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Raison présente

Henri Atlan lecteur de Spinoza. Nécessité de la Nature et liberté de


l'homme
Jean-Pierre Babin

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Babin Jean-Pierre. Henri Atlan lecteur de Spinoza. Nécessité de la Nature et liberté de l'homme. In: Raison présente, n°154-
155, 2e et 3e trimestres 2005. Menaces sur le climat. pp. 107-124;

doi : https://doi.org/10.3406/raipr.2005.3925

https://www.persee.fr/doc/raipr_0033-9075_2005_num_154_1_3925

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Henri Atlan lecteur de Spino

Nécessité de la Nature et liberté d

l'homm

Jean-Pierre Babin

science
sité
phie
demment
; de
sa Henri
est-elle
réflexion
Spinoza,
problématique
Atlan
inhumaine
yà est
laquelle
a publié
appuyée
de
? etrenvoie
« en
sous-titré
libre
essentiellement
2002
nécessité
cette
un
Essai
petit
idée
sur
». livre
centrale
sur
la libre
la
intitulé
philo
et
nécé

C'est en effet le constat d'une contradiction qui ou


le livre : d'un côté, comme biologiste et comme tout scienti
que, Henri Atlan est « amené à défendre en théorie la posit
du déterminisme absolu. Le seul fait d'être engagé dans
recherche des causes implique en effet que nous posions le dét
minisme comme postulat ». On pourrait être tenté d'objec
immédiatement que ce postulat est erroné, la connaissance
réel n'étant pas déterministe : on arguerait en particulier
l'évolution de la physique vers le probabilisme. Mais c'est
réalité cette objection qui sous cette forme reste nulle et n
avenue, comme le rappelle plus loin Henri Atlan lui-mêm
« Le hasard ne s'oppose pas du tout ici au déterminisme abso
Par le calcul des probabilités, il devient tout au contraire u
manière de réduire notre ignorance même en l'absence exp
cite de connaissances ». Ainsi, le caractère irréductiblement s
tistique de notre science ne permet pas de trancher la quest
métaphysique de la nature déterministe ou aléatoire du réel l
même ; c'est donc légitimement que Henri Atlan pose le dét
minisme comme postulat de toute entreprise scientifique. Ma

poursuit-il,
sur le sentiment
d'un de
autre
liberté,
côté au
notre
sensvécu
traditionnel
repose essentielleme
du libre ar

tre : choisir entre plusieurs possibles, décider de poursuivre


objectif, etc., tout cela avec une impression d'autonomie
seule ferait de nous des sujets responsables, susceptibles de
Raison Présente

cette dernière met effectivement en évidence, toujours mieu


certes, nous nous sentons libres parce que nous croyons dé
der et choisir, mais cette expérience n'est qu'illusoire. C'est
justement une des thèses fondamentales et fameuses de Spino
dès la Première Partie de l'Éthique et surtout son Appendic

les
impossible
c'est
désirs,
ou
du
sité...
alors,
hommes
cela.
déterminisme,
lequelle
une
titre
mais
Spinoza
éthique
et
de
se
non
liberté
illa
croient
faut
Cinquième
déduit
des
avec
qui
?donc
causes
libres
reconduise
une
ainsi
bâtir
absolue
parce
et
qui
toutes
dernière
une
les
pourtant
qu'ils
éthique
les
rigueur
déterminent
conséquences
Partie
ontàde
conscience
: la
le
deet
liberté,
libre
son
dans
à désirer
livre.
arbitre
pratiqu
la
puisq
denéce
M
leu
c

Spinoza a pu faire ce choix métaphysique majeur en p


nant acte de la révolution galiléenne, qui inaugurait une vr
compréhension du monde matériel, causale et mathématiq
et qui aboutirait au « triomphe » de la mécanique newtonien
Or, souligne Henri Atlan, notre situation contemporaine est
quelque sorte pire : la biologie, au XXe siècle, a achevé de r
ner l'espoir d'une irréductible résistance de la vie (et de
conscience) à la dure nécessité des lois. Le vitalisme, qui se
bla longtemps inexpugnable, a dû laisser la place à la compr
hension des mécanismes physico-chimiques du vivant : « la
est une expérience indéniable, mais jamais plus qu'une exp
rience », tout comme le libre arbitre. Ainsi est en train de to
ber la barrière entre l'inerte et le vivant, que toute une tra
tion philosophique avait construite; Henri Atlan vise
particulier Kant, mais on pourrait aussi bien citer Aristote, Le
niz ou Bergson, par exemple : quelles que soient leurs diverge
ces, tous ont partagé cette conviction fondamentale que le viv
ne peut être compris que d'un point de vue finaliste, différ
par nature de la compréhension mécaniste qui convient seu
ment aux phénomènes physico-chimiques. Il est au contra
remarquable que Spinoza se place dans la tradition philosoph
que opposée, celle du mécanisme universel, qui cherche à pe
ser entre la matière inanimée et l'organisme une différence n
de nature, mais de degrés (ce qui ne revient donc pas à rédu
le vivant à l'inerte, comme le fait Descartes) : en effet, dans
Seconde Partie de l'Éthique , il esquisse une théorie physiq

corps
qui aboutit
conserver
composé
son
au identité
concept
et capable,
àfondamental
travers
grâce des
à cette
changements.
d'individu
composition
, c'est-à-dire
Il peut
même,al
Henri Atlan, lecteur de Spin

écrire que « tous les individus, quoiqu'à des degrés divers , s


animés ». Si ce gradualisme n'est pas pensé par Spinoza
manière diachronique, on voit bien qu'il peut conduire à l'é
lutionnisme;
été darwinien.en d'autres termes, Spinoza aurait certainem

