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Passage à l’acte, honte et solitude maternelle : récit d’une

impossible séparation
Isabelle Villecourt-Couchat
Dans Cliniques méditerranéennes 2024/1 (n° 109), pages 189 à 201
Éditions Érès
ISSN 0762-7491
DOI 10.3917/cm.109.0185
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Cliniques méditerranéennes, 109-2024

Isabelle Villecourt-Couchat 1

Passage à l’acte, honte et solitude maternelle :


récit d’une impossible séparation

« J’ai toujours eu envie d’écrire des livres dont il me soit ensuite impossible de parler,
qui rendent le regard d’autrui insoutenable. »
(Ernaux, 1997)
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Le thème des vécus douloureux liés au devenir parent est abordé
sous l’angle de la solitude, de la honte à travers le récit intime d’une mère
lorsqu’elle confie en crèche son enfant de quelques mois. Confrontée à
un registre de sentiments et d’affects ambivalents voire persécuteurs, elle
dépose auprès de l’équipe un écrit autobiographique sur son accordage
naissant entre elle et son enfant. C’est sans doute la part la plus infantile
et fragile d’elle-même qu’elle expose au regard de l’autre. Surprise comme
l’équipe par cet acte inédit, mon propos tente d’apporter un éclairage sur les
processus en jeu. En quoi le lieu de la crèche et l’équipe se retrouvent être
dépositaires de cette part infantile et régressive maternelle ?
Cet acte semble donc traduire une incapacité à verbaliser une réelle
demande de soutien. D’ailleurs, l’entretien clinique que je lui proposerai
pour tenter de trianguler sa relation à l’équipe sera refusé, a contrario du
père d’Alex, qui confiera sa difficulté à trouver sa place en tant que père et
à la retrouver en tant que conjoint. Au moment même de se séparer de son
enfant, ce sont des éprouvés de solitude et de honte qu’elle expose dans cet
écrit de type journal intime. Devant la difficulté de confier son enfant, se
séparer demeure une source de souffrance dont l’écriture ne permet pas de
la soulager.

Isabelle Villecourt-Couchat, docteure en psychopathologie et psychologie clinique, psychologue clini-


cienne, Direction de l’Éducation et de l’Enfance, Mairie de Martigues, Service de la petite enfance,
416 rue St-Roch, F-84120 Pertuis ; isabelle.villecourt@gmail.com
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le sens de Ce réCit intime dAns l’éConomie PsyChique de Cette mère

Les parents d’Alex et l’enfant sont accueillis au sein d’une crèche dans
laquelle j’interviens comme psychologue clinicienne. Cette mère en grande
difficulté va susciter beaucoup d’émotions auprès de l’équipe. Elle va
déposer un récit de type journal intime, relatant les premières semaines de
sa maternité, vécues dans une extrême solitude. Dans cette lettre adressée à
l’équipe, elle évoque ses premiers moments passés avec son enfant et l’ambi-
valence de son attachement pour lui. Au moment où elle se sépare de son
enfant de quelques mois en le déposant à la crèche, ce texte très personnel
est donné à la professionnelle qui prend soin de son enfant durant la journée.
Cet acte surprenant illustre en partie les formes que la souffrance individuelle
et maternelle peut revêtir dans un lieu d’accueil au moment de confier son
enfant. L’équipe porte le plus souvent un regard jugeant et stigmatisant sur
les vulnérabilités maternelles. L’accompagnement clinique du psychologue
permet de le transformer en le rendant plus indulgent et mieux préparé à
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accueillir les fragilités rencontrées lors du devenir parent. En rendant compte
du travail « invisible » et de l’étayage possible en crèche en tant que lieu
de prévention, l’évolution affective et psychique chez le sujet peut en être
favorisée et la dyade mère-enfant mieux se porter. Une oscillation de vécus
contradictoires apparaît de manière permanente dans le texte de la mère
d’Alex, soit sous la forme d’un obstacle impossible pour elle à franchir dans
sa capacité à confier son enfant, soit comme une tentative organisatrice afin
de maintenir une identité ainsi fragilisée. « Car, en me revoyant à la naissance
d’Alex, je me revois en train de me noyer dans tous les liquides de mon corps
en fuite : le sang et le lait. Je me revois tenter de me redonner un contour et
de l’entourer, lui. »
L’extrait de ce texte est d’une certaine manière comme une illustration
de la sixième antinomie, évoquée par D. Anzieu concernant l’incommunica-
bilité du sentiment de solitude très tôt « communiqué à l’enfant par une mère
souffrant de ce même sentiment » (Anzieu, 1987, p. 126). Chez une femme
atteinte d’un sentiment de solitude invalidant, D. Anzieu constate à l’origine
« la prévalence de l’imago, non pas tant de la mauvaise mère que de la mère
froide, distante, rejetante, impassible face aux sentiments, aux attentes, au
besoin chez l’enfant des manifestations de l’attachement : plutôt que la mère
morte repérée par André Green, la mort faite mère, la mère d’où émane non
pas la vie, mais l’anéantissement » (ibid., p. 125).
La reconnaissance de ses difficultés à mettre en place, seule, les réaména-
gements nécessaires pour faire face aux situations passées et présentes dans
un premier temps semble être l’enjeu au cœur de son récit. Son ambivalence
maternelle est ultime quand elle peut confier ne pas se sentir prête à devenir
PAssAge à l’ACte, honte et solitude mAternelle 191

