DIMANCHE 31 DÉCEMBRE 2023 N° 4016 2,20 € (2,40 € Avec Version Femina) www.lejdd.

fr

Thérèse Hargot ÉLECTIONS Sofia

Une sexologue EUROPÉENNES Coppola
contre les discours VERS UN BIG BANG Confidences
POLITIQUE ?

DDP IMAGES/ABACA
conformistes
EMMA RODRIGUES

d’une réalisatrice
Pages 34-35 Pages 12-13 engagée Pages 38-39
PHILIPPE DE VILLIERS, SON HOMMAGE AU PENSEUR DISPARU PATRICK BUISSON Page 33

JEAN-JACQUES GOLDMAN (1er), FLORENT PAGNY (2e), OMAR SY (4e),

VIANNEY (5e) , SOPHIE MARCEAU (15e)…

Découvrez les personnalités

préférées des Français

TOP 50
 EXCLUSIF
Le baromètre
2023
 TENDANCES
STEPHANE CARDINALE ; JM HAEDRICH/SIPA ; MAXPPP ; MARC PIASECKI ; BEATRIZ VELASCO

Ceux qui chutent,

ceux qui montent
 RÉACTIONS
Vianney,
Antoine Dupont,
Karine
Le Marchand,
Grand Corps
Malade…

France métropolitaine : 2,20 € / BEL : 2,40 € / CH : 3,70 FS / DOM : 3,20 € / REU : 3,20 € / ESP : 2,80 € / LUX : 2,40 € / MAR : 27 MAD / PORT cont. : 3,20 € / TUN : 9 DIN
 4 LE JOURNAL DU DIMANCHE DIMANCHE 31 DÉCEMBRE 2023

L’événement

Artistes, sportifs, politiques...

Le verdict des Français

EXCLUSIF Pour « C’était un rugbyman, habile de ses deux pieds/
Dans le vestiaire loué, pour son humilité/
sa 35e édition, le Il faisait des percées, des crochets, des coups de pied/
baromètre Ifop/JDD De telles envolées qu’il nous faisait rêver/
des 50 personnalités Il entraînait les siens, sans orgueil et sans peur/
Ainsi guidant les Bleus en y mettant du cœur/
préférées des Français Et même dans la défaite et sans penser à lui/
révèle la percée Toujours levant la tête, on pouvait dire de lui/
de nouveaux visages Il changeait la vie ! »
Antoine Dupont méritait bien qu’on ajoute un
couplet au tube du roi Goldman pour saluer son
SUCCESSION entrée fracassante dans le classement des 50 per-
Indétrônable, sonnalités préférées des Français. Il déboule à la
38e place dans un contexte où les stars du football
Jean-Jacques Goldman ont moins la cote. Comme si les valeurs du rugby
a un successeur en la – collectif, solidarité, humilité – séduisaient des
personne de Vianney, Français agacés par les caprices d’un Mbappé qui a
passé l’été à se faire prier pour rester au PSG. Sans
plébiscité pour ses oublier son tweet en hommage à Nahel, « petit ange
mélodies légères parti beaucoup trop tôt », tué par le tir d’un policier
sur un refus d’obtempérer, qui a fortement abîmé
son image auprès des plus âgés. Le petit prince
du parc dévisse de la 4e à la 22e place.
Sans surprise, Jean-Jacques Goldman continue,
lui, de marcher seul à la première place pour la
7e année d’affilée. Vivant reclus à l’écart du show-
biz, après avoir lâché les Enfoirés en 2013, Gold-
man, le boy next door, ne se montre que rarement
en public. Si vous voulez l’apercevoir, votre seule
chance est de réserver dès maintenant pour le
Club Med de Serre-Chevalier où il passe tous
ses étés, au milieu des vacanciers lambda. Avec
ses treize titres de personnalité préférée des
Français, JJG décroche sa statue au panthéon
du baromètre, aux côtés de l’abbé Pierre et du
commandant Cousteau, seules personnalités à
avoir cumulé plus de sacres que lui.
Autre chanteur populaire, Florent Pagny
complète le duo de tête. Lui qui accompagne les
Français depuis près de quarante ans, chantant
tout et n’importe quoi. Les instants de bonheur,
les épreuves de la vie, comme ce cancer du pou-
mon qu’il affronte dignement, publiquement,
sans céder à la peur, touchant les Français au
cœur. Enfin, sur la troisième place, un aventurier
au visage d’ange : l’astronaute Thomas Pesquet chais (47e) fermant la marche. Trente-cinq ans
incarne, pour les Français de tous âges, la réussite, plus tard, un seul se classe parmi l’élite pour sa
le dépassement et la démonstration, pour les plus première nomination, directement à la 30e place :
jeunes, qu’on peut atteindre son rêve. Jordan Bardella. « Du jamais-vu », commente
Déjà cinq récompensés cités, et pas une femme ! Frédéric Dabi, patron de l’Ifop. Autre politique
La mieux classée, Sophie Marceau pointe à la symbole de la soif de renouvellement des Fran-
15e place. Star « familière », que l’on a vu grandir çais, Gabriel Attal passe de la 104e à la 57e place,
de film en film depuis La Boum en 1980. L’éternelle devant Édouard Philippe et Emmanuel Macron.
Vic, adolescente amoureuse, semble traverser le Enfin, si l’on regarde dans le détail les progres-
temps avec toujours le même sourire éclatant et sions les plus significatives, on s’aperçoit que les
ce regard facétieux qui séduit tant les Français. Français plébiscitent les artistes, ceux qui les
À l’évidence, il faut être plus qu’une héroïne, divertissent et leur permettent d’échapper à une
une icône, comme Simone Veil, une sainte, comme actualité particulièrement conflictuelle et anxio-
sœur Emmanuelle, pour qu’une femme coiffe les gène. Franck Dubosc passe ainsi de la 59e à la 36e
hommes de ce prestigieux inventaire. Elles ne place, Jean Dujardin, de la 31e à la 12e place. Du
sont que dix-huit à figurer dans le Top 50, toutes côté des chanteurs, Vianney s’impose comme le
actrices ou chanteuses – à l’exception d’Évelyne chanteur le plus populaire derrière Goldman et
Dhéliat (46e). Virginie Efira enregistre la plus forte Pagny, en se rapprochant du podium, à la 5e place.
progression de la 47e à la 24e place, une juste recon- « Une progression monstrueuse », reconnaît Dabi
naissance. Belge, Efira a acquis le statut d’étoile du qui décèle dans ce personnage « le visage de la
cinéma français, cinq fois nominée aux César, et simplicité, de la proximité. Vianney n’est pas un
consacrée (enfin), pour son rôle dans Revoir Paris. monstre sacré, il est l’incarnation de la gentillesse
Plus loin en remontant au-delà de la 50e place, et de la générosité, à l’image de sa participation
la Première dame Brigitte Macron gagne dix au Téléthon ». En passe de devenir le nouveau
places au 84e rang, quand son président de mari patron de la chanson française, Vianney, que tous
recule de la 35e à la 63e place. Les politiques, et les artistes s’arrachent pour enregistrer un duo
c’est une tendance lourde, ne font pas rêver les avec lui, rappelle un certain Jean-Jacques Gold-
foules. En 1988, dans le premier baromètre Ifop/ man auquel les Français cherchent toujours un
JDD, le président François Mitterrand se classait successeur… g
3e ! Tapie était 10e, Barre 11e, Chirac 13e… Ils étaient
quatorze à intégrer le Top 50, Le Pen (43e) et Mar- ANTONIN ANDRÉ
COMMENT LES FRANÇAIS FONT-ILS LEUR CHOIX ?
Depuis 1988, la méthode est la même. L’Ifop et le JDD sélectionnent entre 90 et 110 personnalités
parmi les plus identifiées dans leur domaine (politique, sport, arts, sciences…) pour les soumettre
à un échantillon d’un peu plus de 1 000 citoyens représentatifs de la population, âgés de plus de
15 ans. D’une année sur l’autre, les 45 premiers du classement sont systématiquement conservés,
la rédaction du JDD et l’Ifop complètent la liste en tenant compte de l’actualité et des événements
qui ont marqué l’année. Pour cette édition, nous avons choisi de nous limiter à 93 personnalités.
Chaque participant à cette étude qui s’est déroulée du 14 au 18 décembre 2023 sélectionne une liste
de ses dix personnalités préférées, la compilation de ces « nominés » permet d’établir un baromètre
qui reflète les choix et aspirations de la société tout entière. g A. A.

LONGÉVITÉ Pour la septième fois d’affilée,

la star prend la tête de notre classement.
Un triomphe
Voilà un classement au sommet
duquel il marche bien seul… Depuis
2017, année à partir de laquelle le
JDD n’a publié qu’un seul classe-
ment par an (contre deux, voire
quatre auparavant), Jean-Jacques
Goldman règne sans partage. Si
la valse de ses dauphins évolue
au gré de l’actualité – Thomas
Pesquet l’an dernier, aujourd’hui
Florent Pagny –, lui reste indé-
trônable. Et sans cet interlude
de 2016, qui vit l’acteur Omar Sy
triompher l’espace d’une année,
JJG aurait pu être sacré quinze
fois d’affilée. Puisqu’entre juil-
let 2013 et décembre 2015, l’artiste
Goldman avait trusté la première place de
ce Top 50 six fois de suite. Avec
treize titres, il dépasse ainsi Yan-
tête de notre palmarès (20). Pré-
cisons que l’ensemble des consé-
crations de l’explorateur l’ont été
à une époque où notre journal
publiait jusqu’à quatre sondages
par an. Traduction : ses 20 cou-
ronnes sont disséminées sur sept
années civiles (essentiellement
entre 1988 et 1993), là où celles de
JJG le sont sur une décennie. En
d’autres termes, la longévité de la
popularité de Goldman est sans
pareille. À son grand dam d’ail-
leurs. Lui qui a coupé le courant
depuis plus de vingt ans. D’abord
en renonçant à la scène et à sa car-
rière, puis en quittant les Enfoirés
(en 2016), dont il était l’indispen-
sable boussole. Préférant depuis
consacrer son temps à Nathalie,

Toujours premier… nick Noah (11), talonne l’abbé

Pierre (16), symbole autrefois
sa seconde épouse, et à leurs trois
filles Maya (19 ans), Kimi (18 ans)
MAXPPP

intouchable, mais reste encore et Rose (16 ans), avec qui il vit entre
loin du commandant Cousteau, en Londres et Marseille.
DIMANCHE 31 DÉCEMBRE 2023 LE JOURNAL DU DIMANCHE 5

Le Top 50 des personnalités préférées des Français en 2023

DÉCEMBRE DÉCEMBRE NOMS DES PERSONNALITÉS
2023 2022
1 1 Jean-Jacques Goldman
2 6 Florent Pagny (+4)
3 2 Thomas Pesquet (-1)
4 3 Omar Sy (-1)
5 19 Vianney (+14)
6 5 Soprano (-1)
7 12 Francis Cabrel (+5)
8 8 Grand Corps Malade (=)

JULIEN DE ROSA/AFP
9 21 Dany Boon (+12)
10 7 Philippe Etchebest (-3)
11 14 Jean Reno (+3)
Jean Dujardin (+19)
Florent Pagny 12
13
31
10 Michel Sardou (-3)

La voix de la guérison
PODIUM Signe d’un
attachement du public,
le chanteur se
classe deuxième
Depuis bientôt quarante-cinq
ans, alors que, barman aux Halles,
Dominique Besnehard lui promet-
tait une carrière de jeune premier,
Florent Pagny n’aura cessé de nous
faire le grand huit. Comédien aux
participations choisies (L’As des
as avec Belmondo, L’Inspecteur
la Bavure avec Coluche), mais
trop anecdotiques pour ancrer
une carrière, Florent Pagny finit
par s’imposer dans la chanson.
À 27 ans, produit par Gérard
Louvin, il se hisse au sommet des
ventes avec sa chanson N’importe
quoi (1988). Il en a écrit les paroles
et la musique. Le soufflé retombe.
Mais, après une première traversée
du désert au début des années 1990,
le chanteur connaît une renais-
sance artistique en confiant son
destin aux mains du maître :
Jean-Jacques Goldman lui écrit
Si tu veux m’essayer, prémices d’un
retour en grâce certifié par le tube
Une retraite qui en fait désormais
une sorte de héros malgré lui d’une
France en mal d’icônes. Car domi-
ner notre classement des person-
nalités l’embarrasse. Trop humble
pour savourer un tel honneur. Une
hyperstar autant qu’une antis-
tar murée dans un silence quasi
absolu qui exècre les hommages.
Comme au mois d’août dernier,
lorsque l’historien Ivan Jablonka
décryptait le mythe à travers une
énième biographie. « Je suis triste
pour tous les gens qui se font duper
en achetant ces livres qui parlent de
moi », regrettait-il dans une raris-
sime sortie médiatique. Voilà tout
le paradoxe. Cette aversion pour la
lumière comme pour les paillettes
encourage sa légende… En consti-
tuant finalement l’un des carbu-
rants principaux d’une notoriété
qu’il subit, mais qui ne s’est jamais
démentie. Car les Français l’aiment
pour sa discrétion. Pour sa pudeur,
pour ses engagements (Les Res-
tos du Cœur, Sidaction…). Peut-
être aussi pour ce nom, devenu
une marque, que ses enfants font
14
15
13
28
Cyril Lignac (-1)
Sophie Marceau (+13)
16 15 Zinédine Zidane (-1)
et l’album du même nom Bienvenue de Art Mengo (Les Parfums de sa
chez moi en 1995. Dès lors, Florent vie) dans son album RéCréation. Le 17 24 Teddy Riner (+7)
Pagny se réinventera, jusqu’à sa public répond présent puisque la
voix avec le Caruso de Lucio Dalla. franchise n’obéit chez cet artiste 18 32 Karine Le Marchand (+14)
Retour à la chanson de variété avec qu’à une règle, déboulonner les
l’une de ses collaborations les plus statues du snobisme. Il se moque 19 54 Alexandra Lamy (+35)
fructueuses : le tandem Lionel des niches et des chapelles.
Florence-Pascal Obispo lui per- L’année 2023 aura curieusement 20 25 Renaud (+5)
met en 1997 de mettre le public à récompensé ce parcours, de loin
genoux. Le tube Savoir aimer lui erratique, mais d’une grande cohé- 21 27 Alain Chabat (+6)
permet de doubler le Taulier alors rence quand on y regarde de plus
près. Curieusement, car le public 22 4 Kylian MBappé (-18)
sait depuis janvier 2022 que le juré
Finalement, de l’émission The Voice souffre
23 17 Julien Doré (-6)
d’un cancer du poumon. Il remonte Virginie Efira (+23)
le phénix, c’est lui la pente, puis rechute. On le croit
24 47
proche du trépas et il renaît. Fina- 25 34 Kad Merad (+9)
lement, le phénix c’est lui. Alors,
que Johnny a confié les rênes de quand Florent Pagny se livre dans 26 11 Antoine Griezmann (-15)
son renouveau artistique au même une autobiographie, Pagny par
Obispo. Florent Pagny peut alors Florent (Fayard), c’est un des plus 27 16 Stéphane Plaza (-11)
explorer tous les genres avec une gros succès de librairie de l’année.
aisance artistique qui n’a d’égale L’album qui suit confirme cet atta- 28 26 Stéphane Bern (-2)
que sa liberté de parole. Les impôts chement du public : en vingt duos,
lui tombent dessus ? Il nargue l’ad- l’album 2bis rend hommage à Brel 29 44 Alain Souchon (+15)
ministration fiscale en mettant ses ou Bécaud (Vesoul, Et maintenant)
retards d’impôts en musique. Pas et Claude François (Comme d’habi- 30 (-) Jordan Bardella
bête : Ma liberté de penser (2003), tude). Florent Pagny est une voix
en tournant en boucle sur les qui réconcilie une société fracturée 31 30 Mylène Farmer (-1)
radios, l’aide à se remettre à flot. de toutes parts. g
Mais, déjà, il change de répertoire, 32 64 Valérie Lemercier (+32)
place Léo Ferré (Jolie Môme) à côté LUDOVIC PERRIN
33 37 Gad Elmaleh (+4)
34 20 Florence Foresti (-14)
à leur tour rayonner. Caroline d’un signe. Depuis, Goldman fait 35 39 Audrey Fleurot (+4)
(48 ans), célèbre psychothéra- danser nos campings, nos bals de
peute et écrivain à succès, mais village et nos fins de soirées. Hier 36 59 Franck Dubosc (+23)
surtout Michaël (44 ans). D’abord comme qu’aujourd’hui et sans
connu pour avoir révolutionné le aucun doute demain. Indémo-
37 22 Jean-Luc Reichmann (-15)
commerce des maisons de disques dable, autant que le public qu’il a 38 (-) Antoine Dupont
en fondant My Major Company quitté reste inconsolable. D’autant
plus qu’un retour à 72 ans apparaît 39 38 Louane (-1)
bien hypothétique. Improbable
Une sorte même, disons-le. Mais il écrit tou- 40 40 Christian Clavier (=)
jours et « offre » parfois ses talents
de héros malgré à ceux qui l’inspirent. Comme l’an 41 68 Zazie (+27)
lui d’une France dernier au groupe Trois Cafés
gourmands, avec ce titre intitulé 42 57 Nolwenn Leroy (+15)
en mal d’icônes Quand ? ou plus récemment au
violoncelliste Gautier Capuçon 43 55 Vanessa Paradis (+12)
par cette chanson baptisée Pense à
en 2007, il est depuis deux saisons nous. Dans quelques semaines, son 44 33 Françoise Hardy (-11)
le directeur de la nouvelle Star vieux copain Jean Bender, membre
Academy, sur TF1. de son premier groupe au lycée, 45 45 Josiane Balasko (=)
Mais si les Français plébis- exhumera même des textes écrits
citent tant Goldman, c’est avant par la plume de JJG il y a plus de 46 66 Évelyne Dhéliat (+20)
tout pour son œuvre. Environ quarante ans, dans un album qu’il
trois cents chansons écrites et chantera. Une maigre consolation 47 29 Mimie Mathy (-18)
composées, pour lui ou pour tant pour ses fans, certes, mais une ligne
d’autres (Johnny, Céline Dion…) de plus à une légende qui continue 48 9 Olivier Giroud (-39)
et près de 30 millions de disques de s’écrire, encore et encore… g
vendus depuis 1981 et la sortie de 49 41 Faustine Bollaert (-8)
son premier grand tube, Il suffira ANTOINE LEROY
50 63 Marion Cotillard (+13)
 6 LE JOURNAL DU DIMANCHE DIMANCHE 31 DÉCEMBRE 2023

L’événement

Vianney
« Rien ne me touche
davantage ! »
SURPRISE Le chanteur réalise
un bond de douze places
et s’installe – pour longtemps ? –
dans le Top 5. Sa réaction
« Je fais les choses par amour de la musique
et des gens, non celui des lauriers. Mais rien
ne me touche plus que d’occuper une telle
place dans le cœur des Français… Je ne veux
pas m’en enorgueillir, mais les en remercier,
chaque jour ! » Joint par le JDD pour réagir à
son classement, le chanteur ne surprend ni par
sa modestie ni par son enthousiasme. Gendre
idéal, souriant, poli, généreux, déjà installé à
la 19e place de notre baromètre il y a un an, le
voilà qui tutoie les hauteurs aux côtés de ses
copains Soprano (6e) et Florent Pagny (2e),
tous deux présents dans son dernier album
de duos, et de Jean-Jacques Goldman, à qui
on le compare désormais.
Vianney partage avec son aîné une discré-
ANDBZ/ABACA
interprètes à qui il donne très régulièrement
ses mélodies. Ses textes reflètent une person-
nalité aussi bienveillante que profonde : on
pleure lorsqu’il évoque le temps qui passe avec
Renaud (Maintenant), on danse quand il gratte
avec Kendji Girac (Le Feu), on chante quand
il célèbre l’amitié avec son copain d’outre-
Manche Ed Sheeran (Call On Me).
Vianney se tient à distance des excès de ce
monde et vient d’annoncer son retrait de la
scène. Le public verra cette saison le jeune
papa en coach exigeant de The Voice, sur TF1,
après le Téléthon, dont il a parrainé la der-
nière édition.
Le succès de Vianney, c’est un peu celui d’un
Français ordinaire, ni clinquant ni tourmenté,
qui apprécie les choses simples et se défend
des modes. Il aime le rugby (on l’a vu jouer
de la guitare lors de la cérémonie d’ouverture
de la dernière Coupe du monde), assume sa
foi et ne prend position dans le débat public
que rarement – et jamais pour faire la morale.
Un inventaire de points communs avec un

tion seulement compensée par une activité certain… Jean-Jacques Goldman. Vivement
prolifique dans son domaine : la musique. le prochain classement ! g
Pour lui (son dernier album, À 2 à 3, est déjà
disque de platine en un mois), et pour les autres ANTOINE RENAUD

Jean Dujardin
La France à cœur
REMONTÉE Passant de la 31e à la 12e place, Jean Dujardin
fait le bond le plus spectaculaire. Une remontada qui s’explique par
un esprit patriote assumé, auquel les Français sont sensibles

Aimer la France, et le dire, n’est
peut-être pas aussi rédhibitoire
que certains aiment tant le penser.
Car sa déclaration d’amour, faite
sans ambages il y a quelques mois
dans l’émission Sept à Huit (TF1),
n’est sans doute pas étrangère à sa
remontée spectaculaire dans notre
classement. « J’aime bien aimer ce
pays et j’aime bien le dire parce que je
pense que c’est le plus gros problème
de ce pays, c’est qu’il ne s’aime pas ou
pas assez. » Une passion française,
notamment illustrée par le choix
de son dernier rôle, Sur les chemins
noirs, sorti en mars dernier, inspiré
du livre éponyme de Sylvain Tesson
(2016). Il y incarne magnifiquement
un écrivain miraculé qui se lance
dans une traversée du pays (à pied !),
du Mercantour au Cotentin. Une
sorte de voyage initiatique qui sou-
ligne la beauté de nos campagnes et
la chaleur de ses populations.
Chauvin, Dujardin l’assume. Sur
les plateaux comme en dehors.
moqueries ont ensuite fusé, comme
rarement. « Allez la Rance »,
titrait même le journal Libéra-
tion dès le lendemain, évoquant
une « carte postale sépia d’une
France qui sent la naphtaline ».
Sauf que les Français ne sont pas
dupes. Ils ne partagent pas cette
vision aussi caricaturale que par-
tiale. Notre classement le prouve.
« Le second degré que j’ai toujours
aimé manier n’a pas été compris et
je le regrette », écrivait finalement
la star sur son compte Instagram,
« Le plus gros
problème de ce
pays, c’est qu’il
ne s’aime pas »
presque forcé de se justifier d’avoir
les Français, il est déjà ce gars (Un
gars, une fille), autant que ce blond
(Brice de Nice), cet acteur muet (The
Artist), ou encore cet espion hilarant
(OSS 117). Juste, toujours. Culte, si
souvent. Qui dit mieux ? Pas grand
monde. Ambassadeur d’un charme
à la française qui lui a entrouvert
les portes d’Hollywood après son
Oscar… et qui en a fait l’une des
figures d’une grande marque de
café – dont le dernier spot tourne
depuis quelques semaines sur nos
écrans – aux côtés de monsieur
Georges Clooney, depuis 2007.
Il aurait d’ailleurs pu choisir de
s’exiler, comme beaucoup de célé-
brités, mais cet amoureux de Paris
a choisi de vivre sur les hauteurs
de Saint-Cloud, dans les Hauts-de-
Seine. C’est là qu’il a construit son
nid avec l’ancienne championne
de patinage, Nathalie Péchalat, et
leurs deux filles, Jeanne (8 ans) et
Alice (2 ans). Rayon récompenses
nationales (majeures), son magot
DOMINIQUE JACOVIDES / BESTIMAGE

Même s’il l’a récemment payé cher…
après la cérémonie d’ouverture du
Mondial de rugby organisé sur
nos terres, en septembre dernier.
Un défilé censé « célébrer l’art de
vivre à la française » dans lequel il
apparaissait vêtu d’un marcel, béret
sur la tête, et poussant un chariot
rempli de miches de pain. Les
voulu nous représenter tout en
nous faisant rire. Un comble.
Mais la vraie France a aimé
comme elle aime cet acteur. Celui
qui est aujourd’hui probablement
l’un des rares héritiers, peut-être
le seul, de nos icônes passées. De
la trempe d’un Belmondo ? Pas très
loin en tout cas. À 51 ans, pour tous
ne pèse néanmoins pas bien lourd.
Quatre fois nominé pour le César
du meilleur acteur, quatre fois bre-
douille. Pour OSS 117 : Le Caire, nid
d’espions (2006), The Artist (2011),
J’accuse (2019) et Novembre (2022).
Mais si le public pouvait voter… g
ANTOINE LEROY
 DIMANCHE 31 DÉCEMBRE 2023
Le Top 50 des personnalités préférées des Français en 2023
LE CHOIX DES JEUNES
1 Omar Sy
2 Kylian MBappé
3 Thomas Pesquet
4 Antoine Griezmann
5 Zinédine Zidane
LE CHOIX DES SENIORS
1 Jean-Jacques Goldman
2 Florent Pagny
3 Thomas Pesquet
4 Francis Cabrel
5 Vianney
LE CHOIX DES HOMMES
1 Jean-Jacques Goldman
2 Thomas Pesquet
3 Omar Sy
4 Florent Pagny
5 Zinédine Zidane
LE CHOIX DES FEMMES
1 Jean-Jacques Goldman
2 Florent Pagny
3 Thomas Pesquet
4 Vianney
5 Omar Sy
LAFARGUE RAPHAEL/ABACA
LE JOURNAL DU DIMANCHE 7
Antoine Dupont
« Un honneur de représenter
le rugby français »
EXCLUSIF Le capitaine ces sportifs aux palmarès extraordinaires
DAVID GIBSON/FOTOSPORT/SHUTTERST/SIPA
du XV de France réagit [Zidane, Riner, Mbappé, Griezmann et Giroud,
NDLR]. C’est une belle mise en lumière et
à son intronisation dans une récompense pour notre sport. Même si
le classement des nous n’avons pas eu les résultats espérés, je
50 personnalités préférées pense que nous avons procuré de la joie aux
des Français Français et cela donne envie de partager à
nouveau ce genre de moments.
C’est une entrée, et même une très belle entrée Que retenez-vous de 2023 ? La Coupe
pour le rugbyman toulousain, la seule dans du monde à domicile ou le bouclier de Brennus
le Top 50 pour un sportif cette année. Alors avec le Stade toulousain ?
que les footballeurs marquent le pas dans la J’ai vécu 2023 avec des sentiments mitigés.
foulée du Mondial au Qatar, Antoine Dupont, Ça a été un énorme de plaisir de regagner ce
38e du classement Ifop/JDD, incarne l’épopée fameux bouclier avec Toulouse. Ces moments
frustrante mais pleine de panache des Bleus de communion avec les supporters et nos
à la Coupe du monde de rugby. Éliminés d’un familles sont toujours uniques [le 18 juin, le
point en quart de finale face aux Sud-Africains Stade toulousain a renversé la finale du Cham-
(29-28), les hommes de Fabien Galthié auront pionnat de France à la 78e minute, battant
fait vibrer la France avec un jeu spectaculaire La Rochelle 29-26, NDLR]. C’est aussi une
et des audiences record : 15 millions de télés- année marquée par les regrets et la décep-
pectateurs pour le match d’ouverture face aux tion en repensant à ce quart de finale de la
Blacks, 16 millions face aux Springboks, meil- Coupe du monde (29-28 face à l’Afrique du
leur score 2023 toutes chaînes confondues. Sud) malgré l’intensité des émotions que les
Sérieusement blessé le 21 septembre face supporters nous ont permis de partager.
à la Namibie, au point de s’interroger sur un
éventuel forfait pour le reste de la compétition, Entre le Top 14 avec Toulouse et l’équipe
Dupont s’est accroché : opéré d’une fracture INTERVIEW de France de rugby à VII, comment envisagez-
maxillo-faciale, rétabli quelques jours plus tard vous l’année prochaine ?
au terme d’un feuilleton à suspense, le demi L’année 2024 va être une période encore très
de mêlée s’est présenté en quart de finale avec chargée pour moi, avec beaucoup d’ambitions,
un casque de protection qui aura fait couler au JDD, très heureux d’entrer dans le cœur comme toujours, avec le Stade toulousain, que
beaucoup d’encre mais lui aura permis de tenir des Français, mais n’oubliant jamais qu’il n’est ce soit en Coupe d’Europe ou en Top 14. Ce sera
vaillamment sa place malgré la défaite. qu’une pièce, aussi brillante soit-elle, d’une aussi un énorme défi avec l’équipe de France
Champion de France avec Toulouse, le aventure avant tout collective. à sept et la perspective incroyable de pouvoir
capitaine du XV de France a vécu une année représenter notre pays aux Jeux olympiques
incroyablement dense et se prépare à un exer- Comment réagissez-vous à votre entrée de Paris. Ce sont des objectifs très élevés pour
cice 2024 potentiellement inoubliable, avec sa dans notre classement, aux côtés de sportifs lesquels il faudra beaucoup de travail et un
participation confirmée aux Jeux olympiques d’exception ? peu de chance, mais c’est un sacré privilège. g
de Paris sous le maillot des Bleus du rugby à C’est un honneur de représenter le rugby
sept. Il a pris quelques minutes pour répondre français et de faire partie de cette liste parmi PROPOS RECUEILLIS PAR AXEL MAY
Karine Le Marchand
« Être aimée pour ce que l’on est
m’apparaît comme une victoire »
DIX-HUITIÈME L’animatrice télé est la devant leur petit écran. La récompense de deux années
de travail intense. Dans l’idéal, en 2024, j’aimerais relâcher
deuxième femme préférée des Français la pression en m’attelant à des projets plus ludiques, sans
derrière Sophie Marceau objectif à atteindre. Tout en vous disant cela, je comprends
que je croule sous le travail avec six documentaires lancés
« D’être à ce point dans le cœur des Français est une en production, en plus de mes émissions à présenter et…
nouvelle qui me touche énormément. Susciter une telle d’un seule-en-scène dont je suis en train de peaufiner
sympathie, un tel attachement traduit une vérité qui me la coécriture. Je trouve aussi que la question de l’éco-
ravit. Je ne crois pas être quelqu’un de particulièrement responsabilité devrait être au centre des débats. Tout
lisse, mais j’ai toujours voulu rester fidèle à ce que je suis le monde, au-delà des clivages idéologiques, devrait se
profondément. Être aimée pour ce sentir concerné par ce problème
que l’on est m’apparaît comme une global. Rassurons-nous alors avec la
petite victoire sur les préjugés. Cette « J’ai toujours musique, heureuse parenthèse dans
nouvelle me réjouit donc d’autant que ce contexte légèrement anxiogène.
l’année qui vient de s’écouler n’a pas voulu rester fidèle Quand j’ai besoin de souffler, je me
été des plus épanouissantes. Si je fais
le bilan, j’en sors éprouvée, énormé-
à ce que je suis mets une chanson d’Eddy de Pretto,
Love’n’Tendresse par exemple. J’aime
ment affectée par la situation interna- profondément » le regard emphatique que cet artiste
tionale. Comme beaucoup de Français, porte sur la vie. De l’amour et de la
j’ai parfois eu l’impression de marcher tendresse, n’est-ce pas la seule chose
courbée contre les vents contraires du pessimisme. Et qui nous reste ? Maintenant, si vous me demandez quelles
cependant, professionnellement, je n’ai connu que des seraient mes personnalités féminines mais aussi mascu-
succès incroyables, que ce soit avec les émissions L’Amour lines de l’année, eh bien justement, ce serait des femmes
est dans le pré et La France a un incroyable talent et, sur- qui aiment les hommes et qui leur disent clairement.
tout, avec ce documentaire que j’ai produit, Familles de Florence Foresti en fait partie. » g
paysans, cent ans d’histoire, qui a battu le record d’audience
historique sur M6 avec 3,3 millions de téléspectateurs PROPOS RECUEILLIS PAR LUDOVIC PERRIN
8 LE JOURNAL DU DIMANCHE DIMANCHE 31 DÉCEMBRE 2023

L’événement

1
LE CHOIX DE LA GAUCHE
Omar Sy
« Énorme » Jordan Bardella
2 Jean-Jacques Goldman
PREMIER Seul politique à figurer
3 Thomas Pesquet dans le Top 50 des Français, le président
du RN, 30e du baromètre IFOP/JDD,
4 Francis Cabrel risque de donner des maux de tête
à ses amis comme à ses adversaires
5 Grand Corps Malade
Un percée « énorme », c’est le qualificatif
employé par Frédéric Dabi, patron de l’IFOP,
surpris de voir un jeune homme de 28 ans, à
LE CHOIX DE LA DROITE la notoriété naissante, entrer directement à la
30e place du baromètre. « Bardella est le seul
1 Jordan Bardella politique présent dans le Top 50, quand ceux
qui y figuraient en sont éjectés, souligne Dabi.
2 Jean-Jacques Goldman Il échappe à la défiance généralisée qui frappe
ses pairs. » Lorsqu’on regarde les ressorts de sa
3 Florent Pagny soudaine popularité, on se dit que « le phéno-
mène » pourrait rapidement se transformer en
4 Michel Sardou « problème Bardella » pour le Rassemblement
national. Non seulement, il devance nette-
5 Dany Boon ment Marine Le Pen (61e dans le classement

général), mais il se classe premier chez les
sympathisants RN, devant Jean-Jacques
Goldman et Marine Le Pen (4e). Plus spec-
LE CHOIX DU RN taculaire encore : dans le Top 10 des sympa-
thisants de droite au sens large (UDI, LR, RN,
1 Jordan Bardella Reconquête), Bardella se classe également 1er,
reléguant Marine Le Pen dix points derrière,
2 Jean-Jacques Goldman à la sixième place. Ces dernières semaines,
ses concurrents républicains se montraient
3 Florent Pagny à la fois élogieux et inquiets à l’égard du pré-
sident du RN en l’observant dans les médias
4 Marine Le Pen ou lors des rencontres de Saint-Denis quand
Emmanuel Macron avait convié les chefs de
5 Philippe Etchebest partis. L’inquiétude va sans doute désormais
l’emporter sur l’éloge, notamment à l’approche
d’élections européennes qui pourraient virer
à l’humiliation pour ses adversaires.
Jusqu’au plus haut sommet de l’État, le
charme Bardella semble avoir opéré au point
d’endormir les conseillers du président, voire
le président lui-même, qui louaient à l’automne
le « sérieux et la capacité de dialogue » du dau-
phin de Marine Le Pen. Porté par ces vents
favorables, l’ambitieux discipliné qui rappelle
JOCARD/AFP
à l’envi qu’il « doit tout à Marine Le Pen », pour-
rait se sentir pousser des ailes en vue de 2027.
Ou à tout le moins diffuser le lent poison du
doute dans les rangs du RN sur la légitimité de
Marine Le Pen à se lancer dans une quatrième
campagne. L’ampleur de sa victoire annoncée
aux européennes pourrait à cet égard mettre
Marine Le Pen en difficulté. g
A. A.

Grand Stéphane Bern

Corps Malade « Mon seul parti,
« La notoriété c’est le patrimoine ! »
ne me rend RECONNAISSANCE La télé, la radio et surtout le loto du patrimoine

pas meilleur ont fait de l’ancien fou du roi l’un des monuments préférés des Français

qu’un autre » Vous figurez en 28e position.

Quelle est votre réaction ?
INTERVIEW
C’est un honneur qui m’oblige. La
DISQUE D’OR Consacré par confiance que me portent les Français,
ses fans, l’artiste l’est également

FRANCK CASTEL/MAXPPP
pour laquelle je leur suis reconnaissant,
par les Français qu’il me pousse à continuer d’agir de manière
retrouvera en tournée en 2024 utile pour le patrimoine, au-delà de mon
métier d’animateur. J’ai accepté la mis-
sion que ma confiée le président de la
République et je suis bien résolu à la
SADAKA EDMOND/SIPA

INTERVIEW mener à bien, quitte à ne pas ménager

Vous figurez en 8e position des personnalités
préférées des Français, au même rang
que l’année dernière. Comment recevez-vous
cette nouvelle ?
Je vous avoue que j’étais déjà surpris de m’y
retrouver l’année dernière ! Cela me fait très
plaisir, forcément, je ne vois pas comment
on pourrait dire le contraire. J’imagine que
ce classement traduit une certaine notoriété
et une certaine sympathie des Français pour
ma musique, je les en remercie !
Vous renvoyez, c’est vrai, une image
de sympathie. Quel est votre secret ?
Il n’y a pas de secret. J’essaie d’être naturel,
c’est tout. Pour ceux qui connaissent mes
chansons, je me livre un peu plus dans les
textes. Je ne crois pas qu’il y ait un « truc »
pour paraître sympathique. Je n’essaie jamais
d’être quelqu’un d’autre, ni de construire
quelque chose qui ne serait pas moi. Je
pense foncièrement que la notoriété ne me
rend pas meilleur qu’un autre : je porte la
même considération à un grand acteur qu’à
un comptable. Pour moi, Chacun a droit au
même respect. C’est peut-être cela que les
gens apprécient.
Quel bilan artistique tirez-vous de cette année
2023 ?
C’était une année bien remplie. Mon dernier
album, Reflets, vient d’être certifié disque d’or
il y a quelques jours, j’en suis heureux ! J’ai
aussi apprécié le fait de coréaliser le biopic
sur Charles Aznavour avec Tahar Rahim, qui
sortira au cinéma l’année prochaine !
À quoi ressemblera votre année 2024 ?
Je serai sur les routes toute l’année, avec
l’équipe. La première est le 13 janvier à
Longuenesse, dans le Pas-de-Calais, puis
nous poursuivrons la tournée dans toute la
France. J’ai la chance de trouver du plaisir à
chaque étape : l’écriture des textes, la mise
en musique, l’album qui prend forme… Et
l’aboutissement de tout ça, la cerise sur le
gâteau, c’est la tournée ! Je chante d’abord
pour la scène, pour le bonheur de partager
un moment avec les gens. g
PROPOS RECUEILLIS PAR ERWAN BARILLOT
le chef de l’État !
La défense du patrimoine est-elle votre
nouvelle profession ?
Profession de foi uniquement, car je suis
entièrement bénévole ! Vous avez raison,
les Français que je rencontre me disent
davantage « Merci pour le patrimoine »
que « Merci pour vos émissions », même
si j’essaie de mêler les deux. Par exemple,
la soirée du Nouvel An, avec le feu d’arti-
fice, que je présente ce soir à 18 h 45 sur
France 2, fait partie, au même titre que le
14 juillet, du patrimoine français !
En prenant des positions publiques,
comme en « ne ménageant pas » le chef de
l’État, ne craignez-vous pas de cliver ?
J’ai pu prendre des positions clivantes,
par exemple sur les éoliennes à proximité
des monuments historiques. Élever la
voix pour une cause expose fatalement
à des polémiques, d’où une certaine sur-
prise à voir la place qui est la mienne
dans le classement. Mais cela est encou-
rageant ! Les Français que je rencontre
sont reconnaissants d’avoir sauvé, dans
leur village, un lavoir, une fontaine ou
un château… Je mets les mains dans le
cambouis, j’essaie d’agir concrètement
pour protéger les trésors français. Mon
seul parti, c’est celui du patrimoine.
Quel message souhaitez-vous faire passer
aux Français ?
Je veux les remercier pour leur
confiance. Les inviter aussi à continuer
le combat du loto du patrimoine, pour
les vitraux de Notre-Dame et pour tant
d’autres causes. Je veux ensuite leur dire
qu’il faut aimer notre Histoire, continuer
de l’apprendre et de la faire apprendre,
refuser toutes les velléités de faire du
passé table rase. Ce n’est que par l’His-
toire qu’on peut préparer l’avenir !
Quels sont vos vœux pour l’année à venir ?
En cette année olympique, je souhaite
que nous parvenions à nous hisser plus
haut que nous-mêmes. Je suis meurtri
par la tendance à la désunion nationale.
Le patrimoine peut nous rassembler : le
lieu créé du lien. Nous sommes un grand
peuple, continuons d’avoir de grandes
ambitions ! g
PROPOS RECUEILLIS PAR E. B.
 EN 2024,

Retrouvez
les expériences
à vivre dans le Nord sur
evasion.lenord.fr
10 LE JOURNAL DU DIMANCHE DIMANCHE 31 DÉCEMBRE 2023

