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Cours d’introduction aux arts – Séance d’introduction

Faire l’appel

Accueil des étudiants. Appel ?

Courte présentation : je m’appelle Marc Lozano. Je suis en première année de


doctorat à l’Université de Lille. Je travaille ici sous la direction d’Ariane
Martinez et ma recherche porte sur les Clowns en France et en Allemagne entre
1918 et 1945.

ALLUMER LE POWER POINT

Je vous laisse tout de suite mon adresse mail : marc.lozano@univ-lille.fr

Évitez de m’écrire abusivement. Elle n’est à utiliser que si vous avez des
questions au sujet du cours, au sujet des formalités administratives, etc.

Avant mon doctorat j’ai étudié à l’université en Allemagne et j’ai été habitué à
un système d’enseignement que j’aimerais mettre en place ici.

Règles de classe

1ère chose : Chaque cours de 2h sera organisé de la façon suivante : le cours


commence à 14h mais la porte reste ouverte jusqu’à 14h10. Je fais l’appel à ce
moment-là. Si vous arrivez après ça vous n’êtes plus autorisé.es à rentrer. Je
commence la séance à 14h15. Je vous laisse ces dix premières minutes pour ne
pas être constamment dérangé en début de cours. Sachez que je ne tolèrerai
aucun retard. Pour ma part, j’arriverai à 14h et ce temps pourra permettre à
celles et ceux qui le veulent de venir me poser des questions, ou de revenir sur
un point de la séance précédente resté obscur. Ensuite nous aurons 1h30 de
cours et à 15h45 vous serez libres. De la même manière, ces dernières 15
minutes pourront être utilisées pour revenir sur des points abordés pendant le
cours. Parfois, si nous manquons de temps, ce sera aussi un temps utilisé pour
finir un commentaire ou un exposé mais j’espère que nous n’aurons pas à
l’utiliser trop souvent.

Concernant la disposition des chaises : faire bien attention de remettre à la


fin de l’heure.

2ème chose : Dans l’enceinte de cette classe, les ordinateurs sont interdits.
Malheureusement j’ai l’impression que les tentations de se distraire sur Internet,
avec Facebook ou Zalando sont trop importantes. En fait l’écran d’ordinateur va
mettre en écran entre vous, entre vous et moi. J’espère aussi que cela vous
incitera à participer. On va simplement utiliser des feuilles et des stylos ou
crayons.
Étant donné que c’est la première séance, j’ai apporté un peu de papier pour
ceux qui n’en auraient pas. Malheureusement, comme vous le comprendrez, je
ne peux pas le faire à chaque fois.

Troisième et dernière chose : au sujet des absences. Comme vous allez le voir, le
travail demandé pour ce cours est assez important, et vous n’avez pas que ce
cours à suivre. Il faut donc absolument que vous soyez très organisé pour
gérer le rendu des copies dans le cadre de cours, les révisions de partiel et la
présence aux enseignements.

J’ai cru comprendre que vous aviez le droit à une absence au maximum dans ce
cours, et qu’à partir de la deuxième vous serez défaillant.es. Je ne fais pas de
différence entre absence justifiée et injustifiée, juste, soyez là.

Enfin, je me réserve la possibilité de mettre une note d’oral dans ce cours. Elle
fonctionnera de la façon suivante : en gros, si je retiens votre nom/prénom et que
je l’associe à votre tête à la fin des séances, c’est gagné. Et vous avez +1 ou +2
sur votre note finale. J’essaierai bien sûr de faire attention aux biais qui peuvent
se mêler à la question de la reconnaissance des visages. Sachez aussi que si vous
n’avez jamais participé, évidemment que je ne vous enlèverai pas de points.

Est-ce qu’il y a des questions ?

Il est important que vous preniez le réflexe de lever la main pour que je
m’interrompe si vous avez une question. On n’est pas obligé d’aller le plus
vite possible, ce n’est pas notre objectif.

Je vais maintenant vous distribuer un document qui va être un peu notre feuille
de route ce semestre.

Distribution du descriptif du cours

On va commencer par lire ensemble ce document

Est-ce que quelqu’un veut bien lire ?

MÉTHODOLOGIE
Compétences visées : réfléchir sur les sources de documentation du spectacle vivant
(notamment des arts dits ‘mineurs’ comme le cirque, où l’archive est le plus souvent,
manquante…) ; apprendre à se repérer dans l’étude de supports/médias artistiques différents ;
affiner l’exercice d’analyse d’œuvre.

Dans quelques instants je vais vous parler plus précisément de ce que j’entends
par archive ‘manquante’. L’objectif de ce cours pour moi, c’est d’abord qu’on
voit ensemble un certain nombre d’exemples artistiques, c’est-à-dire que chaque
séance soit consacrée à la découverte d’une ou plusieurs œuvres et qu’on
réfléchisse ensemble sur la manière dont les clowns y sont représentés. Ce cours
est d’abord fait pour vous ouvrir à d’autres formes artistiques, pour enrichir
votre bagage culturel. Pour éviter que vous ne fassiez que de la danse, histoire
de la danse, etc. À travers l’exemple des clowns, et des manières dont ils ont pu
être représentés, j’aimerais qu’on réfléchisse aux différences qu’il peut y avoir
dans la manière de figure, de représenter, de donner forme à, de créer une image
de clown : ça va pas être la même chose quand le moyen artistique c’est la
danse, quand c’est le théâtre, le texte, la peinture, le cinéma, ETC.

On continue :
Contenus de formation : Ce cours proposera une introduction à l’art du cirque au tournant
du XXème siècle en s’intéressant plus spécifiquement à la figure clownesque. Vedettes de
leur époque, les clowns occupent alors une place particulière au sein d’une société médiatique
en plein essor, caractérisée par l’invention de nouvelles technologies (photographie, cinéma,
radio). À partir d’une analyse de multiples ‘archives clownesques’ (textuelles,
photographiques, cinématographiques, picturales), ce cours cherchera donc à étudier la
dissémination de cette figure dans le panorama culturel européen (notamment en France et en
Allemagne) entre 1870 et 1945.

Je vais revenir dans un instant sur les questions plus précises d’histoire et
de méthode. En attendant, est-ce que vous avez des questions ?

Continuons : En dessous, vous avez un calendrier des spectacles, j’ai créé deux
catégories.
1/D’abord des spectacles clownesques : donc des spectacles avec des clowns ou
fait par des clowns.
2/Ensuite, je voulais juste vous informer de l’existence, au sein de l’université
d’une offre culturelle qui est à ma connaissance gratuite. Il ne s’agit de
suggestions, pas d’obligation évidemment. Mais je vous encourage fortement à y
aller, et en général, pendant votre formation à aller voir le plus possible de
pièces ou performances.
3/Je vous signale l’existence du Kino : un cinéma d’art et d’essai de 300 places
avec une programmation quotidienne. C’est génial.

PASSONS AU CALENDRIER DU COURS


Alors, aujourd’hui on est dans la séance d’introduction. On va aborder des
questions d’histoire et de méthodologie et à la fin du cours on va s’intéresser au
travail d’une danseuse allemande du début du XXème siècle, qui s’appelle
Valeska Gert.

Comme vous le voyez ensuite, chaque séance sera consacrée à la figure


clownesque dans une forme artistique différente. On va commencer par
s’interroger sur le clown en littérature, à partir de deux nouvelles, de Kafka et de
Marcel Aymé. Ensuite, on va passer du texte à la scène, en examinant une
clownesse cette fois, au tournant du siècle. Vous le remarquez j’ai essayé, le
plus possible de mêler la présence de cette figure en Allemagne et en France.
Ensuite, on va rester toujours sur la question du clown en scène, mais moins à
partir du texte, que de la mise en scène et du mouvement. Et c’est pourquoi on
va notamment s’intéresser à l’apparition du clown dans la danse des années
1920. Enfin, les deux dernières séances seront consacrées aux clowns dans la
peinture et le cinéma.
Pour chaque séance, je vous ai indiqué la référence des ouvrages que je
mobiliserai pendant l’analyse. J’ai préféré faire ça plutôt qu’une bibliographie
qui vous alourdirait un peu. Vous n’êtes pas obligé d’aller lire ces livres,
évidemment. C’est plutôt une liste faite pour déjà vous dire comment moi j’ai
travaillé. Et puis, si à un moment vous avez envie de creuser une question, pour
que vous ayez les outils pour le faire. J’aimerais que vous gardiez précieusement
ce document. Il vous sera peut-être utile dans deux ans, dans trois ans, plus tard
dans votre cursus.

