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le conte, la nouvelle,
le roman
Séquence 1-FR20 27
A Problèmes de définitions
B Narrations littéraires et non littéraires
C Le conte : une étude du Petit Chaperon rouge de Charles Perrault
Le registre fantastique
Expliquer un texte narratif
L’écriture d’invention
Histoire littéraire : le roman
A Problèmes de définitions
D ans l’expression « genres narratifs », on retrouve le terme « narration » et le verbe « narrer » issu du
latin narrare qui signifie : « exposer dans le détail ». La narration suppose donc un agencement,
une organisation du récit ; narrer, ce n’est pas dire quelque chose n’importe comment.
La narration est donc une manière de présenter des événements et doit être distinguée de l’histoire
qui est le contenu ou le sujet du récit.
Récit = histoire + narration
texte 1 Joey Starr (de son vrai nom Didier Morville), le chanteur de NTM, comparaissait hier pour coups et blessures
volontaires contre une hôtesse de l’air et outrages à agents de la force publique. Joey Starr est venu, pas
l’hôtesse de l’air. Elle a retiré sa plainte à la suite d’un « accord à l’amiable ». Une somme substantielle lui
aurait été versée et des excuses adressées.
Michel Holtz, © Libération, jeudi 28 janvier 1999.
texte 2 C’est le lendemain des noces du comte Michel Szémiotf et de mademoiselle Ivinska. Durant la nuit, le
narrateur a été éveillé par un bruit étrange.
Vers onze heures, je me rendis au salon, où je trouvai beaucoup d’yeux battus et de mines défaites ; j’ap-
pris en effet qu’on avait quitté la table fort tard. Ni le comte ni la jeune comtesse n’avaient encore paru.
À onze heures et demie, après beaucoup de méchantes plaisanteries, on commença à murmurer, tout bas
d’abord, bientôt assez haut. Le docteur Froeber1 prit sur lui d’envoyer le valet de chambre du comte frapper
à la porte de son maître. Au bout d’un quart d’heure, cet homme redescendit, et, un peu ému, rapporta
au docteur Froeber qu’il avait frappé plus d’une douzaine de fois, sans obtenir de réponse. Nous nous
consultâmes, madame Dowghiello2, le docteur et moi. L’inquiétude du valet de chambre m’avait gagné.
Nous montâmes tous les trois avec lui. Devant la porte, nous trouvâmes la femme de chambre de la jeune
comtesse tout effarée, assurant que quelque malheur devait être arrivé, car la fenêtre de madame était
toute grande ouverte. Je me rappelai avec effroi ce corps pesant tombé devant ma fenêtre. Nous frappâmes
à grands coups. Point de réponse. Enfin le valet de chambre apporta une barre de fer, et nous enfonçâmes
la porte... Non ! le courage me manque pour décrire le spectacle qui s’offrit à nos yeux. La jeune comtesse
était étendue morte sur son lit, la figure horriblement lacérée, la gorge ouverte, inondée de sang. Le comte
avait disparu, et personne depuis n’a eu de ses nouvelles.
Le docteur considéra l’horrible blessure de la jeune femme.
_ Ce n’est pas une lame d’acier, s’écria-t-il, qui a fait cette plaie... C’est une morsure!.......................
Prosper Mérimée, Lokis (1869)
Séquence 1-FR20 31
Exercice autocorrectif n° 1
Quelles indications nous sont fournies par le paratexte3 ?
Exercice autocorrectif n° 2
Quel est le thème de chacun de ces extraits ?
Nous voici donc en face de quatre narrations bien différentes les unes des autres. Dans deux cas (l’article
consacré à Joey Starr et l’extrait de la biographie de Molière), l’intention de l’auteur est seulement
d’informer le lecteur, de lui faire connaître certains événements sans recherche particulière au niveau
artistique ou stylistique ; seule la clarté est nécessaire. Ce sont des narrations non littéraires.
Regardons de plus près le texte n°2. L’auteur, Mérimée, vise à créer un « suspense », une atmosphère
de mystère, puis d’horreur.
Il ne s’agit pas seulement, comme dans les narrations non littéraires de rapporter une succession d’évé-
nements. Il y a aussi une intention esthétique4, la narration est ornée de descriptions et de discours. Elle
n’est pas « pure ». C’est le critère essentiel qui distingue la narration littéraire de la non littéraire.
Objectif Nous vous proposons de redécouvrir un conte que vous connaissez tous pour en étudier la structure et
les aspects propres à ce genre littéraire.
3. Paratexte : « Ensemble des éléments textuels d’accompagnement d’une œuvre écrite (titre, dédicace, préface, notes, etc.). » (le petit larousse 2003)
4. Esthétique : « qui a un rapport au sentiment, à la perception du beau ». (Le petit Larousse 2003)
32 Séquence 1-FR20
Moralité
On voit ici que de jeunes enfants,
Surtout de jeunes filles
Belles, bien faites, et gentilles,
Font très mal d’écouter toute sorte de gens,
Et que ce n’est pas chose étrange,
S’il en est tant que le loup mange.
Je dis le loup, car tous les loups
Ne sont pas de la même sorte ;
Il en est d’une humeur accorte,
Sans bruit, sans fiel et sans courroux,
Qui privés, complaisants et doux,
Suivent les jeunes Demoiselles
Jusque dans les maisons, jusque dans les ruelles ;
Mais hélas ! Mais hélas ! qui ne sait que ces Loups doucereux,
De tous les Loups sont les plus dangereux.
Charles Perrault, Le Petit Chaperon rouge, Version originale
in Contes de ma mère l’Oye (1697)
Séquence 1-FR20 33
Destinateur(s) Destinataire(s)
Ce qui (ou ceux qui) Ce à quoi (ou ceux à
pousse(nt) le héros qui) est destinée la
au départ quête du héros
Sujet
Le héros
Objet
La quête
Opposant(s) Adjuvant(s)
Ce qui (ou ceux qui) Ce qui (ou ceux qui)
s’oppose(nt) au héros aide(nt) le héros
L’opposant le contrarie.
Remarque Souvent adjuvant, opposant, destinateur sont des choses ou des principes. Ce schéma n’est pas toujours
strictement applicable. Parfois, un même personnage peut aussi occuper deux fonctions dans le schéma.
34 Séquence 1-FR20
Le conte traditionnel a un seul et même schéma de base. C’est ce que le linguiste russe Vladimir Propp
a montré dans son essai La Morphologie du conte.
C’est un récit toujours bref, complet, clos, que l’on peut schématiser de la façon suivante :
Si le schéma narratif du conte est simple et même stéréotypé, en revanche, c’est un récit à interpréter.
Il parle au conscient comme à l’inconscient des lecteurs et auditeurs, et s’ancre puissamment dans la
culture du pays où il prend naissance, révélant ainsi l’état des sociétés, de leurs mœurs et coutumes,
des religions et des idéologies dominantes.
Le conte devenu genre littéraire est toujours un récit narratif en prose. Il fait le plus souvent intervenir
le merveilleux.
La moralité et le Les contes de Charles Perrault, auteur du XVIIe siècle, contemporain de La Fontaine, sont un peu différents.
but de l’auteur Ce sont des contes moraux : à la volonté de distraire ou de construire, s’ajoute celle de faire réfléchir
et de critiquer.
Perrault a ici une intention satirique : tous les loups ne sont pas de même sorte, lit-on ! L’auteur
vise tous les gens malhonnêtes et capables de dévoyer les jeunes filles, sous le « règne » de Madame
de Maintenon. Il est une invitation à la prudence :
De jeunes filles,
Belles, bien faites et gentilles,
Font très mal d’écouter toute sorte de gens.
Il est aussi une invitation à une réflexion au-delà du conte lui-même :
Mais hélas qui ne sait que ces loups doucereux
De tous les loups sont les plus dangereux,
dit « la moralité du conte », ces quelques phrases qui le suivent pour en préciser le sens.
Juge d’une société, Perrault se heurte aux problèmes qui assaillent les auteurs de son temps (et de
tous les temps) : la censure.
Pour éviter la censure, les auteurs choisissent généralement pour leurs fictions un éloignement dans le
temps (c’est le cas pour les romans historiques), dans l’espace (pensez à Candide de Voltaire ou aux
Lettres persanes de Montesquieu), et bien sûr des histoires très irréelles, dont, selon la formule consacrée,
« toute ressemblance avec une personne existant, ou ayant existé, est exclue ».
Perrault choisit, pour sa part, la forme apparemment inoffensive du conte (témoin du succès de sa
ruse : le « transfert » du Petit Chaperon rouge dans la littérature enfantine !). La jeune imprudente du
XVIIe siècle devient petite fille de village. L’intrigant malhonnête, un loup. Si la Cour apparaît ici avec ses
dangers, ses vices et ses cruautés, c’est sous couvert de la forêt qui abrite les personnages du conte :
honni soit qui mal y pense et songe à dénoncer un auteur si innocent !
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2. Les personnages
On rencontre dans le conte quatre personnages :
la mère
le loup
la mère-grand
Ces personnages s’insèrent dans la tradition littéraire du conte : ils accomplissent, au cours de l’action, les
mêmes actes, répondent aux mêmes besoins, et font le même parcours que ceux des contes traditionnels.