Un Français
au chevet
de United ?
Ancien directeur général à
succès du PSG, Jean-Claude
Blanc (photo) est responsable
des activités sport d’Ineos,
propriétaire de l’OGC Nice et
désormais actionnaire majeur
de Manchester United. Contre
plus de 2 milliards d’euros,
Ineos a acquis 25 % des
actions des Red Devils
et négocié la responsabilité
des affaires sportives
du club, actuellement
7e du championnat anglais
et en pleine crise interne.
Blanc pourrait rapidement
en prendre les commandes.
« Ce poste lui irait comme
un gant, c’est le meilleur
d’entre nous », souffle un haut
dirigeant du foot français. g
Les soc-dem sortent du bois
À l’occasion de la sortie en librairie du Programme fondamental social-démocrate, Laurent Joffrin, ancien
directeur de Libération, Jean-Christophe Cambadélis, ex-premier secrétaire du PS, Michel Destot et Jean-Pierre
Balligand, anciens députés PS, organisent une conférence de presse le 15 janvier à l’Assemblée nationale.
Fruit de deux ans de travail, l’ouvrage a mobilisé une centaine d’intellectuels et de syndicalistes de gauche. g
La fête au Sénat
Mi-décembre, Éric Zemmour et
ses fidèles se sont retrouvés pour
un événement festif au Sénat,
conviés par le sénateur Stéphane
Ravier. Une initiative autorisée
par le Palais du Luxembourg,
qui a agacé des élus de gauche,
notamment l’écologiste
Mélanie Vogel, déplorant de voir
Reconquête ! se taper la cloche
sous les ors du Sénat. g
Les indiscrets
Les indiscrets
Biden en France… avant les JO BONNE SEMAINE •
Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, ÉDOUARD PHILIPPE
concentré sur le dispositif de sécurité des Jeux Un dernier sondage
olympiques de Paris 2024, pourrait voir la pression décalé pour termi-
monter encore d’un cran sur ses missions de protection ner l’année. Selon un
à l’approche de l’été. Tandis que la « menace terroriste « beer test » de l’Ifop
est très élevée », le locataire de Beauvau devrait recevoir pour CorioLink, 37 %
dans les prochains mois une visite qui mettrait les des Français aime-
forces de sécurité françaises à rude épreuve, comme raient partager une bière avec Édouard
pour celle du roi Charles III en septembre dernier. Philippe. L’ancien Premier ministre
La venue en France du président américain devance Marine Le Pen qui, avec 35 %
Joe Biden autour du 6 juin, date de la célébration des votes, a gagné près de dix points en
du 80e anniversaire du débarquement allié, serait cinq ans. Si, pour l’heure, le duel entre
en cours de préparation. g le maire du Havre et la patronne du RN
à l’Assemblée nationale se joue autour
d’une mousse, les deux concurrents se
préparent au scénario d’un face-à-face
pour l’élection présidentielle de 2027.
CYPRIEN SARRAZIN Un
véritable exploit. À
Bormio (Italie), sur
la piste du Stelvio,
Cyprien Sarrazin a
Remaniement : Les LR font du ski comblé avec brio une
c’est le moment ! disette de huit ans
Du 2 au 4 février, une poignée sans victoire française en Coupe du
Un ministre en première ligne de députés Les Républicains monde de ski alpin. La performance
sur le projet de loi immigration participeront à un séminaire du skieur de 29 ans, auteur d’une des-
pronostique la chute d’Élisabeth pour tenter de ressouder les cente éblouissante, rappelle celle de Luc
Borne à très court terme. troupes. Organisée en Savoie Alphand, qui avait remporté la course
« Il faut un grand mouvement sur les terres de la députée Émilie sur cette même piste vingt-sept ans plus
politique avant les européennes Bonnivard, l’opération a tout tôt. « C’est juste dingue, s’est exprimé le
et les législatives de 2027. d’un team building pour Olivier vainqueur du jour. On a un parcours qui
Macron n’a pas d’autre choix. Marleix, président du groupe à se ressemble un peu, on gagne ici au même
C'est le moment ! », assène l’Assemblée, entre séances de ski âge. J’ai un peu galéré à certains moments
le ministre. g et conférences en Maurienne. g de ma carrière, donc arriver à gagner au-
jourd’hui, ça veut dire beaucoup. »

LA PHOTO DE LA SEMAINE MAUVAISE SEMAINE •

RECEP TAYYIP ERDOGAN
Attaque massive de missiles Depuis le début de la
et de drones russes dans guerre à Gaza, les
plusieurs villes d’Ukraine, relations diploma-
ici à Odessa, le 29 décembre tiques entre la Tur-
en pleine nuit. Au moins quie et l’État hébreu
40 personnes ont été tuées. ne cessent de se dégra-
der. Qualifiant tantôt Benjamin Netanya-
hou de « boucher de Gaza », tantôt Israël
d’« État génocidaire », le président turc
multiplie les outrances. Ce mercredi,
Recep Tayyip Erdogan a affirmé qu’il
n’y avait « aucune différence » entre
le Premier ministre israélien et Adolf
Hitler. « En quoi êtes-vous différent de
Hitler ? », a-t-il lancé, ajoutant : « Est-ce
que Netanyahou fait moins que ce qu’a
fait Hitler ? Ce n’est pas le cas. »

MÉLANIE BOULANGER
Un procès plutôt in-
habituel. La maire so-
cialiste de Canteleu,
en Seine-Maritime, a
été mise en examen
pour « complicité de
trafic de stupéfiants » aux côtés de l’un
de ses adjoints et de dix-sept autres
personnes. D’après la vice-procureure
de Bobigny, l’édile a « volontairement
différé l’installation de caméras de vi-
déosurveillance afin de ne pas entraver
le trafic de stupéfiants » tenu par une
famille de sa ville. g

À SUIVRE CETTE SEMAINE

Lundi >
Entrée en vigueur du
Pacte des solidarités.
g Augmentation
du prix du paquet
de cigarettes, du tabac
à rouler et à chauffer,
entre 0,50 et
1,50 euro.
g Entrée en vigueur
de la loi EGalim dans la
restauration collective.
g Création effective
de France Travail, qui
remplace Pôle emploi.
ZABULON LAURENT/ABACA ; LEAH MILLIS/REUTERS ; ANDBZ/ABACA ; IPA/SIPA ; MAXPPP ; OUEST-FRANCE/MAXPPP ; LYASHONOK NINA/UKRINFORM/ABACA
g Entrée en vigueur du
mariage homosexuel
en Estonie, premier
pays balte à le légaliser.
g L’Italie prend la
présidence du G7.
g Retour aux
compétitions
internationales des
gymnastes russes
et biélorusses sous
bannière neutre.
Mardi >
Convocation en
audience de culpabilité
d’un mineur pour
« apologie du
terrorisme » et « injure
publique en raison de
la religion » après des
chants antisémites
dans le métro parisien
en octobre dernier.
g Audition à Madrid de
la joueuse espagnole
Jenni Hermoso dans
le cadre de l’affaire
du « baiser forcé »
par le patron du
football espagnol, Luis la religion, après une sur l’immigration, Vendredi > au Vatican. g Ouverture
Rubiales. publication liée au notamment en ce qui gLibération par la ville de Kharkiv
conflit entre Israël et le concerne les « mesures conditionnelle d’Oscar des écoles maternelles
Mercredi > Hamas. g 28e Trophée de régularisation ». Pistorius, dix ans dans le métro, face aux
20e anniversaire du des champions, où le g Estimation provisoire après le meurtre de sa bombardements russes.
crash du Boeing 737 Paris Saint-Germain de l’inflation pour compagne en Afrique
à Charm el-Cheikh affrontera Toulouse le mois de décembre. du Sud. g 32es de finale Dimanche >
(Égypte) dans lequel au Parc des Princes. g Déplacement en de la Coupe de France Noël orthodoxe.
148 personnes ont Chine d’Olivia Grégoire, de football. g Cérémonie des
péri, dont 134 Français. Jeudi > ministre des PME Golden Globes
g Jugement du Réunion des préfets et du Commerce. Samedi > présentée à Los Angeles
footballeur de l’OGC autour de Gérald e
g 60 anniversaire Messe de l’Épiphanie par l’humoriste Jo Koy.
Nice, Youcef Atal, Darmanin « pour du premier voyage célébrée par le pape g Départ à Brest de
pour provocation à commencer à d’un Pape, Paul VI, François depuis la l’Arkéa Ultim Challenge
la haine en raison de appliquer » la loi en Terre sainte. basilique Saint-Pierre, Brest.
12 LE JOURNAL DU DIMANCHE DIMANCHE 31 DÉCEMBRE 2023

Actualité
Élections européennes
Tour préliminaire de 2027
INÉDIT Jamais dans
ALAIN ROBERT/SIPA

l’histoire électorale
récente, un scrutin
européen n’aura autant
de résonance sur la vie
politique française,
en pleine atomisation

RN Tous les acteurs

politiques sont déjà
inquiets de l’ampleur
de la victoire annoncée
du Rassemblement
national, qui n’a jamais été
aussi proche du pouvoir

Dernier tour de chauffe avant 2027. Plus

que plus que jamais, ces élections euro-
péennes auront un impact considérable
sur la politique intérieure à court terme,
à plus long terme, elles dessineront
les contours des rapports de force de
la prochaine présidentielle. Dans un
contexte de majorité relative, avec un
président sans perspective de réélec-
tion, les batailles des retraites et de la
loi immigration ont fait exploser les
règles traditionnelles du jeu politique.
Les Républicains, attaqués pendant les
retraites, jouent leur survie sur les euro- Marine Le Pen et Jordan Bardella lors des journées parlementaires du RN organisées en septembre dernier.
péennes alors qu’ils auraient dû capi-
taliser sur leur groupe – inespéré – de

Jusqu’où ira le RN ?
62 députés. L’épisode de la loi souligne
en réalité la vampirisation des Républi-
cains par le Rassemblement national.

Les batailles des
retraites et de la loi
immigration ont fait
exploser les règles
L’année n’est pas sans risques pour
Éric Zemmour. Mais le président de
Reconquête ! sait mieux que personne
que ce scrutin est souvent favorable
aux eurosceptiques. Son salut repose
désormais sur la notoriété de Marion
Maréchal. À gauche aussi il y aura des
zombies et, au mieux, des survivants
en sursis. La France insoumise risque,
elle, de découvrir ce sentiment qui lui
est jusqu’ici étranger, l’humilité, après
avoir fait régner un régime autoritaire
au sein de feu la Nupes. Quant aux
socialistes, une nouvelle fois plan-
qués derrière l’intellectuel Raphaël
Glucksmann, ils n’échapperont pas à
un nouveau psychodrame dans leur
arrière-cuisine, un lendemain de cuite
autour d’un tube de cachets d’aspi-
rine. Enfin, le score du Rassemblement
national nourrit tous les fantasmes,
et sera lu à l’aune de 2027 et de la
probabilité de victoire de Marine Le
Pen – ou de Jordan Bardella – , à la
présidentielle. g
ANTONIN ANDRÉ
SOMMET Portés par des sondages
flatteurs, Marine Le Pen et Jordan
Bardella veulent sanctionner, voire
humilier, le camp présidentiel aux
européennes
Entre la stratégie payante de Marine Le Pen
à l’Assemblée nationale et l’ascension fulgu-
rante de Jordan Bardella, c’est à se deman-
der combien de temps le RN restera sur son
petit nuage. Depuis l’arrivée de 88 députés
au Palais-Bourbon, le parti à la flamme ne
cesse de monter. La triple candidate à l’élec-
tion présidentielle n’a jamais semblé si près
de l’Élysée, son dauphin de Matignon. Tous
deux commencent à récolter les fruits d’une
normalisation entamée voilà dix ans et accé-
lérée depuis 2022.
Sorti renforcé de la séance immigration,
le Rassemblement national est désormais
concentré sur les élections européennes. Pour
l’heure, rien n’inquiète les troupes lepénistes.
Depuis début décembre, la liste de Jordan
Bardella est créditée de 30 % selon plusieurs
instituts. Un objectif de campagne ? « Les son-
dages, ce sont le pouls du pays à un moment T,
tempère un proche. Il faut les accueillir avec
prudence et s’en méfier. » Un cadre du parti
alerte : « Il ne faut surtout pas que 30 % soient
un objectif. C’est la meilleure assurance de déce-
voir. On vise la première place, c’est tout ! »
Loin devant la liste de la majorité présiden-
tielle, donnée à 19 %, le RN ne cache pas son
envie de faire de ces élections européennes
un scrutin de mi-mandat – à l’image des
midterms aux États-Unis – et d’humilier
le gouvernement. Une stratégie payante en
2019. Le parti possède aujourd’hui un binôme
efficace et complémentaire. Marine Le Pen
sait qu’avoir un numéro deux fort, qui plaît à
la droite, ne peut que lui servir. Jordan Bar-
della n’ignore en rien que son succès réside en
grande partie dans le travail effectué depuis
dix ans par celle qui lui offrit en 2019 la tête
de liste aux européennes. Cette campagne,
les deux têtes d’affiche du RN la mèneront
main dans la main. « Jordan tirera la liste,
Marine la poussera »,
assure leur entourage. Dès
la mi-janvier, ils tiendront Cette campagne,
un bureau de campagne
tous les lundis. les deux têtes du
Au parti, justement, RN la mèneront
Jordan Bardella a resserré
l’organisation. Sa commu- main dans la main
nication s’est vue renfor-
cée par une équipe élargie.
Le siège emploie désormais une quarantaine
de salariés. Un nouveau pôle consacré à l’argu-
mentaire et au ciblage sectoriel a vu le jour. À
l’heure où le RN n’a quasiment plus de caté-
gorie faible dans les sondages, pas même chez
les cadres supérieurs ou les retraités, le parti
veut cibler des publics éloignés. Ainsi, le RN
va également cibler toutes les communes avec
des projets éoliens et organisera un tractage
par les militants contre ces projets.
Dans une conjoncture très favorable, Jor-
dan Bardella n’oublie pourtant pas de corriger
ses lacunes. Depuis quelques mois déjà, le
président du RN profite de chacune de ses
venues au Parlement européen pour suivre
des cours d’économie et d’anglais. De retour
à Paris, ses nombreux dîners avec les chefs
d’entreprise dénotent une volonté de se rap-
procher des milieux d’affaire et médiatique,
signifiant ainsi son sérieux et l’importance
qu’il accorde aux prochaines élections.
La tête de liste du RN compte gagner
des points sur la crédibilité de son pro-
gramme. Son directeur de campagne, le
député Alexandre Loubet, vient de livrer
une première mouture.
Une trentaine de pages
alliant « pragmatisme et
bon sens ».
Jordan Bardella présen-
tera ses vœux le 15 janvier,
puis lancera un « grand
emprunt national » pour
financer sa campagne. Il
révélera à la mi-février les
premiers noms de sa liste. Il continuera ses
visites dans les foires de France, rasséréné par
les succès de Vesoul, Poussay ou encore Châ-
lons. Le 3 mars, il participera à son premier
meeting à Marseille, suivi de nombreuses
réunions publiques, parfois avec Marine Le
Pen. Ils formeront un duetto inséparable.
Comme deux étoiles liées par une destinée
commune, ils s’élanceront avec plaisir dans
ce ballet électoral. Mais jusqu’où les portera
cette valse du pouvoir ? g
JULES TORRES
DIMANCHE 31 DÉCEMBRE 2023 LE JOURNAL DU DIMANCHE 13

Actualité Politique
derrière le RN (30 %) et Renais-
sance (18 %). « Mais devant tous MAJORITÉ
les autres partis de gauche »,
s’enorgueillit un député PS. Pas
PRÉSIDENTIELLE
de quoi sauter au plafond selon
l’ancien conseiller de François
L’APPEL
Hollande à l’Élysée, Aquilino À LA RÉSISTANCE
Morelle. L’auteur de La Parabole
des aveugles (Grasset) note que POSITIVE ATTITUDE Les
le score promis à Glucksmann européennes sanctionnent
revient à l’addition de son résul- systématiquement le pouvoir
tat (6,19 %) et de celui de Benoît en place. Le camp Macron a
Hamon (3,51 %) lors des euro- des raisons de croire qu’il ne va
péennes de 2019. Autrement dit, pas sombrer, mais doit contenir
l’effervescence autour du député l’écart avec le RN
Place publique s’explique par
« un effet d’optique ». Et d’appe- Qui se souvient de Nathalie Loiseau ?
ler à faire preuve de discerne- Le score de la tête de liste Renais-
ment : « Quelles sont les raisons sance (22,24 %) derrière Bardella
de fond qui justifieraient une (23,34 %) ferait aujourd’hui rêver les
Olivier Faure évolution positive de la gauche amis du président. Non seulement

LOPEZ/AFP
et Raphaël Glucksmann depuis 2022 ? Aucune. Tant qu’elle
à Creil en mars 2019. ignore, mésestime ou récuse la
dimension identitaire de la crise
française – désindustrialisation,
Macron a perdu la main, mais ses
deux premières années de second
mandat risquent d’être sévèrement
sanctionnées. Rarement le pays aura

À gauche, l’heure immigration, fédéralisation de

l’Europe – elle se condamne à
été autant fracturé, et de façon aussi
violente, en si peu de temps. Loin de
rassembler, gouverner selon Macron

des règlements de comptes

PUTSCH Les anciens de la
Nupes veulent en finir avec
l’Insoumis en chef
Ce diable de Jean-Luc Mélen-
chon. Ses anciens partenaires de
la Nupes commençaient à peine
à goûter les agréments d’une vie
sans La France insoumise, quand
la rumeur d’une candidature du
tribun aux élections européennes
a commencé à courir. Ira, ira pas ?
Le suspense savamment entretenu
sémantiques du clan Mélenchon
après le massacre du 7 octobre
avaient fini d’achever une union
électorale moribonde. Peut-être
même était-ce son souhait : « Les
Insoumis se moquent du monde
quand ils nous tiennent pour
responsables de cette désunion.
En réalité, ça fait des mois que
Mélenchon cherche à s’autono-
miser de la Nupes », s’agace un
cadre communiste. « Ça tombe
alliance capable de séduire les
déçus du macronisme et les « mal-
gré nous » du mélenchonisme, en
d’autres termes, ceux qui ont voté
« utile » en 2022. L’échéance est
encore lointaine mais déjà certains
voient dans un tel rassemblement
le prélude à une candidature com-
mune à la présidentielle de 2027.
Qui pour prendre les rênes de
cet attelage, le cas échéant ? Oli-
vier Faure ? Marine Tondelier ?
Fabien Roussel ? « Les élections
végéter dans la marginalité. »
Ferait-elle son aggiornamento,
demeurerait encore la question
du leadership : « Si vous pen-
« Les élections
européennes
joueront un rôle
de juge de paix »
sez que Roussel et les écologistes
vont se retirer au profit de Faure
au cas où le PS arrive en tête aux
revient à diviser. Sans craindre une
défaite aussi cuisante que celle des
socialistes sous François Hollande
en 2014, devancés par l’UMP et le
FN, le camp présidentiel sait qu’au
soir des résultats, l’écart qui le
séparera de la liste de Jordan Bar-
della peut valoir humiliation. Les
instituts de sondages prédisent
10 points, voire plus, entre le RN
et Renaissance, ce qui renforcerait
encore le vent dans les voiles du
parti de Marine Le Pen qui semble
aujourd’hui être aux yeux des Fran-
çais le seul dont l’image progresse,

par l’intéressé donne des sueurs
froides à ses anciens alliés, eux
qui rêvent de s’en affranchir une
bonne fois pour toutes.
Si l’opposition unanime de la
gauche au projet de loi immi-
gration a pu faire croire à une
réconciliation, elle n’était que
passagère. Les circonvolutions
bien, nous, on veut s’autonomiser
de Mélenchon », sourit un stra-
tège écologiste.
Depuis quelques mois, les dis-
cussions vont bon train entre le
Parti socialiste, le Parti commu-
niste français et les Écologistes
(anciennement EELV). Cette
« Nupes light », selon la formule
d’un cacique du PS, réfléchit à une
européennes joueront le rôle de
juge de paix », veut-on croire
dans les rangs socialistes. Le
parti à la rose a beau jeu de le
penser, puisque sa future tête
de liste, l’eurodéputé Raphaël
Glucksmann, a hissé le PS en
troisième position (10 %) dans
les sondages d’intention de vote,
STEPHANE LEMOUTON-POOL/SIPA
européennes, vous commettez
une grossière erreur », souligne le
communiste précité. Une autre a
d’ores et déjà été commise : avoir
enterré trop vite Mélenchon. « Lui,
candidat aux européennes, ce n’est
plus la même histoire », prévient
un ténor du PS. g
VICTOR-ISAAC ANNE

Bruxelles menace la liberté d’opinion !

ENTRETIEN Le député européen et
secrétaire général de LR, Geoffroy
Didier, alerte sur l’interventionnisme
européen dans le débat public français
Vous êtes rapporteur du Media Freedom Act, un
règlement européen qui menace la liberté de la
presse. De quoi s’agit-il ?
La Commission européenne a décidé de légi-
férer pour garantir l’indépendance des médias
en Europe. L’intention est bonne, mais l’Europe
en fait souvent trop. Elle veut même réguler le
fonctionnement interne des salles de rédaction,
remettant en cause la liberté des médias, notre
modèle culturel et notre tradition nationale.
Si le texte devait être adopté tel quel, un pro-
priétaire d’une chaîne de télévision ou d’un
journal ne pourra plus prendre part à sa ligne
sont libres » et n’ont que pour seule limite le
respect de la loi. C’est notre tradition républi-
caine ! Au nom d’une volonté folle de tout har-
moniser, la vice-présidente de la Commission
européenne Věra Jourová souhaite imposer un
autre modèle à la presse qui serait régulée par
une autorité administrative de tutelle, comme le
sont déjà la télévision et la radio. Ce serait la fin d’information, les Gafam [acronyme des géants
de la presse d’opinion. Si un lecteur de gauche
veut lire Libé pour y retrouver ses idées, il doit
pouvoir le faire ! Idem pour la droite. Si nous
laissons l’Europe légiférer, une autorité admi-
nistrative pourra impo-
ser au JDD un temps de
parole strictement égal INTERVIEW
dans ses colonnes pour
Jean-Luc Mélenchon ou
pour Sandrine Rousseau
Ce texte contient des avancées. Avec l’aide
de Thierry Breton, nous avons pu interdire la
suppression arbitraire de contenus d’informa-
tion par certains réseaux sociaux. YouTube quand celle des autres s’abîme.
avait supprimé des vidéos de sites de médias Non seulement cela compliquera
sous prétexte qu’ils étaient trop pro-Trump ou la gouvernance déjà chaotique de la
trop antivax ! Devenus notre principal outil majorité, mais s’installera dans les
têtes l’idée que le Rassemblement
du Web, NDLR] se permettaient de limiter nos national est devenu inarrêtable.
débats politiques au nom de leurs conditions Pour contrer cette dynamique,
générales d’utilisation. Sur le reste, le pro- Renaissance prévoit une cam-
jet de texte est très insatisfaisant. Jusqu’au pagne offensive, 300 000 tracts
vote en mars prochain au avec bulletins d’adhésion en prime.
Parlement européen, nous Une campagne positive qui rap-
devons nous battre pour pellera les bienfaits d’une Europe
infléchir les positions inac- « du dernier kilomètre », celle qui
ceptables de la Commission finance la portion de route qui
européenne sur la presse. désenclave un village ou mène
ALFONSO JIMENEZ/SHUTTERSTOCK/SIPA

éditoriale ni la faire évoluer. Et si ce texte était
déjà en vigueur, CNews n’aurait pas pu devenir
CNews et le nouveau JDD n’existerait pas !
En s’ingérant dans la vie des médias, l’Europe
sort de son lit et porte atteinte au principe de
subsidiarité, qui exige de respecter les souve-
rainetés nationales.
En quoi cette régulation peut-elle se révéler
problématique ?
En France, la loi du 29 juillet 1881 consacre la
liberté de la presse. « L’imprimerie et la librairie
que pour Éric Ciotti ou Le Gouvernement français à une zone commerciale. Celle
Jordan Bardella ! C’est pratique, une fois encore, le qui a permis de relancer la PAC
tout notre modèle cultu- « en même temps ». À Paris, quand les agriculteurs peinent à
rel de liberté éditoriale il fait semblant de promettre s’en sortir. Le président conserve
qui est en danger. Et ce de défendre la liberté de la deux atouts majeurs pour espé-
sont les Français qui en presse. À Bruxelles, il lâche rer approcher les 25 %, voire plus :
seront les premiers per- tout par faiblesse et dupli- un socle d’électeurs extrêmement
dants ! cité. Il est urgent de sauver la solide, qui n’est jamais tombé sous
liberté d’opinion ! Face aux les 20 %, et sur le monopole de la
De quels leviers dérives de Bruxelles, il est défense des vertus de l’Union. g
disposons-nous pour temps de remettre l’Europe
faire pièce à ce projet ? à l’endroit. g V.-I. A. ANTONIN ANDRÉ
 14
La ministre veut faire
de l’activité physique
la Grande Cause
nationale de 2024.
J.E.E/SIPA
INTERVIEW
MISE AU POINT Après
les récentes polémiques
sur Paris 2024, la
ministre des Sports
appelle tous les acteurs
à se bouger
Actualité Politique
Amélie Oudéa-Castéra
JO, Euro de foot :
« La France a besoin
de victoires »
Ces dernières semaines ont été
marquées par des polémiques :
les transports, la tour d’arbitrage
de l’épreuve de surf, la sécurité…
Comment expliquez-vous qu’un
événement festif charrie autant
de mauvaise humeur et de
divisions ? C’est un mal français ?
C’est un contexte que connaissent
tous les pays hôtes à l’approche
des Jeux. Ce fut le cas à Londres
et à Rio : polémiques sur le coût,
inquiétudes quant à l’impact sur
le quotidien, engorgement dans
les transports, etc. Mais il y a sans
doute aussi une dimension cultu-
relle : les Français sont exigeants,
et un peu râleurs. Je ne m’en plains
pas – ce sont des traits de carac-
tère qui nous poussent aussi à nous
dépasser – dès lors que les faits ne
sont pas travestis.
Au sein même du comité
d’organisation, il y a eu des
frictions entre Anne Hidalgo et
vous-même ou Clément Beaune.
LE JOURNAL DU DIMANCHE
La maire de Paris a-t-elle plombé
l’organisation ?
Non, je pense qu’elle a sincèrement
envie que les Jeux de Paris 2024
soient un succès. Elle a commis
une erreur en risquant de décou-
rager tous ceux qui se démènent
pour être prêts, mais je veux croire
que les choses sont rentrées dans
l’ordre. Ses équipes n’ont jamais
cessé d’être coopératives et enga-
gées dans la réussite du projet.
On y est presque, rassurez-nous :
les infrastructures de transport
seront-elles prêtes ?
Oui, nous sommes vigilants mais
sereins. Un travail considérable
est accompli avec la région Île-
de-France, la RATP, la SNCF, la
communauté aéroportuaire, sous
l’égide du ministre des Trans-
ports. On n’a pas de retard sur les
grandes infrastructures. Les plans
de transport ont été réexaminés
dans le détail pour nous assurer
que toutes les zones de tension
faisaient l’objet de solutions alter-
natives. Des renforts d’offre très
importants sont prévus. Prenons
la ligne 9 par exemple, qui sera très
sollicitée pour desservir le Parc
des Princes et Roland-Garros :
l’offre sera supérieure de plus de
50 % par rapport à un été normal
et de plus de 20 % par rapport à
un hiver normal. Fin janvier, nous
lancerons une campagne pour bien
informer les usagers du quotidien
sur la fréquentation jour par jour,
heure par heure, des lignes et des
gares. Chacun pourra ainsi adapter
ses itinéraires, ses horaires, ses
modes de transport, voire pla-
nifier, quand c’est possible, des
périodes de télétravail.
La France est réputée pour être
le pays des grèves. Avez-vous
la certitude que les syndicats
joueront « les Jeux » eux aussi ?
Pas de conflit surprise ?
Depuis 2017, je le rappelle, un
comité de suivi de la charte sociale
DIMANCHE 31 DÉCEMBRE 2023
qui rassemble toutes les organi-
sations syndicales et patronales a
été mis en place. Il est associé à la
gouvernance de Paris 2024. Des
personnalités comme Bernard Thi-
bault siègent dans ces instances.
Le dialogue social est engagé et va
se poursuivre, tant chez les opé-
rateurs que dans tous les minis-
tères concernés, pour tenir compte
des circonstances exceptionnelles
liées à l’organisation des Jeux et
à la continuité que nous devons
assurer l’été prochain, en rému-
nérant les périodes d’activité en
conséquence, mais aussi en faci-
litant les reports de congés.
La promesse initiale de billets
de transport peu chers, voire
gratuits, pour les spectateurs
ayant acheté leur place pour
assister aux épreuves, ne sera pas
tenue. Pire, le ticket à l’unité double
pour atteindre les 4 euros !
Le financement par le comité
d’organisation de la gratuité des
DIMANCHE 31 DÉCEMBRE 2023
tickets, pour les seuls spectateurs,
avait été écarté dès décembre 2022,
en accord avec le CIO, dans le
cadre des efforts de modération
budgétaire. Et par rapport à votre
exemple, il y a des façons d’éviter
de payer ce tarif-là. D’abord, en
anticipant ses achats, ce qui évi-
tera des files d’attente aux bornes.
Ensuite, en optant pour les meil-
leures formules pendant les Jeux :
le passe « Paris 2024 » à la journée
coûtera par exemple moins cher
qu’aujourd’hui : 16 euros contre 20.
Et la hausse temporaire du ticket à
l’unité décidée par la région n’aura
aucune incidence sur les cinq mil-
lions de Franciliens qui possèdent
déjà un abonnement Navigo annuel
ou mensuel.
« Oui, je souhaite
que Kylian
Mbappé participe
aux Jeux »
Autre point dur : la tour d’arbitrage
des épreuves de surf à Tahiti,
qui menace d’endommager
la barrière de corail. Sera-t-elle
finalement construite ?
Absolument. Cela a été confirmé
à la fois par Tony Estanguet et par
le président de la Polynésie. Mais
nous en avons revu les dimensions :
elle a été réduite d’un quart en
taille et d’un tiers en poids, pour
revenir aux dimensions de l’ac-
tuelle tour en bois qui doit être
remplacée parce que les normes
de sécurité ne sont plus à jour. Le
forage sera moins profond et ne
nécessitera pas le déploiement
de nouvelles machines sur le site.
Les travaux de balisage ont com-
mencé il y a plusieurs jours et sont
supervisés attentivement par les
autorités locales pour s’assurer de
la protection des coraux.
Le CIO autorise les athlètes
russes et biélorusses à participer
sous bannière neutre. À condition
qu’ils ne soutiennent pas l’invasion
de l’Ukraine. Est-ce la moins
mauvaise solution ?
Le CIO a pris une décision cohé-
rente, dans un contexte complexe.
Parmi les victimes civiles de la
guerre d’agression menée par la
Russie, il y a des athlètes ukrai-
niens, et des centaines d’équipe-
ments sportifs ont été détruits en
Ukraine. Pour autant, on ne peut
pas discriminer un athlète russe ou
biélorusse qui n’aurait pas soutenu
la guerre. Dès lors, s’ils n’ont pas
de lien avec l’armée ou les agences
gouvernementales russes ou biélo-
russes, les athlètes seront autorisés
à participer sous bannière neutre, à
titre individuel. Nous nous assure-
rons du respect plein et entier des
critères de neutralité, en vérifiant
notamment qu’au cœur des stades,
le moment venu, aucun drapeau
russe ne puisse être déployé.
La menace terroriste est
prégnante, Emmanuel Macron
a évoqué l’existence d’un plan B
s’il fallait renoncer à la cérémonie
d’ouverture sur la Seine
pour des raisons de sécurité.
Vous pouvez nous en dire plus ?
Je le dis depuis plusieurs semaines
avec le ministre de l’Intérieur, il
existe des variables d’ajustement :
la jauge du public, l’organisation
exacte de la parade fluviale, la
modulation des périmètres de
Actualité Politique
MAIRIE DE PARIS
sécurité et leur durée d’activa-
tion, le calibrage des festivités
qui seront autorisées autour de
la cérémonie, etc.
Antoine Dupont, star du XV
de France, se prépare à participer
aux Jeux dans l’équipe de rugby
à sept. Kylian Mbappé souhaite
lui aussi y participer.
Demandez-vous au PSG
de lui donner le feu vert ?
La Fédération française de football
a organisé des échanges récents
et constructifs à ce sujet. J’en ai
moi-même parlé récemment avec
l’entourage de Kylian Mbappé. La
décision interviendra en temps et
en heure, en lien avec le club mais
aussi avec le sélectionneur Thierry
« Le dispositif de sécurité le plus puissant
jamais déployé sur le territoire »
LE PARISIEN/ARNAUD DUMONTIER/MAXPPP
LE JOURNAL DU DIMANCHE 15
Image en 3D
de la cérémonie
d’ouverture
des JO sur
la Seine.
Un enjeu de
sécurité majeur.
Henry. Si vous me demandez si je Justement, le sport et l’activité c’est d’inciter les Français à ins-
souhaite qu’il participe aux Jeux, physique sont consacrés Grande crire plus de sport dans leur quoti-
je vous réponds « OUI » en lettres Cause nationale de l’année 2024. dien et à adopter des modes de vie
capitales. Comment cela va-t-il se traduire ? plus actifs. Pour cela, on a choisi
L’enjeu est double. D’abord, capi- un marqueur fort : trente minutes
On parle beaucoup des JO, mais taliser sur l’élan des Jeux pour d’activité physique et sportive par
avant cela, les Bleus vont disputer mettre plus que jamais le sport et jour. On veut encourager chacun à
l’Euro de football en Allemagne, une ses bienfaits au cœur de la société les faire le plus souvent possible,
autre occasion de se rassembler ? et du pacte républicain. Ensuite, ces trente minutes quotidiennes,
Oui, d’autant que les Bleus feront s’attaquer au problème majeur de à son rythme, selon ses possibili-
partie des favoris ! L’enchaînement la sédentarité, aggravé par l’addic- tés du moment. En donnant aux
entre l’Euro en Allemagne et les tion aux écrans. L’Organisation Français des idées et des occasions
JO à Paris peut entraîner la France mondiale de la santé attribue de partager des moments de sport.
dans une dynamique de victoires. déjà 9 % des décès aujourd’hui Au total, plus de 1 000 événements
Cette équipe a envie de titres, notre en France à l’inactivité physique. mettant le sport à l’honneur par-
pays a besoin de victoires de pre- Celle-ci augmente de 20 à 60 % tout en France seront organisés
mier plan comme récemment les risques de cancers, de maladies en 2024. g
avec le hand féminin, et l’année cardiovasculaires, de diabètes de
qui s’ouvre devrait nous porter type 2. Face à cette urgence sani- PROPOS RECUEILLIS
collectivement. taire, l’objectif de la Grande Cause, PAR ANTONIN ANDRÉ
C’est l’un des lieux les plus secrets de la Répu- de moyens de projection. Surveillance renforcée
blique. Le centre de commandement de la pré- aux frontières, pour faire face à l’afflux d’entrées
fecture de police de Paris, situé dans les sous-sols sur le territoire, et attention particulière dans
de l’Île de la Cité, a été entièrement refait dans les ports : aucun angle mort ne doit échapper
la perspective des Jeux de Paris. Surveillance aux vigies des Jeux ; 35 000 forces de l’ordre
vidéo via les caméras urbaines et les drones s’y consacreront quotidiennement pendant la
qui seront massivement durée de l’événement, sans
déployés au-dessus des sites compter les 20 000 militaires
de compétition, gestion des de l’opération Sentinelle dans
forces de sécurité intérieure, Aucun détail sur le cadre du plan Vigipirate
coordination avec les opéra-
teurs de transports publics
la protection des fixé au niveau le plus élevé,
« urgence attentat » depuis la
en cas d’alerte… Des cen- athlètes israéliens mi-octobre. Outre le risque
taines d’agents du ministère terroriste, les menaces cyber,
de l’Intérieur vont, depuis
ne doit filtrer la protection des athlètes
ce site ultrasécurisé, ver- de la délégation israélienne
rouiller la sécurité des Jeux. a également été resserrée
« C’est un dispositif inédit, le plus puissant jamais compte tenu du conflit en cours, un dispositif
déployé autour d’un événement sur le territoire dont aucun détail n’a vocation à filtrer.
français », nous révèle notre source à Beauvau. Conscient du nouvel effort demandé aux forces
« Le GIGN, le Raid et la BRI [brigade de recherche de sécurité éprouvées par des temps de mobili-
et d’intervention, NDLR] seront intégrés dans sation très longs et par les critiques récurrentes
une organisation et un commandement communs, dont elles font l’objet, le gouvernement a affecté
c’est du jamais-vu pour ces unités d’élite qui sont des moyens supplémentaires pour les épauler.
habituées à un fonctionnement cloisonné dans La Première ministre a signé l’octroi de primes
lequel chacun garde une certaine autonomie », de 500 à 1 500 euros pour les agents qui seront
nous détaille-t-on. engagés pendant les Jeux, et des partenariats
Moins visible, l’armée de l’Air et de l’Espace sont en cours avec le monde associatif pour faci-
scrutera le ciel, ses hélicoptères et chasseurs prêts liter la prise en charge de leurs enfants s’ils le
à décoller en cas de menaces ou de réquisitions souhaitent. g A. A.
 16
EMPLOI Après quinze
ans de bons et loyaux
services, Pôle emploi
laisse sa place
à une nouvelle structure
Certains territoires n’ont pas
attendu que sonne le gong de la
nouvelle année pour essuyer les
plâtres. En effet, si Pôle emploi
passe officiellement sous « pavil-
lon » France Travail dès demain,
1er janvier 2024, quelques dépar-
tements ont déjà testé le projet.
C’est le cas depuis mars dernier
de la Loire-Atlantique, et plus par-
ticulièrement de Saint-Nazaire,
une terre touchée par le chômage
(6,3 % de la population), où plus
de 1 500 personnes ne vivent que
grâce au RSA. Un « chantier » idéal
donc, pour tester le modèle France
Travail censé devenir une sorte de
couteau suisse de l’emploi. Traduc-
tion : que la pléiade d’acteurs qui
gravitent autour de la recherche
d’activité s’unissent, Pôle emploi
bien sûr, mais aussi les missions
locales, les maisons de l’emploi,
l’Apec (Association pour l’emploi
des cadres), les collectivités ter-
ritoriales, et quelques autres. La
promesse ? Qu’un demandeur
d’emploi, surtout s’il est jeune,
n’ait plus autant d’interlocuteurs
qu’avant ( jusqu’à une dizaine par-
fois) et que son profil soit claire-
ment identifié par tous ceux qui le
suivent. Diagnostics approfondis,
accompagnements intensifs… sur
le papier, le projet est ambitieux.
« En ce sens, Saint-Nazaire était le
laboratoire parfait », nous explique
un sous-préfet qui préfère rester
PHOTO12/ALAMY/SERGE MOURARET
Actualité Société
France Travail
doit faire ses preuves…
anonyme. D’un côté vous avez des
employeurs – en l’occurrence les
Chantiers de l’Atlantique – qui
peinent à recruter, contraints de
faire venir une main-d’œuvre
détachée de l’étranger (notam-
ment d’Ukraine), et de l’autre des
chômeurs, souvent longue durée,
pas ou peu qualifiés pour postuler.
« Les groupes de formation censés
faire la jonction n’étaient pas effi-
caces, poursuit notre sous-préfet.
France Travail, c’est justement
mettre tout le monde autour d’une
même table pour régler le problème.
Le préfet, les syndicats, les forma-
teurs et les collectivités… afin de
casser ce bordel à la française.
LE CHIFFRE
1,5MILLIARD
C’est, en euros, la somme
qui va officiellement
être injectée pour
la transformation de Pôle
emploi en France Travail
sur les trois prochaines années.
Un investissement
auquel il convient d’ajouter
3,9 milliards d’euros
qui seront versés par l’État
aux différents partenaires
(comme les missions locales et
collectivités territoriales)
de cette nouvelle structure,
étalés sur quatre ans.
LE JOURNAL DU DIMANCHE
Quels sont les postes à pourvoir ?
Qui sont les chômeurs concernés ?
Quels sont leurs atouts ou leurs fai-
blesses ? Quels sont les différents
budgets ? » Bilan des courses :
après une dizaine de mois et près
de 2 millions d’euros investis, les
différents acteurs du test estiment
l’essai plutôt prometteur, conve-
nant toutefois qu’il mérite d’être
consolidé.
L’objectif ? Atteindre le plein-
emploi promis par Macron. En
clair, ramener la courbe du chô-
mage autour des 5 %, contre
7,4 % actuellement, d’ici à la fin
du quinquennat. Un demandeur
d’emploi coûte à l’État légèrement
plus de 23 000 euros par an (en
moyenne) et le pays en compte
plus de 5 millions : l’Élysée espère
faire baisser la note.
Pour mener à bien cette mis-
sion, c’est d’ailleurs un homme du
président, fidèle parmi les fidèles,
jusqu’alors haut-commissaire
à l’emploi, qui a été choisi. Thibaut
Guilluy, qui n’a pas souhaité nous
répondre, prend ainsi la direc-
tion générale d’un projet qu’il a
lui-même contribué à élaborer. Il
n’est pas énarque, contrairement
à son prédécesseur, mais diplômé
de l’ESCP Business School, une
grande école de commerce pari-
sienne qui forme des financiers.
« Il est là pour faire du Macron.
Peu importent les chiffres »,
nous souffle un proche. Mais
ce nouveau « logiciel » reste
assez flou. Ne serait-ce que sur
le plan numérique, puisque per-
sonne ne sait vraiment à quoi va
ressembler la (ou les) nouvelles
plateforme(s) dédiée(s) à la
recherche d’emploi. Le projet est
donc encore loin d’être achevé
(Guilluy lui-même en convient),
mais il s’annonce déjà coûteux.
Contacté, le ministère du Tra-
vail précise que la transforma-
tion nécessitera « 300 millions
d’euros supplémentaires en 2024,
puis 500 en 2025 et 750 en 2026 ».
Un sous-préfet va même au-delà
des estimations globales : pour
lui, le déploiement de France
Travail pourrait finalement coû-
ter jusqu’à 10 milliards d’euros.
Quant aux enjeux couverts par
de telles sommes, rien ne semble
très clair non plus.
« Nous avons
suivi des
formations mais
le changement
va être brutal »
Les premiers à s’inquiéter de cette
transformation ne sont autres que
les employés de Pôle emploi eux-
mêmes. Selon nos informations,
environ 300 nouvelles recrues
viendront garnir les effectifs
en 2024… Pas suffisant pour bon
nombre des 55 000 employés
actuels qui pestent contre la
désorganisation évidente qu’ils
constatent avec impuissance.
Raison majeure invoquée ?
L’importation des 1,8 million de
bénéficiaires du RSA dans leurs
portefeuilles. Une masse de chô-
meurs, souvent les plus démunis,
qui s’apprête donc à pousser les
portes des 896 agences France
Travail dispersées sur le terri-
toire (seulement 40 % des allo-
cataires du RSA sont aujourd’hui
DIMANCHE 31 DÉCEMBRE 2023
inscrits chez Pôle emploi). Sans
compter le débat qui s’installe
sur le traitement qui leur sera
réservé : ils devront désormais
justifier de quinze heures d’acti-
vités d’insertion pour préserver
leurs allocations, ce que beaucoup
jugent difficile à mettre en place.
C’est en tout cas ce que révèlent
les expérimentations faites sur
ce projet précis dans 18 dépar-
tements pendant l’année 2023.
« Nous avons suivi des formations
pour nous préparer, certes, mais
le changement va être brutal.
D’autant plus que nous avons déjà
du mal à gérer nos demandeurs
d’emploi actuels. Alors, tous ces
gens en plus, ce sera ingérable… »
confie l’un de ces employés.
Plusieurs interlocuteurs confient
d’ailleurs qu’ils peinent à obtenir
leurs allocations depuis plusieurs
mois, et plus que d’habitude.
Après s’être « actualisés » comme
convenu sur l’application de Pôle
emploi, en renseignant leurs acti-
vités et revenus du mois, rien ne se
passe. Nombreux sont contraints
de contacter leur conseiller, par-
fois à plusieurs reprises. « Nous
ne sommes pas assez nombreux,
poursuit cet employé, à tel point
que pour tous ceux qui ont monté
une auto-entreprise par exemple,
le traitement des déclarations a
été externalisé. Ça allonge et
complique considérablement les
délais ! »
Ce casse-tête-là n’a pas été
résolu avant le lancement de
France Travail. Sans compter la
réforme de l’assurance chômage,
repoussée de quelques mois, qui
devrait voir le jour dans l’année. g
ANTOINE LEROY
Thibaut Guilluy,
artisan
de la transformation
de Pôle emploi
en France Travail.
BRUNO LEVY/DIVERGENCE
 DIMANCHE 31 DÉCEMBRE 2023 LE JOURNAL DU DIMANCHE 17

Actualité Société

INTERVIEW

LA PROVENCE/DAVID ROSSI/MAXPPP
DR

« ON NE
MEURT PAS
À 15 ANS ! » À La Paternelle, les « choufs » surveillent l’accès dans la cité.
INTERVIEW Hassen Hammou,
porte-parole d’EELV PACA, est Marseille
le fondateur du collectif marseillais
« Trop jeune pour mourir »

Quelle est votre mission première ?