Sachez que je prépare le cours chaque semaine avant de vous le donner, ce qui
veut aussi probablement dire qu’il va changer un peu, qu’il va s’ajuster au fur et
à mesure. Donc ne soyez pas complètement perdus si en fait, la séance sur le
cinéma on change un des deux films par exemple, ça va peut-être avoir lieu.

Des questions ?

Passons maintenant à l’évaluation :

Je vais vous demander de me rendre un écrit individuel (sous la forme


d’une analyse d’œuvre) sur un sujet libre, « La figure clownesque dans les
arts » (3 à 4 pages MAXIMUM). Et ça c’est important : vous devez étudier un
exemple que nous n’avons PAS abordé en cours. Rien ne vous empêchera
évidemment de faire des liens avec les questions qu’on voit en cours. Au
contraire d’ailleurs, ça peut être totalement bienvenu de faire un lien avec un
exemple vu en cours, ou alors d’utiliser les différentes pistes de problématisation
que je vous donne. En revanche, je ne veux pas que vous repreniez un exemple
que j’ai abordé en cours. FAIRE ATTENTION AUX BORNES.

Et alors, écoutez bien ça : Votre travail de recherche doit, avant rédaction, être
impérativement VALIDÉ. Et c’est moi qui vais valider ce projet de recherche.
Je vous demande donc de m’écrire un court mail au plus tard une semaine avant
votre rendu (le 31 octobre, donc, si vous me rendez votre devoir le 7
novembre), motivant votre choix et décrivant ce que vous avez prévu de faire,
en quelques lignes.

Donner exemple.

Alors, au niveau des dates : l’écrit, vous pouvez me le rendre au plus tard le 7
novembre, qui est aussi la date de la dernière séance. Cela dit, je sais pas s’il
s’agit du choix le plus stratégique pour vous. Je m’explique : en réalité, vous
pouvez me rendre autant d’écrits que vous le souhaitez au cours de ces 6
semaines. Si vous m’en rendez deux, je ne garderai que la meilleure des deux
notes. C’est pourquoi je vous conseille en fait de m’en rendre deux. Le problème
c’est qu’on n’a pas beaucoup de temps ensemble. Mais si vous choisissiez de me
rendre un devoir, pour la quatrième séance, par exemple, disons le 17 octobre,
vous auriez aussi le temps de recevoir juste avant les vacances de la toussaint
avant de me rendre votre deuxième devoir la sixième semaine, le 7 novembre.
Bon, il s’agit encore une fois d’une suggestion ou d’un conseil, pas d’une
obligation.

Dernière chose là-dessus :

ATTENTION : Les devoirs doivent être remis en main propre et à l'heure à


l'enseignant. Aucun devoir par mail, ou remis par quelqu'un d'autre, ou rendu en
retard ne sera accepté.

Ça c’est notamment pour éviter les affaires de plagiat, de copier-coller, et puis


pour être sûr que vous vous servez de feuilles et d’un stylo, vu que c’est ce
qu’on va vous demander aux partiels de toute façon.

Alors, pour le DM, j’ai mis quelques suggestions. Ce sont des exemples pour
vous éviter d’avoir à chercher par vous-mêmes nécessairement des clowns dans
les arts sur la période étudiée. Là encore, vous n’êtes en fait pas obligés de
suivre ces suggestions, vous pouvez tout à fait choisir autre chose, tant que vous
restez dans les bornes chronologiques et géographiques que j’ai indiquées et que
je rappelle : La France et l’Allemagne entre 1870 et 1945. Ce sont des bornes
assez larges comme vous le voyez.

Bon, c’est la fin de la partie logistique. Est-ce que vous avez des questions ?
Vérifier qu’on est autour de 25mn

Bon, on va entrer directement dans le cours alors.


Et déjà, il faut que vous voyiez qu’on a un objectif commun dans le cadre de ce
cours. Ça va être, tout simplement, et en fait on va le voir, c’est moins simple
qu’il n’y paraît, de se demander ensemble ce qu’est un clown.
Bon déjà on peut commencer par rassembler des éléments de description, des
mots clefs.
Pour vous c’est quoi un clown ?

D’une part, j’aimerais que vous voyiez que dans le cadre de ce cours, je vais
toujours essayer de partir de vos intuitions. C’est pourquoi il est très important
que vous participiez.

Bon, ce qu’on voit déjà, c’est que je dis le mot et vous savez à la fois très bien
ce que c’est, mais dès qu’il faut creuser un peu plus, c’est compliqué. Dès qu’il
faut donner un nom, on peine à en trouver. À se demander si on en a déjà vu en
vrai. Et puis c’est un mot qui désigne plein de choses :
C’est déjà un mot qui renvoie à un métier précis au sein d’un cirque. Mais c’est
un mot qui déborde ce simple sens : ça ne désigne pas que quelqu’une sur la
piste du chapiteau qui fait des numéros de clowns. On peut dire d’un ou une
amie que c’est un clown, parce qu’il nous fait beaucoup rire. Ou alors on peut se
moquer des hommes politiques en disant que ce sont des clowns, parce qu’on ne
les trouve pas sérieux ou qu’on n’est pas d’accord avec la politique qu’ils
mènent.
Pourquoi je prends ces exemples ? pour vous montrer que le clown, c’est à la
fois très clair dans l’imaginaire et en même temps très flou. On sait exactement
de quoi on parle, et en même temps, ce mot peut être utilisé pour désigner
tellement de réalités différentes, que c’est pas sûr qu’on parle toutes et tous
toujours de la même chose.

Le clown de cirque, on va en parler ensemble un peu dans le cadre de ce cours,


mais c’est justement pas notre objet. Au contraire, on va essayer de voir plein de
cas de figure où le clown apparaît, où on représente le clown, un peu PARTOUT
disons, SAUF au cirque. On va donc être amené à étudier ensemble des
manières de représenter le clown, les différentes figures clownesques qui sont
créées dans les œuvres artistiques qu’on va étudier. On va se rendre compte que
selon les arts les clowns représentés vont être différent ou vont être représentés
différemment.
D’ailleurs je dis le clown depuis tout à l’heure, mais c’est par commodité, et ce
n’est pas totalement vrai. Je devrais dire les clowns à chaque fois, déjà le plus
souvent, parce qu’il y n’a pas un clown, mais plusieurs au cours de l’histoire et,
on le verra, souvent très différents. Surtout je dis clown. Mais c’est aussi clown
avec un e ou clownesse que je devrai dire. Sachez que j’ai essayé de faire le
programme de façon à être particulièrement sensible à la question du genre.
C’était pour lutter contre un grand mythe qui court sur les clownesses, à savoir
qu’elles n’existeraient pas, qu’il n’y aurait pas de femmes-clowns. Déjà je vais
vous montrer que ce n’est pas du tout le cas, et que le clown est aussi une figure
féminine, est aussi une clownesse qui pose ses propres questions.

Ça me permet aussi d’aborder très rapidement la question de la langue


inclusive : à l’oral comme à l’écrit. Je vais essayer de l’utiliser et je vous
demande de faire de même dans le cadre de ce cours.

Est-ce qu’il y a des doutes sur ce que c’est ?

Bon avant de reparler des clowns, faisons un peu d’histoire.

Vérifier qu’on est à 35MN


Clown et Modernité

Vous remarquerez que dans le titre, il y a le mot modernité : Qu’est-ce que


j’entends par là ?

DIAPOSITIVE

Par modernité, j’entends la création au XIXème siècle et au début du XXème


siècle, donc sur la période que j’ai délimitée, un nouveau rapport à la technique
et à la science, un nouveau rapport à l’espace et au temps et un nouveau rapport
à l’art. Et ces trois rapports se disent modernes, comme si un monde moderne
était en train de naître.

DIAPOSITIVE

1/Déjà le nouveau rapport à la technique et à la science :


On parle au XIXème siècle d’une révolution industrielle. Qu’est-ce que ça veut
dire exactement ? Il y a débat entre les historiens sur les origines exactes de ce
changement d’économie et sur le fait qu’on puisse dire qu’il y a eu d’un coup
une sorte de révolution venue de nulle part. C’est évidemment lié à des
modifications beaucoup plus longues et plus anciennes. Okay. Mais, on invente
quelque chose de très nouveau au XVIIIème siècle en Angleterre et ça s’étend
rapidement en Europe (notamment en France, d’ailleurs dans le nord de la
France, puis en Belgique, puis en Allemagne, puis on peut dire dans le reste du
monde, et ça qu’est-ce que c’est ?) C’est l’industrie.

