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COMPRÉHENSION DE LA TOLÉRANCE AU
RISQUE DU CLIENT
1. Introduction................................................................................................................... 1
2. Qu’est-ce que la finance comportementale?............................................................... 2
2.1 Micro et macro ................................................................................................................................ 2
2.2 Opposition entre finance traditionnelle et finance comportementale......................................... 5
3. Quelle est la pertinence de la finance comportementale pour le conseiller? ........... 8
3.1 Compréhension des objectifs financiers du client ........................................................................ 9
3.2 Maintien d’une approche uniforme ............................................................................................... 9
3.3 Attentes du client............................................................................................................................. 9
3.4 Avantages pour les deux parties .................................................................................................. 10
4. Que sont les questionnaires d’évaluation de la tolérance au risque et limites
de ces questionnaires? ................................................................................................ 11
5. Que sont les préjugés des investisseurs? ................................................................... 16
5.1 Différences entre les préjugés cognitifs et les préjugés émotifs................................................. 16
5.2 Aperçu des préjugés comportementaux ...................................................................................... 17
5.3 Identification des préjugés comportementaux des clients ......................................................... 24
5.4 Genres et finance comportementale ............................................................................................ 25
6. Quels sont les types de personnalité de l’investisseur?............................................ 28
6.1 Huit types de personnalités de l’investisseur .............................................................................. 28
7. Comment les conseillers appliquent-ils les diagnostics de préjugés lors de
l’élaboration des répartitions des actifs? .................................................................. 31
8. Résumé ......................................................................................................................... 34
Wealth Management
Objectifs d’apprentissage
2. Expliquer les avantages que procurent les principes de la finance comportementale lors de
relations avec les clients;
4. Identifier les préjugés cognitifs et émotifs dont font preuve les clients;
5. Intégrer les diagnostics de préjugés de clients dans l’analyse et les décisions relatives à la
répartition stratégique des actifs.
Wealth Management
1. Introduction
Dans le milieu de la finance, il existe deux factions. La première est celle de la finance
traditionnelle, qui englobe la notion selon laquelle les investisseurs sont des êtres
économiques qui sont, de par leur nature, rationnels. La seconde, celle de la finance
comportementale, avance que les investisseurs sont des êtres humains plutôt que des créatures
logiques idéalisées, et par conséquent, leurs croyances et de préjugés personnels influent sur
leur tolérance au risque. La conversation à propos du risque est l’une des plus importantes
parties de la relation d’un conseiller en gestion de patrimoines. Dans le présent chapitre, nous
abordons avec plus de profondeur la finance comportementale et son application au travail des
conseillers dans la compréhension de la tolérance au risque d’un client.
Termes clés
Nombreuses sont les personnes ayant fait des études sur les marchés des valeurs mobilières
qui ont appris que les marchés sont efficients. Toutefois, les chercheurs ont découvert des
comportements anormaux sur le marché, comme l’effet janvier et d’autres qui montrent que le
comportement humain influe sur le cours des titres et, partant, sur les marchés. Pour le
conseiller, le point de mire de la finance comportementale est la finance comportementale
micro (FCMI), soit l’étude du comportement de l’investisseur individuel. Plus précisément, le
conseiller tente de cerner les préjugés psychologiques pertinents dont peuvent faire preuve ses
clients et d’enquêter sur l’influence qu’ils peuvent avoir sur les décisions en matière de
répartition des actifs, de telle sorte qu’il puisse gérer l’effet de ces préjugés sur le processus de
placement et ainsi aider ses clients à atteindre leurs objectifs financiers.
Exemple : Une cliente qui fait preuve du préjugé de l’aversion à la perte détiendra
vraisemblablement ses placements affichant des pertes pendant trop longtemps. Si le
conseiller peut détecter ce préjugé, il pourra aider sa cliente à se défaire de ce
comportement nuisible et, de ce fait, à prendre de meilleures décisions en matière de
répartition des actifs.
Pour acquérir une compréhension de la FCMI, le conseiller doit tenir compte de la question
essentielle du comportement rationnel ou irrationnel de l’investisseur, à savoir : est-ce que
l’investisseur individuel agit de façon rationnelle, ou est-ce que des erreurs cognitives (qui se
rapportent à l’activité intellectuelle consciente, comme la pensée, le raisonnement ou le
souvenir) et émotives influent sur ses décisions financières? Une grande part de la théorie
économique et financière repose sur la notion que les personnes agissent rationnellement et
tiennent compte de toute l’information disponible dans le processus décisionnel financier.
Cela dit, de nombreux chercheurs ont consigné des preuves de comportements irrationnels et
d’erreurs répétées dans le jugement financier. Le sujet fondamental de recherche en finance
comportementale est l’opposition classique entre l’Homo economicus et la personne ayant des
préjugés comportementaux.
Apparu en premier lieu dans les ouvrages d’économie néo-classique, l’Homo economicus ou
être économique rationnel est un modèle de comportement économique humain reposant
sur l’hypothèse selon laquelle trois principes régissent les décisions économiques prises par
une personne :
• Rationalité parfaite
• Intérêt personnel parfait
• Information parfaite
L’Homo economicus est un modèle auquel les universitaires et les praticiens croient dans une
mesure ou dans une autre. Quelques-uns croient en sa forme « forte », selon laquelle le
comportement irrationnel n’existe pas. D’autres sont adeptes de la forme « semi-forte », selon
laquelle la présence de traits économiques rationnels est anormalement élevée. D’autres
économistes soutiennent la forme « faible » de l’Homo economicus, selon laquelle la présence
de traits irrationnels est forte.
Toutes ces formes partagent l’hypothèse de base voulant que l’être humain soit un
« maximisateur économique rationnel » qui veille à son intérêt personnel et prend des
décisions économiques rationnelles. Les économistes aiment appliquer ce modèle comme
principe pour deux raisons principales. Premièrement, l’Homo economicus simplifie l’analyse
économique. Deuxièmement, il leur permet de quantifier les constatations découlant de leurs
recherches, ce qui facilite l’enseignement et la diffusion de leurs travaux. Si l’être humain est
parfaitement rationnel, possède une information parfaite et veille parfaitement à son intérêt
personnel, il est probablement possible de quantifier ses comportements.
La majeure partie des critiques du modèle de l’Homo economicus sont une remise en question
des assises de ces trois hypothèses sous-jacentes.
Lorsque l’humain est rationnel, il a la capacité de poser des jugements rationnels centrés sur
son intérêt personnel. Toutefois, nombreux sont ceux qui conviendront que la rationalité n’est
pas le seul facteur déterminant du comportement humain. En fait, bien des psychologues
croient que l’intellect humain est inféodé à l’émotion humaine. Ils avancent que le
comportement humain est moins le produit de la logique que d’impulsions subjectives telles
que la peur, l’amour, la haine, le plaisir et la douleur, et que les humains ne font appel à leur
intellect que pour atteindre ou éviter certains dénouements émotifs. Ainsi, dans cette
perspective, la rationalité parfaite n’est qu’une notion théorique et non une réalité pratique.
De nombreuses études ont montré que les êtres humains ne sont pas parfaitement mus par
l’intérêt personnel. S’ils l’étaient, la philanthropie et les œuvres de bienfaisance n’existeraient
pas. La plupart des religions mettent en avant l’altruisme, le sacrifice et la bienveillance et le
font depuis des siècles. L’intérêt personnel parfait empêcherait une personne d’effectuer des
gestes altruistes et bienveillants comme le bénévolat ou l’aide aux personnes défavorisées. De
même, l’intérêt personnel parfait interdirait des comportements autodestructeurs tels que le
suicide, l’alcoolisme ou l’abus de drogues. Encore une fois, l’argument voulant que les
personnes veillent parfaitement à leur intérêt personnel peut être défait.