On intervient auprès de jeunes absor-
L’année de tous les records
bés dans une spirale de violence. On
essaye de s’occuper d’eux, de leur par- REPORTAGE Entre violente que j’ai connue dans ma carrière, loin fecture, l’« augmentation de 50 % des saisies
ler d’autres choses que du trafic ou de règlements de compte devant 2016, qui était déjà sanglante », confie de fusils d’assaut », cent cinq depuis janvier,
la répression policière qui en découle. Christian, casquette vissée sur la tête et holster dont une vingtaine en septembre, lors d’une
Il faut leur faire comprendre qu’on ne et guerre des gangs, la cité de cuisse apparent. À quelques pas du com- opération de la brigade anticriminalité. À quoi
meurt pas à 15 ans ! phocéenne a connu une année missariat du 15e arrondissement, où lui et ses s’ajoutent les armes de poing, les fusils de
particulièrement sanglante « frères » de la BAC Nord travaillent, Christian chasse ou les pistolets mitrailleurs qui, eux
Certains habitants réclament s’accoude au comptoir d’un café. « Tu ne peux aussi, traînent dans les innombrables caves
une présence policière accrue. pas écrire sur le narcotrafic marseillais comme des « grands ensembles » du nord de la ville.
Vous, vous déplorez une réponse Envoyé spécial Marseille tu le ferais à Paris. Marseille, c’est un État dans « Imaginez le trafic comme un grand groupe
« trop sécuritaire » face au trafic. l’État, les règles du jeu sont différentes ici ! » capitaliste, avec une activité principale, la vente
Que proposez-vous ? Le mistral s’engouffre entre les grandes tours Dans les quartiers nord de la ville, policiers de drogue. Et des succursales, comme le blan-
Nous pensons qu’il faut remettre de blanches de La Paternelle, cet ensemble et trafiquants se connaissent, jouent au chat chiment de l’argent sale… ou le règlement de
l’humain dans ces quartiers abandon- d’habitations vétustes et d’immeubles HLM et à la souris, s’invectivent, se courent après, comptes. » Pour cet agent de la Brigade de
nés par les pouvoirs publics. Évidem- minés par le trafic de drogue. Construite à parfois se tirent dessus, mais tous le disent : répression du banditisme (BRB), le meurtre
ment qu’on a besoin d’enquêteurs et la hâte dans les années 1950, « La Pater » est le problème du trafic est insoluble. organisé vit ses grandes heures. « Ça va de 5
de policiers, mais le « tout-police » d’une froideur cadavérique. Une dizaine de La préfecture des Bouches-du-Rhône n’est à 40 000 euros pour un contrat, précise-t-il,
n’est pas la solution, la preuve, rien jeunes, tous liés au trafic de stupéfiants, y ont pourtant pas inactive, loin de là. Frédérique avec une moyenne autour de 15 000. » Les pro-
n’a changé depuis quinze ans. Être à trouvé la mort en 2023. Point névralgique Camilleri, la préfète de police nommée en fils des sicaires sont divers, du simple jeune
l’écoute et proposer des solutions de de la guerre sanglante qui a opposé les deux 2020, l’avait promis : lut- désocialisé à l’assassin pro-
sortie aux habitants de ces quartiers, principaux gangs marseillais, La Paternelle ter contre les trafiquants fessionnel. « Mais on note
c’est là qu’est la solution. est aujourd’hui au repos. « On a éteint le char- « sans relâche, sans états Les policiers ont quand même de plus en plus
bon, se félicite Christian*, policier de la BAC d’âme, pied d’immeuble d’amateurisme, reconnaît
Vous intervenez auprès des proches Nord, qui répond au JDD non sans cynisme. par pied d’immeuble, l’impression le gardien de la paix. On a
des victimes de fusillades. Faut dire qu’ils nous ont facilité la tâche en cage d’escalier par cage des profils à peine majeurs,
Comment vous y prenez-vous ? s’éliminant les uns les autres ! » d’escalier ». La fameuse de vider un océan qui ne savent pas se servir
On essaye de leur redonner de l’espoir, Car Marseille sort d’une année macabre. tactique du harcèlement. à la petite cuillère d’une arme et qui laissent
de sauver les vivants. C’est une tâche Quarante-neuf homicides et « plus d’une cen- Sur le papier, les chiffres leurs chargeurs au sol après
immense et terrible, très difficile. On taine de tentatives », comme l’indique une donnés par la préfecture avoir tiré, ça nous facilite
n’a pas les moyens de leur donner une source judiciaire : la cité phocéenne célèbre au JDD sont impression- parfois les investigations ! »
prise en charge profonde, mais on fait un triste record. À la kalachnikov, à l’arme de nants : plus de 2 000 interpellations depuis Des gamins sans conscience, qui ont fait de
du mieux qu’on peut ! g poing, parfois à la machette ou au tesson de janvier 2023 – un record –, près de 7 tonnes l’assassinat leur gagne-pain. C’est le cas de
bouteille, les équipes de dealers règlent leurs de cannabis saisies, soit une augmentation Matteo Farina, 18 ans, surnommé « Le Sicario »,
PROPOS RECUEILLIS PAR G. A. comptes dans le sang. « C’est l’année la plus de 27 % par rapport à 2022. Plusieurs opé- mis en examen dans six affaires d’assassinat.
rations de police musclées ont par ailleurs Il est membre de la DZ Mafia, une équipe de
ponctué l’année. Mais cela n’a pas permis trafiquants engagée dans une guerre ultravio-
d’endiguer le trafic. « Loin s’en faut », tranche lente depuis des mois contre le clan Yoda, qui
un enquêteur de la PJ marseillaise. À chaque règne sur plusieurs points de stups de la ville.
tête qu’ils coupent, une autre repousse, les « On connaît un petit moment d’accalmie »,
policiers ont l’impression de vider un océan se félicitait un policier à la veille de Noël, évo-
à la petite cuillère. « En réalité, on a trop bien quant deux grosses opérations menées en
travaillé, s’amuse notre enquêteur. La plupart novembre, qui avaient permis l’interpella-
des grosses têtes du trafic marseillais de ces tion de 46 membres présumés de ces gangs.
dernières années sont derrière les barreaux Relâchement de courte durée : dans la nuit
ou à l’étranger, ça a laissé de la place pour de de Noël, Nordine Achouri, caïd de la cité de
nouveaux arrivants. » Plus jeunes, plus vio- la Castellane, tout juste sorti de prison, était
lents, plus nombreux, les narcotrafiquants ne abattu dans une rue. Quelques jours plus
respectent plus aucune règle. « Avant, le trafic tard, hier samedi, un jeune homme de 22
suivait une structure pyramidale, la discussion ans succombait à ses blessures après avoir
était possible. Aujourd’hui, c’est anarchique. été exécuté dans le XVe arrondissement de
LA PROVENCE/GARRO/MAXPPP

Règlement de comptes
à Marseille,
le 13 novembre dernier.
Les gangs sont désorganisés et comptent de très
nombreux membres. Ils sont dans une logique
de conquête territoriale, avec des descentes
armées qui permettent de prendre le contrôle
du point de vente de la concurrence. »
Des fusillades permises par une explosion
de la vente d’armes sur le marché noir. Parmi
les chiffres que nous communique la pré-
Marseille. Lui aussi était connu de la police
et de la justice pour trafic de stupéfiants. De
quoi alimenter la crainte d’une reprise de ces
affrontements mortels. g
GEOFFROY ANTOINE
* Le prénom a été changé.
18
La tradition
dans l’assiette
GASTRONOMIE
Le restaurant au chiffre
d’affaires le plus élevé
de France pourrait
déménager, avec
ses 200 employés
On aurait pu imaginer ces queues
indisciplinées, bruyantes, se
marchant dessus pour des œufs
mayonnaise ou s’injuriant pour
une colline de frites tièdes. Le mot
buffet est mal connoté. On serait à
des années-lumière de l’esprit des
Grands Buffets, cet établissement
narbonnais hors norme en Europe.
383 000 couverts par an, plus de
200 employés, quelque 300 plats
proposés dont ce plateau de 112 fro-
mages qui lui vaut d’être inscrit au
Guinness des records. Comptez en
moyenne six mois pour une réserva-
tion (pour 2 millions de demandes
par an) afin de goûter des plats
quasiment disparus des cartes de
France. Ici, le client se fait respec-
tueux. Il ne se bâfre pas, n’empile
pas, et rares sont ceux qui oseraient
le bermuda et les claquettes, malgré
une formule relativement abordable
(52,90 euros). Le restaurant, au plus
grand chiffre d’affaires de France
(24 millions d’euros), est davantage
qu’une orgie gargantuesque. Car,
au-delà de la cascade de homards
et des pyramides de macarons, il
s’agit d’une sorte de conservatoire
de la gastronomie nationale, où
les travers de la cuisine moderne
L’établissement
ne lésine pas
sur le décorum
n’ont pas leur rond de serviette.
Rien n’énerve plus l’emblématique
patron des lieux, Louis Privat, que
l’expression « revisité », utilisée à
toutes les sauces : « Ça m’exaspère !
Une tarte tatin n’a pas à être revisi-
tée. Une crêpe Suzette, un vrai plat
de maître d’hôtel, a ses codes. Un cas-
soulet doit rester un cassoulet. C’est
le patrimoine culturel français. » Les
Grands Buffets se font fort de pro-
poser le rituel du repas français et
le répertoire de la cuisine d’Auguste
Escoffier, en accord avec la descen-
dance du célèbre auteur du guide
culinaire : canard au sang (le restau-
rant a acheté la presse à canard de la
Tour d’Argent), lièvre à la royale (un
cuisinier est dédié à la préparation
complexe de ce mets), vol-au-vent
aux ris de veau, pour ne citer que
ça. « J’ai l’impression que l’époque
a besoin d’authenticité. Ici, on vient
manger décomplexé. » Bienvenue
chez les réacs de l’assiette française !
« La gastronomie souffre de la glo-
balisation. Et elle a perdu en identité.
Les tables étoilées du Danemark et
de France servent les mêmes créa-
Actualité Société
Les Grands Buffets
Fondés en 1989 par
Louis Privat, Les Grands
Buffets sont une défense
et illustration des traditions
culinaires françaises.
tions. Et, à de rares exceptions près,
ces plats, souvent peu inspirés, ne
perdureront pas. Alors que des plats
emblématiques comme le canard
au sang sont des chefs-d’œuvre en
péril », se désole le septuagénaire
qui constate que la cuisine moderne
consiste à « contourner un savoir-
faire en allant toujours vers la sim-
plicité. Mais il ne faut pas se tromper,
cette recherche de la simplification a
également un but : réduire les coûts
de fabrication. Combien de grandes
tables de France n’ont même plus de
nappes aujourd’hui ! »
Les Grands Buffets ne lésinent
pas sur le décorum et le service à
la française. Installé dans un centre
de loisirs un peu décrépit à l’archi-
tecture des années 1980, l’établis-
sement tranche avec l’atmosphère
bétonnée des alentours. On peine
à croire que derrière les portes de
l’entrée trônent de véritables pièces
de musée. Originales comme telle
ALEXANDRE MENDEL
tapisserie d’Aubusson, ces voitures
de taille pour la viande, ou des
créations somptueuses comme ces
lustres Saxe-Gallery, en bronze doré,
conçus sur mesure et semblables à
ceux qui ornent le château de Cham-
bord. En salle déambule en perma-
nence une armée de chefs de rang, et
s’affairent, sous l’œil des clients, der-
rière les fourneaux, des cuisiniers
en toque, des rôtisseurs, un saucier,
des maîtres d’hôtel chargés de la
découpe. Le restaurant voit toujours
plus grand. Pendant le covid, Louis
Privat a investi 5 millions d’euros
pour réaménager l’établissement.
Pour encore plus d’apparat, il a créé
un salon doré, baptisé Jean-de-La-
Fontaine : parquet Versailles en
chêne massif, flambeaux Louis XVI,
dorure à l’or fin… La réalisation de
cet endroit, fierté de Louis Privat,
a été confiée aux compagnons des
LE JOURNAL DU DIMANCHE
Ateliers de France.
Le modèle économique n’est pas
un secret. « C’est facile. Le public
doit être constant. C’est notre cas,
puisqu’on est complet douze mois sur
douze. » Le gâchis ? « Les pertes sont
très faibles. On connaît au gramme
près ce que va choisir le client. Le foie
gras, par exemple, ce n’est pas 50 ou
51 grammes, c’est précisément 49 !
On travaille en flux tendu. Il ne reste
rien en chambre froide. Les quelques
produits, oxydés, ou le gâteau qui n’a
plus que trois parts, on les donne à nos
collaborateurs. » Ce succès, pour-
tant, n’est pas copié. Encore moins
franchisé… « Ça ne m’intéresse pas.
Un partenaire financier m’a proposé
d’en créer cinq en France. Ce n’est pas
mon sujet. Quant à l’étranger, je ne
suis pas certain d’avoir la compétence
pour en créer à Berlin ou à Madrid. »
Alors oui, les tarifs ont augmenté au
fil des années. Conséquence d’une
politique sociale très généreuse :
« Une augmentation des salaires de
30 % a valu une hausse de 5 euros. »
C’est peu de dire que le restaurant
n’a pas de mal à embaucher dans
un secteur à la peine : ici, un ser-
veur débutant touche en moyenne
2 400 euros nets mensuels et envi-
ron 1 000 par mois de pourboires,
sans compter une politique d’aide
contre l’endettement. Là aussi, Louis
Privat voit une sorte d’hommage
à Auguste Escoffier : « Derrière
le cuisinier, il y avait aussi un chef
d’entreprise qui avait mis en place un
système de retraite pour sa brigade. »
L’été dernier, Louis Privat a
annoncé son intention de déména-
ger. Sale coup pour Narbonne ! Car
l’établissement est devenu une des-
tination touristique. « Je veux passer
à 500 000 couverts par an, fonder une
épicerie, un hôtel de 200 chambres et
même une ferme », s’enthousiasme
le patron. 90 % des salariés le sui-
vront – et il prendra à sa charge leurs
frais de déménagement. Trois villes
étaient candidates : Perpignan, Car-
cassonne et Béziers. Perpignan a jeté
DIMANCHE 31 DÉCEMBRE 2023
LGB ; LGB ; ÉRIC CATARINA/GETTY
l'éponge et Béziers vient de renoncer.
« L’idée c’est d’être accueilli comme
locataires. Mais ce sont des dossiers
longs à traiter. » Cette décision de
partir entretient dans le Sud de la
France une sorte de feuilleton pas-
sionnant les médias locaux, où les
élus, conscients de l’attractivité éco-
nomique que constitue un tel projet,
hésitent à sortir le chéquier pour un
projet aussi pharaonique. À moins
que Louis Privat ne décide de rester à
Narbonne. Ses relations avec le maire
divers droite Didier Mouly, récem-
ment décédé, étaient exécrables. « Je
pourrais reconsidérer ma position si
la ville est d’accord pour en faire un
espace prestigieux. On amène de la
richesse. Le séjour moyen d’un client
qui vient chez nous, c’est trois jours et
demi. Il y a les emplois directs certes,
mais aussi tous ceux qui sont induits »,
argumente Louis Privat. Une façon
de dire que le départ des Grands
Buffets serait une petite catastrophe
économique pour le tourisme dans
cette ville de 53 000 habitants. La fin
du règne de l’opulence. g
ALEXANDRE MENDEL
Les Grands
Buffets
ont racheté
la presse à canard
de la Tour
d’Argent.
DIMANCHE 31 DÉCEMBRE 2023 LE JOURNAL DU DIMANCHE 19

Actualité Société
Les huîtres seront en nombre sur les ventes ostréicoles de la fin d’année,
Tempêtes, inflation, bactéries étals », indiquait Philippe Le Gal, fait donc la pluie et le beau temps
le président du Comité national de pour ce « produit d’appel festif »,

Les huîtres au rendez-vous conchyliculture, lui-même exploi-

tant d’un parc ostréicole à Surzur
(Morbihan). Avant les interdictions.
au même titre que le foie gras ou le
saumon. « Nous sommes une véri-
table variable d’ajustement », indique

malgré tout L’an dernier, la filière avait déjà

FÊTES Après
une année difficile,
les ostréiculteurs
jouent la sagesse
Branle-bas de combat partout sur le
littoral ostréicole. Depuis quelques
semaines, les activités sont à leur
point haut dans l’ensemble des
16 000 parcs à huîtres où la main-
d’œuvre s’affaire à les trier en fonc-
tion de leur taille, pour ensuite les
placer dans des bourriches avant
expédition. « Le mois de décembre,
indique Philippe Morandeau, pré-
sident du Comité régional ostréicole
de Charente-Maritime, concentre,
pour la plupart des profession-
nels, près des deux tiers des ventes
annuelles. » Pas question donc de
plus en plus marqués par l’urbani-
sation, les rejets en mer d’eaux de
ruissellement chargées en bactéries.
Mais ce n’est pas leur seule appré-
hension. La principale concernait
cette année les dégâts causés par
les trois dernières impression-
nantes tempêtes Céline, Ciarán et
Domingos, des mois d’octobre et de
novembre. Dans le bassin d’Arca-
chon justement, 20 hectares de
parc ont été décimés uniquement
sur le banc d’Arguin, provoquant des
pertes chez une soixantaine des 140
producteurs locaux. Entre la force
du vent et celle de la mer, des poches
d’huîtres se sont éventrées avant
d’être retrouvées sur le sable, par-
fois très loin des élevages marins. En
Normandie, en Bretagne, les dégâts
ont été parfois très importants. À
Locmariaquer, dans le département
du Morbihan, le producteur Éric
Callioce déplore par exemple un
hectare totalement détruit.
« Ces difficultés, évidemment très
lourdes pour les producteurs concer-
nés, ne remettent heureusement pas
en cause la globalité des volumes pro-
posés pour les fêtes de fin d’année.
souffert. Très atteinte par la hausse
des prix de l’énergie et des princi-
pales fournitures, elle avait obtenu
des acheteurs de la grande distri-
bution des augmentations tarifaires
jusqu’à 15 %. Impossible de recom-
mencer. « Pour les fêtes 2023, nous
avons réclamé des augmentations
à la marge. On ne va pas répercu-
ter l’envolée du coût du transport.
Dans le contexte général de baisse
de la consommation des ménages,
nous nous devons d’être particuliè-
rement sages », continue Philippe
Le Gal. D’autant que la filière est déjà
décroissante, de l’ordre de « 4 à 5 %
par an », insiste Philippe Morandeau.
La grande distribution, qui
concentre 70 % de l’ensemble des
un ostréiculteur. Jacques Trottier,
le président du syndicat des entre-
prises du traiteur frais, a récemment
indiqué que le prix du saumon
fumé devrait encore progresser
d’au moins 5 % cette année après la
hausse de 10 % en 2022. Pour l’achat
de 40 grammes de saumon fumé, le
consommateur devra débourser « de
5 à 10 centimes supplémentaires ».
Mais en préférant jouer la modé-
ration, les ostréiculteurs pensent
aussi au printemps et à l’été 2024.
Ils sont de plus en plus nombreux à
se lancer dans la dégustation directe
avec plateaux servis près de leurs
cabanes à huîtres pour un dépayse-
ment garanti, à peu de frais ! g
STANISLAS DU GUERNY

La grande
distribution
concentre
70 % des ventes Parc à huîtres
de Bélisaire,
dans le bassin
« louper » cette période fondamen- d’Arcachon.
tale pour la filière, dont le chiffre
d’affaires annuel avoisine les 400
millions d’euros. Numéro un en
Europe, la France produit plus de
80 000 tonnes d’huîtres creuses et
plates par an.
Ce qui arrive aux ostréiculteurs
du bassin d’Arcachon, du Calva-
dos ou de la Manche est la crainte
numéro 1 : l’interdiction de la

MARC CHARUEL
vente d’huîtres d’un secteur entier
à quelques heures du réveillon… Une
inquiétude identifiée par ces ostréi-
culteurs qui savent leurs bassins de

L’intérêt d’une huître en bonne santé

PROTECTION À la veille d’une forte consommation
d’huîtres, les ostréiculteurs veillent à la santé
de leurs clients par le suivi de leurs productions
L’huître inquiète parfois. Comment savoir si elle sera
mauvaise, comme l’ont appris à leurs dépens certains
consommateurs d’huîtres du bassin d’Arcachon à Noël ?
C’est bien cette inquiétude qui pousse à une grande sur-
veillance. Pendant de nombreuses années, les collectivités
locales n’ont pas entretenu leurs réseaux pour diverses
concernent les coquillages en fonction de leur groupe et
des zones d’élevage. « Le classement en B, pour le groupe 3
où sont les huîtres, les moules et les Saint-Jacques, impose
une purification des huîtres pour éliminer les bactéries. On
sait très bien le gérer », détaille le spécialiste. Et pour le
norovirus responsable de gastro-entérite virale ? « Le
problème, c’est l’État qui ouvre le parapluie pour se pro-
téger. L’État attend les Tiac, alors que nous réclamons des
suivis sur les coquillages ! » TIAC ?
Les cas de « toxi-infection alimen-
DR
année. Au bout du chemin de la Skopet, à Carnac, le pay-
sage conchylicole sculpte l’océan de tables emplies de
poches d’huîtres. Caroline Eyraud et son mari Alexis ont
quitté leur vie d’ingénieurs dans l’industrie automobile il
y a trois ans, pour devenir ostréiculteurs. « Nous avions
envie de nature », concède l’exploitante. Ils ont créé Ty
huîtres. Elle aussi met tout en œuvre, pour garantir la
qualité. C’est la « mesure du risque » qui la guide : « Soit
on ne fait rien, soit on sécurise la
qualité de la production même si Caroline Eyraud

raisons, notamment électoralistes. Rien de très populaire
dans les tranchées pour enfouir les tuyaux de collecte
d’eaux usées, ou l’élargissement d’une station d’épuration.
Sans compter les pollutions par ruissellement, lors des
fortes pluies… comme ce fut le cas en novembre !
Quels sont les modes opératoires des contrôles ? Imbro-
glio. Confusion. Immobilisme. Refus… Les portes des
institutions de la République se ferment comme… une
huître. Les professionnels, eux, se veulent rassurants. Un
de leurs porte-voix, président du syndicat ostréicole des
deux rivières (celle de Crac’h et d’Auray), parle franc :
« Une alerte, c’est-à-dire un client malade, c’est une catas-
trophe. Nous avons un poids moral et la responsabilité de
tout mettre en œuvre pour proposer des produits sains.
C’est l’Ifremer qui établit les points de suivi du milieu. Un
labo fait le contrôle par analyse et nous fournit un bulletin
hebdomadaire en bactériologie », entame Samuel Durand,
ostréiculteur installé sur la commune de Saint-Philibert,
dans le Morbihan. Les alertes sont de plusieurs niveaux et
taire collective ». Les profession- cela coûte plus. » devant
nels ont tout intérêt à l’exigence Résultat, Caroline Eyraud passe les bassins
malgré l’absence d’obligation : « Si toutes ses huîtres dans les bassins de purification
de son exploitation
une zone est fermée, tout le monde de purification, remplis d’eau de ostréicole
est touché. » Exactement ce qu’il mer réfrigérée. « L’eau est oxygé- à Carnac.
se passe actuellement, puisque les née, car l’huître respire et une lampe
préfets de Gironde, du Calvados UV tue les bactéries. » De six à huit
et de la Manche ont pris un arrêté tonnes de marchandises seront
interdisant les activités de pêche, écoulées pour Noël, sur les 80 pro-
de récolte et de commercialisa- duites annuellement sur leur site.
tion des coquillages. Dans un cas « Pour les producteurs qui font de
avéré de consommation d’huîtres gros volumes, c’est la trouille en
impropres, c’est en effet la ferme- ce moment, le risque est majeur. »
ture de la zone suspectée pendant D’où leurs précautions toujours
vingt-huit jours. Ceinture et bre- plus grandes pour préserver la
telles. Les ostréiculteurs affirment santé des consommateurs… et
pourtant qu’une purification de dix leur filière ! g
à quinze jours diminue les TIAC,
précisément. Trop tard pour cette MURIEL FIEZ
 20
ISLAM Demain 1er
janvier, les imams
détachés de pays
étrangers devront
tous avoir quitté le sol
français
18 février 2020 à Mulhouse.
Emmanuel Macron sonne le
glas de l’« islam consulaire ». En
annonçant la fin progressive du
recours aux imams envoyés et
financés par des pays étrangers,
l’objectif affiché est clair : pro-
mouvoir une pratique de « l’islam
en France, plutôt que d’importation
étrangère ». Avec ce premier volet
de sa campagne anti-séparatisme,
le chef de l’État vient rompre avec
une pratique lancée au lendemain
de la Seconde Guerre mondiale,
intensifiée dans les années 1980
pour satisfaire une demande
croissante des communautés
musulmanes en expansion. Ces
Millî Görüs
dans le viseur
de Gérald
Darmanin
agents étrangers ont été admis en
France dans le cadre d’accords
binationaux, avec des statuts
divers comme celui d’enseignant
au sein des Elco (Enseignement
de langue et culture d’origine),
supprimé lui aussi car soupçonné
de servir parfois de vecteur à une
idéologie obscurantiste. C’en est
fini : les derniers titres de séjour
courant jusqu’au 31 décembre
2023, les contrats de ces imams
ne seront pas renouvelés, et plus
aucun d’entre eux ne sera déta-
ché en France, conformément
à la décision du président de la
République.
De qui parle-t-on exacte-
ment ? 301 imams dont 30 rele-
vant de l’Union des mosquées de
France détachés du Maroc, 120 à
la Mosquée de Paris en prove-
nance d’Algérie, et 151 venant de
Turquie, sur une estimation de
2 600 à 2 800 imams en exer-
cice, pour un total de 2 600
mosquées déclarées en France.
Sollicité par le JDD, le minis-
tère de l’Intérieur indique que
« la mesure ne concerne que les
fonctionnaires payés par des États
étrangers et non les ministres du
culte de nationalité étrangère ».
La précision n’est pas inutile : ces
La mosquée Eyyûb Sultan de Strasbourg,
construite et gérée par l’association turque Millî Görüs.
ROSES NICOLAS/ABACA
Actualité Société
L’Institut de formation Islamica,
à Strasbourg.
La fin des imams
détachés en France
derniers représentent une part
non négligeable dans les mos-
quées françaises. Mais dans les
faits, ces 301 imams ne quitteront
pas tous le territoire français :
« Beaucoup se sont établis ici, ont
une famille et sont devenus rési-
dents français. Ils ne seront sim-
plement plus payés par le Maroc
mais via les associations. Les
autres rentreront effectivement
chez eux », détaille Saïd Aalla,
président de la Grande Mosquée
de Strasbourg. Il s’inquiète en
revanche d’« une pénurie d’imams
car la mesure concerne aussi ceux
qui sont envoyés chaque année
pour prêter main-forte durant
le Ramadan ». En 2020, dans la
foulée de l’annonce d’Emmanuel
Macron, le ministre de l’Intérieur
Christophe Castaner avait en
effet indiqué que le nombre de
psalmodieurs étrangers reçus
LE JOURNAL DU DIMANCHE
chaque année durant cette
période serait abaissé. Sur les
quelque 350 imams concernés,
combien obtiendront un visa en
2024 ? Les organisations musul-
manes devraient être fixées d’ici
à deux mois.
Du côté de la Grande Mosquée
de Paris, l’heure est à l’organi-
sation. Jointe par le JDD, elle
assure avoir « accéléré le recru-
tement local et mis en place des
formations dans six villes fran-
çaises dont viennent de sortir
58 étudiants diplômés ». Que va
changer l’absence de ces religieux
qui maîtrisent parfois mal le fran-
çais et qui ne sont pas toujours
en phase avec les musulmans de
France ? « C’est une bonne chose.
Ces imams consulaires viennent
de pays où l’on estime normal le
fait de répandre l’islam à l’exté-
rieur mais où l’on emprisonne un
prêtre qui convertit un musul-
man au christianisme… », estime
Alexandre del Valle, auteur de
Vers un choc global ? (L’Artilleur).
Le géopolitologue relativise tou-
tefois la portée de cette décision,
craignant que l’absence de ces
imams consulaires ne soit com-
pensée par des éléments encore
plus radicaux. « Officiellement, on
aura l’impression d’avoir repris un
peu de notre souveraineté, mais le
vide risque d’être rempli par des
organisations islamistes encore
plus radicales », poursuit-il avant
de donner des exemples : « Les
Frères musulmans sont plus là
que jamais, le CFCM résiste, et les
Turcs de Millî Görüş risquent fort
de prendre la place laissée vacante
par les imams repartis au pays. »
Si cette dernière association, pré-
DIMANCHE 31 DÉCEMBRE 2023
DNA/THOMAS TOUSSAINT/MAXPPP
sente en France, est dans le viseur
de Gérald Darmanin qui la juge
« agent infiltré » de la Turquie et
« ennemie de la République », son
porte-parole Eyup Sahin assure 2 600 - 2 800
au JDD que l’indépendance est sa
règle : « Nous n’avons pas d’imams
IMAMS EN ACTIVITÉ
détachés. Nous avons notre propre EN FRANCE
centre de formation en Allemagne
où nous envoyons des jeunes se
former qui reviennent ensuite
en France pour exercer. Avec nos
propres fonds, pas ceux de la Tur-
quie ! » Ce qui ne présage absolu-
ment pas du degré de radicalité
301
IMAMS CONSULAIRES
de ses membres.
« Les premiers qui ont cherché à
créer un islam de France sont pré-
cisément… les Frères musulmans,
dont le but est de répandre leur
religion dans le monde ! », s’agace
Florence Bergeaud-Blackler,
chargée de recherche au CNRS
et auteur de Le Frérisme et ses
151
réseaux (Odile Jacob). La spécia- IMAMS TURCS
liste juge l’idée peu protectrice :
« Les organisations représen-
tantes de l’islam en France, qui
conseillent pour certaines d’entre
elles l’exécutif, veulent s’arroger le
monopole de la formation. Mais
former en France ne garantit en
rien le respect de la laïcité. L’idée
120
d’un “islam tranquille” forcément IMAMS ALGÉRIENS
à distance de l’islamisme et des (Grande Mosquée de Paris)
Frères musulmans est une absur-
dité. » Et s’il fallait un exemple,
la chercheuse le puise dans l’ac-
tualité : « Les imams formés en
France ne se sont pas distingués
sur la question des attentats du 7
octobre en Israël. Excepté l’imam
Chalghoumi, aucun n’a condamné
les terroristes du Hamas. » g
30
IMAMS MAROCAINS
STÉPHANIE DE MURU (Union des mosquées de France)
DIMANCHE 31 DÉCEMBRE 2023 LE JOURNAL DU DIMANCHE 21

Conférence du barreau de Paris
L’excellence de la défense
ÉLOQUENCE Cette prestigieuse
institution est une vitrine et
un tremplin pour les jeunes
avocats pénalistes
Les douze vont mourir à minuit.
Les secrétaires de la Conférence
du barreau de Paris, jeunes avocats
élus pour un an par leurs « pères »
à l’issue d’un concours d’éloquence
exigeant, s’éteindront ce soir pour
faire place à leurs « enfants » de
la promotion 2024. Les lignées de
cette confrérie prestigieuse for-
ment une famille un peu spéciale,
qui court des glorieux anciens
Jules Ferry, Raymond Poincaré ou
Jacques Vergès, aux ténors actuels
Henri Leclerc, Jean-Yves Le Borgne
ou Antonin Lévy.
La Conférence a vocation à repré-
senter le barreau de Paris, assurer
la défense pénale d’urgence et per-
pétuer son art oratoire. Parmi ses
traditions, la Conférence Berryer,
qui accueillait François Hollande
le 12 décembre dernier. Soupape de
liberté, « vitrine populaire humoris-
tique », selon l’ancien secrétaire Ber-
trand Périer (promotion 2003), elle
a reçu Dalí, Gainsbourg, Deneuve,
Luchini… mais c’est la première
fois qu’un ancien président de la
République se prêtait au jeu. Dans
Actualité Société
tion surréaliste. Ils s’exposent aux
critiques impitoyables des douze
secrétaires en exercice, qui verront à
leur tour leur prestation étrillée par
la « contre-critique » d’un ancien.
Simon Olivennes, cinquième secré-
taire, mi-conquis, mi-atterré par
un François Hollande dévergondé
dans ce jeu de massacre rhétorique,
lâchera : « On est à deux doigts du
tome deux d’Un président ne devrait
pas dire ça ! »
Cette confrérie lie
pour longtemps
des avocats
très différents
L’institution bicentenaire de la
Conférence ne se réduit pas à cet
exutoire cathartique, qui doit son
nom à Pierre-Antoine Berryer,
grand avocat royaliste qui défendit
Chateaubriand et des maréchaux
d’Empire. C’est aussi un sacerdoce
éreintant, en témoignent les traits
tirés des douze en fin d’année. Ils
ont en effet la lourde charge – et
le monopole – des commissions
d’office en matière criminelle, une
secrétaire de la promotion finis- que récuse Jean-Baptiste Riolacci, différents chez qui « la défense des
sante, « c’est un exercice juridique- défendant les règles de délibération libertés fondamentales transcende
ment passionnant, plein d’adrénaline, implacables du « concours le plus le spectre politique », souligne Jean-
habité par la flamme des pénalistes ». égalitaire qui soit : il suffit d’être élo- Bapiste Riolacci. Les anciens portent
C’est également un tremplin quent ! » Pour preuve, son élection, un regard attentif, voire sourcilleux,
exceptionnel : élu secrétaire, « tout sans grand pedigree ni expérience, au devenir de « la Conf ». Bertrand
à coup, on devient quelqu’un au comme son « frère » deuxième Périer, décrit affectueusement par
palais », explique Henri de Beau- secrétaire, Seydi Ba. Jalousé, le son « fils » Henri de Beauregard
regard, quatrième de la promo- monopole de la Conférence a sa comme « un marronnier de l’insti-
tion 2004. Sorti de l’anonymat d’un légitimité, pratique mais aussi phi- tution », pourra glisser son sentiment
barreau pléthorique, adoubé par les losophique. « Le choix politique de intact, vingt ans après, à l’oreille des
anciens, on vit au Palais de Justice, confier les cas les plus graves, des plus secrétaires qui vont entamer leur
on écume les prisons et les assises démunis, aux avocats les plus pro- mandat avec la nouvelle année :
dans « une effervescence pénale qui metteurs », défend Bertrand Périer. « Tout commence à la Conférence… » g
est un accélérateur professionnel Cette confrérie singulière lie
incomparable », se souvient Ber- pour longtemps des avocats très HUMBERT ANGLEYS
trand Périer. Appuyé sur la forma-
tion intensive et le compagnonnage
des anciens, « on prend dix ans de Les secrétaires de la Conférence du barreau de Paris 2023.
carrière », atteste Jean-Baptiste
Riolacci, premier secrétaire de la
promotion 2023. Son élection, bas-
culement aussi brutal que génial,
« était un rêve, depuis [ses] années
étudiantes ». « J’avais envie d’en
être ! » s’enthousiasme-t-il. « C’est
une année absolument dingue »,
appuie sa « sœur » Roxane, portée
par l’entraide d’une promotion unie
dans les joies extrêmes et peines
terribles du rude combat judiciaire.
Leur statut envié est parfois criti-
qué. « Pendant un temps, on devient
un peu prétentieux », reconnaît un

ces joutes oratoires déjantées où
sévit une « esthétique de la cruauté,
qui n’est qu’apparente », frétille
maître Périer, deux braves candidats
plaident en répondant à une ques-
défense des indigents qui forme un
« ample panel de dossiers compliqués,
marqués par une forte précarité
sociale, et parfois psychique », souffle
Roxane Best. Pour la quatrième
LEO-PAUL RIDET
ancien. « Ça n’a pas toujours été
une mission assez prise au sérieux,
concède un autre, mais ce n’est plus
le cas. » Certains griefs sont fantas-
més, comme le procès en cooptation,

À l’école des cadets, une colo pas comme les autres

REPORTAGE Apprendre le raviver cette flamme, s’approche, l’appel si un jour il faut se battre pour
MATTHIEU ROMERO LARREA

« vivre-ensemble » et devenir mais finit par refuser de s’incliner : la France. »

citoyen français : c’est l’objectif
de ce stage de cinq jours en
Seine-et-Marne
Dans un silence religieux, une
voix autoritaire se fait entendre :
« Ce n’est pas “OK” mais “Oui mon
capitaine”. Compris ? – Oui mon
capitaine », bredouille Amine. Une
fois les consignes reçues, les jeunes
– appelés cadets – s’attaquent au
travail manuel. Ils ont une heure
pour réaliser l’activité citoyenne
de la semaine : ils attrapent râteaux
et pelles pour déblayer le tapis de
feuilles mortes d’un centre de loisirs,
à Bois-le-Roi. La tâche, apparem-
ment anodine, inquiète presque le
capitaine : « Ils ne savent même pas
éplucher une orange, vous les imagi-
nez utiliser un râteau ? » Une heure
plus tard, les douze cadets sont au
garde-à-vous, travail finalement
accompli, prêts pour l’inspection.
« C’est bien les gars », encourage
alors le chef.
C’est en 2016 que l’ancien officier
français des troupes de marine Nou-
rouddine Abdoulhoussen fonde l’as-
sociation Laissez-les servir, sorte de
colonie de vacances pas exactement
comme les autres. « Nous n’accueil-
lons pas uniquement des enfants en
recherche de stabilité et de valeurs,
mais aussi des enfants qui sont en
décrochage scolaire et social, explique
le capitaine. Ils sont pour la plupart
issus de cultures multiples et n’ont pas
appris à aimer la France. Ici, on donne
Les cadets de l’association Laissez-les servir assistent au ravivage
de la flamme de la tombe du Soldat inconnu, sous l’arc de triomphe.
la chance à tous de découvrir le pays
qui les accueille, qui est le leur, avec
ses valeurs et son histoire. Mais pour
ça, il faut que la discipline règne. »
Deux principes fondent la pédagogie
de ces stages : « contraintes émanci-
patrices » et « autonomie encadrée ».
Cette dernière semaine de
décembre, douze garçons âgés de
12 à 15 ans sont présents. « Ma mère
m’a envoyé ici parce que je faisais trop
de bêtises », confesse Ayoud. « Moi, je
me suis fait virer de l’école », réplique
Amine. En déposant leur enfant à
ce stage, les parents savent qu’ils
délèguent leur autorité à d’autres,
se reconnaissant parfois dépassés.
Et le séjour commence fort : dès le
premier jour, visite du musée de la
Grande-Guerre, à Meaux. L’objectif
est de « leur faire comprendre que
« On ne se prosterne que devant
Allah. » Le capitaine estime le rap-
pel à l’ordre nécessaire : il explique
à l’adolescent la différence entre le
salut que font les militaires, le geste
de respect qui lui est demandé et
une prosternation religieuse. « Les
politiciens disent vouloir ouvrir des
centres de déradicalisation. Mais
qu’ils nous soutiennent avant ! »,
commente le capitaine, qui regrette
le peu de subventions dont béné-
ficie l’association, si ce n’est de la
région Île-de-France. Et ce malgré
le soutien des parents : « Quand on
parle de patriotisme, on nous accuse
tout de suite d’être fachos, regrette
Sorda, la maman du jeune Ismaël.
l’histoire de France est aussi la leur. Ici, on leur apprend tout simplement
Leurs ancêtres se sont battus pour que à être des jeunes qui savent vivre
nos trois belles couleurs existent. » ensemble. »
Isaïah, un jeune né en France, d’ori-
gine camerounaise, semble tout
étonné : « Avant, je pensais que la Chaque année,
France était raciste, mais maintenant
j’ai compris que non. À la “Grande 300 jeunes
Guerre”, les chrétiens respectaient les sont suivis par
musulmans et les enterraient selon
leurs rites. Ils étaient respectueux des l’association
religions, je ne le savais pas du tout. »
Fin d’après-midi, les cadets filent
pour assister à la cérémonie du ravi- Rigueur, éducation, exigence… les
vage de la flamme de la tombe du ambitions du capitaine se résument
Soldat inconnu, à Paris. Le capitaine en une phrase : « Ces gosses méritent
confie sa fierté de voir ses « petits tellement mieux que de finir dans
gars » en uniforme, sous l’arc de une colonne de faits divers, ou alors
triomphe. Mais le camp vient à peine comme ce jeune Nahel, mort après
de débuter, et certains sont encore un refus d’obtempérer. Je veux faire
réticents. Amine, volontaire pour d’eux des jeunes prêts à répondre à
Dans l’association Laissez-les
servir, certains retrouvent ce qu’ils
appellent eux-mêmes une seconde
famille. C’est le cas d’Alioun, 25 ans,
venu encadrer les jeunes. D’origine
sénégalaise, il est arrivé en France à
16 ans : « C’est le capitaine qui est lui-
même venu me tirer de la rue. » Alors
impliqué dans le trafic de drogue,
Alioun explique aujourd’hui avoir
compris à l’époque que « ce che-
min-là [le] mènerait peut-être à
la mort où à la prison ». Le voilà
prêt à donner son temps pour
les plus jeunes, « fier de pouvoir
rendre ce qu’on [lui] a offert ». Il
n’a pas effacé ses origines, mais
embrassé la France et sa culture.
Il veut être « utile au pays qui
[l’]accueille » en s’investissant plei-
nement dans l’association.
Tout au long de l’année, diffé-
rentes activités sont organisées :
distribution de repas aux personnes
en précarité, présence lors des céré-
monies de commémoration mili-
taire, restauration de monuments
aux morts… Chaque année, ce sont
plus de 300 jeunes qui sont suivis par
les 40 cadres qui constituent l’asso-
ciation, basée à Pierrefitte-sur-Seine
en Seine-Saint-Denis. Laissez-les
servir a finalement choisi quelques
mots de la philosophe Simone Weil
pour se résumer : « Il faut donner à
la jeunesse quelque chose à aimer, et
ce quelque chose, c’est la France. » g
PHILIPPINE FARGES
22 LE JOURNAL DU DIMANCHE DIMANCHE 31 DÉCEMBRE 2023

Actualité International

Paris-Niamey
Le divorce est prononcé
DÉPART Fin de la
présence française au
Niger. Confrontée à
une perte d’influence
en Afrique, Paris doit
revoir sa stratégie

Le calme est revenu devant l’entrée

de la base militaire de l’escadrille
à Niamey, où stationnaient les
soldats français. Après plusieurs
semaines de tensions, les mani-
festations organisées quotidien-
nement devant la base, sur la
place de la Résistance, se sont
arrêtées. Trois mois après le début À gauche,
du processus de désengagement le général
entériné par Emmanuel Macron Éric Ozanne,
le 24 septembre, les derniers sol- commandant
dats français ont quitté le Niger ; des forces
1 500 militaires étaient encore françaises
présents sur place. au Sahel.
Une grande majorité des person-
À droite,
le colonel
nels a été évacuée vers la France. Mamane
Les avions de combat ont rejoint la Sani Kiaou,
base militaire française du Tchad. chef d’état-
Le reste a été un défi logistique et major de l’armée
humain pour évacuer le matériel le nigérienne.
plus lourd par voie terrestre entre
le Niger et le Tchad. L’opération
a pris plusieurs semaines et s’est
déroulée sans incident majeur.
Vendredi 22 décembre, une céré-
monie officielle de passation aux
soldats nigériens a eu lieu sur la
base de l’escadrille à Niamey, en
présence du général Éric Ozanne,
commandant de l’armée française
dans la région du Sahel, et du com-
mandant nigérien, Mamane Sani

BOUREIMA HAMA/AFP
Kiaou. Au moment où le dernier
militaire français embarquait dans
l’avion de retour pour Paris, le
ministère des Affaires étrangères
annonçait la fermeture de l’ambas-
sade de France au Niger.

