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Chapitre 2 : Commerce international et géographie économique

D’après Paul Krugman, de nos jours, le commerce international ne peut plus être compris
comme un simple mécanisme d’échange entre nations spécialisées dans un secteur de
l’économie ou sur un produit particulier. Les théories qui partaient de ce postulat sont les
théories dites « classiques » du commerce international, comme celle des avantages comparatifs
de Ricardo ou la théorie HOS. Ces dernières sont incomplètes puisque certains de leurs axiomes
ne sont pas constatés de fait.

Pour Krugman, la concurrence est imparfaite et le commerce international est régi par les
économies d’échelle. Dès lors, la région la plus importante offre des débouchés plus importants
et les acteurs économiques auront tendance à se localiser à proximité de ces régions
dynamiques, malgré des coûts du travail souvent plus élevés. Cela fait croître le nombre
d’entreprises dans la région et attire les autres entreprises par un phénomène d’agglomération
(pensez aux fameux clusters…).

La mondialisation a donc profité à certains territoires bien précis et nous sommes rentrés dans
une logique de l’agglomération qui creuse les inégalités. Finalement, le phénomène
d’agglomération est autoentretenu, c’est un cercle vertueux pour la région dominante.

I. La deuxième mondialisation (1978-2008)

I.1. Définition de la mondialisation

« La mondialisation (ou globalisation) désigne l’accélération des mouvements et échanges


(d’êtres humains, de biens et de services, de capitaux, de technologies ou de pratiques
culturelles) sur toute la planète. La mondialisation entraîne un niveau d’interaction croissant
entre les différentes régions et populations du globe. »

En géographie, la mondialisation se définit comme l’ensemble des processus (économiques,


sociaux, culturels, technologiques, institutionnels) qui contribuent à la mise en relation des
sociétés et des individus du monde entier. C’est un processus progressif d’intensification des
échanges et des flux entre les différentes parties du monde.

I.2. Les aspects de la mondialisation


La mondialisation repose sur des aspects à savoir :

• La mondialisation économique : le moteur de la globalisation

Historiquement, il semble que la mondialisation économique soit la première dimension de la


mondialisation. Ce sont en effet les échanges commerciaux qui ont alimenté la dynamique des
interactions entre les différentes parties du monde.
À partir des années 1960 et surtout 1970 c’est l’ouverture des économies mondiales et le
développement des politiques de libre-échange qui ont vraiment lancé l’accélération de la
mondialisation. Entre 1950 et 2010, les exportations mondiales ont ainsi été multipliées par 33
ce qui a contribué largement à augmenter les interactions entre les différents pays et régions du
monde.

• La mondialisation financière

Dans le même temps, la finance s’est aussi mondialisée. À partir des années 1980, sous
l’impulsion des politiques néo-libérales, le monde de la finance s’est progressivement ouvert.
De nombreux Etats (les Etats-Unis sous Ronald Reagan, le Royaume-Uni sous Margaret
Thatcher) ont mis en place ce que l’on appelle la « Politique des 3D » : Désintermédiation,
Décloisonnement, Déréglementation.

Il s’agissait de simplifier les règles de la finance, de supprimer les intermédiaires financiers et


de faire tomber les barrières entre les différentes places financières afin de faciliter les échanges
de capitaux entre les différents acteurs financiers de la planète. Cette globalisation financière a
contribué à l’émergence d’un marché financier mondial où se sont multipliés les échanges de
titres et de capitaux.

• La mondialisation culturelle : mondialisation et diversité culturelle

Avec la mondialisation économique et financière, il y a eu évidemment une mondialisation


culturelle. En effet, la multiplication des échanges économiques et financiers s’est
accompagnée d’une accélération des échanges humains : migrations, expatriations, voyages…

Ces échanges humains ont contribué au développement des échanges culturels. Avec la
digitalisation du monde et l’avènement d’internet, ces échanges culturels se sont multipliés.
C’est ainsi qu’aujourd’hui, un peu partout dans le monde on peut goûter les cuisines de
différents pays, avoir accès à la littérature ou au cinéma de toute la planète… La mondialisation
a donc rendu plus accessible la diversité culturelle internationale.

