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Première G1 Français Notes pour une explication

Gargantua Prologue
Dans le prologue, Rabelais donne aux lecteurs un mode d’emploi de son livre:il invite les amateurs
du Pantagruel à poursuivre ici une lecture qui les a fait rire une première fois, mais ne cache pas non
plus e sérieux du texte qui va suivre.Rabelais mêle les tons, en choisissant la référence la plus haute,
celle de Socrate pour expliquer aux lecteurs une règle essentielle : ne pas s’en tenir aux apparences.
Structure
1) Apostrophe aux lecteurs

2)Alcibiade parle de Socrate et dit qu'il est semblable à un Silène


Analogie (volonté pédagogique de Rabelais) fondée sur une référence culturelle
(Or , chez le Silène, l'extérieur est différent de l'intérieur
Donc, chez Socrate, l'extérieur est différent de l 'intérieur)
1)
3)Alcofribas parle de son livre et dit qu'il est semblable à un Silène
(Or chez le Silène, l'extérieur est différent de l'intérieur
Donc, dans le livre, l'extérieur est différent de l'intérieur)

Une construction en miroir,en emboîtement, un raisonnement par analogie.

Problématique : un prologue mode d'emploi ou dans quelle mesure ce prologue constitue-t-il un


mode d’emploi de la lecture du livre à venir.

« Buveurs très illustres, et vous vérolés très précieux (car c'est à vous et non à d'autres que
sont dédiés mes écrits) »
Rabelais ouvre son Gargantua par un prologue, il compose une scène de théâtre dans laquelle il se
met en scène à la manière d'un bonimenteur. Le prologue s'ouvre sur une apostrophe « buveurs très
illustres ». Le terme dans sa double acception , propre et figurée, est la clef de l’univers rabelaisien
puisque c’est à la fois le premier mot du président du banquet dans l’antiquité et l’annonce de la
révélation finale de la Dive bouteille : c’est à dire Trinch : bois. c'est aux buveurs qu'il s'adresse,la
provocation est évidente. Notons que l'apostrophe est accompagnée de l’ adjectif « illustres » au
superlatif . L'oxymore renverse alors la hiérarchie, l'alliance de mots résonne comme une
provocation. Le même procédé est repris mais ce n est plus aux buveurs qu'il s »adresse mais aux
« vérolés très précieux » on retrouve la trilogie : apostrophe superlatif et alliance de mots. Les
buveurs sont « illustres » et les vérolés « précieux » : le livre s'adresse aux bons vivants, le corps est
à l'honneur . Le texte est sous le signe du corps et du rire. De l’humain.
L'apostrophe est explicitée par la parenthèse qui débute par la conjonction de coordination « car »
qui a valeur d'explication , le présentatif « c'est à vous »englobe buveurs et vérolés que Rabelais
souhaite , comme lecteurs. Il définit le lecteur qu'il souhaite : un humaniste, un homme de bonne
foi. Un lecteur qui ne se scandalise pas, sans préjugé, capable de s 'abandonner au plaisir de la
lecture. Un lecteur ni soupçonneux, ni méfiant. Un lecteur accessible aux valeurs du symposium, à
la sympathie. Voilà pourquoi c'est à eux que « sont dédiés « ses »mes écrits » Rabelais désigne ses
lecteurs , une élite et rejette par la restriction « et non à d'autres » les malveillants,

Le prologue met en place un contrat entre le lecteur et l'auteur lequel se présente sous le masque
d 'Alcofribas Nasier narrateur fantasque et farcesque
Reprise
Comme un bateleur de foire, Rabelais cherche à accrocher l’attention de son public.

« Alcibiade, dans le dialogue de Platon intitulé Le Banquet, faisant la louange de son


précepteur Socrate, sans conteste prince des philosophes, le déclara, entre autres propos,
semblable aux silènes »
Rabelais passe de l’apostrophe provocatrice propre à faire rire à la très illustre référence à Platon,
ce faisant il opère une rupture de ton, il joue à passer du coq à l'âne , générant un effet comique. La
citation du Banquet de Platon , dont Rabelais précise qu'il est un « dialogue » permet d'introduire,
sur un mode sérieux la figure emblématique et ambivalente de Socrate qualifié dans l'apposition de
« prince des philosophes » Elle est posée à travers la relation de maître à disciple « louant son
précepteur Socrate » . Rappelons qu’Alcibiade est un disciple de Socrate.C'est cette même relation
que demande à établir le narrateur avec ses lecteurs. Alcibiade use d'une comparaison
étonnante,surprenante et en apparence obscure : il déclara Socrate « semblable aux silènes »
Retour
Rabelais s'adresse certes à des lecteurs avertis mais ne méprise ni ne néglige le lecteur populaire ou
non averti, il ne procède pas par allusions, il guide son lecteur dans un souci didactique d'une
extrême clarté : c'est pourquoi il va dans la phrase suivante expliciter ce qu'est un « silène » et
éclairer la curieuse comparaison.