Les héros, comme nous l’avons vu dans la première partie, font un voyage initiatique qui les mène
de leur enfance (le plus souvent représentée par la maison familiale) à l’âge adulte, âge supposé de
l’accomplissement, de l’épanouissement, du dépassement des peurs (le plus souvent symbolisé par le
royaume ou le mariage royal), après beaucoup d’épreuves, en un parcours jalonné de dangers, mais
sur lequel les accompagnent des personnages amis (les adjuvants, ceux qui aident) et des personnages
antipathiques, voire dangereux (les opposants, ceux qui s’opposent à l’avancée du héros).
La mère représente ici un point de départ.
L’envoi et le départ sont des constantes du conte traditionnel : c’est ce qu’a mis en évidence le linguiste
russe Todorov, dans son essai très connu : Théorie de la littérature. Il y a toujours un personnage qui
envoie (un des parents, le plus souvent) et un personnage qui part (un enfant généralement).
Chez Perrault, cet « envoi » existe dans Le Petit Poucet, par exemple, ou dans Les Fées.
Ici, la mère envoie le Chaperon chez la grand-mère. Le Chaperon part. La mère est le point d’envoi de
l’enfant dans le monde.
La mère-grand a fait faire pour l’enfant un « capuchon » (chaperon = chape = capuchon) et le person-
nage est désigné par cette partie de son habillement.
C’est là une synecdoque (ainsi appelle-t-on cette figure de style qui prend la partie pour le tout) qui
restera célèbre.
Les adjectifs (« petit » et « rouge ») et le substantif (« chaperon ») sont passés ENSEMBLE dans la
classe des « noms propres » ! Les majuscules à Petit et à Chaperon en sont la preuve.
L’expression entière « Petit Chaperon rouge » deviendra une expression consacrée.
Le loup
Pour lui, deux remarques :
sa personnification : le récit le fait évoluer comme un humain, parmi les humains. « Il parle, se couche,
s’habille », va et vient, et ne se tient nullement à son rôle d’animal non pensant : c’est un loup « mal
intentionné ».
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Dans La Psychanalyse des contes de fées, Bruno Bettelheim propose une interprétation freudienne
des contes. Ainsi fait-il par exemple du loup, le personnage masculin du conte, incarnation des ten-
dances animales qui sont en nous, et avatar du père, qui « dévore » le Chaperon et dépasse le tabou
de l’inceste, laissant l’enfant sans repères… Vous pourrez lire avec intérêt cet essai, sans forcément
réduire ainsi la portée (et la magie !) des contes…
Les quatre personnages sont entourés d’une société encore plus anonyme et plus
« fondue » qu’eux-mêmes, et représentée par :
– quelques bûcherons
avec imprécision :
1. dans le nombre (combien ?) ;
2. dans le détail : pourquoi sont-ils là ? sur le chemin ? comment ? que font-ils ?
(l’énigme est renforcée par la formulation imprécise de la relative : « qui étaient là »).
3. Le cadre spatio-temporel
Le cadre spatial Certains critiques ont parlé, pour ce conte, d’un paysage d’Ile-de-France, avec son chemin bordé de
noisetiers qui conduit au moulin et sa forêt où travaillent des bûcherons : rien dans le texte de Perrault
ne permet de formuler une telle hypothèse, même si le paysage est bien français et si l’on a pu pré-
tendre que Perrault avait donné « à des êtres que la tradition avait faits imprécis et incertains [...] une
patrie et une époque ».
À l’inverse, à partir du relevé suivant :
– une petite fille de village,
– une grand-mère qui demeure « dans un autre village »,
– le moulin que vous voyez là-bas, tout là-bas,
– la première maison du village,
– ce chemin,
peut-on déduire l’existence d’un cadre rural ? Petite fille de village s’oppose seulement à « petite cita-
dine » (on ne définit par là que l’enfant elle-même). Un autre village ne définit que la singularisation,
tandis que le déterminant complémentaire autre ne définit que la différence (par opposition à « même » :
« du même village »). Dans le moulin, l’article défini le ne sert qu’à introduire une proposition relative
dans laquelle la précision se limitera à un adverbe, complément circonstanciel des plus vagues : là-bas,
tout là-bas. Dans ce chemin, ce, démonstratif, implique des circonstances « extralinguistiques » (en
l’occurrence, le geste que fait le Petit Chaperon rouge, geste que nous ne connaissons pas réellement,
qui ne nous est pas décrit !).
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Ce cadre ne sert qu’à justifier le cheminement du Chaperon d’un village à l’autre, à dire le nécessaire
voyage du conte, la nécessaire errance vers l’âge adulte, ici avortée.
Le conte, au contraire de la légende, ne se définit pas par rapport à un lieu. Il ne tire pas sa coloration
affective du lieu où l’histoire se déroule ou s’est déroulée : il est de tous les temps et de tous les pays.
elle est porte ouverte sur le merveilleux, un merveilleux hors du temps et universel.
Destinateur(s) Destinataire(s)
La mère La mère-grand
Sujet
Le Petit Chaperon rouge
Objet
La quête
Opposant(s) Adjuvant(s)
Le loup aucun
38 Séquence 1-FR20
(…)
Oh ! grand-mère, quelle grande bouche et quelles terribles dents tu as !
- C’est pour mieux te manger, dit le loup, qui fit un bond hors du lit et avala le pauvre Petit Chaperon rouge
d’un seul coup.
Sa voracité satisfaite, le loup retourna se coucher dans le lit et s’endormit bientôt, ronflant de plus en plus
fort. Le chasseur, qui passait devant la maison l’entendit et pensa : “ Qu’a donc la vieille femme à ronfler si
fort ? Il faut que tu entres et que tu voies si elle a quelque chose qui ne va pas.” Il entra donc et, s’appro-
chant du lit, vit le loup qui dormait là.
- C’est ici que je te trouve, vieille canaille ! dit le chasseur. Il y a un moment que je te cherche...
Et il allait épauler son fusil, quand, tout à coup, l’idée lui vint que le loup avait peut-être mangé la grand-
mère et qu’il pouvait être encore temps de la sauver. Il posa son fusil, prit des ciseaux et se mit à tailler le
ventre du loup endormi. Au deuxième ou au troisième coup de ciseaux, il vit le rouge chaperon qui luisait.
Deux ou trois coups de ciseaux encore, et la fillette sortait du loup en s’écriant :
- Ah ! comme j’ai eu peur ! Comme il faisait noir dans le ventre du loup !
Et bientôt après, sortait aussi la vieille grand-mère, mais c’était à peine si elle pouvait encore respirer. Le Petit
Chaperon rouge se hâta de chercher de grosses pierres, qu’ils fourrèrent dans le ventre du loup. Quand celui-ci
se réveilla, il voulut bondir, mais les pierres pesaient si lourd qu’il s’affala et resta mort sur le coup.
Tous les trois étaient bien contents : le chasseur prit la peau du loup et rentra chez lui ; la grand-mère
mangea la galette et but le vin que le Petit Chaperon rouge lui avait apportés, se retrouvant bientôt à son
aise. Mais pour ce qui est du Petit Chaperon elle se jura : “ Jamais plus de ta vie tu ne quitteras le chemin
pour courir dans les bois, quand ta mère te l’a défendu.”
Exercice autocorrectif n° 3
Après avoir lu cette version des frères Grimm, comparez-la avec celle du conte de Perrault : quels sont
les changements et comment les justifiez-vous ?
Séquence 1-FR20 39
Définition Le conte désigne diverses formes de récits brefs, qui se différencient par leurs contenus, leurs destinatai-
res (public adulte ou adulte et enfantin), leurs origines (populaires ou relevant de l’invention totale).
Dans le conte, l’énonciation (ici le caractère à l’origine oral) est mise en relief. On peut parler de conte,
dès que quelqu’un raconte quelque chose explicitement à des auteurs fictifs ou à des lecteurs. Grâce
au conteur, une distance s’instaure entre le lecteur et l’univers du conte.
Ainsi, on considère à l’heure actuelle que les Contes et Nouvelles en vers de La Fontaine, publiés
entre 1664 et 1685, sont des contes parce que le narrateur intervient constamment dans le récit :
« Contons ; mais contons bien ; c’est le point principal ; c’est tout. […] »
Les Oies de frère Philippe
Origines du genre Le conte est universel. Ses provenances sont multiples ; ainsi les Mille et Une Nuits5 comprennent des
contes d’origine diverse (Perse, Égypte, Inde, Chine…) ; un même conte, comme Cendrillon, apparaît à
la même époque, dans des lieux fort éloignés les uns des autres.
L’origine du conte est immémoriale : on en trouve le premier témoignage sur un papyrus, en Égypte au
XIIe siècle avant Jésus-Christ.
Ses caractéristiques Le conte populaire se définit d’abord par son caractère oral ; il est vivant car il dépend de la person-
nalité des conteurs successifs. Il s’affiche comme une fiction (la légende, au contraire prétend s’appuyer
sur des faits réels), dans un temps indéterminé caractérisé par la fameuse formule : « Il était une fois ».