DIAPOSITIVE
L’industrie on peut tenter une définition un peu schématique : comme
l’ensemble des activités économiques caractérisées par la mécanisation et
l’automatisation des moyens de travail (l’utilisation de machine) ayant pour
objet l’exploitation et la transformation de ressources (ou matières premières)
et la production et l’échange de marchandises (d'objets, dits identiques, en grand
nombre)

Avant ça, la production dans les pays européens venait surtout de l’agriculture.
On avait bien sûr des machines, mais pas selon un mode industriel, disons selon
un mode artisanal de production. Ça permettait pas d’aller très vite du coup, on
pouvait pas produire des vêtements pour des milliers de personnes en quelques
jours. Sauf que là tout change, on va utiliser de nouvelles matières premières : le
charbon notamment qui va venir alimenter des machines nouvelles : les moteurs
à vapeur. Et de là y a plein de nouvelles usines qui vont naître : notamment
l’industrie textile va énormément se développer, notamment dans le Nord de la
France et en Belgique. Le moteur à vapeur ça change le monde pourquoi parce
qu’ensuite ça va permettre d’inventer des locomotives, pour transporter tout ce
textile par voie ferrée, par train, par exemple. On va pouvoir en équiper les
bateaux aussi : et les bateaux à vapeur ben c’est beaucoup plus rapide que les
bateaux à voile par exemple.
L’Allemagne va s’industrialiser un peu plus tard, mais son évolution est très
rapide et elle rattrape vite les autres pays.
Au cours du XIXème siècle, c’est aussi l’arrivée de l’électricité. Imaginez la
révolution que c’est. Puis en 1859, le premier puits de pétrole est exploité
en Pennsylvanie, aux États-Unis, grâce à une nouvelle technique de forage en
profondeur. D’un coup le prix de pétrole baisse beaucoup et c'est le début de
la ruée vers l'or noir. Tout ça va permettre d’alimenter de nouvelles machines,
de nouvelles industries et va devenir un secteur économique crucial.

Vous me suivez ?? Bon c’est très schématique, mais c’est juste pour que vous
sentiez que le XIXème siècle ça été un moment de grands changements :
d’innovations technologiques, de nouvelle manière de considérer le travail, la
façon dont on produit, dont on vend des produits aux gens, dont on consomme,
etc.

2/Du coup ben ça, ça va changer totalement la façon de vivre des gens
Et là on arrive au deuxième point, ça va créer un nouveau rapport à l’espace et
au temps.
DIAPOSITIVE

Rapport à l’espace : d’abord un nouveau mode d’occupation des territoires.


C’est un truc dont on vous a déjà parlé d’exode rural, notamment. La fin de
l’économie agraire, c’est aussi la fin de la vie dans les campagnes.
Et c’est vrai que la France comme l’Allemagne vont s’urbaniser très rapidement
au XIXème siècle : de plus en plus de villes, et de plus en plus de grosses villes.

DIAPOSITIVE

Pour vous donner une idée, en France y avait 37 millions de personnes en 1860
et en 1910 y en a 42 millions, chiffre constant jusqu’en 1945 (malgré les morts
de la guerre) y a 40 millions de personnes. Donc le chiffre global bouge pas
énormément. Par contre la répartition oui. Je vais parler que des capitales qui est
la première à exploser, mais juste pour vous donner une idée : Paris passe de 1
700 000 en 1861 à 2 900 000 en 1911. C’est le même chiffre en 1945. Elle
double tout simplement.

La population allemande passe de 35 millions en 1871 à 65 millions en 1910,


chiffre qu’on retrouve en 1945. À Berlin, elle va juste quadrupler de 496 000 à
2 071 257 habitants entre 1860 et 1910 ;. (Christophe Charle).
Ces deux pays s’urbanisent.
Ensuite, dans le rapport à l’espace, toujours, une nouvelle manière de se
déplacer, de nouveaux transports: que ce soit avec les train dont je parlais, ou la
voiture inventée en 1886 par Karl Benz et présentée à l’exposition universelle de
paris de 1889.
Un peu plus ancien, la bicyclette inventée par Karl von Drais en 1817.
Tous ces éléments prennent du temps à s’installer, mais ça va complètement
changer, et avec une rapidité spectaculaire, la vie des gens.

Ce nouveau rapport à l’espace, va aussi modifier le rapport au temps. Et c’est


justement ce que l’historien Christophe Charle propose d’appeler la
« modernité ».
Arrêtons nous un peu sur ce mot :
Le mot de modernité : « Apparu à un moment précis, ce néologisme entendait
rendre compte d’un changement de perception du rapport au temps ressenti tout
particulièrement par un certain nombre d’écrivains, de penseurs, d’artistes. » p.
17
Deux choses à retenir : la modernité c’est l’idée
1/ D’Un siècle à part. Christophe Charle nous dit : « Fille du XIXème siècle, la
notion de modernité cherche d’abord à penser cette époque en tant que siècle à
part. » On se dit, modernes, d’un siècle moderne.
2/D’un rapport différent au passé et à l’avenir, une nouvelle lecture de l’histoire.
Ce qu’il y avait avant était ancien, et maintenant on est modernes, et on est
tournés vers le futur, dans une idéologie du progrès.
Christophe Charle toujours, nous dit. : « Tous les éléments sont donc en place au
cours du XVIIIème siècle pour introduire un nouveau ‘régime d’historicité’,
passer du moderne, au sens de ‘temps nouveau apportant un progrès’ à la
modernité, processus indéfini et irréversible qui marquerait une nouvelle période
de l’histoire de l’humanité tournée vers le futur. », p. 26

DIAPOSITIVE
Je crois que ce nouveau rapport au temps est notamment visible dans le nouveau
sens que le mot de révolution va acquérir. Etymologiquement on parlait de
révolution quand on décrivait la courbe des astres pour dire qu’ils revenaient sur
leurs traces. Ex. La planète Terre décrit une révolution autour du soleil en 365
jours environ, etc. Révolution c’est revenir au point de départ.
Sauf que. Là, avec la révolution française, la révolution industrielle. Le mot va
complètement changer de sens. De sens de retour au point de départ, révolution
va devenir rupture dans la ligne temporelle et mouvement irrépressible tourné
vers le futur, une sorte de flèche lancée à pleine vitesse et dont l’homme perd le
contrôle totalement, comme s’il était entraîné dans un nouveau cours historique,
comme s’il était dépassé par toutes ses machines qui s’inventent elles-mêmes et
le nouveau rythme de la vie moderne.

VOUS ME SUIVEZ JUSQU’ICI ?

3/Et vous me direz, et l’art dans tout ça ? Quel est le nouveau rapport à
l’art, pour les individus. C’est toute notre question.

Et bien d’abord c’est lié au nouveau rapport au temps, qui est un nouveau
rapport au travail et à ce qu’on va appeler, un peu pour la première fois, le
« temps libre » :

L’avènement des loisirs, c’est un livre de l’historien Alain Corbin.


Alain Corbin, L’avènement des loisirs, 1850-1960, Flammarion, Paris, 2020 [1995]

DIAPOSITIVE

Il va définir Le temps libre en disant que c’est ‘la conquête d’un temps
disponible mais aussi l’invention de ses usages. » P. 9
Qu’est-ce que ça veut dire : la conquête d’un temps disponible, c’est qu’il y a eu
des luttes pour se libérer du temps de travail.
C’est ça le nouveau temps disponible : il y a des luttes ouvrières pour mettre des
limites sur le temps de travail par jour et sur les jours de travail par an. Deux
luttes menées parallèment Parce qu’on arrive parfois à des jours de 14h de
travail au plus fort de l’ère industrielle et puis surtout on ne peut pas travailler
tous les jours de l’année.
Bon, en Allemagne on a une loi sur les premiers congés en 1903. En France, des
lois sur la journée de 8 heures sont introduites en 1919 et les premières semaines
de congés payés en 1936. Donc vous le voyez c’est un combat qui est mené sur
la période que nous allons étudier ensemble.

Ça c’est le de ‘temps de non-travail’ disons, le temps nouvellement disponible.