mère si tôt. L’arrivée d’Alex est un choc brutal et sublime à la fois, soulignant
ainsi les remaniements forts de la maternité qui découlent de la maternalité
lorsqu’elle présente des difficultés à se dérouler. Cette mère reprend de
façon récurrente à des moments du texte certains éprouvés difficiles. Elle ne
savait pas ce que c’était que d’être mère et le découvre avec Alex, dans une
extrême solitude. Si la solitude peut devenir élan de vie, « source de créativité
personnelle (et maternelle) lorsque la méfiance et l’angoisse devant l’inéluc-
table passagèreté de notre existence et des êtres qui nous sont chers peuvent
être dépassées au profit de liens de confiance, lorsque l’amour devient plus
fort que la haine » (Quinodoz, 1991, p. 218), elle peut aussi surprendre et
provoquer une grande détresse lorsque le moi est resté immature pour diffé-
rentes raisons. C’est en étant apprivoisée, avec l’aide ou pas de l’écoute et de
la présence de l’équipe d’accueillants, que la solitude dite maternelle peut
devenir un stimulant pour la connaissance de soi et d’autrui, et un « appel à
communiquer avec les autres à un niveau le plus authentique » (ibid., p. 219).
L’écoute et la présence proposées dans ces lieux dits de la petite enfance,
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incarnées à la fois par un psychologue clinicien et une équipe d’accueillants
suffisamment empathiques, ne pourraient-elles pas, lors de la crise de la
maternalité, accompagner certaines étapes et passages délicats de cette trans-
formation particulière dans l’existence d’une femme, en tentant d’assouplir
ces différents regards ?