Il échappe à une localisation précise. Le merveilleux y intervient sous la forme d’un personnage (fée,
sorcière, ogre, génie…), d’un objet (baguette, anneau, miroir magiques…), d’un animal.
Ses fonctions Le conte populaire a souvent une fonction didactique6 ou initiatique. Par exemple, Le Petit Chaperon
rouge de la tradition orale est non seulement un avertissement aux jeunes filles (Méfiez-vous des
inconnus !), mais aussi une initiation à la vie sexuelle : l’héroïne se dévêt, se met au lit avec le loup
qu’elle voit dans son « déshabillé » et il y a toute une thématique de la piqûre à travers le langage de
la couture et de la dentelle.
Évolution Le conte littéraire, en vers ou en prose, fixe le récit par écrit. Il devient alors l’œuvre d’un auteur
au style aisément identifiable : pensez aux contes de Perrault7 ou d’Andersen8. Le conte entre dans
la littérature française au XVIIe siècle, essentiellement grâce à Perrault qui s’appuie presque toujours
sur la tradition orale. Par la suite, les frères Grimm9 affirmeront leur intention de sauver le patrimoine
folklorique.
5. Mille et Une Nuits : recueil de contes arabes traduits en français par A. Galland : Ali Baba et les quarante voleurs ; Voyages de Sindbad le marin…
6. Didactique : qui a pour objet d’instruire.
7. Charles Perrault (1628/1703) : écrivain français, auteur des Contes de ma mère l’Oye et de trois contes en vers.
8. Andersen (1805/1875) : écrivain danois, auteur de Contes (Le Vilain Petit Canard).
9. Jacob (1785-1863) et Wilhelm (1786-1859) Grimm : linguistes et écrivains allemands qui réunirent de nombreux contes populaires germaniques : Contes d’enfants
et du foyer (Blanche Neige, Hansel et Gretel…)
40 Séquence 1-FR20
Le schéma narratif
À partir d’un corpus de récits russes, Vladimir Propp a dégagé un schéma qu’il pensait valable pour les
contes essentiellement merveilleux :
État initial
Élément perturbateur qui crée un manque, ou bien méfait social.
Péripéties
Réparation finale
L’univers du conte
L’action, rejetée dans le passé, se situe dans un univers qui n’est pas celui du monde réel.
Contrairement à la légende, le conte ne prétend pas s’appuyer sur des faits authentiques. Le récit
repose sur une intrigue fictive ( d’où le merveilleux, l’invraisemblable…). D’ailleurs le mot « conte »
a conservé en français moderne le sens d’« affabulation » (Exemple : Quel conte !).
Le conte joue sur les contrastes : le Bien s’oppose au Mal, mais aussi le beau au laid, le petit au grand,
l’enfant à l’adulte, le jeune au vieux, le pauvre au riche… Tout est poussé à l’extrême, de manière
simpliste.
Le personnage du conte correspond à un type caractérisé par un trait dominant : étourderie du
Chaperon rouge, esprit réfléchi du petit Poucet, serviabilité, jalousie, bonté, méchanceté, intelligence,
bêtise… Les personnages n’ont pas de profondeur psychologique. Aussi, ce sont les situations
qui comptent.
La signification En opposition avec la simplicité apparente, on trouve dans le conte une symbolique très forte. Néanmoins,
du conte au-delà de la signification évidente, il existe souvent des sens cachés, autorisant plusieurs niveaux de
Séquence 1-FR20 41
Le passage à l’écrit a fait apparaître une autre lignée, celle des créations totalement littéraires, dégagées
de toute tradition populaire :
10. Mme d’Aulnoy (1650-1705) : Femme de lettres française, auteur de contes de fées, (Les Illustres Fées).
11. Mythe : récit mettant en scène des êtres surhumains et des actions remarquables. S’y expriment les principes et valeurs de telle ou telle société et, plus généralement,
y transparaît la structure de l’esprit humain.
42 Séquence 1-FR20
Exercice autocorrectif n° 4
Répondez aux questions suivantes :
Quelles sont les marques de l’oralité conservées par Perrault ?
Quel est le ton employé par l’auteur ?
la syntaxe, en particulier le jeu des personnes et des temps (par exemple la fréquence du « je »,
l’emploi des temps du passé), mais aussi celui des modes (indicatif ou conditionnel) et la simplicité
ou la complexité des phrases.
Voici ce qu’on pourrait dire à propos de la première phrase du Petit Poucet :
Perrault commence par la formule traditionnelle : « Il était une fois », formule qui place d’emblée
l’auditeur ou le lecteur dans un univers intemporel et magique. L’action est située dans un passé indé-
terminé d’où l’emploi de l’imparfait. Le lieu n’est pas plus précisé que le temps. En revanche, le conteur
s’attache aux personnages : « un bûcheron et une bûcheronne » et « sept enfants, tous garçons ».
Le père et la mère sont caractérisés par un milieu social pauvre et leur pauvreté est renforcée par le
nombre d’enfants. Notons les assonances des sons [è] et [u], et allitérations des sons [b], [ch] et
[f] ; elles produisent un effet musical qui rappelle le caractère oral du conte. Dès la première phrase le
merveilleux s’insinue : les enfants sont sept, chiffre magique et l’apposition « tous garçons » introduit
un élément d’étrangeté.
Exercice autocorrectif n °5
Commenter au brouillon la dernière phrase de ce même paragraphe.
Séquence 1-FR20 43
Exercice n° 1
Texte 1 Le paratexte est explicite : il s’agit d’un extrait d’article de journal. Cet article, écrit par Michel Holtz, a
été publié dans Libération le jeudi 28 janvier 1999.
Texte 2 Le paratexte est beaucoup moins révélateur. Il s’agit d’un extrait d’une œuvre intitulée Lokis, publiée
en 1869 et écrite par Prosper Mérimée.
Néanmoins, si vous vous documentez sur Mérimée, vous apprendrez qu’il a écrit des romans et des
nouvelles.
Texte 3 Il n’y a pas de nom d’auteur, ni de date. En revanche le type du texte est précisé : c’est un extrait d’une
histoire littéraire. (Histoire littéraire du XVIIe siècle). Il s’agit donc d’un texte informatif.
Exercice n° 2
Texte 1 Cet article de presse relate une comparution de Joey Starr devant le tribunal correctionnel.
Texte 2 Cet extrait raconte la mort étrange d’une jeune comtesse lors de sa nuit de noces.
Exercice n° 3
Ce dénouement fait ressusciter à la fois le Chaperon et la mère-grand. C’est peut-être dans une volonté
de rendre le conte moins cruel. C’est plus vraisemblablement encore pour retrouver le dénouement
heureux (beaucoup plus « pédagogique ») des contes traditionnels, qui montre à l’enfant (lecteur ou
auditeur) qu’il parviendra à surmonter les difficultés que lui inflige la vie. Contrairement à Perrault, ils
ont voulu garder ce caractère éducatif et optimiste du conte.
Exercice n° 4
L’auteur conserve discrètement les marques de l’oralité : c’est « ma mère l’Oye » qui est supposée
être la narratrice d’après le titre général de l’ouvrage.
Le conteur, ou narrateur, va au-devant des réactions de son auditoire : « on s’étonnera ». Il y a aussi
dans l’expression « un bûcheron et une bûcheronne » une intention d’harmonie musicale : l’auditoire
est bercé comme l’enfant à qui l’on raconte l’histoire avant qu’il ne dorme.
13. San-Antonio est le nom du personnage principal d’une série de romans policiers ; il est supposé écrire à la première personne et être l’auteur des romans ; c’est un
commissaire de police truculent et burlesque.
44 Séquence 1-FR20
Exercice n° 5
La dernière phrase du paragraphe est construite sur des oppositions, ce qui est souligné par l’adverbe
« cependant ». Il existe un décalage entre ce que son entourage pense de Poucet et ce qu’il est, entre le
paraître et l’être : « il était le plus fin et le plus avisé de tous ses frères » ; les deux superlatifs sont presque
pléonastiques et manifestent une intelligence totale, tant dans le domaine de la compréhension (« fin ») que
de l’action (« avisé »). Le choix du superlatif relatif renverse la hiérarchie des apparences : c’est le plus petit
et il est seul (il n’a pas de jumeau), mais c’est le plus doué sur le plan de l’esprit, comme sur celui du cœur.
La fin de la phrase repose sur une double anthithèse : « parlait » / « écoutait », « peu » / « beaucoup ». Elle
confirme le début : la réflexion est le trait dominant du Petit Poucet. Remarquons que la situation dépeinte
n’est pas dépourvue de vraisemblance psychologique : le benjamin d’une famille nombreuse, beaucoup
moins fort que ses frères, est tyrannisé par ces derniers et devient un peu taciturne ; il compense alors son
absence de force physique par la ruse.
Séquence 1-FR20 45
Le narrateur vient dans la région pour rendre visite à M. De Peyrehorade, riche antiquaire.
Exercice autocorrectif n° 6
Répondez aux questions suivantes
Combien y a-t-il de narrateur(s) ?
Observez le langage de chacun des deux interlocuteurs : que nous apprend-il sur celui qui parle ?
