SOCIÉTÉ
Koh Pich, le futur
repaire pour riches
Une nouvelle ville sort de terre sur l’île de Koh Pich, à l’embouchure du Bassac.
Le deuxième pont Monivong enfin terminé, les travaux de construction
entrepris par la Canadia Bank se concentrent à présent sur la première partie
habitable de l’ « île du diamant » située en face du complexe Nagaworld.
Dr
Projet de construction de Koh Pich. En rouge, la zone résidentielle actuellement en vente.
L
es investisseurs du projet
urbanistique de Koh Pich
sont résolument optimistes.
Ils estiment que la première
phase des travaux, qui concerne
un quartier résidentiel, sera ter-
minée d’ici la fin de l’année. Dis-
ponibles en ce moment à la
vente : différents modèles de vil-
las dont le point commun est
qu’elles s’adressent à un public
haut de gamme. Pourquoi pas
une « villa princière » à 168 000
dollars ? Ou alors une « villa
reine » pour 216 000 dollars ? Ou
encore mieux, la « villaroyale »
pour quelques dollars de plus
(277 000 dollars). Sans compter
bien évidemment le prix du ter-
rain, pour lequel il faut compter
un peu plus de 1 000 dollars du
mètre carré. Pour information,
une « villaroyale » est batie sur
une parcelle de 700 m2, soit une
rallonge de 700 000 dollars.
« Libérezvossens,changezde
vie » annonce le slogan de pré-
sentation du projet qui se veut
incitatif. Il ne vaut mieux pas
traîner pour mettre la main au
portefeuille, selon l’office de pro-
motion du projet, la plupart des
« King villas » et plus de la moitié
des « Queen villas » sont déjà ré-
servées !
Information difficile à vérifier,
en guise de preuve le responsable
14 Cambodge Soir Hebdo n˚ 86 – 2e année, 11 au 17 juin 2009
des ventes montre la carte des
habitations avec les « résidences
achetées » surlignées en fluo. Pas
franchement convainquant.
La crise freine le projet
Outre les travaux, le défi de
taille pour les promoteurs sera de
surmonter les effets de la crise
économique et de convaincre des
acheteurs fortunés d’émigrer sur
cet îlot, qui pour l’instant n’a rien
d’accueillant. Le diamant est en-
core brut, en chantier. Des cen-
taines d’ouvriers s’affairent à
construire des routes, planter des
arbres, paver les trottoirs, mais
pour l’instant il n’y a que des ba-
raquements d’ouvriers et des en-
gins de construction à visiter.
Histoire d’attirer des clients, le
promoteur fait à présent des of-
fres alléchantes. Il propose une
réduction de 35 % sur le prix du
terrain (qui auparavant coûtait
1 500 dollars du mètre carré)
ainsi que la possibilité d’opter
pour un crédit à long terme.
Ville d’élite
Le projet résidentiel n’est que
la première étape d’un plan im-
mobilier titanesque : hôtels de
luxe, centre commercial, village
d’ambassades, hôpital, marina
sur le Bassac…
La « nouvelle ville » est censée
devenir le « futurcentredelaca-
pitaled’iciunedizained’années »
assurent les promoteurs, défini-
tivement optimistes. Mais pour
l’instant la ville modèle n’existe
qu’à l’état de modèle réduit.
Des travaux concrètement réa-
lisés à ce jour, on peut voir les
fondations des premières villas,
une partie de la digue qui cein-
ture l’île, ainsi que le premier
des trois ponts qui la relieront au
continent. Sur la berge de l’autre
coté du Bassac quatre tours sont
également en construction.
Genèse du projet
À l’origine du projet, il y a la
société Ocic (Overseas Cambo-
dian Investment Company), liée
à la Canadia Bank, qui investit
depuis une quinzaine d’années
dans le royaume avec des capi-
taux apportés par des Cambod-
giens d’outremer. En janvier
2006, un contrat est signé entre
Kep Chuktéma, gouverneur de
Phnom Penh, et Pong Sovann,
directeur de l’Ocic. La municipa-
lité cède alors à la société l’ex-
ploitation du site avec un bail de
99 ans en échange de 50 mil-
lions de dollars et de la pro-
messe de réaliser un deuxième
pont Monivong.