Rupture diplomatique
Sans consulat, impossible de
renouveler sa pièce d’identité
ou d’obtenir un document d’état
civil. Un coup dur pour les Fran-
çais encore sur place. Ils étaient
1 200 il y a cinq mois, au moment
du coup d’État contre le président
Bazoum, et 600 ont été évacués
au mois d’août après une mani-
festation extrêmement tendue où
6 000 Nigériens pro-putschistes
avaient pris pour cible l’ambas-
sade de France, son représentant
de l’époque (Sylvain Itté) et le
personnel diplomatique. Le Quai
d’Orsay invoque d’ailleurs des
raisons sécuritaires pour justi-
fier cette fermeture qui laisse un
goût amer chez certains anciens
diplomates. Pour l’un d’entre eux
qui souhaite rester anonyme, « la
diplomatie d’influence s’exerce tou-
jours à travers les ambassades ».
La fermeture d’une ambassade
est une décision rarissime. Preuve
que le divorce est officiellement
prononcé entre Paris et Niamey.
Le Niger rejoint ainsi la très courte
liste où la France n’a plus de repré-
sentation diplomatique : la Syrie,
l’Afghanistan, la Corée du Nord
ou encore le Yémen. Fallait-il en
arriver jusque-là ? « Il n’y avait
pas vraiment d’autre possibilité »,
estime Michèle Tabarot. La vice-
présidente des députés LR à
l’Assemblée nationale a corédigé
un rapport d’information parle-
mentaire sur les relations entre la
France et l’Afrique. Elle regrette les
« hésitations du chef de l’État. Au
début de la crise, il avait commencé
par afficher une prétendue fermeté
avant de finalement reculer. Cela
nuit à l’image de la France ».
Une stratégie incohérente
en Afrique
Échec du G5 Sahel, des relations
désormais crispées avec le Maroc,
la France chassée du Mali, du Bur-
kina Faso, du Niger… Le président
aurait-il fait preuve d’un peu trop
de verticalité en matière de poli-
tique étrangère ? Pas seulement.
« Tout ne peut plus se décider en vase
clos », estime Michèle Tabarot, qui
dénonce l’« hypercentralisation de
la prise de décision entre les mains du
chef de l’État ». La députée LR des
Alpes-Maritimes ajoute qu’il y a « un
manque évident de concertation et cela
se ressent sur le terrain avec un déficit
de cohérence de nos actions ». Paris a
perdu son influence dans son ancien
pré carré d’Afrique de l’Ouest. Le
mandat d’Emmanuel Macron restera
comme une séquence catastrophe
dans l’histoire des relations entre la
France et le continent africain. « Poli-
tiquement, on a mal joué », tacle un
ancien diplomate, pour qui « la poli-
tique de Macron n’est pas très cohé-
rente puisque garder la Françafrique
de grand-papa et ne pas le reconnaître
amène à se faire virer. Il faut traiter
sur un pied d’égalité comme on le fait
avec les pays asiatiques ».
Les relations avec les pays afri-
cains doivent changer. Vision
désormais partagée par les mili-
taires. « Il est temps de revenir
vers un rééquilibre des échanges
diplomatico-économiques et pas
forcément militaires », estime
Fermeture
de l’ambassade
au Niger. Fallait-il
en arriver là ?
François Chauvancy. Contacté
par téléphone, cet ancien général
de l’armée de Terre insiste sur un
point : « L’époque du grand frère,
qui complétait le budget à la fin du
mois pour payer les fonctionnaires
ou qui intervenait pour la sécurité,
est révolue. » Comme ses prédéces-
seurs, Emmanuel Macron répète
tel un mantra que la Françafrique,
c’est fini. Mais quelle est la stra-
tégie de la France quand toutes
les grandes puissances actuelles
bâtissent des politiques africaines ?
Dans le rapport d’information
qu’elle a corédigé avec le député
du groupe Modem Bruno Fuchs,
Michèle Tabarot plaide pour
« poursuivre l’ouverture vers l’autre
Afrique anglophone ou lusophone ».
L’Afrique est un continent en
recomposition au cœur de toutes
les convoitises. « Nos compétiteurs,
ajoute-t-elle, ont tous développé
des stratégies à l’image de la Chine
sur l’économie, la Turquie sur la
culture et la religion, la Russie sur
la sécurité… Nous n’avons pas su
anticiper et nous adapter à ces bou-
leversements. »
Recomposition géopolitique
Le Niger durcit le ton à destination
des Occidentaux. Les autorités
actuelles ont annoncé une révision
de tous les accords militaires signés
avec les autres pays qui disposent
de forces stationnées sur le sol nigé-
rien. Les États-Unis et l’Allemagne
ont déjà fait part de leur souhait de
voir leurs troupes rester.
Avec la Communauté écono-
mique des États de l’Afrique de
l’Ouest (Cédéao), les relations
se sont un peu apaisées. L’idée
d’une intervention militaire pour
remettre le président Bazoum
au pouvoir s’est envolée. Réunis
en sommet à Abuja (Nigeria) le
10 décembre 2023, les pays de la
Cédéao ont même ouvert la voie à
un allègement, sous conditions, des
sanctions. Cependant, la situation
au Niger est devenue une pomme
de discorde entre les présidents
ouest-africains. Les autorités
militaires nigériennes ont même
accusé la Cédéao de participer à un
plan de déstabilisation soutenu par
des puissances étrangères.
Les projets de gazoducs en
Afrique de l’Ouest aiguisent tous
les appétits. La France éliminée
dans certains pays, d’autres acteurs
montent au créneau comme le roi
du Maroc, qui veut faire du Sud
de son pays un hub économique
avec le reste de l’Afrique. En froid
avec Paris et en rupture diploma-
tique avec Alger, le Maroc propose
au Mali, au Burkina et au Niger
une alliance économique et géo-
politique. Mohammed VI veut
désenclaver les pays du Sahel
afin de faciliter son grand projet
de gazoduc entre le Maroc et le
Nigeria, dont la construction doit
démarrer en janvier 2024. Projet
qui fait concurrence au gazoduc
transsaharien entre les champs
gaziers du Nigeria et l’Algérie
dont les infrastructures alimentent
l’Europe. g
ANNE-FLORE MARIE
DIMANCHE 31 DÉCEMBRE 2023
DÉSOLATION Des
attaques meurtrières
ont causé la mort de
centaines de chrétiens
au Nigeria, en pleine
période de Noël
Un Noël ensanglanté. Au Nigeria,
où près de la moitié de la popu-
lation est chrétienne, plusieurs
attaques ont fait des centaines de
morts parmi les fidèles du pays.
C’est dans l’État du Plateau, au
centre du pays (voir carte), que
les communautés chrétiennes de
26 villages différents ont été mas-
sacrées. Le 27 décembre, le bilan
s’élevait à près de 200 morts et
500 blessés. Plusieurs groupes
d’hommes armés – des musulmans
originaires du nord du pays – ont
déferlé sur ces petites localités
et ont provoqué un bain de sang,
en visant délibérément des civils
identifiés comme d’obédience
chrétienne. Ces derniers, en ce
23 décembre, célébraient l’Espé-
rance et le retour de leur Sauveur.
Comme les 2,2 milliards de chré-
tiens qui peuplent la planète, les
Nigérians fêtaient Noël, jusqu’à ce
qu’un déluge d’horreurs et de feu
s’abatte sur eux. Sur les réseaux
sociaux, les images des fusillades
laissent sans voix : des corps criblés
de balles, des sols maculés de sang
et des habitants traumatisés. Tout
a commencé à Mushi, un village
reculé. Dans la nuit du 23, alors
que les gens dînaient, une bande
armée a débarqué à la surprise de
tous et a tiré sur la foule, s’adon-
nant à des exécutions sommaires,
incendiant les habitations et van-
dalisant les églises. 20 personnes y
ont trouvé la mort. Dans la foulée
de ce premier massacre, d’autres
assaillants s’en sont pris au village
de Tudun Mazat, où ils ont commis
des atrocités similaires, avant de
fondre sur les autres communautés
chrétiennes, ne laissant derrière
eux que tristesse et désolation.
Si les autorités nigérianes ont
assuré faire le nécessaire pour
rétablir l’ordre, les massacres ont
duré près de trois jours, jusqu’au
matin du 26 décembre. Entre le 1er
CHRÉTIENS ET MUSULMANS PRIS EN ÉTAU ENTRE DJIHADISTES ET BANDITS
NIGER
BÉNIN
Lagos
Forte présence
de banditisme
Pierre/TDV
Raids des bandits
Actualité International
KIM MASARA/AFP
Massacre au Nigeria
Les chrétiens pleurent leurs morts
octobre 2021 et le 30 septembre
2022, « sur les 5 621 chrétiens tués
dans le monde en raison de leur
foi, 5 014 d’entre eux ont été tués
au Nigeria », rappelle Clémence
Martin, porte-parole de Portes
ouvertes, une ONG internationale
au service des chrétiens persécutés.
« Autrement dit, régler le problème
de la persécution des chrétiens au
Nigeria reviendrait théoriquement
Abuja
Attaque à Barkin Ladi
Attaque à Bokkos
NIGERIA
Territoires en état d’urgence Capitale fédérale
État du Plateau États appliquant la charia
LE JOURNAL DU DIMANCHE
à faire chuter de 90 % le nombre de
martyrs dans le monde ! »
Dans ce pays fédéral d’Afrique de
l’Ouest, frontalier du Cameroun,
du Bénin et du Niger, les fractures
ethniques et religieuses rythment
la vie sociale depuis des années.
Mais, au-delà de la simple dimen-
sion confessionnelle, les massacres
de Noël trouvent aussi leur origine
dans une rivalité séculaire entre
TCHAD
Borno
CAMEROUN
Capitale économique
Fief de Boko Haram
éleveurs du Nord et agriculteurs
du Sud. Pour Nicolas Normand,
spécialiste de l’Afrique et ancien
ambassadeur de France au Mali,
au Congo et au Sénégal, les atroci-
tés commises sur les chrétiens du
Nigeria sont davantage le fait de
dissensions agricoles et pastorales
que de haine religieuse. « L’explo-
sion démographique au Nigeria pro-
voque d’importantes tensions sur
les ressources agraires, explique
l’ambassadeur au JDD. Les Peuls,
traditionnellement éleveurs, sont
en conflit avec les autres ethnies,
notamment les Biroms, qui se sont
convertis à l’agriculture. C’est là
l’origine des affrontements, sur
laquelle viennent se greffer des
motifs évidemment religieux ! »
Si le Nigeria est régulièrement
qualifié de « miracle économique »,
grâce à sa production pétrolière, la
plus grosse du continent africain, le
gouvernement reste assez faible et
peine à assumer ses fonctions réga-
liennes sur l’ensemble du territoire.
« De nombreux camps de bandits,
peuplés par des Peuls musulmans,
existent à l’ouest du pays, décrypte
Nicolas Normand. C’est de là que
sont partis ceux qui ont massacré
les chrétiens pendant les fêtes de
Noël. » Dans la région du Plateau,
où les attaques ont eu lieu, les incur-
sions de ces bandits sont devenues
monnaie courante, incitant l’ONG
Amnesty international à réagir :
« Les autorités nigérianes ont tou-
jours échoué dans leurs tentatives
de mettre un terme à ces fréquentes
attaques », a-t-elle commenté sur
son compte X. Le président du
23
Le 27 décembre,
des villageois
de Bokkos se
rassemblent
autour
d’une fosse
commune
après trois
jours de
massacres
antichrétiens.
Nigeria, Bola Tinubu, fraîchement
élu, avait pourtant promis de réta-
blir la sécurité sur l’ensemble du
territoire ; une mission quasi impos-
sible. Toujours aux prises avec de
violents groupes d’insurgés isla-
mistes, Boko Haram en tête, le pays
n’est pas près de connaître la paix.
Les chrétiens, quant à eux,
vivent dans des conditions dis-
parates. Dans le sud du pays, où
ils sont majoritaires, catholiques
et protestants peuvent vivre leur
foi comme ils l’entendent. Il en
va autrement dans le Nord, à domi-
nation musulmane, où « les chré-
tiens sont considérés comme des
citoyens de seconde zone dans douze
États, régis par la charia », souligne
Clémence Martin.
Les fractures
religieuses
et ethniques
rythment la vie
Enlèvements, discriminations,
violences, la communauté chré-
tienne du nord du Nigeria subit
de plein fouet l’oppression isla-
mique, sans disparaître pour
autant. Mieux, elle est même en
progression constante depuis les
vingt dernières années, y com-
pris dans le Nord. Au point que
le christianisme pourrait devenir
la religion majoritaire du pays. g
GEOFFROY ANTOINE
24 LE JOURNAL DU DIMANCHE DIMANCHE 31 DÉCEMBRE 2023

Actualité International

DIMANCHE 31 DÉCEMBRE 2006

À TRAVERS SES « UNES » La corde pour Saddam H.

S
amedi 30 décembre 2006,
6 heures, à la base militaire
américaine de Camp Justice,
située à Kadhimiya, banlieue
nord-est de Bagdad. Saddam Hussein,
président irakien, a demandé à être exé-
cuté sous les tirs d’un peloton de soldats
plutôt que par pendaison. Le tribunal
a dit non. Alors, Saddam a mangé un
dernier repas de poulet et de riz, et il a
bu une tasse d’eau chaude avec du miel.
Puis il a prié : « Allah Akbar, longue vie
aux moudjahidin, nous irons au Paradis
et nos ennemis en Enfer. Longue vie à
l’Irak. » Il a refusé la cagoule qu’on lui
tendait, et il est monté « calmement » au
gibet. « Il était résolu, a révélé Mouaffak
al-Roubaïe, conseiller à la sécurité du
gouvernement irakien. Il a tourné la tête
vers moi, comme pour me dire : “N’aie
pas peur”, c’était une sensation très
bizarre… » Un nœud coulant est placé
autour de son cou, et c’est la photo du
JDD avec cette question : « Et après ? »
Pour Robert Badinter, avocat et ancien
ministre, il s’agit d’une faute politique
majeure : « D’abord au regard de la justice,
écrit-il. Les faits imputés à Saddam Hus-
sein étaient d’une gravité exceptionnelle :
tortures et liquidations d’adversaires poli-
tiques, massacres de chiites, génocide de
Kurdes. Or, on s’est contenté de le juger
pour des exécutions sommaires, prati-
quées dans un village où un attentat avait
été préparé contre lui en 1986. Puis on l’a
exécuté précipitamment. Résultat : jamais
Saddam Hussein n’aura été condamné
pour ses crimes majeurs contre l’humanité,
au terme d’un procès régulier, établissant
pour tous de façon indiscutable sa culpa-
bilité. On a assisté à une parodie de justice,
suivie d’une pendaison hâtive. »
À l’heure où l’on donnait la mort à
Saddam Hussein, George Bush dormait
profondément après avoir passé la jour-
née à scier des cèdres dans son ranch de
Crawford, se disant « non concerné par
des événements strictement irakiens ».
À l’Élysée, l’atmosphère est tournée
vers l’avenir. De retour du Maroc où il
a passé ses vacances de Noël, Jacques
Chirac, 74 ans, ne veut pas entendre
parler de ses « derniers vœux », encore
moins de fin de règne. Pas plus que le
président ne fera le bilan de ses actions,
à l’occasion de la cérémonie télévisée de
la nouvelle année. L’après-présidentielle
est un sujet totalement tabou.
Au Top 50 Ifop-JDD, Zinédine Zidane
fait la course en tête devant Yannick
Noah et Nicolas Hulot. Zidane, contrai-
rement à Thierry Henry, Franck Ribéry
ou encore Fabien Barthez, tous en chute
libre, ne connaît pas la dépression post-
Mondial du footeux populaire ordinaire.
On aime Zidane, le retraité, pour son
authenticité, son humilité et son cha-
risme. L’homme a fini par dépasser le
champion.
En sport toujours, Tony Parker brille
sous le maillot des Spurs et dans le cœur
d’Eva Longoria. Le mariage devrait se
tenir au mois de juillet prochain, en
France. « Eva s’occupe du lieu. Je me
contenterai de montrer ma tête et de dire
“oui” ! » s’amuse Tony.
Dans ce dernier numéro de l’année, le
JDD recensait les déclarations faites au
journal par quelques acteurs, chanteurs,
comiques : « Beaucoup d’artistes catalysent
des comportements hostiles. Et je fais partie
des heureux élus » (Isabelle Adjani) ; « De
tout temps, il y a eu des candidats pour faire
la campagne d’un autre. Sarkozy fait celle
de Le Pen » (Bedos) ; « Mépriser un salaud
ne le rendra pas moins salaud » (Chabrol) ;
« Quand j’entends parler d’intégration, ça
me donne envie de vomir. Nous sommes
nés en France » (Jamel Debbouze) ; « Il
m’arrive d’en faire trop. Même moi je me
déteste dans ces moments-là » (Depar-
dieu) ; « Je regrette l’époque où l’on pou-
vait payer au restaurant avec un poème »
(Juliette Gréco).
Quant à Jerry Lee Lewis, 72 ans, le voici
revenu au premier plan après une succes-
sion de plongées en enfer. Le rock’n’roll
le tient en vie. g
DOMINIQUE GRIMAULT

Serbie
Une révolte, pas une révolution
ELECTIONS Les
manifestations
perdurent et prennent
un caractère
international
À Belgrade, le soleil se couche
lentement sur une ville parse-
mée de vieux bâtiments en béton
défraîchis, parmi lesquels l’ancien
ministère de la Défense démoli
par les bombes de l’OTAN dans
les années 1990 et jamais recons-
truit depuis. Le temps semble
s’être arrêté à l’époque des coupes
mulet, des meubles en formica et
des débuts de l’internet, dans une
ambiance digne de Retour vers le
futur que Doc et Marty n’eussent
pas reniée.
La place du Parlement, qui se
trouve être aussi celle de l’hôtel
de ville et de la résidence du pré-
sident de la République, Aleksandar
Vučić, fait exception avec son style
classique propret et ses jardins bien
entretenus. La soirée de dimanche
dernier y a été chaude. L’opposition,
qui manifestait depuis une semaine
contre les résultats des élections
législatives du 17 décembre, a
tenté de pénétrer de force dans
la mairie en jetant des pierres et
Les dernières élections légis-
latives, que le chef de l’État avait
lui-même provoquées en dis-
solvant l’Assemblée nationale le
1er novembre, ont en effet été le
théâtre de la victoire de son propre
parti, le SNS (Parti progressiste
serbe), conservateur mais pro-euro-
péen, à 46,72 % des voix et 128 sièges
(un résultat en hausse de 3,8 % et
de 8 sièges) ; résultat suffisant pour
obtenir seul la majorité absolue
d’une chambre de 250 députés.
En face, l’opposition réunie dans
une coalition hétéroclite de partis de
centre droit, écologistes, sociaux-
démocrates, libéraux et européistes,
menée par Radomir Lazović, n’a
récolté que 23,56 % des suffrages,
mais a réussi à provoquer une crise
politique en dénonçant des fraudes
électorales à Belgrade où l’assise
sociale du parti majoritaire est plus
faible et où se jouait également une
élection municipale à haut risque
pour le sortant Aleksandar Šapić,
ancien joueur de water-polo et éti-
queté SNS.
C’est ici que se concentrent les
accusations, relevées notamment
par l’OSCE, de bourrage d’urnes,
d’achat de voix et de transport frau-
duleux de 20 à 40 000 Serbes de
Bosnie pour les faire voter dans la
capitale via un système de fausses
domiciliations. Selon Florent Mar-
OLIVER BUNIC/AFP
populaires, chez les retraités, dans
l’administration ou les campagnes.
Il a, en revanche, provoqué des élec-
tions anticipées pour tenter de contrer
l’affaissement de son parti à Belgrade,
couper l’herbe sous le pied des oppo-
sitions et parer aux critiques venues
de sa droite sur sa gestion de la crise
kosovare. De son côté, l’opposition
n’a pas de chef et peine à contrer son
narratif dans un paysage médiatique
contrôlé par le pouvoir ».
Déstabilisation
Dès lundi, le cours des événements
a pris une tournure plus interna-
tionale après que le locataire du
palais de Novi dvor, résidence du
chef de l’État en Serbie, a reçu
l’ambassadeur de Russie, qui a, de
concert avec le Kremlin, brocardé
des tentatives de déstabilisation
étrangères exercées sur le pays.
Un discours qui s’inscrit dans la
continuité de celui d’Aleksandar
Vučić qui dénonce, sans le nom-
mer pour l’instant, « l’ingérence d’un
pays important dans le processus
électoral en Serbie ».
En ligne de mire, c’est bel et bien
l’Allemagne dont il est question,
elle qui avait, la première, qualifié
les fraudes « inacceptables », avec
en toile de fond les négociations
acharnées concernant l’initiative
franco-allemande sur le Kosovo.
Le plan supposerait une recon-
naissance par Belgrade de l’ancienne
région autonome, qui n’a formel-
lement déclaré son indépendance
Un manifestant
force l’entrée
du conseil
municipal
de Belgrade,
le 24 décembre.
qu’en 2008, lui permettant d’inté-
grer l’ONU et, in fine, d’accéder au
statut de candidat à l’entrée dans
l’Union européenne, alors qu’actuel-
lement, cinq pays membres dont
l’Espagne, la Grèce et la Roumanie
ne reconnaissent pas officiellement
son existence. Toujours selon
Florent Marciacq, « les Serbes
n’ont pas digéré d’être bombardés
par l’OTAN [en 1999, NDLR] et
demeurent sensibles au discours
russe ». La relation de confiance
entre l’Union européenne et l’exé-
cutif serbe n’étant, pour l’heure,
pas altérée. De fait, « ce qui frappe,
dans les capitales européennes,
c’est que l’on n’est pas arrivé à un
moment où l’on critique les dérives
d’un régime autocratique ».
Au mois d’octobre, l’UE avait
d’ailleurs annoncé le déblocage de
six milliards d’euros destinés à six
pays balkaniques (la Macédoine du
Nord, l’Albanie, le Kosovo, la Serbie,
le Monténégro et la Bosnie-Her-
zégovine) dans le cadre du projet
Open Balkans : un mini-Schengen
d’ouverture des frontières écono-
miques devant précéder l’apaise-
ment des multiples tensions de la
zone et l’ouverture des frontières
politiques. Une tentative d’achat
des consciences qui égratigne la
sensibilité des Serbes, tant elle fait
écho à l’abandon d’une région ber-

des œufs dans les fenêtres pour les
faire éclater. Les forces de l’ordre,
retranchées à l’intérieur, ont toute-
fois tenu bon et repoussé la foule à
coups de gaz lacrymogène.
ciacq, chercheur associé à l’Ifri ceau de leur civilisation, symbole de
(Institut français des relations inter- son combat multiséculaire contre
nationales) et spécialiste des Bal- l’oppresseur ottoman. g
kans occidentaux, « Vučić conserve
sa popularité parmi les catégories FRANÇOIS DUPUIS
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26
Vue aérienne
du nouveau
club Belambra
« Les crêtes »,
aux Deux Alpes.
« Nous avons investi
100 millions d’euros dans
la rénovation »
TOURISME Le
président de Belambra
évoque l’évolution de
l’entreprise face à une
concurrence très vive
Comment s’annonce la saison ?
C’est une période importante pour
nous : dix-sept de nos quarante-cinq
villages sont situés à la montagne. Et
cette année, nous ouvrons deux nou-
veaux clubs, à Flaine et aux Deux-
Alpes, qui viennent augmenter de
60 % notre capacité en catégorie 5B
[haut de gamme Belambra, NDLR].
Les réservations sont revenues à la
normale après la période du covid.
Il y a une très bonne dynamique
sur janvier, une bonne dynamique
sur mars et on est en ligne sur les
vacances de février. La météo nous
aide bien, il refait froid. Il y a de la
neige et les conditions dans les sta-
tions, en particulier en Savoie et en
Haute-Savoie, sont très favorables.
Ces dernières années, les attentes
de vos clients ont-elles évolué ?
Nous essayons de faire évoluer nos
produits pour coller aux attentes
de nos clients. Nous avons ajouté
dans certains clubs des terrains de
Les familles
restent le cœur de
notre clientèle
padel car des clients venaient pour
cela. Nous innovons dans la restau-
ration, avec le show cooking, une
préparation à la minute du repas
devant le client. Cela a nécessité
de revoir et d’adapter nos plans de
cuisine, nos buffets, nos recrute-
ments, etc. La demande est aussi
plus forte pour des formules « All
inclusive », c’est-à-dire un séjour
comprenant un hébergement,
restauration, activités sportives,
récréatives et des clubs enfants,
qui ont été remis au goût du jour.
Cela nécessite-t-il beaucoup
d’investissements ?
Oui, nous avons investi cette année
LE JOURNAL DU DIMANCHE
Actualité Économie & Business
100 millions d’euros. Et pour le
maintien de nos sites, leur déve- INTERVIEW
loppement, la mise à niveau sur
certains aspects, nous avons une
enveloppe de 50 millions d’euros
sur les trois prochaines années
– hors programmes neufs ou ouver-
tures majeures. Nous avons remis
à niveau beaucoup de nos sites,
investi dans les rénovations et la
montée en gamme de nos produits.
Nous avons aussi revu la segmenta-
tion, avec des sites classés de 3B à
5B et nous avons clarifié nos prix :
un logement avec vue et terrasse est
plus cher qu’un logement dépourvu
de ces éléments. Sur le plan tech-
nologique, nous avons changé
l’intégralité de notre système
central de réservation, notre site
internet. Dans nos restaurants ou
nos bars de plages, nous avons mis
en place des systèmes de QR code ALEXIS GARDY
pour permettre les commandes en PRÉSIDENT DE BELAMBRA
Urbanloop
Le premier train piloté par intelligence artificielle
TRANSPORT Destiné à desservir
une fan zone lors des prochains JO,
l’Urbanloop est un train-capsule, qui se
présente comme le moyen de transport
« le plus écologique au monde »
Pour comprendre le principe de ce mini-train
futuriste, il faut imaginer une cabine d’ascen-
seur, mais posée à l’horizontale sur des rails.
Juste de quoi embarquer quatre passagers,
comme le font les télécabines de ski. À quai,
les capsules démarrent à la demande sur la
simple pression d’un bouton comme on le
ferait à bord d’un ascenseur. À bord, pas de
conducteur mais de l’intelligence artificielle
qui gère le flux des wagons à distance et tout
cela dans une enveloppe budgétaire limitée
à 5 millions d’euros pour développer les dix
premières rames. Les coûts de développe-
ment ont été supportés à 50 % par un acteur
privé implanté à Nancy, le groupe Urbanloop
formé par des ingénieurs de l’Université de
Lorraine, l’École des mines de Nancy et
l’École supérieure d’électricité (Supélec).
Le premier rail a été posé cette semaine
dans la ville nouvelle de Saint-Quentin-
en-Yvelines où les capsules de l’Urbanloop
desserviront une fan zone pendant les
DIMANCHE 31 DÉCEMBRE 2023
chambres, etc., afin d’augmenter la
satisfaction des clients. Enfin, après
une période de forte inflation, nous
devons renouer avec la rentabilité
afin de rester maître de notre activité
et de pouvoir financer les dévelop-
pements de demain. Cela passera
par des nouvelles ouvertures, le
repositionnement de certains de nos
sites historiques et le lancement de
produits neufs.
Comment votre clientèle est-elle
constituée ?
Les familles restent le cœur de notre
JÉRÔME CARRET
clientèle, mais nous nous dévelop-
pons aussi vers les entreprises. La
clientèle B2B [la clientèle « entre-
prises », NDLR], qui inclut les sémi-
naires, représente plus de 20 % de
notre chiffre d’affaires. C’est une
ligne pour éviter à nos clients de
faire la queue ou de ne pas pouvoir
profiter d’une prestation. Et nous
part que nous développons depuis
deux ans en cherchant à occuper
nos espaces le plus possible durant
réfléchissons à la façon dont l’intel-
ligence artificielle peut améliorer
notre efficacité.
l’année. De même, l’internationa-
lisation de notre clientèle est au
cœur de notre stratégie en misant
sur l’attractivité de la France.
Quelles sont vos actions en matière
de développement durable ?
Chez Belambra, nous avons la
chance d’avoir des sites qui ont été
Parvenez-vous à recruter ?
C’est un sujet essentiel pour nous,
surtout après des périodes difficiles
pensés dès les années 1960 avec comme la pandémie. Chez Belam-
de l’espace, de la végétation, des bra, nous bénéficions de la force de
constructions d’une taille limitée, notre marque employeur. Grâce à
pas de bétonisation. C’est une vraie elle, nous arrivons à maintenir la
force aujourd’hui. Un exemple : même qualité de service depuis
les économies d’énergie. C’est un cinquante-cinq ans. Car lorsque
poste très important dans l’hôtel- l’on recrute de nouvelles personnes,
lerie. Nous éduquons nos clients à on leur offre, pour celles qui le
cette problématique. La nécessité souhaitent, des perspectives
d’éteindre la lumière des locaux qui d’évolution avec une diversité de
ne sont pas utilisés, de ne pas chauf- métiers (club enfants, restauration,
fer des espaces toute la journée, etc. bar, animation, maintenance…) ;
Mais le développement durable et la une diversité de niveaux de
politique RSE sont essentiels pour responsabilités ; une diversité de
nos investissements car nos parte- localisation, puisqu’ils peuvent
naires financiers valident unique- travailler dans quarante-cinq vil-
ment des projets compatibles sur lages, de la Normandie au sud-est
le plan RSE. de la France, en passant par les
massifs montagneux. Et puis il y
Quels sont les principaux axes a la pluralité des saisons, ce n’est
de développement de Belambra ? plus seulement l’hiver et l’été. Cela
Continuer à développer et diversi- nous permet aussi de convertir des
fier notre clientèle. Et poursuivre saisonniers titulaires en CDI. g
DR
le repositionnement de nos pro-
duits en matière de segmentation, PROPOS RECUEILLIS PAR
de tarification, de typologies de ALEXANDRE BOKSENBAUM-GRANIER
prochains JO, avant de se développer à Nancy Le marché du micro-train écologique
dans l’est de la France. « Ce train, qui nous fait s’annonce prometteur. Le groupe français
passer de la science-fiction à la réalité, préfigure Lohr a présenté en Alsace il y a quelques
les transports du futur qui circuleront dans semaines le Draisy, qui utilise d’anciennes
les villes lorsque la voiture aura totalement lignes désaffectées et fonctionne grâce à
disparu des centres urbains », s’enthousiasme des batteries. Avec l’Urbanloop, le train est
Jean-Baptiste Hamonic, vice-président de propulsé par un courant électrique de faible
l’agglomération de Saint-Quentin-en-Yve- intensité intégré aux rails, ce qui s’avère suf-
lines chargé des transports et des mobilités fisant pour atteindre 50 km/h et transporter
durables. L’élu explique que les capsules sont 250 personnes par heure. g
si légères qu’on peut poser les rails sans bal-
last ni béton, en respectant l’environnement. ÉRIC DE RIEDMATTEN
La piste d’essai
de l’Urbanloop
de Saint-Quentin-
en-Yvelines.
DR
DIMANCHE 31 DÉCEMBRE 2023 LE JOURNAL DU DIMANCHE 27

Actualité Économie & Business

Immobilier
er
Petites et grandes évolutions au 1 janvier
LOGEMENT 2024 nombreux à être estampillés RGE les travaux à réaliser via un audit

s’annonce comme
une année de grand
chambardement pour
un secteur chahuté
par une crise historique
La production
de crédit immobilier repart
Ces derniers mois, les banques n’ac-
cordaient quasiment plus de prêts
immobiliers aux particuliers. Résul-
tat, sur un an, les ventes de loge-
ments affichent une dégringolade
de 20 % avec 908 000 transactions
selon le baromètre FNAIM Clameur
de décembre 2023. Heureusement,
le vent semble tourner : en novembre
dernier, la production de crédit est
repartie à la hausse et les grandes
banques de réseau semblent de nou-
veaux plus enclines à prêter. Pour
autant, les Français vont-ils revenir
frapper à la porte des agences ? Tout
dépendra de l’évolution des taux
d’intérêt et, surtout, des prix. Du
côté des taux, ils pourraient passer
de 4,6 % en moyenne en novembre à
4,2 % en janvier. Et même retomber
sous les 4 %, car les courtiers comme
Meilleurtaux, Artémis courtage ou
Vousfinancer peuvent de nouveau
faire jouer la concurrence entre
les banques. Et, du côté des prix, la
décrue semble elle aussi amorcée :
si, depuis un an, les agents immo-
biliers, de Guy Hoquet à Laforêt
en passant par Century 21 ou Orpi,
demandaient aux vendeurs d’être
moins gourmands, ils commencent,
semble-t-il, à être entendus. Dans
des villes comme Tours, certains
biens affichent des prix désormais
en baisse de -15 ou -20 %. Les ven-
deurs lâchent du lest, reste à savoir
si la tendance va se confirmer au
niveau national.
Le gouvernement vise 200 000 rénovations énergétiques par an dès 2024.
neufs situés en zone tendue ou les
logements anciens nécessitant des
travaux. La grande perdante, c’est
la maison neuve individuelle désor-
mais exclue du PTZ. Une mesure
justifiée par l’exécutif pour ne
plus encourager l’artificialisation
des sols. Une disposition dénon-
cée par la Fédération française du
bâtiment (FFB) pour qui beaucoup
de Français pourraient être exclus
de l’accession à la propriété et qui
inquiète de nombreux constructeurs
de maisons neuves.
Complémentaires santé
ALLILI/SIPA
Petite révolution
pour MaPrimeRenov’
Le changement est radical, dès ce
1er janvier, les conditions d’attri-
bution et le montant de MaPri-
meRenov’ évoluent afin d’inciter
à la rénovation globale des loge-
ments. Le gouvernement espère
200 000 habitations isolées et
moins énergivores en 2024, contre
seulement 60 000 cette année.
Objectif louable mais difficile-
ment atteignable selon les artisans
du bâtiment de moins en moins
(reconnu garant de l’environne-
ment), label sans lequel les travaux
ne peuvent bénéficier des aides. Le
budget de MaPrimeRenov’ a pour-
tant été dynamisé de 1,6 milliard
d’euros pour atteindre 5 milliards
au total. Mais pour la CAPEB, le
syndicat des artisans du bâtiment,
En 2024, la taxe
foncière devrait
augmenter de
3,9 % en moyenne
le reste à charge pour les foyers
les plus modestes est encore trop
élevé et pourrait pousser certaines
familles à renoncer aux travaux
d’isolation. Concrètement, un
ménage avec deux enfants gagnant
en moyenne 30 000 euros par an,
dont le coût des travaux (isolation
thermique, installation d’une VMC
et d’une pompe à chaleur) s’élève
à 63 000 euros pourra prétendre à
49 500 euros de MaPrimeRenov’
contre 39 500 euros en 2023. Pour
financer le reste à charge (dans
cet exemple, de 13 500 euros), une
solution pourrait être d’aller négo-
cier un prêt à taux bonifié chez
son banquier. Pour accompagner
les particuliers dans toutes ces
démarches, un nouveau métier
voit le jour : l’« accompagnateur
Rénov’ », un professionnel agréé
qui aura pour mission de définir
énergétique, de conseiller dans le
choix des devis, d’accompagner
pour la recherche de finance-
ment, etc.
Avec MaPrimeAdapt’,
prise en compte des séniors
et personnes handicapées
Ma Prime Adapt’, une aide finan-
cière de 15 000 euros maximum
qui vise à subventionner l’adap-
tation des logements pour une
vie autonome, sécurisée, afin de
permettre le maintien à domicile.
Avec 20 % de la population fran-
çaise ayant plus de 65 ans, 35 % en
2050 et un nombre croissant de
personnes handicapées, cette ini-
tiative répond à un besoin urgent.
70 000 primes par an, pendant dix
ans, devraient ainsi être attribuées
pour un budget annuel de 1,5 mil-
liard d’euros.
Taxe foncière,
la facture s’annonce salée
En 2024, la taxe foncière devrait
augmenter de 3,9 % en moyenne
au niveau national en raison de
la revalorisation forfaitaire des
valeurs locatives qui servent de
base de calcul. Mais, comme en
2023, certaines communes pour-
raient aller encore plus loin. Vil-
leurbanne, dans le Rhône, a d’ores
et déjà annoncé la couleur avec
une hausse de 10 % de sa taxe
foncière. g
CHRISTOPHE BORDET

Règles d’octroi
de crédit moins encadrées
Dès le 1er janvier, terminée la révision
mensuelle du taux d’usure adop-
tée pour accompagner la hausse
des taux et retour à une révision
trimestrielle. Sollicité pour assou-
plir les règles d’octroi de crédit, le
Haut Conseil à la stabilité financière
a refusé d’augmenter le taux d’en-
dettement maximum des ménages
(35 % des revenus nets avant
impôts), mais a accepté d’allonger
la durée maximum d’emprunt. En
2024, on pourra rembourser un
crédit immobilier pendant 27 ans,
contre 25 aujourd’hui… mais à la
condition d’engager des travaux de
rénovation à hauteur de 10 % du prix
total d’acquisition.
Réforme du prêt
à taux zéro déjà reportée
Son entrée en vigueur n’aura pas
lieu le 1er janvier, mais normalement
entre février et avril 2024. Un report
pour laisser le temps aux banques
d’adapter leurs systèmes d’infor-
mation. L’ambition du gouverne-
ment est de permettre à 6 millions
de foyers supplémentaires gagnant
entre 37 000 et 49 000 euros par
an de bénéficier du prêt à taux zéro
(PTZ) pour atteindre un total éli-
gible de 29 millions. Sont directe-
ment concernés les appartements
Des solutions face à la hausse
ASSURANCE Pour contenir la forte et bientôt une assurance leur offre une expertise
hausse des cotisations des mutuelles, emprunteur. Pour 2024, pour réduire ce déséqui-
des leviers se développent Acheel, tributaire de ses libre entre cotisations et
réassureurs, n’échappe prestations : « L’assureur ne
Attention à la gueule de bois demain : en 2024, pas à l’augmentation des va pas de lui-même venir
les cotisations des mutuelles santé vont aug- cotisations santé, mais baisser, on vient regarder… »
menter plus vite que l’inflation, de 8,1 % en la prévoit légèrement Les assureurs y trouvent leur
moyenne, prévoit la Mutualité française. inférieure à la moyenne. intérêt, explique-t-elle : « Ils
Cette hausse fait suite à une augmentation Sa compétitivité et son sont pour plus d’éclairage,
de 6 % en 2023, supérieure aux prévisions ini- succès s’expliquent par pour garder leurs clients… »
tiales. Elle s’inscrit dans une augmentation une offre à la carte « pour Des exemples d’économies
générale des dépenses de santé, notamment ne payer que le juste prix » possibles ? Limiter les frais
depuis le covid, mais est aussi imputable et par l’agilité qu’offre sa d’intermédiation, comme
au désengagement de la Sécurité sociale : le plateforme aux coûts ceux des courtiers, par-
« 100 % Santé », qui facilite l’accès aux équi- de structure contenus. fois trop élevés ; recourir
pements auditifs, optiques et dentaires, s’ac- « Les comportements aux réseaux, d’opticiens
compagne d’une baisse des remboursements évoluent, souligne Ralph par exemple ; investir dans
de la Sécu et d’une hausse des cotisations. Ruimy, la confiance des la prévention, un surcoût
De nouveaux acteurs comme Acheel se pré- clients n’est plus réser- ponctuel mais sur lequel
sentent comme des recours : ce néo-assureur vée aux grands acteurs RALPH RUIMY tout le monde est gagnant à
100 % en ligne, fondé en 2020, agréé depuis installés. On peut pen- COFONDATEUR D’ACHEEL long terme. Concernant les
2021 et déjà rentable, compte aujourd’hui ser qu’une offre en ligne, nouveaux acteurs du mar-
500 000 assurés, et plus de 100 000 contrats c’est pour des urbains jeunes, mais on a ché, « leurs frais ne sont pas forcément moins
santé. « Je trouvais qu’il y avait trop de gâchis toute la population. Les gens comparent, élevés », estime Catherine Colombie, mais ils
dans l’assurance, trop d’intermédiaires, les gens cherchent les produits les plus avantageux. » offrent de nombreux gains indirects : sou-
payaient trop cher des choses qu’ils ne devraient Catherine Colombie, experte en protection plesse, gain de temps… La protection sociale
pas payer », confie Ralph Ruimy, son cofonda- sociale du cabinet spécialisé Spartes, note pèse lourd, entre 5 et 7 % de la masse salariale
teur. Outre le 100 % Santé, il pointe la « fausse que « le désengagement de la Sécurité sociale des entreprises, qui la sollicitent parfois dans
bonne idée de la résiliation en trois clics », qui au détriment des complémentaires n’est pas la précipitation, « plus regardantes, pour savoir
encourage un turnover excessif et conduit à nouveau, mais peut-être le plus significatif où est le bon curseur, sans diminuer les garanties
une hausse des tarifs, les assureurs bâtissant depuis cinq ans ». Elle estime à 15 % en moyenne et en trouvant même des leviers pour faciliter
leur rentabilité en fidélisant. Acheel propose l’excès de dépenses santé des entreprises : « À l’accès aux soins ». g
différents produits, de l’assurance animaux à chaque fois qu’on audite, je suis assez étonnée
l’habitation (environ 500 contrats par jour), de toujours voir qu’il y a des marges. » Elle HUMBERT ANGLEYS
 28 LE JOURNAL DU DIMANCHE DIMANCHE 31 DÉCEMBRE 2023

Actualité Économie & Business

La société Edeis investit dans des sites
comme l’aéroport de Mayotte (à gauche) et les arènes de Nîmes (à droite).
« Partout en France, on a des pépites », remarque son PDG.
EDEIS

Jean-Luc Schnoebelen
Ingénieux
en chef !

