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Alchimie et psychothérapie – Les sept

opérations

De notre confrère patrickbertoliatti.com

Il est habituel de distinguer en quatre phases (nigredo, albedo, citinitas et rubedo) les
procédures chimiques qui devaient transformer la matière première en Pierre des
Philosophes. Toutefois, une autre description les décrit au moyen d’opérations. On
présente ci-après succinctement les sept opérations majeures et leurs parallèles
psychologiques.

Calcinatio – Brûler les fausses identifications

L’élément de la calcinatio est le Feu. La calcinatio consistait à réduire par le feu la substance
travaillée jusqu’à ce qu’elle soit réduite en une cendre ou une fine poudre blanche. C’est
pourquoi le feu de la calcinatio était dit être un feu qui blanchit. Ce feu s’applique à tout ce
qui, mêlé d’ombre, consume sous forme de désir, de jalousie, de passion, de colère…
La calcinatio opère un processus d’assèchement des fausses identifications aux énergies de la
psyché qui apparaissent au cours du processus. Celles-ci étant en effet immédiatement
exprimées comme autant de revendications propres à l’ego. La calcinatio immunise face aux
affects et la tranquillité qu’elle installe permet progressivement de trouver sa juste place en
regard de la place centrale du Soi. Le contrôle de soi qui accompagne ce mouvement devient
une habitude, une Pierre, et permet en conséquence au feu de la conscience de devenir
créateur.

Solutio – Dissoudre les rigidités

Par la solutio qui a pour élément l’Eau, la matière était liquéfiée jusqu’à son origine
indifférenciée. Cette liquéfaction devait permettre l’émergence d’une forme nouvelle.
La solutio dissout les aspects de la personnalité qui bloquent le processus d’individuation. Son
danger est qu’elle peut amorcer une régression vers l’inconscient. L’amour et la luxure par
exemple sont dits être deux de ses agents. Or, si l’éros peut adoucir certains problèmes, la
luxure peut entraîner une fragmentation de soi. De même, ce qui a un caractère englobant la
favorise. Mais si un point de vue élargi permet de dissoudre certains problèmes, il peut aussi
les rendre inconscients.

Enfin, un autre des agents de la solutio était la Lune, considérée comme source de la rosée. La
rosée correspond à la récupération des sentiments prisonniers de l’intellect. Une telle
récupération peut permettre de résoudre certains problèmes d’ordre psychologiques, à
condition de ne pas s’y noyer. La solutio est alors un passage de la Mer Rouge, forme liquide
de la Pierre, eau baptismale qui relie au Soi et dissout ce qui n’y est pas ordonné.

Coagulatio – Incarner la relation au Soi


La coagulatio renvoie à la réalisation, la concrétisation, l’incarnation de contenus
inconscients. Son élément est la Terre. Selon certains textes alchimiques, il s’agissait de
coaguler du vif-argent avec de la magnésie, du plomb ou du soufre. Ce qui peut correspondre
à la connexion du Soi avec la réalité ordinaire (la magnésie, minerai brut), les limitations de la
personnalité (le plomb), et le désir (le soufre).

Mise en lien avec la chute de l’âme la coagulatio implique l’intégration de l’ombre, de ce qui
dévie de/du Soi. Mais associée à la Lune (principe féminin de relation selon Jung) elle
implique la relation au Soi via son influence dans les archétypes parentaux, les images de
rêves etc… Son symbole majeur est l’incarnation du Logos, le Christ. Et vue sous cet angle,
l’Eucharistie signifie alors l’incarnation de la relation de l’ego au Soi, le symbolisme de
la coagulatio devenant celui de l’individuation.

Sublimatio – Réaliser le Soi

L’air est l’élément de la sublimatio, qui était un processus d’élévation portant une substance à
une forme élevée, plus spirituelle. Il était ainsi censé la rendre plus parfaite. Au sens freudien,
la sublimation est la capacité d’échanger un but à l’origine sexuel contre un autre, qui n’est
plus sexuel, mais psychiquement apparenté avec le premier. Tout au contraire, la sublimatio,
ne se limite pas au plan sexuel. Elle est la capacité de donner place à un état psychique sans
s’identifier avec lui. Elle a pour agent la raison qui permet de devenir spectateur en reflet de
soi, de se dissocier. Aussi, son danger est que si la capacité de mise à distance de soi par
dissociation peut être source de conscience de soi, elle peut aussi être cause de maladie
mentale.

Les textes alchimiques parlent de deux sublimatio. La petite sublimatio, toujours suivie d’une
descente, correspond à l’état de quelqu’un qui n’est plus enraciné, et qui nécessite une
« remise des pieds sur terre ». La grande sublimatio correspond à la réalisation de la totalité
de soi en relation au Soi, et est le produit psychologique du processus d’individuation.