éCriture et honte

Elle ressent de la honte à vivre et à ressentir tous ces sentiments contra-


dictoires en devenant mère. Ces différents mouvements apparaissent à la
fois dans sa difficulté à établir un lien fiable et stable avec l’équipe de la
crèche ainsi que dans son récit. Ils confirment le pan relativement large des
remaniements identitaires en jeu et traduisent la présence de la préoccupa-
tion maternelle, au cœur des processus de maternalité.
Pour C. Janin, la question culturelle de la honte n’est pas considérée
comme un problème récent. Elle est au cœur d’une activité sublimatoire des
« plus anciennes et des plus investies, l’écriture » dit-il (Janin, 2007, p. 2).
La problématique de la honte émerge fortement dans le processus
d’écriture et trouve une place de choix dans l’autobiographie. Quoi de plus
autobiographique qu’une femme qui se raconte dans les différents obstacles
qui se dressent devant elle en devenant mère, dans sa capacité à être seule
et à être mère avec son enfant ? « La honte se situe aux origines de la vie
psychique de l’individu comme elle se situe à l’origine de l’humanité. Elle
est même l’une des conditions de l’émergence et du développement de la
culpabilité » (ibid., p. 5).
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La honte est du registre des relations entre l’Idéal du moi, le moi Idéal
et le Moi. Ce dernier n’est pas à la hauteur des exigences de l’Idéal, ce qui
engendre le sentiment d’infériorité entre autres à l’origine de la présence
de la honte dans les éprouvés maternels rencontrés. À la différence de
la culpabilité, qui porte sur les conditions d’un désir (désirer de manière
illicite ou hors de propos), la honte porte sur la légitimité même du désir.
L’absence de légitimité du désir fait courir le risque de la menace d’être exclu
de la communauté. Dans la culpabilité, la décharge de cette émotion serait
possible, alors que dans la honte, toute décharge d’émotions est bloquée,
inhibée. Dans ce sens, si la culpabilité peut être confiée pour être expiée,
réparée, a contrario la honte reste indicible et implicite, elle ne peut être
que niée, dissimulée. Le fondement du modèle conceptuel freudien est le
refoulement sexuel, expression du désir incestueux dont Freud en démontre
les formations réactionnelles durant la période de latence, comme la pudeur
et le dégoût. Il suppose que la honte se nourrit de l’incomplétude imaginaire,
constituant l’objet même du narcissisme, soumis à l’épreuve que représente
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la castration. L’auteur s’appuie sur le point de vue de S. Lebovici qui met
en lien le Surmoi et la honte, en mettant en avant son aspect protecteur.
La honte œdipienne permet la mise en latence des vœux meurtriers envers
le père, facilitant la rivalité œdipienne (Lebovici, 1995). Le passage de la
honte à la culpabilité représente un progrès dans le « travail de civilisation »
que chaque sujet a à accomplir durant sa vie, au contraire le passage de la
culpabilité à la honte amène une lecture plus régrédiente de ce même travail
de civilisation (Janin, 2007, p. 26-27). Confier son enfant à la crèche est sans
doute assimilé pour la mère d’Alex comme un abandon « honteux » dont
l’écriture ne lui permet pas de la soulager sur le moment de ses angoisses et
de ses affects qui la submergent. L’équipe, quant à elle, ne peut comprendre
et accueillir de manière bienveillante ce récit de type « journal intime »
maternel. Pour Colette Combe et Robert Mancini, repris par C. Janin (ibid.,
p. 81), « la honte a une fonction défensive, contenante. Elle a valeur de contre-
investissement. Elle reconstitue des limites. Elle sauvegarde l’économie et la
topique psychique. Le passage fréquent de la honte à la douleur montre bien
le caractère paradoxal de la honte, à la fois traumatique et anti-traumatique »
(Combe, Mancini, 2004). Si la honte semble résulter d’une atteinte à la subjec-
tivité, elle permet de manière toute paradoxale son maintien. « La honte et son
expression scandent une problématique de subjectivation, elles indiquent
et amènent une réinscription dans la temporalité » (Scotto di Vettimo, 2007,
p. 200). Dans ce contexte de situation post-traumatique que représente la nais-
sance de l’enfant, la honte se révèle comme une forme d’expression narcis-
sique. Elle a sans doute permis à la mère de se réapproprier une subjectiva-
tion fragmentée. Si la honte trouve sans doute ses racines dans le narcissisme
PAssAge à l’ACte, honte et solitude mAternelle 193

et ses avatars, elle est la preuve qu’il reste un sujet pour la ressentir.
« Se reconnaître et se faire reconnaître sujet honteux, c’est déjà s’affirmer
sujet » (ibid., p. 199).

éCriture et solitude

En lieu d’accueil, les transformations psychiques et identitaires obser-


vées dans la maternalité sont nombreuses et inhérentes à cette étape. Dans
ce sens, les processus de maternalité vont tenter d’être clarifiés, ainsi que les
fantasmes qui s’y rapportent, permettant au jeune enfant de s’individuer.
La « capacité d’être seul de l’enfant » en présence de la mère est considérée
comme une expérience paradoxale fondatrice, et réciproquement, la « capa-
cité d’être seule de la mère en présence de son enfant » donne la possibilité
pour la femme, en devenant mère, de réélaborer l’expérience infantile de
la perte de l’objet primordial et du renoncement. Dans ce contexte où le
processus de maternalité ne s’enclenche pas une fois pour toutes lors de
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la première maternité, la solitude peut représenter une phase spécifique
et organisatrice, quoique très douloureuse pour la jeune mère : « Dans ses
nuits lacérées, en peau de chagrin, dans cet allaitement qui m’obligeait à
montrer mes seins sous peine de vivre recluse au fond d’un appartement en
réfection, mais j’y suis restée des heures, vivant pleinement le sacrifice en
succombant à la demande de ce petit être qui tétait en permanence ! ». C’est
alors pour la femme devenant mère une expérience psychique unique et « le
vécu de solitude (analysé dans le transfert) (est considéré) comme un signal
de la reprise d’un travail de deuil et de transformation », et ainsi s’élaborer
psychiquement (Maret-Cogeval, 1995, p. 50). Dans l’exemple de la tétée
(Freud, 1937), « dans un premier temps », on peut supposer que la solitude
est présentée comme dramatique avant l’apparition de la « représentation
de la satisfaction ». Elle se propose d’apparaître comme un espace privilégié
d’une élaboration de l’insatisfaction soutenue par le désir. Il soutient l’idée
que le désir porte sur un changement qualitatif qui, de l’insatisfaction, rejoint
la satisfaction.
G. Rosolato (1996, p. 93), dans son livre La Portée du désir, ou la psycha-
nalyse même, consacre un chapitre aux aspects essentiels de la solitude en
abordant les conditions générales de la solitude, du supplice, de la séré-
nité et de la sublimation. L’écriture et la figure de style que représente le
journal intime concrétisent assez souvent l’objet-tabou, confident privilégié.
Il évoque l’aveu secret de sa solitude dans son élaboration à la première
personne et apparaît le plus souvent chez l’adolescent pris dans ses zones
de turbulences. On peut donc s’étonner ici de l’aspect non confidentiel d’un
écrit des plus intimes concernant sa naissance en tant que mère, proposé à
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une professionnelle de l’équipe, d’une génération plus proche d’une figure