C'est en dernier ressort le statut de l'homme et de


conscience, siège apparent du libre arbitre, qui est en jeu : pu
que la frontière entre le monde physique, nécessaire, et celui
vivant s'estompe, celui-ci doit obéir également à des lois dét
minantes, que nous comprenons effectivement de mieux
mieux ; pourquoi l'homme y ferait-il exception ? Ici, la référe
de Henri Atlan à Kant est particulièrement pertinente, tan
est vrai que la morale kantienne — et tout son système phi
sophique, dont elle forme en un sens le cœur — s'efforce
faire échapper l'action humaine au déterminisme : Kant « ét
convaincu de l'impossibilité qu'un Newton biologiste vien
un jour expliquer le vivant de façon purement mécanique (.
Ce ne fut pourtant pas un Newton mais bien une armée de pet
Newtons qui vinrent mettre à mal la finalité et découvrir
mécanismes qui expliquent les comportements des organism
les plus simples
observés au niveau
mais
endocrinien
égalementnous
les nôtres.
montrentLescomment
mécanism
c

tains de nos comportements, certaines de nos pensées et a f


tiori certains de nos sentiments, certaines de nos passions so
déterminés par des phénomènes biologiques de toutes sor
(sans compter les mécanismes sociaux, psychologiques, lingu
tiques avec lesquels ils interagissent). L'idée que nous aurio
la capacité de librement décider de nos actes s'en trouve for
ment bouleversée ». Nous ajouterons qu'une autre ligne
défense du libre arbitre est possible, qui renverrait plutôt à D

cartes
« directement
: au lieu »del'homme,
séparer leetvivant
lui seul,
de de
l'inerte,
tous les
on autres
sépare êtr
al

Les animaux ne sont que des machines, et le corps humain


fait pas exception, affirmait Descartes, mais lui seul est un
une âme immatérielle et libre. Simplement, ce dualisme cor
âme est tout autant contesté par la science contemporaine q
le dualisme inerte-vivant, car ce sont les deux expressions d
seul et même effort théorique — et elles peuvent d'ailleurs ê
combinées l'une avec l'autre — , qui vise à « concevoir l'hom
dans la nature comme un empire dans un empire ». Spino
Raison Présente

l'interface entre le corps, matière brute, et l'âme, pensée pu


Nul doute que les découvertes contemporaines en neurobio
gie l'auraient intéressé et conforté dans sa position : le corp
l'esprit ne sont pas deux réalités différentes de nature, conjo
tes par on ne sait quel miracle, mais bien une seule et mê
chose.

Ainsi, pouvons-nous conclure avec Henri Atlan, «


crise est sans précédent » : l'« hiatus » ne cesse de croître en
« les déterminismes que révèlent nos connaissances actuelle
et notre « existence quotidienne [où nous] continuons à vi
et à faire des choix ». Ayant fait ce diagnostic, Henri At
rejette ce qu'il appelle « la position de résistance » qui consi
à maintenir coûte que coûte « un domaine où le sujet est lib
où il n'est pas déterminé, le fameux domaine suprasensible k
tien » : on argue alors de l'impossibilité apparente de sau
toute morale et toute responsabilité dès lors qu'on abandon
le libre arbitre de l'homme et qu'on le reconnaît comme
partie de la Nature, soumise aussi bien que les autres à des
nécessaires. On préfère donc continuer à faire le « grand écar
toujours plus difficile, entre ce prétendu impératif du libre ar
tre et les connaissances scientifiques. Henri Atlan choisit lu
parti opposé : « L'ennui, tout de même, c'est que le doma
du libre arbitre se réduit de plus en plus. Pourquoi ne pas op
alors pour l'attitude inverse et prolonger fictivement les déc
vertes actuelles ? Je crois en effet plus économique de tout lâc
d'un coup. Supposons que nous parvenions un jour à expliq
mécaniquement l'ensemble de nos comportements et de
choix que nous sentons libres. Est-ce pour autant la fin de
morale, de la responsabilité, de toute vie sociale ? Je préte
que non. Il est possible de bâtir une existence et une philo
phie qui ne soient pas moins heureuses ni morales ». Voilà d
le projet, pour ne pas dire la gageure : « retrouver une au
façon de penser la liberté, qui soit plus en accord avec les av
cées actuelles de la biologie et des sciences humaines ». C
justement pour penser cette « libre nécessité » que Henri At
se réfère plus précisément à la philosophie de Spinoza.

On aura compris que nous partageons pleinement


position du problème, depuis le constat initial de crise jusq
la définition même du projet. Nous voudrions maintenant
cuter de la solution que propose Henri Atlan, c'est-à-dire
la manière dont il lit chez Spinoza une conciliation possi
Henri Atlan, lecteur de Spino

ment clair dans sa philosophie, et une autre liberté que le lib


arbitre, puisque celui-ci ne sera plus désormais qu'une illusio
En effet, la menace qui pèse dès lors sur le système de Spinoz

comme surEt
fatalisme. toute
cette
pensée
menace
nécessitariste,
ne saurait être
c'est sous-estimée
de tomber dans
: e

explique le rejet, par tant de pensées philosophiques mais au


sans doute par la conscience commune, d'un déterminisme tot
Or, il nous semble que la lecture ou l'usage que fait Henri Atl
du spinozisme ne conjure pas véritablement ce risque : la liber
à laquelle nous accéderions reste encore trop illusoire.