Cet extrait constitue un épisode. Dégageons-en la structure à partir du schéma narratif type.
1. État initial :
Jean Coll et l’interlocuteur du narrateur vont déraciner un arbre mort, à la demande de M. de
Peyrehorade.
2. L’action elle-même
a) Élément perturbateur ou force transformatrice : en piochant, ils découvrent une main toute
noire.
b) Péripéties (ou force rééquilibrante)
- l’un des deux hommes va avertir M. de Peyrehorade qu’ils ont trouvé un cadavre ;
- M. de Peyrehorade vient voir de quoi il s’agit ;
- reconnaissant une statue antique, il se met à piocher fiévreusement.
3. État final : ils découvrent la statue antique d’une déesse.
46 Séquence 1-FR20
14. Flaubert a été considéré comme un des chefs de file de l’école réaliste. Le réalisme est un « courant littéraire et artistique de la seconde moitié du XIXe siècle qui
privilégie la représentation exacte, non idéalisée, de la réalité humaine et sociale. » (Le Petit Larousse 2003 )
15. Le naturalisme est une école réaliste groupée autour de Zola ; les naturalistes visent à reproduire la réalité avec une objectivité parfaite, même dans les aspects les
plus vulgaires ; ils pensent que l’individu est déterminé par l’hérédité et le milieu.
Séquence 1-FR20 47
48 Séquence 1-FR20
Séquence 1-FR20 49
50 Séquence 1-FR20
Séquence 1-FR20 51
1. L’organisation du récit
a) L’organisation structurelle
Pour bien comprendre un récit, il faut observer les différentes étapes de la structure narrative mise en
place par l’auteur. Elles permettent de mémoriser l’histoire qui est racontée mais cette structure a aussi
des effets propres, produits par les choix de l’auteur, selon le but qu’il recherche en écrivant (ex : faire
peur, susciter le rire, décrire un milieu social où se déroule une histoire, etc.)
Exercice autocorrectif n° 7
Trouvez un titre pour chacune des grandes parties de la nouvelle délimitées par Maupassant.
Qu’est-ce qui constitue le dénouement ? Qu’a-t-il de particulier : quel est l’effet obtenu par
l’auteur ?
b) L’organisation temporelle
L’ordre du récit Dans Toine, la narration est strictement chronologique et ultérieure : c’est le récit d’un événement
terminé, achevé, d’où l’emploi des temps du passé, comme c’est l’usage dans la nouvelle : le narrateur
est supposé raconter, après coup, une histoire.
Le rythme Le rythme de la narration naît du rapport entre la durée des événements et la durée de la narration
de la narration (longueur du texte). On peut observer des phases d’accélération dans la narration, de pause, mais aussi
des ellipses temporelles… La combinaison de ces différents rythmes produit une alternance étudiée
par l’auteur pour ses effets sur le lecteur.
c) L’organisation spatiale
L’espace, comme le temps, est essentiel dans la compréhension d’un récit. Ce cadre, ce décor est le plus
souvent décrit. La description peut être :
1. décorative : elle sert alors seulement d’ornement au texte.
2. significative : au service du récit, elle rassemble alors des éléments nécessaires à la compréhension
de la suite du récit ; ces éléments peuvent avoir deux fonctions :
a) la fonction explicative : les portraits, les descriptions d’objets ou de lieux expliquent les réactions
des personnages ou annoncent l’action future ;
b) la fonction symbolique : la description est une métaphore d’un personnage ou de l’action. C’est
particulièrement vrai dans la description subjective où le décor reflète l’état d’âme du personnage ; en
ce cas, vous relèverez la présence d’un champ lexical dominant.
➠ Comment le décor est- il décrit dans Toine ? Quelles sont ses fonctions ?
Voici quelques éléments de réponse, que vous complèterez à votre guise.
Dans Toine, la description du décor est très limitée : seuls les deuxième et troisième paragraphes
de la première partie y sont consacrés. Cette description a une fonction explicative car elle précise
le milieu où se déroule l’action : « pauvre hameau paysan composé de dix maisons normandes [...] ».
Mais elle a aussi une fonction symbolique : ces maisons « semblaient avoir cherché un abri dans ce trou
comme les oiseaux qui se cachent [...] ». Cela n’annonce-t-il pas la métamorphose de Toine ?
52 Séquence 1-FR20
Exercice autocorrectif n° 8
Le traitement du temps dans la nouvelle : étudiez le rythme de la narration.
Le narrateur voit tout et sait tout ; Le narrateur dit seulement ce que Le narrateur en dit moins que n’en
c’est le point de vue de Dieu. sait ou perçoit tel personnage. sait le personnage, on le voit de
l’extérieur.
Exercice autocorrectif n° 9
Répondez aux questions suivantes pour identifier le point de vue narratif adopté dans Toine.
Qui parle ?
Qui voit ?
Quelle est l’identité du narrateur ?
Le narrateur est-il un témoin ou un personnage ?
Le narrateur est-il le héros de cette histoire ?
On peut donc dire que le point de vue narratif de cette nouvelle est.....................................................
Attention ! Le narrateur n’est pas l’auteur ; c’est un personnage créé par l’auteur. Le procédé est systé-
matique dans le genre de la nouvelle. Néanmoins, le narrateur peut avoir des points communs avec
son créateur : le narrateur de Toine est un Normand cultivé (on le voit au vocabulaire qu’il emploie,
par exemple quand il décrit Toine), à l’aise dans tous les milieux ; il est ironique sans être pour autant
dépourvu de sensibilité.
Séquence 1-FR20 53
Destinateur Destinataire
.................. ...................
Sujet Objet
Toine ........
Adjuvant Opposant
.............. ...............
Exercice autocorrectif n° 10
Réalisez le schéma actantiel pour Toine en complétant les blancs ci-dessus par les noms des personna-
ges. N’oubliez pas que des forces ou des choses peuvent aussi prendre la place d’êtres humains dans
un tel schéma.
Dans les nouvelles, les personnages sont peu nombreux et souvent anonymes. Dans Toine, seuls trois
sont déterminés : Toine, sa femme, Prosper Horslaville ; les autres forment le groupe des spectateurs.
Dans un récit de fiction, le personnage qui est loin d’être une personne réelle, présente certaines cons-
tantes : il a un nom, son portrait physique et moral est souvent effectué par le narrateur ou d’autres
personnages, il profère des paroles, il est impliqué dans des événements.
Qu’en est-il dans cette nouvelle ?
Exercice autocorrectif n° 11
Étudiez les personnages dans Toine. Sont-ils présentés de manière complète ou non ?
Les nouvelles de Maupassant inscrivent toujours leurs héros dans la réalité quotidienne la plus familière
de leur époque. Est-ce le cas ici ?
54 Séquence 1-FR20
Le genre Ce genre narratif se caractérise par sa brièveté ainsi que par son inscription dans la réalité.
La nouvelle se différencie du roman en ce qu’elle s’attache à un épisode ; elle ne s’inscrit
pas dans la durée.
La nouvelle se différencie du conte, autre genre narratif bref, en ce qu’elle se présente comme
le récit d’une histoire réellement arrivée, quel que soit le caractère fictif ou même fantastique de
cette histoire.
Origines du genre La nouvelle est un genre ancien, pratiqué en Chine dès le IXe siècle. En Europe, sa vogue semble avoir
commencé au XIIe et XIIIe siècles. Le premier recueil français, Les Cent nouvelles (entre 1456 et 1467)
s’inspire du Décaméron (1350-1355) de l’Italien Boccace. Les faits sont présentés comme réels, récents,
les anecdotes sont amusantes, grivoises, et la nouvelle est contée par un narrateur, d’où un style oral.
Par la suite, au modèle italien se substitue un modèle espagnol :
Les Nouvelles exemplaires (1613) de Cervantès. Les nouvelles deviennent plus longues, le domaine
psychologique est approfondi et le récit revêt des significations multiples avec plusieurs niveaux de
lecture possibles.
Évolution du genre La nouvelle moderne est née avec la grande presse au XIXe siècle. Le journal a imposé une longueur
au texte : par exemple Kipling (1865-1936) disposait d’une colonne un quart dans la Civil and Military
Gazette. Le journal a aussi influé sur le contenu même des nouvelles : l’écrivain a souvent été soucieux
de ne pas déplaire aux lecteurs du journal, il a suivi des modes.
Au XXe Au XXe siècle, ce sont les écrivains anglo-saxons qui ont dominé la nouvelle (John Steinbeck, Ernest
Hemingway, William Faulkner etc.). Signalons aussi, plus proches de nous, l’Italien Dino Buzzati et
l’Argentin Jorge Luis Borges (1899-1986).
16. Goethe (1749-1832) : écrivain allemand, chef de file du Sturm und Drang (Tempête et Élan) mouvement littéraire créé en Allemagne vers 1770, en réaction contre
le nationalisme et le classicisme.
Séquence 1-FR20 55
Exercice n° 6
Il y a dans cet extrait deux narrateurs :
- le narrateur de la nouvelle, celui qui pose des questions à l’inventeur17 de la statue de Vénus ;
- l’inventeur de la statue qui raconte au narrateur les circonstances de sa découverte.