Quelques personnes peuvent posséder une information parfaite ou quasi parfaite sur certains
sujets. Par exemple, un médecin ou un dentiste doit être bien versé dans le fonctionnement
interne du corps humain ou de la bouche. Il est cependant impossible que chaque personne ait
une connaissance parfaite de tous les sujets qui existent. Prenons l’exemple de Mme Ribeiro,
qui veut acheter un pain. Si elle avait une information parfaite, elle connaîtrait le prix de
chaque pain en vente dans chaque magasin de la ville. Mais, dans la réalité, l’information
parfaite n’existe pas. On peut trouver un grand nombre de bons exemples dans le monde du
placement, dans lequel la quantité de choses à savoir et à apprendre est presque infinie et
même l’investisseur le plus capable ne maîtrise pas toutes les disciplines. On serait bien en
peine de croire qu’une personne puisse posséder une information parfaite, surtout dans le
domaine de l’investissement.
La finance traditionnelle se caractérise par des règles sur la façon dont les investisseurs
devraient se comporter plutôt que sur des principes décrivant comment ils se comportent
réellement. La finance comportementale, par contre, assimile les comportements démontrés
par les investisseurs individuels sur les marchés financiers et apprend de ceux-ci. Tout comme
la finance traditionnelle, la finance comportementale repose sur des hypothèses sous-jacentes,
mais alors que la finance traditionnelle fonde ses hypothèses sur un comportement financier
idéalisé, la finance comportement fonde les siennes sur un comportement financier observé.
Dans les années 1970, la théorie de l’efficience des marchés, issue de la finance traditionnelle,
est devenue le modèle de comportement des marchés acceptés par bon nombre
d’universitaires et de professionnels. L’hypothèse des marchés efficients a été élaborée à
partir de la thèse de doctorat du professeur Eugene Fama, de l’université de Chicago. Fama
croyait et a démontré que, dans un marché des valeurs mobilières auquel participent de
nombreux investisseurs bien informés, les prix des placements sont exacts et rendent compte
de toute l’information disponible. 1 Il existe trois formes de l’hypothèse des marchés
efficients :
• Forme faible : tous les cours de marché et données passés sont entièrement reflétés dans le
prix des titres; ce qui signifie que l’analyse technique n’a peu ou pas d’utilité.
• Forme semi-forte : toutes les informations accessibles au public sont entièrement reflétées
dans le prix courant des titres; ce qui signifie que l’analyse fondamentale n’a pas d’utilité.
• Forme forte : toutes les informations (y compris les informations détenues par les initiés)
sont entièrement reflétées dans le prix courant des titres.
1
FAMA, Eugene F. « Random Walks in Stock Market Prices », Selected Papers, no 16, Chicago Graduate
School of Business, University of Chicago, 1965.
De nombreuses études sur l’efficience des marchés révèlent des éléments qui appuient
l’hypothèse des marchés efficients. Les chercheurs ont toutefois documenté de nombreuses
anomalies persistantes qui contredisent cette hypothèse. Il existe trois principaux types
d’anomalies que les conseillers se doivent de connaître :
L’anomalie fondamentale est une irrégularité dans le prix actuel d’un titre en regard d’une
évaluation fondamentale de sa valeur intrinsèque. Un grand nombre d’éléments probants
viennent étayer le fait que, par exemple, les investisseurs surestiment constamment les
perspectives des sociétés de croissance et sous-estiment constamment la valeur des sociétés
qui ont perdu la faveur du marché. Dans un marché parfaitement efficient, une telle chose ne
surviendrait pas. Les professeurs Ken French et Eugene Fama ont mené une étude sur les
actions affichant de faibles ratios cours–valeur comptable (price to book value), étude qui a
couvert la période allant de 1963 à 1990. 2 Cette étude a porté sur toutes les actions cotées à la
NYSE, à la NYMEX ou au NASDAQ, aux États-Unis. Les actions ont été divisées en
10 groupes selon leur ratio valeur comptable/cours, et leur classement a été revu chaque
année.
Les actions affichant les plus forts ratios valeur comptable/cours ont surclassé celles affichant
les plus faibles ratios valeur comptable/cours dans une proportion de 21,4 % à 8 %, chaque
décile (représentant un dixième de l’échantillon ou de la population) produisant une
performance pire que le décile supérieur. Les auteurs ont également classé les titres par décile
en fonction de leur bêta (mesure de la volatilité d’un placement par rapport au marché pris
dans son ensemble) et ont relevé que les actions de valeur (value stocks) comportaient un
risque faible et que les actions de croissance comportaient le risque le plus élevé. Ce résultat a
encouragé bien des investisseurs à acheter des actions de valeur. La méthode employée dans
l’analyse, qui repose sur les conditions des marchés inefficients, est aujourd’hui utilisée à
grande échelle.
Une anomalie technique tire son origine d’une forme d’examen du marché appelée analyse
technique. Grâce à l’analyse technique, on tente de prévoir les prix des titres en étudiant les
prix passés. L’analyse technique permet parfois de révéler ces incohérences au sein de
l’hypothèse des marchés efficients. En fait, des formations qui se dessinent constituent ce qui
est appelé une anomalie technique. Généralement, la majorité des méthodes de négoce ou de
trading fondées sur l’analyse technique axée sur la recherche reposent sur les principes de la
forme faible de l’hypothèse des marchés efficients. Nombreux sont ceux qui croient que les
prix s’ajustent rapidement en réaction à de nouvelles informations sur le marché boursier et
que les techniques préconisées par l’analyse technique ne sont pas susceptibles de procurer
quelque avantage que ce soit aux investisseurs. Toutefois, ces défenseurs de l’analyse
technique continuent d’avancer que certaines stratégies techniques sont valables et les
emploient fréquemment.
2
FAMA, Eugene, et Ken French. « The Cross-Section of Expected Stock Returns », Journal of Finance,
1992. Récipiendaires du prix Smith-Breeden décerné au meilleur article paru dans Journal of Finance en
1992.
L’anomalie calendaire est une tendance irrégulière du cours d’un titre qui se dessine à
certaines périodes de l’année, comme l’effet janvier que nous avons mentionné ci-dessus.
Selon l’effet janvier, le cours des actions en général, et des actions de sociétés à faible
capitalisation en particulier, montent à des seuils anormalement élevés en janvier. Haugen et
Jorion, deux chercheurs dans ce domaine, ont observé que l’effet janvier est peut-être
l’exemple le plus connu à l’échelle mondiale d’un comportement anormal sur les marchés des
valeurs mobilières.
L’effet janvier est particulièrement éclairant, car malgré qu’il soit bien connu depuis bon
nombre d’années, il n’a pas disparu; la théorie de l’arbitrage (tirer profit d’un déséquilibre
entre deux ou plusieurs marchés) indique que les anomalies devraient disparaître à mesure que
les négociateurs tentent de les exploiter. D’un point de vue pratique, l’effet janvier est attribué
à la remontée des cours des actions par suite des ventes de fin d’année permettant de réaliser
des pertes fiscales. Les actions individuelles dont le cours est déprimé vers la fin de l’année
sont plus susceptibles d’être vendues pour des raisons fiscales.
L’objet principal de la présente section est de démontrer comment un conseiller peut tirer
parti des principes de la finance comportementale pour améliorer la relation conseiller-client
et aider ses clients à prendre de meilleures décisions de placement. Certains conseillers
pourraient voir la finance comportementale comme une notion « nouvelle » et être réticents à
accepter sa validité. En fait, les comportements irrationnels sont présents depuis des siècles et
leur existence doit être acceptée en tant que telle. Par ailleurs, d’autres conseillers pourraient
ne pas se sentir à l’aise de poser à leurs clients des questions portant sur des aspects
psychologiques ou des comportements afin de connaître leurs préjugés, surtout aux débuts
d’une relation conseiller-client. Toutefois, dans les années à venir, la finance
comportementale deviendra un aspect courant de la relation de gestion de patrimoine, et ce,
tant pour le conseiller que pour le client.
Certes, si le conseiller comprend que des dimensions psychologiques peuvent influer sur les
décisions d’un investisseur et, par conséquent, sur les résultats de l’activité de placement, il
aura acquis une perspective qui ne peut être que bénéfique à la relation de conseil qu’il
entretient. L’un des principaux résultats d’une relation rehaussée par la finance
comportementale sera la constitution d’un portefeuille avec lequel le client pourra composer
tant en période de marchés haussiers que de marchés baissiers. Les clients qui comprennent
leur propre comportement en tant qu’investisseur – dont ils ont acquis la compréhension en
travaillant avec leur conseiller – noueront des relations plus solides avec leur conseiller.