Okay, mais comment on va l’utiliser, quelle va être l’invention de ses usages ? Y
a beaucoup de débats sur la période : on se dit, ouhlala on libère tant de temps
pour les ouvriers, ils vont faire n’importe quoi. On n’a pas le temps ici de
développer, mais ce sont tous des débats qui vont naître autour de ce qu’on va
appeler la culture de masse. La question qu’on va se poser à ce moment de là de
l’histoire c’est comment les masses populaires vont accéder à la culture ?
Qu’est-ce qu’on va leur donner, est-ce que c’est pas dangereux. Des réflexions
très problématiques, bien sûr.

Bon, de fait il y a un ‘temps de loisir’ et les gens vont avoir de nouvelles


pratiques culturelles.

Ça va toujours ? Vérifier qu’on est à 55mn MAX.

Ok, on continue alors

DIAPOSITIVE

Voyons comment un autre historien, Dominique Kalifa, parle de la culture de masse, dans un
ouvrage qui s’appelle, surprise, la culture de masse.

Est-ce que quelqu’un peut lire, je vais arrêter et commenter !

« Plus urbain, largement alphabétisé, devenu un enjeu essentiel des affrontements


politiques (le suffrage universel masculin est acquis en 1848), le corps social, qui connaît une
amélioration relative de ses revenus, est ainsi confronté à un accroissement spectaculaire de
l’offre d’imprimés, dont l’essor modifie profondément les formes traditionnelles de la culture
populaire et inaugure le règne de l’opinion publique. Dès 1890, le pays est entré de plain-pied
dans ce que Vallotton appelle l’« âge du papier ».

ICI DONC CE QUE JE NE VOUS AVAIS PAS ENCORE DIT. MAIS C’EST QUE DE PLUS EN PLUS DE
GENS VONT A L’ECOLE AUSSI, et SAVENT LIRE. LA PRESSE OCCUPE UNE PLACE ENORME DANS LA
SOCIETE FRANCAISE, C’EST UN PEU L’EQUIVALENT D’INTERNET AUJOURD’HUI.

Décisive, cette entrée dans la lecture de masse se double d’autres évolutions qui
donnent au phénomène toute sa dimension : l’accroissement continu du temps libre et sa
progressive prise en charge par une active industrie du spectacle ;
L’industrie du spectacle qu’est-ce que c’est ?
C’est un terme qui va désigner les nouvelles formes culturelles qui naissent à un moment où il
y a une explosion dans l’offre du divertissement, qui font que les individus du XIXème siècle
vont devenir de grands consommateurs de l’offre culturelle.
On peut parler d’un « règne du spectateur », p. 18 (Bertrand Tillier)

Paris, en France et on peut même dire, dans le monde, en est la capitale à ce qu’on appelle la
belle époque, entre 1880 et 1914. Des gens du monde entier viennent pour cette industrie du
spectacle qui naît.

Industrie du spectacle, c’est vous vous souvenez l’idée d’industrie c’est l’idée de massification,
de reproduction, de diffusion. Là le nombre de spectateurs va exploser.

Je donne quelques exemples :

DIAPOSITIVE

1/Le panorama
Le Panorama est inventé par l’écossais Robert Barker dans les années 1790. Il s’agit d’immenses
toiles peintes cylindriques, qui entourent le spectateur et lui donnent l’illusion d’une
représentation réaliste. Ça peut donner des Cycloramas, des panoramas mouvants, avec effets
de perspectives, jeux de lumière, tableaux vivants, etc.
À la fin du siècle on peut parler d’une « panoramania. », p. 39, tellement les gens en raffolent.
C’est de la réalité virtuelle si vous voulez, les gens n’ont jamais vu de telles machines.

DIAPOSITIVE

2/Foires
Depuis la fin du XVIIIème, dans les parcs Monceau, et autour des champs Elysées, il y a des bals,
feux d’artifice, parades, des attractions avec des miroirs déformants, des trompe-l’œil. Puis
arrivent les montagnes russes.
Plein de lieux de sociabilités : des cabarets, guinguettes, baraques, manèges, saltimbanques,
lutteurs, curiosité.
Un des premiers parcs de divertissement : Luna Park, 1909. Un peu l’ancêtre de Disney Land si
vous voulez. En fait Disney n’a pas inventé ce concept du tout.

3/Théâtres et assimilés
« La Belle Époque marque l’apogée d’un art théâtral ouvert à la petite bourgeoisie et aux classes
populaires. » p. 41 Je vais pas m’étendre trop dessus, parce qu’on reviendra là-dessus.
Ce qui est important ici, c’est que les théâtres ont des spectacles variés qui mélangent les
genres : mélodrames, vaudevilles, opérettes, feuilletons parlés : qui sont des spectacles où on
mélange plein de types de numéros et qui attirent un public mêlé. C’est pas du tout que du
théâtre au sens très restreint qu’on pourrait lui donner aujourd’hui.
32 000 pièces créées au XIXème siècle, soit presque une par jour.
À Paris entre 1880 et 1910, centaine de salles ouvertes chaque soir. Plus de 500 000 spectateurs
vont au théâtre une fois par semaine et un autre demi-million une fois par mois.
Le théâtrophone permet de suivre les pièces en direct sur un téléphone à amplificateur.
Charles – Les théâtres
« Principale distraction collective au XIXème siècle, le théâtre est susceptible de toucher la
gamme la plus large de catégories sociales. À la différence du livre et du journal, il
n’implique pas de compétence très exigeante en matière de lecture et peut donc s’étendre
jusqu’à un public récemment alphabétisé, voire inculte, dans le prolongement des spectacles
de foire sous l’Ancien régime, de la commedia dell’arte et des formes proches de ce qui
deviendra le cirque ou le music-hall. » p. 8-9.

4/Cafés-concerts
Théâtre et chanson associés dans les bastringues, cabarets chantants ou brasseries à musique.
Débit de boisson, espace théâtral et lieu de plaisir, le café-concert développe des variétés qui
mêlent attractions, vaudeville et tours de chant. Chansons sentimentales, réalistes, satiriques,
comiques, scatologiques, troupières.
274 cafés-concerts à Paris en 1900, 10 à 15 000 chansons nouvelles par an.
Les fleurons : Scala, Olympia, Alcazar, Ambassadeurs ; établissements populaires : Ba-ta-clan,
Folies-Rambuteau ; les salles des quartiers périphériques : Montmartre, Montparnasse, Belleville
(débauche et vice, dans l’imaginaire). Lieu de variété : Femmes à barbe, pétomanes, cracheurs
de feu. Érotisation du corps féminin : Moulin-Rouge, les serveuses sont seins nus, 1905,

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5/Expositions
1851, première exposition à Londres. Puis à Paris, il va y en avoir assez régulièrement en 1867
(11 millions), 1878 (16 millions), 1889 (32 millions), l’apogée c’est 1900 (50 millions de visiteurs).
manifestation de puissance dirigée à la fois vers l’intérieur (associer les masses à une opération
de pédagogie spectaculaire) et vers l’extérieur (signifier au monde la puissance d’un modèle
économique). », p. 48
1/Foires de la nouveauté technologique (automobile, métro et cinéma en 1900 par ex). Tour
Eiffel en 1889.
2/Entreprise de pédagogie et d’éducation populaire
3/Séduire le public : ça va prendre le pas, on s’adresse au spectateur-acheteur. Catalogues,
publicités.
1900 : trottoirs roulants à deux vitesse, fontaines de Wallace, restaurants. Spectacles exotiques
dans les panoramas géants, séances de cinéma sur grand écran et parc Buffalo Bill, grande roue
de 1600 places, feux d’artifice, jets d’eau, etc.

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6/Le sport-spectacle
Ex. Le vélo :
50 000 vélos en 1890, 1 million en 1900, 3,5 millions en 1914, 10 millions en 1928.
Le tour de France, créé en 1903 : 100 000 spectateurs pour la dernière étape. Fête populaire
immense.
1892, recréation des jeux olympiques. Là, c’est la cérémonie d’ouverture aux JO d’Athènes en
1896.

Ex. Le football :
Coupe du monde de football en 1930 avec une victoire de l’Uruguay en Uruguay.
Pourquoi cette photo ? Pour vous montrer aussi la construction de stades que ça implique, la
nouvelle urbanisation qui est nécessaire pour ce sport-spectacle.

