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WeIrD
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WeIrD
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version 1.94
1
0. ■
WEIRD■ est un moteur minimaliste
générique pour raconter des fictions
improvisées, centrées sur un
personnage principal.
Il n’y a pas d’histoire-type, mais
WEIRD■ est particulièrement adapté
pour
¶ l’horreur
¶ le fantastique
¶ le thriller psychologique
¶ l’enquête
avec un résultat et un format qui
rappelle typiquement celui de la
nouvelle.
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Le squelette de WEIRD■ a quatre os.
3
La voix
Le choeur
respecte l’impulsion et se
saisit de tout ce qu’elle veut
Tout le monde
4
support informatique équivalent ; il
peut s’agir de n’importe quoi : nom
propre, question, symbole, motif, peu
importe
5
Le reste de ce texte contient des
précisions qui explicitent le
fonctionnement et les intentions de
WEIRD■, au cas où quelque chose ne
soit pas clair, ainsi que des
ressources supplémentaires pour
jouer.
6
0. ■
1. L’impulsion........... p.09
2. La voix............... p.12
3. Le choeur............. p.14
4. Les sujets............ p.16
5. Conseils de jeu....... p.19
6. Suggestions........... p.31
7. Annexes............... p.34
8. Note.................. p.38
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1. L’impulsion
Il y a quantité d’histoires que les
formes les plus habituelles du jeu de
rôle ne sont pas adaptées à raconter.
Pourtant, elles se présentent à nous
chaque jour : dans les romans, dans
les films, dans les journaux même,
dans notre vie et celle des autres,
dans l’Histoire telle qu’elle nous
parvient, dans des creepypasta, dans
tout ce qui arrive et tout ce qui
n’arrive pas.
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L’impulsion peut être résumée en une
seule phrase, lâchée en début de
partie : « Je viens d’arriver dans le
petit pâtelin où a eu lieu le meurtre
sur lequel je dois enquêter. » La
première scène pourrait être
l’interrogatoire d’un témoin, la
rencontre avec un commissaire local,
les premières impressions du village
en lui-même...
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les mauvaises surprises et de
prévenir les sujets difficiles. La
personne qui propose son impulsion
doit être attentive aux thèmes qui
risquent de créer un malaise auprès
de ses joueur·euse·s.
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2. La voix
La voix est le·a joueur·eus·e qui
incarne le personnage principal de
l’histoire, et commence la première
scène. C’est en principe celle qui a
apporté l’impulsion.
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donner des prises, donner de quoi
jouer pour les autres.
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3. Le choeur
Le choeur est l’ensemble des autres
joueuses. Dans une situation typique,
les joueur·euse·s du choeur ne savent
presque rien de l’histoire avant la
première scène, sauf éventuellement
un pitch partagé au préalable. Elles
doivent donc écouter attentivement
pour comprendre de quoi la voix veut
parler, où le choeur peut s’insérer,
etc.
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opportunités, en nuançant la palette
esthétique de la partie, etc.
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4. Les sujets
Un sujet, c’est un ou quelques mots
encapsulant un aspect de la fiction
que l’on veut voir revenir. Pour
simplifier, on peut dire qu’il y en a
essentiellement trois sortes :
personnage, motif esthétique,
question – mais tout est admissible,
tout peut être un sujet. Les sujets,
typiquement représentés par des post-
its réels ou numériques, sont visible
par tou·te·s.
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Dans WEIRD■, les sujets sont un canal
de communication alternatif, qui sert
à montrer son intérêt pour certains
éléments de la fiction. Lorsque
quelqu’un écrit un sujet, il est
nécessaire que tout le monde le
remarque et puisse voir ce qui est
écrit dessus, mais il n’est
généralement pas souhaitable
d’arrêter la partie pour en discuter.
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Comment un corps a-t-il pu se
volatiliser au beau milieu de la
morgue ? Pourquoi a-t-on arrêté
l’horloge en réglant les aiguilles
sur 19h59 ?
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5. Conseils de jeu
WEIRD■ est un dispositif pensé pour
jouer en performance. Le but est
avant tout de créer une expérience
commune intense, à la recherche de
l’effet, de l’ambiance. WEIRD■
cherche à percuter.
