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Sens Dessus Dessous Subversion Des Codes Journalistiques Et Écriture Poétique Le Discours Néo-Zapatiste, ¡A Presse Et La Littérature
Sens Dessus Dessous Subversion Des Codes Journalistiques Et Écriture Poétique Le Discours Néo-Zapatiste, ¡A Presse Et La Littérature
Sens dessus dessous Subversion des codes journalistiques et écriture poétique Le discours néo-
zapatiste, la presse et la littérature
Author(s): Nathalie GALLAND
Source: Caravelle (1988-), No. 90, Journalisme et littérature en Amérique latine (Juin 2008),
pp. 165-190
Published by: Presses Universitaires du Mirail
Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40854405 .
Accessed: 15/06/2014 01:42
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Caravelle (1988-).
http://www.jstor.org
PAR
Nathaüe GALLAND
Université
de Toulouse-LeMirai/
3 L'un des leaders de l'EZLN, membrele plus prolixe et le plus médiatiquedu Comité
Indigena-ComandanäaGeneral
ClandestinoRevolucionario
4 In Documentos
y comunicadosdelEZLN, Vol. I, México, Era, 1994, p. 138-144.
5 GérardGenette,Seuils,Paris,Éditions du Seuil, 1987, p. 341.
7 Voir à cet égard Jacques Derrida, L¿z Dissémination,Paris, Éditions du Seuil, 1972,
p. 431-432.
8 Nous
empruntonsle termeà FrancisPonge, un objeu comme un « jeu de langagedont
et la
l'enjeu est la reconnaissancedu jeu du monde », in Michel Collot, Im poésiemoderne
structure Paris,
d'horizon, PUF/Ecriture,1989, p. 173.
Telegrama urgente
Para:la SociedadCivil
Nacionale Internacional.
De: Subcomandante Marcos,CCRI-CGdelEZLN.
Insurgente
Señora:
Salud,saludos,Stop.Reverenciasmuchas.Stop.Supremocon amnesia.
Stop. Acuerdosolvidados.Stop. Pretextosrenovados.Stop. Probable
más sangreindiapararefrescarmemoria. Stop.Urgesu presencia. Stop.
Posibledanzaintercontinental
ayude a recordar.
Stop.Grisespretenden
ganar.Stop.Urgearcoíris.Stop.Si haybailepido mano.Stop.Suspiro.
Stop.Después de usted.Stop.1, 2, 3. Stop.Suspiro.Vale. Stop.Salud.
Stopy fin23.
Stop.Que bailepintesuelo-cielo.
Dans la formemimétiquedu télégramme, le textetireson sens de la
fragmentation et de la scansion des « stops». La syncope du texte
rappelle la déchirure d'un réel ancré dans la violence, processus
ininterrompu,continuumde discontinuitésprédatricesque rienne semble
pouvoir enrayer.A la personnification de la société civile,destinataire
22 Communiqué du 16 février
1994,inEZLN I, op.cit.,
p. 154-155.
23 Fragment
du communiqué 1996,inEZLN III, op.cit.,
du 8 décembre p. 415.
Triqui
Tzeltal
Tzotzil
Wixaritari-huichol
Yaqui
Zapoteco
Zoque24
La résistance et la dignité des peuplesindienssemblent toutincarnés
danscetégrènement du mondeamérindien, véritablecolonne vertébrale
de l'EZLN et charpentetextuelledont la prosodieà la résonance
singulière et multiple, en somme,fondel'un.Le lecteursemblesoudain
placé face à un alphabetmagique, richede consonances, d'accentsqui se
et
déplacent qui, en se mouvant au gré de cette syntaxepurement
nominale, engagent non seulement une certainevisiondu mondemais
une intentionnalité politique: « l'effet » produit,
de totalisation ce « tout
indissociable »25 né du caractèrelacunairede l'énoncé nominal,
précisémentreconfigurel'image d'une société multiculturelle.
