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L’art de juger, de gouter et d’expliquer les œuvres

1- L’art de juger les œuvres :

En 1580 l’humaniste Scaliger s’appuie sur l’étymologie pour définir la critique


comme l’art de juger les qualités et les défauts des œuvres de l’esprit, le terme
français est en effet emprunté du latin kretucus qui provient du nom grec et
critika signifiant : distinguer, juger . Depuis le 16 ème siècle un grand nombre
de critiques donne la louange au l’éreintement en fonction de normes esthétiques
dominantes qu’ils ont plus ou moins intériorisé, voir personnaliser. Il est vrai
que publier c’est se soumettre aux jugements des lecteurs quel qu’ils soient, la
maxime de Gustave Lanson est indéniable « qui publie s’expose à la critique et
reconnait les lois de la critique » (manuel biblio de la littérature moderne 1913 ,
achet 1925) .

a- La critique à priori :

Lorsque ces lecteurs professionnels font reposer leur jugement sur un ensemble
de règles finies qu’ils tentent imposer leur violenté est de régir la création. Grâce
à ces qualités intellectuelles, le critique en qui Boileau voit « un senseur solide
et salutaire que la raison conduit et le savoir éclaire » (l’art poétique 1674), se
croit capable de guider les artistes au siècle des lumières, des fontaines exaltent
encore cette idéal de critique éclairée en défendant la supériorité sur l’écrivain,
celui que Baudelaire appelle « doctrine du Beau » (exposition universelle 1855)
rend ces arrêts au nom des règles 17, mais aussi du bon gout 18 , ou d’une
doctrine politique, morale voire religieuse (19 et 20), cette critique est
classificatrice, à chaque genre ses règles d’écriture, ses auteurs et ses œuvres
accèdent au statut de chef d’œuvre.
b- La critique à posteriori :

Cette critique se veut plus souple, plus subjective, plus relative, il s’agit de
théoriser ses impressions personnelles pour évaluer les qualités intrinsèques,
d’une œuvre et son originalité par rapport à son horizon social et culturel, c’est
la tache qu’assigne Michel Butor aux journalistes contemporains qui se doivent
être non des contrôleurs mais des prospecteurs.

2- L’art de gouter les œuvres :

C’est une critique qui se place du coté de la création , permet en partie de palier
les carences de la critique de jugement, au dogmatisme succède alors un certain
relativisme dont Rémy de Gourmont nous donne un exemple dans sa « préface «
L’art de juger, de gouter et d’expliquer les œuvres

au premier livre des masques 1987 « nous devons admettre autant d’esthétique
qu’il y a esprits originaux et les juger d’âpres ce qu’elles sont et non d’après ce
qu’elles ne sont pas » ce qu’on a appelé critique créatrice, se caractérise par la
prédominance chez celui qui se veut écrivain, à part entière. Ces mots clés sont :
liberté, créativité, relativité. Cette critique la, elle se peut subdiviser en critique
d’identification et en critique impressionniste.

3- L’art de gouter œuvre :


a- La critique d’identification :

La critique d’identification requiert toute la sympathie du commentateur, qui


doit d’abord chercher à s’effacer devant l’œuvre choisie, pour mieux
l’appréhender « l’identification est avant tout, un moyen de compréhension »
déclare George Poulet (les chemins actuels de la critique 1966), cette critique
intérieur ne repose que sur des choix personnels, et ne vise donc ni la vérité, ni
l’exhaustivité . « Cette effort ne peut pas aboutir à la saisie d’une vérité totale,
chaque lecture n’est jamais qu’un parcours sensible, et d’autres chemins restent
toujours ouverts » (poésie et profondeur, page 10). Le plaisir de lecture ne
résultant pas, ni d’un savoir, ni d’une méthode, Jean Pierre Richard refuse tout
ce qui est extérieur à une œuvre qu’il essaye de faire retenir en lui, de faire
sienne, afin d’assurer une harmonie entre le texte et son prolongement critique,
il va jusqu’à éliminer tout discours théorique, tout vocabulaire spécialisé.

b- La critique impressionniste :

Du moment que la critique se fonde sur l’expérience sensible de la lecture, le


critique devient professeur de plaisir, aussi plutôt que de le juger doit il
s’engager tout entier faisant part de ses impressions de lecture et de ses
difficultés. Il faut se borner à retranscrire ses propres impressions avant
d’examiner celles des auteurs.

4- La capacité d’expliquer les œuvre (la critique explicative) :

Elle s’oppose à la critique du gout, elle se fonde sur un savoir biographique, ou


historique (critique érudite), ou une méthode objective ( la critique formelle qui
s’appuie sur la linguistique, et la critique d’interprétation qui s’appuie sur la
philosophie, la sociologie et la psychanalyse)

Les deux types de la critique explicative : Barthes distingue les critiques


symboliques d’intention scientifique et les critiques d’interprétation esthétique.
L’art de juger, de gouter et d’expliquer les œuvres

Les premières forment un tout avec la critique érudite et la critique formelle,


dans le but est de comprendre l’œuvre grâce à des éléments externes (enquête
historique, influence littéraire ou psychanalytique) ou internes (les constituants
de discours) et d’en rendre compte au moyen d’un métadiscours transparent
objectif.

Quant aux deuxièmes, Barthes ne conçoit pas la critique comme un art de juger
ou une capacité de découvrir des vérités, mais comme une activité intellectuelle
qui engage profondément celui qui s’y adonne, ni dogmatique, ni scientifique.
Elle réside dans « le dialogue de deux histoires, et de deux subjectivités, celle
de l’auteur et celle du critique ». Néanmoins, « ce dialogue est égoïstement tout
entier déporté vers le présent : la critique n’est pas un hommage à la vérité du
passé, ou à la vérité de l’autre, elle est construction de l’intelligible de notre
temps » (Roland Barthes. qu’est ce que la critique. In Essais critique. P 257)

Construire l’intelligible présuppose que le critique ne se fige pas dans l’étude


admirative des chefs d’œuvres éternelles ou des auteurs de génie, mais
« dédouble les sens », fasse « flotter au dessus du premier langage de l’œuvre
un second langage, c'est-à-dire une cohérence de signes » (critique et vérité.
P64)

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