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En fait l’élément libérateur de l’opprimé, c’est le travail.

En ce sens c’est le travail qui est


d’abord révolutionnaire. Certes il est commandé et prend d’abord figure d’asservissement du
travailleur : il n’est pas vraisemblable que celui-ci, si on le lui eût imposé, eût choisi de faire
ce travail dans ces conditions et dans ce laps de temps pour ce salaire. Plus rigoureux que
le maître antique, le patron va jusqu’à déterminer à l’avance les gestes et les conduites du
travailleur. Il décompose l’acte de l’ouvrier en éléments, lui en ôte certains pour les faire
exécuter par d’autres ouvriers, réduit l’activité consciente et synthétique du travailleur à
n’être plus qu’une somme de gestes indéfiniment répétés. Ainsi tend-il à ravaler le travailleur
à l’état de pure et simple chose en assimilant ses conduites à des propriétés. Mais dans le
même temps, le travail offre une amorce de libération concrète, même dans ces cas
extrêmes, parce qu’il est d’abord négation de l’ordre contingent et capricieux qui est l’ordre
du maître. Au travail, l’opprimé n’a plus de souci de plaire au maître. Il échappe au monde
de la danse, de la politesse, de la cérémonie, de la psychologie : il n’a pas à deviner ce qui
se passe derrière les yeux du chef, il n’est plus à la merci d’une humeur : son travail, certes,
lui est imposé à l’origine et on lui en vole finalement le produit. Mais entre ces deux limites, il
lui confère la maîtrise sur les choses : le travailleur se saisit comme possibilité de faire varier
à l’infini la forme d’un objet matériel en agissant sur lui selon certaines règles universelles.
En d’autres termes, c’est le déterminisme de la matière qui lui offre la première image de sa
liberté.

Jean-Paul SARTRE, « Matérialisme et révolution », in Situations III, 1949

Explication linéaire

Ce texte de Jean Paul Sartre issu du paragraphe In Situations III de son ouvrage «
Matérialisme et révolution » publié en 1949, parle de comment le travail peut être à la fois
difficile et opprimant, mais aussi comment il peut donner aux gens du pouvoir et de la liberté
sur ce qu'ils font. C'est comme s'il disait que ,même si le travail peut être dur, il peut aussi
permettre aux gens de se sentir plus en contrôle de leur vie. L'auteur pense que même si le
travail peut parfois sembler nous contrôler et nous limiter, il peut aussi nous offrir une sorte
de liberté et de contrôle sur notre vie. Cela vient du fait que lorsque nous travaillons, nous
interagissons avec le monde autour de nous, ce qui peut nous donner un sentiment de
pouvoir et de maîtrise sur notre environnement. En effet, même si le travail peut être ardu, il
peut également nous donner un sentiment de liberté et d'épanouissement personnel. Le
problème que l'auteur cherche à résoudre est celui que beaucoup d'entre nous rencontrent
dans notre vie quotidienne au travail. Prenons l'exemple d'un ouvrier dans une usine: il se
trouve souvent dans une situation où il doit suivre des directives strictes de son supérieur,
accomplir des tâches répétitives et respecter des horaires précis. Cette expérience peut lui
donner l'impression d'être sous le contrôle de quelqu'un d'autre, limitant ainsi sa liberté
individuelle. Cependant, dans le même temps, cet ouvrier peut ressentir une satisfaction
personnelle lorsqu'il parvient à maîtriser son travail,à effectuer une tâche difficile avec un
maximum de rigueur, à finir son travail plus tôt, voire même en étant satisfait du résultat final
de son travail. Dans ces moments-là, le travail lui offre une forme de liberté d'expression et
de réalisation personnelle. Ainsi, l'auteur s'efforce d'expliquer cette dualité complexe entre la
perception de l'oppression dans le travail et les opportunités qu'il offre pour trouver une
certaine liberté et maîtrise dans nos vies professionnelles.C’est ainsi que nous nous
demanderons “Comment le travail peut-il être à la fois source d'oppression et de liberté pour
les travailleurs ?”. Nous verrons alors, a travers ce texte, comment le travail est utilisé
comme instrument d'oppression et d'asservissement (l.1 à l.8), puis comme échappatoire à
l'oppression sociale (l.9 à l.14) et enfin dans quelles mesures il est une voie vers la liberté
individuelle (l.14 à fin).