Pour indiquer d'emblée l'essentiel, c'est la relation ent


le temps et l'éternité qui constitue le cœur du problème : il e
impossible d'échapper au fatalisme et à ses conséquences absu
des si l'on pense une éternité qui surplombe le temps et s
déroulement progressif, si l'on continue donc à imaginer
monde comme un livre, comme un « Grand Rouleau » dir
Jacques, le Fataliste de Diderot. Certes, c'est souvent ainsi qu'o
lit l'Éthique , en opposant absolument l'éternité et le temp
Spinoza n'écrit-il pas lui-même que « l'éternité ne peut ni
définir par le temps ni avoir aucun rapport au temps » ? Ain
l'objection que nous faisons à Henri Atlan s'adresse général
ment à cette lecture classique de Spinoza et notre propositi
sera au contraire hétérodoxe, en un sens. Mais nous essaiero
de montrer (rapidement) qu'elle est tenable par rapport au tex
de l'Éthique et à sa cohérence, qu'elle est aussi nécessaire :

l'éternité
l'homme ne restait
saurait
pour
être réellement
Spinoza absolument
libre. intemporel

Notre objectif est donc double : d'une part, montr


pourquoi l'interprétation « éternisante » du système de Spino
ne permet pas de fonder une liberté véritable ; d'autre part, ind
quer une autre interprétation possible et, répétons-le, nécessai
pour que cette « éthique » en soit vraiment une, pour que
science ne soit pas inhumaine, comme le demande Henri Atl
si justement. Il ne peut y avoir de liberté pour l'homme que
elle est éprouvée dans le temps, comme l'a dit en particuli
Raison Présente

L'impasse fataliste et pourquoi la lecture


de Spinoza par Henri Atlan y conduit encore

L'absurdité du fatalisme naît du prédéterminisme


C'est sans doute Leibniz qui a le mieux mis en évidence
le danger mortel pour la liberté humaine du sophisme pares¬
seux : si tout est nécessaire, le futur est déterminé à l'avance et
ce qui doit m'arriver arrivera quoi que je fasse; mieux vaut
donc ne rien faire. Ainsi, écrit-il dans la Théodicée , « on impute
aux Turcs de ne pas éviter les dangers, et de ne pas même quit¬
ter les lieux infectés de la peste, sur des raisonnements sembla¬
bles » et il conclut que le fatalisme est « insupportable », usant
d'un terme dont on sent bien toute la charge éthique. Voilà dis¬
qualifiée, irrémédiablement en apparence, toute philosophie de
la pure nécessité. Ce n'est pas un hasard si Leibniz a écrit une

Réfutation
visite en Hollande
de Spinoza
et avoir
, immédiatement
lu chez lui l'Ethique
après lui , avoir
inaugurant
rendu
ainsi toute la tradition qui voit dans le système de Spinoza un
asservissement au destin. Comme Henri Atlan, nous pensons
au contraire que cette philosophie permet de fonder la vérita¬
ble liberté, mais à condition qu'elle ne nous enchaîne en aucune
façon à un futur inéluctable, déjà écrit. Car la déduction du
déterminisme au fatalisme vient de ce que l'on confond tou¬
jours déterminisme et pré-déterminisme : notre hypothèse de
lecture sera au contraire que Spinoza s'efforce et permet de les
penser distinctement.
En effet, on ne tombe dans le fatalisme que si l'on ima¬
gine au-dessus du temps un être qui connaît l'avenir avant que
celui-ci ne se réalise : ainsi du Dieu de la théologie chrétienne,
tel qu'on le trouve justement chez Leibniz, mais aussi Descar¬
tes et bien d'autres avant eux, depuis saint Augustin sans doute ;
ainsi également du célèbre « démon » de Laplace, qui n'est que
la figure profane de ce Dieu métaphysique. On pose bien alors
un prédéterminisme, parce que l'on forge un esprit doué d'éter¬
nité, au-dessus du déroulement temporel du monde, qui serait
capable de « dire l'avenir » — ou le passé — à tout instant, soit
qu'il le calcule (le démon de Laplace), soit qu'il l'ait même décidé
(le Dieu des métaphysiques monothéistes). Comment s'étonner
que la science paraisse inhumaine aussi longtemps que nous
continuons à la rêver divine, ou démoniaque, en tous cas sur¬
naturelle et supra-temporelle ?
112
Henri Atlan, lecteur de Spino

Dès lors, il est impossible d'échapper au fatalisme : Leib


niz en témoigne à nouveau, lui qui a cru pouvoir concilie
rationnellement (pré) déterminisme et liberté pour l'homme.
propose pour cela de distinguer entre « déterminer » et « néces
siter » : l'histoire du monde, avec tous les événements qui
composent, est bien déterminée puisque Dieu, de toute éternit
a choisi ce monde comme étant le meilleur parmi une infini
d'autres mondes possibles. Pourtant, maintient Leibniz,
monde n'est pas pour autant nécessaire, mais au contrair
contingent : tout événement pourrait être différent de ce qu'
est et l'avenir, bien qu'il soit écrit, n'est pas fatal. Pourquo
Justement parce que d'autres mondes que le monde réel son
et restent possibles, éternellement, dans l'entendement de Dieu
L'homme demeurerait donc libre et responsable de ses actes
Dieu savait parfaitement qu'Adam mangerait du fruit défend
— le péché originel valant alors comme l'archétype de tou
crime — puisque c'est lui-même qui l'avait déterminé ains
mais Adam n'en est pas moins responsable et coupable car, dan
un autre monde, il aurait résisté à la tentation. La question d
fatalisme et celle de la responsabilité ou de l'imputation de
actes sontdans
humaine les deux
la nécessité
faces dude
même
la nature.
problème, celui de la liber

Problème que la solution leibnizienne, aussi géniale soi


elle, n'a aucunement résolu : pour qu'Adam soit libre, il ne suf
fit pas qu'il puisse agir autrement dans un autre monde, possi
ble peut-être, mais irréel ; il faut qu'il ait vraiment le choix dan
ce monde-ci, le seul qui vaille au fond. Or ce n'est pas le ca
puisque, dans le monde réel comme dans tous les autres d'ail
leurs, détermination signifie pour Leibniz prédétermination
Contre le sophisme paresseux, qu'il a dénoncé mieux que qui
conque, Leibniz perd la partie. Car ce n'est pas entre détermi
nisme et nécessitarisme qu'il faut chercher à opérer une distinc
tion, trop subtile, mais bien entre déterminisme
prédéterminisme. Le Dieu de Spinoza permet de faire cette dif
férence cruciale car, au lieu de transcender la Nature, il s'iden
tifie à elle : il n'abolit donc pas le temps en une éternité fixe,
est nécessaire sans devenir fatal. Nous pourrons alors être libre
Mais pour cela, il faut rompre avec une lecture de V Éthique qu
comprend
Atlan nousl'éternité
semble lacomme
suivre. pure négation du temps ; or Hen
Raison Présente