« Les silènes étaient jadis de petites boîtes comme celles que nous voyons aujourd'hui dans les
boutiques des apothicaires, peintes sur le dessus de figures joyeuses et frivoles ; telles que
harpies, satyres, oisons bridés, lièvres cornus, canes bâtées, boucs volants, cerfs harnachés, et
autres semblables peintures inventées par fantaisie pour inciter le monde à rire. »

Rabelais va développer une double comparaison : dans un premier temps, Socrate est comparé aux
Silènes. En précisant la nature des silènes, par comparaison avec les bocaux décorés tels qu'il en
existe encore « aujourd'hui » chez les pharmaciens, Rabelais semble s'excuser de citer Platon. Mais
par cette allusion,Rabelais témoigne de son humanisme et de son souci didactique ( il prend soin
aussi de son public populaire). Ces Silènes sont des images faites de plusieurs pièces mobiles, qu'on
pouvait soulever ou rapprocher pour faire apparaître une image grotesque ou monstrueuse. Puis une
fois qu'on les avait déployées, elles découvraient une toute autre image. Suit une énumération
d'animaux fantastiques, d'une variété telle qu'elle semble faite pour le plaisir verbal plus que pour
une compréhension précise. Le rythme l'emporte sur le sens, l'effet se veut comique. En évoquant
les figures « peintes » sur les boîtes , il commence par deux monstres mythologiques « harpies
(femme à tête de vautour) et « satyres » (mi-homme mi-bouc) avant d'envisager des êtres hybrides :
« oisons bridés », « lièvres cornus » ….et « canes bâtées » ( notez le calembour « ânes bâtés ») qui
sont présents dans la culture populaire. Ces expressions populaires toute faites perdent leur sens
figuré et présentent à l'imagination des suggestions cocasses . On peut penser à l'univers de Jérôme
Bosch et de manière anachronique à Alice. Approfondissons la comparaison : ces boîtes « peintes »,
ces « peintures inventées » mettent en évidence à quel point la « peinture » qui représente, elle qui
relève de la mimesis, de l’imitation , elle qui figure, permet , par le détour, d'accéder à la
compréhension au savoir, peinture particulière qui se trouve du côté du rire , faite , et la finalité est
explicite « pour inciter le monde à rire » Rabelais reprend la définition des fabliaux du moyen-âge :
« histoires à rire ». Rabelais réhabilite ici le rire : « les joyeuses et frivoles figures ». Le rire est un
masque pour dire des choses sérieuses.
« Tel fut Silène, le maître du bon Bacchus »
Dans un souci didactique, Rabelais précise , il opère un rappel : « Tel fut Silène » , il guide son
lecteur. Dans un but de clarté, il ponctue son raisonnement. De Socrate à Silènes, de Silènes à boîtes
, de boîtes à Silène : la boucle est bouclée. Précisons que Bacchus est le patron de la comédie, le
dieu du délire, de l'inconscient qui se libère, du rire. On est sous le signe du rire, d‘un rire fécond.

« Mais au-dedans l'on y conservait de fines drogues comme le baume, l'ambre gris, l'amome,
le musc, la civette, les pierreries, et autres choses précieuses »
Rabelais a gardé le contraste entre extérieur et intérieur , souligné ici par la conjonction de
coordination d'opposition « mais » qu'il reprend de Platon. L' « au-dedans » s'oppose à l' « au-
dessus » , la réalité s'oppose aux « joyeuses figures peintes » , la vérité à la représentation. Aussi
oppose-t-il « les fines drogues » dans une énumération qui tourne à la litanie de drogues précieuses
qui font penser aux présents des rois mages et les « choses précieuses » aux figures monstrueuses
des silènes.
Ces drogues sont utilisées en médecine , elles servent à soigner, elles sont donc précieuses. Ce qui
permet une analogie avec Socrate, médecin des âmes et un Rabelais, médecin par le rire.
« Tel était Socrate, selon Alcibiade :»
Rabelais fait un rappel, il ponctue son raisonnement.

« car en voyant son physique et en le jugeant d'après son apparence extérieure, on en aurait
pas donné une pelure d'oignon, tant il était laid de corps et ridicule d'allure, le nez pointu, le
regard d'un taureau, le visage d'un fou, simple de mœurs, rustique en vêtements, pauvre sans
fortune, malheureux en amour, inapte en tout office de la république, toujours riant, toujours
buvant à tous et à chacun, toujours se moquant, toujours dissimulant son divin savoir »

Du Silène à la boîte, de la boîte à Silène, de Silène à Socrate. Rabelais passe au portrait , repris de
celui de Platon mais enrichi. Le « car » traduit une explication , les deux gérondifs « en voyant » ,
« en le jugeant » reprennent l'idée précédente qui oppose extérieur et intérieur. Les verbes voir et
juger sont à comprendre en les interrogeant: peut-on juger d'après ce que l'on voit ? Rabelais
actualise le jugement par un rapprochement prosaîque : « on en aurait pas donné une pelure
d'oignon » . La locution consécutive « tant » instaure un rapport cause/ conséquence . Le portrait
construit sur une énumération procède par accumulation de n ustique, pauvre, malheureux, inapte »
de participes présents pour le comportement « riant, buvant, se moquant, dissimulant » Ce portrait
comique qui procède par accumulations et ruptures, joue sur le manque, la privation et dépeigne un
homme démuni , les participes , quant à eux, oscillent entre démence réelle et simulée.Pourtant le
côté joyeux ivrogne domine, le rire est à nouveau réhabilité. Cette apparence ne serait-elle qu'un
masque ?
Socrate dissimule un « divin savoir »