7/Cirques
Ils ont connu un succès immense à la fin du XIXème siècle, au début du XXème, notamment les
cirques américains, le Cirque Barnum & Barley, le plus grand du monde (3 chapiteaux, 100
numéros, 900 artistes, 450 chevaux, 750 animaux sauvages).
Au sortir de la première guerre mondiale, c’est l’apogée du cirque en Europe et la France et
l’Allemagne concentrent les plus grandes enseignes du continent. Elles emploient des milliers
d’individus et d’animaux, et attirent des millions de spectateurs chaque année.

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En Allemagne, il y a plusieurs les géants Busch, Krone, et Sarrasani quadrillent le territoire. En


France on ne compte plus que 14 cirques sur le territoire (contre 31 avant 1914). À Paris, deux
établissements triomphent dans les années 1920 et 30 et mettent les cirques sous les feux des
projecteurs, c’est. le cirque Medrano (surnommé « Théâtre des Clowns ») et le Cirque d’Hiver. Je
donne l’exemple des des cirques fixes, mais avec la fin de la guerre, la crise économique de 1929,
en fait on va changer de modèle et se diriger vers des cirques itinérants (qu’on associe toujours au
cirque, mais en fait ils sont assez récents finalement dans l’histoire du cirque) Le cirque va
occuper une place importante dans les médias de masse, en particulier dans la presse, et partir à la
conquête d’un public plus large.

Il va organiser de somptueux spectacles qu’on appelle des pantomimes notamment.


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On reviendra là-dessus.

REPRISE
le rôle grandissant des images dans une production culturelle qui tend de plus en plus à
s’afficher comme une synthèse et une « représentation » de la réalité

ça c’est l’invention de la photo dans la première moitié du XIXème siècle puis


du cinéma, la même année en France en 1895 par les frères Lumière et par. Les
frères Max et Emil Skladanowsky qui inventent le bioscope. Bon c’est la
technique inventée par les frères Lumières qui va rester. Sur le cinéma on va y
consacrer une séance, mais vous pouvez imaginer la révolution folle que ça a
été de voir des images qui bougent.

[…]
Particulièrement sensibles dans la décennie 1890, ces transformations s’accélèrent
encore au début du XXE siècle. Vers le milieu des années trente, la société française, où domine
désormais l’élément urbain, s’est largement habituée à ces objets nouveaux, qui modèlent les
formes de sociabilité et de culture populaires. Ainsi la période qui s’étend du Second Empire au
Front populaire dessine-t-elle une séquence originale dans l’histoire culturelle et sociale du pays.
Entre l’avènement de la presse à grand tirage et la généralisation de la TSF [Télégraphie sans fil]
s’opère une sorte de révolution silencieuse, qui voit tout un peuple accéder peu à peu à un
nouveau type de consommation culturelle, explicitement adapté aux besoins de la civilisation
industrielle et urbaine. »
P. 3-4

ON EST À 1H15

À partir de là, on va observer deux choses :

D’une part, le changement du rapport à l’art dans la vie quotidienne des


populations.
« au XIXème siècle, l’art passe d’un statut élitiste à un régime médiatique conjuguant la
démultiplication, la diffusion et la circulation des objets », p. 18
Il y a énormément de formes artistiques qui sont très démocratisées et le cirque
notamment, en fait partie. Les différents cirques en France attirent des millions
de personnes.

Mais justement, la deuxième chose qu’on peut observer c’est que


« Le cirque est à la mode. Les romanciers, les auteurs dramatiques, les peintres sont fascinés
par les paillettes, la piste ronde, les prouesses acrobatiques, le retour à l’enfance. Une
nouvelle mythologie se crée, dans laquelle le clown est roi. », p. 171
ASLAN, Odette, « Cirque et théâtre en France », in Du cirque au théâtre, Claudine Amiard-Chevrel,
(dir.), Lausanne, L'Âge d'homme, 1983, p. 205-220.

Les cirques, et notamment un cirque de la Belle Époque qui est le cirque


Medrano, va être un lieu où se retrouvent plein d’artistes français et européens,
des peintres, des musiciens, des gens de théâtre. Et en tant que spectateurs du
cirque, ils vont intégrer des éléments de ce spectacle à leurs différents arts.

En fait, le clown il va se retrouver pas que dans le cirque. C’est une figure qui va
inspirer plein d’autres arts, et qui va se disséminer dans plein de formes
artistiques différentes (le cinéma, la peinture, la littérature).

On peut se demander pourquoi une telle présence du cirque et plus précisément


du clown dans l’imaginaire culturel du XIXème siècle ?

Là je vous propose plusieurs pistes de réflexion qu’on pourrait réunir autour de


l’idée que le clown entretient des liens profonds avec cette modernité, que j’ai
essayé de vous définir.

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0/ Déjà les clowns sont des stars : dans la presse, dans les publicités, etc. Ils font
partie de ce qu’on pourrait appeler les premières vedettes modernes. Ils vont
eux-mêmes faire l’objet d’une représentation industrielle, en série, par exemple
dans la pub.

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J’ai pris l’exemple du clown chocolat, très connu au tournant du Siècle. Vous le
voyez, il va devenir un argument de vente pour des grandes enseignes de
distribution.

1/Le second lien avec la modernité, c’est un lien d’opposition, comme si le


clown c’était d’abord l’anti-moderne :

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Jean Starobinski, Portrait de l’artiste en saltimbanque, Flammarion, Paris, 1970.


« Le monde du cirque et de la fête foraine représentait, dans l’atmosphère
charbonneuse d’une société en voie d’industrialisation, un îlot chatoyant de merveilleux,
un morceau demeuré intact du pays d’enfance, un domaine où la spontanéité vitale,
l’illusion, les prodiges simples de l’adresse ou de la maladresse mêlaient leurs séductions
pour le spectateur lassé de la monotonie des tâches de la vie sérieuse. » p. 6

C’est une sorte de refuge, le monde de l’imaginaire, un peu onirique,


extraordinaires avec toutes ses créatures mystérieuses et le clown est justement
un de ses personnages bizarres.

Ce qu’on va trouver chez le clown c’est une sorte de puissance vitale, quelque
chose de spontanément vivant, un état avant le monde industriel, un truc
primitif, profondément naturel, qui tiendrait de l’enfance par exemple, ou alors
un état où le corps est profondément puissant (comme chez l’acrobate par
exemple). Comme si le clown c’était la vie à l’état brut :
Deux idées donc

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_ les pulsions vitales : « on y rencontrerait le monde simple et fort des commencements,
les grandes passions élémentaires, le rire et les pleurs à l’état naissant. », p. 20-21 Comparé à
l’enfant souvent.

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_ une manière de régénérer l’art, notamment au théâtre on va le voir : « Le théâtre
est alors traversé, presque simultanément dans les quatre pays considérés, par des tendances
novatrices qui cherchent à rompre avec l’esthétique traditionnelle, souhaitent ouvrir le
répertoire ou les genres représentés, voire créer une nouvelle relation entre le théâtre et son
public. », p. 9
Starobinski : « l’une des grandes nostalgies primitivistes du romantisme : les arts populaires,
dans leur ingénuité anonyme, capteraient les sources vitales de l’inspiration ; ils seraient
l’expression spontanée du génie de la communauté. Un reste de grandeur épique y
subsisterait », p. 20-21
2/Enfin, par identification, donc on a vu l’opposition et là en même temps c’est
aussi l’inverse : l’identification, comme si le clown permettait de poser la
question de l’individu moderne
De deux manières

1/L’artiste
Le clown est
« une façon détournée et parodique de poser la question de l’art. Depuis le romantisme
[…], le bouffon, le saltimbanque et le clown ont été les images hyperboliques et
volontairement déformantes que les artistes se sont plu à donner d’eux-mêmes et de la
condition de l’art. », p. 7

Critique des valeurs bourgeoises et critique contre la vocation esthétique même : c’est
une grande grimace que le clown adresse à ces valeurs mourantes et selon Starobinski,
c’est l’une des composantes caractéristiques de la ‘modernité’ depuis un peu plus d’une
centaine d’années. », p. 8

« Le jeu ironique a la valeur d’une interprétation de soi par soi : c’est une épiphanie
dérisoire de l’art et de l’artiste. La critique de l’honorabilité bourgeoise s’y double d’une
autocritique dirigée contre la vocation esthétique elle-même. Nous devons y reconnaître
l’une des composantes caractéristiques de la ‘modernité’ depuis un peu plus d’une
centaine d’années. », p. 8

Ex. Baudelaire. Vous connaissez peut-être l’albatros, il a aussi écrit un texte qui
s’appelle le vieux saltimbanque. C’est ce vieil artiste ruiné dans sa roulotte un
peu décrépie. Le clown il va être notamment récupéré par les artistes

2/ L’individu moderne : L’homme/la femme

Ça je ne m’étends pas encore dessus, mais ça va être un axe de notre réflexion.


