Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
THÈME
Le trouble de déglutition d’origine neurologique est fréquent et a Les régions cérébrales dont la lésion peut entraîner une
des conséquences qui peuvent être sévères, dont la dénutrition et dysphagie sont notamment :
la bronchopneumonie. Dans la majorité des cas, il peut être dépisté 1. une lésion bulbaire, comme dans le syndrome de Wallen-
de manière clinique. La prise en charge comprend quelques me- berg, par atteinte du « centre de déglutition », des affé-
sures générales, une adaptation des textures, une prise en charge rences et / ou efférences.
spécifique de rééducation et un bilan nutritionnel qui permet de 2. Une atteinte bilatérale, mais pas toujours de même âge, du
décider d’une éventuelle nutrition entérale complémentaire. contrôle supranucléaire des nerfs crâniens impliqués,
entraînant un syndrome pseudo-bulbaire. Celui-ci se mani-
feste par une biparésie facio-glosso-pharyngo-masticatrice
Detection and management of avec dysarthrie, dysphonie, dysphagie et réflexe massétérin
the neurologic dysphagia vif.
Neurologic dysphagia is frequent and has consequences which can 3. Une lésion hémisphérique unilatérale de la zone motrice
be severe, such as, denutrition and pneumonia. In most cases, it can et / ou sensitive dédiée à la sphère oropharyngée ou de ses
be detected with a clinical exam. The management includes some voies cortico-bulbaires de l’hémisphère « dominant » pour
general measures, an adaptation of textures, specific rehabilitation, la déglutition, la représentation corticale du pharynx étant
and nutritional assessment to judge whether complementary enteral asymétrique.2
nutrition is needed.
physiologie
introduction
Lors de la déglutition, il y a quatre phases principales : antici-
Le trouble de déglutition d’origine neurologique est fréquent pation, orale, pharyngée, œsophagienne.3
avec l’âge avancé et lors d’atteinte neurologique tant centrale
(AVC, syndrome parkinsonien, infirmité motrice cérébrale, La phase d’anticipation est celle où l’on choisit ce que l’on
traumatisme crânio-cérébral, sclérose en plaques, sclérose met dans la bouche. Celle-ci peut être altérée lors de troubles
latérale amyotrophique), que périphérique (paralysie faciale, cognitifs avec une prise inappropriée, en particulier trop im-
myopathie, syndrome de Guillain Barré). portante et / ou trop rapide.
Les conséquences peuvent être sévères avec un risque de La phase orale est préparatoire avec la formation d’un bolus
dénutrition et de déshydratation, de pneumonie d’aspiration, homogène puis bucco-pharyngée dans laquelle la langue va
voire d’asphyxie. envoyer le bolus vers l’arrière et déclencher le réflexe de
déglutition.
www.revmed.ch
2 mars 2016 467
B C
La fausse route peut être primaire, c’est-à-dire au moment de De très nombreux tests cliniques existent. Un des plus
la déglutition, ou secondaire, souvent due à un écoulement simples est le « Toronto bedside swallowing screening test »,3
passif depuis une zone de stase. qui a quatre items : altération des mouvements de la langue,
dysphonie avant, dysphonie après et toux après la déglutition
Les fausses routes arrivent si le réflexe n’a pas été déclenché de 50 ml d’eau. Testé sur 311 patients après AVC, il a une sen-
(écoulement passif) ou l’a été mais avec un retard, s’il existe sibilité estimée à 91,3 % et une valeur prédictive négative entre
une parésie avec défaut d’élévation du larynx, si le péristal- 89,5 et 93,3 %.
tisme est insuffisant ou encore en cas de dysfonction crico-
pharyngée (parésie spastique avec défaut d’ouverture). Une oxymétrie pendant le test de déglutition pourrait aug-
menter la sensibilité du screening clinique : une chute ≥ 2 % de
la saturation signant une fausse route avec bronchospasme
examen clinique réactionnel.4
Les éléments ci-dessous sont importants à examiner : Parfois cependant, seule la présence de pneumonies à répétition
• la vigilance ; doit faire suspecter la dysphagie.
• la capacité à tenir la position assise et la posture de la tête ;
• la respiration : présence d’un encombrement, capacité à
retenir la respiration ; examens paracliniques
• la possibilité de dérhumer (se racler la gorge et par vibra-
tion mobiliser la stase) et de tousser et l’efficacité de la En cas de doute sur la présence d’une dysphagie ou si une
toux ; question spécifique est posée, le gold standard est la vidéo-
• l’ouverture / la fermeture et la sensibilité labiale ; fluoroscopie (figure 3). Elle permet en effet de détecter les
• le mouvement du maxillaire inférieur, la présence ou fausses routes silencieuses et de tester les textures et les
l’absence de dents ou d’un dentier ; positions. En revanche, ce test court sous-estime la fatigabilité
• la motricité de la langue et la présence d’une xérostomie ou qui survient lors d’un repas.
d’une candidose ;
• la qualité de la voix : soufflée ou bitonale (signant une at- Une autre manière d’avoir une information sur l’anatomie et
teinte des cordes vocales), mouillée (présence de fausses le processus de déglutition est l’endoscopie par fibre optique,
routes) ; placée par le nez jusqu’à la base de la luette (figure 4).5
• la position de la luette, la sensibilité et la motricité du voile
(en demandant de faire un « ah » court répété) et la pré-
sence d’un éventuel « signe du rideau » pathognomonique prise en charge pratique
d’une lésion bulbaire (figure 2).