La lecture de Spinoza que propose Hen


Atlan ne permet pas d'échapper a
prédéterminisme ni au fatalisme

Atlan,
qui
et,
c'est
nature
de
autoproductrice.
l'autoproduction
et
Il
ici
loi
la
l'auteur
gie
des
leur,
Le
place
sinon
noza,
teur
comparé
fictions
être
lue,
Nature
ties
est
deux
ordre
Cette
« Loin
cite
confronter
liberté
avec
à
l'étendue
au
».
problème,
chrétienne,
affirmative
caractérise
possibles
et
produites
l'infinie
la
libre
transcendant
doit
en
moments
absence
On
pour
une
parce
qu'elles
alors
fait
pour
s'identifie
fin
infinie
«d'être
la
entière
effet
de
de
divine
La
servir
ne
avec
de
:illusion
connaissance
de
notre
elle
la
ce
la
la
qu'il
saurait
liberté
son
et
complexité
tout
n'être
et
une
totale
une
Théodicée
nôtre
qui
monde,
par
ont
Définition
nous
d'autres
et,
l'œuvre
Dieu
laisse-t-elle
de
:de
nous
est
ce
Éthique
si
au
La
imagination
est
de
dernière
d'abord
s'exprime,
pour
Dieu
été
la
capacité
à
choix
modèle
Dieu
radicalement
déterminée
de
en
liberté
mieux
l'avons
dont
début
son
ce
est
libre
la
pensée.
semble
produites
contingence
c'est-à-dire
particulier
Nature
de
qui
selon
l'essentiel,
mondes
libre
,infinie
aabsolu,
œuvre,
,du
VII
qui
Spinoza
arbitre
àdéjà
Dieu
à
celle
fois
de
une
absolue,
dire
de
la
existe
la
vu,
réel.
soulever
Sa
pour
de
parce
pense
aucun
son
liberté
humaine.
choix
liberté
au
choisi,
place
de
elle-même
et
de
par

n'a
réalité
»,
la
c'est
possibles
différente
guidé
?Mais
?système
ontologie
dans
l'on
son
Au
affirme
le
double
pose
Dieu,
nous,
c'est-à-dire
Première
constitue
La
qu'il
celle
rien
dans
pas
autre
humaine.
pour
arbitraire,
réel
humaine
qu'alors
des
contraire,
que
réponse
voit
déterminisme
par
correspond
la
besoin
la
d'autre
«de
choisit
compris
sous
le
difficultés.
infini,
;mode
nature
et
de
qui
Les
la
libre
reste-t-il
chez
le
réalité,
en
mais
Dieu,
cadre
àla
Partie
non
Proposition
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Leibniz,
principe
la
particulier,
les
ne
choses
perfection
de
La
il
dans
de
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Spinoza
la
entre
ni
le
libre
que
n'a
chacun
n'y
par
coïncide
plus
deux
sont
la
comme
Henri
de
vraie
choisir
Dieu
liberté
aucun
écrit
àà
et
de
Nature
ce
pas
la
sa
absolu
asa
la
l'homm
nécess
conclu
combi
les
n'ont
du
un
que
mon
ses
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aspec
théol
liber
prop
de
natu
:Hen
de
à
At
mo
I,
abs
aut
me
cré
de
po
ce
ti
av
p
Sêd
3

« la connaissance
D'abord, ilinfinie
s'agit du
d'articuler
déterminisme
Dieu et
coïnciderait
l'homme : avec
puisq
u
Henri Atlan, lecteur de Spino

liberté totale », plus l'homme connaît lui-même le déterminism


plus il se libère, plus il tend vers la perfection infinie de Die
« Il est évident qu'on ne parle pas ici de notre connaissan
effective, puisque nous n'avons jamais accès à ce savoir infin
Il s'agit d'un horizon et personne, ni Spinoza ni Freud, n'a pr
tendu être parvenu au terme de cette recherche. Nous ne som
mes jamais qu'en chemin vers ce savoir infini et cette liber
totale. » Il faudrait ainsi penser que pour l'homme « la vra
liberté est asymptotique ». Ce modèle géométrique de l'asymp
tote nous paraît dangereux : en effet, l'asymptote est par déf
nition la limite inaccessible de laquelle on approche toujou
sans jamais pouvoir la toucher. Il tend donc inévitablement
déréaliser la liberté humaine, en la confrontant à la liberté tota
de la Nature, qu'elle ne pourrait jamais qu'imiter imparfait
ment. Et de fait, Henri Atlan recourt plus loin, dans la lign
de ce modèle de l'asymptote, à l'idée d'image et même à cel
d'illusion : « Nos expériences de libre choix ne pourraient-ell
pas nous permettre d'approcher la libre nécessité ? Pourquoi n
pas les voir comme des signes ou des symboles de la vra
liberté ? Ces expériences, tout illusoires qu'elles sont, nous don
nent une idée de la libre détermination. Elles préfigurent e

quelque
si nous avions
sorte l'expérience
accès à la connaissance
limite de la liberté
infinieque
desnous
détermin
ferio

mes naturels » . Il faut souligner que Henri Atlan cherche à pen


ser ici comment accroître cette liberté du choix ; il montre alor
en comparant l'enfant et l'adulte, que la connaissance des cau
ses qui nous poussent à choisir, si elle dissipe d'un côté l'illu
sion infantile du libre arbitre, nous fait passer d'un autre cô
« à un acquiescement à ce qui se fait en nous. C'est cet acquies
cement qui débouche sur l'expérience de la vraie liberté. Pl
notre connaissance augmente, plus l'expérience que nous fa
sons de notre libre choix se rapproche, asymptotiquement , d
l'expérience d'une vraie liberté ». Mais acquiescer, sans jama
rien faire, n'est-ce pas l'attitude fataliste par excellence ? Su
fit-il de comprendre les causes qui nous déterminent à chois
pour nous sentir libres ? Ne faut-il pas plutôt que cette com
préhension modifie en quelque façon le choix et donc l'action
C'est ce que nous chercherons à penser ci-après. Il semble e
tous cas que Henri Atlan ne puisse plus échapper aux consé
quences destructrices pour la liberté humaine de sa confront
tion avec l'auto-détermination infinie de la Nature; ain
Raison Présente

et liberté théorique se comble ainsi peu à peu, grâce à la p


gression de la connaissance des causes. Notre connaissan
toujours finie et limitée, crée en quelque sorte un espace, i
soire si on le croit réel, mais réel par l'expérience que nous
faisons ». Nous ne voudrions pas que notre liberté se réduis
cet espace réel mais illusoire.