Au cours des premières lignes de son argumentation, Sartre expose son idée selon laquelle
le travail serait paradoxal: à la fois libérateur et asservissant pour ceux qui le pratique. Il
décrit d'abord le travail comme “libérateur de l'opprimé”, une expression par laquelle il sous
-entend que le travail serait une opportunité d'émancipation pour les opprimés qui sont ceux
étant soumis à des conditions de travail difficiles. Il entreprend son illustration en disant que
le travail prend d'abord “figure d'asservissement du travailleur”, en effet il explique que le
travailleur est soumis à des règles et des directives strictes qu'il doit respecter: cela, il le fait
pour un salaire, donc de le faire pendant tel temps et avec telles directives strictes, c’est non
pas pour le plaisir, mais en échange de quelque chose dont il a besoin, ce quelque chose
c'est son “salaire”. Satre, continue en expliquant que, les patrons, descendant des maîtres
antiques, de nos jours, profitent du pouvoir qu'il détiennent, celui de l'argent qui leur permet
d'asservir leurs travailleurs, pour décider dans les moindres détails “les gestes et les
conduites du travailleur”. Cette expression met en lumière la manière dont le travail peut
transformer l'activité consciente et synthétique du travailleur en une série de gestes
mécaniques et répétitifs. En d'autres termes, au lieu d'engager pleinement leur intellect et
leur intelligence
dans leur travail, les travailleurs sont réduits à simplement exécuter des tâches de manière
routinière et mécanique. L'utilisation du terme "activité consciente et synthétique" souligne
l'idée que le travailleur est capable d'engager son esprit de manière consciente et de
synthétiser différentes informations ou compétences pour accomplir une tâche. Cependant,
cette capacité est compromise lorsque le travail est organisé de manière à ce que le
travailleur doive simplement répéter des gestes prédéterminés, sans avoir à penser de
manière critique ou créative. En réduisant le travailleur à une "somme de gestes
indéfiniment répétés", Sartre critique la déshumanisation du travail qui transforme les
individus en simples exécutants de tâches. Cette répétition constante des mêmes gestes
limite non seulement l'épanouissement personnel du travailleur, mais peut également avoir
des implications sur sa santé mentale et physique, en contribuant à un sentiment de
déconnexion, d'ennui et d'aliénation au travail comme il illustre avec la formule “ ravaler le
travailleur à l’état de pure et simple chose en assimilant ses conduites à des propriétés”.

C’est ainsi que Sartre expose le travail comme un instrument d'oppression et


d'asservissement du travailleur par son patron, mais lui-même pense qu'il pourrait s'agir d'un
échappatoire à l'oppression sociale.

En effet, par la suite, Sartre commence par affirmer que le travail pourrait être vu comme
une “amorce de libération concrète”, cette formulation permet de mettre en évidence
l'implicite du travail par l'être humain: le travail même si initialement robotisé, divisé en
tâches précises et qui ne nécessitent que d'être reproduites sans réfléchir et sans même
penser, c'est cette “automatisation qui n'a pas entraîné de libération du travail”, comme
l'explique Hannah Arendt dans son ouvrage. Ce que pointe Arendt c’est que on ne peut
trouver du travail qu’à condition de se comporter en machine. Si le travail automatisé n'a pas
libéré l'homme du travail c'est parce que l'homme vit dans l'absence de pensée. Cela peut
être mis en analogie avec le texte de Sartre, qui, après avoir dénoncé la robotisation du
travail, et l'oppression ainsi que l'asservissement des travailleurs à leurs patrons dans la
première partie, il explique qu'à l'aide de la pensée, ces meme travailleurs peuvent utiliser le
travail comme un échappatoire à l'oppression sociale. Par la suite, en qualifiant le travail de
"négation de l'ordre contingent et capricieux", l'auteur souligne que le simple fait de
s'engager dans une activité productive et régulière représente un défi à l'autorité arbitraire
du maître. Le travailleur s'affirme ainsi comme une personne capable d'agir selon ses
propres valeurs et de contribuer à la création d'une vie plus stable et prévisible.Le fait de
travailler représente une forme de résistance ou de refus envers un système de pouvoir où
les décisions et les règles sont dictées de manière arbitraire et souvent changeante: donc
une forme de liberté. Ensuite l’auteur, explique que le travailleur, a son poste, a comme
seule préoccupation les tâches qu'il doit accomplir avant la fin de sa journée de travail et non
pas de “plaire au maître”, l’homme n’est donc utilisé que pour sa fonction de travailleur, et
non pas son intelligence qui lui permet de se différencier d'un animal ou d'un robot. Ici,
Sartre souligne, que le travailleur qui n'est utilisé que pour sa fonction, quant à faire, doit
faire usage de intelligence de laquelle il est doté pour inverser le rôle du travail à son
avantage, et le percevoir non pas comme une corvée qu'il doit accomplir pour subvenir à ses
besoins mais comme un échappatoire de ses pensées comme le dit Sartre avec la formule
“Il échappe au monde de la danse, de la politesse, de la cérémonie, de la psychologie”. De
cette façon, en pensant de telle manière, en utilisant pleinement le fruit de son intelligence,
le travailleur se permet alors de devenir plus libre, de sechappeer de la du vice du travail.
Lorsque Sartre dit “son travail, certes, lui est imposé à l’origine et on lui en vole finalement le
produit.”, il explique que au final, le travail que le travailleur fournit, il ne le fournit pas pour
lui, le fruit de ce travail, ne lui apporte pas satisfaction à lui mais à son patron, alors autant
détourner la routine, user son intelligence pour se satisfaire soi même, quitte à satisfaire les
autres.