L’objectif est l’alimentation du patient, en diminuant le risque
Le réflexe nauséeux est peu utile car il n’est pas toujours de broncho-aspiration pour celui-ci et en respectant les apports
présent, même chez le sujet sain. D’autre part, quand il est caloriques et hydriques nécessaires.
présent, il ne signifie pas que la déglutition soit préservée.
Généralités
Il faut en revanche tester la déglutition elle-même, en observant
d’abord comment la personne gère sa salive puis avec de l’eau. Quelques adaptations sont utiles, comme l’évitement des dis-
On observe alors les mouvements de la langue, le délai entre tractions (repas dans un endroit calme) et l’installation du
WWW.REVMED.CH
468 2 mars 2016
Rééducation
La prise en charge logopédique est spécifique et organisée
en fonction de l’étiologie du trouble ainsi que du pronostic
d’évolution. Elle vise la compensation ou la restauration.
patient, de préférence assis en fauteuil, les deux pieds au sol, Bilan nutritionnel
la tête légèrement fléchie en avant. Cette posture protège
contre des fausses routes de façon mécanique, au moins dans Le bilan nutritionnel doit comprendre un bilan des prises per
une moitié des cas,6 le larynx étant « coiffé » par la langue. A os (hydrique et calorique) sur au moins deux jours entiers
contrario, une posture en extension favorise la fausse route ; consécutifs qui permettra de savoir s’il faut compléter les
les « canards » ou les verres peu remplis qui obligent à une apports par des suppléments nutritionnels oraux ou par une
extension de la tête sont ainsi à éviter et à remplacer par des nutrition entérale. Un suivi hebdomadaire du poids, de la
verres à encoche bien remplis (figure 5). préalbumine et de l’albumine est aussi indispensable.
Souvent, les premières bouchées s’effectuent sans peine, mais Traitements pharmacologiques
au cours du repas, avec la fatigue, les fausses routes sur-
viennent ; il faut donc surveiller et savoir interrompre le repas. Aucun traitement pharmacologique n’a fait réellement ses
Des soins de bouche après le repas sont à recommander. preuves en dehors du traitement de la candidose et du reflux
www.revmed.ch
2 mars 2016 469
Manœuvres
• Double déglutition
• Dérhumage suivi de déglutition à sec
• Déglutition « forcée »
• Déglutition « supraglottique » : inspirer-prendre bolus-avaler / expirer-tousser
• Remontée aidée du larynx
• Manœuvre de Mendelsohn
Travaux spécifiques
• Voile : répéter des séries de sons (ah, ka, lac, bac, sec…), siffler, soulever et
WWW.REVMED.CH
470 2 mars 2016
Implications pratiques d iagnostic tool is superior ? Curr Opin des troubles de la déglutition chez
Otolaryngol Head Neck Surg 2003;11: l’adulte : le point sur la prise en charge
485-9. fonctionnelle. Marseille : Solal, 2005:
Un dépistage d’un trouble de déglutition est possible de façon 6 Terré R, Mearin F. Effectiveness of 189-205.
clinique chin-down posture to prevent tracheal 11 Moerman MB. Cricopharyngeal
aspiration in dysphagia secondary to Botox injection : Indications and tech-
En cas de suspicion de fausses routes silencieuses ou d’une acquired brain injury. A videofluoro nique. Curr Opin Otolaryngol Head
autre question spécifique, une vidéofluoroscopie peut compléter scopy study. Neurogastroenterol Motil Neck Surg 2006;14:431.
le bilan 2012;24:414-9. 12 Park RH, Allison MC, Lang J, et al.
7 Hamdy S, Jilani S, Price V, et al. Randomised comparison of percutaneus
Quelques mesures simples sont à appliquer, dont un position- Modulation of human swallowing endoscopic gastrostomy and naso
nement correct et une adaptation des textures behaviour by thermal and chemical gastric tube feeding in patients with
stimulation in health ans after brain persisting neurological dysphagia. BMJ
La nécessité de la pose d’une alimentation entérale complé- injury. Neurogastroenterol Motil 1992;304:1406-9.
2003;15:69-77. 13 Shama L, Connor NP, Ciucci MR,
mentaire et ses modalités pratiques doit être examinée dans le
8 Horner J, Massey EW, Riski JE, McCulloch TM. Surgical treatment of
cadre d’une évaluation nutritionnelle Lathrop DL, Chase KN. Aspiration fol- dysphagia. Phys Med Rehabil Clin N Am
lowing stroke : Clinical correlates and 2008;19:817-35.
outcome. Neurology 1988;38:1359-62. 14 Von Wihl S, Bouayed S, Dulguerov P.
1 Lang IM. Brain stem control of the al. The Toronto bedside swallowing 9 * Wheeler-Hegland K, Ashford J, Chirurgie de la déglutition dans les
phases of swallowing. Dysphagia 2009; screening test. Stroke 2009;40: 555-61. Frymark T, et al. Evidence-based syste- traitements d’aspirations récidivantes.
24:333-48. 4 Collins MJ, Bakheit AM. Does pulse matic review : Oropharyngeal dysphagia Rev Med Suisse 2012;8:1854-8.
2 Hamdy S, Aziz Q, Rothwell JC, et al. oximetry reliably detect aspiration in behavioral treatments. Part II – Impact
Explaining orophryngeal dysphagia dysphagic stroke patients ? Stroke of dysphagia treatment on normal
after unilateral hemispheric stroke. 1997;28:1773-5. swallow function. J Rehabil Res Dev
Lancet 1997;350:686-92. 5 Langmore SE. Evaluation of 2009;2:185-94. * à lire
3 ** Martino R, Silver F, Teasell R, et oropharyngeal dysphagia : Which 10 Woisard V, Puech M. Réhabilitation ** à lire absolument
www.revmed.ch
2 mars 2016 471