Or, Spinoza pense la relation entre Dieu et l'homm


donc entre leurs libertés respectives, non dans les termes d
comparaison, c'est-à-dire de la différence, de l'altérité ins
montable, mais au contraire comme l'inclusion d'une par
dans le tout et, par conséquent, comme une forme d'identi
l'homme est une partie de Dieu, comme tout autre être — à
degrés divers toujours — , et sa liberté doit donc être compr
comme une partie finie de la liberté infinie totale. Cette par
finie, loin de manquer de l'infini, exprime alors une part de
plénitude, de sa « réalité » ou « perfection ». Spinoza ident
ces deux derniers concepts car sa philosophie est une pensée
l'être et non du néant; celui-ci n'est jamais qu'une fiction
notre imagination qui, littéralement, crée le manque. C'est ex
tement pour cette raison que Spinoza pourra formuler la gran
Proposition 67 de la Quatrième Partie : « L'homme libre
pense à rien moins qu'à la mort, et sa sagesse est une médi
tion non de la mort, mais de la vie ». L'idée de ma mort n
qu'un fantôme imaginaire, mais qui peut, plus qu'aucune au
sans doute, me harceler et dégrader ainsi mon bonheur d'êt
l'idée du néant n'est pas rien, elle a la capacité d'angoisser,
ronger, voire de tuer. Cependant, plus je suis heureux, plus
perd de sa puissance obsédante, moins elle occupe mon esp
Tout au contraire, les pensées du manque, celles qui cherch
à faire éprouver à l'homme son néant face à l'infini (l'effroi p
calien, le sublime selon Kant,...) et/ou face à la mort (l'angoi
chez Kierkegaard ou Heidegger) sont toutes religieuses, en
qu'elles proposent dès lors une conversion vers un objet su
rieur à aimer ou contempler, qu'on l'appelle Dieu ou l'Être.

mais
spinozisme
sommes
de l'accroissement
déjà,
n'est
libres
aucunement
et heureux.
et deune
l'intensification
philosophie dedela ce
conversi
que n

Voyons alors le deuxième aspect de la position de He


Atlan : « Reste notre existence temporelle et nos choix quo
diens », reprend-il. En effet, même si nous pouvons augmen
notre connaissance partielle de la nécessité totale, cela ne chan
apparemment rien à notre expérience commune : nous co
Henri Atlan, lecteur de Spino

nuons à éprouver l'impression de vouloir librement, aussi ill


soire soit-elle. Ainsi, dit Spinoza, le bébé croit désirer libreme
le lait et l'homme ivre raconter librement des choses que, le le
demain, il voudrait avoir tues. D'un autre côté, scientifiqu
ment, nous comprenons toujours mieux les mécanismes q
déterminent nos comportements : « l'hiatus entre liberté véc
et liberté théorique » semble persister. Ou plutôt, c'est ici q
nous comprenons d'où naît cet hiatus et pourquoi Henri Atl
ne parvient plus ensuite à le résorber. En opposant temps
éternité de manière absolue, il se prend à son tour au piège fat
liste : « la connaissance, la compréhension que nous pouvo
avoir des lois de la nature, nous fait entrer d'une certaine faç
dans une réalité intemporelle. Il n'y a là rien de mystique ou
fumeux. C'est l'expérience de n'importe quel physicien o
mathématicien. L'expression mathématique d'une loi de
nature dans laquelle le temps intervient comme variable
comme conséquence immédiate la disparition du temps. D
qu'on peut prédire un événement futur par une loi, cet évén
ment existe en quelque sorte déjà par la connaissance qu'on
a et le futur n'apportera rien de plus ». Ces dernières formul
tions ne laissent plus aucune place à une liberté véritable d
modes finis que nous sommes, parce que la réalité du temps e
niée au profit d'un point de vue supérieur intemporel : Spino
permet, croyons-nous, de penser à l'inverse que c'est dans
temps que
réel... divin!
s'expérimente la liberté, car le temps est pleineme

Le début du raisonnement que nous venons de citer ch


Henri Atlan est tout à fait incontestable : la raison, que Sp
noza caractérise comme le « second genre de connaissance
se meut dans une éternité fixe, où le temps n'a plus cours ; et
passage par l'intemporalité des lois, insiste-t-il, est indispens
ble pour commencer à nous libérer de l'aveuglement des pa
sions. En effet, exactement de la même façon que la formul
tion des lois physiques rompt avec l'expérience singulière d
flux temporel des choses, de même que, pour soigner des mal
des, il faut d'abord comprendre les mécanismes de la malad
et malgré l'urgence thérapeutique saisir les causes « sub qu
dam aeternitatis specie », sous une certaine espèce d'éternit

de même
sième
quelque
Partie
chose
la science
dedel'Éthique
désincarné,
des affects
— c'est
d'inhumain
quelefonde
cœur:etelle
même
développe
rebute
du livre
lela
lecteu
Tro