« Mais ouvrant cette boîte, vous auriez au-dedans trouvé une céleste et inestimable drogue,
un entendement plus qu'humain, une vertu merveilleuse, un courage invincible, une sobriété
sans pareille, un contentement certain, une assurance parfaite, un mépris incroyable de tout
ce pour quoi les humains perdent le sommeil, courent, travaillent, naviguent et bataillent
tant »

Reprenant en miroir la construction précédente , le « mais » va permettre d'opposer l'extérieur à


l'intérieur, Rabelais s'adresse aux lecteurs , il les interpelle, « vous auriez » et les invite avec cet
irréel du passé à réfléchir à une méthode de lecture propre à dépasser les apparences . Le dehors
s'oppose au dedans . Socrate est maintenant comparé à une « drogue » en écho aux drogues
contenues dans les silènes. Suit une énumération dont le ton change, de comique , il devient lyrique
y est exprimée l'admiration que Socrate inspire à Platon et à Rabelais. « entendement, vertu,
courage, sobriété, contentement, assurance » tous ces adjectifs renvoient aux qualités reconnues à
Socrate et que Rabelais lui reconnaît. Ce portrait lyrique et hyperbolique correspond à l'idéal de
Rabelais. Mais la vertu de Socrate réside surtout dans son mépris de l 'agitation dérisoire des
activités humaines : « tant veillent, courent, travaillent, naviguent, et bataillent »Ces énumérations
traduisent le plaisir du verbe et la variété de l'univers » Une véritable envolée apologétique de la
perfection de Socrate

« A quelle fin, …...... facétie. »

Tout ce développement, ce détour par Socrate n’a comme visée de permettre une troisième analogie
reprenant en miroir la même structure :apostrophe, analogie,promesse de vérité, appliquée à
Gargantua.

On arrête là l’explication et on passe à la conclusion.

Quelques explications cependant.

Rabelais interpelle de nouveau ses lecteurs avec familiarité comme au début du prologue comme
pour atténuer le sérieux de ses précédents propos . Son livre est maintenant comparé aux silènes. Il
s'adresse aux hommes de bonne volonté , ceux qui goûte la lecture et les jeux de mots « lisant les
joyeux titres d'aucuns livres de notre invention » Les titre parodiques accompagnent le respectable
Banquet de Platon , Rabelais joue de l'oxymore , de l'alliance de mots Fessepinte, la dignité des
braguettes . Les « fous » apostrophés sont les sages cette inversion est d'ailleurs chère aux
évangélistes mais ici , elle est employée dans un contexte mi- sérieux, mi-ironique. Il recommande
de ne pas se fier aux titres de ses livres qu'il compare maintenant à une « enseigne » dont le récit
serait la boutique. C'est la troisième comparaison ou analogie depuis le début. Le livre de Rabelais a
été implicitement comparé à un Silène, puis à Socrate ; il est maintenant comparé à une boutique.
Amenée ainsi directement sans outil de liaison , la comparaison est une véritable image , une image
poétique.

« Mais il ne convient pas d'estimer.......l'Espagne »


Remarquons la construction en miroir , le « mais » articule le même raisonnement qui oppose
l'extérieur à l'intérieur , tout en opérant un glissement entre Socrate et Rabelais.Il invite ses lecteurs
à « estimer » « peser » : la méthode est donnée.
Ce rapport analogique est cette fois fondée sur l'expérience commune de ses lecteurs « car vous-
même » , au bon sens à l'aide de deux proverbes . Le bon sens dit que le titre ne révèle pas le
contenu. « l'habit ne fait pas le moine » et « la cape espagnole »

« C'est pourquoi il faut ouvrir le livre.......prétendait »


Rabelais explicite ce rapport en précisant : « c'est pourquoi » Il peut alors conclure sur la différence
entre l'aspect extérieur et la réalité profonde « Lors connaîtrez … que ne le promettait la boîte ».
La conclusion est écrite sur un ton grave et sentencieux, ce qui met en valeur le propos sérieux de
l 'auteur

Conclusion

Une méthode de lecture, une réflexion sur la profondeur du rire, une vision humaniste.
Un modèle de raisonnement analogique , une construction emboîtée et en miroir
Une fantaisie verbale qui use du comique pour mieux révéler le sérieux du propos.
Pourquoi le contenu est-il caché derrière les « joyeusetés » par désir de plaire ? Sans doute.
Mais ne serait-ce pas aussi parce que les matières qui y sont traitées sont trop graves pour être
exprimées sans détour.

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