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Si vous tenez à un élément de
structure dès le début, comme une fin
qui doit advenir quoi qu’il en
coûte : faites-en un sujet révélé, un
élément de fateplay vers lequel tout
le monde peut tendre en même temps,
en s’interrogeant sur les
circonstances et les événements qui
vont mener là-bas, en pleine ironie
dramatique.
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signal fort. D’autres outils,
d’autres techniques peuvent servir la
même fonction de démarcation entre le
non-jeu et le jeu : sentez-vous libre
d’utiliser ce qui vous semble
pertinent.
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En d’autres termes : jouez sans vous
mettre d’accord. Un paradoxe : il
faut collaborer et s’écouter, et
pourtant il ne faut pas chercher à se
mettre d’accord.
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de vous interroger sur l’envie ou non
d’en accepter les termes.
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Par ailleurs, le placement de la voix
par rapport aux joueu·euse·s du
choeur est important, car elle est
centrale ; une possibilité est que le
choeur se positionne face à la voix,
en demi-cercle, afin que ses membres
soient tournées vers elle tout en
ayant la possibilité de se voir et
d’échanger des regards. Une telle
disposition peut avoir quelque chose
d’oppressant pour la voix, et c’est
tout à fait recherché.
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5. Soigner la parole. Personne ne
naît poète, et les jeux de rôles ont
tendance à nous mettre à l’aise : la
langue, la parole y sont libres, on
raconte comme on veut.
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que l’on se précipite pour combler
les blancs, avancer rapidement dans
l’intrigue et aller de twist en
dénouement.
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Enfin, la lenteur pendant une partie
de jeu de rôle a en soi une saveur
particulière. Elle nous expose les
un·es et les autres à ce que nous
faisons – non pas une partie
endiablée d’un jeu tiré en avant par
son histoire et ses mécaniques, mais
un moment Elle nous rend présent·es,
en pleine performance, à l’expérience
que nous construisons pour nous-
mêmes.
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clair, permettant de sortir du jeu à
intervalle régulier.
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être source de pression ; dès qu’ils
sont dits, il faut sans doute les
tempérer : quand on joue en
performance, on n’a toujours pas
d’autre public que soi-même et ses
ami·e·s. Il n’y a pas de contrat ou
de statuette à la clé, et une table
de jeu de rôle reste un bon endroit
pour expérimenter avec un bon risque
d’échec.
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n’est pas grave. Théoriser les
techniques qui nous intéressent, les
effets que l’on recherche, les idéaux
qu’on
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6. Suggestions
WEIRD■ est intimidant. Il vient d’un
désir de sortie des chemins battus,
tant du point de vue de la structure
de narration que du contenu, plus
inspiré de romans et d’autres
fictions linéaires contemporaines. Et
le pas de côté peut être difficile :
en hors-piste, pas de piste.
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1. La mort et l’oubli. Dans un petit
village breton, une série de meurtres
immondes me rappellent une affaire
similaire, vingt ans plus tôt.
¶ Mme Oubarec, vieille mère de
la dernière victime
¶ Linda, médecin légiste de la
ville la plus proche
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4. Chasm. Pour le spéléologue amateur
que je suis, la découverte de cette
caverne exceptionnelle est un grand
événement ; je ne résiste pas à une
petite exploration…
¶ Un motif au mur. Symbole
abstrait ou animal, peut-être juste
imaginé.
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7. Dès l’instant où je suis entré·e,
dès l’instant même où j’ai sorti mon
arme et braqué les clients pour
constituer mes otages, tout mon corps
m’a dit l’erreur fatale dans laquelle
je m’enfonçais de minute en minute.
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7. Annexe
1. Sécurité émotionnelle. Il y a
beaucoup de moyens par lesquels
WEIRD■ peut créer un malaise qui va
au-delà de ce que l’on veut créer,
par exemple parce que l’on se
retrouve à décrire crûment quelque
chose de violent ou parce qu’un
détail évoqué rappelle quelque chose
d’angoissant à l’esprit d’un·e
joueur·euse.
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Quelques outils classiques peuvent
servir, en prévention ou en réaction.