SUCCÈS Parti de
rien, cet entrepreneur
atypique est aujourd’hui
à la tête de 17 aéroports
en province et de
plusieurs grands sites
culturels
Jean-Luc Schnoebelen est un ingé-
nieur ayant fait ses armes chez
Bouygues. Mais il préfère qu’on le
présente comme un « ingénieux ».
Car ce qu’il aime par-dessus tout,
c’est trouver des réponses originales
à des problèmes complexes. Faire un
pas de côté pour apporter une solu-
tion qui ne soit pas toute faite, mais
sur mesure et si possible novatrice.
C’est aussi un explorateur curieux et
atypique, qui s’intéresse à beaucoup
de choses.
Difficile alors de résumer son acti-
vité en deux mots et d’expliquer sim-
plement tout ce que fait Edeis, son
entreprise, qui gère notamment des
concessions d’aéroports, des ports,
des sites culturels. Son métier d’ori-
gine, c’est le conseil en ingénierie.
Ses équipes travaillent notamment
sur la conception d’usines, pour la
production d’alimentation animale
pour Mars, par exemple, ou encore
pour la fabrication de batteries, avec
la construction de la gigafactory de
Dunkerque. Edeis intervient éga-
lement dans la conception d’hôpi-
PAULINE GUYON/EDEIS
risque, c’est de livrer un bâtiment
déjà dépassé. » Son obsession, c’est
d’être suffisamment visionnaire et
souple pour imaginer des bâtiments
adaptables.
Depuis quelques mois, via le
rachat d’Enalia, entreprise spécia-
lisée dans la rénovation énergétique,
il a ajouté une corde à son arc. Le
mécanisme est complexe : au lieu
de créer un nouvel impôt, l’État a
délégué à des entreprises privées
la collecte des CEE, les certificats
d’économie d’énergie, auprès des
entreprises qui vendent de l’éner-
gie fossile, et le soin de vérifier que
ces CEE financent bien des travaux
d’économie d’énergie. Sauf que la
gestion de ces contreparties a pu,
parfois, donner lieu à des dérapages,
abîmant l’image du dispositif, ce
qu’entend bousculer Jean-Luc
Schnoebelen : « Ce n’est pas parce
que deux personnes ont fait n’importe
quoi qu’il faudrait remettre en ques-
tion toute une profession ou jeter tout
un dispositif. En revanche, on peut le
faire évoluer. » Selon lui, on a ainsi
financé beaucoup de travaux utiles
pour les économies d’énergie… mais
pas nécessairement vertueux sur le
long terme. « On pourrait très bien se
rendre compte d’ici quelques années
que certains matériaux isolants uti-
lisés dans la rénovation sont aussi
nocifs que l’amiante ! Nous, notre
approche, c’est travailler à la fois
sur la performance énergétique des
bâtiments, mais aussi sur la durabilité
des matériaux et leur innocuité. »
« On est un petit ADP local »
Mais n’est-ce pas antinomique de
faire à la fois de la rénovation éner-
gétique, bonne pour la planète, et
de gérer des aéroports, alors que le
trafic aérien est aujourd’hui respon-
sable d’une grande partie des émis-
sions de gaz à effet de serre ? Pour
Jean-Luc Schnoebelen, il s’agit, là
encore, d’avoir un coup d’avance :
« Dans cinq ans, les avions ne pol-
lueront plus. Il y aura des avions
électriques ou hybrides, des avions à
hydrogène, et les biocarburants vont
considérablement se développer. Et
pour les liaisons transverses, entre
villes moyennes. Celles, justement,
où nous sommes. On est un petit ADP
local », s’amuse le patron.
Aujourd’hui, Edeis gère 17 aéro-
ports, à Reims, Cherbourg, Vannes,
Dijon ou encore Nîmes, et ambi-
tionne d’arriver rapidement à 25.
Parmi ces « cibles », l’aéroport
de Vatry, un ancien aéroport de
l’OTAN, avec une piste de près
de 4 kilomètres de long, pouvant
accueillir des gros-porteurs, mais
en errance depuis vingt ans, avec
aujourd’hui des dizaines de mil-
liers de mètres carrés d’entrepôts
logistiques vides. « Nous, on s’est
rendu compte que, étant donné
sa localisation, il pouvait servir à
délocaliser du fret luxembourgeois.
Au Luxembourg, il y a beaucoup de
fret, plus qu’à Roissy même, mais les
structures ne sont pas adaptées. C’est
un peu ça notre marque de fabrique :
d’une situation qui semble bloquée,
on trouve une solution en réfléchis-
sant différemment. »
L’entreprise, qui a réalisé 140 mil-
lions d’euros de chiffre d’affaires en
2022, vise les 350 millions d’euros
l’année prochaine. En tout, Edeis
emploie aujourd’hui 1 200 collabo-
STÉPHANE RAMILLON/NIMES
il a une responsabilité plus large. »
Parmi les chantiers en cours : la
reprise de la gestion de la Cité de la
Mer, à Cherbourg, venue enrichir
le portefeuille de sites culturels et
touristiques d’Edeis, qui gère déjà
les arènes de Nîmes et le théâtre
antique d’Orange. « Partout en
France, on a des pépites, des sites
qui peuvent attirer du monde, qui
peuvent tirer l’économie locale mais
qui ne sont pas mis en valeur. » À
Cherbourg, l’ancienne gare de
départ des navires transatlantiques
« Dans cinq ans,
les avions ne
pollueront plus »
peine à attirer le public. Pour la
relancer, le patron d’Edeis ima-
gine proposer un voyage immersif
dans les océans. Avec la possibi-
lité pour les visiteurs de dormir
à bord du Redoutable, le plus
grand sous-marin nucléaire visi-
table du monde, exposé en cale
sèche ! Une expérience inédite
pour se prendre, le temps d’une

taux. « Ce sont des marchés très longs, cela sera d’autant plus vrai sur les rateurs. « Mais je considère qu’on est nuit, pour un sous-marinier en
détaille le fringant sexagénaire. Il petites et courtes distances. On a plutôt 4 000, parce qu’on pense aussi mission. Encore un de ces pas de
peut se passer des années entre l’appel supprimé les liaisons de moins de aux familles des gens qui travaillent côté dont Jean-Luc Schnoebelen
d’offres et la livraison. Or la techno- deux heures par avion, mais demain chez nous et qui donc dépendent de a le secret… g
logie, elle, évolue très vite. Résultat, elles seront sans doute de nouveau nous. Un patron d’entreprise, il ne
si on n’est pas créatif et flexible, le possibles. Et c’est surtout intéressant peut pas juste penser à ses salariés, LOMIG GUILLO

• DANS LE RÉTRO… • BONNE NOUVELLE • ÇA ARRIVE

une année pas terrible pour les Français ! Ipsos
2023 publie une étude mondiale sur le moral des
ménages, réalisée auprès de 25 292 adultes : si, en moyenne,
la population mondiale estime à 70 % que l’année 2023 a été
« pas très bonne », nous sommes en France 77 % à être de cet
avis. Et seulement 46 % des Français interrogés sont d’accord
pour affirmer : « 2024 sera une meilleure année pour moi que
2023. » Sur les 33 pays sondés, seuls les Japonais sont plus
pessimistes ; 70 % des personnes interrogées pensent que
2024 sera meilleure que 2023. Maigre consolation pour les
lejdd.fr Français, 2023 aura tout de même été moins mauvaise que
RETROUVEZ
TOUTE L’ACTU 2022, 2021 et 2020 qui, covid oblige, fut jugée mauvaise
SUR NOTRE SITE par 90 % de nos compatriotes. g
L’inflation des prix reste la principale préoccupation de 68 %
des habitants de la planète. Toutefois, alors qu’elle culminait
à 54 % dans les soucis des Français au printemps 2023,
l’inflation n’inquiète plus que 40 % d’entre eux, toujours selon
la grande étude Ipsos sur le moral mondial des ménages. Autre
signe positif : en avril 2023, 44 % des Français estimaient
que le pays était en récession économique. Ils ne sont plus
que 36 % à le croire en cette fin d’année. Mais un quart des
Français sondés considèrent que l’inflation ne reviendra jamais
à la normale. D’ailleurs, 63 % déclarent avoir remarqué que
beaucoup de marques pratiquaient la réduflation (technique
qui consiste à maintenir le prix d’un produit tout en réduisant
sa quantité). g
Interrogés sur l’avenir et leur vision de 2024, 85 % des Français
considèrent que « les températures moyennes de la planète vont
augmenter » en 2024, selon l’enquête Ipsos. Autre prédiction :
31 % des Français estiment que l’intelligence artificielle détruira
massivement des emplois dans les années qui viennent. Ils ne
sont en revanche que 33 % à croire que « Donald Trump va
être réélu président des États-Unis » en novembre 2024. Et
seulement 25 % s’attendent à ce qu’en 2024, « les femmes
soient rémunérées autant que les hommes pour le même travail ».
Enfin, si 15 % de l’échantillon mondial se déclarent « préoccupés
par l’immigration », c’est un sujet d’inquiétude pour 25 % des
Français. Mais cela reste moins que pour les Allemands (41 %),
les Néerlandais (31 %) et les Belges (29 %). g B. C.
 DIMANCHE 31 DÉCEMBRE 2023
MONUMENT À 58 ans,
l’inusable pilote auto
et moto vise un 15e titre
sur le Dakar
NOSTALGIE En
35 participations, il a vu
« son » rallye évoluer,
plus professionnel mais
moins aventureux
Son surnom de « Monsieur Dakar »
n’est pas usurpé. Premier suc-
cès chez les motos en… 1991, sur
Yamaha. Cinq autres suivront en
deux-roues, toujours sous les cou-
leurs de la marque japonaise, record
à battre. Tout cela avant que le pilote
franc-comtois ne se mette à l’auto,
avec encore plus de succès. Huit
victoires finales : là non plus, per-
sonne n’a fait mieux. Vendredi, en
Arabie saoudite, à bord de son buggy
Audi hybride, Stéphane Peterhan-
sel s’élancera une nouvelle fois avec
l’ambition de remporter le célèbre
rallye-raid. Juste avant de rejoindre
les sables saoudiens, il a longuement
répondu au JDD depuis son domi-
cile suisse, à Crans-Montana.
Comprenez-vous que c’est
la 46e édition du Dakar et votre
35e participation ?
Quand je suis arrivé sur le Dakar,
c’était la dixième édition. Depuis,
j’en ai loupé une seule. Voilà pour-
quoi on arrive à ma 35e participation.
C’est toute une vie qui tourne autour
du Dakar et c’est quand même une
vie assez chanceuse. Parce qu’au
départ, c’était juste un rêve de par-
ticiper à cette course. C’est devenu
mon métier et il m’a apporté beau-
coup de satisfaction. C’est toujours
avec autant de plaisir qu’on démarre.
Si vous deviez ne retenir qu’un seul
Dakar et en oublier un autre ?
Je retiendrais forcément la victoire
moto, en 1991, la première d’une
longue série. C’était vraiment celle
que j’attendais avec le plus d’impa-
tience parce que je ne savais pas si
j’étais capable de gagner un jour. La
course que j’aimerais oublier, mal-
gré la victoire, c’est celle de 1992.
Un de mes amis s’est tué devant
moi à moto, un ancien vainqueur
du Dakar, Gilles Lalay. Ça reste un
souvenir très douloureux. [À l’issue
L’Audi RS Q e-tron
de Stéphane
Peterhansel et
Édouard Boulanger,
sur les pistes
du Rallye du Maroc
2023.
DPPI
Actualité Sport
Stéphane Peterhansel
« On s’est un peu embourgeoisés »
d’une étape disputée au Congo, le
vainqueur du Dakar 1989, âgé de
29 ans, avait percuté mortellement
un véhicule de l’assistance médicale,
NDLR.]
Vous avez connu le Dakar en Afrique
avant qu’il ne s’expatrie une décennie
en Amérique du Sud puis qu’il s’ins-
talle en Arabie saoudite. Avez-vous la
nostalgie de l’époque africaine ?
J’ai eu la chance de faire quasi-
ment vingt Dakar en Afrique. Ces
éditions ont été fantastiques, entre
les paysages et les différents pays
que nous avons traversés, mais aussi
l’ambiance et l’atmosphère. Il n’y
avait pas de GPS, nous étions vrai-
ment livrés à nous-mêmes. L’aspect
aventure primait. Donc, forcément,
il y a de la nostalgie. Cela étant, pas
question de faire le vieux con. Nous
avons connu aussi des paysages
magnifiques du côté de l’Amérique
latine où nous avons rencontré un
peuple hyper enthousiaste pour les
sports mécaniques. Depuis cinq ans,
nous sommes en Arabie saoudite
sur des terrains très intéressants.
Mais c’est une certitude, l’esprit ini-
tial du Dakar a beaucoup évolué. La
course a changé, elle est devenue
plus intense, plus courte, avec beau-
LE JOURNAL DU DIMANCHE 29
L’HOMME-RALLYE
Né en 1965 en Haute-Saône, celui qui a été champion
de France de skate chez les jeunes est indissociable
de l’histoire du Dakar. Vainqueur sur une moto Yamaha
(en 1991, 1992, 1993, 1995, 1997 et 1998), Stéphane
Peterhansel a ensuite triomphé en auto chez trois
constructeurs différents (en 2004, 2005 et 2007
chez Mitsubishi, 2012, 2013 et 2021 chez Mini, 2016
et 2017 chez Peugeot). Sa dernière victoire, en 2021,
lui a permis de devenir l’unique pilote à avoir gagné en
Afrique, en Amérique du Sud et en Arabie saoudite. Au
volant de son Audi RS Q e-tron, il va tenter de repousser
une nouvelle fois les limites. g
DPPI
coup moins d’aventure. Elle reste Le bivouac a évolué, Vous appréciez cette motorisation
quand même une course différente mais dormez-vous toujours avec « électrique » ?
de toutes les autres. des bouchons d’oreilles ? Elle est vraiment géniale. On se
(Rire.) Oui ! Même si c’est plus calme. concentre sur la trajectoire et la
Le bivouac, où les concurrents se Je me rappelle les bivouacs où, toute puissance est constamment là. Il y
retrouvent le soir, a beaucoup changé… la nuit, les mécaniciens essayaient a vraiment une facilité à contrôler
Avant, nous nous retrouvions en les motos et ça pétaradait tout le les glissades et les accélérations.
Afrique sous une tente générale, temps. Comme tout est réglementé Après, forcément, les voitures sont
souvent une tente de Bédouin maintenant, c’est interdit. Les méca- devenues de plus en plus costaudes,
montée par l’organisation. Tous les niciens n’ont plus le droit de démar- de plus en plus rigides, et le corps
soirs, amateurs et professionnels, rer les moteurs la nuit. sert de fusible. Il y a quelques
nous mangions ensemble. Tout années, si on faisait un trop gros
le monde était mélangé. À partir Audi a la particularité d’utiliser depuis saut ou qu’on sollicitait trop la voi-
du moment où on a fait le Dakar deux ans un 4x4 hybride. Ce proto- ture, on cassait un triangle, on cas-
en Amérique du Sud, les bivouacs type roule grâce à une motorisation sait une suspension, mais ça allait.
sont devenus accessibles par des électrique, mais les batteries sont Aujourd’hui, c’est le bonhomme à
routes goudronnées et ils se sont rechargées par un moteur thermique. l’intérieur qui prend. Le pilotage
remplis de camping-cars [où dor- Peut-il prétendre à la victoire ? devient très physique. La preuve,
ment certains pilotes, NDLR]. C’est un concept hyper compliqué mon copilote, l’année dernière, a eu
Nous, les pilotes professionnels, et Audi a réussi à trouver le meil- une vertèbre complètement écra-
nous nous sommes un peu embour- leur dans cette motorisation élec- sée, alors que la voiture n’avait pas
geoisés avec nos camping-cars qui trique. Malheureusement, ça s’est grand-chose.
nous permettent d’avoir plus de mal enchaîné la première année. Je
repos. Mais nous avons perdu en pense que nous étions trop jeunes Cela peut sembler paradoxal. Vous
convivialité. On ne peut plus faire en matière de connaissance de pratiquez un sport mécanique tout en
marche arrière. En Arabie saou- cette technologie et nous avons étant très attaché à la nature…
dite, c’est la même chose. Les eu des problèmes techniques. Je n’aurais pas pu vivre dans une
bivouacs sont accessibles. On y L’année dernière, sincèrement, grande ville. J’ai toujours habité
retrouve des structures qui se rap- nous étions capables, peut-être pas à la campagne. J’ai besoin de
prochent, peut-être pas des circuits de gagner, mais au moins de faire nature autour de moi. Juste un
de Formule 1, mais des circuits de un podium. Le jour où nous avons petit exemple, tous les pilotes de
Moto GP, avec de gros camions eu un accident, nous étions deu- la nouvelle génération font 90 %
vitrés où les invités peuvent venir. xièmes au classement général. [La de leur entraînement en salle de fit-
blessure de son copilote Édouard ness. Moi, je n’ai jamais fait de sport
Boulanger a contraint Peterhansel en salle. Je m’entraîne en plein air.
à l’abandon dès la 6e étape, NDLR.] J’ai besoin de cette nature. Et c’est
Aujourd’hui, même si c’est com- pour cela que j’aime autant le Dakar.
pliqué, nous avons la possibilité
d’obtenir un très bon résultat. Et Alors que la défense de l’environne-
pourquoi pas une victoire ? ment est au cœur des préoccupa-
tions, le Dakar a-t-il encore un avenir ?
Ce qui me fait un petit peu sourire.
J’ai un ami qui ressort à chaque fois
des magazines des premiers Dakar
et, dès le début, on racontait déjà les
mêmes histoires. Le Dakar va-t-il
UN DAKAR MARATHON survivre ? Pour combien de temps ?
Les véhicules seront débarqués demain à Yanbu, dans Aujourd’hui, vous le voyez, c’est le
la périlleuse zone de la mer Rouge. Départ vendredi quarante-sixième…
pour douze étapes dont une étalée sur deux jours.
La plus longue : 873 kilomètres. Distance totale : Et votre propre avenir ?
8 000 kilomètres, dont 4 700 chronométrés. Parmi les La retraite, vous y pensez ?
personnalités engagées, outre Stéphane Peterhansel, Ce que j’aimerais, au fond de moi,
le tenant du titre auto, le Qatari Nasser Al-Attiyah, c’est arrêter sur un très, très bon
l’ancien champion du monde de rallye WRC, l’Espagnol résultat. Clôturer ma carrière
Carlos Sainz, ou encore une motarde israélienne, Yael professionnelle sur une victoire,
Kadshai, ancienne militaire de Tsahal, qui entend par ce serait parfait. g
sa présence « lutter contre la vague d’antisémitisme
qui balaie le monde aujourd’hui ». g PROPOS RECUEILLIS PAR AXEL MAY
 30
IDRISS IMELHAINE
La joie de l’US Revel (Régional 1) après sa qualification aux tirs au but pour les 32es de finale de la Coupe de France.
Coupe de France
Revel, le réveillon
éveillé
FOOTBALL Le club haut-
garonnais de sixième
division affrontera
les stars du PSG
dimanche prochain
« Pourvu que ça dure, la belle aven-
ture… » Le tube de Patrick Sébastien
pourrait figurer dans la playlist de
la soirée du Nouvel An des joueurs
de l’US Revel. Ville de 10 000 habi-
tants située entre Toulouse et les
remparts de Carcassonne, Revel va
vivre un grand moment dimanche
prochain en 32e de finale de la
Coupe de France face à un Paris
Saint-Germain qui entrera dans
la compétition. Le Petit Poucet
des clubs encore en lice évolue en
Régionale 1, cinq niveaux en des-
sous de la Ligue 1 de son prestigieux
adversaire d’un soir, et a ferraillé
près d’un semestre pour en arri-
ver là. « Je n’y crois toujours pas ! »,
lance Maxence N’Guessan, défen-
seur central, qui a quitté son métier
de chauffeur de bus pour un travail
dans un supermarché aux horaires
plus compatibles avec les matchs
de foot du week-end. Réunis pour
s’échanger leurs cadeaux de Noël,
les joueurs en ont reçu un gros, lors
du tirage au sort. Une explosion
de joie en deux temps, d’abord en
apprenant qu’ils joueraient à domi-
cile le 7 janvier, puis qu’ils affron-
teraient le grand PSG.
« Des mecs ont pleuré, on a des
étoiles plein les yeux, c’est la magie
de la Coupe de France et du football
amateur », savoure Cédric Garcia,
directeur sportif du club depuis
deux ans, après dix-huit saisons
comme gardien de but et capitaine
– c’est son frère Cyril qui a repris le
poste et le brassard. « On se disait
que ça n’arrivait qu’aux autres,
mais c’est énorme, je me deman-
dais presque si c’était une caméra
cachée », jubile Vivien Vaysset, laté-
ral qui peine à réaliser qu’il aura
Actualité Sport
peut-être un vis-à-vis du calibre
d’Ousmane Dembélé.
« Ce qui se passe est énorme
pour la ville »
Le match se jouera à une trentaine
de kilomètres de Revel, à Castres,
dont certains joueurs sont natifs.
Le club de rugby leur a ouvert
les bras, salue Cédric Garcia,
ravi que son club remplisse les
10 600 places du stade Pierre-
Fabre et, il ne s’en cache pas,
engrange une recette exception-
nelle de billetterie. Les joueurs
découvrent un engouement bien-
venu en ces terres d’Ovalie : « On
est déjà gagnants, savoure le diri-
geant. Le club, ses forces vives, ses
bénévoles sont mis en avant. On a
gagné le respect de tout le monde,
les clubs voisins s’identifient… »
« Ce qui se passe est énorme pour la
ville », tranche Dominique Boyer,
entraîneur adjoint, depuis douze
« La grande fête,
ce sera dans une
semaine ! »
M. N’Guessan, joueur de Revel
ans au club. Pour l’US Revel, 400
licenciés, c’est aussi « une décou-
verte du battage médiatique », note
son directeur sportif. Le match
sera programmé en prime time,
dimanche à 20 h 45, bouquet final
d’un intense week-end. Téléfoot
et les médias nationaux seront
là, les caméras du diffuseur beIN
Sports auront accès au vestiaire…
Une exposition inhabituelle à
appréhender : « Ça va beaucoup
bouger autour de nous », anticipe
Vivien Vaysset. Pour préserver les
joueurs de cette fièvre, une mise
au vert est prévue avant le match,
explique Cédric Garcia, comme
lors de la victoire fondatrice à
Guérande deux tours plus tôt.
LE JOURNAL DU DIMANCHE
Peut-on vraiment anticiper une
tactique, avec une telle différence
de niveau sur le papier ? Sans se
faire d’illusion, Maxence N’Gues-
san confie regarder les matchs du
PSG avec une attention particu-
lière pour les petites habitudes de
Kylian Mbappé. « Bien sûr, on ne
part pas à l’abordage, on travaille
quelque chose », souffle Dominique
Boyer, mystérieux. Mais l’entraî-
neur adjoint le reconnaît, « ça va
être compliqué ». Revel, promu
cette année en Régionale 1, est
en tête de son championnat – de
quoi aborder sereinement la pos-
sible décompression qui suivra ce
match d’une vie. Confiance donc,
STEPHANE MAHE/REUTERS
mais aussi humilité : le technicien
rappelle que fin août, au deuxième
tour de l’épreuve, son équipe était
menée à un quart d’heure de la fin,
à deux doigts de se faire éliminer
par une équipe de district. Pour
affronter Paris, Cédric Garcia livre
les clefs d’une bonne approche :
« Ne pas changer ! On va garder
nos deux entraînements hebdo-
madaires. Jouer avec nos quali-
tés, rester simples, authentiques,
c’est notre force. On va essayer de
rivaliser au mieux, on a un groupe
exceptionnel, des mecs qui sont
extras, ils ne vont rien lâcher ! »
Le réveillon de ce soir, à sept jours
de l’échéance, sera-t-il sage ? « On
n’est pas pros, mais on fait quand
même attention, même en temps
normal », assure Maxence N’Gues-
san. « On fait entièrement confiance
aux joueurs pour être sérieux »,
confirme Dominique Boyer. De
toute façon, comme le dit son
joueur, « la grande fête sera dans
une semaine, quoi qu’il arrive ! On
rattrapera les écarts après, on ne se
privera pas ». Avant de se concen-
trer autant que possible sur le
match, Vivien Vaysset réalise une
dernière fois ce qu’il a déjà dit à ses
coéquipiers : « Quoi qu’il arrive, on
est maintenant tous liés à vie. » g
HUMBERT ANGLEYS
DIMANCHE 31 DÉCEMBRE 2023
Avec leurs
meilleurs vœux
MERCATO Le marché hivernal
des transferts ouvre ses portes demain
en France. Enjeux à tous les étages
C’est parti pour un mois de rumeurs plus ou moins loufoques, de
montages financiers acrobatiques, de dossiers à suspense, d’inves-
tissements impulsifs et parfois regrettables. Le mercato, terme
italien entré dans le langage commun du foot français, passionne
autant qu’il agace les fans. Certains estiment même – difficile
de leur donner tort – qu’il permet aux grosses écuries, en plein
milieu de saison, de corriger par le carnet de chèques des erreurs
sportives ou de management. Dès cette nuit, et jusqu’au 1er février
inclus, les clubs professionnels peuvent donc vendre, acheter
et prêter dans les limites imposées par la DNCG, le gendarme
financier du foot français. Cette année, le marché sera pimenté
par les Coupe d’Afrique et Coupe d’Asie des nations, disputées
concomitamment en Côte d’Ivoire et au Qatar, et qui priveront les
équipes de Ligue 1 et de Ligue 2 de plusieurs dizaines de joueurs
jusqu’à la mi-février. Focus sur les trois clubs les plus attendus.
PSG : Mbappé, telle est la question
Restera, restera pas ? Le feuilleton redémarre, plus incertain que
jamais. À partir de ce lundi, le capitaine des Bleus sera libre de
s’engager avec le club de son choix en vue de la prochaine saison.
Cela peut être le Real Madrid, avec qui il danse un tango aussi
effréné qu’improductif depuis des années, une grande équipe
anglaise ou bien… le Paris Saint-Germain. Pas question ici de refaire
l’histoire, mais disons que l’heure fatidique approche pour l’homme
aux 300 buts et ambassadeur numéro 1 du foot français à 25 ans.
Soit il prolonge au PSG et s’inscrit dans la durée, persuadé qu’il
ne trouvera pas de meilleure rampe de lancement pour conqué-
rir la Ligue des champions et le Ballon d’or, ses deux derniers
absolus. Soit il quitte la Ligue 1 sur laquelle il aura régné sept
ans pour continuer d’écrire sa légende dans une institution plus
emblématique. Décision au printemps, sauf cataclysme. Pour le
reste, le PSG de Luis Enrique enrôle deux promesses brésiliennes :
Lucas Beraldo, défenseur central de São Paulo (20 ans) et Gabriel
Moscardo, milieu des Corinthians (18 ans). Du côté des départs,
les noms d’Hugo Ekitike et Layvin Kurzawa, huit minutes chacun
en L1 cette saison, reviennent avec insistance.
Kylian Mbappé, lors de PSG-Newcastle,
au Parc des Princes, le 28 novembre dernier.
Lyon : Sage et les tentations hivernales
Conforté au poste d’entraîneur de l’Olympique lyonnais, l’ex-
intérimaire Pierre Sage a réussi une première prouesse : extirper
les Lyonnais de la zone rouge après un début de saison effrayant.
Désormais 15e, le club de John Textor, récemment réconcilié
avec son prédécesseur Jean-Michel Aulas, va-t-il investir pour
densifier un effectif malgré tout bancal ou miser sur l’esprit
de corps régénéré de ses joueurs ? L’enveloppe des transferts
pourrait s’élever à 50 millions d’euros, de quoi être ambitieux.
Dans l’autre sens, des joueurs pourraient quitter le navire, dont
le défenseur Sinaly Diomandé et le talentueux mais inconstant
milieu Rayan Cherki, valorisé à 25 millions d’euros.
Marseille : le festival de CAN
Plusieurs cadres de l’équipe de Gennaro Gattuso vont partir à la
Coupe d’Afrique des nations, dont Chancel Mbemba, Amine Harit,
Azzedine Ounahi ou encore Pape Gueye, l’un des trois Sénégalais de
l’Olympique de Marseille. Le président Pablo Longoria le savait, et
travaille ses dossiers pour ne pas trop se ronger les ongles – même
si le club est soumis à un encadrement de sa masse salariale. Son
entraîneur italien espère un latéral gauche et un ailier polyvalent,
voire un milieu de terrain. La saison marseillaise, qui avait pris
un coup terrible après l’élimination prématurée de la Ligue des
champions et la crise de gouvernance cet été, hésite encore entre
le moyen et l’encourageant. L’hiver sera crucial. g
JEAN-FRANÇOIS PÉRÈS
DIMANCHE 31 DÉCEMBRE 2023 LE JOURNAL DU DIMANCHE 31

Actualité Sport
Melvyn Richardson L’objectif olympique à Paris
« Bien sûr, les gens autour de
nous ont en tête principalement

« Je préfère attendre avant les Jeux olympiques [du 26 juillet

au 11 août 2024, NDLR]. C’est une
compétition à part, d’autant plus
qu’elle va se disputer en France.

de charrier mon père ! » Ça va être un très, très grand évé-

nement. Mais nous, on prend les
choses au fur et à mesure. On va
d’abord se concentrer sur le cham-
pionnat d’Europe. »
HÉRITIER Le fils Décrocher l’or et les qualités pour faire un truc sonnes qui disent ça [le hand étant
comme les Bleues intéressant. Je suis super content un sport dominé par les nations La relation au père
de Jackson, légende « On est attendu au tournant. Ça pour les filles [championnes du européennes, NDLR]. Pendant le « Quand tu as le fils qui fait la
du handball français, fait partie de cet ADN de la gagne. monde le 17 décembre, NDLR] et championnat d’Europe, il n’y a pas un même discipline que le père, des
s’attaque au Le but n’est pas de terminer deu- pour le handball français. Elles nous match où tu peux “faire tourner”, te comparaisons sont faites, c’est
xième ou troisième. Notre but, mettent une petite pression, on va reposer ou lever le pied. Il faut être au normal. Mais il y a aussi beau-
championnat d’Europe c’est d’aller chercher l’or. On en a dire (sourire). J’espère qu’on va réa- taquet à chaque match. C’est la diffi- coup d’avantages. Le père peut te
avec gourmandise les moyens. Ça va certes être dur, liser la même compétition qu’elles. » culté de cette compétition, mais c’est conseiller et t’aider à grandir, à
parce qu’il y a beaucoup de grandes aussi motivant. Parce que si on arrive bien gérer ta carrière. Je préfère
équipes européennes, mais on a L’Euro plus dur à réaliser une belle performance et à attendre de gagner plus de compé-
la possibilité de réussir quelque que le Mondial ? devenir champions d’Europe, on aura titions et d’avoir assez de bouteille
Il porte le nom d’un géant. À bien- chose de beau. On a les joueurs « C’est vrai qu’il y a beaucoup de per- réussi un sacré parcours ! » avant de le charrier ! J’attends
tôt 27 ans, Melvyn Richardson va encore un peu (sourire). Ça va
connaître un début d’année 2024 être dur de battre son record de
sur les chapeaux de roue. Il sera Jackson Richardson sélections [Richardson « senior »
dès demain à Nantes pour deux et son fils Melvyn, est recordman de sélections : 417,
matchs de préparation à l’Euro en 2014. NDLR] parce que le handball était
avec les Bleus (contre la Tuni- différent. Il y avait beaucoup plus
sie jeudi et le Brésil samedi). de matchs avec l’équipe de France.
Dimanche prochain, il s’envolera Donc, je veux bien lui laisser ce
avec la troupe de Guillaume Gille record, il n’y a pas de problème
pour l’Allemagne, où se tiendra le (rire). »
rendez-vous continental du 10 au
28 janvier. Une compétition que
la France, vice-championne du « Karabatic
monde il y a un an et championne
olympique en titre, n’a plus rem- est un exemple,
portée depuis une décennie. Mal- je continue à
gré son statut d’étoile montante,
Melvyn Richardson (74 sélec- apprendre de lui »
tions, 176 buts) n’a encore jamais
LE DAUPHINE / SYLVAIN MUSCIO/MAXPPP

grimpé sur le podium européen

(4e en 2022). Dans le cadre d’une Nikola Karabatic
opération de son sponsor Danone, « J’ai un grand respect pour lui.
l’arrière droit du FC Barcelone a Le fait d’avoir maintenu ce niveau
accordé au JDD un entretien d’une autant d’années, c’est quelque
grande franchise, dans lequel il chose de grand et c’est un exemple
évoque avec une bonne humeur pour beaucoup. C’est un plaisir
communicative ses objectifs spor- de pouvoir m’entraîner avec lui
tifs et son rapport avec le père, l’un et vivre des compétitions à ses
des pionniers et héros du hand côtés. Je continue à apprendre de
français contemporain. lui et ça, c’est beau. En plus, ce
serait quand même assez fort qu’il
termine aux Jeux olympiques [à
bientôt 40 ans, Karabatic espère
mettre à un terme à sa carrière à
Nadal Stop ou encore ? Paris, NDLR]. En tout cas, je le lui
souhaite. Ce seraient ses sixièmes
JO ! Il n’y en a pas beaucoup qui
RETOUR Après un an d’absence Sans être certain de son niveau de jeu, mais mot : « J’attends de moi de… ne rien attendre l’ont fait. »
pour cause de blessure, l’Espagnol avec le sourire retrouvé, Nadal savoure ce en particulier. C’est la vérité ! »
retrouve les courts en Australie déplacement aux antipodes, s’offrant des Son hygiène de vie
moments de partage avec le public austra- Djokovic : « Il veut gagner des titres » « Notre corps, c’est notre outil de
« Rien que le fait d’être ici est une victoire. » lien. L’homme a beau être fait d’un autre « Certains l’ont souvent annoncé comme proche travail. Je pense que notre métier,
Ces mots tout simples, Rafael Nadal les a métal que le commun des mortels [Roland- de la fin, comme ils l’ont d’ailleurs fait pour moi, on le fait 24 heures sur 24, parce
prononcés à son arrivée à Brisbane, son Garros se souvient encore de son 14e titre modérait il y a quelques jours Novak Djokovic. que tout est calculé, on doit faire
premier tournoi depuis plus de onze mois. arraché sur un pied en 2022, NDLR], ce Mais nous leur avons prouvé qu’ils avaient tort. » attention à tout. Bien sûr, il faut
Bénéficiaire d’une invitation, l’ancien roi du retour s’apparente davantage à un baroud Le Serbe, qui est désormais seul recordman s’entraîner musculairement, mais
circuit, descendu au-delà de la 650e place d’honneur. Dans une vidéo publiée sur les du nombre de tournois du Grand Chelem (24 on doit avoir une bonne gestion
mondiale, n’a plus foulé un terrain en com- réseaux sociaux, l’intéressé l’admet à demi- contre 22 pour Nadal), va jusqu’à assurer que de son sommeil et bien entendu
pétition depuis le 18 janvier 2023. C’était à le Majorquin « n’est pas du genre à revenir sur de son alimentation. J’ai une
Melbourne, 1 500 kilomètres plus au sud. le circuit juste pour jouer, disons, à un niveau alimentation assez équilibrée,
Handicapé par une blessure à la hanche, moyen. Il veut gagner des titres ». Sans aller je varie beaucoup. Je suis quand
Nadal s’était incliné dès le deuxième tour jusqu’à l’optimisme (sans doute un peu surjoué) même assez gourmand. J’arrive à
de l’Open d’Australie devant le modeste de « Djoko », Rafael Nadal peut espérer me faire plaisir quand il faut. Il y
Américain Mackenzie McDonald, le tout fouler à deux reprises sa terre bat- a des moments, il faut arriver à
en trois manches et alors qu’il était tenant tue chérie de la porte d’Auteuil. À déconnecter et à couper ! »
du titre. la fin du printemps pour le tour-
Opéré à deux reprises, le « Taureau noi de Roland-Garros, et cet été Ses liens avec Marseille
de Manacor », surnom dont il a fait une lors des Jeux olympiques. Il aura « Je suis Marseillais, je suis né
marque à son effigie, a tout fait pour revenir alors 38 ans. Et sera-t-il retraité ? à Marseille, toute ma famille du
malgré ses 37 ans et laisser une belle image « Dans mon esprit, c’est normal ou côté de ma mère est marseillaise,
derrière lui. Dans un message adressé à très probable que ce soit ma dernière donc j’ai été éduqué comme ça. J’ai
ses fans, début décembre, il confiait, ému : année », confie « Rafa », en pre- grandi avec l’OM et je vieillirai
« Je ne mérite pas de terminer ma carrière nant le soin d’ajouter ne pas pouvoir avec l’OM, ça, c’est une évidence
sportive dans une salle de presse. J’aimerais « garantir à 100 % » que 2024 sera (rire). Je suis super fier aussi de
finir d’une manière différente, j’ai combattu sa dernière année. Sait-on jamais ? mes origines réunionnaises. Et j’ai
LOREN ELLIOTT/REUTERS