I.3. Les causes de la mondialisation

Si le marasme des années 1930 a tué le commerce international, la crise des années 1980 va, au
contraire, provoquer l’entrée dans la mondialisation. Cette évolution s’explique par plusieurs
facteurs :

• La troisième révolution industrielle : Jeremy Rifkin en 2011 dans The Third Industrial
Revolution: How Lateral Power Is Transforming Energy, the Economy, and the World,
affirme que l’essor des NTIC va permettre de réduire considérablement les frais de
transports, et surtout le coût de transport des données informatiques.
• L’invention du container qui permet de baisser le coût du transport. Notons
qu’aujourd’hui, 90% du transport de marchandises par voie maritime se fait par
container.
• La déréglementation économique et surtout financière. Le financement sera désormais
plus simple et l’allocation des ressources devait être amélioré. Dans les faits, on
remarque que cette déréglementation a du bon, mais également beaucoup de mauvais,
car elle a permis au système financier de contourner les règles. (cf. l’article sur les
Panama Papers et les paradis fiscaux).
• La remise en cause du système de Bretton-Woods qui va permettre la fin de la fixité des
taux de change. Cette fin de la fixité du taux de change et du système de Bretton-Woods
va permettre aux Etats de lever la contrainte de l’équilibrage des comptes extérieurs.
Les idées de Friedman l’emportent.

I.4. Les conséquences économiques de la mondialisation

Les conséquences les plus visibles de la mondialisation sont sans doute celles qui touchent au
monde économique. La mondialisation a entraîné une nette augmentation des échanges
commerciaux et économiques, mais également une multiplication des échanges financiers.
Cette accélération des échanges économiques a été à l’origine d’une forte croissance
économique mondiale. Elle a permis un développement industriel global rapide. Selon certains
analystes, la mondialisation a aussi contribué à améliorer les conditions économiques globales,
en créant de nombreuses richesses économiques.
Toutefois, cette croissance économique tirée par la mondialisation ne s’est pas faite sans éveiller
les critiques. Les conséquences de la mondialisation sont loin d’être homogènes : inégalités de
revenus, de développement, dégradation des termes de l’échange.

Certains acteurs (pays, entreprises, individus) bénéficient plus des phénomènes de


mondialisation, tandis que d’autres sont parfois perçus comme les « perdants » de la
mondialisation.

II. Commerce international et géographie économique


A. Les théories traditionnelles du CI

A.1. Les avantages absolus de Smith


Adam Smith est surtout connu pour avoir posé les bases de la théorie économique moderne.
Parmi ses multiples apports, il a notamment mis en lumière les gains que les pays peuvent tirer
du commerce.

Le commerce international permet des gains de productivité puisque chaque pays, en se


spécialisant dans les secteurs où il est le plus productif, augmente sa production totale (donc sa
consommation). Cette idée est en lien avec l’exemple de Smith sur la manufacture d’épingles :
en divisant les tâches successives permettant de fabriquer une épingle, Smith montre que la
productivité augmente fortement grâce à la division du travail. Le commerce international,
en permettant l’extension de la taille du marché et donc de la division du travail, en accroît
les avantages.

La théorie du commerce international de Smith s’appelle la théorie des avantages absolus. Il


montre que chaque pays a intérêt à se spécialiser dans la production pour laquelle il a un
avantage compétitif absolu vis-à-vis des autres, et à échanger ensuite sa production.

A.2. Les avantages comparatifs de Ricardo

Au début du XIXe siècle, l’économiste anglais David Ricardo poursuit le travail de Smith mais
montre qu’un pays a intérêt à se spécialiser et à participer au commerce international même s’il
n’a pas d’avantage compétitif absolu.

C’est la théorie des avantages comparatifs : chaque pays a intérêt à se spécialiser dans la
production pour laquelle il est comparativement le plus compétitif et à échanger. La conclusion
de Ricardo, qui peut sembler contre-intuitive, est que chaque pays tire un intérêt du commerce
international, quel que soit son niveau de développement.

David Ricardo illustre sa théorie en prenant l’exemple de deux produits et deux pays : le drap
et le vin, et le Portugal et l’Angleterre. Dans son exemple, le Portugal est plus productif que
l’Angleterre dans les deux productions. Pourtant, l’avantage du Portugal est comparativement
plus grand dans le vin que dans le drap. Le Portugal a intérêt à ne produire que du vin,
l’Angleterre que du drap, et à échanger ensuite une partie de leur production.

Cette théorie repose cependant sur certaines hypothèses restrictives, par exemple l’absence de
coûts de transport. De plus, une spécialisation très poussée des pays les rend vulnérables. Par
exemple, si un pays se spécialise dans la production de vin et qu’une maladie décime la vigne,
il en résultera une violente crise économique.