Raison Présente

jalousie, de l'envie ou de la colère, etc., à la manière des g


mètres, par des démonstrations universelles et nécessai
Quoi ! se récrie-t-on, nos passions si personnelles et singu
res, si mouvantes, se laisseraient saisir par un tel jeu de conce
et de formules éternelles ? Mais c'est qu'elle travaille, com
toute science dont l'objet le permet, dans l'éternité du géné
les lois des phénomènes, physiques ou psychiques, sont éter

les parce
mier travail
qu'elles
de la sont
libération;
universelles
il fautetcommencer
les comprendre
par là.
estMai
le

n'est pas pour Spinoza la fin de son éthique : au contraire


passage indispensable par l'universel et l'éternel ne vise q
mieux reconduire à notre vie pleinement réelle, dans ce qu
a de singulier et de temporel. Le second genre de connaissa
conduit en effet au troisième, que Spinoza nomme « scie
intuitive » et qui se caractérise essentiellement par sa sing
rité, au contraire de la raison. Celle-ci paraît donc dépassé
qu'on nous le pardonne dans cette revue rationaliste... — m
il faudrait plutôt dire qu'elle est achevée, parfaite par la sci
intuitive : seule la connaissance du second genre, insiste
noza, peut mener à celle du troisième. Or, comment ce re
à la singularité du réel ne serait-il pas aussi retour à la tem
ralité ? « L'ordre et la connexion des idées est le même que
dre et la connexion des choses », dit la Proposition III, 7,
tement) fameuse. Mais comment pourrait-on penser hors
temps « Y ordre et la connexion des choses », qui est le m
que « l' ordre et la connexion des idées », c'est-à-dire Dieu
la Nature même, à moins de revenir aux métaphysiques
gieuses ?et à leur Dieu transcendant que Spinoza n'a de cess
refuser

Nous ne croyons pas que Spinoza ait jamais pensé


la Nature soit intemporelle ; le lire ainsi, c'est réduire le t

sième genre
divine à l'éternité
de connaissance
de la raison
au humaine.
second et l'éternité
Ce sont au de contr
la na

deux espèces différentes d'éternité, milieux respectifs des d


genres de connaissance vraie, et dont la première, en effet int
porelle, n'est encore qu'une image de la seconde. Spinoza n
semble permettre plutôt de renverser la grande affirmation
tonicienne, fondatrice de toute métaphysique : le temps n
pas l'image mobile de l'éternité, comme le prétendait Platon
flèche qui va du passé à l'avenir n'est pas la dégradation d
instant fixe, d'un présent éternel, mais c'est à l'inverse l'é
Henri Atlan, lecteur de Spinoz

universel ou « commun », de la réalité mouvante des chose


singulières.

Il nous reste à étayer un tant soit peu cette hypothèse


et pour cela, nous devons proposer aussi une solution aux pro
blèmes que nous avons soulevés ci-dessus. On peut tenir pou
acquis que la liberté humaine ne doit surtout pas être pensé
comme une image inférieure de la liberté divine, mais comm
une de ses parties, plus ou moins grande. Mais ce n'est pas suf

fisant et la
cruciale : si
seconde
Dieu ou
difficulté
la Nature
persiste
consiste
effectivement,
en un ordre
car elle
et une

connexionaccéder
raient-ils infinis à
des
une
choses,
véritable
comment
auto-détermination
ces modes finis
? Com
pour

ment, en particulier, nos choix humains pourraient-ils être rée


et non illusoires ? La question posée par Henri Atlan reste l
question essentielle.

Temps, éternité et liberté : une autr


lecture de Spinoza

parce
connaissance
rié
ses
que
chose
le
lique
pourra
tiques
la
vivons
préférons
tant
est
die
peut
trop
balancer
de
bles
d'estimer
temps,
distance
la
ou
le
voire
sous
ce
».
plus
désirer
le
connaissance
plus
lui-même,
présente
qu'il
éteint
soit
fondamentales
A
sous
plaisir
Travaillons
alors
la
par
l'inverse,
la
c'est-à-dire
grand.
la
au
souvent
par
les
dictée
mort
temporelle
le
sa
vraie
qu'un
la
contraire
«regarde
régime
présent
propre
l'idée
imagine
juste
»s'en
Ainsi,
:qu'il
au
valeur
de
l'homme
désir
conscient
«àsortir
du
évaluation
d'une
fur
dans
passif
la
de
partir
destruction
le
de
de
se
bien
un
l'alcoolique
toujours
qui
de
raison,
futur,
survaloriser
et
d'un
prépare
l'alcool,
la
la
chose
bien
».
choses
àet
gagnant
raison,
nous
et
d'un
mesure
;Il
mesure
passionnel
objet
il
peut
du
apprendra
immédiat
de
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ne
future
lointains
à
en
exemple
en
il
mal,
est
qui
ses
désire
lui-même,
désiré,
être
dit
ne
qui
tant

en
sépare.
le
dangers,
affecté
de
sont
parvient
dans
ou
Spinoza,
présent,
raison
l'esprit
plus
se
que
ce
de
àpassée,
aucunement
indépendamment
:détruit
présentement
à
: un
l'imagination,
progrès
«une
la
concevoir
facilement
telle.
Car
de
car
Un
qu'il
cesse
bien
mesure
conçoit
pas
manière
et
des
est
aucun
désir
ou
lorsque
Mais
lentement
notre
sous-estim
futur
àd'imagine
sa
caractéris
bien
en
lela
capacit

qui
les
les
il
contra
contre
raison
être
alcoo¬
agréa
désir
égale
mala
d'un
pour
nou
cett
cho
ch
naî
d
e
n
Raison Présente

ses de manière éternelle et, ainsi, à les estimer à leur valeurs


pectives véritables : une vie future plus longue et meilleure

plus
forçant
qu'un
d'éviter
plaisir
l'excès
immédiat
qu'il usera
plus grand.
de l'alcool,
Ce sera
cardonc
« il est
en d

homme sage d'user des choses et d'y prendre plaisir autant


faire se peut (non bien sûr jusqu'à la nausée, car ce n'est
prendre
tisme : leplaisir,)
désir est». On
l'essence
sait que
même
le spinozisme
de l'homme
n'a comme
rien d'un
de a