Comment le clown incarne, est le parfait symbole de l’individu moderne : qu’il
s’agisse de l’homme perdu dans la société industrielle ou d’une femme dite
moderne, libre dans son corps et libre de renvoyer son regard à l’homme.

Nous, justement, on va essayer de poser toutes ces questions : c’est-à-dire à


chaque fois quels sont les liens entre la figure des clowns, la manière dont ils et
elles sont représentées, et le concept de modernité, qu’on va essayer de définir à
chaque fois différemment. À travers l’exemple clownesque, du coup on va
pouvoir poser la question du rapport entre l’artiste et son œuvre (à la prochaine
séance), ou par exemple le rapport entre le clown, la clownesse et l’idée de
femme moderne (deuxième séance), par exemple.

En fait ce qu’on va voir c’est que plein d’autres formes artistiques vont
emprunter au cirque et vont en fait être hyper inspirées par le clown. Figure
récurrente et qui va être constamment représentée. Figure aussi qui va inspirer
des artistes. Figure qui va permettre de se poser des questions sur l’art, en fait.

Je reviens sur la VALIDATION, le DM que vous devez me rendre. En fait,


je vous demande tout simplement de vous poser cette question : qu’est-ce
qu’un clown ? comment il ou elle est représenté ? Quelles sont les
caractéristiques du médium artistique utilisé, est-ce que c’est de la peinture,
de la sculpture, du cinéma, etc. Qu’est-ce qui fait que les clowns sont des
clowns ? Comment on construit cette image des clowns ? est-ce qu’on dit qu’ils
sont bêtes ou intelligents, drôles ou tristes, forts ou faibles, masculins, féminins,
androgynes, asexués ?
Vous voyez, c’est une sorte d’enquête que je vous propose : à vous de suivre vos
intuitions de chercheureuses et de me dire ce qui pour vous est un clown. Là où
je vous mettrai une bonne note c’est si vous adoptez vraiment une démarche de
chercheureuse, c’est-à-dire vous trouvez un exemple artistique au cours de vos
recherches et vous essayez de le décrire : vous me dîtes bon bah voilà, ici le/la
clown est représentée de telle manière et à mon avis c’est pour telle raison, et ça
peut nous amener à penser que ceci ou que cela. C’est-à-dire vous avez une
intuition de recherche et ensuite vous creusez.

Il y a trois difficultés majeures à cette analyse : les frontières vacillantes, je


respecte moi-même avec difficulté les bornes fixées ;
Le problème constant de définition du. Clown : on va parler de Pierrot, de
saltimbanque, de bouffon. Et même quand on dit le mot clown, c’est compliqué,
il va falloir chercher pourquoi on dit ça, comment on le justifie, qu’est-ce qu’on
entend derrière le mot qu’on utilise.
Le dernier problème, ça va être celui de l’archive manquante… On va pas
nécessairement avoir énormément d’archives concernant le spectacle vivant, ce
qui est souvent le lieu artistique du clown. Ça va être notre tâche de travailler à
partir de ce qu’on a.

Passer 30MN
Pour finir, je vais vous présenter le travail d’une artiste allemande du début du
XXème siècle. Valeska Gert. Présentation :

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Qui est Valeska Gert ? Montrer une photo, 1892-1978, figure de l’avant-garde
berlinoise de l’entre-deux guerres, actrice de théâtre et de cinéma et surtout
danseuse, au théâtre, au cabaret. Elle a croisé sur les scènes allemandes et
américaines Eisenstein, Meyerhold, Fellini, Brecht, Tennessee Williams, et
autres. Interdite de se produire en Allemagne à partir de 1933, elle s’installe aux
US en 1939 et revient en Allemagne en 1947. Elle a publié 4 ouvrages
autobiographiques et de nombreux articles.

Elle rencontre un succès inouï dans le Berlin des années 1920. Il faut imaginer
ce que c’est c’est une ville qui compte 50 théâtres, 3 opéras, 3 salles de variété,
75 cabarets, petites scènes d’art ou établissements avec programme de
divertissement, 363 cinémas, 1450 restaurants et 550 cafés, 220 bars et
dancings.

Et là dedans, Valeska Gert est considérée comme un « phénomène », pour


reprendre le titre de l’introduction que fait Philippe Ivernel à son autobiographie,
je suis une sorcière.

« elle transgresse les frontières des pratiques établies », scandaleuse, parce


qu’elle va se faire connaître pour ses danses satiriques, ou danses grotesques.

Je vais toute de suite vous présenter un solo :

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Tänzerische pantomimen - Valeska Gert
https://www.numeridanse.tv/themas/parcours/pantomimes

Très rapidement quelles sont vos impressions ?

Pourquoi j’ai choisi Valeska Gert ? et bien, selon moi, elle résume la plupart des points
problématiques de ce cours :
Elle pose trois questions, qui sont un peu les trois axes de ce cours.
_ D’une part, elle pose la question de la définition clownesque. Est-ce qu’on peut dire qu’elle
a été clown ou clownesse ? dans quelle mesure est-ce qu’on peut ranger, affilier sa pratique
artistique à celle des clowns ? Souvent, au fil des séances, on va se rendre compte que ce n’est
pas tout à fait possible, que les exemples que je vous donne ne rentrent jamais dans une
définition stricte de ce qu’est le clown. Au contraire, ils ou elles se réclament plus ou moins
du clowns ou de pratiques artistiques clownesques, ou de la figure clownesque, mais sans
jamais rentrer à 100% dans une définition du clown.
Valeska Gert, a joué des solos de danse, dont un qu’elle a intitulé le cirque et plusieurs où on
peut se demander si elle ne s’en approche pas. Elle semble avoir une fois revêtu le costume de
clown.

Dans le titre de son autobiographie, elle utilise le terme de sorcière pour se définir et je dois
avouer que jy ai vu peut-être un lien, dans le personnage étrange, doté de pouvoirs, qui se
donne en spectacle. Un personnage marginal aussi, qui a souvent été la manière de construire
le personnage de clown.
On va le voir, ce qui m’intéresse dans le cadre de ce cours c’est pas de répondre à
l’impossible question qu’est-ce qu’un clown ? parce que ça je ne crois pas qu’on puisse en
donner une réponse unique. C’est plutôt qu’est-ce qui a été dit des clowns ? à chaque fois de
quelle façon on a utilisé cette figure, on s’est réclamé de cette figure, et comment on a
construit cette figure dans le discours ou dans la représentations artistiques. La question c’est
quels sont tous ces avatars clownesques qui sont créés et comment définissent-ils tous à leur
manière, les clowns. Et là maintenant, dans quelle mesure on peut dire de Valeska Gert qu’il
s’agit d’un clown ?
Ce qu’on va essayer de voir dans le cadre de ce cours, c’est qu’il n’y a pas de définition
purement établie du clown. Comme si on pouvait simplement mettre une étiquette et dire : ah
oui, ça c’est un clown et ça non. NON. À chaque fois, le clown déborde de sa propre
catégorie, où alors il n’en remplit pas tous les critères. Et à mon avis, ça ne doit pas du tout
nous amener à une plainte, comme si on devait regretter que le mot clown, ne coïncide jamais
pleinement avec une réalité clownesque. Non, il s’agit d’une chance. Pourquoi ? Parce que
cela va nous forcer à réfléchir, à nous interroger à chaque fois sur ce qu’est un.e clown.esse et
à en proposer des définitions (selon les formes d’art étudiées en plus).

Les autres arguments qui pourraient nous faire pencher dans la direction du clown, dans le cas
de Valeska Gert pour moi c’est :
1/ Le fait qu’elle ait beaucoup évolué entre les arts et les scènes. À la manière de beaucoup de
clowns des années 1920 et 1930, qui se produisaient dans les lieux de variété, dans les
cabarets.

2/Sa façon de considérer et définir son art. Il y a une phrase de son autobiographie « Je ne
suis pas une soliste. J’ai besoin d’un partenaire et ce partenaire est mon public. », p. 59 M’a
frappé. Le clown, on le considère souvent comme ce personnage qui va entretenir un lien
assez particulier avec le public, essayer de le faire rire, improviser avec le public, guetter
toujours une réaction et jouer à partir de ce lien avec le public, c’est aussi une des formes d’art
qui va potentiellement faire voler en éclats le 4ème mur, en regardant directement le public.