A.3. L’approche Heckscher-Ohlin-Samuelson


Le modèle HO complète la théorie des avantages comparatifs de Ricardo, le libre-échange y est
aussi vu comme la meilleure politique possible. Heckscher et Ohlin intègrent les facteurs de
production à l’analyse. Ils montrent que ce sont les différences de dotations initiales en facteurs
de production qui sont à l’origine des avantages spécifiques de chaque pays.
Le modèle HO suppose que les biens sont produits grâce à deux facteurs de production, par
exemple le capital et le travail. Certains produits peuvent nécessiter beaucoup de capital (des
machines, de la technologie), par exemple les ordinateurs ou les voitures. Ce sont des produits
« à forte intensité de capital ». D’autres biens nécessitent moins d’équipements, mais beaucoup
de main-d’œuvre, par exemple les vêtements. Ces produits sont dits « à forte intensité de main-
d’œuvre ».
Selon HOS un pays se spécialise dans les biens « à forte intensité de capital », s’il a plus de
capital, ou dans les biens « à forte intensité de main-d’œuvre », s’il a plus de travail.

B. Les nouvelles théories du CI

A partir des années 1970-1980, le modèle HOS est vivement critiqué, car il ne correspond pas
à ce que l’on constate dans le commerce international. Les échanges ne semblent pas
s’effectuer uniquement sur la base de dotation en facteurs de production.
Des économistes comme Paul Krugman observent que le commerce se fait principalement
entre pays similaires et sur des produits similaires. On parle de « commerce intra-
branche ». Par exemple, l’Europe vend des Airbus aux États-Unis mais achète des Boeing, ce
qui est en contradiction avec les prédictions du modèle HOS. De la critique du modèle HOS
est née la nouvelle théorie du commerce international, qui introduit des explications fondées
sur la concurrence imparfaite.

Cette approche montre notamment l’importance des rendements d’échelle croissants, c’est-
à-dire que, plus un pays fabrique d’un produit, plus il devient productif dans ce domaine car il
développe un savoir-faire et des économies d’échelle. Cette approche explique la
concentration géographique des activités (le cinéma à Hollywood, l’aéronautique à Toulouse,
l’automobile en Allemagne, la finance à Londres…).

Si cette approche reste favorable à l’ouverture au commerce, elle montre l’utilité qu’il peut y
avoir pour l’État à mener une politique industrielle. En effet, en aidant temporairement un
secteur, l’État peut l’aider à gagner une taille critique qui lui permettra ensuite de bénéficier
de rendements d’échelle et d’être compétitif sur le marché mondial.

La notion de centre-périphérie

Le modèle centre-périphérie est présenté par Paul Krugman dans Geography and Trade. Si le
commerce international est régi par les économies d’échelle, alors les régions avec la plus
grande production sont plus dynamiques et vont donc attirer les agents économiques du monde
entier. La production va donc se concentrer sur un territoire, qui peut être aussi petit qu’une
ville ou un quartier.

Ce territoire est appelé par Paul Krugman le « centre ». Le centre est voué à devenir densément
peuplé et à abriter des populations aux revenus élevés. Les régions qui ne sont pas des
« centres » représentent donc la « périphérie ». Afin d’expliquer les concentrations
géographiques particulièrement importantes d’industries ou de services, Paul Krugman reprend
les arguments énoncés par Marshall à propos des clusters dans ses Principles of Economics
(1890).

Il explicite les externalités positives qu’entraîne l’existence d’un marché du travail spécialisé
qui réduit les coûts de recrutement et concentre des individus qualifiés. Les échanges informels
au sein du cluster induisent aussi des externalités technologiques et informationnelles grâce à
une transmission accrue des savoirs et des connaissances entre travailleurs.

Conclusion : Le CI, surtout dans le contexte de la « deuxième mondialisation », a des


conséquences très importantes sur la répartition des activités économiques, à la fois entre les
pays et au sein des pays. Les effets sont divers et parfois contradictoires :
- Spécialisation (théories tradi du CI) ;
- Homogénéisation (Nouvelles théories du CI);
- Agglomération (NEG)
Il n’y a pas de résultat général : observe-t-on une convergence ou une divergence des espaces ?
Ces effets dépendant de l’intensité des échanges et de la mobilité : des biens ; des capitaux ; du
travail ; des idées.

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