Si vous n’y êtes pas habitué, il peut
être contre-productif de tout mettre
en place d’un coup : utilisez
seulement ceux qui vous parlent.
¶ lignes & voiles : définir à
l’avance des sujets à ne pas aborder
(lignes) ou seulement allusivement
(voiles)
¶ carte X : mettre en jeu une
carte ou autre signe non-verbal qui
permet d’interrompre la partie et
demander à sauter une séquence,
modifier un élément problématique, ou
toute autre discussion hors-jeu
nécessaire
¶ méthode de Luxton : donner aux
personnes qui le demandent le
contrôle d’une séquence narrative
pour amener un dénouement, une issue
à une situation fictionnelle qui
soulève une angoisse personnelle
¶ code tricolore : définir 3
signes pour indiquer son niveau
d’aisance avec ce qui est joué (tout
va bien / attention / stop). Par
exemple les mots ‘vert’, ‘jaune’ et
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‘rouge’, inspiré des feux tricolores,
ou alors des signes non-verbaux, par
exemple avec un pouce vers le haut /
à l’horizontale / vers le bas. Ces
signes gagnent à être complétés par
un autre permettant de poser la
question, comme le OK-check de
plongée, afin que l’interrogation sur
la sécurité émotionnelle ne vienne
plus seulement de la personne elle-
même mais également de son entourage.
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en même temps une piste issue de
YouTube ; sur discord, certains bots
peuvent faire la même chose. En
présentiel, attention à avoir un bon
son et à donner la possibilité d’en
régler le volume selon la convenance.
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minimal, écrasant, hostile
¶ Les nombreux et longs mix de
Cryo Chamber ; par exemple,
Abandonned City ou Dark Ambient
Witchcraft.
¶ des ambiances sonores sans
musique, comme par exemple la mer sur
fond d’orage
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8. Note
D’où vient WEIRD■ et à quoi répond-t-
il ? À une série de frustrations. Le
jeu de rôle est mon principal média
artistique et d’expression, donc
c’est vers lui que je reporte tout ce
que je veux créer. Or il y a quantité
de formes fictionnelles que j’aime et
dont les structures narratives
semblent tout à fait absentes en jeu
de rôle, où prévaut avant tout le
régime narratif de l’aventure. Mettre
à distance l’aventure est un premier
pas nécessaire pour une émancipation
artistique par le jeu de rôle.
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Mais la culture alternative tend à
produire des jeux ultraspécialisés,
émulant un genre spécifique ou un
type d’histoire bien précis. Dans ce
paradigme chaque histoire demande son
jeu propre, par peur de voir le
contenu se diluer dans une forme
inadaptée. Ici commence mon
problème : si j’ai une idée et
l’envie de l’expérimenter au plus
vite, il faut que je l’envisage non
comme une fiction à jouer, mais comme
un jeu à écrire. C’est un processus
long, fastidieux, souvent délicat.
Frustration.
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quoi la seule limite du jeu de rôle,
c’est l’imagination. Frustration.
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Ce qui conduit à la dernière question
en suspens : qu’y a-t-il dans WEIRD■
qui mène à des histoires plutôt qu’à
d’autres, qu’est-ce qui oriente – et
vers quoi ?
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fantastique et l’horreur. Parce qu’il
n’y a aucune perception hors du champ
du personnage, il n’y a également
rien qui distingue le vrai du faux,
l’illusion du réel. Par contre, une
distinction est particulièrement
marquée : celle entre moi (le
protagoniste, la voix) et le monde,
le choeur (qui semble souvent un
grand adversaire uniforme et
invulnérable). Cette opposition
asymétrique contient une hostilité,
amplifie toutes les menaces. Les
lieux de mi-chemin de cette
distinction, comme les perceptions,
sont avant tout des lieux
d’intrusion : voir, c’est laisser
entrer en soi, c’est déjà subir sans
choisir.
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des thématiques bien identifiées, des
phases de jeu distinctes ou d’autres
modes de structuration a priori.
C’est une démarche négative :
enlever, puis n’agir que sur ce qui
apparaît essentiel. J’espère que
WEIRD■ passera pour une tentative de
rebattre les cartes, de faire autre
chose.
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