Voici un exemple de la façon dont les aspects psychologiques d’un investisseur peuvent aider
à développer la relation conseiller-client. À la fin des années 1990, de nombreux clients ne
s’en tenaient pas à leurs principes de répartition des actifs et avaient concentré leurs
placements dans des actions de sociétés de technologie. Les conseillers chevronnés avaient
avisé leurs clients de rééquilibrer leurs comptes en vendant des actions de croissance de
sociétés à forte capitalisation et en en réinvestissant le produit dans des actions de valeur.
Ceux qui avaient prodigué ce conseil et dont les clients l’ont suivi ont connu un dénouement
favorable et ont gagné la confiance de leurs clients.
Les conseillers ont différentes façons de mesurer la réussite d’une relation de conseil. Comme
nous le décrirons en plus amples détails dans la prochaine section, outre les aspects
monétaires, les relations fructueuses ont en commun quatre caractéristiques fondamentales :
Cela étant dit, comme la finance comportementale mène-t-elle à une relation de conseil
florissante ?
Lorsque le conseiller comprend les objectifs financiers de son client, il peut l’aider à prendre
de meilleures décisions de placement en tenant compte des trois autres caractéristiques
fondamentales d’une relation de conseil fructueuse.
Une fois que les connaissances de base des techniques comportementales sont acquises, le
conseiller sera en mesure d’évaluer de façon uniforme le comportement de son client, ce qui
accroîtra le niveau de professionnalisme et de structure de la relation. La plupart des clients
apprécient que leur conseiller déploie des efforts pour mieux les connaître et il est plus
probable qu’improbable que les relations qui en découleront soient fructueuses.
1. une compréhension de ses objectifs fondée sur une évaluation des besoins
2. des rendements provenant des placements qui cadrent avec ces objectifs (et d’autres
aspects tels que la tolérance au risque)
Répondre aux attentes du client est peut-être l’aspect de la relation de conseil qui saura
bénéficier le plus de la finance comportementale. Les conseillers qui peuvent capitaliser sur
les notions de la finance comportementale pour répondre à ces deux attentes verront leurs
efforts porter leurs fruits. Par exemple, de nombreux clients surestiment leur profil risque-
rendement. Les conseillers qui peuvent identifier les questions de comportement – comme
recentrer la dynamique sur la véritable tolérance au risque du client – avant qu’elles ne
deviennent un problème seront en mesure de répondre constamment aux attentes de leurs
clients. Dans de nombreux cas, le conseiller ne tente pas de comprendre le comportement qui
sous-tend la prise de décisions de placement du client et ne réussit donc pas à aider son client
à atteindre ses objectifs.
Le fait que des placements dégagent des rendements moyens ou même sous la moyenne n’est
souvent pas la raison pour laquelle un client recourra aux services d’un autre conseiller (bien
que les rendements très faibles soient une grande source de préoccupation). La principale
raison pour laquelle un conseiller perd un client est le sentiment, éprouvé par le client, que
son conseiller ne comprend pas, ou ne tente pas de comprendre, ses objectifs financiers – le
tout résultant inévitablement en une bien mauvaise relation. Le principal avantage que
procurent la compréhension et l’application de la finance comportementale est le
renforcement du lien client-conseiller, et ce, non seulement au début de la relation, mais aussi
au fil de son évolution. En « entrant dans la tête du client » et en acquérant une connaissance
exhaustive de ses peurs et motivations, le conseiller peut aider le client à mieux comprendre
pourquoi un portefeuille est constitué d’une telle façon et pourquoi ce portefeuille est celui
qui lui convient, peu importe l’évolution quotidienne des marchés.
a. Moins de 1 an
b. De 1 an à 2 ans
c. De 2 ans à 5 ans
d. De 5 ans à 10 ans
e. Plus de 10 ans
3. Lequel des énoncés suivants correspond le mieux à votre conception des risques et des
rendements associés au placement?
a. Les rendements du portefeuille sont le facteur le plus important, le risque n’est pas
vraiment un facteur
b. Les rendements et le risque doivent être équilibrés
c. Le risque est le facteur le plus important
a. 0à5%
b. 5 à 10 %
c. 10 à 15 %
d. Plus de 15 %
a. Une perte de 5 à 10 %
b. Une perte de 10 à 15 %
c. Une perte de 15 à 20 %
d. Une perte de 20 à 30 %
e. Je ne vendrais pas, même si la perte était substantielle
6. Est-ce important que vos placements fassent aussi bien que les indices de référence?
7. Quel énoncé décrit le mieux vos attentes de rendement sur votre portefeuille?
a. Mon rendement après impôts doit être de beaucoup supérieur au taux d’inflation.
b. Mon rendement après impôts doit être légèrement supérieur au taux d’inflation.
c. Mon rendement après impôts ne doit pas être inférieur au taux d’inflation.
d. Je désire uniquement préserver mon capital.
a. Très à l’aise.
b. Assez à l’aise.
c. J’ai l’impression que le revenu que je pourrais tirer de mon portefeuille sera instable.
d. Je ne prévois aucun revenu dans un avenir proche.
a. À court terme
b. À moyen terme
c. À long terme
d. Je n’investis pas dans des obligations.
Les préjugés comportementaux doivent être identifiés avant que la répartition ne soit mise en
place afin d’éviter de tels problèmes. Les conseillers peuvent sentir qu’ils doivent rappeler à
leurs clients de ne pas vendre lors des périodes baissières et de conserver leurs titres gagnants
pendant les périodes haussières. De nombreux clients ont un désir intrinsèque de conserver
leurs placements qui affichent des pertes et de vendre trop vite ceux qui affichent des gains.
Une autre raison pour laquelle les questionnaires d’évaluation de la tolérance au risque
peuvent produire des informations d’une utilité restreinte est le préjugé de cadrage (framing
bias) parfois induit dans la formulation des questions. Idéalement, le libellé des questions ne
devrait pas avoir d’effet sur le résultat du questionnaire. Cela peut toutefois survenir, comme
l’exemple suivant l’illustre.
Maintenant, imaginons que l’une des questions suivantes, mais pas les deux, figure dans
le questionnaire d’évaluation de la tolérance au risque que remplit l’investisseur. Les
deux questions se rapportent au Fonds A et tentent de mesurer le niveau d’aisance qu’a
l’investisseur à l’égard du Fonds A, compte tenu de son rendement moyen, de sa
volatilité et d’autres facteurs. Toutefois, les deux questions cadrent la situation
différemment. Compte tenu de leur cadrage, comment un client pouvant éprouver
quelques préjugés comportementaux fréquents répondra-t-il à la question 1 et à la
question 2? Les réponses du client seront-elles les mêmes dans les deux cas?
B 3à5% 4%
C -7 % à 17 % 7%
A -18 % à 42 % 12 %
a. Fonds B
b. Fonds C
c. Fonds A
Question 2 : Supposons que vous envisagez d’investir dans le Fonds A. D’après les
rendements passés du fonds, ses gestionnaires s’attendent à ce que, les deux tiers du
temps, le Fonds A produise un revenu se situant entre 27 % et –3 %. Ils croient aussi qu’il
existe une faible probabilité qu’il produise moins de -3 % au cours de quelques années.
Investiriez-vous dans le Fonds A?
a. Oui, j’investirais dans le Fonds A, car je suis à l’aise avec le niveau de risque qu’il
comporte.
b. Je pourrais investir dans le Fonds A, mais je ne suis pas sûr du niveau de risque
qu’il comporte.
c. Non, je n’investirais pas dans le Fonds A, car je ne veux pas d’une fourchette si
étendue des rendements.
Pour établir réellement la nature de ces besoins et l’ordre de priorité des besoins de
l’investisseur, le conseiller doit être conscient des préjugés des investisseurs.