Comprenons : unmêmecriréunit icileshommes, indigènes, etle monde
entier des choses dans une équivalencerythmique, phonétique,
syntaxique de la liste,condensationdu même dans une prolixité-
promiscuité de l'autrequi se déploie.Il n'ya plus aucuneponctuation,
que l'isolement des motsdansle blancde la page.Vraieimagepeut-être,
vraietensionpourl'œilNoussommesici faceà un instantané tranchant
suruneproduction poétiqueplus discursiveet soumise à la temporalité ;
nous sommesfaceà la présence,à la totalité du mondeet du devenir,
faceà uneéternisation de l'instantde la résistance.
A ce déploiement d'unailleursformel, d'un sensdessusdessousqui
affecte la matière des textes,s'agrège, au niveaule pluspetit,depuiscet
abajode l'écriture, une pulvérisation multipledes codes typographiques,
projection de souffles, de cris notamment audiblescommeils sont
visiblesdansle choixdu corpsgrasdes lettres. Moinsque des mots,il
s'agitde véritables si
onomatopées, proches de ce que la poésienomme
jitanjáfora,dans la définition qu'en propose Alfonso Reyes26.Sortede
débâcle dans l'espacegraphique, cette épiphanie de l'encre opèrepour
que l'ajout,le surplus de la sensation affleure
ensevelie, :
Primero
yúnico:
¡¡UUYH
Es todo.27
Sous les yeuxdu lecteur,la dramaturgie typographique formebien
une pantomime, une gesticulationdu signifiant surla scènethéâtralisée
du texte,mimiquedestinéeà remplacercelle du corps absent de
l'énonciateur ironiste.Commedes secoussesagitant le texte, les sonorités
de l'onomatopéeviennenttourà tourfrapper le blanc de la page et
perturber Tordretranquille des caractères. Au servicede la fonction
émotivedu langage,l'exclamationexprimeen sus la participation
affective du locuteurà son énoncéet inviteau partagede l'émotion:
surprise,impact,impression charnellede l'humour...Véritableécho de
la résonancedes lettresen mêmetempsqu'elleest renvoidu
l'oralité,
son,estrenvoidu sens.L'amplification visuelles'effectue en échoau son
au à
émis, cri, l'expression verbale de l'émotion ; c'est une explosion
graphique. Cetteintervention dansl'écritde souffles sémantiques (coups
de vent,respiration, soupirs,émotion, é-motion), donneun signalvisuel
qui romptavec la linéarité graphiquepour lui donneren sommeune
épaisseur, sortirdes limitesattendues d'unetypographie ordinaire, placer
l'espaceplanairede la feuilleen extension, franchir des limites.Lieu
d'unedynamique, lespagesdu recueilsemblent ainsitraversées d'éclairs.
Avec cet usage emphatiqueponctueldes lettresd'imprimerie,
apparaissent des faisceauxde signesgouvernéspar le rythmequi
s'élaborent surle modedu provisoire, du transitoire, de l'éclaboussure,
du rebondissement. Le signe picturalest une trace qui s'établit
fugitivement sur le papier,qui sembleprêtà flamber, qui donne le
sentiment d'êtreentrépareffraction, éclatéen morphèmes et tracés; où
les axes de symétrie des lettresressortent soudaincommeune image
cachéedans la tramedu texte.Condensation du sensdans l'empreinte
graphique, double fond des mots, marquesd'oralitédans l'apocope
accidentelle,ces épreuvesmultiples de l'encresurla page,renouvelant
toujoursl'éprouvépar le regard,se livrentcommela premièredes
touchespoétiques, en appelantbiend'autres.
actoron thestage
As an umperfect
Whowithhisfearis putbesideshispart,
En el corazóntenía
la espinade unapasión.
Logréarrancármela undía,
yano sientoel corazón.
Agudaespinadorada,
quiéntevolviera a sentir
en el corazónclavada.. .
II
Anochesoñéque oía
a Dios gritándome¡alerta!
luegoeraDios quiendormía
yyogritaba ¡despierta!
29 Nous
employonsle termedans le sens que lui donne Paul Ricœur,« pour souligner
non seulementl'extérioritéspatiale de l'utopie (un autrelieu), mais aussi son extériorité
temporelle(un autretemps)», Du texteà l'action,Essais d'herméneutique
II, Paris,Éditions du
Seuil, 1986, p. 387.