Il existe dans cet extrait une narration dans la narration (la narration de la découverte est enchâssée
dans la narration de la nouvelle).
Le narrateur de la nouvelle a un langage très soutenu : il utilise le passé simple de l’indicatif (« que
trouvâtes-vous ? »). On sait donc que c’est un homme instruit.
Au contraire, l’inventeur a un niveau de langue familier, voire incorrect : « un vieil olivier qui a été
gelé de l’année dernière car elle a été bien mauvaise ». La forme correcte serait : un vieil olivier qui a
gelé l’année dernière, laquelle a été bien mauvaise. Il emploie le pronom de rappel : « Moi, la peur me
prend ». Il y a des emplois inutiles de « que » : « Qu’est-ce que c’est ? que je dis. » « Quels morts ? qu’il
me dit. » On note une omission du pronom personnel. « Faut appeler le curé ! Enfin le vocabulaire est
très significatif : « notre maître » au lieu de : « Monsieur ». On voit que cet homme n’a pas d’instruction
et qu’il se considère comme très au-dessous de son employeur. Il lui parle au XIXe, comme les paysans
parlaient aux seigneurs sous l’Ancien Régime.
Le choix de Mérimée est intéressant : il fait raconter la découverte par un autre, d’où un effet un peu
comique, qui en dédramatise certains aspects inquiétants (qui seront confirmés plus tard, d’où la
surprise du lecteur).
Quand le personnage d’un récit s’exprime au discours direct, il nous livre de précieuses
informations sur lui-même.
Exercice n° 7
Question 1
Le découpage de Maupassant indique trois séquences que l’on peut intituler :
I. Présentation des lieux et personnages.
II. Action proprement dite :
- Toine devient paralysé ;
- l’idée de Prosper Horslaville (réactions de la femme de Toine puis de Toine lui-même).
III. Toine couve jusqu’à l’éclosion des œufs.
Cela ressemble à une pièce de théâtre en trois actes.
Question 2
Le dénouement constitue un moment particulier qui clôt le récit. Dans les nouvelles, récits brefs, tout
l’art du nouvelliste se perçoit dans l’agencement des événements vers leur dénouement.
Ici le dénouement est étonnant : Toine fait éclore des œufs. Cet événement qui relève du « jamais vu »
est repoussé à la fin du récit, ce qui renforce son caractère surprenant. On appelle cela la chute de la
nouvelle : l’organisation de la nouvelle converge vers ce point de la narration, moment privilégié où un
effet final, brutal, est obtenu par l’image ou le propos par rapport aux éléments qui l’ont précédé.
Vous pourrez observer ce même procédé narratif dans les autres nouvelles de la séquence.
17. Inventeur (du latin invenire, trouver) : c’est ainsi qu’en droit on appelle celui qui découvre un objet caché ou perdu ; c’est le terme exact en archéologie.
56 Séquence 1-FR20
Conclusion
Le temps dans la nouvelle est donc traité de façon particulière :
- le narrateur est supposé raconter, après coup, une histoire dans laquelle il est impliqué ou non.
- les personnages prennent conscience du caractère extraordinaire de l’événement au moment du
dénouement.
- le lecteur ne saisit la signification du récit qu’à la fin.
Exercice n° 9
Répondez aux questions suivantes pour identifier le point de vue narratif adopté dans Toine.
On peut donc dire que le point de vue narratif de cette nouvelle est externe.
Exercice n° 10
Toine
Destinateur Destinataire
la mère Toine la mère Toine
Sujet Objet
Toine faire éclore les œufs
Adjuvant Opposant
crainte de sa femme le désir de bouger
Séquence 1-FR20 57
Toine
Toine s’appelle Antoine Mâcheblé, ce qui le prédestine en quelque sorte à devenir une volaille ; il a de plus
un surnom, Toine Brûlot, allusion à son eau-de-vie. Il est « gros » (quinze occurrences de l’adjectif) ; c’est « le
plus gros homme du canton et même de l’arrondissement. » Sa corpulence est soulignée par une amusante
antithèse : « Sa petite maison semblait dérisoirement trop étroite et trop basse pour le contenir. » En outre,
il s’oppose physiquement à sa femme au « corps maigre et plat ». Cette corpulence s’explique facilement :
« il mangeait et buvait comme dix hommes ordinaires ». L’idée d’une fricassée de poulet le transporte, il
est inquiet quand sa femme menace de le priver de soupe. Mais il semble qu’il boive encore plus qu’il ne
mange : chaque fois qu’un consommateur entre chez lui, il prend un « petit verre ». Sa réputation est tel-
lement établie que les farceurs lui demandent pourquoi il ne boit pas la mer. À la fin de la première partie,
le narrateur s’attarde sur la description de Toine : « il était devenu épais et gros, rouge et soufflant ». Et le
narrateur d’ajouter : « C’était un de ces êtres énormes ». On relève trois occurrences de l’adjectif « énorme »
qui signifie étymologiquement : « qui sort de la règle, de la norme ». Quant au terme « être », il est ambigu :
il peut ou non désigner un homme. Pour sa femme, Toine se rapproche du cochon : c’est un « quétou », un
« suiffeux », il faut le nettoyer « comme un porc ». Mais, pour le narrateur, c’est plutôt un personnage de
conte : la mort « prenait plaisir à l’engraisser, celui-là, à le faire monstrueux et drôle, à l’enluminer de rouge
et de bleu, à le souffler, à lui donner l’apparence d’une santé surhumaine. L’allusion à l’enluminure renvoie
à des textes anciens : le lecteur pense aussi à de bons géants rabelaisiens, Gargantua ou Pantagruel. Par
ailleurs, Toine a des points communs avec l’ogre du conte de fées : il a une femme très différente de lui, il
jouit d’une grande notoriété dans le pays, il semble se tenir à l’affût à la porte de sa maison (ou même dans
sa chambre où il attire ses amis) et surtout sa gloutonnerie l’emporte sur ses sentiments : à la fin, il est prêt
à dévorer tous les poussins, après les avoir engraissés, y compris probablement le petit dernier : on pense au
Petit Poucet. Toine, c’est le gros qui a bon caractère, ce qui est assez traditionnel. Sa gloutonnerie l’emporte
sur la raison : sa femme a beau l’avertir que cela tournera mal pour lui, il n’en continue pas moins à faire
bonne chère et se moque d’elle… Et, une fois paralysé, ce qu’il regrette le plus, c’est de ne plus boire. Il est
plein de gaieté au point qu’il constitue une sorte d’attraction : « On venait de Fécamp et Montivilliers pour
le voir et pour rigoler en l’écoutant, car il aurait fait rire une pierre de tombe, ce gros homme ». Il change
un peu avec la maladie, sa gaieté devient « différente, plus timide, plus humble, avec des craintes de petit
enfant devant sa femme ». Néanmoins, il reste sociable, « farceur ». Avec sa femme, quand il est valide il
est narquois (« la mé Poule, ma planche ») mais aussi patient : jamais il n’est injurieux comme elle l’est à
son égard. Une fois grabataire, il devient sa victime : « éperdu », « inquiet », « il pria, supplia […] mais il
dut se résigner ». « Toine fut vaincu, il dut couver, il dut renoncer aux parties de dominos, renoncer à tout
mouvement ». Et, après l’éclosion, la mère Toine emporte le dernier poussin sans écouter « les supplications
de son homme. » Pourtant, l’image que l’on garde de Toine, c’est celle d’un homme de bonne humeur : il
commence « à s’enorgueillir de cette paternité singulière ». Et le récit se termine par l’invitation qu’il lance
à Horslaville.
On ne connaît pas le prénom de Madame Mâcheblé. On la situe seulement par rapport à son mari « la
mé Toine » dont elle est l’antithèse sur le plan physique et moral. Elle est aussi « maigre » (deux occurrences
de l’adjectif) qu’il est gros ; il s’ensuit un effet comique comme dans le tandem Laurel et Hardy. Son physi-
que semble contaminé par son activité essentielle, l’élevage des volailles. Elle devient elle aussi un oiseau,
mais un oiseau sans grâce (un échassier), antipathique (un chat-huant en colère) ; elle « piaillait toute la
journée », comme une poule ! Elle a mauvais caractère. « Fâchée contre le monde entier, elle en voulait
principalement à son mari ». Elle est agressive, jalouse : « elle lui en voulait de sa gaieté, de sa renommée,
de sa santé et de son embompoint. Elle le traitait de propre-à-rien, parce qu’il gagnait de l’argent sans
rien faire. » Pour cette paysanne, « ne rien faire » signifie : ne pas se livrer à des travaux physiques, tels
ceux des champs. Mais elle n’est pas juste, il fait son métier de cabaretier : il a deux plaisirs, « plaisir de se
régaler d’abord et d’amasser des gros sous, ensuite ». Elle semble éprouver une répulsion physique à son
égard : « c’est que d’la graisse que ça en fait mal au cœur. » Elle le traite de « sapas » (ce qui signifie en
patois normand : « glouton » et, par extension, « barbouillé », « sale »). La notion de saleté apparaît aussi
dans l’expression ironique : « c’est du propre ! » ou bien dans le rappel « qu’il faut laver, qu’il faut nettoyer
comme un porc » le paralytique. D’ailleurs, elle compare sans cesse son mari à un cochon ou à un sac à
grain, sans doute une allusion à son nom, Mâcheblé. Elle emploie même pour le désigner le pronom neutre
« c’ » ou « ça » : ce n’est plus un homme mais une chose indescriptible. En outre, le pronom neutre connote
le mépris. Quand Toine ne peut plus bouger, sa femme le traite de « fainéant » plus que jamais : elle est
obligée de s’occuper de son mari, du cabaret et du poulailler. Elle manque complètement de compassion,
58 Séquence 1-FR20
Séquence 1-FR20 59
Introduction Théophile Gautier (1811-1872) a fréquenté un atelier de peinture avant de se tourner vers la
littérature. Fervent partisan du romantisme,18 critique d’art et de théâtre, il est l’auteur de récits de
voyages, de nouvelles et de romans Mademoiselle de Maupin, 1835 ; Le Roman de la Momie, 1858 ; Le
Capitaine Fracasse, 1863…). C’est aussi un poète, animateur de mouvement de l’art pour l’art19
qui publie plusieurs recueils (España, 1845 ; Émaux et Camées, 1852).