Un préjugé peut être décrit comme une préférence ou un penchant (qui, en particulier,
entrave l’impartialité de jugement) ou encore un acte injuste ou une politique découlant d’un
préjudice. Les préjugés sont également appelés dans certains ouvrages « biais ». 3 Dans le
domaine du placement, les préjugés comportementaux sont définis comme des erreurs
systématiques de jugement financier ou des imperfections dans la perception de la réalité
économique. Au cours des quelque 25 dernières années, les chercheurs ont répertorié une
longue liste de préjugés qu’ont les investisseurs, et les ont classés selon un cadre significatif.
Certains désignent les préjugés par le terme heuristiques (règles empiriques simples et
efficaces), d’autres les appellent croyances, jugements ou préférences, et il y en a d’autres qui
classent les préjugés selon des axes cognitifs ou émotifs. Lorsqu’il travaille avec ses clients, le
conseiller n’a pas besoin de classer leurs préjugés dans des catégories. Il doit toutefois en
comprendre les notions et être capable de les appliquer aux situations propres à ses clients.
Pour le moment, il n’importe pas d’établir une distinction précise entre tous les types de
préjugés; il suffit d’être en mesure de déterminer s’il s’agit d’un préjugé cognitif ou émotif.
Plus tard, les raisons pour lesquelles il est utile de différencier les préjugés de la sorte
deviendront évidentes.
Un préjugé cognitif peut se définir, sur le plan technique, comme une erreur statistique de
base, une erreur de traitement de l’information ou une erreur de mémoire, erreurs que
commettent tous les êtres humains. On peut les considérer comme des « angles morts » ou des
distorsions dans l’esprit humain. Le préjugé cognitif le plus commun est le préjugé d’ancrage
(anchoring). Dans ce cas, les clients s’ancrent au prix d’une action ou au niveau du marché et
tiennent à ce prix avant d’être disposés à prendre une décision de placement ou d’être en
mesure de prendre une telle décision. Les préjugés cognitifs ont été découverts par Amos
Tversky et Daniel Kahneman comme fondements de l’économie comportementale. Tversky et
Kahneman ont avancé que les préjugés cognitifs sont utilisés dans la résolution de problèmes
au moyen d’heuristiques qui comprennent l’heuristique de disponibilité et l’heuristique de
représentativité. 4
3
The American Heritage Dictionary of the English Language, Quatrième édition. Copyright A9 2004, 2000,
Houghton-Mifflin Company. [traduction libre]
4
Kahneman D., et A. Tversky. « Prospect theory: An analysis of decisions under risk », Econometrica, 1979.
Les investisseurs sont soumis à de grands volumes d’informations et de données et, pour que
celles-ci prennent un sens, ils optent pour un traitement simplifié de l’information lorsqu’ils
prennent des décisions de placement. Un bon exemple de cela est l’évaluation d’une catégorie
de fonds communs de placement, comme les fonds d’actions de sociétés américaines à faible
capitalisation. Même si l’investisseur utilise un service de recherche tel que Morningstar, qui
aide les clients à présélectionner les fonds, le flux d’informations est si immense qu’il
s’appuie inévitablement sur des raccourcis comme « le meilleur rendement sur 12 mois » pour
choisir un fonds. Comme les préjugés cognitifs découlent d’un raisonnement fautif, de
meilleures informations et des conseils peuvent souvent les corriger. Les préjugés cognitifs
comprennent les heuristiques, comme l’ancrage et ajustement, le préjugé de disponibilité et le
préjugé de représentativité. L’aversion à l’ambiguïté, le préjugé d’auto-complaisance et la
prudence sont d’autres préjugés cognitifs.
Les émotions peuvent ne pas être désirées par la personne qui les éprouve; elle peut vouloir
les contrôler, mais souvent ne le peut pas. Devant des choix de placement, les investisseurs
peuvent prendre des décisions moins qu’optimales, car leurs émotions affectent celles-ci.
Comme les préjugés émotifs trouvent leur origine dans les impulsions ou l’intuition plutôt que
dans des calculs conscients, ils sont souvent difficiles à corriger. Les préjugés émotifs
comprennent les préjugés de possession, d’aversion à la perte et d’auto-contrôle.
Préjugés cognitifs
1. Surconfiance (overconfidence)
La surconfiance s’entend généralement d’une foi non justifiée en ses propres raisonnements
intuitifs, jugements et capacités cognitives. Les personnes tendent à surestimer tant leurs
capacités de prédiction que la précision de l’information qu’ils ont reçue. Parfois, les
personnes se rendent compte que les événements dont ils étaient sûrs qu’ils se réaliseraient ne
se réalisent pas dans les faits, mais ils n’apprennent pas de ces erreurs. Dans le monde du
placement, les personnes pensent qu’elles sont plus avisées qu’elles ne le sont et possèdent
une meilleure information qu’elles n’ont en réalité. Par exemple, un investisseur pourrait
obtenir un « tuyau » de son conseiller ou lire un article dans Internet sur une occasion de
placement et prendre action par la suite (c’est-à-dire prendre une décision d’investir) sur la
base de l’avantage qu’il perçoit avoir sur le plan des connaissances.
2. Représentativité (representativeness)
Comme les humains aiment l’organisation, ils élaborent au fil du temps un système interne de
classement des objets et des pensées. Lorsqu’ils sont devant de nouvelles circonstances
pouvant ne pas cadrer avec leur système existant de classement, ils comptent sur un processus
leur permettant de les classer dans la catégorie qui semble la plus adéquate et de les
comprendre. Ce cadre de perception constitue un outil pratique de traitement de nouvelles
informations qui intègre simultanément les acquis de l’expérience passée. Cependant, les
nouveaux stimuli sont parfois représentatifs d’éléments déjà classés mais en sont, en réalité,
différents. En pareils cas, le réflexe de classement donne lieu à des erreurs et à une
compréhension inexacte du nouvel élément qui souvent persiste et fausse les interactions
futures avec cet élément.
Dans le domaine du placement, il arrive que l’on présente à un client une occasion de
placement renfermant certains éléments représentatifs d’un bon placement. Le désir du client
d’effectuer un classement mental de l’occasion de placement pourrait faire en sorte qu’il
classe ce qui est une très mauvaise occasion de placement dans la catégorie des bonnes
occasions de placement, sur la base des quelques éléments représentatifs d’une bonne
occasion de placement. Les introductions en bourse d’une société (IPO) sont un bon exemple
de cette notion.
Si l’on demande à une personne d’estimer une valeur dans un domaine avec lequel elle n’est
que peu ou pas familière (par exemple, la distance entre la Terre et la Lune), et qu’on lui
présente une donnée initiale par défaut (une ancre), elle ajustera par la suite, à la hausse ou à
la baisse, son estimation en fonction des informations reçues subséquemment et des analyses
ultérieures. L’ancre, une fois peaufinée et réévaluée, peut parfois devenir une estimation
définitive. Les personnes ont généralement plus de facilité à effectuer des estimations par
comparaison qu’en absolu. L’exemple suivant illustre comment cela fonctionne dans le
monde du placement. Supposons que l’on demande à un client si la moyenne Dow Jones des
industriels clôturera l’année au-dessus ou au-dessous de 15 000 points cette année. Bien
entendu, la réponse sera soit au-dessus de 15 000 points, soit au-dessous de 15 000 points. Si
on lui demande par la suite d’estimer la valeur absolue que l’indice atteindra l’an prochain,
cette estimation sera probablement aux alentours de 15 000, car l’estimation sera
vraisemblablement ancrée à la réponse précédente.