et gardé l’illusion pour que cela se produise, Quant au Brisbane International la chance d’aller presque tous les
avec des doutes, de mauvais moments – et Tennis, après avoir été le théâtre en ans là-bas, pour me ressourcer,
même de très mauvais – ou des meilleurs. » 2015 de la 1 000e victoire de Roger pour profiter de ma famille. On
Son entraîneur Carlos Moya appuie : « Cela Federer, il va pouvoir indiquer n’oublie pas ses racines ! » g
n’a pas été un lit de roses (sic), loin de là. Ce qu’une autre légende de la balle
fut une route sinueuse et tortueuse, avec de jaune y aura disputé le premier PROPOS RECUEILLIS
nombreux virages. » match du reste de sa vie… g A. M. PAR AXEL MAY
 32
FORME
OLYMPIQUE
NIVIÈRE-HAEDRICH/SIPA
PAR CÉLINE GÉRAUD
TAEKWONDO
Maréchale des logis et
championne du monde,
la Martiniquaise Althéa
Laurin pourrait faire
sienne la devise des Jeux
Ne vous fiez pas à sa voix douce
et à son flegme apparent. À 22
ans, Althéa Laurin est numéro
un mondial de taekwondo dans
la catégorie des moins de 73 kilos.
Et c’est à cause de – ou grâce à –
cette profonde timidité qu’elle a
découvert cet art martial coréen
quand elle avait 7 ans. « Ma mère
voulait que je fasse du karaté, pour
prendre de l’assurance. Cet été-là,
au centre de loisirs d’Épinay-sur-
Seine, un animateur m’a demandé
pour quel sport je m’étais inscrite,
j’ai murmuré karaté mais si faible-
ment qu’il a dû entendre taekwondo,
me glisse-t-elle. Il m’a poussée
dans la file d’à côté et c’est sur ce
malentendu que j’ai commencé ce
sport dont j’ignorais tout et qui
est devenu ma passion. » La voilà
embarquée dans « la voie des pieds
et des poings », traduction littérale
du mot taekwondo.
« Chercher la touche ultime,
c’est ludique »
Dix ans après ses premiers pas sur
les tatamis, elle se qualifie pour les
Jeux de Tokyo. À 19 ans seulement,
Althéa décroche la seule médaille
française de la discipline. Comme
un clin d’œil à Pascal Gentil, ce
sculptural combattant qui fut le
premier à monter sur un podium
olympique, lui aussi 3e à Sydney
en 2000, lui aussi en toutes-
catégories. Aujourd’hui, l’ancien
champion est chargé de mission
pour les Jeux de 2024 auprès du
groupe ADP et il suit avec un œil
avisé la progression de cette pépite.
« Althéa a de nombreux atouts, mais
c’est sa souplesse et son sens du
Le roi Marius Trésor Ier
NOUS NOUS MARIUS, que de
SOMMES bons souvenirs
TANT AIMÉS avec toi ! On fait
connaissance à
Ajaccio en 1971.
EUROPE1/P. OLIVIER/CAPA PICTURES
Tu arrives de
la Juventus de
Sainte-Anne en
Guadeloupe. Tu
joues avec Claude
Le Roy, Robert
Buigues, Fran-
çois M’Pelé, Phi-
lippe Le Donche,
Étienne Sanso-
JACQUES VENDROUX netti et Dominique
Baratelli, déjà une
légende. Vous terminez 5e du
championnat 1971-1972, avec un
entraîneur, Louis Hon. Avec cette
Actualité Sport
Althéa,
Citius, Fortius
Althéa Laurin victorieuse face à l’Espagnole Castiñeira au Grand Prix
de Manchester, le 3 décembre.
timing qui la rendent redoutable.
Dès que le combat commence, elle
se libère et elle a le coup d’œil pour
aller chercher des points à la tête. »
Une touche à la tête vaut trois
points, cinq si on parvient à la por-
ter simultanément avec un coup
de pied retourné, appelé duit tcha-
gui. Avec sa silhouette longiligne
(1,84 m) et son allonge, la guerrière
d’Asnières en a fait sa spécialité.
« Pouvoir faire des feintes avec ma
jambe, mon pied, chercher la touche
ultime, perturber mon adversaire,
ça me plaît, je trouve que c’est joli
et ludique », ajoute-t-elle.
Au taekwondo, seules les
touches du poing et du pied au
niveau du plastron et celles du
pied au niveau du casque sont vali-
dées. Chaque combat se déroule
en trois rounds de deux minutes ;
celui qui remporte le plus de points
l’emporte. Enfin, pour rendre la
discipline plus lisible et plus dyna-
mique, les casques, les plastrons
et les pitaines – protections des
pieds – des combattants sont
désormais équipés de capteurs. Les
points sont comptabilisés quand
les capteurs des pitaines entrent
en contact avec ceux du casque
et ceux du plastron, à condition
qu’ils atteignent un seuil de puis-
sance déterminé en fonction de la
équipe, vous ne vous preniez pas
au sérieux et ça fait du bien de s’en
rappeler aujourd’hui.
Ensuite, tu restes huit ans à
Marseille. Là aussi, que des choses
positives. Je me souviens avec
nostalgie du bar Le Glacier, où tu
jouais au tarot avec Albert Emon
et Victor Zvunka quasiment tous
les après-midi quand il n’y avait
pas entraînement. Tu n’as jamais
connu Marcel Leclerc, président
emblématique de l’OM, mais tu
as côtoyé René Gallian et Fernand
Méric, deux présidents qui ont fait
ce qu’ils ont pu. Huit ans à Mar-
seille, sur quinze ans de carrière,
ça marque à vie, comme tu le dis
si bien… Avec l’OM, tu gagnes la
Coupe de France en 1976 contre
LE JOURNAL DU DIMANCHE
BEN ROBERTS/GETTY/AFP
catégorie de poids. Une innovation
technologique qui a bouleversé la
morphologie des taekwondoïstes.
« Nous sommes passés du gabarit
d’un rugbyman à celui d’un escri-
meur, m’explique Pascal Gentil.
Moins trapus que par le passé, les
meilleurs combattants du circuit
sont plus fins, plus longilignes. Car
avec ces capteurs, c’est celui qui
multiplie les attaques qui a l’ascen-
dant. Et puis il faut être précis et
puissant pour ne pas brûler trop
d’énergie pour rien. Althéa est tail-
lée pour ce nouveau taekwondo. »
Après sa médaille olympique,
Althéa a pu intégrer l’École de
gendarmerie de Fontainebleau
et bénéficier d’un contrat réservé
aux sportifs de haut niveau qui lui
assure à la fois un revenu mensuel
jusqu’aux Jeux et une formation
professionnelle. « C’est un soutien
précieux qui me permet d’avoir une
préparation physique et mentale
spécifique et donc de pouvoir m’en-
traîner sereinement. C’est aussi
une opportunité de reconversion
au sein de la gendarmerie dans
quelques années. » En attendant
de troquer son dobok – la tenue
de taekwondo – pour l’uniforme,
la force tranquille des tatamis a
encore de belles missions à accom-
plir pour le sport français. g
Lyon (2-0). Vient ensuite un
coup de téléphone improbable
de Claude Bez, patron des Giron-
dins de Bordeaux. Au moment où
il t’appelle, tu es en contact très
avancé avec le Bayern, rien que
ça… Bez te dit : « Je veux que tu
viennes à Bordeaux, on va monter
une grande équipe avec un grand
entraîneur, Aimé Jacquet… » Il te dit
aussi : « Allez voir Jacquet à Lyon,
parlez avec lui. S’il me dit qu’il vous
veut, on vous engage pour un an. »
Trente-deux ans après, tu es tou-
jours bordelais…
Marius Trésor est sans doute
l’un des hommes les plus atta-
chants que j’ai rencontrés dans ce
monde. On a ri, on a traversé que
des moments positifs. Peut-être
DIMANCHE 31 DÉCEMBRE 2023
PLEINES LIGNES
Champions français,
les cent du Cœur
INTIMES Cent sportifs se confient dans un album de portraits
signés du légendaire studio Harcourt
Le casting est royal, de la reine Christine Arron (photo) au mythe
Zinedine Zidane. Les plus grands noms du sport français, en activité
et retraités, côtoient dans ce beau livre des figures moins célèbres
mais non moins méritantes. Ils sont cent au total à s’être laissé pho-
tographier pour le studio Harcourt, nous donnant des superbes
portraits qui mettent en lumière un trait de personnalité parfois
insoupçonné : une fragilité, une originalité, une féminité… Le hand-
balleur couvert de titres Guillaume Gille armant un tir en costume,
la skieuse Tessa Worley, très élégante en robe
longue, les escrimeurs Brice et Astrid Guyart
croisant le fer en frère et sœur, ou encore Pau-
line Déroulède, championne de tennis fauteuil,
qui serre, regard intense, sa raquette contre
elle, comme une planche de salut.
Chacun présente un objet lié à son histoire,
avec lequel il entretient un rapport parfois
intime. Le plus souvent un maillot, à l’image
de Romain Ntamack, pour celui qu’il portait
à Twickenham en mars dernier lors d’une
victoire du XV de France historique par sa
rareté (la dernière remontait à 18 ans) et son 100 CHAMPIONS-
ampleur (53-10). Mais aussi des gants pour CHAMPIONNES.
Brahim Asloum, des lunettes de natation pour ANECDOTES
& CONFIDENCES
Alain Bernard, un club de golf unique pour SOLAR, 248 PAGES,
Raphaël Jacquelin, ou encore un couvre-chef 29,90 EUROS.
pour Charline Picon, championne olympique
de planche à voile à Rio en 2016. Teddy Tamgho remporte la palme
de l’originalité, avec un échantillon du sable de l’atterrissage de son
triple saut à Moscou, lors de son titre de champion du monde en 2013.
D’autres ont une symbolique, tels les crampons de Vincent Clerc,
ceux de sa première grave blessure, qu’il garda tout au long de sa
rééducation pour mieux les rechausser, une fois revenu au plus haut
niveau. Carole Montillet propose un dossard rouge, celui de numéro 1
de la saison, qui « pour les skieurs, a une importance énorme, peut-
être supérieure à celle d’une
médaille olympique ». Chaque
page se complète d’un témoi-
gnage audio, accessible via un
QR code renvoyant au site
de l’association Le Sport a
du Cœur, qui combat « la
précarité et l’isolement par le
sport et pour le sport ». Les
LE PROVOST NICOLAS/HARCOURT PARIS
bénéfices de la vente aux
enchères des objets recueil-
lis et du livre seront versés
à un fonds de soutien. Un
bel ouvrage à (s’)offrir pour
joindre à une bonne cause le
plaisir de feuilleter, à l’orée
d’une grande année pour le
sport français. g
HUMBERT ANGLEYS
un seul négatif, la blessure de son de la crème de rhum. De Guade-
ami Jean-Pierre Adams, avec qui il loupe, comme par hasard… Ça fait
a formé la fameuse « garde noire » un carton. Émotif, Marius attend
en équipe de France. Marius a tou- avec impatience le 14 mai prochain
jours refusé d’aller le voir, car il pour fêter avec ses copains borde-
voulait garder un souvenir posi- lais le 100e anniversaire du stade
tif de ce grand joueur. Marius est Chaban-Delmas. Merci, Marius,
marqué à vie par 1982 et la Coupe pour tout ce que tu as fait. Je n’ou-
du monde en Espagne. Il savait que blierai jamais que tu as terminé ta
c’était son dernier grand tournoi. magnifique carrière avec le Varié-
N’oublions pas qu’il a été sélec- tés Club de France, avec qui tu as
tionné 65 fois, à l’époque un record. joué pendant dix ans. C’est l’un des
Il a trois références : Becken- plus beaux cadeaux qu’on m’ait
bauer, Blanc et Desailly. Marius faits. Enfin, nos immenses pensées
Trésor est quelqu’un de géné- à Claude Bez, qui a été le premier
reux, il n’a jamais oublié sa Gua- grand président des Girondins de
deloupe natale. D’ailleurs, le stade Bordeaux… g
de Sainte-Anne sera baptisé stade
Marius-Trésor en août 2024. Il RÉALISÉ AVEC LA COMPLICITÉ
aime la vie. Son fils Thierry vend D’HUGO LE VAY ET MARIUS TRÉSOR
DIMANCHE 31 DÉCEMBRE 2023
Opinions & Controverses
Philippe de Villiers
« Hommage au dernier Mohican
de la France d’avant »
ANTIMODERNE L’écrivain et essayiste Patrick Buisson, figure intellectuelle de la droite conservatrice,
est décédé ce 26 décembre aux Sables-d’Olonne
INTERVIEW
Qu’évoque pour vous la mémoire de Patrick Buisson ?
Il fut l’un des derniers témoins d’une France millénaire
et qui s’abîme. Patrick Buisson plongeait ses racines
dans le carré magique médiéval de Charles Seignobos :
les cathédrales, la courtoisie, la chevalerie, le corps des
villes. Il appartenait à un monde révolu et se laissait
porter par une passion pour la France qu’il coloriait
de son imaginaire : celle des attachements vitaux, de la
commensalité familiale et des socialités villageoises. Le
marin de grand temps qui s’est éloigné du remblai des
Sables-d’Olonne vers la haute mer et qui s’est échoué
au large sans crier gare, sans même allumer une quel-
conque balise de détresse, demeurera comme le dernier
Mohican de la France d’avant.
Était-ce un antimoderne comme vous ?
Nous nous rappelions souvent l’apostrophe de Jaurès :
« Vous avez interrompu la vieille chanson qui berçait la
misère humaine et la misère humaine s’est réveillée avec
des cris. » La vieille chanson, pour lui, c’était la chrétienté
chantante. Et non point le progressisme. Il considé-
rait que l’utopie des Lumières était une contrefaçon
médiocre de l’espérance chrétienne. Le triomphe de
la raison, répétait-il, n’a pas réconcilié l’humanité avec
elle-même. Au contraire, celle-ci s’est mise à douter
de tout. La modernité, aveuglée par sa mécanique, a
engendré l’inévitable postmodernité, dépourvue de
toute croyance, aujourd’hui avalée par le wokistan.
Que retenez-vous de ces cinquante années
de vie publique ?
Il était présent à la première du Puy du Fou, le
16 juin 1978. Nos voisinages se nourrissaient d’une
amitié toute vendéenne : la Vendée des Lucs, le tertre
du sacrifice du Petit-Luc, la Vendée des martyrs. Nous
échangions l’espoir sacré qu’un jour la Vendée soit
reconnue pour le génocide perpétré par les colonnes
infernales. Patrick était de la Vendée des consciences
dressées, vantée par Soljenitsyne.
Et politiquement ?
Trois moments forts ont jalonné notre compagnonnage
politique. Le premier, ce fut, en 1994, avec Jimmy
Goldsmith. La liste de L’Autre Europe pour les élections
européennes. Un triomphe forgé en grande partie
par Patrick Buisson, maître de la communication, du
marketing, et génie de l’anticipation. Puis il y eut le
référendum de 2005, où il s’imposa comme l’un des
sondeurs tribuniciens de la vox populi à la Constitution
européenne. Il découpa les poulets sacrés à la manière
des haruspices chez les anciens Romains pour annoncer
la victoire du « non » avant tous les sondocrates de la
société de connivence. Le troisième moment fut celui
de nos dîners sur la comète à La Rotonde avec Éric
Zemmour. Il avait appelé notre trio « la droite hors les
murs ». Lors de la campagne présidentielle qui suivit,
nous nous retrouvâmes symboliquement tous les trois
aux Sables-d’Olonne, devant la statue de Saint-Michel,
pour protester contre les laïcards qui voulaient faire
chuter l’archange et éradiquer nos souvenirs.
Patrick Buisson, dit-on, avait son caractère.
Qu’en était-il exactement ?
Il était aussi prompt à se fâcher qu’à se défâcher.
Grand affectif, il agissait sous l’impulsion d’une
colère tellurique, puis le volcan s’éteignait.
Ce qu’il a fait à Sarkozy n’était pas admissible. Ce fut
une occasion de fâcherie entre nous. Patrick pratiquait
avec délice le mot de Mauriac : « Nous autres chrétiens,
c’est entre nous que nous préférons nous entre-déchirer. »
On déchirait, puis on couturait.
C’était un homme passionné du temps court, mais
aussi du temps long, n’est-ce pas contradictoire ?
Il aimait tout autant la fresque que la miniature.
Il pratiquait les deux. Il maniait le compas et le
LE JOURNAL DU DIMANCHE
Patrick Buisson
Conservateur et un peu plus
Par Frédéric Rouvillois, délégué général de l’Institut du Pont-Neuf
Dieu sonde les reins et les cœurs, lui
seul sait par conséquent ce qu’a pu
penser Patrick Buisson en ses der-
niers instants. Cependant, on peut se
demander si, malgré son insatiable
gourmandise intellectuelle, ce « sul-
fureux » intellectuel de droite n’a pas
été soulagé de quitter un monde qui
lui était de plus en plus étranger.
« À quoi bon ? » : tel est en effet
le paradoxe ultime du conserva-
teur. Si son objectif est de conserver
ce qui lui semble avoir une valeur
suffisante pour justifier le combat,
que se passe-t-il lorsque toutes ces
choses ont fini par s’évanouir, sub-
mergées par les conséquences du
soi-disant progrès ? À quoi bon se
dire conservateur lorsque, dans tous
les domaines, esthétique, politique,
religieux, moral, il semble qu’il n’y ait
plus rien à conserver, plus rien qui en
vaille la peine ? C’est là qu’intervient
un autre paramètre, celui du temps et,
plus précisément, de l’âge, qui vient se
combiner avec les convictions, moins
en raison d’une diminution de la force
vitale qu’à cause de ce que l’on a connu,
aimé, goûté, avant de le voir disparaître
sans retour. Un jeune conservateur
né avec le XXIe siècle n’éprouvera
jamais ce « à quoi bon ? » parce qu’il
n’a rien vu d’autre que ce qui est en
train de se déployer sous ses yeux.
Parce qu’il a toujours connu des cam-
pagnes sans paysans, sans haies, sans
insectes, envahies par le plastique et
les éoliennes ; des villages sans vie peu-
plés de vieillards moroses et grignotés
par les lotissements périurbains ; des
villes sans âme, sans tradition, sans
33
scalpel. Il replaçait chaque instant dans le temps long.
Il avait de la condescendance pour l’opinion publique
et ses humeurs versatiles, mais il ne dédaignait pas
de prendre le pouls de Monsieur Prudhomme, en
feignant de le prendre au sérieux. Il sondait la bêtise
et l’érigeait en évidence marchande.
Tous reconnaissaient son expertise et tous s’em-
pressaient de quémander ses auspices auguraux.
Cambadélis et Mélenchon étaient présents à sa céré-
monie de Légion d’honneur. Il ne croyait qu’à la
légitimité pour services rendus, mais cela ne l’empê-
chait pas d’employer son industrie et de travailler au
service de l’hédonisme consumériste de la politique
la plus vulgaire.
En somme, il réservait ses inquiétudes pour le
temps long et ses distractions pour le temps court.
Il était dans le siècle, mais hors du siècle. Je l’imagine
désormais nourrissant un dialogue fécond et plein
de gouaille avec ses camarades qui l’ont précédé au
ciel des anticonformistes – Bloy, Anouilh, Audiard…
« Allez-y sans moi », avait-il dit. Voilà, nous y sommes,
il est parti sans nous dans la nuit de Noël. Signature
ultime d’un antimoderne. g
PROPOS RECUEILLIS PAR
JULES TORRES ET VICTOR-ISAAC ANNE
identité commune ; des peuples ne rassien n’implique pas (forcément)
parlant plus la même langue et n’ado- que l’on soit nécrophile, cannibale,
rant plus les mêmes dieux ; des nations antisémite, ni que l’on veuille réta-
écrasées par la mondialisation et dis- blir l’esclavage et la noblesse : mais
loquées par le communautarisme, simplement, que l’on considère que
des individus qui à la compagnie de la prospérité de la nation conditionne
leurs semblables préfèrent celle des la vigueur de la civilisation et le bien
machines, de la réalité augmentée et des personnes, et qu’il faut donc, sur
de l’intelligence artificielle. Quelles un mode rationnel et pragmatique, en
que soient ses convictions, ce jeune tirer toutes les conséquences. Or, l’une
conservateur est de son temps : n’ayant de ces conséquences consiste à envi-
rien vu de tout cela, il ne peut être sager les choses sur le temps long, et
réellement sensible à ce que Patrick par suite, à récuser « tout désespoir en
Buisson a nostalgiquement évoqué politique », lequel n’est pas seulement
dans ses films et dans ses essais. C’est une faute morale, mais aussi « une sot-
ce qui lui permet d’échapper à ce « à tise absolue ». Le conservateur strict
quoi bon ? » qui étreint inévitablement peut se laisser aller à baisser les bras,
le cœur de ses aînés, les conservateurs celui qui, en plus, se dit maurrassien,
des générations précédentes. se l’interdit résolument – et estime
qu’il faut toujours et inlassablement
Le refus du désespoir en politique repartir au combat, même lorsque le
Dans le cas de Patrick Buisson, un chef s’appelle Nicolas Sarkozy. D’au-
tel sentiment n’occupait pas toute tant que ce refus du désespoir, mal-
la place : et l’énergie débordante gré toutes les amertumes, correspond
qu’il a manifestée ces dernières chez Buisson à une autre dimension
années en rédigeant, de La Cause du de sa pensée, un catholicisme qui
peuple (2016) à La Fin d’un monde est moins celui du pape François
(2021) et à Décadanse (2023), ces que celui de Charles Péguy. Péguy,
gros livres qui constituent l’œuvre « grand croyant patriote […] écrivain
doctrinale la plus importante pro- émeutier […] tué d’une balle au front le
duite à droite depuis au moins un 5 septembre 1914 alors qu’il exhortait sa
quart de siècle, suffit à démontrer compagnie à ne pas céder un pouce de
qu’il y avait chez lui autre chose, en terre française à l’ennemi », est en effet
plus de ce conservatisme foncier. l’autre grand Charles de Patrick Buis-
D’abord, n’ayons pas peur des gros son : celui qui, après avoir retrouvé la
mots, Buisson était maurassien, fils foi et célébré la charité, n’avait cessé
d’un maurassien et disciple d’un autre, d’insister sur l’importance de ce qu’il
le grand historien Raoul Girardet, l’au- appelait « la petite fille espérance ».
teur du génial Mythes et mythologies Gageons que c’est entre ses mains que
politiques, qui fut son maître à Sciences s’est abandonné Patrick Buisson avant
Po. Rassurons le lecteur : être maur- de remettre son âme à Dieu. g
 34 LE JOURNAL DU DIMANCHE
Opinions & Controverses
Pornographie Regarder du porno,
« y a pas de mal » ?
« Ce qui vous permet de regarder
du porno avec bonne conscience
Sortir du piège
est l’argument selon lequel c’est
une preuve de liberté d’expres-
sion, de liberté de métier, de
liberté individuelle, de liberté
sexuelle. Depuis la révolution
sexuelle, il n’y a plus qu’un seul
de l’addiction critère moral pour valider ou
invalider n’importe quel com-
portement sexuel : le consen-
tement. À partir du moment où
il est respecté, il n’y aurait plus
EXCLUSIF aucun mal à faire quoi que ce soit,
Le JDD publie les extraits du livre de Thérèse Hargot pense-t-on […]
L’industrie du sexe poursuit
sur les dégâts causés par l’accès à la pornographie sa quête effrénée du profit. Pour
chez les enfants et les adultes gagner plus, il faut toujours plus
de vidéos et il faut repousser les
BONNES FEUILLES limites, aller de plus en plus loin
dans une surenchère de violence
La sexologue et thérapeute publie « Tout le monde en regarde et de pratiques qui dépassent l’en-
(ou presque) » dans lequel elle explique l’addiction à la pornographie tendement humain pour satisfaire
et donne des clés pour sortir de cette dépendance le besoin insatiable de sexe de mil-
lions de consommateurs, tout en
diminuant les coûts de produc-
tion pour augmenter les gains. Ces
acteurs et actrices se vendent et
se bradent au gré de l’offre et de
la demande d’un marché énorme,
mondial, dirigé par une poignée
d’individus dont on ignore quasi-
tout et dont les comptes bancaires
sont bien souvent domiciliés dans
des paradis fiscaux […]
La réalité, c’est qu’à chaque clic
vous agissez activement et direc-
tement en faveur de réseaux de
prostitution, de la traite d’êtres
humains, de l’esclavagisme sexuel.
En tant que consommateur, vous
êtes responsable.
Certes, dans votre histoire, vous
n’aviez rien demandé à l’époque
et on vous a donné à voir ces
images pornographiques. L’offre
a précédé la demande pour la sus-
citer ensuite. Mais maintenant
que vous avez été piégé, la situa-
tion s’est inversée. C’est votre
demande qui provoque l’offre. »
L’imaginaire érotique
pris en otage
« La masturbation est une capacité
TOUT LE MONDE EN REGARDE
(OU PRESQUE)
THÉRÈSE HARGOT,
ALBIN MICHEL,
192 PAGES, 18,90 EUROS.
EMMA RODRIGUES
DIMANCHE 31 DÉCEMBRE 2023
naturelle à se donner du plaisir.
Dès le plus jeune âge, les enfants
explorent leur corps et découvrent
par eux-mêmes qu’il est possible de
ressentir du plaisir en stimulant des
zones de leur corps que l’on appelle
érogènes. Certains utilisent pendant
l’enfance déjà ce plaisir quand ils
s’ennuient, se sentent stressés, an-
goissés ou tristes dans l’espoir de se
détendre. À l’adolescence, la mas-
turbation peut être associée à des
pensées sexuelles, des fantasmes. À
l’âge adulte, elle peut se vivre dans le
cadre d’une exploration joyeuse et
assumée de la sexualité mais aussi
de façon compulsive pour évacuer
ses émotions désagréables. Dans ce
dernier cas, le problème est que le
plaisir sexuel ne va pas résoudre la
cause du mal-être. Celui-ci revien-
dra très rapidement après l’instant
de détente et l’individu peut se sen-
tir enfermé dans un comportement
répétitif qui ne règle rien.
« La pornographie
n’a pas un effet
cathartique »
Quelle que soit l’intention, l’être
humain n’a pas besoin de porno-
graphie pour se masturber. Il peut
utiliser son propre imaginaire pour
faire monter son excitation et arri-
ver à la jouissance. Quant à la por-
nographie, elle est un support à la
masturbation : elle ne se regarde pas
sans masturbation puisqu’elle est
fabriquée pour ça.
L’adolescence est une période
particulière de la vie où l’on s’invente
un tas d’histoires, on fabrique des
scénarios et c’est très sain ! L’ima-
gination est une faculté nécessaire
à une vie sexuelle heureuse. Mais
souvent, les enfants et les adoles-
cents découvrent la masturbation
par le biais de la pornographie avant
même d’avoir développé leur propre
imaginaire érotique. L’industrie leur
“offre” des images préfabriquées : ils
n’ont plus à élaborer leurs propres
scénarios. Et puisque l’être humain
recherche toujours la facilité, à quoi
bon y renoncer ! Résultat ? Les géné-
rations qui ont grandi avec le porno
ne savent pas imaginer par elles-
mêmes : dès que la tension sexuelle
monte, elles ont le réflexe porno. »
Le porno agit sur le cerveau
« Le problème est que la pornogra-
phie n’a pas un effet cathartique,
c’est-à-dire qu’elle ne permet pas
d’évacuer sa pulsion ou de la subli-
mer. Elle l’entretient, la nourrit et
est, en quelque sorte, un passage
à l’acte. Le fait de regarder des
vidéos mettant en scène des pra-
tiques sexuelles sur enfant est un
acte criminel en soi. La loi l’interdit.
Je m’inquiète que la surconsomma-
tion de pornographie conduise des
hommes et des femmes au viol et
à la pédocriminalité alors que s’ils
n’avaient pas été sous l’emprise de la
pornographie, jamais ils n’y auraient
songé.
L’industrie pornographique
cherche sans cesse à répondre à ce
besoin inassouvissable du client en
trouvant de nouvelles façons d’aug-
menter l’excitation nécessaire pour
ressentir la même dose de plaisir. Il y
a les casques de réalité virtuelle qui
vont transformer l’expérience. Il y
a aussi la capacité de choisir “avec
qui” vivre son fantasme grâce à la
technologique capable de mettre
le visage d’une autre personne
(célébrité ou qui vous voulez) sur
celui d’acteurs X. La grande nou-
DIMANCHE 31 DÉCEMBRE 2023 LE JOURNAL DU DIMANCHE 35

Opinions & Controverses

veauté est désormais aussi l’usage
de l’intelligence artificielle par l’in-
dustrie pornographique. Bref, les
nouvelles technologies permettent
de répondre à ce besoin sans limite
de sexe et augmentent les sensations
corporelles.
Le cerveau est pris au piège. Il
est anesthésié par la dose de plai-
sir que le porno lui procure. Mais si
vous en prenez conscience, si vous
retrouvez votre lucidité, alors vous
pouvez vous libérer de l’emprise
que l’industrie de la pornographie
a sur vous. »
La méditation pour s’en sortir
« Pour évacuer la pornographie de
vos vies, il faut se remplir d’autres
choses. Des conférences, des lec-
tures, des échanges peuvent nour-
rir votre intelligence sur les choses
du sexe et de l’amour. La curiosité
sexuelle est bonne et saine. La
pornographie l’a dévoyée mais il
ne faudrait pas en réaction s’em-
pêcher de découvrir de nouvelles
propositions sexuelles pour enri-
chir sa vie sensuelle. Vous pouvez
explorer la façon dont la sexualité
se vit dans différentes cultures,
vous pencher dans des récits his-
toriques ou participer à un stage
de “slow sex” ou de tantrisme pour
vivre de nouvelles expériences, par
exemple. Une dimension de votre
personne qu’il est indispensable de
nourrir, c’est votre vie spirituelle.
La spiritualité n’est pas la reli-
Le testament politique
giosité. La spiritualité désigne la
quête de sens, de liberté intérieure,
de bonheur. Des livres, des lieux,
des personnes, des religions, des
de Jacques Julliard
philosophies peuvent vous accom-
pagner sur ce chemin-là. Il y a des Par Éric Naulleau
spiritualités sans religion, il y a des
spiritualités sans la foi en un Dieu.
La méditation est une proposi-
tion très intéressante pour sortir Jacques Julliard,
de la pornographie. Elle permet penseur de la deuxième
de réguler le flux de vos pensées gauche.
et de trouver un calme intérieur,
d’apaiser votre mental et de vous
relaxer. La pleine conscience est
particulièrement adaptée pour
réparer la déconnexion qui s’est
opérée entre votre tête, votre cœur
et votre corps lors de la première fois
où vous avez été exposé à des images
pornographiques. Le principe de la
pleine conscience est de ramener
son attention à l’ici et maintenant ;
accueillir ce que l’on ressent, perçoit,
pense dans l’instant présent sans
jugement, sans chercher à l’évacuer.
Cette forme de méditation réduit
le stress et les états dépressifs. » g
EXTRAITS SÉLECTIONNÉS
PAR AZILIZ LE CORRE

HANNAH ASSOULINE/OPALE
INTERVIEW

Thérèse Hargot SOCIAL-DÉMOCRATIE Il est singulier, très émouvant aussi,

« La pornographie est que nous parviennent d’outre-tombe les plus justes diagnostics sur
le nouvel homme malade de l’Europe, à savoir notre pays
une drogue dure » Disparu le 8 septembre mettre en œuvre le patrio-
dernier, Jacques Julliard tisme, qui n’a rien à voir
Votre livre s’intitule Tout le monde en regarde (ou presque). n’en prend pas moins La méthode avec le nationalisme, mais
Il n’y a donc pas un profil type du consommateur de pornographie ? rendez-vous avec l’avenir qui est l’inverse de cet indi-
Absolument aucun. J’ai reçu en consultation des fillettes de 12 ans portant dès l’introduction de ce
de ce grand vidualisme petit-bourgeois,
serre-tête dans les cheveux et ballerines aux pieds, qui consommaient volume paru à titre pos- intellectuel qui prend les apparences de
du porno depuis des mois avant que leurs parents ne s’en aperçoivent en thume : « Quand, dans une l’esprit libertaire, mais qui
regardant l’historique sur la tablette. J’ai reçu un nombre incalculable de dizaine d’années, il sera
consiste à bien n’est que le consentement
pères de famille aux épouses adorables qui en consomment dans leur dos. devenu impossible d’igno- nommer les au déclin collectif. »
J’ai reçu des jeunes filles et des jeunes garçons au parcours scolaire et à la rer plus longtemps le gâchis Chronique du déclin fran-
présentation impeccable sous l’emprise d’images violentes dont ils n’arrivent que nous avons laissé faire
choses çais séduit par la hauteur
pas à se passer. La particularité avec le porno, c’est que c’est impossible de ou pis, auquel nous avons de ses vues, l’ampleur de sa
deviner qui en consomme ou pas. donné la main depuis le culture et la liberté de son
Peut-on parler d’ « addiction » au porno ? début du nouveau siècle […] propos. Il est certes ques-
Oui, la pornographie est une drogue dure. Le mécanisme de la récom- peut-être se présentera-t-il une chance de ren- tion de supprimer le poste de Premier ministre,
pense est enclenché au moment de la première exposition. Le cerveau a verser l’ordre des choses, et un homme indé- mais aussi de renouer avec l’esprit aristocra-
fait l’expérience du plaisir sexuel en regardant ces images. Dorénavant, pendant des partis pour incarner un sursaut. » tique du XVIIIe siècle ! De quoi provoquer
il en voudra encore et toujours plus. Pour obtenir le niveau d’excitation Et d’énumérer les dix plaies de France, de des évanouissements à gauche, dont l’auteur
nécessaire, il faudra augmenter la dose, c’est-à-dire rechercher la mise en l’endettement à l’abêtissement, de l’enlaidis- sauve pourtant l’honneur dans ces pages, cet
scène de fantasmes de plus en plus transgressifs et violents. sement à l’ensauvagement. honneur bafoué par toutes les trahisons de
Mais l’extraordinaire pouvoir de l’industrie pornographique est d’entre- La méthode de ce grand intellectuel, exé- la NUPES envers la République, la laïcité et
tenir l’illusion que l’on n’est pas dépendant. Comment ? Grâce à la vidéo à gète de Pascal et de Simone Weil, consiste l’universalisme. Admirable force de caractère
la demande. L’écran permet de maintenir un sentiment de liberté car dans d’abord à bien nommer les choses. Qu’il d’un éditorialiste auquel la bien-pensance
les faits, strictement personne ne vous contraint à en regarder. Vous pouvez s’agisse de la guerre en Ukraine, à propos de n’a cessé durant les dernières années de sa
refermer votre ordinateur quand vous le voulez, éteindre votre portable laquelle il fustige les « excuseurs » de Vladimir vie d’intenter des procès en dérive réaction-
ou cliquer sur l’icone pour fermer la fenêtre. Si vous ne le faites pas, c’est Poutine, de la dérive de Jean-Luc Mélenchon naire : « La situation est devenue telle que, je
que vous ne le voulez pas. Si vous ne le voulez pas, c’est que vous aimez (rebaptisé « sixième pilier de l’islam ou plutôt dois bien le confesser, aujourd’hui les raisons
ça. Si vous aimez ça, vous n’êtes pas dépendant : regarder du porno est un de l’islamisme ») ou du conflit autour de la que je puis avoir de préférer la gauche à la
choix conscient que vous assumez entièrement. Voilà l’histoire que l’on se réforme des retraites ici présenté comme droite ne sont plus du tout en elles ; elles sont
raconte pour s’autoriser à en regarder. la conséquence d’une perte d’énergie vitale toutes entières en moi. » Jacques Julliard écri-
Quelles sont les conséquences de la pornographie sur les patients de la jeunesse, désormais moins préoccupée vait comme on s’élève dans le ciel des idées
qui vous consultent ? de son existence active que de ses futures de gauche, très au-dessus du prêt-à-penser
Il y a évidemment toutes les dysfonctions sexuelles qui viennent de ce que parties de pétanque. progressiste, des réflexes idéologiques pavlo-
nous, les sexologues, nous appelons les « angoisses de performance ». La En plus d’énoncer ses diagnostics, le docteur viens et du petit théâtre antifasciste. Divisant
peur de ne pas être à la hauteur, peur de ne pas réussir à faire jouir, peur Julliard rédige des ordonnances fort lisibles la classe politique entre
de ne pas provoquer autant d’excitation, peur du jugement… La peur est dont la principale pourrait ainsi se résumer : clientélistes et patriotes,
le pire ennemi de la sexualité ! Ces angoisses provoquent des dysfonctions une cuillerée de social-démocratie matin, midi il avait choisi son camp.
sexuelles bien connues des sexologues : perte de l’érection, vaginisme ou et soir. Le remède peut surprendre après la Nous croyons aux forces
anorgasmie par exemple. Ces images fabriquent des complexes aussi. Elles déroute de ce courant de pensée aux dernières de l’esprit, puissent ses
introduisent de la honte de soi, de l’insécurité : des obstacles majeurs à la élections présidentielles (moins de 2 % des ultimes messages long-
vie sexuelle épanouie. On peut constater aussi une incapacité à vivre la suffrages pour Anne Hidalgo), mais l’ancien temps nous inspirer. g
fidélité sexuelle quand, depuis l’adolescence, on a laissé libre cours à la membre de la direction de la CFDT reste fidèle
pulsion sexuelle au travers de la consommation de pornographie au lieu à la deuxième gauche et n’en démord pas : CHRONIQUE
d’apprendre à la maîtriser. g « Oui, la France est orpheline de la social-démo- DU DÉCLIN FRANÇAIS
JACQUES JULLIARD,
cratie comme elle l’est de Charles de Gaulle ; ALBIN MICHEL,
PROPOS RECUEILLIS PAR AZILIZ LE CORRE deux façons complémentaires d’incarner et de 368 PAGES, 21,90 EUROS.
 36 LE JOURNAL DU DIMANCHE DIMANCHE 31 DÉCEMBRE 2023

Livres

PARIS MATCH
La parole
est aux images
de Frederick
Wiseman
FAMILLE Avec « La Vie des ombres »,
Constance Rivière s’est plongée dans l’œuvre
de l’un des plus grands documentaristes
LA MONTAGNE
de la société américaine contemporaine SE SOUVIENT.
HISTOIRE DE LA
CONQUÊTE DES ALPES
Nul n’étant prophète en son pays, Frederick Wiseman reste sans Charles Dubouloz, MAYEUL ET AUBIN
doute plus connu en France qu’aux États-Unis. Où personne
lors de son ascension ALDEBERT,
en solitaire de la face nord ÉDITIONS DU ROCHER,
ne songerait à lui consacrer un ouvrage aussi personnel que La des Grandes Jorasses. 181 PAGES, 19 EUROS.
Vie des ombres, d’autant plus personnel que le maître américain
du film documentaire était lié à l’homme de théâtre Jean-Loup
Rivière (1948-2018), père de Constance. Laquelle séjourne chez le
réalisateur tel un fantôme dans la maison, discute régulièrement
avec lui des deux côtés de l’Atlantique, s’attache au mystère d’un
homme dont le plus clair de l’existence consiste à placer sa caméra
Course au sommet
devant des inconnus sans faire le moindre commentaire : « Pendant
ALPINISME Originaires du Dauphiné, les deux frères Mayeul
cinquante ans, il est allé filmer ses contemporains dans des écoles, et Aubin Aldebert racontent en dix récits passionnants l’héroïque
dans des hôpitaux, dans des tribunaux, dans des prisons, dans des histoire de la conquête des Alpes
centres commerciaux, dans des zoos, dans des villages de pêcheurs
ou des stations de ski. Obsédé à l’idée qu’aucun jour ne soit soustrait
à la nécessité de filmer le plus possible, oubliant jusqu’à sa vie pour Des débuts royaux de l’alpinisme, survivants seront disculpés. Mais coûte que coûte vers le firmament, la
documenter celle des autres. » Elle se rend dans certains des lieux lors de l’ascension du mont Aiguille apprendront à leurs dépens que la terre déclare forfait après avoir lancé
cités, notamment la petite ville de Monrovia, dans l’Indiana, ou un en 1492, à une première hivernale montagne est cruelle. le dernier assaut de ses flèches miné-
centre d’aide sociale à New York. S’attarde sur le scandale causé en solitaire dans la face nord des rales. Au-delà, c’est le vide matériel,
en 1967 par Titicut Follies, saisissante immersion dans une prison Grandes Jorasses en 2022, Mayeul « Debout sur la cime l’absence de tout, l’espace de l’inexis-
psychiatrique du Massachusetts. Nous apprend que Stanley Kubrick et Aubin Aldebert racontent solitaire » tence. Debout sur la cime solitaire, le
s’inspira de Basic Training pour préparer Full Metal Jacket, mêle dans La Montagne se souvient Ces ascensions ressemblent sou- grimpeur revit son chemin existen-
à l’évocation chronologique d’une œuvre considérable quelques (Le Rocher) comment les pionniers vent davantage à des campagnes tiel. Il éprouve le manque et vacille
éléments tirés de sa propre histoire familiale. des sommets ont bravé les mauvais militaires qu’à des randonnées devant la nudité des éléments, miroir
coups de vent, les éboulements de sportives. Pourtant, au cœur de de son vide intérieur. » Une lutte du
pierres, l’orage, la neige, le gel, pour chacune d’entre elles, c’est une corps et de l’esprit, du plein et du
conquérir les plus fabuleuses cimes même quête spirituelle qui guide les vide, du visible et de l’invisible.
des Alpes. Tous ne parviendront alpinistes, défendent les écrivains : À ceux qui osent l’affronter, la
pas à affronter cet enfer de glace « Quand on parvient au sommet, montagne offre la contemplation
et ses arêtes édentées. L’expédition arrive l’instant crucial où le pied ne de sa beauté et l’élévation du regard
des sept alpinistes britanniques au rencontre plus rien. Au-dessus, c’est vers l’au-delà. Au travers de ces dix
mont Cervin, en juillet 1865, sera le vide. Debout sur la cime solitaire, récits, les auteurs nous transportent
de moitié décimée et se soldera par le regard est porté vers la myriade en haut des sommets alpins qu’ils
un procès : la corde subitement de sommets environnants, piliers chérissent tant, pour nous laisser, à
tendue s’est-elle rompue sous le rudimentaires de la voûte d’azur. notre tour, élevés par eux. g
choc ou a-t-elle été coupée pour Le ciel crée la sensation d’un vide
éviter une chute trop brutale ? Les omniprésent, écrivent-ils. Dressée AZILIZ LE CORRE
ALBERTO TERENGHI/IPA/MAXPPP

Frederick Wiseman
au festival de Venise,
en 2023.
Regarder un film de Frederick Wiseman est une expérience à ce
point hypnotique qu’elle pourrait se suffire à elle-même, le mérite
de ce très beau texte est d’en préciser les enjeux, de mettre des mots
sur l’émotion ressentie à partager le quotidien de « gens ordinaires
dans des situations ordinaires ». Le travail du documentariste fraye
une troisième voie entre reportage et fiction, Constance Rivière
arpente des terres mal cartographiées sur les atlas littéraires, entre
exercice d’admiration et texte autobiographique. « Je tente de suivre
un personnage qui m’échappe », laisse-t-elle tomber aux deux tiers
du parcours, mais pour mieux en rattraper d’autres. Sa mère psycha-
nalyste, tout d’abord, dont la pratique se rapproche de la méthode
Wiseman : « Elle écoutait, ne disait rien, et pourtant il se passait quelque
chose. » Son père aussi, son père surtout. « Il est important que le film
émerge de l’expérience de faire ce film », déclara un jour le réalisateur
– le livre du père émerge pareillement ici de l’expérience d’écrire ce
livre sur un autre homme. En 2002, Frederick Wiseman monte pour
la Comédie-Française La Dernière Lettre, adaptation sous forme de
monologue théâtral de Vie et Destin de Vassili Grossman : « Catherine
Samie, pudique, grave, va bientôt dire ses derniers
mots. Quand la lettre arrivera au fils, la mère sera
morte. » La Vie des ombres paraît après le décès
de son véritable destinataire, mais seul importe
le chemin pour Constance Rivière : « Film après
film, ligne après ligne, je vais vers mon père. » g
ÉRIC NAULLEAU
LA VIE DES OMBRES
CONSTANCE RIVIÈRE,
STOCK,
306 PAGES, 20,90 EUROS.
Le charme discret
de la mélancolie
BONHEUR Imprévisible Milovanoff ! Sous sa plume,
un célibataire timide et complexé sort de son cocon au gré des hasards
de la vie et des rencontres féminines
Marc Chalinski, chirurgien ORL, « pontife Milovanoff est de ces romanciers rares qui
des appareillés », homme de droite, supérieur cherchent, dans les hasards heureux de
et hyperactif, libéral et voltairien, outre qu’il leur écriture même, au fil de la plume qui
aime les femmes minces, est incapable de les conduit en somme, les ressorts de leur
résister au charme de l’accent slave en anglais intrigue : l’auteur de Fellini Blues « l’invente à
d’une orthophoniste ukrainienne – autant mesure », son intrigue, c’est son art. La magie,
qu’il en profite, il va brutalement disparaître. c’est que nous le suivons, sans en perdre une
Valentin Jouve, magasinier dans une biblio- miette. Pour mener à bien cette entreprise
thèque, intellectuellement complexé, très fin littéraire à l’envers en quelque sorte, il faut
cuisinier, est amateur de vendanges tardives : être un styliste de talent ! Valentin Jouve, de
« Il apprécie la saveur généreuse des vénus page en page, gagne en aspérités. Si bien qu’il
expérimentées, qu’elles aient mûri en Alsace nous attache. Ce « célibataire indolent » se
ou au Portugal. » Marc roule en cabriolet révèle un séducteur que la « timidité sociale »
FELLINI BLUES
vermillon et vit seul dans une propriété à JEAN-PIERRE n’empêche pas de passer à l’acte quand l’occa-
péristyle et bassin à carpes ; Valentin roule MILOVANOFF sion se présente, que ce soit avec Gaétane
dans une guimbarde grise dont le moteur GRASSET (joli cas de névrose), Manon (qui le quittera
tousse, et vit chez sa mère qui veille sur lui 192 PAGES, 18 EUROS pour son manque d’ambition « comme on
« comme un apiculteur sur ses abeilles ». Ces saute d’un bus en marche »), Bettina (ce sera,
deux-là ne devaient pas se rencontrer, mais le hasard – là, en revanche, un fiasco) ; tandis qu’avec Tancrelle,
l’une des vitamines des romanciers –, ayant toujours le il va trouver le grand amour. Verra-t-il s’évanouir ses
dernier mot, nos personnages ont le sentiment d’avoir complexes ? Milovanoff s’en donne à cœur joie. Il a
été condisciples. Oui, mais où ? Qu’importe. Reste qu’ils de la tendresse, de la chaleur pour son antihéros et de
évoluent dans une ville du Sud de la France en occu- l’empathie pour ses lecteurs qu’il rapicole ! g
pant chacun un rôle bien distinct, on l’a compris, dans
l’échelle sociale ! VINCENT ROY
DIMANCHE 31 DÉCEMBRE 2023 LE JOURNAL DU DIMANCHE 37