grand-maternelle. Si l’écriture sur soi tente d’apprivoiser la violence intra-
psychique, la rédaction d’un texte de type journal intime tente d’ouvrir une
distanciation appropriée sur le vécu immédiat pour essayer de lui donner
un après-coup plus personnel. Selon P. Voglaire (Voglaire, 2000, p. 16), « le
moi ne peut se soustraire impunément à l’angoisse que suscitent les conflits,
externes ou internes, qui l’assaillent ». La sollicitation pulsionnelle risque
de court-circuiter le travail psychique du moi et de l’amener à évacuer sans
délai l’excès de tension pulsionnelle dans le corps propre (décharge psycho-
somatique) ou dans le corps social. P. Voglaire parle alors de « passage à
l’acte ». Ce que l’auteur ne peut envisager de lui-même visiblement, il le
projette sur le papier pour le voir dans l’écriture qui formalise sa pensée.
« L’écriture rend compte du travail du Moi, se débattant avec les exigences
contradictoires du ça, du Surmoi et de la réalité. »

l’ACte d’éCriture de Cette mère, entre acting-out et PAssAge à l’ACte ?


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L’acting-out doit être clairement distingué du passage à l’acte, selon
Lacan. Si le passage à l’acte est un acte sans parole et qu’il n’a pas de sens,
l’acting-out est un acte qui pourra être repris dans une verbalisation, il a donc
un sens. Pour Sigmund Freud, l’Agieren tente de recouvrir les actes d’un sujet
aussi bien hors de l’analyse que dans l’analyse. L’Agieren viendrait à la place
de se remémorer, agir donc plutôt que de se souvenir et de mettre en mots.
A contrario, dans son Séminaire X sur l’angoisse, Lacan propose donc une
conceptualisation différenciée entre l’acte, le passage à l’acte et l’acting-out.
L’acte est toujours signifiant. Il inaugure toujours une coupure structurante
permettant au sujet de se retrouver, dans l’après-coup, radicalement trans-
formé, différent de ce qu’il était avant cet acte. L’acting-out serait donc une
demande de symbolisation exigée dans un transfert sauvage. Celui qui agit
dans l’acting-out ne parle pas en son nom et ne sait pas ce qu’il est en train
de montrer et il ne peut reconnaître le sens de ce qu’il dévoile. C’est à l’autre
qu’est confié le soin de déchiffrer. Le passage à l’acte est un agir impulsif
inconscient et non pas un acte. Contrairement à l’acting-out, il ne s’adresse à
personne et n’attend aucune interprétation. Pour la mère d’Alex, ce qui nous
semblait être un acting-out s’adressant à l’équipe se révèle dans l’après-coup
être un passage à l’acte traduisant une demande d’amour, de reconnaissance
symbolique sur fond de désespoir. Peut-on considérer que son acte d’écri-
ture s’adresse à un autre ? Ce journal intime et narratif semble constituer la
seule possibilité pour cette mère de s’inscrire symboliquement dans le réel
déshumanisant qui la persécute. Elle maintient sa relation à son enfant dans
le leurre d’une position de maîtrise et de refus de la castration. En déposant
PAssAge à l’ACte, honte et solitude mAternelle 195