Lorsqu’on présente à une personne une information qui entre en conflit avec des croyances
existantes, elle éprouve habituellement un inconfort mental que l’on désigne fréquemment par
le terme dissonance cognitive. En psychologie, les cognitions représentent des attitudes, des
émotions, des croyances ou des valeurs. La dissonance cognitive est un état de déséquilibre
mental qui survient lorsque des cognitions contradictoires sont en présence les unes des
autres. Ce terme englobe la réaction qui se produit lorsque les personnes luttent pour dissiper
leur inconfort mental en tentant de faire converger les cognitions qui entrent en conflit. Par
exemple, une personne pourrait investir dans l’action d’ABC, croyant à l’origine qu’il s’agit
de la meilleure action sur le marché. Toutefois, lorsque survient une nouvelle cognition qui
favorise une autre action, il y a déséquilibre. La dissonance cognitive prend alors le dessus
afin d’atténuer l’inconfort que crée l’idée que l’investisseur n’a peut-être pas acheté la
meilleure action. Les personnes se donneront beaucoup de mal à se convaincre qu’elles ont
pris la bonne décision afin d’éviter l’inconfort mental que suscite leur placement initial.
5. Disponibilité (availability)
Le préjugé de disponibilité est une heuristique qui permet aux personnes d’estimer la
probabilité d’un dénouement selon la prévalence ou la familiarité que semble avoir le
dénouement dans leur vie. Les personnes qui affichent un préjugé de disponibilité perçoivent
les possibilités dont elles se rappellent facilement comme étant des dénouements plus
probables que ceux qui sont plus difficiles à imaginer ou à comprendre. Un exemple classique
de ce préjugé est la tendance qu’ont la plupart des personnes à croire que les décès causés par
des attaques de requins sont plus fréquents que les blessures causées par la chute d’une pièce
d’avion. Toutefois, ces dernières sont trente fois plus susceptibles de se produire. Les attaques
de requins sont probablement présumées survenir plus souvent en raison des plus grands
facteurs de peur associés aux requins ou du degré disproportionné d’attention que leur
accordent les médias. La publicité des fonds communs de placement est également un bon
exemple de préjugé de disponibilité. Les investisseurs qui voient fréquemment les publicités
d’une société en particulier peuvent croire qu’il s’agit d’un bon organisme de placement
collectif alors qu’il est possible qu’une société qui ne fait aucune publicité soit meilleure.
6. Auto-complaisance (self-attribution)
Le préjugé d’auto-complaisance est la tendance qu’ont les personnes à attribuer leur réussite à
leurs traits de caractère personnels, comme le talent ou la vision, et à faire porter le blâme de
leurs échecs à des influences externes, telles que la malchance. Les étudiants qui réussissent
bien à un examen, par exemple, pourraient attribuer leur succès à leur propre intelligence ou
éthique d’étude, alors que ceux qui échouent pourraient faire état d’une correction injuste. Les
investisseurs attribuent souvent, à tort, leurs succès de placement à eux-mêmes, alors que les
échecs sont souvent causés par d’autres.
Le préjugé de l’illusion de contrôle est une tendance qu’une personne a à croire qu’elle peut
contrôler des dénouements aléatoires alors que, dans les faits, elle ne peut pas. Ce préjugé est
souvent observé dans les casinos. Certains clients de casinos sont convaincus qu’ils peuvent
influer sur les dés en soufflant sur eux avant de les lancer. Par exemple, dans les jeux de dés
au casino (comme la passe anglaise ou le craps), la recherche a démontré que les personnes
lancent les dés plus vigoureusement lorsqu’elles tentent d’obtenir un chiffre élevé. Si l’on
extrapole cette notion au monde du placement, certaines personnes croient qu’elles peuvent
contrôler le résultat d’un placement qu’elles ont effectué; il s’agit naturellement d’une pure
fiction (à moins, bien sûr, d’être le chef de la direction ou l’actionnaire de contrôle de la
société émettrice!)
8. Prudence (conservatism)
Le préjugé de prudence est un état mental dans lequel les personnes s’accrochent à une
opinion ou prévision antérieure et ne reconnaissent ni n’obtiennent de nouvelles informations
qui pourraient modifier cette opinion. Par exemple, un investisseur apprend des mauvaises
nouvelles à propos des résultats d’une société, et ces nouvelles entrent en contradiction avec
l’estimation de bénéfice publiée le mois précédent. Le préjugé de prudence pourrait faire en
sorte que l’investisseur sous-réagisse à la nouvelle information et continue de croire à
l’estimation précédente, plus optimiste, plutôt que de réagir en fonction de cette nouvelle
information.
Les personnes évitent d’effectuer un placement ou de courir des risques lorsque la distribution
des probabilités leur semble incertaine, et ce, en raison de leur hésitation en situation
d’ambiguïté. Cette tendance est appelée aversion à l’ambiguïté. Elle apparaît dans divers
contextes, et particulièrement dans un contexte de placement. Les clients plus âgés pourraient
être plus susceptibles d’éprouver une aversion à l’ambiguïté.
Par exemple, Thaler a mené une expérience dans le cadre de laquelle il a offert à un groupe
une somme de 30 $ et le choix suivant : garder les 30 $ ou les jouer à pile ou face. Si la
personne devinait correctement si la pièce tombait sur pile ou face gagnait une somme
supplémentaire de 9 $ et la personne qui y échouait perdait une somme de 9 $. La majorité des
sujets à qui le choix a été offert, soit 70 %, on choisit de mettre la somme en jeu, car ils
considéraient qu’elle était une somme « trouvée ». Un deuxième groupe de sujets s’est vu
offrir un choix légèrement différent. On leur a demandé s’ils préféraient jouer à pile ou face,
auquel cas ils recevraient 39 $ en cas de gain et 21 $ en cas de perte, ou s’ils préféraient tout
simplement encaisser 30 $ et renoncer à jouer à pile ou face. La principale différence est que
les personnes faisant partie du second groupe n’avaient pas reçu immédiatement la somme de
30 $.
Ce groupe a réagi différemment du premier. Seuls 34 % des sujets ont choisi de jouer à pile
ou face, et ce, même si les perspectives économiques qui leur étaient présentées étaient les
mêmes que celles du premier groupe. Dans ce cas, le premier groupe a classé la somme dans
le compte « argent trouvé » et, de ce fait, était disposé à le mettre à risque. Le second groupe,
pour sa part, n’avait pas encore « trouvé » l’argent et, de ce fait, était moins disposé à le
mettre en jeu.
5
THALER, R. H. « Towards a positive theory of consumer choice », Journal of Economic Behavior and
Organization, 1, 1980, pp. 39–60.
Le préjugé de confirmation est un type de perception sélective selon laquelle les personnes
mettent l’accent sur des idées qui confirment leurs croyances et ignorent celles qui vont à leur
encontre. Par exemple, une personne pourrait croire que les gens portent plus souvent des
chemises rouges l’été qu’en toute autre période de l’année; cette position pourrait toutefois
être attribuable à un préjugé de confirmation, qui fait en sorte que la personne remarque tout
simplement plus de chemises rouges durant l’été parce qu’elle-même porte des vêtements
rouges pendant cette saison et ne prête pas attention aux couleurs de chemises en d’autres
périodes. Au fil du temps, cette tendance renforce de façon injustifiée la croyance d’une
concentration de chemises rouges en été. Les investisseurs peuvent confirmer ce qu’ils
veulent bien confirmer à propos d’un titre, comme de solides bénéfices, mais ils peuvent
ignorer des facteurs négatifs influant sur la performance d’un placement.
Une fois connu le dénouement d’un événement, certaines personnes croient que ce
dénouement était prévisible, même s’il ne l’était pas. Cela se produit du fait que les
dénouements réels sont clairs dans l’esprit de la personne alors que la kyrielle de
dénouements qui auraient pu se produire et qui ne se sont pas produits sont plutôt flous. Ainsi,
les personnes ont tendance à surestimer l’exactitude de leurs propres prédictions. Le préjugé
rétrospectif a été démontré à maintes reprises par les investisseurs : le cours d’une action
monte et l’investisseur a l’impression qu’il le savait « dès le départ », même si, en fait, cette
montée était tout à fait imprévisible.
Le préjugé de récence fait en sorte que les personnes se souviennent mieux des événements
récents que des événements survenus dans un passé rapproché ou distant, et ils mettent
davantage l’accent sur ces événements récents. Par exemple, le préjugé de récence peut mener
un investisseur à ignorer la valeur fondamentale d’un titre et à se concentrer uniquement sur la
montée récente de son cours. Lorsque le cycle des rendements atteint un sommet et que les
données récentes sont les plus intéressantes, il est dans la nature humaine de saisir la
promesse de gain. Les catégories d’actifs deviennent surévaluées et, en ne se concentrant que
sur la montée du cours et non sur la valeur, l’investisseur risque alors de perdre son capital
investi lorsque le cours se replie à son niveau moyen à long terme.