3/Un certain rapport au masque : j’espère qu’on aura le temps de revenir là-dessus
Valeska Gert, Discours à la radio de Leipzig, publié dans Schrifttanz, juin 1931

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Le masque : « le matériau du danseur est l’équivalent de la pièce dans l’ancienne scène. Le
détachement à l’égard de tout ce qui est extérieur, cette réduction à l’essentiel créa le
mouvement. Le plus intense et l’expression la plus intense : la danse. Mais s’il ne veut pas
voir stagner son évolution, le danseur de notre époque devra forcément en arriver peu à peu au
mot, car sa seule mission est d’être la phase transitoire entre l’ancien et le nouveau théâtre. Ce
besoin de représentation (Darstellung) le pousse déjà bien souvent à utiliser des masques. Il
veut représenter quelque chose. Et puisqu’il ne peut pas le faire par ses propres moyens, il
utilise le masque. L’époque pousse au monumental, au typique, au sur-personnel, donc au
masque. Ce masque ne doit cependant pas être mis artificiellement, mais l’expression de
l’émotion doit être élementaire et intensifiée à l’extrême, à tel point que le visage et le corps
deviennent en eux-mêmes cet effet ultime, typique : le masque. La danse théâtrale dont tant de
monde parle aujourd’hui n’est pas, comme on le suppose souvent, une version modernisée du
théâtre qui viendrait remplacer le ballet, mais elle vient supplanter le théâtre, c’est une
réalisation (Gestaltung) dramatique et mouvementée de l’homme moderne. », p. 56
Ici ce qui m’intéresse c’est comment par le masque, on ne représente pas un individu, mais un
certain type d’individu ; le mot de type ça fait dépasser l’individualité. Le clown va justement
peut-être utiliser le masque pour représenter un type comique : sans chercher le réalisme, mais
chercher dans l’exagération un côté loupe, pour grossir les caractéristiques d’un individu
moderne et ainsi chercher le rire. C’est un peu l’histoire du solo canaille : qui est le solo d’une
travailleuse d’une sexe ou prostituée à l’époque on dira. Exagérer les mimiques, le corps.
Faire passer autre chose. « La Canaille, une pantomime de critique sociale où la prostituée
renvoie au bourgeois installé une image subvertie de lui-même. », p. 20

_ D’autre part, Valeska Gert pose à mon avis la question de la modernité.


Au moins de deux manières. Déjà, vis-à-vis du terme : Ici, on est carrément face à ce qui a été
appelé ‘danse moderne.’ Dans le panthéon des figures féminines qui ont profondément changé
le visage de la danse au début du XXème siècle, on en compte trois. Loïe Füller (photos)
connue pour ses danses serpentines, Mary Wigman en Allemagne, qui a profondément inspiré
toute la scène de danse après elle (photos).
Discours de Rudolf Frank, 1927 sur le théâtre moderne, Das Moderne Theater, 1927, Berlin
en fait l’image de la modernité :
« Gert joue-danse les métros souterrains et les affects eux aussi souterrains de la grande ville,
la confusion des rues, les drogues, les films, les bazars de camelote, les filles ravagées de la
rue, les demi-vierges et les modernes nourrices, l’expressionnisme et la nouvelle objectivité,
l’Extrême-Orient et l’Europe occidentale. Ce que Rops et Daumier, George Grosz et Balzac,
Flaubert, Huysmans, Zola, Edvard Munch, Picabia, Kollwitz, Callot, Barlach, Hogarth,
Thackeray, Swift, Hoffmann, Wilde, Kubin et Jacques Offenbach ont déployé dans leurs
dessins, leurs peintures, leurs romans, leurs musiques et leurs sculptures, Valeska Gert le
ramasse, à sa manière intense et révolutionnaire, dans l’excitation d’instants explosifs prêts à
se déchirer. »
Elle en parle de cette explosion que la modernité incarne, l’explosion des institutions
antérieures, des canons artistiques qui avaient cours jusque là : dans la danse par exemple.
C’est la disloquation du spectacle bourgeois du ballet.
22 avril 1920, texte « Je veux dire quelque chose de la danse grotesque » publié dans Die
Vossische Zeitung : « Aujourd’hui justement, où toutes les valeurs établies se disloquent, où
presque l’ensemble de ce qui paraissait constituer un sentiment et une intelligence assurés
redevient problématique, aujourd’hui donc où une volonté culturelle commune ne maintient
plus dans des formes fixes et certaines notre création – la danse grotesque, qui résume en un
même geste immédiatement les extrêmes en passe d’exploser, me semble être un symbole
véridique de notre temps. » cité p. 21

D’une deuxième manière, Valeska Gert est moderne parce qu’elle met en lumière le problème
de définir ce qu’est la ‘Femme moderne’, expression qui naît à cette période. C’est vrai qu’on
est loin de l’étoile du ballet romantique qui semble être en apesanteur tellement elle est fine et
légère. Le corps féminin n’est pas représenté comme léger, suave, doux, gracile. Ici, le corps
féminin fait son apparition sur scène d’une toute autre manière : il est brut, il est disloqué, il
est nerveux. Je ne crois pas qu’on puisse dire qu’il y a ‘une femme moderne’, je pense même
que c’est très misogyne de penser comme ça. Les femmes n’ont pas attendu le XXème siècle
pour s’affirmer. Mais elles font leur irruption sur scène avec force dans la première moitié du
XXème siècle. Je ne pense pas qu’il y ait une femme moderne, parce que, comme nous le
verrons, c’est plutôt un cliché érotique créée par les hommes, qui dépeignent la femme
comme femme fatale, libérée dans sa sexualitée, prête à les dévorer avec son appétit sexuel
incroyable… Non, je crois qu’il n’y a pas une femme moderne, mais des femmes (et le pluriel
est important), qui font leur irruption sur scène, qui présente des corps étranges, bizarres,
dérangeants. Qui jouent aussi, possiblement de la sexualisation dont elles font l’objet, mais
qui la détournent, qui en profitent pour faire leur propre cheminement.
À ce titre j’aimerais juste vous lire une citation. Dans son autobiographie, c’est donc elle qui
raconte, elle décrit la première fois qu’elle a ri sur scène. Poussée par sa prof de théâtre, elle
doit rire, pour un rôle : Elle décrit comment sa professeure, Madame Moissi, lui fait jouer
plusieurs rôles :
« Chaque rôle me rendait un peu plus calme et sereine. C’est en jouant un personnage de
nourrice que j’appris pour la première fois de ma vie à rire. D’abord, je ne me risquai pas à le
faire. Mais Madame Moissi m’en pressa, jusqu’à ce que je prenne mon courage à deux mains,
que je franchisse l’anneau qui s’était formé autour de moi et que j’éclate bruyamment de rire.
J’ai alors ri profondément et de toute mon âme. Ce rire, comme il m’a déliée, comme il m’a
émue ! Jusqu’alors, j’avais été grave, presque rigide. À présent, je savais une chose : j’ai en
moi une force réelle, et il n’y a pas d’escroquerie à ce que je devienne comédienne. Il faut que
le fondement soit vigoureux pour que l’édifice tienne solidement. », p. 57
Là on a un lien, peut-être avec le clown au niveau du rire. Ici, surtout, ce qu’elle décrit, c’est
le potentiel libérateur pour une femme sur scène de rire : elle qui avait appris par convenance,
par politesse, à ne pas rire en public de façon trop grotesque, trop dérangeante. Je pense que
ça a à voir avec le fait que le rire c’est le moment où le corps se manifeste dans toute sa
matérialité et de façon incontrôlable. On parle de fou rire, par exemple. On peut avoir des
tremblements, on peut renifler du nez, on pousse des cris aigus. On est rarement gracieux
quand on rit. Et possiblement aussi, peu féminin. Valeska Gert c’est justement quelqu’un qui
rit et qui fait rire.