ce journal autobiographique, elle sollicite des affects et des émotions contra-


dictoires difficiles à démêler et laissant craindre au sein de l’équipe des
mouvements négatifs et de rejet. Il introduit cependant une notion de fran-
chissement entre une position et une autre afin de rompre un état de tension
psychique intolérable pour elle-même.
Pour la mère d’Alex, ce travail de « projection-distanciation » révèle la
présence et la spontanéité de ses émotions, face à un vécu sans doute innom-
mable, sollicitant une activité représentative impossible. Dans ce « mal-être
raconté », elle donne le sentiment d’apprendre à mieux se connaître sans
pouvoir aborder ce qu’elle tait. Ce récit touchant et douloureux à la fois lui
permettrait de se révéler autrement à elle-même avant de pouvoir aborder
l’autre, son enfant, son conjoint… dans son humanité.
De ces mots émane la solitude de celle qui tente de décrire l’insoute-
nable de son ressenti de devoir se séparer de son fils même durant quelques
heures dans la journée. Elle tente de trouver des appuis psychiques et
physiques extérieurs pour un aménagement à sa solitude, qu’elle qualifie
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parfois de ressourçante, mais à d’autres moments d’effroyable et d’abyssale.
Elle semble osciller entre ces deux positions, et la production de ce récit écrit
d’elle-même proposé à l’équipe apparaît à la fois comme un double d’elle-
même ou de l’enfant. Dans ce « journal intime » traversant sa solitude mater-
nelle, elle exprime beaucoup de lyrisme et de poésie. Cette femme semble
traverser la régression nécessaire à l’arrivée de son bébé : « les liquides, le
sang et le lait ». Sa préoccupation maternelle primaire, dont on suppose
qu’elle n’arrive pas à y renoncer, l’a tout entière happée et enfermée dans
une solitude quasi concentrationnaire : « Change couche, liniment, poubelle,
habillage, vêtements propres classés par taille, couleur, saison… Tiens, faut
déjà étendre le linge, la machine à laver s’est éteinte. Bébé pleure, je l’avais
posé deux minutes dans son transat. En trois mois et demi, je parvins à sortir
huit heures sans Alex, par tranche d’une heure ou deux selon les circons-
tances. J’ai goûté chaque heure sans même chercher à apprécier. C’est arrivé
comme ça, comme on est ému par la “première fois”. Le franchissement de
la grille de notre demeure ressemble à une sortie de détention. (…) Dehors,
tout scintille ». Sa maternité l’a éloignée du monde extérieur et de ses plaisirs
les plus élémentaires, auxquels elle était habituée : « terrasses de café ensoleil-
lées, discussions entre amis, etc. ». Elle semble meurtrie par l’éloignement
aussi du père de l’enfant, tant il semble difficile, dans les premiers mois de
sa maternité, de concilier l’amour objectal et l’amour du soi-bébé : « Tout est
en mode automatique quand je peux encore appuyer sur le bouton. Dispa-
rition du compagnon, étrangement tout accaparé à sa tâche professionnelle
et sortant juste le biberon de la nuit. Adieu les nuits ensemble, donc adieu
l’intimité de deux amants qui, en devenant parents, se perdent… ». Elle fait
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le constat amer d’un sentiment de solitude et d’anti-vie face à la maternité,


en n’existant que dans un mode opératoire pour l’autre.
Elle reconnaît que cette période a été difficile et reproche à son entou-
rage de ne pas l’avoir prévenue tant ce passage l’a bouleversée : « J’en ai
voulu à toutes les mères qui ne m’avaient pas mise en garde et aux gens bien
intentionnés qui ânonnaient “ce n’est que du bonheur”. Ah… Je cherchais ce
qu’était le bonheur, dans tous les renoncements qui s’imposaient à moi ! ».
Mais cette mère avait, semble-t-il, un moi suffisamment structuré avant
cette grossesse pour lui permettre d’exprimer son ressenti durant cette
période avec talent et humour. Les difficultés ultérieures de développement
de l’enfant et de séparation de la mère viendront marquer un impossible
à renoncer à cet enfant comme un prolongement narcissique d’elle-même.
À terme, la symbolisation semble avoir échoué, d’autant plus qu’elle n’a pas
voulu d’entretiens pour reprendre ce moment de rupture brutal que son écrit
autobiographique a généré auprès de l’équipe, dans le processus relationnel
jusque-là guidé et soutenu par la parole. En effet, l’équipe est restée bloquée
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voire choquée face à l’intensité de cet écrit et au vécu maternel paradoxal
qu’il évoque.