Préjugés émotifs
Les personnes qui affichent un préjugé de possession accordent plus de valeur à un actif
qu’elles possèdent qu’à un actif qu’elles ne possèdent pas. Ce comportement est incompatible
avec la théorie économique traditionnelle, selon laquelle la volonté d’une personne à payer
pour un bien ou un objet doit être égale à la volonté d’une autre personne à vendre le bien ou
l’objet en question. Des psychologues ont découvert que les prix de vente minimums établis
par les personnes tendent à être supérieurs aux prix d’achat maximums qu’elles sont disposées
à payer pour le même bien. Les investisseurs continuent ainsi de détenir des titres qu’ils
possèdent plutôt que de les vendre afin de profiter de meilleures occasions de placement.
Le préjugé d’auto-contrôle (qui, dans les faits, est une absence d’auto-contrôle) représente la
tendance à consommer aujourd’hui plutôt que d’épargner pour l’avenir. L’argent est un aspect
à l’égard duquel les personnes présentent souvent une absence d’auto-contrôle. Les
comportements affichés lorsque vient le temps de payer l’impôt sont un exemple de ce
préjugé. Imaginons qu’un contribuable sait qu’il devra payer la somme exacte de 7 200 $
d’impôt sur le revenu dans un an. Dans une telle situation, lequel des choix suivants semble
idéal : mettre de côté 600 $ par mois pendant la prochaine année dans un compte d’épargne
affecté à l’impôt? Ou encore, faire augmenter de 600 $ par mois les retenues à la source de
sorte à éviter d’avoir à faire un chèque d’un montant élevé à la fin de l’année? La pensée
économique rationnelle laisserait entendre que le contribuable préférerait recourir à un compte
d’épargne, car les sommes qui y seraient déposées porteraient intérêt et totaliseraient plus de
7 200 $ à la fin de l’année. Toutefois, nombreux sont les contribuables qui choisiraient
d’augmenter les retenues à la source, car ils se rendent compte qu’il serait compliqué, en
pratique, d’épargner en raison de leur absence d’auto-contrôle.
Des études empiriques ont démontré que, en ce qui concerne presque tous les traits personnels
perçus comme positifs (belle allure, sens de l’humour, physique intéressant, espérance de vie
et bien d’autres), la plupart des personnes ont tendance à se classer au-dessus de la moyenne
de la population. Cette tendance est appelée préjugé d’optimisme. Les investisseurs, eux
aussi, tendent à être trop optimistes par rapport aux marchés, à l’économie et au potentiel de
rendements positifs de leurs placements. D’ailleurs, de nombreux investisseurs trop optimistes
croient que seuls les autres connaissent des échecs de placement, et pas eux. Toutefois, tout le
monde prend de mauvaises décisions de placement à un moment donné, même le légendaire
Warren Buffett (une des personnes les plus riches de la planète).
Le préjugé d’aversion à la perte a été élaboré en tant que notion par Daniel Kahneman et
Amos Tversky en 1979, en réponse à l’observation selon laquelle les personnes ressentent
généralement une impulsion plus forte à éviter les pertes qu’à obtenir un gain. 6 La possibilité
de subir une perte est, en moyenne, un facteur de motivation deux fois plus puissant que la
possibilité de réaliser un gain d’ampleur identique. Ainsi, une personne qui a une aversion à la
perte pourrait demander, au minimum, de réaliser un gain de deux dollars pour chaque dollar
qu’elle met à risque. Dans une telle situation, les risques « qui ne paient pas le double » sont
inacceptables. L’aversion à la perte peut empêcher des personnes à se départir de placements
non rentables, même si elles ne voient que de minces, voire aucune, perspectives de
redressement. Certains vétérans du secteur utilisent en anglais le terme « get-even-itis » (qui
pourrait se rendre en français par « point-mort-ite ») pour décrire la situation dans laquelle
une personne attend trop longtemps qu’un placement recouvre sa valeur après une perte.
Les personnes qui éprouvent le préjugé d’aversion au regret évitent de prendre des décisions
parce qu’elles ont peur que, quelle que soit la décision qu’elles prennent, cette décision sera, à
postériori, la mauvaise. L’aversion au regret s’observe, par exemple, lorsqu’un investisseur
conserve une position affichant une perte trop longtemps en vue d’éviter d’avoir à admettre
qu’il a fait une erreur et de subir une perte. Lorsqu’un investisseur connaît un mauvais résultat
de placement, il se sent d’instinct pressé de vendre et non de se presser et de saisir les
occasions d’achat d’actions potentiellement sous-évaluées. Toutefois, les périodes de déprime
des prix comportent souvent les meilleures occasions d’achat. Les personnes qui affichent le
préjugé d’aversion au regret hésitent donc le plus au moment où elles devraient, dans les faits,
faire preuve d’un comportement plus audacieux.
6
Kahneman et Tversky, 1979.
Le préjugé du statu quo est un préjugé émotif qui prédispose les personnes qui sont devant
une vaste gamme d’options à choisir de conserver les choses telles qu’elles sont (c’est-à-dire
maintenir le statu quo). Le principe scientifique de l’inertie, selon lequel un corps au repos
demeure dans cet état à moins d’être mû par une force extérieure, est une notion similaire. Le
préjugé du statu quo peut faire en sorte que des investisseurs conservent des titres avec
lesquels ils se sentent familiers ou pour lesquels ils éprouvent un attachement émotif. Ce
comportement peut toutefois mettre en péril les objectifs financiers, car le fait d’être
subjectivement à l’aise avec un titre pourrait ne pas justifier le fait de le détenir à cause de sa
piètre performance.
Question 1 : On vous demande de choisir l’un ou l’autre des deux résultats suivants :
Question 2 : On vous demande de choisir l’un ou l’autre des deux résultats suivants :
Grille de pointage
Question 1 : La réponse rationnelle est b, mais les investisseurs ayant une aversion à la perte
opteront probablement pour la certitude d’un gain énoncée dans la réponse a.
Question 2 : La réponse rationnelle est a, mais les investisseurs ayant une aversion à la perte
sont plus susceptible de choisir b.
L’étude sur les genres la plus notoire et exhaustive est probablement celle effectuée par
Barber et Odean (2001) et qui porte pour titre « Boys Will Be Boys: Gender, Overconfidence
and Common Stock Investment ». 7 Selon les conclusions de cette étude, les hommes sont plus
susceptibles d’éprouver le préjugé de surconfiance que les femmes, d’après les
comportements affichés en matière de négoce (trading). Ces chercheurs ont découvert, au
moyen de l’examen d’opérations de placement réalisées par 35 000 ménages entre 1991 et
1997, que les hommes ont, en moyenne, effectué des opérations 45,0 % plus souvent que les
femmes. De plus, les hommes célibataires ont, en moyenne, effectué des opérations 67,0 %
plus souvent que les femmes célibataires. En matière de rendement, Barber et Odean sont
arrivés aux mêmes conclusions. Les femmes ont obtenu des résultats moyens d’environ 1,0 %
inférieurs à une approche acheter et détenir. Pour les hommes, ces résultats ont été inférieurs
de 1,4 %, et de 2,0 % dans le cas des hommes célibataires. Il semble ainsi que les femmes
d’un ménage réduisent les risques courus par la famille et font preuve de plus de patience que
les hommes dans les activités de placement.
Leurs résultats ont démontré que de nombreux types de personnalité – de même que les
hommes et les femmes – répondent différemment à de nombreux préjugés comportementaux.