La Cafetière a été publiée le 4 mai 1831 dans le journal Le Cabinet de lecture.
La Cafetière
18. Romantisme : « Ensemble des mouvements intellectuels et artistiques qui, à partir de la fin du XVIIIe siècle, en Europe, firent prévaloir la sensibilité individuelle sur
la raison et les créations de l’imaginaire sur la représentation classique de la nature humaine. » (Le Petit Larousse 2003)
19. L’art pour l’art : théorie selon laquelle on ne doit proposer à l’art aucun but utile ; il doit être indépendant de la morale et de la politique. L’art est à lui-même sa
propre fin et l’artiste n’a qu’un culte, celui de la beauté ; pour accéder à la beauté, la technique est essentielle.
60 Séquence 1-FR20
II
Je ne savais que penser de ce que je voyais ; mais ce qui me restait à voir était encore bien plus extraor-
dinaire.
Un des portraits, le plus ancien de tous, celui d’un gros joufflu à barbe grise, ressemblant, à s’y méprendre,
à l’idée que je me suis faite du vieux sir John Falstaff, sortit, en grimaçant, la tête de son cadre, et, après de
grands efforts, ayant fait passer ses épaules et son ventre rebondi entre les ais étroits de la bordure, sauta
lourdement par terre.
Il n’eut pas plutôt pris haleine, qu’il tira de la poche de son pourpoint une clef d’une petitesse remarquable ;
il souffla dedans pour s’assurer si la forure était bien nette, et il l’appliqua à tous les cadres les uns après
les autres.
Et tous les cadres s’élargirent de façon à laisser passer aisément les figures qu’ils renfermaient.
Petits abbés poupins, douairières sèches et jaunes, magistrats à l’air grave ensevelis dans de grandes robes
noires, petits-maîtres en bas de soie, en culotte de prunelle, la pointe de l’épée en haut, tous ces personnages
présentaient un spectacle si bizarre, que, malgré ma frayeur, je ne pus m’empêcher de rire.
Ces dignes personnages s’assirent ; la cafetière sauta légèrement sur la table. Ils prirent le café dans des
tasses du Japon blanches et bleues, qui accoururent spontanément de dessus un secrétaire, chacune d’elles
munie d’un morceau de sucre et d’une petite cuiller d’argent.
Quand le café fut pris, tasses, cafetière et cuillers disparurent à la fois, et la conversation commença, certes
la plus curieuse que j’aie jamais ouïe, car aucun de ces étranges causeurs ne regardait l’autre en parlant:
ils avaient tous les yeux fixés sur la pendule.
Je ne pouvais moi-même en détourner mes regards et m’empêcher de suivre l’aiguille, qui marchait vers
minuit à pas imperceptibles.
Enfin, minuit sonna ; une voix, dont le timbre était exactement celui de la pendule, se fit entendre et dit:
- Voici l’heure, il faut danser.
Toute l’assemblée se leva. Les fauteuils se reculèrent de leur propre mouvement ; alors, chaque cavalier prit
la main d’une dame, et la même voix dit:
Séquence 1-FR20 61
62 Séquence 1-FR20
III
Sans faire la moindre objection, Angéla s’assit, m’entourant de ses bras comme d’une écharpe blanche,
cachant sa tête dans mon sein pour se réchauffer un peu, car elle était devenue froide comme un marbre.
Je ne sais pas combien de temps nous restâmes dans cette position, car tous mes sens étaient absorbés
dans la contemplation de cette mystérieuse et fantastique créature.
Je n’avais plus aucune idée de l’heure ni du lieu ; le monde réel n’existait plus pour moi, et tous les liens qui
m’y attachent étaient rompus ; mon âme, dégagée de sa prison de boue, nageait dans le vague et l’infini ;
je comprenais ce que nul homme ne peut comprendre, les pensées d’Angéla se révélant à moi sans qu’elle
eût besoin de parler ; car son âme brillait dans son corps comme une lampe d’albâtre, et les rayons partis
de sa poitrine perçaient la mienne de part en part.
L’alouette chanta, une lueur pâle se joua sur les rideaux.
Aussitôt qu’Angéla l’aperçut, elle se leva précipitamment, me fit un geste d’adieu, et, après quelques pas,
poussa un cri et tomba de sa hauteur.
Saisi d’effroi, je m’élançai pour la relever... Mon sang se fige rien que d’y penser: je ne trouvai rien que la
cafetière brisée en mille morceaux.
A cette vue, persuadé que j’avais été le jouet de quelque illusion diabolique, une telle frayeur s’empara de
moi, que je m’évanouis.
IV
Lorsque je repris connaissance, j’étais dans mon lit ; Arrigo Cohic et Pedrino Borgnioli se tenaient debout
à mon chevet.
Aussitôt que j’eus ouvert les yeux, Arrigo s’écria:
- Ah ! ce n’est pas dommage ! voilà bientôt une heure que je te frotte les tempes d’eau de Cologne. Que
diable as-tu fait cette nuit? Ce matin, voyant que tu ne descendais pas, je suis entré dans ta chambre, et
je t’ai trouvé tout du long étendu par terre, en habit à la française, serrant dans tes bras un morceau de
porcelaine brisée, comme si c’eût été une jeune et jolie fille.
- Pardieu ! c’est l’habit de noce de mon grand-père, dit l’autre en soulevant une des basques de soie fond
rose à ramages verts. Voilà les boutons de strass et de filigrane qu’il nous vantait tant. Théodore l’aura trouvé
dans quelque coin et l’aura mis pour s’amuser. Mais à propos de quoi t’es-tu trouvé mal? ajouta Borgnioli.
Cela est bon pour une petite maîtresse qui a des épaules blanches ; on la délace, on lui ôte ses colliers, son
écharpe, et c’est une belle occasion de faire des minauderies.
- Ce n’est qu’une faiblesse qui m’a pris ; je suis sujet à cela, répondis-je sèchement.
Je me levai, je me dépouillai de mon ridicule accoutrement.
Et puis l’on déjeuna.
Mes trois camarades mangèrent beaucoup et burent encore plus ; moi, je ne mangeais presque pas, le
souvenir de ce qui s’était passé me causait d’étranges distractions.
Le déjeuner fini, comme il pleuvait à verse, il n’y eut pas moyen de sortir ; chacun s’occupa comme il put.
Borgnioli tambourina des marches guerrières sur les vitres ; Arrigo et l’hôte firent une partie de dames ;
moi, je tirai de mon album un carré de vélin, et je me mis à dessiner.
Les linéaments presque imperceptibles tracés par mon crayon, sans que j’y eusse songé le moins du monde,
se trouvèrent représenter avec la plus merveilleuse exactitude la cafetière qui avait joué un rôle si important
dans les scènes de la nuit.
- C’est étonnant comme cette tête ressemble à ma sœur Angéla, dit l’hôte, qui, ayant terminé sa partie, me
regardait travailler par-dessus mon épaule.
Séquence 1-FR20 63
Étude de la nouvelle
1. Le titre et l’épigraphe
Le titre d’une œuvre littéraire est toujours choisi par l’auteur avec un grand soin. Le titre a deux fonctions :
- la fonction informative : il informe le lecteur quant au contenu de l’œuvre.
- la fonction incitative : il suscite chez le lecteur une attente, une curiosité.
Exercice autocorrectif n° 12
Étudiez le titre de la nouvelle. A-t-il plutôt une fonction informative ou incitative ?
Sous le titre, vous pouvez observer une citation en exergue de la nouvelle : il s’agit d’une épigraphe.
Observons-la à nouveau.