être et il ne s'agit pas de le réduire, ni même de le conve


mais de l'accroître et de l'améliorer. Ainsi lorsque je bois «
modération » un bon vin, la joie que j'éprouve, comme t
joie véritable c'est-à-dire pour Spinoza « active », est pro
ment divine : « plus grande est la joie qui nous affecte,
grande est la perfection à laquelle nous passons, c'est-à-d
plus il est nécessaire que nous participions de la nature divin

nous devons
Mais l'objection
l'affronter fataliste
définitivement
revient :ici
nous
une venons
dernièrede
fo

comment le choix, ici celui de boire ou ne pas boire — de b


trop pour rester en pleine santé ; mais ce pourrait être a
boire trop pour conduire, boire trop pour rester maître d
— est modifié par le passage de l'imagination, régime des

choses.
sions, à La
la connaissance
raison, régimeuniverselle
de la compréhension
des lois éternelles,
commune c'es

le savoir médical ou hygiénique, même minimal, des effets


excès d'alcool. Mais en vérité, cette connaissance du sec
genre ne suffit pas à elle seule : Spinoza ne cesse de répéter
l'homme soumis à la passion connaît, bien souvent, la cond
qui serait rationnelle et sa supériorité. Pour autant, il n'a
la puissance de la mettre en œuvre : « Je vois le meilleur
l'approuve, je fais le pire », disait déjà Ovide. Tout se p
comme si certains hommes étaient incapables d'applique
lois universelles de la raison à leur situation singulière, inc
bles de revenir de l'éternité de la science à la temporalité d
vie elle-même. Or, si l'on en reste là, le choix est illusoire
sera réduit à de simples constats, sans moyens d'agir, et le
lisme aura vite fait d'interpréter rétrospectivement la vie de
cun comme réalisation d'un plan tracé d'avance, à son in
puisque certains alcooliques continuent à se détruire tandis
d'autres cessent de boire, n'est-ce pas que les premiers éta
destinés à rester soumis à leur passion, les seconds destin
s'en libérer, tout aussi fatalement ? Il est pourtant certain
Henri Atlan, lecteur de Spinoz

« J'en ai fini par là, écrit-il dans le dernier Scolie, à la Proposi¬


tion 42 de la Cinquième Partie, avec tout ce que je voulais mon
trer au sujet de la puissance de l'esprit sur les affects et de l
liberté de l'esprit. D'où il ressort combien le sage est fort et vau
mieux que l'ignorant, qui est poussé à agir par le désir lubri
que seul ». Il dépendrait donc de nous, pour partie au moins
de maîtriser nos passions, et nous y réussirions inégalement :
y aurait
aurait réellement
pour chacun
à choisir.
deux Comment
destins possibles,
? entre lesquels

Reprenons notre exemple, avec cette fois deux person¬


nages, Pierre et Paul, confrontés à la même passion pour l
« boisson » ; imaginons justement que Pierre continue à abu¬
ser de l'alcool et à en subir les effets, tandis que Paul devien
plus raisonnable. Il faut finalement choisir entre deux maniè¬
res de comprendre l'histoire de ces deux hommes — cette his
toire, au fond, est vraie : elle arrive à des Pierre et des Paul réels
qu'il s'agisse de l'alcoolisme, de la jalousie, de la colère ou d
toute autre passion — et elles dépendent essentiellement de l
relation que l'on établit entre le temps et l'éternité. Selon la pre
mière, que nous connaissons assez, le destin de chacun étai
écrit : le second, Paul, a simplement la chance d'avoir tiré un
meilleur lot
nécessité deou,
la diraient
Nature d'autres,
entière un
aurait
meilleur
sauvé« karma
le second
»... Le

condamné le premier, pourtant aussi innocent. Il n'y a plus alor


ni responsabilité, ni liberté, ni éthique ; si la science a pour idéa
la connaissance anticipée de tels comportements singuliers e
même si cet idéal ne se réalise qu'en Dieu, notre connaissanc
pouvant seulement en approcher « asymptotiquement », alor
la science est inhumaine. Selon la seconde, c'est Paul lui-mêm
qui s'est défait de sa passion alcoolique, en partie au moins, e
il en est dans cette mesure responsable, tout comme Pierre es
pour partie responsable de sa vie d'alcoolique. En effet, s'il rest
bien une part de chance, telle que les circonstances auront pu
favoriser la désintoxication de Paul ou, au contraire, rendu l
tâche plus difficile à Pierre, il dépend de nous, pour une autr
part, d'augmenter notre puissance et de maîtriser nos passions
Pour cela, puisque la connaissance universelle des lois ration¬
nelles ne suffit pas, il faudra nous exercer à les mettre en pra¬
tique dans notre vie singulière : autant dire, déjà, que la libé¬
ration prend du temps et se fait dans le temps.

Si Pierre et Paul paraissent au contraire esclaves de leu


Raison Présente

qu'on abolit la réalité du temps ; le déterminisme véritable,

n'esttoujours
raît pas incompatible
illusoire rétrospectivement
avec le temps. En
: si effet,
Paul alecessé
choix
de bo
ap

tandis que Pierre a continué, on se dit après coup qu'il ne p


vait en être autrement et qu'au moment où leurs chemins
bifurqué, chacun y était déterminé fatalement. Mais, disant c
on a déjà confondu déterminisme et prédéterminisme : il
vrai que, si Paul cesse de boire à un certain moment (et m
si ce processus prend un laps de temps, comme c'est proba
il peut être considéré comme une suite de choix successifs :
ne change
rendent sa décision
rien), c'est
et son
paraction
l'effetnécessaires
de causes au
déterminantes
moment où e

se produisent ; de même évidemment pour chacun des « ch


alcooliques » que continue à faire Pierre. Il n'est pas quest
de transiger pour finir, subrepticement, avec le déterminism
sur ce point, nous suivons Henri Atlan jusqu'au bout. En rev
che, il n'est pas vrai que leurs choix auraient pu être prév
l'avance, comme si l'état entier de l'univers physique com
psychique — puisque c'est l'unique et même réalité, sous d
aspects — pouvait être prédit ou calculé avant qu'il ne se
lise.

