Cependant, bien que revendiquée, pour que l’ex-
rue, mais elle ne suffit pas à expliquer l’engagement périence soit émancipatrice, il faut que la sortie « par le
dans une carrière zonarde. Comme le souligne haut » soit possible (Bouillon, 2011), comme l’explique
H. S. Becker (1985), « il faut une défaillance des contrôles Granto toujours en squat au moment de l’entretien :
sociaux qui tendent habituellement à maintenir les
Si on rentre là d’dans ou si on veut rentrer là-dedans,
comportements en conformité avec les normes et les
faut se dire que ça ne doit être qu’une période. […] Il
valeurs fondamentales de la société pour qu’appa- faudrait toujours quelque chose parce que c’est super
raisse un comportement déviant » (p. 83). Hors de dur de sortir de là après, quand... Quand on s’habitue
l’école, ces jeunes échappent aux dispositifs tout à vivre comme ça. C’est vachement dur. Parce que le
autant qu’à l’autorité parentale qu’ils fuient pour pire, ouais, c’est l’habitude. C’est s’habituer, juste-
ment, à vivre comme ça et après ouais, on n’a plus
diverses raisons. Ainsi, leur engagement dans la car-
envie de vivre autrement parce qu’on a tout ce qu’on
rière zonarde est largement défini par leur décohabi- a besoin (Granto, H, 21 ans).
tation et leur éloignement des zones de contrôle social
(école, famille). La variabilité de leur expérience tient alors à la pos-
sibilité de sortir de la marge quand le besoin s’en fait
La communitas, l’expérience ressentir, comme l’atteste Alaska (F, 19 ans) :
d’une émancipation ?
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Mais voilà, quand j’avais besoin un petit peu de me
ressourcer, je pouvais aller chez mon père […]. Parfois,
Bien que V. Turner applique sa théorie à des rites tri- j’avais besoin d’être au calme. Et quand j’étais en
baux dans les sociétés traditionnelles, il suggère en redescente, aussi, parfois, enfin souvent, j’allais chez
mon papa pour être plus tranquille. Pour pas péter
s’appuyant sur le mouvement hippie que la communi-
les plombs.
tas peut être trouvée « à tous les degrés et à tous les
niveaux de culture et de société » (1990, p. 112), appa- Nombre d’entre eux ne peuvent toutefois bénéfi-
raissant de façon spontanée dans les interstices de la cier de solutions de repli, soit parce qu’ils ne veulent
structure sociale. Autrement dit, la zone conduit les plus retourner vivre dans leur famille, soit parce que ce
acteurs hors des normes à constituer une communitas n’est plus possible. Ici, les types de décohabitation
qui permet à la fois l’identification et la distinction : croisent les séquences d’engagement dans la zone et
Et puis bon, voilà, c’est vraiment deux mondes diffé- déterminent les possibilités de sortie.
rents du lycée et de la rue. Les jeunes, au lycée, ils sont La zone en tant que socialisation secondaire, loin
sur les réseaux sociaux, c’est la mode, c’est le fric, c’est de ne pas marquer celles et ceux qui y passent, ne
tout ça alors que la rue c’est plus basé sur, c’est moins conduit pas systématiquement à « l’alternation » (Ber-
basé sur l’apparence au final. C’est plus basé sur la
ger & Luckmann, 2006), c’est-à-dire à un processus de
perspicacité (Ada, F, 17 ans).
re-socialisation qui nécessite « plusieurs chocs biogra-
Ainsi, la zone n’est plus considérée comme une phiques pour désintégrer la réalité massive intériorisée
marge à laquelle les individus adhèrent parce qu’ils y au cours de la prime enfance » (p. 242), de même que
sont assignés, mais parce qu’elle devient la réification les carrières zonardes ne tiennent pas toutes lieu de
de valeurs auxquelles ils adhèrent, dont le squat est le séquence du processus socio-anthropologique du pas-
symbole. En effet, le squat est une « stratégie d’évite- sage à l’âge adulte. À l’instar des jeunes qui raccrochent
ment » (Bouillon, 2009, p. 94) qui permet à ces jeunes plus facilement (Bernard & Michaut, 2018), l’expérience
de se protéger, de se réfugier et de « vivre de manière scolaire est un élément important de la sortie de la
affinitaire » (p. 94) selon leurs propres règles. Cette zone. Ce sont davantage des filles qui ont décroché au
occupation illégale d’un lieu privé renforce les condi- lycée et dans une moindre mesure sont plus soutenues
tions de la communitas : le squat devient dès lors un par les familles (les mieux pourvues en capitaux) qui
espace d’émancipation et de résistance au processus sont aussi les plus susceptibles d’un retour « à la
de désaffiliation à travers les solidarités : norme ». Ce sont là les conditions semble-t-il d’une 45
expérience émancipatrice de la zone, c’est-à-dire la dique (famille, école, rue) constituait les fondements
Revue française de pédagogie | 211 | avril-mai-juin 2021