Circulatio – Un processus circulaire

La circulatio n’est pas à proprement parler une opération alchimique. Elle est un aspect du
processus qui résulte des mouvements alternés de coagulatio et de sublimatio. On la trouve
représentée dans l’imagerie alchimique par un oiseau qui monte alors qu’un autre descend. Le
premier représente le passage du temporel à l’éternel, le second représente un contenu
archétypal qui se personnalise. Elle correspond à la sensation de l’aspect répétitif du travail au
cours du processus d’individuation.

Avec le temps, on finit par avoir l’impression que l’on repasse sans cesse en boucle sur les
mêmes aspects contradictoires de soi-même. Puis graduellement, cette répétition entraîne
l’apparition d’une sensation de suspension entre les opposés, expérimentée comme
l’apparition d’un point central dont ces opposés constituent les deux faces. Et finalement, ce
point de conjonction des opposés est expérimenté comme point de connexion entre la psyché
personnelle et la psyché archétypale.

Mortificatio et Putrefactio – Voir le processus pour y naître

Mortificatio et putrefactio renvoient à la mort, la pénitence, l’ascétisme, la pourriture, le


démembrement, la mutilation, à la noirceur, et finalement au meurtre d’une personnification
de la materia prima. Les images associées renvoient à la nécessité de la mort à un égo-
centrage. Par exemple, celles du sacrifice de l’enfant et des semailles de l’or renvoient à la
nécessité paradoxale de mourir à l’attrait de certaines prises de conscience pour accéder à la
totalité de soi. Celles du dialogue avec une tête de mort et de la décapitation, à l’apparition de
réflexions sur la mort, la vie et l’éternité… qui ne doivent pas se transformer en cogitations
excessives…

Le meurtre renvoie à la Passion. Il s’agit d’accepter de voir que c’est le Soi qui est torturé,
meurt et dans les expériences d’échecs imposées par la vie, avant de ressusciter. L’expérience
acceptée de la noirceur entraîne la constellation de son contraire dans l’inconscient, la
blancheur… La Passion n’est entière qu’avec la Résurrection.

Separatio – Se différencier pour être Soi

La materia prima, faite de composants indifférenciés, était soumise à separatio.


Psychologiquement, l’opération correspond aux différentiations sujet-objet, soi-autre,
symbolique-concret… Différentiations qui ouvrent l’espace de la conscience entre les
opposés. On ne devient conscient qu’à la hauteur de sa propre capacité à les contenir et les
endurer.

La separatio peut aussi correspondre à une différenciation des quatre fonctions que sont la
pensée, l’intuition, le sentiment et la sensation. Elle peut devenir destructive, par exemple lors
d’une analyse se transformant en une interminable dissection de soi. Où encore être source de
conflit, par exemple lorsque l’influence du Soi tranche dans une attitude fusionnelle. Et elle
intervient finalement dans tout processus de séparation où sont mises à l’épreuve les
identifications à l’autre qui intégraient par projection la relation inconsciente de l’ego au Soi.
Ce qui peut conduire, dans le meilleur des cas, à une croissance de la relation à celui-ci.

Coniunctio – De la mort à l’amour

Une fois que les complexes inconscients, posés comme opposés, ont été purifiés de leur
contamination de l’un par l’autre par separatio, ils peuvent être réconciliés dans la coniunctio,
qui est le but de l’Œuvre. On distingue une petite coniunctio et une grande coniunctio. Mais
en pratique, l’expérience de la coniunctio mêle toujours ces deux aspects.

LA PETITE CONIUNCTIO

La petite conjunctio opère l’union de substances qui n’ont pas été complètement discriminées.
Elle produit une mixture contaminée qui sera sujette à d’autres procédures. On la trouve
imagée par un personnage estropié ou des images de fragmentation qui montrent sa
dangerosité. Car qui veut trop rapidement embrasser l’inconscient est menacé de destruction.
Cela dit, la coniunctio conduit sans cesse à l’expérience de la mort. Et ceci, jusqu’à ce que
l’ego cesse de s’identifier avec les contenus qui émergent de l’inconscient, et que ces
contenus aient été transformés en conscience du processus. Une conscience qui a la saveur
douce-amère du désir frustré mêlé de compréhension.

LA GRANDE CONIUNCTIO

La grande conjunctio est le but final de l’Œuvre. C’est l’obtention de la Pierre Philosophale,
expression qui renvoie à l’union des opposés entre l’amour de la sagesse et la réalité
matérielle. Le Soi libère en unifiant et réconciliant les opposés en un point qui permet de les
expérimenter conjointement. L’ego de son côté porte la responsabilité de provoquer cette
union en contenant les opposés jusqu’à en être crucifié.

Beaucoup d’images médiévales représentent la Crucifixion comme la coniunctio, mais elle est
aussi représentée comme l’union du Soleil et de la Lune. Ainsi, l’amour se retrouve à la
croisée de la souffrance et de la joie, dans une sagesse au-delà de tout savoir. De sorte que
tout ce qui a relation à l’amour appartient à la phénoménologie de la coniunctio. L’amour, qui
semble à la fois cause et effet de lui-même, comme le Soi est à la fois l’origine et le terme du
processus d’individuation.

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