solitude et risque de PAssAge à l’ACte

La solitude revêt plusieurs formes, qu’elle soit subie ou recherchée, mais


dans la solitude plus destructrice, la plainte maternelle présente certaines
caractéristiques, que ce texte déposé en crèche illustre. Fréquemment, la
nostalgie d’un état d’indifférenciation, connu en un autre temps et lieu,
peut générer le sentiment de solitude. S’il peut se retrouver et se réaliser
illusoirement dans l’amour passionné, dans la grossesse ou la communauté
religieuse par exemple, il est présent assez souvent dans la relation de la
mère et de son enfant. Alors, cette conviction secrète qu’un tel état existe
ou a dû exister peut prendre de nombreuses figures, et elle peut avoir des
effets dans la relation avec soi-même, son propre enfant et le groupe social.
La crèche représente le plus souvent ce premier groupe social, où les vulnéra-
bilités maternelles se manifestent et où les difficultés à venir et à advenir
pour l’enfant se confirment. La solitude est un sentiment universel lié à notre
condition d’être humain, à l’angoisse d’être séparé et par conséquent de se
sentir seul. La solitude n’est donc pas un renoncement aux autres. Bien au
contraire, elle permet à chacun de se définir en se confrontant à l’origina-
lité de l’autre. « Le caractère précieux de l’objet et du sujet vient de ce que
chacun est unique, il naît de sa solitude » (Quinodoz, 1991, p. 219). Il existe
différentes qualités de solitude, comme l’isolement, l’abandon ou la prépa-
ration à l’exercice de la créativité, mais notre expérience personnelle rend
PAssAge à l’ACte, honte et solitude mAternelle 197

compte de son « irreprésentabilité » (Arfouilloux, 1987, p. 148). À ce sujet, les


études menées par D. W. Winnicott ou M. Klein interrogent cette difficulté,
voire cette impossibilité de représentation de la solitude. Dans son article
« La capacité d’être seul » (1958), D. W. Winnicott questionne le paradoxe
de trouver cette capacité essentiellement en présence de quelqu’un, et dont
résulte la notion d’un bon objet intériorisé, ou de la fondation de la capacité
d’être seul sur l’aptitude à élaborer les sentiments provoqués par la scène
primitive. Dans l’exemple cité, la relation alimentaire soulève déjà des points
douloureux. Dans cette relation naissante, Alex s’alimente du lait et des
angoisses maternelles, et la mère comme l’enfant en souffrent : « Je le sentais
souffrir, mon nommé “Titou” ; il se cabrait et s’étendait comme un élastique
prêt à rompre… J’aurais au moins aimé qu’il se sente apaisé par le lait du sein
offert, mais à l’exception de magnifiques tétées, j’entendais un cri après dix
déglutitions et sa tête se tournant vers l’extérieur : refus du sein, déchirure du
cœur, lait en flaque ». Cet extrait souligne le désarroi maternel. Passant d’une
solitude proche de la détresse : « Avec Alex, j’ai fait les cent pas ; j’ai arpenté
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les dalles de la maison, pièce par pièce, souvent je suis restée debout à le tenir
cinq heures, six heures, juste lui, moi et mes interminables questions » à celle
qui permet d’atteindre un état de sublimation : « Par-dessus tout, Alex aime
le contact humain, cherche les visages, est ravi de voir qu’une personne, un
parent, un ami ou même un passant s’incline vers lui. L’on rencontre facile-
ment le regard d’Alex. À sa naissance, ce regard était chargé d’histoires.
Le bleu se fond dans l’infini d’un bleu éclatant d’une perle de culture encore
ruisselante d’eau de mer ». Ne pas supporter sa solitude en présence/
absence de son enfant : « Si Alex ne pouvait pas s’endormir avant minuit,
il s’éclipse à présent à vingt-et-une-heures, nous laissant, ses deux parents,
en face-à-face. Le silence tombe alors, me surprend ». La maternité renvoie
la femme devenue mère à vivre sous la menace d’une perte permanente.
Si la solitude est vécue comme un cauchemar, c’est toute la vie alors qui
s’en trouve effondrée : « Le souvenir d’une cuisante journée début août, où,
à cause du soleil mordant ou à cause de ma fatigue écrasante, j’étais restée
enfermée à la maison à attendre une sieste de sa part qui n’est jamais venue,
me pousse à sortir ». On observe comment l’épuisement psychique et l’isole-
ment grignotent les forces vives. La solitude apparaît par moments destruc-
trice : « L’expérience montrant que rester 24 h/24 avec lui, c’est tourner en
spirale et couler : je vais dehors ». La solitude peut conduire à l’isolement
et au repli sur soi, « c’est la solitude de la tour d’ivoire » (Quinodoz, 1991,
p. 219). Lorsque le moi maternel reste fondé sur la méfiance et l’hostilité, la
solitude apparaît néfaste pour la transformation du moi et du devenir mère,
en continuelle évolution : « Je me demande alors si Alex va bien, entre les
mains des bonnes personnes qui le gardent… Puis, je ne pense plus à rien ».
198 Cliniques méditerrAnéennes 109-2024