La tnhune-émouvance
: émergenced'unepo-éthique
Éléments
pouruneconclusion
D 'abord,le lieu
Le traitementlittérairetransformele contenudoctrinaire etempirique
dans l'extension sensibledu poétique.Loin de se départir de l'action
insurrectionnelle, la pousse en avanten recolorant
l'écriture certaines
touchesdu réel,verscethorizond'avènement d'unmondenouveau.Le
réel comme élémentinstabledoublementdéstabilisépar l'écriture,
constitueen l'étatle détonateurdu poétique.En sus d'offrir unegrande
diversitéde thèmeset de tons,la prosepoétiqueopère surtoutet de
manièredécisiveun rapprochement de l'expérience concrète,la plus
quotidienne,la plus singulièrecaptée par l'écriturejournalistique.
Commeeffusion, le réelen évoquantcertains
ellefaittranspirer lieuxde
rebelleet certainstempsde l'existencedes êtres.Par un
l'ordinaire
mouvement capablede défaire les contours du réel,d'enrecomposer les
valeurssémantiques, l'écriture
poétiquetranscende la fragmentation par
le processusmêmedu déséquilibre etde la subversion.
D'autresfois,le poème revientà l'archétype, se condense,se fait
incisif,découpel'espacegraphiquedans la verticalité, se plantedans le
corpus commeune aiguille.Dit autrement, il faitnaîtrede ce chaos un
cosmos,quand le vers organisele rythme et les sons, restructure le
mondedansles mots.Ainsi,il meten crisel'idéologiedominante et ses
attributssymboliques ; il recomposeune imageriesymboliquedu
politiqueen mettant en exerguedes valeurs fondamentales sinon
décisivesdansla perception de l'avenir.La palpitation poétique favorise
l'émergence d'uncontre-pouvoir issud'uneautrelecture de l'Histoire.
Ensuite,le lien
En remettant en cause, depuis la tribuneconquise à la presse,
l'expériencecommune par l'expérimentation poétique,l'écriturenourrit
la perception, la réinvente comme structure d'horizonet faitde sa
matière, une « matière-émotion », « le versantaffectifd'une relationau
monde »31.Parce qu'elle est débordement, qu'elleprocèdepar tours,
détours, contours, retours, ellegénèreunedynamique qui enfledansson
voyageà la rencontrede l'autre.Cette dilatationpermetl'éveil de
l'éprouvé; elleajouteà la matière phoniqueet graphique du poèmeune
dimensionsentante gagnée dans l'expérience du monde : dès lors,le
textese faità la fois mode de connaissanceet principed'une co-
naissanceau monde.Il est l'espaced'une rencontre où l'é-motionfait
sortirde soi le sujetqui l'éprouve, modifieson rapportau réel,entérine
son débordement du dedansau-dehors, joue commeinterface entrele
mondeetl'êtregagnésparle sensdessusdessous.
Cetteémergence de l'émotionet le déplacement qu'ellesuscite,c'est
pournous l'émouvance, l'éprouvéet l'élandu cœurréunis: une tribune-
émouvance quandl'ébranlement des sensinduitla miseen mouvement de
la voixpoétique.Aussi,danscetespacepublicsusceptible de produire de
multiples échos, dans sa façon même de direet de se donner à voir,
l'écriturepoétiqueest-elleporteusedu lien.Dans une sociétémexicaine
où les différencessont agressivement exacerbées si l'entreprise
d'assimilationne les a arasées,la perspective poétiqueentendrestaurer le
sensde la relation. Le refusd'unlangageautarcique, repliésurlui-même
commel'idéologie surla doctrine, le désird'ouvrirle poèmeà unhorizon
qui le déborde,le déploiement du possiblecommenon-être-encore,
répondent au soucide ne pas rester prisonnierd'unelogiquede l'identité
et d'accueillirl'altérité.Dans cetteentreprise, les mots décrivent une
manièred'habiter le mondeet de vivreensemble, quanddéjà se dessine
31 Michel Collot,1mmatière
émotion
; op.cit.,p. 3.
32
Régine Robin, « Récit de vie, discours social et parole vraie», communication
présentée au Vo Colloque Internationald'histoireorale, Barcelone, 31 mars 1985, in
siècle,
Vingtième Volume 10, n°10, 1986, p. 105-106, 109.
Revued'Histoire,
à Mitviet