En ce qui a trait aux différences reposant sur les genres, voici ce qu’ils ont trouvé :
• Les femmes sont plus susceptibles que les hommes de commettre l’erreur de la série
gagnante. L’erreur de la série gagnante consiste à croire que des séquences aléatoires
sans corrélation automatique affichent, dans les faits, une corrélation positive. Par
exemple, de nombreux entraîneurs et joueurs de basketball croient qu’un joueur qui a
réussi plusieurs lancers consécutifs est engagé dans une série gagnante, qu’il est plus
susceptible qu’à l’habitude de réussir son prochain lancer.
• Plus d’hommes sont surconfiants et optimistes que les femmes.
7
BARBER, B. et T. Odean. « Boys Will Be Boys: Gender, Overconfidence, and Common Stock
Investment », Quarterly Journal of Economics, Vol. 116, no 1, 2001, p. 261–292.
• Les femmes sont plus susceptibles d’adopter une approche acheter et détenir.
• Les hommes sont plus tolérants au risque que les femmes dans une marge d’un tiers.
Dans le cadre de son travail, Michael Pompian a découvert que les femmes sont moins
optimistes ou plus sceptiques que les hommes, et qu’elles sont aussi généralement moins
tolérantes au risque que les hommes. En novembre 2005, Alexandra Niessen et Stephan
Ruenzi, de l’université de Cologne, ont parachevé une étude intitulée « Gender and Mutual
Funds ». 8 Ils ont étudié tous les fonds d’actions américains à gestionnaire unique pendant la
période allant de 1994 à 2003. Dans cette étude, 10 % des gestionnaires de fonds étaient des
femmes. Ils ont relevé que les femmes gestionnaires courent moins de risque, adoptent des
styles de placement moins extrêmes (c.-à-d. des styles plus uniformes), sont moins
surconfiantes et effectuent moins d’opérations. Les femmes qui ont une tolérance moindre au
risque et qui effectuent moins d’opérations tendent à contrebalancer les hommes qui sont plus
audacieux à ces égards. Les conseillers en gestion de patrimoine devraient écouter tant
l’homme que la femme du ménage et tenter de dégager une évaluation du risque qui reflète un
équilibre entre les deux.
En avril 2005, Merrill Lynch Investment Managers a réalisé une étude intitulée « When It
Comes to Investing, Gender Is a Strong Influence on Behavior ». 9 Cette organisation a
effectué un sondage auprès de 500 hommes et 500 femmes qui sont leurs clients portant sur
les attitudes, les croyances et les niveaux de connaissance en matière de placement. Cette
étude a révélé que :
• Les femmes sont moins susceptibles de détenir des placements affichant des pertes trop
longtemps (35 % contre 47 %).
• Les femmes sont moins susceptibles de vendre des placements affichant des gains trop
rapidement (28 % contre 43 %).
• Les hommes sont plus susceptibles d’affecter une somme trop élevée à un placement
unique (32 % contre 23 %).
• Les hommes sont plus susceptibles d’acheter un placement vedette sans effectuer de
recherches (24 % contre 13 %).
• Les hommes sont plus susceptibles de réaliser trop d’opérations (12 % contre 5 %).
8
NIESSEN, A et S. Ruenzi. « Sex Matters: Gender and Mutual Fund », Département de la finance, Université
de Cologne, Allemagne, novembre 2005.
9
FRANK, M. et S. Bishop. « When It Comes to Investing, Gender Is a Strong Influence on Behavior »,
Hindsight to Insight. Merrill Lynch Investment Managers, avril 2005.
La Figure 1 présente un sommaire des principaux préjugés qu’éprouvent les hommes et les
femmes. En général, les hommes sont plus susceptibles de présenter des préjugés cognitifs,
alors que les femmes sont plus susceptibles de présenter des préjugés émotifs.
Certaines grandes sociétés de services financiers ont réalisé des études selon lesquelles elles
classent les investisseurs dans des catégories telles que investisseurs réticents, investisseurs
concurrentiels, investisseurs analytiques et ainsi de suite. Les conseillers personnels, les
universitaires et d’autres chercheurs ont établi certaines corrélations entre les caractéristiques
psychologiques et le comportement financier : par exemple, certains types de personnalité
n’ont ni le temps ni la patience pour gérer des fonds, alors que certains commencent à investir
trop tard et certains sont plus rigoureux que d’autres.
Si l’on combine les éléments de ces trois dimensions différentes, on obtient huit types
possibles de personnalité de l’investisseur, à savoir IdERn, IdERm, IdInRn, IdInRm, PERn,
PERm, PInRn et PInRm. Après un examen de chaque dimension afférente aux types de
personnalité de l’investisseur, nous passerons à un test diagnostic complet dont les résultats
correspondront à une dimension permettant de situer l’investisseur sur une échelle
comportementale précise (p. ex. Êtes-vous plus idéaliste ou pragmatique?) Nous traiterons des
grilles de pointage pour les diagnostics de la personnalité de l’investisseur et nous résumerons
certaines considérations importantes en matière de placement pour chacun des huit types
possibles.
Souvent peu enclins à effectuer des recherches approfondies, ils peuvent devenir la proie de
l’engouement sur les marchés spéculatifs. Les idéalistes sont susceptibles d’afficher les
préjugés suivants : surconfiance, optimisme, disponibilité, auto-complaisance, illusion de
contrôle, confirmation, récence et représentativité. Les pragmatiques, par contre, ont une
vision réaliste de leurs propres compétences et limites en tant qu’investisseurs. Ils ne sont pas
trop surconfiants à l’égard des marchés des capitaux et font preuve d’une dose saine de
scepticisme quant à leurs capacités en tant qu’investisseurs. Ils comprennent que le placement
est une activité fondée sur les probabilités et effectuent des recherches pour confirmer leurs
croyances. Les pragmatiques sont des investisseurs qui, d’ordinaire, ne sont pas susceptibles
d’afficher les préjugés susmentionnés.
Les encadreurs « ancrent » également, de façon subconsciente, leurs estimations des niveaux
de marché et de prix, s’attachant à des « points » d’achat arbitraire, ce qui entache de parti
pris les calculs futurs. Les intégrateurs, par contre, se caractérisent par leur capacité à
envisager des contextes plus vastes et des facteurs externes. Ils perçoivent à raison leurs
portefeuilles comme des systèmes dont les composantes peuvent interagir entre elles ou se
compenser. Ils comprennent les corrélations qui existent entre les divers instruments
financiers et établissent leurs portefeuilles en conséquence. Ils adoptent également une
approche souple en matière de niveau de marché et de prix des titres. Les encadreurs sont
susceptibles d’éprouver les préjugés suivants : ancrage, prudence, comptabilité mentale,
cadrage et aversion à l’ambiguïté. Les intégrateurs sont des investisseurs qui, en règle
générale, ne sont pas susceptibles d’afficher ces préjugés.
Les réflexifs ont de la difficulté à vivre avec les conséquences de leurs décisions ainsi qu’à
prendre des mesures pour corriger leurs comportements. Ils justifient et motivent les mesures
incorrectes qu’ils ont prises et hésitent à reconnaître les décisions qui n’ont pas connu un
dénouement heureux. Ils souffrent également de paralysie décisionnelle, car ils craignent la
sensation de regret qu’ils éprouveront en cas de mauvais calcul. Un exemple de ce type de
comportement est la détention de titres hérités (par loyauté pour le proche décédé) et qui
peuvent ne pas cadrer dans un portefeuille diversifié dans le contexte actuel de placement. Les
réalistes, pour leur part, ont moins de difficulté à accepter les conséquences de leurs choix. Ils
ne font pas des pieds et des mains pour trouver des excuses justifiant leurs erreurs et acceptent
la responsabilité de ces dernières.
Les réalistes ont plus de facilité que les réflexifs à prendre des décisions sous pression, car ils
ne ressentent pas autant de regrets qu’eux et, de ce fait, ne les craignent paspar avance. Les
réflexifs sont susceptibles de faire preuve des préjugés suivants : dissonance cognitive,
aversion à la perte, possession, auto-contrôle, aversion au regret, statu quo et préjugé
rétrospectif. Les réalistes sont des investisseurs qui, d’ordinaire, ne sont pas susceptibles
d’afficher ces préjugés.