_ Enfin, Valeska Gert va nous poser la question de l’archive manquante. C’est un problème
très fréquent auquel vous serez confronté.es toute votre scolarité (et même plus) si vous
continuez dans les arts vivants, dans le spectacle vivant. D’une performance éphémère, il ne
va pas nous rester grand-chose, le plus souvent une image. Aujourd’hui vous me direz il y a la
vidéo. D’accord, mais d’une part ça ne règle pas tout, d’autre part on est bien embêté pour
tout ce qui n’est pas filmé et aussi pour tout ce qui n’a pas été filmé (dans l’histoire). Dès que
vous remontez dans le temps, c’est compliqué. De Valeska Gert il nous reste quelques photos
que je vous ai montré, et la courte vidéo aussi. À ma connaissance c’est tout. C’est déjà ça
mais dans la photo il va nous manquer le mouvement et dans la vidéo, la troisième dimension,
l’épaisseur qui nous permet de reproduire un mouvement. Pour la danse, c’est quand même
très dommage.
On va avoir d’autres sources aussi, des récits écrits par exemple : son autobiographie par
exemple, Valeska Gert, Je suis une sorcière, Kaléidoscope d’une vie dansée, Edition Complexe, Paris, 2004.
C’est super, mais c’est un matériau d’archive très compliqué. Là on va avoir au mieux une
description de mouvements. Prenons un exemple, la description d’une de ses pièces, Cirque :
« Je présente un numéro d’animaux dressés, un athlète bande ses muscles, soulève de lourds
poids de fonte, jette alentour des regards triomphants, un clown déboule à travers l’arène, une
danseuse de ballet chevauche en écuyère, se laisse tomber du cheval, bondit à nouveau dessus,
salue avec grâce. », P. 71-72 Qu’est-ce que ça nous dit de l’événement ? pas grand-chose. En
même temps, ce qui est bien c’est que ça libère le domaine de l’interprétation, ça ouvre à
l’imagination et ça nous laisse le champ libre, mais au risque de dire ou de faire n’importe
quoi à partir de ces quelques lignes.
Souvent on va avoir plein d’anecdotes autour de l’œuvre, par exemple le moment du rire que
je vous ai cité. Moment qui est aussi romancé. Au fond, on ne sait pas ce qui s’est vraiment
passé, et si, a posteriori, Valeska Gert n’est pas en train d’inventer. Mais en fait on s’en fiche.
Qu’elle l’ait inventé ou pas, elle l’écrit et c’est ça qui nous intéresse, la manière dont elle crée
un récit autour de ses danses.
C’est la dernière chose intéressante avec l’écrit, c’est qu’il va aussi nous renseigner sur
d’autres choses, sur possiblement l’intention ou l’interprétation que fait l’artiste de sa propre
œuvre. Je vais lire un de ses efforts de mettre en récit sa création artistique. C’est p. 68 :
« Mes danses étaient courtes et claires, je ne faisais pas de variation comme les autres
danseurs. Pour moi comptaient seuls l’élan, le point culminant, tragique ou comique, la
détente. Rien d’autre. Comme je n’aimais pas le bourgeois, je dansais les objets de son
mépris : prostituées, entremetteuses, vies en faillite, déchues. », p. 68 Ce qui est intéressant
ici, c’est la façon dont elle présente sa danse. Ça nourrit aussi notre travail de recherche,
même si on n’est pas dans le mouvement physique, mais dans le mouvement de pensée, dans
l’effort de créer un récit qui ait du sens, notamment.

Vous le verrez, le problème de l’archive manquante est un problème constant dans l’étude du
spectacle vivant et tout particulièrement en danse, sans parler du cirque (qui sont des formes
d’art beaucoup moins légitimes et donc moins archivées que le théâtre). D’une part ce que j’ai
essayé de vous montré c’est qu’il ne s’agit pas que d’un problème, mais peut-être d’une
occasion pour les chercheureuses que nous sommes : l’occasion de multiplier les sources et de
créer des histoires un peu plus complexes que la description d’une simple vidéo (dont on
croirait qu’elle est la seule version qui compte d’une œuvre). Autre occasion, c’est celle de
recréer une œuvre, à partir des matériaux qu’on a. Et pour ça, les praticiens de la danse ont
inventé plusieurs méthodes, qu’on pourrait juste qualifier de recréation ici.
Recréer, c’est chercher à refaire événement, refaire œuvre vivante, à partir de l’œuvre qui
nous a été laissée et de toutes les archives auxquelles on a accès, et qui sont le plus souvent
lacunaires. Ça peut se faire à partir des photos, des vidéos, des écrits, des notes qu’on a des
œuvres. Mais ça peut aussi parfois se faire à partir d’une transmission physique de la part de
gens qui ont travaillé avec l’artiste ou la chorégraphe. Exemple : Pina Bauch ou Trisha Brown
aux états-unis dont le matériau chorégraphique va être passé de génération en génération. En
fait, cette pratique de transmission corporelle, c’est déjà ce qu’on fait avec plein de
techniques : que ce soit le kung fu et le tai chi shaolin ou le ballet (hérité du XVIIème siècle).
Ce qui est intéressant avec cette transmission corporelle, c’est qu’on admet immédiatement
qu’elle modifie la pratique à mesure qu’elle la transmet, que la pratique évolue avec ses
praticiens, même si c’est pas un changement intégral de lapratique, en fait l’interprétation et la
transmission, donc l’évolution avec le temps font partie intégrante de ces pratiques. Ça nous
rappelle aussi que la pratique physique est une mémoire vivante, une mémoire du corps qui ne
vit que tant que ses praticiens et praticiennes sont en vie pour la passer.

Dans le cas de Valeska Gert, j’ai deux efforts de recréation à vous montrer :

Comme il est important de toujours remettre en situation, c’est donc ce que je vais faire ici :
Eszter Salomon est . Elle est connue pour…

Eszter Salomon, reprise :


https://vimeo.com/322785266?login=true

Eszter Salamon est chorégraphe, artiste et performeuse.


Elle vit et travaille entre Berlin, Paris et Budapest. Elle effectue actuellement son
doctorat artistique à l'Académie nationale des arts, KHiO, à Oslo. Elle est lauréate du
Evens Art Prize 2019 et lauréate de l'appel à projets La vie bonne du Centre national
des arts plastiques (FR) et d'Aware : Archive of Women Artists, Research and
Exhibitions, en 2020.
Salamon utilise la chorégraphie comme une agence d'activation et d'organisation entre
différents médias tels que l'image, le son, la musique, le texte, la voix, le mouvement
corporel et les actions. Ses œuvres évoluent à travers différents formats et esthétiques,
méthodologies et poétiques, et mettent en œuvre un large spectre d'expressions.

Ce que j’en dirais c’est qu’elle est connue dans le milieu de la danse contemporaine.
Personnellement j’ai beaucoup entendu son nom, je n’en sais pas vriament plus et je n’ai
pas vu la pièce en question.

Voici une autre tentative de reprise, réincarnation, recréation d’une chorégraphie de Valeska
Gert, Canaille. Ici, on pourrait se dire que le travail a été facilité par l’existence d’une trace
vidéo de ce solo. Néanmoins, ce serait simplifier le travail corporel que mérite une danse et
aussi oublier l’effet d’aplatissement de la vidéo. En effet, la vidéo nous fait passer à une
réalité en 2 dimensions. Il manque toute la profondeur qui, pour un.e danseureuse, fait tout
l’intérêt de sa pratique corporelle.

Reprise de Canaille :
https://www.numeridanse.tv/videotheque-danse/canaille?s

I-Fang Lin, au. Centre National de la danse Née à Taiwan, danseuse-chorégraphe,


performeuse et praticienne de la méthode Feldenkrais. Elle a croisé les
chemins de Mathilde Monnier, Christophe Wavelet, etc. Depuis 2016, elle est très active en
France et ce travail est issu d’une collaboration avec

Critique d’art Christophe Wavelet qui a travaillé au Centre national de la danse, puis dirigé
le LiFE– Lieu international des Formes Emergentes (2005-2010), institution dédiée à la
production et à la diffusion des scènes contemporaines de l’art. Ses articles et essais sont
publiés dans de nombreuses revues et à l’occasion de catalogues d’expositions. Accordant
la priorité à des projets de nature discursive venant de différentes aires culturelles, il est,
en 2012 et 2013, lauréat de l’Akademie Schloss Solitude, et a travaillé à l’écriture d’un
essai ainsi qu’à la traduction française des Ecrits de l’artiste brésilien Helio Oiticica. Il a
également assuré la conception et le commissiariat artistique du prorgramme "Scènes du
geste" au CND en novembre 2015

Pour la semaine prochaine, donner directement les devoirs : Aborder la question des
impressions aussi.

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