Edito 56

Des cultures, un pays !

Gérald Arnaud, Olivier Barlet
Dans Africultures 2003/3 (n° 56), pages 3 à 4
Éditions Africultures
ISSN 1276-2458
ISBN 2747553787
DOI 10.3917/afcul.056.0003
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 Edito 56

Des cultures,
un pays !

e 7 août 1960, la Côte d’Ivoire se réveille prise au piège de ses frontières.

Le concept européen d’état-nation (étau-nation ?) se referme sur elle, imposant

à sa population un simulacre de décolonisation sous le masque charmeur
de l’indépendance. Un pays, un parti (unique pendant 30 ans), un
président…

Et c’est parti pour le miracle ivoirien, l’eldorado africain, café surexcitant,

cacao jusqu’à l’indigestion, coton et caoutchouc pour amortir la chute,
inévitable… la vitrine qui se fissure, l’économie très vite dépassée par la
démographie.

Alors le « pays de l’hospitalité » chanté dans l’hymne national devient celui

de « l’ivoirité ». L’étranger aux bras naguère si utiles, même sans papiers,
devient soudain étrange, indésirable, suspect. Mais où commence cette
étrangeté ? Où sont les frontières ? Qui est ou n’est pas ivoirien ? Qui l’est
plus ? Qui l’est moins ?
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L’affaire est aux mains des politiciens, et surtout des policiers. Le tarif du
racket s’élève désormais à mesure que le nom sonne plutôt « du nord ».

C’est alors qu’on commence à raisonner en termes de « culture ». Ou plutôt

de « cultures » au pluriel. Et doucement, à sa façon, Alpha Blondy, le métis
de Baoulé et de Dioula, chante le rappel à l’ordre : « Vous jouez avec le feu ! »

Trop tard. La Côte d’Ivoire est en flammes. Les pompiers accourus avec
leurs arrière-pensées de France et des pays voisins ne feront qu’endiguer
l’incendie.

Car ce qui brûle ici ne s’éteindra jamais avec des armes ou de belles paroles.

Connaissance, conscience, raison, c’est ce qui manque tragiquement à ceux

qui se disputent sans fin le pouvoir et les dépouilles de ce pays.

- Connaissance de l’Histoire d’abord : tous les Ivoiriens sont des étrangers.

Si les Malinké, rebaptisés avec mépris « Dioula » (marchands), se sont
implantés dès le XIII° siècle, suivis de près par les Senoufo, les Akan et les
Krou (qui se disputent aujourd’hui le pouvoir au nom d’une préexistence

Africultures n°56 - juillet - septembre 2003 3

 Rédaction :
Les Pilles - F - 26110 Nyons
Tel : ++33 (0)4 75 27 74 80 sur le territoire de l’ivoirité) n’ont guère laissé de
Fax : ++33 (0)4 75 27 75 75 traces en Côte d’Ivoire avant le XVIII° siècle. Qui s’en
E-mail : redaction@africultures.com
préoccupe ?
Directrice de la publication : Ayoko Mensah
Responsable de la rédaction : Olivier Barlet - Conscience de l’absurdité de ces querelles de droit
Comité de rédaction :
Arts plastiques : Virginie Andriamirado, Alexandre
d’aînesse : aucune antériorité historique ne justifie
Mensah nulle part une préemption sur le pouvoir – sinon le
Cinéma : Olivier Barlet président des Etats-Unis serait un Sioux !
Danse : Ayoko Mensah
Diaspos : Soeuf Elbadawi
- Raison dans l’appréciation de la situation présente,
Musique : Gérald Arnaud, Soro Solo
Littérature/édition : Boniface Mongo-Mboussa, de cette dégringolade vertigineuse où les « hauts d’en
Taina Tervonen haut » se disputent la responsabilité d’un suicide
Photographie : Corrine Julien, Samy Nja Kwa
Théâtre : Sylvie Chalaye collectif.
Afriphoto : info@afriphoto.com
Maquette : Julien Cohen Face à cette situation délirante, il fallait rappeler
Graphisme : William Wilson la réalité de ce pays : son capital humain méconnu
Site internet : www.africultures.com au-delà d’un potentiel économique qui excite encore
Anne Mbaye, Jean-Marc Mariani, Julien Cohen,
Frédéric Lecloux, Sébastien Rivière. les plus basses convoitises. Il fallait dresser
Traductrice : Allyson McKay l’inventaire d’un patrimoine culturel phénoménal
Rédacteurs associés : dans tous les domaines. Rappeler que la sculpture
Abidjan : Tanella Boni, Jean-Servais Bakyono
Antananarivo : Pierre Maury ivoirienne est encore vivante et qu’elle fut le modèle
Bamako : Adama Traoré, Moussa Konaté initial d’un art moderne considéré partout
Brazzaville : Jean-Luc Aka Evy, Patrice Yengo
aujourd’hui comme universel. Souligner que la
Cotonou : Camille Amouro
Dakar : Oumar Sall, Iba Ndiaye Diadji danse et la musique continuent de faire vibrer à
Djibouti : Idris Youssouf Elmi l’unisson un pays que l’on croit déchiré et presque
Douala : Yvonne Monkam
Johannesburg : Sabine Cessou éclaté. Donner la parole aux comédiens, écrivains et
Kinshasa : Marie-Louise Mumbu Bibish poètes qui font de la Côte d’Ivoire un phare de la
Londres : Marie-Christine Eyene
Madrid: Landry-Wilfrid Miampika
francophonie mais aussi aux gosses d’Abidjan dont
Martinique : Nady Nelzy les paraboles pimentées réveillent la langue française
Nairobi : Kimani wa Wanjiru à coups de nouchi et de zouglou.
New-York : Marième Daff
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Niamey : Alfred Dogbé
Ouagadougou : Jacques Guégané
Ivoirien façon façon ; étranger plus ou moins ;
Port au Prince : Jean-Claude Fignolé habitant sdf de ce pays depuis des générations ;
Tunis : Ahmed Rahal sahélien épuisé par la traversée d’un désert qui n’en
Diffusion : Editions L’Harmattan
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique - F -75005 Paris
finit pas d’avancer ; métis sens dessus-dessous ;
Abonnements : voir dernière page planteur déraciné ; taximan à l’affût du client ; artiste
Vente au numéro : en librairies ou à L’Harmattan et dépouillé par les pirates ; poète en mal d’exil… C’est
sur www.africultures.com
à vous qu’est dédié ce numéro, naufragés de ce
Tous droits de reproduction réservés,
sauf autorisation préalable. rutilant navire à la dérive.
n°56 - ISBN : 2-7475-5378-7 - ISSN : 1276-2458
A vos cultures mélangées, à vos rêves confus dans
Commission paritaire : 1203G74980
Revue publiée avec le concours du Centre un tourbillon de musiques.
national du Livre et du F.A.S.I.L.D.
A ce pays merveilleux, qui finira par être un
jour le vôtre.

Gérald Arnaud et Olivier Barlet

Couverture proposée par :
© Ananias Leki Dago.

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