Les investisseurs feront plutôt mieux de glisser le long de la frontière efficiente (ensemble de
portefeuilles optimaux), ajustant de ce fait les niveaux de risque et de rendement en fonction
de leurs tendances comportementales. Michael Pompian appelle une telle répartition la
meilleure répartition pratique d’un client. La meilleure répartition pratique peut dégager
des rendements légèrement inférieurs à long terme et comporter un risque plus faible, mais
c’est une répartition que le client peut respecter sans encombre à long terme. En réaction à un
fléchissement des marchés, de nombreux clients voudront vendre dans un vent de panique. À
l’inverse, la meilleure répartition pratique d’un client pourrait aller à l’encontre des tendances
psychologiques naturelles de celui-ci, et il vaudrait mieux pour ce client d’accepter les risques
excédant leur niveau de confort personnel afin de maximiser les rendements espérés parce
que, par exemple, il risque de vivre plus longtemps que ses actifs. La capacité d’élaborer les
meilleures répartitions pratiques est ce que les conseillers en gestion de patrimoine devraient
acquérir à la lecture de la présente section.
Le texte qui suit a été adapté d’un article de Michael Pompian et de John Longo publié
initialement dans le numéro de mars 2005 du Journal of Financial Planning. Il établit deux
principes servant à élaborer la meilleure répartition pratique, à la lumière des préjugés
comportementaux des clients, à savoir :
• Atténuer les préjugés des clients moins fortunés et s’adapter aux préjugés des clients plus
fortunés
• Atténuer les préjugés cognitifs et s’adapter aux préjugés émotifs
Ces principes ne sont pas destinés à être des dictats, mais ils devraient plutôt être utilisés de
concert avec d’autres données sur la tolérance au risque, les objectifs financiers, les
préférences en matière de catégories d’actifs et d’autres aspects. Ces principes sont
suffisamment généraux pour convenir à presque tous les clients.
Lorsqu’il tient compte des préjugés comportementaux dans la répartition des actifs, le
conseiller doit tout d’abord déterminer s’il doit atténuer les préférences « irrationnelles » du
client ou s’adapter à celles-ci. Cette décision fait essentiellement intervenir la prise en compte
des avantages découlant du maintien d’une répartition calculée qui maximise les gains en
regard du résultat des affrontements potentiels avec le client (dont les préjugés peuvent le
positionner en faveur d’une structure de portefeuille entièrement différente). Voici quelques
lignes directrices permettant de résoudre la question de savoir quand atténuer et quand
s’adapter.
Atténuer les préjugés des clients moins fortunés et s’adapter aux préjugés des clients
plus fortunés
Un client qui vit plus longtemps que ces actifs est une erreur de placement beaucoup plus
grave que l’incapacité d’accumuler le patrimoine le plus important possible. Si une répartition
ne produit pas de bons résultats parce qu’elle se conforme ou s’adapte de trop bon gré aux
préjugés du client, le niveau de vie d’un client moins fortuné pourrait être gravement
compromis. Toutefois, les clients les plus fortunés continueraient vraisemblablement de se
classer dans le 99,9e percentile socioéconomique en pareille situation. Autrement dit, si une
répartition adaptée aux préjugés du client peut mettre son style de vie en péril, il vaudra mieux
atténuer les préjugés en question. Si seul un événement hautement improbable, tel un krach
boursier, peut compromettre la sécurité quotidienne du client, le fait de surmonter les effets de
la sous-optimalité des rendements du portefeuille en raison de la prise en compte des préjugés
comportementaux devient un facteur moins important à considérer. L’adaptation, en pareil
cas, est la marche à suivre.
Comme nous l’avons déjà expliqué, les préjugés comportementaux se classent dans deux
grandes catégories, soit les préjugés cognitifs et les préjugés émotifs, qui tous deux donnent
lieu à des jugements irrationnels. Comme les préjugés cognitifs découlent d’un raisonnement
fautif, de meilleures informations et des conseils peuvent souvent les corriger. Par contre,
comme les préjugés émotifs trouvent leur origine dans les impulsions ou l’intuition plutôt que
dans des calculs conscients, ils sont souvent difficiles à corriger. Les préjugés cognitifs
comprennent les heuristiques, comme l’ancrage-ajustement, le préjugé de disponibilité et le
préjugé de représentativité. L’aversion à l’ambiguïté, le préjugé d’auto-complaisance et la
prudence sont d’autres préjugés cognitifs. Les préjugés émotifs comprennent les préjugés de
possession, d’aversion à la perte et d’auto-contrôle.
Dans certains cas, l’application simultanée de ces deux principes donnera une
recommandation hybride. Par exemple, pour un client moins fortuné ayant de forts préjugés
émotifs, il faudra à la fois atténuer les préjugés et s’y adapter. La Figure 3 illustre cette
situation. En outre, ces principes indiquent que deux clients affichant les mêmes préjugés
devraient parfois se voir prodiguer des conseils différents.
8. Résumé
Dans ce chapitre, nous avons mis l’accent sur les points suivants :
• Dans le milieu de la finance, il existe deux factions : la finance traditionnelle, qui englobe
la notion selon laquelle les investisseurs sont des êtres économiques qui sont, de par leur
nature, rationnels, et la finance comportementale, qui avance que les investisseurs sont des
êtres humains et sont dès lors susceptibles de croyances et de préjugés personnels qui
peuvent les mener à prendre des décisions ou à faire des choix irrationnels ou émotifs.
• La finance comportementale se subdivise elle-même en deux : la finance comportementale
micro s’intéresse au comportement irrationnel de l’investisseur individuel. Elle compare
l’investisseur irrationnel avec l’investisseur rationnel envisagé dans la théorie classique de
l’économie. La finance comportementale macro décrit les anomalies ou les irrégularités sur
le marché pris dans son ensemble, qui entrent en contradiction avec l’hypothèse des
marchés efficients.
• La finance traditionnelle se caractérise par des règles sur la façon dont les investisseurs
devraient se comporter plutôt que sur des principes décrivant comment ils se comportent
réellement. La finance traditionnelle fonde ses hypothèses sur un comportement financier
idéalisé alors que la finance comportementale fonde les siennes sur un comportement
financier observé.
• L’hypothèse des marchés efficients a été élaborée par le professeur Eugene Fama, de
l’université de Chicago, qui a démontré que, dans un marché des valeurs mobilières auquel
participent de nombreux investisseurs bien informés, les prix des placements sont exacts et
rendent compte de toute l’information disponible. Il existe trois formes de l’hypothèse des
marchés efficients : la forme forte, la forme semi-forte et la forme faible.
• Lorsqu’elles sont fructueuses, les relations conseiller-client ont en commun quatre
caractéristiques fondamentales : le conseiller comprend clairement les objectifs financiers
du client; le conseiller a recours à une approche structurée et uniforme pour prodiguer des
conseils à son client; le conseiller répond aux attentes du client; le conseiller et le client
profitent de la relation qu’ils entretiennent.
• Les préjugés comportementaux sont définis comme des erreurs systématiques de jugement
financier ou des imperfections dans la perception de la réalité économique. Ils se classent
dans deux grandes catégories, soit les préjugés cognitifs et les préjugés émotifs, qui tous
deux donnent lieu à des jugements irrationnels. Un préjugé cognitif peut se définir comme
une erreur statistique de base, une erreur de traitement de l’information ou une erreur de
mémoire, erreurs que commettent tous les êtres humains. Les préjugés émotifs trouvent
leur origine dans les impulsions ou l’intuition plutôt que dans des calculs conscients.
• Les hommes et les femmes se comportent de façon très différente en matière de placement,
et il est important de comprendre ces différences et de les garder à l’esprit. Exemples : Les
hommes sont plus surconfiants et optimistes que les femmes, les femmes sont plus
susceptibles d’adopter une approche acheter et détenir, les hommes sont plus tolérants au
risque que les femmes dans une marge d’un tiers, les femmes sont moins susceptibles de
détenir des placements affichant des pertes trop longtemps, les hommes sont plus
susceptibles d’affecter une somme trop élevée à un placement unique, les hommes sont
plus susceptibles de réaliser trop d’opérations.