À l’origine, l’épigraphe est une inscription placée sur un édifice pour en indiquer la destination. Puis
les écrivains du XVIIIe siècle ont commencé à en user ; enfin, le romantisme en répandit l’emploi sous
l’influence de Walter Scott qui dotait chaque chapitre de ses romans d’une épigraphe. En littérature, il
s’agit d’une « pensée, sentence, placée en tête d’un livre, d’un ouvrage, d’un chapitre, pour en résumer
l’esprit. » (Grand Larousse Encyclopédique)
Théophile Gautier nous propose ici une version réécrite du verset 37.9 de la Genèse. Joseph est un
personnage biblique qui fait des rêves prémonitoires et qui sait interpréter les songes. En s’éloignant
de la version originale du texte (« Il dit : j’ai eu encore un autre songe. Et voici, le soleil, la lune et onze
étoiles se prosternaient devant moi. »), l’auteur en fait une matière poétique (les vers libres sont rimés)
et ne conserve plus ici un texte des Écritures. Les « voiles » évoquent des fantômes et la « révérence »,
mouvement gracieux d’une époque révolue, créent une allusion au bal des revenants. Il y a donc bien
ici un « lien d’esprit » entre l’épigraphe et la nouvelle.
64 Séquence 1-FR20
Exercice autocorrectif n° 13
Établissez dans le tableau ci-dessous la progression interne des quatre grandes parties de La
Cafetière.
Conseils Procédez d’abord au brouillon par paragraphes. Toutefois, vous vous rendrez compte que plusieurs
paragraphes peuvent constituer un bloc, il ne sera donc pas toujours nécessaire de morceler le texte
en paragraphes isolés.
2. Le bal -
-
-
-
Séquence 1-FR20 65
Exercice autocorrectif n° 14
a) Quels éléments contribuent à l’élaboration du fantastique ?
b) Quels sont ici les éléments irrationnels auxquels le héros se trouve confronté ?
Le fantastique consiste également à maintenir le lecteur dans l’incertitude : l’histoire racontée peut avoir
deux interprétations, l’une rationnelle, l’autre irrationnelle. Par exemple, dans le cas de La Vénus d’Ille
de Prosper Mérimée, soit une série d’événements néfastes se produisent par hasard et tous les autres
faits curieux ont une explication réaliste (quand le jeune marié ne réussit pas à retirer sa bague du doigt
de la statue, c’est parce qu’il est ivre), soit cette Vénus possède un réel pouvoir maléfique pouvant aller
jusqu’à tuer comme semblent l’attester sa légende et les faits racontés par le narrateur.
Exercice autocorrectif n° 15
Rédigez deux explications plausibles à l’aventure du narrateur de La Cafetière.
La Demeure d’Astérion
66 Séquence 1-FR20
1 . Le texte original dit quatorze, mais maintes raisons invitent à supposer que, dans la bouche d’Astérion, ce nombre représente
l’infini [Note de Borges]
2. Rédempteur : celui qui rachète, qui réhabilite. Le rédempteur, dans la religion chrétienne, est le Christ qui a racheté les hommes
du péché.
Jorge Luis Borges, « La demeure d’Astérion » recueilli dans L’Aleph, traduction Roger Caillois
et L.-F. Durand. © Éditions Gallimard
« Tous les droits d’auteur de ce texte sont réservés. Sauf autorisation, toute utilisation de celui-ci
autre que la consultation individuelle et privée est interdite. www.gallimard.fr
Séquence 1-FR20 67
1. La compréhension
Ce texte, plus difficile que les précédents, nécessite une ou deux relectures. Cette nouvelle contempo-
raine se distingue des deux précédentes par la modernité de son écriture, la conception de son récit que
vous percevez à travers les choix narratifs de l’auteur : c’est donc le traitement nouveau d’une histoire
traditionnelle que vous allez étudier. Examinons d’abord comment par différents moyens, l’auteur
« joue » ici avec la sagacité de son lecteur.
Exercice autocorrectif n° 16
a) Quels éléments vous ont aidé à comprendre finalement l’histoire racontée dans cette nouvelle ?
b) Quelle est la fonction du titre dans la perception que nous avons de cette nouvelle?
c) Selon la mythologie grecque, quelle est l’histoire du Minotaure ? Documentez-vous.
d) En quoi cette nouvelle raconte-t-elle quelque chose de nouveau ?
Exercice autocorrectif n° 17
Pourquoi peut-on dire que la subjectivité joue ici un rôle incontournable dans l’établissement du fan-
tastique ? Quel sentiment domine à travers la description de l’univers d’Astérion ?
Exercice autocorrectif n° 18
Comment la structure interne de la nouvelle permet-elle progressivement de dévoiler l’identité du
héros ? Faites le plan de la nouvelle.
➠ Consultez maintenant la fiche Méthode : Le registre fantastique pour mémoriser ce que vous avez
appris dans la séquence.
68 Séquence 1-FR20
Exercice n° 12
Étudiez le titre de la nouvelle. A-t-il plutôt une fonction informative ou incitative ?
La Cafetière
Le titre désigne un objet, ce qui n’est pas très fréquent, et cet objet est usuel. Certes, la cafetière a un
certain rôle dans la nouvelle mais la fonction informative du titre est limitée (a priori, le lecteur ne sait
pas que c’est le support d’un fantôme!). Gautier joue plutôt sur la fonction incitative du titre : le lecteur
intrigué se demande comment un objet aussi familier peut être un sujet de nouvelle. Gautier prend le
lecteur au piège dès le titre : celui-ci se croit dans l’univers du quotidien et l’écrivain va le diriger vers
le fantastique (d’où un effet de surprise).
Exercice n° 13
Quel est l’ordre de la narration dans la nouvelle ?
Établissez dans le tableau ci-dessous la progression interne des quatre grandes parties de La
Cafetière.
Séquence 1-FR20 69
Exercice n° 14
a) Quels éléments contribuent à l’élaboration du fantastique ?
Nous pouvons d’abord faire l’observation suivante, à savoir que le point de vue interne limite la per-
ception de la réalité et en fausse peut-être la perception. Aussi le récit est-il un long monologue passif
face à des événements quelque peu oniriques.
Nous pouvons lister des éléments du cadre spatio-temporel qui construisent ce glissement vers le
fantastique :
- la description d’un intérieur Régence ramène le narrateur à une époque antérieure où il se sent
dépaysé.
- à la lueur du feu il « distingue » les personnages du décor, mais le reste est obscur, l’atmosphère n’est
pas rassurante, elle est propre à susciter l’essor de l’imagination.
- l’horloge, image symbolique du temps, a un « tic tac », puis elle parle : « Enfin minuit sonna ; une voix,
dont le timbre était exactement celui de la pendule se fit entendre […]. » Elle connaît le déroulement
des événements : « Angéla, vous pouvez danser avec monsieur, si cela vous fait plaisir, mais vous
savez ce qui en résultera. » C’est une scène du passé qui est rejouée ; le temps est en quelque sorte
déréglé, ainsi que le manifeste le rythme trop rapide de la musique.
b) Quels sont ici les éléments irrationnels auxquels le héros se trouve confronté ?
Les éléments irrationnels sont ceux qui n’ont pas d’explication rationnelle, qui appartiennent à la
logique du quotidien, de la réalité.
Ainsi, nous pouvons relever :
- le mystérieux changement du temps (l.3).
- la sensation mystérieuse de fièvre liée au sentiment d’entrer « dans un monde nouveau. » (l.12)
- « (…) le lit s’agitait sous moi comme une vague, mes paupières se retiraient violemment en arrière.
Force me fut de me retourner et de voir. »
- de « Le feu prit un étrange degré d’activité… » à « des lèvres de gens qui parlent » : trois phénomènes
inquiétants se produisent sans raison : le regain d’activité du feu, l’apparition d’une lueur blafarde, les
tableaux enfin prennent vie. Il est à noter que le portrait qui prend vie est un topos du fantastique (
lieu commun), que l’on retrouve dans beaucoup de nouvelles du XIXe comme Le Portrait ovale d’Edgar
Allan Poe (1856), ou encore le roman d’Oscar Wilde Le Portrait de Dorian Gray (1891).
- des objets s’animent : les bougies s ‘allument toutes seules, le soufflet et les pincettes s’agitent seuls,
la cafetière se dirige « clopin-clopant vers le foyer », les fauteuils se rangent autour de la cheminée.
- tout le récit du bal présente un contenu narratif qui échappe aux lois de la raison.
Exercice n° 15
Rédigez deux explications plausibles à l’aventure du narrateur de La Cafetière.
D’abord, force est de constater que, comme le point de vue narratif est interne, la vision étant donc
constamment celle du narrateur, nous ne pouvons nous fier qu’à sa vision des événements.
Face à une telle aventure, nous pouvons proposer une explication rationnelle :
70 Séquence 1-FR20
Exercice n° 16
a) Quels éléments vous ont aidé à comprendre finalement l’histoire racontée dans cette
nouvelle ?