Livres

La baronne devenue reine du jazz

JAZZ Quand une héritière Rothschild saisit dans leur intimité les plus grands jazzmen,
cela donne des photos et des témoignages saisissants. Deux ouvrages précieux

Le pianiste
Teddy Wilson
Quand la langue
et la baronne
Pannonica
de Koenigswarter,
rencontre le palais
née Rothschild, VIN Linguiste reconnu et esthète notoire,
à Londres, Jean Szlamowicz mêle œnologie et langage dans
en 1955. un essai enivrant

MARCUS HARRISON/BRIDGEMAN IMAGES

L’ŒIL DE NICA
PANNONICA
DE KOENIGSWARTER,
BUCHET-CHASTEL,
304 PAGES, 44 EUROS.
L’Œil de Nica, c’est un recueil bouleversant de
photographies inédites des plus grands artistes
de jazz. Tout simplement. De Billie Holiday à
Charles Mingus, de Nina Simone à Bud Powell,
les célèbres artistes ont été saisis dans toute
leur spontanéité par leur amie et protectrice
Pannonica de Koenigswarter, fantasque héri-
tière de la famille Rothschild qui décida de
consacrer sa vie et son argent aux jazzmen.
Les polaroïds, fragiles et précieux, ont gardé
LES MUSICIENS toute leur force d’évocation : les instants saisis
DE JAZZ ET LEURS sont ceux d’artistes fatigués, hilares ou créa-
TROIS VŒUX tifs, humains, très humains ; ce sont aussi les
PANNONICA témoignages d’une époque rude, d’un univers
DE KOENIGSWARTER,
BUCHET-CHASTEL, violent dans lequel se débattent de véritables
336 PAGES, 44 EUROS. virtuoses.
La musique avant toute chose
À l’occasion de cette sortie, les éditions Buchet-
Chastel ont eu la bonne idée de republier dans
une édition augmentée Les Musiciens de jazz et
leurs trois vœux.
« Le vin est fait pour être bu et non dégusté la bouche
en cul-de-poule. Il faut en parler sans bla-bla, et
surtout se laisser aller à tous les beaux sentiments
qu’il inspire », prévient Jean-Robert Pitte dans la
préface de cet ouvrage entêtant. Les mots sont
posés, on ne s’en paiera pas ici : spécialiste de la
sémantique, Jean Szlamowicz les fréquente assidû-
ment. Et comme c’est à l’université de Bourgogne
que ce grand élégant enseigne, parler du vin n’en
est que plus une évidence.
C’est ainsi, imaginons-nous, qu’a dû naître l’idée de
ce livre grisant dans l’esprit de son auteur : suivant son
inclinaison naturelle comme on se laisse descendre
« Si on t’accordait trois vœux qui devaient se réa- sur les pentes des climats bourguignons. Le résultat
liser sur-le-champ, que souhaiterais-tu ? » Cette est délicieux : s’il faut parler du vin sans bla-bla, il
interrogation semble simple. Mais quand c’est est bon de savoir en parler, de son décapsulage aux
Louis Armstrong, Thelonious Monk ou John méditations que prodigue l’ivresse. Or c’est précisé-
Coltrane qui répondent, l’ouvrage prend une ment ce que propose Jean Szlamowicz, comme une
autre saveur. Quand c’est Pannonica de Koe- visite de cave : ici, on apprend à contempler une robe
nigswarter qui questionne, la saveur devient un (mais aussi à savoir d’où vient le mot même de robe),
parfum : celui des clubs de jazz surchauffés des là on perçoit les saveurs « sur le bout de la langue »
années 1960, celui de l’Amérique déchirée par la (mais aussi combien la mise en mots d’une saveur
lutte des Noirs pour leurs droits civiques, celui est difficile et propre à chacun).
de la musique avant toute chose, de la misère
universelle, de l’argent roi et tyran. Le résultat « Il sent le pneu brûlé,
est stupéfiant, illustré par les photos intimes ton vin, non ? »
et belles de « Nica », elle qui inspira les grands C’est une surprenante traver-
noms du jazz et qui les accueillit parfois jusqu’à sée, érudite et primesautière,
leur mort. où l’on croise Thelonious
Au-delà de l’attrait pour ces musiciens de Monk, Pierre de Ronsard
génie, ces ouvrages uniques sont poignants et mais aussi un œil-de-perdrix
si justes. À mettre dans toutes les mains qui et une queue de paon comme
battent la mesure sur des rythmes ternaires ! g autant de subtilités visuelles
ou olfactives. On découvre
GEORGES GRANGE aussi des mots inconnus
déjà chargés de poésie avant
même d’apprendre leur sens :
« sociolecte », « clavelin »
ou encore « hypallage », et SAVOIR PARLER DU VIN

Le rêve américain de Ralph Lauren on redécouvre des mots

oubliés qui fleurent la France
JEAN SZLAMOWICZ,
LE CERF,
240 PAGES, 20 EUROS.
STYLE Il a inventé un style, celui de l’aristocratie américaine, du XIXe siècle. Saviez-vous
qu’on parlait alors de « ripopée » pour « désigner un
il s’est approprié la côte Est des Kennedy, puis il s’est attaqué au western mélange de mauvais vins, de bavaroise de cocher, de
et au cinéma hollywoodien. Rien ne lui a jamais résisté gros qui troue le zinc, de petit-déjeuner de déména-
geur, de vin de crocheteur ou de tumec (c’est-à-dire
tue-mec) » ?
Un petit Juif né dans le et l’écossais ; il pose avec sa C’est si agréable de se laisser aller à ces divaga-
Bronx, originaire de Bié- femme devant son ranch au tions éthyliques ! Et pourtant, comme autour d’une
lorussie. Son véritable Colorado, tout le monde vou- bouteille entre amis, on ne manque pas de rire au gré
nom est Lifschitz, autant drait faire partie de sa famille. de ces pages : chaque partie s’ouvre sur des bribes
dire imprononçable à Il lance une ligne junior pour romancées, avec des chutes hilarantes, chaque
New York. Il l’a immédiate- les enfants, puis une autre plus paragraphe a sa part pince-sans-rire ou franchement
ment modifié quand il s’est sportswear, il crée une collec- drôle. Ainsi d’un dialogue autour d’un bordeaux
lancé dans le prêt-à-porter, tion de décoration intérieure, blanc Grand Village du Château Lafleur 2016 :
conservant ses initiales RL. son chic est intemporel. Le « Il sent le pneu brûlé, ton vin, non ?
On n’aurait pas misé un cinéma le fascine, il se bat – Tu veux dire qu’il exhale des notes empyreu-
centime sur ce gars-là et pour habiller Robert Redford matiques ? »
pourtant, à force de déter- et Mia Farrow dans The Great Et, tel un de ces soirs d’amitié où les quilles
mination et de bagout, il Gatsby. Mais ce n’est pas suf- tombent comme sur une piste de bowling, savoir
S. GRANITZ/WIRELMAGE/GETTY

RALPH LAUREN, est parvenu à vendre ses fisant, il cherche celle qui l’in- parler du vin conduit aussi à sonder les cœurs
UN RÊVE D’AMÉRIQUE
JÉRÔME KAGAN, cravates plus larges que carnera et le fera entrer dans (et les reins, bien entendu), provoque chez le lec-
SÉGUIER, la moyenne. Même chez la légende. Elle est blonde et teur de grandes émotions, réveille des souvenirs
188 PAGES, 19 EUROS. Bloomingdale’s, c’est dire ! diaphane, svelte, élancée, elle d’enfance (comme cette évocation de la « tasse
Et le succès est là. Ralph est nommée aux Oscars pour d’eau de mer » pour parler de la salinité du vin).
Lauren rêve d’habiller les Shakespeare in Love. Gwyneth Qui aurait cru qu’un essai eût pu nous remuer ?
preppies qui passent leurs Paltrow, au faîte de sa gloire, Tout le monde l’aurait deviné dans un essai sur le
week-ends à Nantucket gravit les marches dans une vin, la boisson de l’intime et de la mémoire, de la
ou dans les Hamptons. Il robe de soie rose pâle signée terre et des hommes.
imagine un vestiaire à l’élégance désinvolte, Ralph Lauren, elle brandit à bout de bras la On ressort de cette lecture tel le capitaine Haddock
impose la veste croisée sur le pantalon chino. statuette qu’elle vient de remporter, le mythe dans On a marché sur la Lune, après avoir subrep-
Quelque part sur une plage du cap Cod, un est né. Aujourd’hui, à 84 ans, Ralph Lauren est ticement sorti une bouteille d’un traité d’astrono-
À la cérémonie couple se promène, un bouquin de Kerouac le patron d’un empire colossal, il vient de faire mie : on se sent déjà plus instruit ! Et, finalement,
des Oscars de 1999, dépasse de la poche d’un gilet en laine torsadé, la couverture du Time Magazine. C’est son on a bien envie de retourner au goulot, mais l’œil
Gwyneth Paltrow on entend presque le cri des mouettes et le histoire que nous raconte en virevoltant le bril- neuf, l’esprit plus aiguisé, les pupilles plus alertes,
porte la robe de soie chant des goélands, au loin il y a une régate, lant Jérôme Kagan, on appelle cela l’American pour comprendre et faire comprendre ce qu’on boit.
rose pâle qui fera entrer bienvenue dans l’univers de Ralph Lauren ! Dream, et on a diablement envie de rêver ! g Santé ! g
Ralph Lauren Le jeune entrepreneur s’attaque bientôt
dans la légende. au western, le jean se marie avec le daim STÉPHANIE DES HORTS GEORGES GRANGE
 38 LE JOURNAL DU DIMANCHE DIMANCHE 31 DÉCEMBRE 2023

Plaisirs
Priscilla

« UNE VIE
ROCK’N’ROLL
AU CÔTÉ
DU KING »
vraie, dont la principale protagoniste
était toujours vivante. J’ai fait ce que
je souhaitais, même si j’avais plus
de responsabilités car il me fallait
respecter son opinion. M’imposer
un équilibre entre ma vision en tant
qu’artiste et ce qu’elle pouvait accep-
ter de voir à l’écran. J’ai été rassurée
par son ouverture d’esprit. Je lui ai
soumis le scénario pour qu’elle se
sente à l’aise. Je lui ai posé quantité
de questions pour nourrir le propos
de détails et aller plus en profondeur.
Elle m’a révélé l’envers du décor, les
UPI/NEWSCOM/SIPA
l’actrice exprimait parfaitement ce
qu’elle avait ressenti. J’ai éprouvé
un grand soulagement.
Lisa Marie, sa fille, a-t-elle vu le long
métrage avant son décès il y a un an ?
Non, hélas. Je le regrette.
Priscilla est votre réponse
à Elvis (2022), de Baz Luhrmann ?
Pas du tout, le timing a juste
concordé. Durant la préparation,
on m’a prévenue que Baz Luhrmann
planchait sur Elvis et que ce n’était

Sofia Coppola, coulisses, ce qui se déroulait dans la
réalisatrice, scénariste sphère privée. On connaît par cœur
et productrice la trajectoire publique et profession-
américaine. nelle d’Elvis, alors inutile de la répé-
ter. J’ai beaucoup appris sur lui grâce
à tous ses souvenirs personnels mis
en scène de façon impressionniste.
Il m’intéressait uniquement parce
sans doute pas une bonne idée
d’entreprendre Priscilla. Cela me
semblait judicieux au contraire de
proposer deux perspectives oppo-
sées et complémentaires. Priscilla
n’était en outre qu’un personnage
mineur dans Elvis…

E
n huit films, elle
INTERVIEW s ’e s t i m p o s é e
comme l’une des
cinéastes contem-
BIOPIC Sofia Coppola poraines les plus
esquisse le portrait singulières, auda-
poignant de Priscilla cieuses et résolu-
ment passionnantes, par la diversité
Presley, l’épouse d’Elvis des sujets abordés. Toujours mue
par la volonté impérieuse de placer
ICONOCLASTE Le long au cœur de ses intrigues des por-
traits de femmes qui luttent contre
métrage s’immisce l’adversité. À 52 ans, Sofia Coppola
dans l’intimité ne déroge pas à la règle avec Priscilla,
du couple mythique qui lève le voile sur la vie de l’épouse
d’Elvis Presley, de l’espoir à la désil-
lusion. La Mostra de Venise ne s’y
est pas trompée, décernant la coupe
Volpi de la meilleure actrice à Cailee
Spaeny, 25 ans, nommée depuis aux
Golden Globes et, de toute évidence,
aux prochains Oscars. Entretien
avec la réalisatrice, scénariste et
productrice américaine lors de son
passage à Paris début décembre.
Pourquoi avez-vous adopté le point de
vue exclusif de Priscilla Presley ?
En fait, j’adapte son livre, Elvis et moi
[1985, France Loisirs, NDLR], dans
lequel elle décrit sa vie rock’n’roll
au côté du King. Des mémoires très
touchantes, qui disent sa vérité.
J’ai compris que je ne savais pas
qu’il croisait son destin à elle ! J’ai Vous étiez au courant de la toxicité
grand-chose d’elle, ni de toutes les eu la possibilité de visionner des d’Elvis Presley ?
épreuves qu’elle a traversées quand vidéos de famille et de feuilleter les Je l’ignorais totalement. De l’exté-
elle formait ce couple iconique avec albums photos. rieur, on dirait un conte de fées du
Elvis Presley. Dans mon imaginaire, type Alice au pays des merveilles,
Priscilla était un personnage appar- Appréhendiez-vous la réaction et l’incarnation du rêve améri-
tenant à la mythologie et à la pop de Priscilla ? cain. Quand on gratte le vernis, le
culture américaines. J’ai voulu com- Oui. Elle a été très émue, elle m’a contraste est saisissant. Je dresse
prendre ce que cela a représenté avoué que j’avais restitué avec jus- le portrait d’une femme isolée,
pour elle d’entrer dans le monde tesse ce qu’elle avait enduré et que frustrée et abandonnée, sans amis,
d’Elvis, puis de s’en détacher pour
trouver sa propre voie. Son passage
à l’âge adulte s’accomplit dans un
environnement hors normes, et son
parcours est unique, mais je crois
qu’il est facile de s’y reconnaître.
Dans quelle mesure ?
Depuis Virgin Suicides (1999), j’ex-
plore la condition de la femme, sa
quête d’identité, de liberté et d’indé-
pendance, la difficulté d’exister par
elle-même. Comment devient-on
ce que l’on est ? Quels obstacles
doit-on surmonter ? Je suis heu-
reuse de constater que, lors des
avant-premières, pas mal de jeunes
spectatrices viennent me confier que
Priscilla leur parle intimement. Peu
importe le lieu, l’époque ou le milieu
social, le combat reste le même. Les
expériences sont différentes, mais
elles traversent les générations. En
l’occurrence, mon principal défi
consistait à transposer une histoire
 DIMANCHE 31 DÉCEMBRE 2023 LE JOURNAL DU DIMANCHE 39

Cinéma

Priscilla Beaulieu (Cailee Spaeny)

et Elvis Presley (Jacob Elordi),
le jour de leur mariage.

PRISCILLA iiii
De Sofia Coppola, avec Cailee Spaeny
et Jacob Elordi. 1 h 53. Sortie mercredi.
En 1959, Priscilla Beaulieu, collégienne
de 14 ans, habite en Allemagne, où son
père, officier, a été mobilisé. Dans la base
de l’armée américaine, Elvis Presley,
24 ans, déjà une star internationale,
effectue son service militaire. Entre eux,
c’est le coup de foudre… Sofia Coppola
revient au cinéma en majesté avec ce
biopic qui ne lâche jamais le point de vue
de l’héroïne prisonnière de sa relation
toxique avec le King et soucieuse de
s’émanciper de son influence. Ce drame
brille par son portrait de femme si fine-
ment observé et écrit, où tout est dans
le détail, le hors-champ et les silences.
A24 DISTRIBUTION, LLC

La mise en scène est aussi subtile et

élégante que frontale et implacable, irri-
guée par la mélancolie, pour livrer un récit
édifiant, enlevé par des acteurs charis-
matiques, une reconstitution soignée et
une photographie sublime. g S. B.

ses parents situés à des milliers de
kilomètres, qui passait son temps à
attendre dans une maison vide son
mari constamment en déplacement.
Elle n’a jamais qualifié Graceland de
« prison dorée ». Pourtant, c’était
tout comme pour cette jeune fille
« Je dresse
le portrait d’une
Elle avait 14 ans au début de leur
relation. Était-elle consentante ?
Elle était vraiment éprise d’Elvis.
Elle écoutait sa musique et admi-
rait le chanteur, mais elle n’était pas
une de ses groupies qui le pourchas-
saient inlassablement. Le jour où
il lui a accordé son attention, elle
n’en revenait pas. Alors qu’il pouvait
avoir toutes les filles du monde… Elle
était au lycée quand elle a emmé-
nagé à Graceland, vous vous ren-
dez compte ? Mais elle ne s’en est
pas obtenu la permission d’utiliser
la musique d’Elvis Presley, ce qui
n’est pas plus mal, comme ça, je
ne perds pas de vue mon angle.
Le groupe de mon mari Thomas
Mars, Phoenix, s’est chargé de la
bande originale. J’ai greffé des
standards qui collaient à la nar-
ration comme I Will Always Love
You, de Dolly Parton, au moment
où Priscilla décide de quitter
Elvis. Aujourd’hui encore, elle
est toujours définie par cette his-
toire d’amour complexe et tumul-
tueuse. La rupture a été triste, mais
pleine d’espoir car elle commen-
çait sa propre vie. Ils sont restés
amis après leur divorce. Elle a fait
preuve d’une force et d’un courage
remarquables en plaquant tout, car
son existence lui était entièrement
dédiée. Elle a découvert ses goûts et
ses centres d’intérêt. Jusqu’alors, il
choisissait tout à sa place…
Quels sont vos projets ?
Je ne suis pas encore sûre. Ma
mère a dirigé à l’époque le making
of de Marie Antoinette (2006). Je
vais voir avec elle ce qu’on peut
faire des rushes. Et pourquoi pas,
accompagner ce documentaire
d’une ressortie en salles de mon
film… g
PROPOS RECUEILLIS
PAR STÉPHANIE BELPÊCHE

femme frustrée pas vantée en classe, car elle ne

recherchait pas la popularité. Grâce
et abandonnée » à #MeToo, on écoute davantage le
témoignage des femmes, on ose
remettre en question des hommes
incapable de s’épanouir. Elvis l’ai- qui ont le pouvoir. Priscilla a subi
mait sincèrement et lui accordait de la violence physique et psycho-
sa confiance. Au moment de leur logique. Elvis était capable de ten-
rencontre en Allemagne, il était vul- dresse mais aussi de terribles accès
nérable, avait le mal du pays et venait de colère. Ado, il faut traverser des « Inter exergue
de perdre sa mère. Dix ans les sépa- étapes pour grandir et savoir qui on
raient. À ses yeux, elle symbolisait la est. Cela n’a pas été évident pour la inter exergue
sécurité et la pureté. Mais il dirigeait
tout autour de lui, y compris elle.
génération de ma mère [Eleanor
Coppola, NDLR], qui a souffert
inter exergue inter
Alors il l’a façonnée selon son désir, de ce machisme généralisé, sur- exergue »
en choisissant la couleur de ses che- tout dans les années 1950. J’en ai
veux, son maquillage, ses vêtements. discuté avec elle, elle m’a expliqué
Signature exergue 11
Priscilla devait se borner à remplir comment les choses avaient changé,
le rôle qu’il lui avait attribué. ou pas ! Je sais ce que signifie de
vivre auprès d’une célébrité avec
mon père [Francis Ford Coppola,
De gauche NDLR] et son entourage. Cela m’a
à droite, donné du recul pour montrer que
Jacob Elordi, ces gens dans la lumière sont aussi
Sofia Coppola, des êtres humains. Casser la légende
Cailee Spaeny d’Elvis n’était pas mon intention, ni
et Priscilla lui manquer de respect.
Presley pour
la présentation Où avez-vous déniché
du film Priscilla, vos comédiens ?
lors du festival C’était un défi d’interpréter Pris-
de Venise cilla, de l’adolescente de 14 ans à
le 4 septembre la femme de 29 ans, de la naïveté
2023.
à la prise de conscience, car elle
se métamorphose à l’écran. Cailee
Spaeny [Mare of Easttown, NDLR]
avait un visage poupin, mais avec la
VIANNEY LE CAER/AP/SIPA

maturité nécessaire. Quant à Jacob

Elordi [Euphoria, NDLR], interdic-
tion de déraper dans la caricature
ou l’imitation du King. Il a travaillé
avec un coach pour la voix et le lan-
gage corporel. Et il s’est concentré
sur ses doutes et ses failles. Je n’ai
 40 LE JOURNAL DU DIMANCHE DIMANCHE 31 DÉCEMBRE 2023

Plaisirs Cinéma/Séries
•EN SALLES MERCREDI •À VOIR

ALLO CINÉ
On aime Passionnément iiii Beaucoup iii Bien ii Un peu i Pas du tout f On aime Passionnément iiii Beaucoup iii
Bien ii Un peu i Pas du tout f
ALLO CINÉ

Starstruck, saison 3 iii

CANAL+ Les scénaristes anglaises n’en
finissent pas de prendre leur destin en
main pour mieux réinventer le pay-
sage sériel. Dans la lignée de Phoebe
Waller-Bridge (Fleabag) et Michaela
Coel (I May Destroy You), Rose Matafeo
donne un nouveau souffle à la comé-
die romantique en racontant les mésa-
ventures sentimentales de Jessie, une
jeune Londonienne qui, à la suite d’une
soirée très arrosée, passe la nuit avec
une star du cinéma d’action. Pas facile
pour la simple employée d’établir une
Moi, capitaine iii relation stable avec un homme qui fait
De Matteo Garrone, avec Seydou Sarr et Moustapha Fall. 2 h 02. fantasmer toutes les femmes. Ainsi,
À Dakar, au Sénégal, deux adolescents de 16 ans, Seydou et au début de cette troisième saison, on
Moussa, ont économisé pour se payer le voyage jusqu’en assiste à l’explosion du couple au bout de
Europe. Ils s’embarquent un matin pour une odyssée au quelques mois, Jessie ne supportant pas
péril de leur vie, mais s’accrochent à leurs rêves… Matteo de vivre au rythme de sa moitié, toujours
Garrone (Gomorra) raconte avec l’humanité qui le caractérise partie en tournage. Elle redevient donc
le destin de migrants africains qui vont devoir endurer une célibataire. Non sans peine : ses amis
série d’épreuves avec courage et détermination. Il détaille sont là pour elle, mais eux ont continué
avec une précision quasi documentaire les différentes étapes d’avancer dans leur vie à deux avec leurs
de ce trajet qui devient un chemin de croix, le réalisme des enfants. Tout le monde n’est donc pas
situations ponctué de parenthèses oniriques qui insufflent toujours sur la même longueur d’onde…
de l’optimisme. Ce drame captivant et édifiant a fait mouche Heureusement, elle rencontre un plom-
à la dernière Mostra de Venise : Lion d’argent du meilleur bier qui, lui, ne se bat qu’avec des tuyaux
réalisateur et prix Marcello Mastroianni du meilleur espoir et rentre chez lui tous les soirs. Mais
pour Seydou Sarr. Mérité. g S. B. qui choisira-t-elle quand le beau Tom
l’embrasse contre toute attente ? De
l’humour, de l’amour, une héroïne un
peu paumée et des copains gentiment
ALLO CINÉ

timbrés : on adore ! g B. T.
De et avec Rose Matafeo, Nikesh Patel.
6 épisodes de 30 minutes. Disponible.

Laure Calamy et Vincent Elbaz.

IL PLEUT
DES HOMMES
Night Swim ii RENCONTRES Laure Calamy retrouve
De Bryce McGuire, avec Wyatt Russell et Kerry Condon. 1 h 38. Caroline Vignal dans un récit féministe où elle
Ray, atteint d’une sclérose en plaques, a dû mettre un terme s’en donne à cœur joie
à sa carrière de joueur de base-ball. Avec sa femme et ses
enfants, il emménage dans une maison adaptée à son handicap.
Dans le jardin se trouve une piscine désaffectée, alimentée Iris et les hommes ii
par une source naturelle aux vertus thérapeutiques… Pro-
duction mineure de l’usine à cauchemars de Jason Blum, En septembre 2020, Antoinette dans les Cévennes, de Caroline Vignal,
ce film d’horreur très mystérieux n’en reste pas moins un redonnait le sourire à 700 000 spectateurs marqués par leur printemps
plaisir coupable en surfant sur l’idée de l’eau maudite et confiné et quelques couleurs à un cinéma français exsangue. Cette comédie
ALLOCINÉ

hantée qui n’épargne rien ni personne, façon Hideo Nakata
(Dark Water). La mise en scène s’amuse à distiller la peur
en truffant le cadre de détails inquiétants. Efficace. g S. B.
ALLO CINÉ
très réussie permettait aussi à Laure Calamy, dans le rôle d’une amante
contrariée s’essayant aux joies de la randonnée avec pour seul complice
un âne (forcément) cabochard, de remporter le César de la meilleure
actrice quelques mois plus tard. Fortes de cette première collaboration And Just Like That,
fructueuse, la réalisatrice et la comédienne remettent le couvert avec Iris saison 2 ii

et les hommes, récit féministe et gentiment culotté où il est de nouveau PRIME VIDEO Carrie a du mal à se
question d’infidélité. remettre de la mort de Mister Big. Heu-
• On y suit une dentiste à la quarantaine bien sonnée, mère de deux enfants reusement, elle peut compter sur le sou-
et épouse d’un homme attentionné, mais à la libido en berne (Vincent Elbaz), tien de ses copines de toujours, Miranda
qui s’inscrit sur une application de rencontres. L’expérience ne tarde pas à et Charlotte, elles aussi malmenées par
porter ses fruits défendus : voilà que son portable vibre à toute heure de la l’entrée dans la cinquantaine. Plaisir cou-
journée, qu’elle soit dans son cabinet ou le lit conjugal, puis son corps au pable, mais on assume ! On a beau se dire
fil des relations sans lendemain. Le film aurait pu s’appeler « Il pleut des que l’héroïne de Sex & The City n’a plus
hommes », comme le tube des Weather Girls repris par Laure Calamy lors l’âge de porter les tenues extravagantes
d’une drôle de séquence dansée façon comédie musicale. Des hommes de de ses trente ans, que ces New-Yorkaises
toutes sortes et de tous âges que Caroline Vignal a l’intelligence de ne pas ultra-privilégiées ont des soucis qui n’en
stéréotyper, orchestrant un jeu de la drague et du hasard. sont vraiment pas, on reste attaché à ces
On y croisera un quinqua timide et maladroit plus envahissant qu’il n’y personnages qui ont marqué une géné-
Le Plongeur i paraît, une armoire à glace aussi douce qu’un agneau, un type lambda adepte ration : leurs discussions entre amies au
De Francis Leclerc, avec Henri Richer-Picard, Charles-Aubey Houde. 2 h 07. des pratiques sadomasochistes ou un étudiant méritant le titre de docteur restaurant font toujours sourire (même
Stéphane, étudiant en graphisme à Montréal, est accro aux ès bagatelle. À l’image de ces relations adultérines, jamais filmées pendant si le texte est parfois un peu lourd). Elles
jeux. Endetté jusqu’au cou, il trouve un boulot de plongeur. l’acte, Iris et les hommes est inégal et un peu programmatique. Il n’a pas non affrontent avec humour les ravages de
Cette adaptation du roman de Stéphane Larue, phénomène plus le charme d’Antoinette dans les Cévennes. Mais le regard que pose la l’âge et restent fidèles à ce qu’elles ont
littéraire au Québec, en garde l’esprit avec son ton tragico- cinéaste sur l’infidélité, ici vecteur d’épanouissement et potentiel moyen été : Carrie cherche toujours le grand
mique et sa bande-son du tonnerre où figurent entre autres de rallumer la flamme au sein du couple, est rafraîchissant. La réussite de amour, Charlotte à être la mère idéale
Iron Maiden, Metallica et Radiohead. Le réalisateur, fils du sa comédie doit beaucoup au talent clownesque de Laure Calamy, drôle et et Miranda qui elle est vraiment. La
chanteur Félix Leclerc, lorgne du côté de Martin Scorsese. touchante à la fois. Ces deux-là se sont bien trouvées. On ne bouderait pas nostalgie fonctionne : comment résister
S’il ne manque pas de talent, son récit sur le milieu de la notre plaisir si elles devaient retravailler ensemble un jour. Jamais deux quand Aidan revient dans l’échiquier
restauration et la dépendance au jeu se disperse et peine sans trois, dit-on. g BAPTISTE THION amoureux ? g B. T.
à embrasser les sujets qu’il convoque malgré sa durée. Son De Darren Star, avec Sarah Jessica Parker,
jeune acteur aux faux airs de Timothée Chalamet est plutôt De Caroline Vignal, avec Laure Calamy, Vincent Elbaz, Suzanne de Baecque, 1 h 38. Cynthia Nixon, Kristin Davis. 11 épisodes
convaincant. g BAP. T. Sortie mercredi. de 45 minutes. Disponible via le Pass Warner.
DIMANCHE 31 DÉCEMBRE 2023
RETOUR Après
douze ans d’absence,
Marie-Paule Belle
signe un superbe album
en piano-voix qu’elle
portera en concert
Bien sûr qu’elle en a des souvenirs.
Cinquante ans après la sortie de son
premier album Ça m’est égal en 1973,
ils se bousculent diablement dans
son étroit appartement de Neuilly-
sur-Seine. Sous le regard de Barbara,
COADIC GUIREC/BESTIMAGE
sa fidèle héritière, Marie-Paule
Belle, accepte d’en repêcher deux
qui la racontent à des tournants cru-
ciaux de sa carrière. En 1978, elle
se produit pour la première fois
à l’Olympia. Avant de monter sur
scène, elle sent la panique monter
dans ses entrailles. Alors la jeune
femme se recourbe et purge toute
sa peur sur les chaussures du maître
des lieux, Bruno Coquatrix. « Je lui
avais vomi dessus, s’exclame-t-elle.
J’étais rouge pivoine de honte. Alors
que je contemplais mon chef-d’œuvre
aux pieds de Coquatrix, il m’a dit avec
un flegme étonnant : “Ne vous excu-
sez pas : Brel l’a fait avant vous !’’ »
Deuxième anecdote. Seize ans ont
passé. Sur les conseils de William
Sheller, qui vient de remporter le
plus gros succès de sa carrière avec
Un homme heureux, Marie-Paule
Belle se jette dans le grand bain : tout
un récital en piano-voix au théâtre
de Dix Heures !
C’est avec cette formule qu’elle
marque son retour ces jours-ci avec
un nouveau disque : Un soir entre
mille la dévoile comme jamais dans
un dépouillement orchestral. Là,
dans cette cristallisation de l’intime,
d’autres réminiscences sont remon-
tées à la surface. Elle s’en étonnerait
LA FUREUR DE VIVRE
RÉTROSPECTIVE Le photographe allemand prend
ses quartiers au Grand Palais Éphémère
C’est l’événement artistique de
cette fin d’année. Juergen Teller
investit le Grand Palais Éphémère
pour la plus importante rétrospec-
tive de sa carrière. Déjà, il faut se
rendre compte de l’immensité du
lieu : 10 000 mètres carrés, fabu-
leux terrain de jeu pour le pho-
tographe allemand impertinent,
qui fêtera ses 60 ans le 28 janvier
prochain. Ainsi, plus de 800 pièces
s’égrènent dans un parcours non
chronologique et à son image,
singulier et audacieux. Les cli-
chés sélectionnés, iconiques ou
méconnus, sont présentés dans
différentes tailles, avec ou sans
cadre, en couleurs ou en noir et
blanc, accrochés ou épinglés aux
murs de plus de quatre mètres
de haut. La scénographie se veut
minimaliste avec une gigantesque
structure en bois en forme de croix
qui divise l’espace en quatre sec-
tions, où les tirages s’alignent dans
un apparent désordre, côtoient des
œuvres audiovisuelles dans des
alcôves et des documents person-
Plaisirs Musique/Exposition
BELLE DES CHANTS
presque : « Avec cet album, je me suis
montrée plus nostalgique. Je craignais
que mon public, qui a gardé une image
de moi plus sautillante, soit surpris. »
Mais comment faire autrement ? « J’y
parle de ma mère, de mon père, de
l’amour de ma vie, Françoise Mallet-
Joris. » Certes, ses vidéos, postées
pendant le confinement, l’ont ras-
surée sur le renouvellement de
ses admirateurs découvrant par la
magie des réseaux sociaux à la fois
ses perles et ses madeleines musi-
cales. Son timbre s’est affermi depuis
son premier succès, La Parisienne,
en 1976. Mais, après trois rentrées
gâchées par la pandémie dont celle
de son livre Comme si tu étais toujours
là, sorti huit jours avant la fermeture
Juergen Teller
nels dans des vitrines. Celui qui
jubile à se mettre en scène réguliè-
rement dans le plus simple appareil
esquisse un passionnant autopor-
trait au cours de la déambulation.
L’artiste
provocateur
révèle sa blessure
la plus intime
Le visiteur, toujours actif, s’ap-
proche, s’éloigne, contemple.
Tour à tour amusé, bousculé, ému
face aux extravagances de cette
star de sa discipline, qui a acquis
une renommée internationale
en immortalisant des célébrités
depuis trente ans sur la pellicule.
Cinéastes, acteurs, musiciens,
écrivains, designers, mannequins
posent dans des campagnes publi-
citaires pour des marques de luxe
LE JOURNAL DU DIMANCHE
des librairies, Marie-Paule Belle ne
pourra retenir plus longtemps la
bride. L’auteur de Wolfgang et moi
est impatiente de porter ces quinze
morceaux inédits à la scène. « Un
article de journal a titré : “J’ai la frin-
gale.” Rien n’est plus vrai ; j’ai trop
attendu. Il m’est insupportable de
vivre sans chanter. C’est un manque,
une drogue, un bonheur physique. »
C’est aussi ce qui l’aide à éloigner
les spectres funestes. Suite à la dis-
parition de Françoise Mallet-Joris
en 2016, elle a été frappée consécu-
tivement par deux cancers. Après
douze ans d’absence discographique,
elle a retrouvé ou réveillé ses auteurs
de toujours, Isabelle Mayereau,
Françoise Mallet-Joris et Michel
« Paradis XVIII,
musée du
Louvre, Paris »
(2009).
Avec Charlotte
Rampling
et Raquel
Zimmermann.
et des créateurs de mode, ou saisis
sur le vif dans les postures les plus
incongrues.
Charlotte Rampling
en tenue d’Ève au Louvre
La première photographie est
signée Walter Teller, son père,
avec lequel il entretenait une rela-
tion conflictuelle et qui a fini par
se suicider à 46 ans. Elle repré-
sente un bébé aux fesses talquées
sur une table à langer, Juergen. La
deuxième reproduit un article de
journal montrant la voiture qui a
servi à commettre l’irréparable,
cabossée après avoir embouti un
Marie-Paule Belle en concert.
Grisolia. Qu’ils soient encore ou non
de ce monde, ils continuent de vibrer
à travers leurs textes. Entrons dans
la matière. Dans l’épure de mélodies
solidement arrimées aux mots.
Contrairement à ce que croient
les biographes, la vie ne commence
pas avec une date de naissance. Chez
Marie-Paule Belle, elle a véritable-
ment débuté par une journée de
l’année 1970. Elle avait 24 ans. Étu-
diante en psycho, elle s’était attardée
devant le cabaret L’Échelle de Jacob
avant qu’une main ne la tire par la
manche pour l’inviter à traverser la
rue. Au numéro d’en face logeait une
femme vivant en communauté. La
porte s’est ouverte et elle est arrivée,
les cheveux mouillés. Elle venait de
arbre. La troisième figure Juergen
adulte et nu comme un ver, debout
sur la tombe de Walter, en train de
boire une bière. À travers cet acte de
résistance résolument provocateur,
l’électron libre affirme sa propre
identité, révèle sa blessure la plus
intime et son thème de prédilection,
la famille et les racines. Désireux
de briser les tabous, il fait défiler
les people qui n’ont pas froid aux
yeux devant son objectif. Comme
Charlotte Rampling en tenue d’Ève
à côté de La Joconde, au Louvre, ou
Catherine Deneuve qui fume une
cigarette assise sur une chaise de
camping, foulard sur la tête et bottes
41
se faire un shampoing. « Françoise a
surgi tête baissée avec cette serviette
éponge sur le haut du crâne. Quand
elle a levé les yeux, j’ai vu son visage.
En sortant de chez elle, j’ai noté dans
mon journal : “J’ai rencontré Fran-
çoise Mallet-Joris. Je pense que je
serai amenée à la revoir.” » Quelques
mois après, l’amitié amoureuse s’est
transformée en passion fulgurante.
L’image irradie tout l’album. « À
« Avec cet
album, je me suis
montrée
plus nostalgique »
l’époque de notre vie ensemble, je fai-
sais 250 concerts par an en première
partie de Serge Lama. Quand on se
retrouvait, c’était une joie incommen-
surable. On avait besoin de se voir,
de se parler, de se toucher. Chaque
fois que j’arrivais dans un hôtel, une
lettre m’attendait. Françoise m’en
écrivait une, voire deux par jour. »
Marie-Paule Belle célèbre aussi la
mémoire de l’autre femme de sa
vie, sa mère, dans la chanson Avec
toi, je riais souvent, une merveille à
nos yeux. Elle a découvert le piano à
3 ans et demi à ses côtés. Mais mal-
gré onze années de pratique, elle n’a
jamais su lire une partition. « Ma
mère avait appris cet instrument avec
une gomme sur les doigts. Dès qu’elle
tombait, elle se prenait un coup de
règle. Elle n’a pas voulu m’infliger la
même éducation. » Mieux : elle lui
a enseigné la liberté. g
LUDOVIC PERRIN
Marie-Paule Belle, Un soir entre mille
(Panthéon/Universal) ***
En concert du 4 au 14 janvier.
theatredepassy.fr.
JUERGEN TELLER
en caoutchouc aux pieds. Moment
de douceur devant le portrait de la
chanteuse Björk se baignant avec
son fils, ou celui de la réalisatrice
Agnès Varda câlinant son chat. Puis
une vidéo grotesque et radicale de la
performance de Juergen Teller cou-
rant dans la neige dans une région
du cercle arctique, vêtu uniquement
d’un bonnet et d’un slip, le corps
rougi par la température polaire.
Une expérience unique. g
STÉPHANIE BELPÊCHE
Juergen Teller, I Need to Live.
grandpalais.fr. Jusqu’au 9 janvier.
 42 LE JOURNAL DU DIMANCHE DIMANCHE 31 DÉCEMBRE 2023

Plaisirs Théâtre/Rencontre

François Sarkozy
« MA FAMILLE
EST COMPOSÉE DE
PERSONNAGES »
BIEN-ÊTRE Médecin, entrepreneur, amateur et collectionneur
d’art... Sa trajectoire est tout sauf uniforme. L’homme, engagé pour défendre
la santé à tout prix, bouillonne sans cesse d’idées et de projets.
Avec l’écriture de « Vieillir heureux, c’est possible »*, lui, le discret
Après la défaite de Waterloo, de la famille, dévoile un peu de sa personnalité en livrant des conseils
NG COMPAGNIE

Napoléon s’entretient pour entretenir son capital jeunesse.

avec Fouché, son ministre
de la Police.