La souffrance maternelle révèle une fragilité des limites du Moi et une situa-
tion de tension intérieure. « Je mange l’heure. L’adaptation d’Alex à la crèche,
je la vis seule devant mon clavier, en me disant que notre lien est devenu
évident et solide. » L’écriture vient « panser » sa souffrance et ses angoisses
de séparation, assimilables à un sentiment d’abandon.

Comme une tentAtive de suBjeCtivAtion des ProCessus


de lA mAternAlité

Pour Charles Melman qui reprend Lacan, le passage à l’acte est « un


mécanisme qui s’enclenche à l’insu du sujet et qui le dépose devant son
acte, l’acte qui l’a commis, […] le passage à l’acte est ce qui se produit chez
un “parlêtre”, lorsqu’il est nié comme désirant » (2008, p. 79). Lorsque la
crise s’enkyste au sein du couple, de la famille, et que les symptômes s’ins-
tallent chez l’enfant comme chez ses parents durablement, « une attention
de l’équipe et un accompagnement psychologique (du devenir parent) se
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justifieront quand la confrontation à l’enfant met en scène des conflits inter-
générationnels non résolus » (Missonnier, 2009, p. 26). Ces affects, honte
et solitude, peuvent cependant alourdir et submerger la femme dans sa
tâche maternelle, en accentuant une forme de solitude extrême lorsqu’ils
demeurent clandestins. Cette « difficulté à dire » et cette « incapacité à
être » peuvent alors susciter des mouvements violents et désespérés chez
la mère, et parfois aussi contre-transférentiellement chez les professionnels
de l’accueil. Certains éprouvés et paroles vont être reçus comme inquiétants
et inadéquats par l’équipe concernant la naissance, l’éducation de l’enfant,
son évolution, et ce nouvel état maternel qui se révèle ambivalent. Alors que
ce récit est à prendre en compte comme un échec de la symbolisation et de
l’impasse identitaire dont elle souffre, l’expression de sa solitude, lorsqu’elle
est reconnue, représenterait une issue permettant d’accompagner davan-
tage la construction de sa nouvelle identité maternelle et ses remaniements.
Ce texte a jeté de la confusion auprès d’une équipe mal préparée à accueillir
cet intime. Pour la mère d’Alex, la solitude destructrice qu’elle confie à
travers ce récit oscille et s’articule davantage autour de cette double valeur
narcissique et objectale. Ce travail clinique d’accompagnement de l’équipe
par la psychologue en arrière-plan a eu comme objectif d’essayer de dégager
cette mère accueillie du jeu des projections et des identifications de certains
professionnels. Le regard réprobateur et stigmatisant de l’équipe s’est ainsi
adouci, permettant la reprise d’un accompagnement qui se trouvait dans
l’impasse relationnelle. Si la solitude maternelle n’a pu « être apprivoisée »
(Quinodoz, 1991) et accompagnée dans le cadre d’entretiens, cette famille
a pu être accueillie dans toute sa singularité grâce au travail clinique opéré
PAssAge à l’ACte, honte et solitude mAternelle 199

indirectement. Le langage et l’accès à sa symbolique se mettent en place au


prix d’une immense perte. Le sujet humain apparaît en même temps qu’il se
sépare de l’objet sous l’effet de l’impératif du langage. Son enfant est resté sa
« chose » à elle, non partageable, symbolisé dans et par le langage. Cet écrit
est déposé comme une non-demande de ce qui échoue à se dire. Par ce
passage à l’acte, l’enfant est maintenu essentiellement dans le fantasme
maternel et le narcissisme primaire de la mère qui n’a pu évoluer. On peut
supposer que c’est aussi une façon pour la mère d’Alex de centrer la relation
dans l’ici et maintenant sans tenir compte de l’interdit de l’inceste.