Maintenant que nous avons exploré comment le patron décompose l'acte de travail,
voyons comment cela affecte directement le statut et la perception du travailleur.

Néanmoins, Sartre explique que son paradoxe se trouve aux deux opposés et que ses
deux arguments ne sont autres que les limites de sa thèse et que le parfait équilibre entre
ces deux limites est “la maîtrise des choses”. Quand Sartre dit “le travailleur se saisit comme
possibilité de faire varier à l’infini la forme d’un objet matériel en agissant sur lui selon
certaines règles universelles.”, il exprime la capacité du travailleur à utiliser son intelligence
et ses compétences pour transformer un objet matériel de manière illimitée, en suivant des
principes universels. En d'autres termes, elle souligne comment le travailleur peut donner
forme à la matière selon ses propres idées, tout en respectant les lois fondamentales qui
gouvernent le monde physique. Par exemple, un artiste peut utiliser différentes techniques
pour sculpter une statue à partir d'un bloc de pierre, en appliquant des principes de dart et
de mathématiques pour créer une œuvre d'art harmonieuse. De même, un ingénieur peut
concevoir et construire des structures variées en utilisant des principes de physique et de
mathématiques pour assurer leur stabilité et leur fonctionnement efficace. Ainsi, cette
formule met en avant la créativité et l'ingéniosité du travailleur, qui lui permettent de façonner
le monde qui l'entoure en harmonie avec les lois universelles de la nature. Enfin, la dernière
phrase de l'argumentation de Sartre” En d’autres termes, c’est le déterminisme de la matière
qui lui offre la première image de sa liberté.” suggère que la liberté du travailleur vient du fait
qu'il peut agir sur la matière et la transformer selon ses propres idées, en suivant les règles
universelles de la nature. En d'autres termes, elle dit que le travailleur se sent libre lorsqu'il
peut façonner le monde qui l'entoure selon sa volonté. Cependant, cette idée peut être
critiquée selon la théorie de Marx. Selon Marx, les travailleurs dans les sociétés capitalistes
ne sont pas vraiment libres car ils sont exploités par les propriétaires des moyens de
production. Ils n'ont pas le contrôle sur leur travail ou sur les produits de leur travail. Ainsi, la
liberté du travailleur est limitée par les structures économiques et sociales du capitalisme.

En résumé, le texte de Sartre illustre comment le travail peut être à la fois une source
d'oppression et une voie vers la liberté. Il met en lumière le dilemme complexe auquel sont
confrontés les travailleurs, tout en offrant une réflexion sur la manière dont le travail peut
être perçu comme une forme d'émancipation individuelle malgré les contraintes sociales.
Cependant, cette perspective optimiste est tempérée par la réalité des structures
économiques et sociales qui limitent la liberté des travailleurs dans les sociétés capitalistes.

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