DIALOGUES
Mon meilleur souvenir d’enfance
avec mes frères
Les vacances à la campagne
lorsque nous emmenions notre
POUR L’HISTOIRE poule sur le toit de la traction-
avant de notre grand-père.
Une famille qui n’avait rien
DESTIN Nathalie Ganem met en lumière de conventionnel.
le rendez-vous manqué de Napoléon avec Mon rituel du dimanche
Messe, lecture et dîner léger.
le peuple français Le principal trait de mon caractère
La curiosité, une des clés pour
bien vieillir, et la persévérance.
Rendez-vous à l’Élysée iii Ce que mon père m’a appris
Le goût de l’art et du beau.
Amateurs de pyrotechnie et de scènes aussi vastes qu’un terrain La plus grande qualité chez

JEAN-CHRISTOPHE MARMARA/LE FIGARO

de football, mauvaise adresse. Le Nesle, entre Seine et Odéon, est un médecin
un théâtre de poche où les comédiens évoluent à proximité des L’empathie et le bon sens.
spectateurs, disposition idéale pour entendre les répliques ciselées La réforme de la santé
dans le plus élégant des français par Nathalie Ganem. L’art du dialogue que j’estime indispensable
ne souffre pas la médiocrité, surtout quand les duellistes du verbe Un véritable virage vers la
se nomment Napoléon et Joseph Fouché, moins encore quand ils prévention.
s’affrontent à l’Élysée au lendemain du désastre de Waterloo : « Il Mon principal défaut
eût été préférable, Majesté, de ne point vous séparer de votre armée ; L’impatience et une tendance
c’était elle qui faisait votre force, votre sûreté. » au perfectionnisme. Mais avec
Tout est dit dans cette l’âge, je pense m’améliorer petit
entrée en matière du nou- à petit… Je peux faire encore LE PORTRAIT EN QUESTIONS
Napoléon croit veau rapport de force entre mieux !
le monarque et son ministre La question que je n’ai pas envie
encore en son de la Police. Le premier croit qu’on me pose
étoile, Fouché encore en son étoile, persuadé « Êtes-vous le frère de ? », même l’amélioration de la santé Le pardon est essentiel pour aller
qu’il peut une nouvelle fois si je suis fier de ma sœur et de publique. de l’avant. La rancune entraîne
en la diplomatie renverser le destin comme mes trois frères. Ma lecture du moment : l’aigreur et c’est à soi que l’on fait
on vide un adversaire de Ce que je pense du monde politique Le Temps des combats, du mal. Maintenant, il est vrai
ses étriers sur le champ de Affreusement violent alors que de mon frère Nicolas. que je supporte difficilement
bataille, le second sait que la guerre doit céder à la diplomatie, le les hommes et les femmes qui Le mot que je préfère l’injustice et la méchanceté.
panache des combats de la dernière chance aux arrangements avec y évoluent donnent beaucoup Espoir et quand mes enfants Ce que j’aimerais transmettre
les ennemis jurés. Langue de velours dans une rhétorique de fer, le duc d’eux-mêmes afin d’œuvrer pour m’appellent « Papa ». à mes enfants
d’Otrante (magistralement campé par Jean-Charles Garcia) amène le bien collectif. Ce que je déteste par-dessus tout L’amour de la vie et des autres, la
lentement l’empereur à ses vues, l’insolence affleure sous ses propos, Ce que j’ai ressenti lorsque mon frère La méchanceté, le dogmatisme, foi qui rend l’existence tellement
la menace au besoin : « Si Sa Majesté veut tenter un autre 18 Brumaire, Nicolas a été élu président l’intolérance, la paresse et la plus légère, et l’énergie qui, je
elle doit savoir que cette fois-ci, le ministre de la Police ne laissera pas de la République discrimination « anti-vieux » qui crois, est un trait familial.
faire. » Mais trouve à qui parler en Hortense de Beauharnais, soutien Une immense fierté et beaucoup sévit de plus en plus dans notre Un secret que je n’ose pas avouer
indéfectible de son beau-frère et admiratrice enthousiaste de la geste d’émotion en pensant à notre société et dont on ne parle pas. Je suis quelque peu agoraphobe :
napoléonienne. Fouché est renvoyé à ses basses œuvres : « Il ne faut grand-père qui nous emmenait Le secret pour bien vieillir je n’aime pas les mouvements
jamais faire confiance à un ministre de la Police qui, un jour, fouille voir les défilés sur les S’il n’en fallait qu’un : bouger ! de foule et les meutes, au sens
dans votre portefeuille, et l’autre dans votre lit. » Pas de quoi émouvoir Champs-Élysées. Physiquement et mentalement. propre comme au figuré.
un homme dont la devise tient dans cette phrase : « Un ministre de la Écrire un livre c’est pour moi… Sans oublier de faire attention à Ma madeleine de Proust
Police est quelqu’un qui s’occupe d’abord de ce qui le regarde et ensuite Un défi ! son alimentation et de dormir. L’odeur du feu de bois lorsque
de ce qui ne le regarde pas. » On jurerait qu’elle n’est pas tombée dans Le patient dont je me souviendrai Le don que je voudrais avoir je restais avec mon grand-père
l’oreille d’un sourd. toute ma vie Être polyglotte. devant un feu de cheminée.
La dernière partie de Rendez-vous à l’Élysée est la plus passionnante, Nathalie, qui avait une leucémie : Comment j’aimerais mourir La citation qui me définit
dans la mesure où les deux hommes brassent dans leur conversation j’étais externe à l’hôpital Saint- Serein, sans crainte, autant « Aide-toi, le ciel t’aidera. »
les événements du quart de siècle le plus tumultueux de l’histoire de Louis, j’avais 22 ans, et c’est sans que possible sans douleur Le conseil que je donnerais
France. Fouché s’efforce de dégager sa responsabilité dans les excès de aucun doute cette petite fille qui et en ayant toujours mes à un jeune médecin
la Révolution, son contradicteur fait de lui le portrait du bourreau par a déclenché ma vocation capacités intellectuelles. Avec le Persévérez même si les études
excellence, « l’expression du crime ». Et donne à ce testament politique de pédiatre. sentiment que j’ai fait ce que j’ai sont parfois rébarbatives et les
des allures pamphlétaires : « J’ai été témoin des journées révolutionnaires Un tableau qui me fait rêver pu avec ce qui m’a été donné. conditions d’exercice difficiles, le
de 1792 et je garde en mémoire ces foules déchaînées, le spectacle de la vio- Les Ménines repeintes par Le rêve que je n’ai pas pu réaliser métier est merveilleux. Osez, si
lence et de la haine, ces têtes portées en haut des piques. Quels atroces gens Picasso au musée de Barcelone. Piloter un avion. vous en avez la curiosité et l’envie,
que ces hommes de la Révolution ! » Une heure et vingt minutes passent Je peux rester très longtemps La faute qui m’inspire vous aventurer vers d’autres
comme un souffle sans que jamais l’attention ne faiblisse pour une joute devant ce tableau. le plus d’indulgence modes d’exercice du métier qui
dont l’issue est pourtant connue de tous, pour une leçon d’histoire dont Un ou deux mots pour définir La gourmandise, qui me semble peuvent aussi contribuer à la
la qualité d’expression le dispute à l’efficace pédagogie. g ma famille un reflet d’un certain appétit de santé publique. g
Originale, composée la vie.
ÉRIC NAULLEAU de personnages. Un moment juste pour moi PROPOS RECUEILLIS
Ce que j’ai toujours voulu être Le sport, la prière et la lecture. PAR LORRAINE WILLEMS
Au théâtre de Nesle (Paris, 6e). Les vendredi et samedi jusqu’au 20 janvier. 1 h 20. Un médecin contribuant à Ce que je ne pardonnerai jamais *Éditions Leduc
 DIMANCHE 31 DÉCEMBRE 2023
1
JOHANN ISBERG/WEST ICELAND
LE BIEN-ÊTRE
À L’ÉTAT BRUT
TELLURIQUE L’Islande est classée parmi
les pays les plus heureux au monde, et ce n’est pas
une coïncidence. Cap à l’ouest
de l’île pour un séjour ressourçant
Depuis la chambre de l’hôtel Búðir,
la vue porte sur les champs de lave
ponctués de mousse, la plus vieille
église en bois du pays et les eaux
de l’Atlantique Nord qui battent la
roche noire. Nous sommes à 2 h 30
de Reykjavik, la capitale, perdus sur
la péninsule du Snæfellsnes, à l’écart
des grands sites emblématiques du
Cercle d’or. Le volcan du même nom
se dresse à l’horizon, couronné de
neige, cheminée vers le centre de la
Terre pour Otto Lidenbrock et son
neveu Axel dans le fameux roman de
Jules Verne. Contempler ce paysage
dépouillé et pourtant si majestueux
nous plonge déjà dans un état quasi
méditatif, et l’on comprend pourquoi
le célèbre romancier fait débuter son
livre dans ce lieu réputé pour son
énergie et son magnétisme.
Oublier les sites « incontour-
nables » et ne pas se tenir à un
programme précis autorise à ouvrir
toute son intention à la singularité de
l’Islande. Direction le parc national
du Snæfellsnes, où les randonnées
et les itinéraires à VTT ne manquent
PRATIQUE
Dormir dans l’ouest
de l’Islande :
Hôtel Húsafell et Hôtel
Búðir à partir
de 250 euros/
220 euros la nuit.
La période la plus propice
se situe entre mai
et septembre,
lorsque les températures
sont agréables et
les jours plus longs.
Office de tourisme :
www.west.is/en
Plaisirs Tourisme
pas pour se reconnecter à la nature et
prendre du temps pour soi. Depuis
le sommet du cratère Soxhóll, on
contemple un paysage désolé et l’on
ressentirait presque les vibrations
et les grondements de cette terre
à la croisée de deux plaques tecto-
niques. À moins que ce soit le pas
lourd du géant Barður, protecteur
mythologique des lieux, tout droit
sorti des sagas islandaises… Un peu
plus loin, les pieds dans l’eau glacée
sur les plages de sable noir près de
Grundarfjörður, l’impressionnante
montagne Kirkjufell s’élance vers
le ciel. C’est l’emblème de l’ouest de
l’Islande, et l’endroit où l’on croise le
plus de monde, soit une vingtaine de
personnes tout au plus à l’intersaison.
Le quotidien s’évapore dans les
grondements de la chute d’eau au
pied de la falaise, ou dans le vent
qui fouette le visage depuis le som-
met du phare d’Akranes, que son
dernier gardien prend plaisir à faire
visiter. Terre de lave et de lande,
ponctuée par de gigantesques cas-
cades qui transmettent l’énergie
WEST ICELAND
LE JOURNAL DU DIMANCHE
2 2
WEST ICELAND
VLADIMIR RIABININ/
tellurique, telle Bjarnafoss, qui
s’élance d’un précipice et que l’on
distingue pourtant à peine sur la
route derrière une jolie ferme per-
due, ou Hraunfossar, rapides infer-
nales formées par des centaines de
filets d’eau qui convergent vers un
torrent blanc d’écume. Face à une
telle nature, on se sent minuscule,
et pourtant si apaisé.
« Il n’y a pas de mauvaise météo,
seulement de mauvais vêtements »,
disent les Islandais qui, par tous les
temps, pratiquent le ski et l’esca-
lade sur glace, la pêche ou le kayak.
Nager dans les piscines publiques
toute l’année et faire des prome-
nades par temps glacial est aussi la
norme. Avec des paysages à couper
le souffle au fond de son jardin et
des bains thermaux réputés pour
leurs propriétés thérapeutiques,
on les comprend.
Installées au bord du Hval-
fjörður, le « fjord des baleines »,
les huit piscines d’eau thermale
du bain Hvammsvik Hot Springs,
tout récemment ouvert, offrent une
vue imprenable sur les montagnes
et l’Atlantique, le tout en plein air.
Le meilleur pour la santé ? Alterner
entre l’eau à près de 40° C et se jeter
dans l’océan – à peine 7° C en hiver.
Une situation de stress pour le corps
qui permet de s’entraîner à contrôler
sa respiration et à gérer son anxiété
au quotidien.
Les bains froids sont aussi répu-
tés pour améliorer la circulation et
renforcer le système immunitaire.
Un shot détox au gingembre et à l’as-
taxanthine, une algue antioxydante,
complète l’expérience. Encore plus
design, le bain Krauma, alimenté
par la source d’eau chaude la plus
puissante d’Europe baptisée Deil-
dartunguhver, à une température
de 100°C. Relaxante, détoxifiante et
réputée pour ses effets sur la peau,
on y plonge dans cinq bassins entre
37 et 41°C, entourés de vapeurs et
baignés d’une légère odeur de soufre.
De nuit, sous les aurores boréales
dansantes et les étoiles, on a l’im-
pression d’être descendu dans les
entrailles de la terre aux Húsafell
Canyon Baths. Des vestiaires rus-
tiques, deux bains chauds aménagés
entre les éboulements, l’eau vive et
glacée de la rivière… un moment
hors du temps et une pause bienve-
nue pour commencer ou poursuivre
le séjour du bon pied.
L’Islande est une
terre de glace, de
volcans ronflants,
et de légendes
C’est le sourire fantasque et
volubile de Hrafnhildur Gud-
mundsdóttir qui accueille les
visiteurs de la ferme de chevaux
islandais Sturlureykir, l’une des
plus vieilles fermes d’élevage
de l’île appartenant à la même
famille depuis plus de cent
cinquante ans. La propriétaire
s’occupe de ses 60 pensionnaires
avec amour et les présente aux
visiteurs avec encore plus de pas-
sion. En découvrant les chevaux
si bien peignés, tressés et visible-
ment heureux dans leur étable
chauffée toute l’année par la géo-
thermie, un sourire se dessine sur
les lèvres de tous. Ce n’est pas
pour rien que les chevaux sont
aujourd’hui utilisés en médecine
ou pour souder des équipes lors
de séminaires.
43
WEST ICELAND
1. Cascade
de Hraunfossar,
en-dessous du
glacier Langjökul.
2. Localité
de Borgarnes.
3. Chevaux
islandais de la ferme
Sturlureykir.
Les Vikings ont introduit pour la
première fois ces chevaux trapus
en Islande au Xe siècle, et depuis,
les Islandais protègent l’intégrité
de cette race unique au monde.
En 982, l’ancien parlement, l’Al-
thing, a adopté des lois, toujours
en vigueur, interdisant l’impor-
tation de tout autre cheval en
Islande. C’est que l’animal, par
rapport à ses congénères, connaît
naturellement deux allures sup-
plémentaires, le tölt et l’amble,
douces et agréables même pour
le néophyte. Comme la ferme
de Sturlureykir, de nombreuses
exploitations invitent les visiteurs
à parcourir la campagne en été et
organisent des randonnées sous le
soleil de minuit. Une manière de
plonger dans la nature islandaise
au rythme de sa monture et de ne
penser qu’au paysage qui défile.
Terre de légendes et de mys-
tères, l’Islande, ponctuée de vol-
cans ronflants, est l’un des lieux
où l’on ressent le plus l’énergie
terrestre. Parfait pour rechar-
ger ses batteries, surtout si l’on
se rapproche de la source et que
l’on s’enfonce sous la surface
de la terre. Creusée par le troll
Hallmundur ou formée par un
ruisseau de lave en fusion (à
vous de choisir votre version), la
grotte de Víðgelmir est un tun-
nel de lave de 1,5 kilomètre, dans
lequel on plonge dans le noir total.
Au fond, toutes lampes éteintes,
on ressent un isolement complet
des sens, presque un léger ver-
tige, seulement perturbé par les
gouttes d’eau qui ruissellent sur
les parois. Un moment hors du
monde, presque méditatif, comme
on en vit peu de nos jours. g
PIERRE GEY
44 LE JOURNAL DU DIMANCHE DIMANCHE 31 DÉCEMBRE 2023

PlaisirsMode
2 3

1
QUE RETENIR 5

DE L’ANNÉE 2023 ?

GETTY/KIRAN RIDLEY/KEVIN MAZUR/DAVE BENETT/TAYLOR HILL/BLOOMBERG FINANCE LP

BILAN Les tendances fortes et étonnantes,
la valse des directeurs artistiques et les filles les plus stylées
dont on va se souvenir
SOPHIE GACHET
6
Le « quiet luxury » lés multimarques. L’Américaine dans la série Downton Abbey, a été
de Gwyneth Paltrow n’a pas joué la facilité en gardant le maintes fois récompensée : deux
« Quiet luxury », c’est le mot qu’on a même look pour les 56 dates. Dans Oscars, trois Golden Globes et six
appris en 2023. Il était dans toutes chaque pays, elle arrivait habillée par Bafta. Son allure fait ressortir tout
les conversations des addicts au des créateurs différents : Balmain, le chic de la maison d’origine espa-
luxe qui fuient les logos criards. Alexander McQueen, Courrèges, gnole. L’année dernière, Jonathan
Comment le définir ? Il n’a rien Loewe, Coperni, Thierry Mugler, avait élu Anthony Hopkins, alors âgé
d’ostentatoire. Pour un vêtement, Balenciaga, Agent Provocateur, Rick de 84 ans, pour devenir l’égérie de
cela se voit à la qualité de la matière Owens, Elie Saab, Gucci, Givenchy, Loewe. En mode, on dit souvent qu’il
et la perfection de la coupe. Souvent, Emilio Pucci, Rabanne, Acne Stu- n’y a plus de saison, on pourra main-
les couleurs sont sobres. Le terme dios, Jacquemus, David Koma et tenant dire qu’il n’y a plus d’âge !
a été rendu célèbre par Gwyneth même Diesel, elle a été une fashion
Paltrow lors de son procès, en mars week à elle toute seule ! Avec ses Une pop star chez Vuitton
dernier (elle était accusée d’avoir concerts, Queen B a démodé toutes Beyoncé, Jay-Z, Rihanna et Zen-
blessé un homme lors d’un accident les autres chanteuses griffées. Sauf daya, le premier rang du premier
de ski en 2016). L’actrice américaine, peut-être Taylor Swift qui maîtrise défilé de Pharrell Williams, nou-
fondatrice de la marque Goop, a aussi les tournées stylées. veau directeur artistique de Louis 1. Robe Dolce & Gabbana.
compris qu’il fallait la jouer profil Vuitton, avait des airs de festival. 2 et 6. Show Louis Vuitton
bas devant les juges : elle a multiplié Octogénaire modèle Avec de telles célébrités réunies pas toujours aisé. Cette année, les sur le Pont-Neuf.
les looks très discrets, sans aucun Est-ce audacieux de choisir une sur le Pont-Neuf à Paris le 20 juin départs ont été nombreux. Après 3. Beyoncé pendant
sigle, des pièces signées The Row, femme du troisième âge pour jouer dernier, ce show a forcément fait une saison, Ludovic de Saint Sernin a le Renaissance World Tour.
Prada, Proenza Schouler ou encore les mannequins ? C’est en tout cas le buzz. D’autant que Pharrell avait quitté la maison Ann Demeulemees- 4. Sarah Burton enlace
la griffe G. Label by Goop. Au final, la décision de Jonathan Anderson, mis le paquet côté bande son avec ter. Charles de Vilmorin sera resté Anna Wintour, lors du dernier
Gwyneth a gagné au tribunal et a directeur artistique de Loewe, qui a des chanteurs en live. À noter : les deux ans chez Rochas, Matthew défilé Alexander McQueen.
réussi à devenir une référence en désigné Maggie Smith, 89 ans, pour sacs Speedy hauts en couleur ne Williamson trois ans chez Givenchy, 5. Deepika Padukone.
matière de « quiet luxury ». être l’image de sa campagne qui sor- se contenteront certainement pas tout comme Gabriela Hearst chez
tira au printemps-été 2024. Cette d’être au bras des hommes. Rihanna Chloé. Plus endurante, Sarah Burton rente (vue chez Dolce & Gabbana)
Le défilé mode de Beyoncé grande actrice britannique, connue a déjà le sien. a tenu vingt-six ans chez Alexander est aussi une tendance qui perce
Plus qu’une tournée pour célébrer pour son rôle du professeur McGo- McQueen avant de s’en aller en sep- malgré le côté provocant qui ne colle
son septième album, le Renaissance nagall dans la saga Harry Potter et Overdose de rose tembre, Jeremy Scott dix ans chez pas à tous les dress codes.
Tour de Beyoncé a fait office de défi- celui de la comtesse Violet Crawley Barbie est l’un des blockbusters de Moschino, et Tom Ford se retire de
l’année 2023. Ce film a passionné les sa marque créée il y a vingt ans pour Le retour de Phoebe Philo
foules et mis de la joie sur les tapis se consacrer à d’autres projets. Les Elle était attendue comme le Messie.
rouges. À commencer par ceux où chasseurs de têtes ont du pain sur Depuis son départ de la direction
LE TOP 8 DES FILLES LES PLUS STYLÉES EN 2023 se trouvait Margot Robbie, l’actrice la planche pour 2024 ! artistique de Céline en 2017, Phoebe
principale, qui a gardé le même Philo s’était faite discrète. On
Mettre le paquet sur tapis rouge, c’est le talent de ces VIPs. code couleur pour toutes les avant- Tendance culottée savait qu’elle mijotait une marque
La plus flamboyante : Cara Delevingne en Elie Saab premières. Rose bonbon ou rose Sur les podiums, quand on voit une éponyme soutenue par le groupe
haute couture et bijoux Bulgari bubble-gum, cette couleur vive et fille en culotte, on se dit que c’est LVMH. Le 30 octobre dernier, elle a
La plus solaire : Yara Shahidi en Dior positive a redonné du peps à une bien pour diriger les flashs sur une ouvert sa boutique en ligne. Coupes
La plus brillante : Amal Clooney en Atelier Versace et bijoux Cartier période un peu morose. La teinte collection. En 2023, cette tendance acérées, proportions originales, sacs
La plus star : Deepika Padukone en Louis Vuitton et bijoux Cartier a déteint sur les spectatrices qui « sans jupe, sans pantalon » est deve- épurés, des pièces dans le plus pur
La plus minimale : Kate Middleton en manteau Chris Kerr, pull Kiltane, venaient aux séances vêtues de rose. nue virale, même sur tapis rouge. style de Phoebe qui ont déchaîné
pantalon Holland Cooper, sac Strathberry et escarpins Gianvito Rossi Il en faut peu pour être heureuse… Emma Corrin, qui joue Lady Diana les foules. Les ruptures de stock
La plus moderne : Kasia Smutniak en Valentino dans la série The Crown, est même ont été immédiates. Pour l’instant,
La plus glam : Carla Bruni en Valentino et bijoux Chopard Les créateurs ont valsé sortie plusieurs fois en sous-vête- la créatrice se contente de lancer
La plus sexy chic : Philippine Leroy-Beaulieu en Saint Laurent Trouver le créateur qui saura le ments pour des événements. Plus des mini-capsules sur www.phoe-
et bijoux Boucheron mieux faire perdurer la griffe n’est sage, enfin presque, la robe transpa- bephilo.com. À suivre. g
 DIMANCHE 31 DÉCEMBRE 2023 LE JOURNAL DU DIMANCHE 45

Plaisirs Gastronomie

PLEINS FEUX SUR MIMOSA

DR
LA RECETTE
DES FRÈRES POURCEL
Ils reviennent pour fêter cette
nouvelle année avec un chapon
version contemporaine :
farci, mais seulement les suprêmes,
Haut de dix mètres, ce qui allège la recette
le plafond
du restaurant
a été travaillé RECETTE FACILE
par l’architecte POUR 4 PERSONNES
d’intérieur Dorothée Temps de préparation : 30 minutes
Delaye comme une Temps de cuisson : 33 minutes
coque de bateau Attention : le chapon se cuit la veille
retournée.
Ingrédients : 2 suprêmes de chapon fermier,
2 dl de jus de poulet, 10 g de brisures de truffes
Pour la farce : 80 g de châtaignes confites,
1 échalote ciselée, 20 g de poitrine de lard
fumé en petits dés, 50 g de brunoise de vert
de courgettes, 50 g de crème liquide, 15 g de
feuilles d’épinards blanchies, 20 g de pain de
mie haché, 1 jaune d’œuf, huile d’olive, sel.
Pour la garniture : 3 pommes de terre Agria,

ADRIEN OZOUF
50 g de beurre clarifié, 1 demi-potimarron,
sel, sucre.

SOLAIRE Voilà deux ans
que la table de Jean-François
Piège s’est imposée dans
la cour de l’hôtel de la Marine
Avec dix mètres de hauteur sous plafond,
cet espace exceptionnel s’ouvre sur la cour
grâce à de gigantesques baies vitrées qui
laissent entrer la lumière. Cette table que
l’on adore, de Jean-François Piège pour le
Moma Group, apporte un peu de soleil et
l’esprit Riviera place de la Concorde. On
Rappelons que la proposition sur la carte
des œufs mimosa est spectaculaire, variée
et généreuse : traditionnels, aux anchois
de Collioure, à la poutargue, aux œufs de
saumon et raifort. On peut se croire ici à
Capri ou à San Remo, devant une table
éclairée par des luminaires qui semblent
diffuser des rayons du soleil. Dans l’assiette,
la simplicité avant tout : des œufs mimosa,
des hors-d’œuvre à partager (pissaladière,
salades, terrines ou thon rouge mariné),
des poissons et viandes cuits au gril, une
spécialité chère au chef Jean-François
Piège : filet de loup (44 euros), langous-
tines sous le gril sauce vierge (72 euros),
ment interprétée, des produits parfaits
de fraîcheur, un chef dont l’estampille
garantit l’excellence : Mimosa nous trans-
porte dans le Sud, sur la Riviera, pour un
bonheur non dissimulé. Dans les nou-
veautés 2024, il sera proposé un brunch
pantagruélique le dimanche, à 110 euros,
comprenant seize plats en formule buffet
pour les entrées et les desserts, et un plat
chaud à choisir parmi cinq propositions.
Une courte carte est proposée au bar pour
se restaurer avant d’aller au théâtre ou
après, tout en écoutant de la musique. g
SUPRÊME DE CHAPON FARCI
ÉMILIE LAURIER AUX CHÂTAIGNES

DR
doit la transformation de ce lieu magni- estouffade d’agneau (27 euros) ou taglioni
fique, créé au XVIIIe siècle par l’architecte gratinées (32 euros). Les desserts : gâteau de Les prix à la carte : œufs mimosa entre 6 et 12 euros,
du roi Ange-Jacques Gabriel, à l’architecte crêpes (16 euros), agrumes givrés à partager hors-d’œuvre à partager entre 14 et 42 euros, Préparation : tailler des châtaignes en dés.
d’intérieur Dorothée Delaye. Cela remonte (48 euros) ou beignets chouchou caramel plats sous le gril à partager entre 24 et 72 euros, Suer l’échalote à l’huile d’olive, ajouter le
à deux semaines : Mimosa s’est rafraîchi glace vanille (12 euros). desserts entre 12 et 48 euros. lard, les verts de courgette, suer rapidement,
avec une nouvelle moquette, de nouveaux Une décoration solaire, des volumes Mimosa, hôtel de la Marine, 2 rue Royale 75008 Paris. verser la crème, réduire, débarrasser. Hors
rideaux et de nouvelles assises. de folie, une carte généreuse et superbe- Tél : 01 53 93 65 52. du feu, ajouter les châtaignes, les épinards
hachés, le pain de mie, le jaune d’œuf, assai-
sonner, refroidir.
Éplucher les pommes de terre, les laver,
les tailler en fines tranches à la mandoline,
ensuite les tailler avec un emporte-pièce rond.
ON LA FÊTE AUJOURD’HUI : ANGELINA A 120 ANS Dans une poêle antiadhésive chaude, ranger
les rouelles de pommes de terre en les che-
vauchant pour réaliser les rosaces, cuire à feu
Histoire doux au beurre clarifié, saler.
Nous sommes en 1903 et sous les « Le Tout-Paris Éplucher le potimarron, le tailler en deux,
arcades de la rue de Rivoli vient ensuite tailler des demi-lunes, déposer le
d’apparaître une petite boutique se doit d’y avoir tout en sauteuse, ajouter du beurre, une pin-
de friandises pour satisfaire tous cée de sucre et de sel, de l’eau à niveau, cuire
les gourmands en ce début de sa table pour un doucement jusqu’à évaporation du jus, puis
siècle. Paris vibre d’une efferves- chocolat chaud » caraméliser légèrement.
cence mondaine et le renommé
pâtissier autrichien Anton Rum- Cuisson du chapon : décoller avec un cou-
pelmayer décide d’ouvrir avec teau la peau des filets de chapon côté épais
son fils René un salon de thé au maison le Mont-Bisou : cette créa- du suprême jusqu’à l’extrémité. À l’aide d’une
226 rue de Rivoli, qu’il nommera tion poétique est une meringue poche, glisser la farce à l’intérieur, rouler le filet
plus tard « Angelina ». Immé- craquante, enrichie d’une mousse farci dans du papier film, attacher les extrémi-
diatement, on s’y précipite. Du framboise-rose, et les embléma- tés. Cuire dans de l’eau frémissante pendant
monde des arts aux intellectuels, tiques vermicelles de crème de trente minutes environ, rafraîchir. Une heure
de Gabrielle Chanel à Marcel marrons, décorés de granulats de avant de servir, enlever le papier film, sécher
Proust, le Tout-Paris se doit d’y framboise. En décor sur la pâtisse- sur un papier absorbant les suprêmes, les rôtir
avoir sa table pour déguster un rie, Peggy a souhaité rendre hom- au beurre clarifié à feu doux.
chocolat chaud accompagné du mage au biscuit rose de Reims, sa Réduire le jus de poulet, ajouter une noix
fameux Mont-Blanc, un duo de ville natale, en ajoutant au gâteau de beurre et les truffes, mixer, assaisonner.
gourmandise emblématique. quelques éclats. Aujourd’hui, plus Tailler les suprêmes avant de servir.
Pour fêter cet anniversaire de trente adresses en France et Disposer sur chaque assiette les galettes de
et réveiller le reste des étals, la à l’international font vibrer les pommes de terre, les potimarrons, le chapon,
journaliste Peggy Frey invente sa gourmands. g É. L. arroser de jus, ajouter selon son envie quelques
madeleine de Proust en imagi- pousses d’herbes, des lamelles de truffe, des
graines de courge caramélisées. g
DR

nant avec le chef pâtissier de la Angelina, 226 rue de Rivoli, 75001 Paris.
46
• MOTS CROISÉS JEAN-PAUL VUILLAUME jpvuillaume@sfr.fr
HORIZONTALEMENT
1. Juge et condamne. - 2. Mit en exposi-
tion dans une grande surface. Conseil
de discipline. Reconnaissance de pro-
priété. - 3. Entre dans la composition
de l'air. Ont reçu un coup de fil. Point
de relâche. - 4. Présentés dans un cata-
logue. Prépare des soufflés et des babas.
- 5. Une bonne flambée. Plus que parfait
conjugué au futur. On néglige ce qui s'y
passe. - 6. Un coup que peut donner la
guigne. Regarde dans le rétro. - 7. Faire
une scène à la scène. Gracieux sans in-
térêt. Peut être vu chez les Grecs. - 8.
S'entend pour donner du souffle. Abrita
un premier amour. Préparé au métier.
- 9. Précède tout ce qui est sans précé-
dent. Inscription en lettres classiques.
Film surréaliste. - 10. Caisse noire dans
laquelle on peut toujours taper. Vic-
times de rongeurs. - 11. Entraîne une
diminution de l'essence. Il a de fidèles
lecteurs. Lettres pour un père. - 12. Re-
connaissance de propriété. Il s'immisce
dans la revue. Passé à un régime plus
dur. - 13. Chanter fort. Travaille pour
obtenir une rallonge. - 14. Glace en toute
saison. Résulte d'un calcul mental. - 15.
Ont donné du travail pour obtenir du
galon. Femme qui laisse froid.
Solution la semaine prochaine
• MOTS CROISÉS • MOTS FLÉCHÉS
Solution
du numéro 4015
HORIZONTALEMENT
1. Anticonformisme.
2. Paréo. Oriel. Éon.
3. Piu. Truite. Omit.
4. Anémiées. Lapine.
5. Lest. Boule. Ès.
6. Velléités. Épia.
7. Ruée. Nièces. Tua.
8. Ir. Sain. Amère.
9. Son. Vêture. Aria.
10. Ananas. Récent.
11. Espar. Médite. Co.
12. Mû. Séparé. Repli.
13. Écosser. Faiseur.
14. Névé. Praire. Öre.
15. Tressées. Crânes.
VERTICALEMENT
1. Appauvrissement.
• SUDOKU
2. Nain. Euro. Sucer.
3. Truelle. NAP. Ove.
4. Ie. Mêlés. Nasses.
5. Cotise. Avares.
6. Rétinien. Pépé.
7. Noue. Tintamarre.
8. Frisbee. User. As.
9. Oit. Oscar. Défi.
10. Réélu. Émeri. Arc.
11. Ml. Alèse. Étrier.
12. OPEP. Racées.
13. Semi. Itère. Péon.
14. Moineau. Inclure.
15. Entes. Aratoires.
LE JOURNAL DU DIMANCHE DIMANCHE 31 DÉCEMBRE 2023
Plaisirs Jeux
• MOTS FLÉCHÉS DAVID MAGNANI magnanid@sfr.fr
VERTICALEMENT
1. Sensation éprouvée après une
douche. - 2. Fabrique de crème an-
glaise. Elle a Louviers sur sa route.
Toucher les droits du citoyen. - 3. Le
genre d'action qu'on a sans mal. On ne
le comprend plus. Salutation d'entrée
de jeux. - 4. Représente une distance
astronomique. Écrasé sous la calandre.
Primates au bras long. - 5. Font par-
tie des effets de la grève. Infirme ou
malade. - 6. Équipement pour la cam-
pagne. Il sort toujours avec son cha-
peau. - 7. Source d'eau douce. Mélange
de son et de foin. - 8. Gros problème de
boulot. On sait où il puise son énergie.
Est avant est. - 9. Est ouverte mais pas à
la discussion. Le fou de la messe. Spé-
cialité norvégienne montée en neige.
- 10. Opposée à tout ce qui est coton.
Fortes précipitations. Traverse Perpi-
gnan en courant. - 11. Représente un
tour. Prendre la mesure du vide. C'est
tout ce qui reste. - 12. Vedette d'une
attraction. L'acte d'un fou. - 13. Arrive
à l'Eure en Normandie. Fait au pin-
ceau. Il s'est passé quelque chose. - 14.
Conducteurs de poids lourds. Genres
de poireaux. - 15. Portent un écusson.
Trompe agréablement l'attente.
Solution • SUDOKU moyen • ÉPHÉMÉRIDE
Saint Sylvestre ( 335)
Sylvestre naît à Rome en 280. Il est élu pape en 314,
un an après l’édit de Milan qui autorise la pratique
de la religion chrétienne, mettant fin aux persécutions.
Très lié à l’empereur Constantin qu’il a baptisé, il parvient
difficilement à échapper à son autorité protectrice.
Sous son pontificat, l’Église se développe et s’organise.
Les premiers conciles se réunissent, à Arles (314)
et à Nicée (325), et commence la construction de plusieurs
basiliques romaines parmi lesquelles Saint-Jean-
de-Latran, Saint-Paul-hors-les-Murs et Saint-Pierre. g
Solution
Directeur de la rédaction No de commission paritaire 0425 C 86 368. Papier provenant majoritairement de France,
RELATIONS
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DIMANCHE 31 DÉCEMBRE 2023
DE
LA CHRONIQUE
2024, année chimérique
Dans ses vœux,
notre chroniqueur prend la place
du président de la République
pour nous souhaiter un monde
meilleur pour l’an neuf
CNEWS/AUGUSTIN DÉTIENNE
LE JOURNAL DU DIMANCHE
Plaisirs
Pascal Praud
M
es chers compatriotes, l’an-
née qui s’achève fut pire que
la précédente. Mais soyez-en
certains, elle restera meilleure
que celle qui vient.
Emmanuel Macron ne pro-
noncera pas ces paroles à 20 heures. Il espérera
un monde meilleur. Jouons-le jeu. Entre I have a
dream de Martin Luther King, Imagine de John
Lennon et la liste au Père Noël.
Commençons par l’international. En 2024, le
Hamas sera anéanti. Les bombardements cesse-
ront à Gaza. Un accord de paix sera trouvé. Ben-
jamin Netanyahou sera destitué. Dans le même
temps, Vladimir Poutine retirera ses troupes de la
Crimée et du Donbass. Donald Trump ne sera
pas élu. Rien que ça, c’est déjà pas mal, non ?
Continuons. Xi Jinping renoncera à Taïwan
et prouvera sa bonne foi en laissant le Tibet
tranquille. À la surprise générale, les mollahs
iraniens donneront la liberté aux Iraniennes.
I have a dream. Je vous avais prévenus.
En France, Emmanuel Macron exaucera une
promesse : le plein-emploi. Tant mieux ! Je
finissais par me demander si son « quoi
qu’il en coûte » ne ressemblait pas à la
pyramide de Ponzi. Chez Madoff, on
payait les dividendes avec les nou-
veaux entrants. Avec le « quoi qu’il
en coûte », c’est le futur qu’on attaque
avec les emprunts du présent. L’État
donne tout, les impôts baissent, la
dette augmente. Heureusement,
le plein-emploi et la croissance
financeront les trous. On a le
droit de rêver.
Le président de la Répu-
blique quittera Paul
Ricœur pour envoyer à
chaque parlementaire et
membre de son gouverne-
ment les pensées de Frédé-
ric Bastiat, homme politique né
à Bayonne en 1801 et mort à Rome
en 1850. « Il y a trop de grands hommes
dans le monde ; il y a trop de conducteurs de
peuples, pères des nations, etc. Trop de gens se
placent au-dessus de l’humanité pour la régen-
ter », écrivait Bastiat il y a deux siècles.
Une année libérale
Moins il y a d’État, mieux ça marche ! Ainsi est
résumée la doctrine de Bastiat. L’État assure la
justice et la sécurité. L’État laisse les individus
se débrouiller tout seuls : « Veiller à la sécurité
publique, administrer le domaine commun, per-
cevoir les contributions, tel est, je crois, le cercle
rationnel dans lequel doivent
être circonscrites ou ramenées
les attributions gouverne-
mentales. » Adieu l’énarchie ! Qu’est-ce
Adieu les petits hommes gris ! que tu fais
Adieu lois, décrets, arrêtés,
règlements, etc., par wagons. le 31 ? Il existe
Bastiat est très lu aux États- une pression
Unis. Il développe, vous
l’aurez compris, une pensée sociale à sortir
libérale. Horreur ! Malheur ! ce soir-là.
Libéral, libéralisme sont des
gros mots. Je maintiens son
diagnostic : moins l’État s’en
mêle et mieux vont les affaires. L’État est obèse ;
il est aussi impuissant.
En France toujours, puisque nous sommes dans
les vœux pieux, une crèche vivante sera instal-
lée à Nantes, place Royale, dès le 1er décembre.
Les écologistes mangeront du foie gras. Le Tour
de France arrivera à Lyon. À Bordeaux, mon-
sieur Hurmic inaugurera le Jardin des sapins
qui enverra la place des Quinconces ad patres.
La gauche française entendra le vent du Nord.
Au Danemark, les socialistes appliquent un délai
de six ans avant que les étrangers venus sur leur sol
pour travailler touchent des prestations sociales.
47
Vive la NUPREMT ?
La gauche française, parlons-en. Tous ses idéaux
se sont effondrés depuis 1981. L’éducation, la jus-
tice, SOS Racisme, etc. Il y a longtemps que le droit
d’ingérence théorisé par Bernard Kouchner est
aux oubliettes de l’histoire. Oui, tous les piliers du
socialisme à la française sont tombés les uns après
les autres. Longtemps, la gauche a seriné que le
niveau montait à l’école avant que les classements
PISA prouvent le contraire. La gauche a confondu
l’égalité des chances avec l’égalité de résultats. Que
reste-t-il aujourd’hui de cette gauche sinon les pères
la morale et les dames patronnesses qui nous ont
cassé les oreilles en 2023 ? Fais pas ci, fais pas ça.
Dis ceci, ne dis pas ça. Entendez les lilliputiens
de la pensée, Olivier Faure, Boris Vallaud, Anne
Hidalgo, derniers avatars d’un Parti socialiste perdu,
et comprenez pourquoi les ouvriers, les employés,
les électeurs historiques votent ailleurs.
Ne parlons pas de François Hollande, rongé par
l’aigreur, tenaillé par la revanche, obsédé par Emma-
nuel Macron. Son ancien protégé l’a roulé dans la
farine. L’élève a dépassé le maître. Il ne s’en remet pas.
Eh bien, figurez-vous qu’avec l’an neuf, Olivier,
Boris et Anne n’avanceront plus la morale au bord
des lèvres, l’anathème comme discours et le Rassem-
blement national comme ennemi. Je me demande
ce qu’ils vont bien pouvoir raconter.
À droite, une alliance est envisagée entre macro-
nistes darmanistes, lepénistes wauquierziens et
zémouristes non zémouristes. La Nouvelle union
populaire de la République du « en même temps »,
la NUPREMT. À suivre.
Jean-Luc Mélenchon ne déclenchera aucune
révolution. C’est heureux. Les révolutions installent
des tyrans et les révolutionnaires des tyrannies.
Lénine, Mao, Khomeiny, Castro, etc. La Terreur
sous Mélenchon n’est pas pour demain.
Enfin, en 2024, il se produira un événement inat-
tendu. Sandrine Rousseau aura de l’humour. L’effet
touchera aussi Marine Tondelier et Sophie Binet.
Elles joueront ensemble Les Femmes savantes. Ayme-
ric Caron sera un parfait Trissotin.
Mes 31 décembre
« Qu’est-ce que tu fais le 31 ? » Il existe une pression
sociale à sortir le 31. Si personne ne vous invite ce
soir-là, c’est que vous avez raté votre vie. Je n’ai
jamais tenu de journal intime. Je suis trop pares-
seux. C’est dommage. J’irais y lire où j’étais ces
soirs de fête quand l’année change. Si je feuillette
ceux qui ont publié leurs états d’âme au fil des
jours, François Mauriac, Paul Léautaud, Françoise
Giroud et tant d’autres, je file directement à la
page 24 décembre ou 31 décembre.
Je me souviens de mon premier 31. Je veux dire
celui sans les parents ou les grands-parents. Noël est
une fête de famille, le Nouvel An
le rendez-vous des amis. J’avais
15 ans et la permission de minuit
comme Cendrillon. Au douzième
coup de l’horloge, mon 103 Peu-
geot orange se transformerait en
citrouille si je ne déguerpissais
pas de là où j’étais. J’expliquais à
mes parents que minuit et demi,
voire minuit quinze seraient judi-
cieux. « Minuit, c’est minuit », dit
mon père dans une de ses sorties
tautologiques qu’il empruntait
au général de Gaulle « La France,
c’est la France ! » J’ai quitté mes amis, j’imagine, vers
23 h 45. J’ai changé de décennie sur ma mobylette,
seul, dans le froid et sous la pluie.
Depuis, j’ai dû réveillonner plus d’une quarantaine
de fois. Célibataire, marié, démarié. Tout le monde a
la même histoire. À La Baule, à Nantes, à Deauville,
au Pyla, à Paris, à Rouen, à Milly. Jamais à l’étranger.
Plus le temps passe, moins on est nombreux. Plus le
temps passe, plus on se couche tôt. Ce soir, je serai avec
celle que j’aime. Nous nous dirons bonne année dans
ce monde de cinglés en espérant que « la Providence
veille sur la France » comme disait feu Valéry Giscard
d’Estaing, et accessoirement un peu sur nous. g