possibilité de la définir comme étape liminaire de la de la carrière à venir, aucun processus ne pouvait être
structure des rites de passage de Van Gennep (1981) : admis comme point de départ. Seule l’expérience sco-
séparation, marge, agrégation. Nous rejoignons en laire apparaît comme fondatrice d’un processus com-
cela J.-Y. Barreyre (1992) qui établit une homologie plexe menant de l’école à la rue et hypothétiquement
entre les pratiques rituelles traditionnelles et certaines certains de la rue à « l’école ». En effet, cette socialisa-
pratiques juvéniles marginales, ce que M. Parazelli tion secondaire ne débouche pas systématiquement
appelle « les traces culturelles d’un imaginaire social sur une « alternation » – rupture avec la socialisation
transmis à travers le temps malgré les transformations primaire et engagement total dans la zone – ou une
rationalistes de la modernité » (2007, p. 54). agrégation – retour à la norme à travers le statut de
jeunes en formation professionnelle ou de travailleurs
Conclusion précaires. Alors même que la sortie de cette carrière
reste le plus souvent difficile pour ceux qui y sont le
Nous avons ainsi pu montrer que, pour ces jeunes, c’est plus engagés (Pimor, 2014c), il apparaît nécessaire d’in-
bien l’expérience scolaire qui induit des formes de terroger le raccrochage de ces jeunes à l’aune des
résistance allant du comportement a-scolaire au désin- mêmes cadres qui ont permis d’en saisir leur entrée. Il
vestissement complet. Quel que soit le type de décro- s’agirait alors d’analyser la place de l’expérience du
cheur, leur expérience scolaire conduit dans tous les décrochage hors les murs dans le processus de raccro-
cas à un décrochage hors les murs marqué par les ren- chage et donc de saisir la fonction de cette liminarité
vois pour les uns ou l’absentéisme pour les autres. Dans intégrative dans ce qui s’apparente à une reconstruc-
les deux cas, c’est bien cette forme de résistance à la tion du processus socio-anthropologique du passage
domination scolaire et leur implication dans le groupe à l’âge adulte.
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de pairs en dehors de l’espace scolaire qui les ont
James Masy
conduits à s’inscrire dans la marge, laquelle constitue
Université Rennes 2, CREAD
le fondement de la communitas portée par une sub-
james.masy@univ-rennes2.fr
culture dissidente. Celle-ci vient justifier un mode de
vie auquel ils adhèrent sans pour autant que tous ne Nadège Tenailleau
s’y engagent pleinement. Université Toulouse 2-Jean Jaurès, UMR EFTS
L’articulation de ces trois processus distincts nadege.tenailleau@univ-tlse2.fr
conduit le plus souvent à une chronologisation sim-
pliste : décrochage, décohabitation, carrière zonarde.
Or, nous avons pu montrer que, si la socialisation tria-

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© ENS Editions | Téléchargé le 08/12/2021 sur www.cairn.info via Université de Lorraine (IP: 193.50.135.4)

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