en guise de ConClusion

Une écoute active en crèche par le psychologue clinicien peut se


révéler nécessaire pour accompagner les processus de parentalité à l’œuvre.
Cet étayage prenant la forme métaphorique de poupées russes peut aider à
mieux déceler certaines fragilités rencontrées dans le cadre de l’accueil chez
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les mères, mais aussi de sensibiliser et de former les équipes d’accueillants à
repérer ces mêmes vulnérabilités. Le « défi majeur d’une prévention institu-
tionnelle des signes de vulnérabilités parentales et des dysharmonies inter-
actives précoces » réside dans la préparation d’un « accueil bienveillant du
questionnement parental ». Il indique l’importance du travail « indirect du
psychologue avec les équipes comme condition sine qua non de la qualité de
son exercice clinique direct » auprès des parents (Missonnier, 2009, p. 21-22).
Le passage à l’acte annonce le plus souvent une impasse intra-psychique
pour le sujet. Il soulève, en référence à la psychanalyse, le problème de
ses rapports entre la réalité externe et la réalité interne ou psychique, et
confronte le clinicien à la difficulté de faire la part de ce qui relève du réel et
de ce qui relève du fantasme. Il reste difficile de dénouer cette articulation
très étroite qui existe entre les angoisses de séparation, la honte et la solitude
inhérentes parfois à la souffrance du devenir parent. Le passage à l’acte de
cette mère vient ici signifier une défaillance de la fonction symbolique du
langage. Il interpelle de façon visible le ou les témoins de l’évènement, tout
en mettant en scène dans le réel la perte de l’objet que représente l’accueil
d’Alex à la crèche. Cet accueil même est vécu du côté de l’arrachement par
la mère. Le passage à l’acte représente certainement une tentative d’entrer en
relation avec l’équipe, par excès, en force, en excluant toute médiation par la
parole.
200 Cliniques méditerrAnéennes 109-2024

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Résumé
Les vécus douloureux d’une mère sont abordés dans cet article sous l’angle de la
solitude et de la honte, à travers le récit intime de celle-ci sous forme d’un journal
autobiographique lorsqu’elle confie son enfant à l’équipe de la crèche. Le sens, dans
l’économie psychique de cette mère en déposant ce récit intime auprès de la crèche,
est étudié ici dans l’après-coup. L’étude du récit maternel permet de repérer les
remaniements psychiques à l’œuvre dans la maternalité ainsi que son ambivalence.
Les extraits de ce texte soulignent l’incommunicabilité du sentiment de solitude
transmis très tôt à l’enfant par une mère souffrant de ce même sentiment lorsqu’il est
invalidant. Confier son enfant à la crèche est synonyme d’un abandon « honteux ».
Ce récit des plus intimes permet de la soulager sur le moment de ses angoisses et
de l’extraire d’une solitude persécutrice. Dans ce « mal-être raconté », touchant et
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douloureux à la fois, cette mère tente de se révéler autrement à elle-même avant de
pouvoir aborder l’autre, son enfant, son conjoint… dans son humanité, mais sans y
parvenir.

Mots-clés
Maternité, maternalité, solitude, honte, passage à l’acte, journal autobiographique, crèche.

ACting out, shAme And mAternAl loneliness:


ACCount of An imPossiBle sePArAtion

Abstract
The painful experiences of a mother are approached in this article from the angle of
loneliness and shame through her intimate story when she entrusts her child for the
nursery team. The meaning of in the psychic economy of this mother by depositing
an intimate story with the nursery is studied here in hindsight. The study of the
maternal narrative makes it possible to identify the psychic reorganizations at work
in motherhood as well as its ambivalence. The excerpts from this text underlines the
incommunicability of the feeling of loneliness transmitted very early to the child by
a mother suffering from this same feeling when it is disabling. Entrusting your child
to the crèche is synonymous with “shameful” abandonment. This most intimate story
allows helps to relieve her of her anxieties at the time and to extract her from a perse-
cuting loneliness. In this “recounted malaise”, touching and painful at the same time,
this mother tries to reveal herself differently to herself before being able to approach
the other, her child, her spouse… in her humanity but without succeeding.

Keywords
Maternity, motherhood, loneliness, shame, acting out, autobiographical diary, nursery.

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