Il ne peut pas y avoir de Grand Rouleau dans la ph


sophie de Spinoza, justement parce que l'ordre et la connex
des choses est le même que l'ordre et la connexion des id
On ne prend pas assez au sérieux cette identité, on la nie
contraire en niant la réalité du temps : lorsque l'on pense
éternité supra-temporelle, on l'attribue toujours uniqueme
l'esprit, que ce soit l'esprit d'un Dieu transcendant, d'un dém
laplacien ou de l'homme lui-même, dont ces êtres fictifs ne s
que des hypostases. On imagine ainsi que l'esprit serait «
avance » sur la matière, apte à tout prédire, et l'on ne peut
échapper au fatalisme qui n'est que l'inversion rétrospectiv
prédéterminisme : « c'était déjà écrit » équivaut à « on au
pu le prévoir ». Mais chez Spinoza l'esprit ne saurait êtr
avance sur la matière, puisque c'est la même chose ! Certe
pourrait dire que l'esprit infini de Dieu pense le futur, mais
lement au fur et à mesure qu'il se réalise, pas plus vite ni
lentement; l'esprit infini de Dieu est toujours présentement l'
de l'étendue infinie qu'est la Nature sous l'aspect matériel. L
tologie « bizarre » de Spinoza permet ainsi de fonder un dé
minisme intégral, psychique aussi bien que physique, sans n
Henri Atlan, lecteur de Spinoza

Pour bien le comprendre, il faudrait cesser absolument


de parler de « parallélisme » entre l'Étendue et la Pensée, entre

pourra
tés
lélisme,
l'ordre
spatiale,
que
confusion
et
prit
Pensée
ter
distinctes...
l'image
c'est
sera
la
ment
déjàelle
Pensée
qui
leur
lui-même
du
inévitablement
encore
pré-écrit
des
contribue
en
comme
plus
des
lecteur
n'induit
identité
mais
si
événements
suivent.
«qu'on
habituelle
choses
surplombe
àalors
etde
moins
ne
toujours
«de
deux
qu'une
substantielle,
simultanéité
l'utilise
en-haut
opère
plus
Il
échapper
l'Éthique.
et
faut
tenté
qu'elles
processus
«l'ordre
dans
qu'aucune
en-bas
entre
»identité
se
donc
jamais,
d'imaginer
celle
»,
précipiter
les
au
ne
dans
déterminisme
Or,
des
parler
entre
»,
car
commentaires
Grand
de
soient
parallèles,
abstraite
dans
est
se
idées
autre
l'Étendue
deux
lel'ordre
le
représenter
chez
dans
que
monde
le
confondues
meilleur
Rouleau
:monde
àdroites
cette
la
Spinoza
et
l'enraciner
le
c'est
et
et
vide.
droite
fatalisme,
et
des
la
prédéterminisme
de
image
physique,
symptôme
que
et
déjà
l'Étendue
parallèles
connexion
Spinoza
Mais
idées.
non
aux
;représentant
dans
l'enchaîne¬
faire
purement
dans
de
absurdi¬
surtout,
car
On
ce
paral¬
serait
alors
de
écla¬
et
sont
l'es¬
l'on
cas,
des
ne
la

idées et l'ordre et la connexion des choses. Ce n'est plus cette


fois une image, déformante, mais la réalité même : les deux
enchaînements sont bien un seul et même processus, sans dua¬
lité irréductible, et un processus essentiellement temporel — ce
qui n'est rien d'autre qu'un pléonasme. L'identité de la Pensée
et de l'Étendue telle que la pense Spinoza est nécessairement

temporelle.
hommes
sans doute
ignorons,
la
Les
seule
autres
chose
sontattributs
aussi
que nous
nécessaires
de puissions
la Substance,
et savoir
temporels
qued'eux.
nous
: c'est
les

Il y a donc, croyons-nous, deux espèces d'éternité chez


Spinoza, qui correspondent respectivement aux deuxième et
troisième genres de connaissance. Si l'éternité de la raison est
effectivement intemporelle, parce qu'elle a seulement pour objet
l'universel, l'éternité de la science intuitive est pleinement tem¬
porelle, comme la réalité des choses-idées singulières. Les lois
de la nature sont hors du temps, mais pas la nature même. La
science intuitive est toujours chez Spinoza une identification de
l'homme avec le point de vue divin, à titre de partie de celui-ci
bien sûr : elle marque un retour à la vie même, après le néces¬
saire passage par la connaissance rationnelle, elle marque donc
aussi un retour au temps.
123
Raison Présente

Quel intérêt aurait une éthique qui s'achèver


l'intemporel, sinon, devenue religion, de nous prom
bonheur éternel pour après la mort ? Mais la philoso
Spinoza ne doit pas nous permettre d'espérer le bonheu
nous en rendre dignes, comme la morale selon Ka
conduit à jouir du bonheur. La Proposition 42 et derni
Cinquième Partie, on le sait, commence par : « Le bonh
pas la récompense de la vertu, mais la vertu elle-mêm
son Scolie, dont nous avons déjà parlé au sujet du sa
l'ignorant, s'achève sur l'image tout aussi célèbre du
vers la sagesse : penser la libération comme chemineme
l'inscrire définitivement dans le temps. Ce chemin de
de bonheur est celui de l'accroissement, difficile mais p
de notre puissance, dans le temps et grâce à lui. « N
tons et nous expérimentons que nous sommes éternels
expérience est elle-même temporelle et nous la faisons

que, grâce
dans l'ordreà et
la la
connaissance
connexion des
rationnelle,
événements.
nous
Plus
vivon
no

mes ainsi heureux, plus nous sommes actifs et maîtres


destin, dont nous sommes partiellement les agents — pl
les acteurs, au sens de comédiens jouant un rôle écrit d
par quelque
nécessité est véritablement
auteur transcendant.
libre. Le destin n'est plus

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