Après la signature du contrat
viendra la phase d’expulsion des
familles de pêcheurs qui rési-
daient sur l’île. À l’issue d’un in-
terminable conflit et d’un mandat
d’expulsion émis en bonne et due
forme par la municipalité, les
trois cents familles de Koh Pich
ont finalement été relogées sur
un terrain de Kandal, moyennant
une compensation financière, in-
signifiante par rapport au prix du
terrain actuel.
Le sort des pêcheurs est bien
vite occulté et dès mai 2006 les
travaux d’aménagement com-
mencent, de même qu’est lancé le
chantier du deuxième pont Moni-
vong. L’ouvrage a été inauguré
en grande pompe en mai 2009.
Phnom Penh prend
des airs de Dubai
Une telle entreprise dans le
Golfe persique n’aurait rien de
surprenant, aux Émirats Arabes
L’écologie s’invite
à Phnom Penh
La capitale accueillait début juin la deuxième édition
de la « Semaine de sensibilisation à
l’environnement ». Dans un pays où les
préoccupations écologiques n’en sont qu’à leurs
balbutiements, l’initiative a eu le mérite de mettre
le sujet sur le tapis, même si l’événement a souffert
de quelques erreurs de jeunesse.
R
échauffement planétaire,
déforestation, protection
des espèces menacées…
tels étaient les thèmes abordés
lors de cette « Semaine verte » en
divers endroits de la capitale.
Dans les jardins de Hun Sen no-
tamment, un panel d’ONG lo-
cales et internationales initiaient
les passants aux enjeux environ-
nementaux.
À travers des expositions, des
ateliers ou via des projections de
documentaires, le grand public
était ainsi convié à découvrir
l’ampleur du désastre écologique
mondial.
Triste tableau dans lequel le
Cambodge ne fait malheureuse-
ment pas exception, avec son lot de
maux tels que la déforestation, le
braconnage, la pollution sous
toutes ses formes et autres sac-
cages provoqués par un développe-
ment accéléré.
Charité bien ordonnée…
En marge de l’explication des
grands enjeux planétaires, des
associations locales dispensaient
des conseils aux visiteurs avec
pour objectif de les initier aux
« gestes durables ». Gestion de sa
consommation, recyclage, pollu-
tion, bref les bases de l’écologie à
la portée de tous.
Grâce des activités ludiques,
l’événement s’est finalement ré-
vélé un succès populaire durant le
Unis les projets de ce type sont
légion (Palm Island, World Is-
land…) mais les investissements
disponibles sont pratiquement il-
limités et la demande d’habitats
de luxe est réelle.
Au Cambodge la situation est
nettement différente. Si les ter-
rains de Koh Pich trouvent pre-
neurs, le projet continuera et
peut être que la « ville d’élite »
existera un jour. Dans le cas
contraire, le chantier sombrera
aux oubliettes, à l’instar de nom-
breux projets dans le royaume.
Le promoteur fera bien de pen-
ser également à l’alimentation
en électricité de cette cité modèle
pour « ultra riches », parce qu’à
ce jour la capitale est toujours en
proie à des pénuries de courant.
Question de priorité.
Benjamin Vokar
Benjamin Vokar
Animation pour enfants au Wat
Phnom lors de la « semaine verte. »
week-end, surtout chez les plus
jeunes, cible privilégiée par les or-
ganisateurs.
Bémol de l’événement, il a souf-
fert de quelques ratés au niveau de
la coordination entre les différents
partenaires. Changements dans le
programme, retards, la manifesta-
tion imposait de plus au visiteur de
se déplacer sur de nombreux sites
s’il voulait suivre les différentes ac-
tivités proposées.
Après avoir calculé son em-
preinte écologique, occasionnée
par les déplacements sur l’ensem-
ble de la semaine verte, le visiteur
se sentira peut être obligé de voya-
ger à pied durant la semaine à
venir. Ou mieux, de planter un
arbre en attendant la prochaine
édition de la semaine verte à
Phnom Penh.
B.V.