Borges a savamment distillé les informations dans son texte mais en brouillant les pistes le plus long-
temps possible. Tout le récit est construit pour nous amener à la découverte finale que le personnage
narrateur est le Minotaure. Ce n’est que dans les dernières lignes que nous le découvrons vraiment
d’abord dans la série d’interrogations que se pose le héros (fin de l’avant-dernier paragraphe) puis
clairement dans la chute de la nouvelle contenue dans le paragraphe final avec notamment cette phrase
de dialogue : « Le croiras-tu, Ariane ? dit Thésée, le Minotaure s’est à peine défendu. » Introduisant
dans les deux dernières lignes deux nouveaux personnages, nous sommes, en tant que lecteurs, obligés
de déduire un lien logique entre ces personnages et le reste de la nouvelle. Le rapport se fait du coup
entre les dernières interrogations du personnage narrateur : « Comment sera mon rédempteur ? Je me
le demande. Sera-t-il un taureau ou un homme ? Sera-t-il un taureau à tête d’homme ? Ou sera-t-il
comme moi ? »
Cette structure particulière nous amène à relire la nouvelle pour repérer les endroits où nous aurions
pu deviner plus tôt de quoi il s’agissait exactement. Tout l’art du nouvelliste a consisté ici à brillamment
nous tromper.
b) Quelle est la fonction du titre dans la perception que nous avons de cette nouvelle?
La Demeure d’Astérion : le titre a ici à la fois une fonction informative et incitative. Il a une fonction
informative en ce qu’il nous indique que l’essentiel c’est « la demeure » du héros, c’est-à-dire ce thème
du labyrinthe, celui où vit le Minotaure et, au sens figuré, celui où se perd le lecteur (surtout à la première
lecture). Le lecteur apprend aussi le nom du personnage principal, Astérion, nom qui évoque l’Antiquité
grecque. Le titre a aussi une fonction incitative car le lecteur se demande qui est ce héros grec (le vrai
nom du Minotaure est peu connu) et pourquoi sa demeure a une telle importance.
Séquence 1-FR20 71
Exercice n° 17
Pourquoi peut-on dire que la subjectivité joue ici un rôle incontournable dans l’établissement
du fantastique ? Quel sentiment domine à travers la description de l’univers d’Astérion ?
La subjectivité joue ici un rôle incontournable dans l’établissement du fantastique notamment dans la
description du décor puisqu’elle est effectuée par Astérion lui-même : on n’y « trouvera pas de vains
ornements féminins, ni l’étrange faste des palais, mais la tranquillité et la solitude.[…] Toutes les par-
ties (de ma demeure) sont répétées plusieurs fois. Chaque endroit est un autre endroit. Il n’y a pas un
puits, une cour, un abreuvoir, une mangeoire : les mangeoires, les abreuvoirs, les cours, les puits sont
quatorze [sont en nombre infini]. La demeure a l’échelle du monde ou plutôt, elle est le monde. » Cette
description n’est pas réaliste et nous introduit dans un monde qui semble échapper aux règles de la
logique, de la réalité ordinaire. Bien sûr, vous pouvez percevoir qu’elle est symbolique, elle reflète l’état
d’âme d’Astérion, son extrême solitude, son sentiment d’emprisonnement, emprisonnement en partie
choisi puisqu’il peut sortir quand il veut. Astérion dans le labyrinthe figure donc l’homme incapable de
sortir de lui-même, d’où son angoisse. C’est ce dernier sentiment qui domine dans la nouvelle.
Exercice n° 18
Comment la structure interne de la nouvelle permet-elle progressivement de dévoiler l’identité
du héros ? Faites le plan de la nouvelle.
Il y a dévoilement progressif de l’identité du héros :
a) Du début jusqu ‘à « je ne m’en souviens plus » : le narrateur apparaît comme un personnage étrange,
assez inquiétant.
b) Paragraphe suivant : de « Tous les neuf ans » à « comme moi ? », le narrateur devient terrifiant et
on devine son identité dans les deux dernières phrases.
c) Les deux derniers paragraphes (de « Le soleil du matin… » à « à peine défendu. ») : annonce de la
mort du Minotaure par Thésée mais le triomphe de celui-ci est dévalorisé car le Minotaure s’est en
fait laissé tuer.
72 Séquence 1-FR20
La nouvelle
Définition La nouvelle est en général un récit court. Ceci dit, elle est « insaisissable et partout présente »
(Étiemble). En effet, dans le passé ou dans des littératures autres que la littérature française, on use
indifféremment des termes « nouvelle », « conte », « récit », « récit court » et même « récit moyen »
(japonais). Ce récit se présente comme celui d’une histoire réellement arrivée (même s’il est
totalement fictif), d’où l’importance des « circonstances ».
Les procédés Retrouvez ici, sous forme de tableau bilan, les procédés que l’on peut identifier dans la nouvelle en
de la nouvelle général :
- l’énonciation ;
- les unités de temps, de lieu, d’action ;
- le système des personnages ;
- les niveaux de signification.
Nous avons appliqué ces différents critères aux trois cas étudiés dans la séquence (cf. tableau ci-
après).
Toutes ces potentialités font le succès de la nouvelle.
Le registre fantastique
Le fantastique caractérise une œuvre dont le lecteur ne peut savoir si elle rapporte des situations réelles
ou imaginaires. L’ambiguité en est par conséquent un élément essentiel. En général, le récit fantastique
commence par une description du monde réel et l’étrangeté s’y insinue peu à peu.
La Cafetière est une nouvelle fantastique parce qu’on ne sait pas si le narrateur a déliré ou a eu des
visions surnaturelles. Le début de l’œuvre s’inscrit dans le monde réel ; l’étrangeté s’y insinue dès le
moment où le domestique quitte la chambre, laissant Théodore seul : « à mon grand étonnement, une
tabatière d’écaille ouverte sur la cheminée était pleine de tabac encore frais. » Ensuite, l’irrationnel va
crescendo jusqu’au bris de la cafetière.
Séquence 1-FR20 73
La Demeure d’Astérion est une nouvelle fantastique pour les raisons suivantes :
Au départ, on semble dans un univers réel, puis l’irrationnel s’insinue : « le gémissement abandonné
d’un enfant et les supplications stupides de la multitude m’avertirent que j’étais reconnu. Les gens
priaient, fuyaient, s’agenouillaient. » Puis la demeure paraît de plus en plus singulière jusqu’à la
remarque : « tous les neuf ans, neuf êtres humains pénètrent dans la maison pour que je les délivre de
toute souffrance. » On devine alors qui est le personnage d’autant qu’il dit : mon rédempteur « sera-t-il
un taureau ou un homme ? Sera-t-il un taureau à tête d’homme ? Ou sera-t-il comme moi ? » Enfin,
Thésée dit son nom : « Le Minotaure ».
L’absence des guillemets amène à se poser la question : le Minotaure existe-t-il ?
74 Séquence 1-FR20
Toine Le narrateur est un simple Le cabaret et enfin la cham- Les trois parties sont Contraste fort entre le bon
témoin, presque un double bre de Toine : le resserrement significatives : la nouvelle gros et la méchante maigre.
de l’auteur. va crescendo. se présente comme une
pièce en trois actes dont le
Emploi de la 3e personne.
premier est un acte d’expo-
sition. La chute : l’éclosion
des œufs.
La Cafetière Le narrateur joue un rôle Moins de 48 heures. Le château du frère d’Angéla. Quatre phases. La chute : les L’analyse psychologique est Ce sont, à la fin, les paroles du
dans le récit. paroles du frère d’Angéla. sommaire : Théodore corres- frère d’Angéla qui permettent
pond au portrait parfait du au lecteur d’échafauder des
Emploi de la 1re personne.
jeune romantique imaginatif, hypothèses de sens et donc
sensible. C’est tout ce qu’on d’interprétation.
peut dire de lui.
La Demeure Emploi de la 1re personne : le Il y a une ellipse entre la fin Le Labyrinthe. Absence d’introduction En Astérion coexistent le Astérion est l’image d’un
d’Astérion Minotaure puis changement du discours d’Astérion et le dans La Demeure d’As- taureau avec sa violence, homme anormal, monstrueux
de narrateur dans les deux moment où Thésée sort du térion. son orgueil, ses capacités aux yeux des autres et vivant,
derniers paragraphes. Le Labyrinthe (annonce à Ariane intellectuelles limitées et de fait, dans la réclusion ? Ou
La chute : la révélation de
lecteur s’identifie d’abord de la mort du Minotaure). l’homme qui souffre de la bien est-il en général, prison-
l’identité d’Astérion.
au héros, puis prend bruta- solitude, qui a peur du con- nier de lui-même ?
lement ses distances quand tact avec les autres et qui
Astérion prétend « délivrer aspire probablement à la
de toute souffrance » des mort, soit une intelligence et
hommes en les tuant. un tempérament taurins mais
Séquence 1-FR20
une affectivité humaine.
75
Vous devez étudier sans les dissocier le fond et la forme, c’est-à-dire l’énoncé (ce qui est dit) et l’énon-
ciation (comment on le dit). La même distinction peut être faite entre l’histoire et la narration.
Rappel de définitions :
Narration agencement donné à ces événements selon des choix narratifs et créatifs (comment on raconte).
➠ Différenciez bien l’auteur du narrateur.
➠ Histoire + narration = récit
Pour l’histoire, pensez à étudier si vous lisez une œuvre intégrale :
les séquences de l’action : retrouvez la structure narrative suivie par l’auteur (pour le conte, on parle
de schéma narratif).
le système des personnages (réalisez un schéma actantiel : cf. ch.1.C. Le conte).
Évaluez toujours la longueur du récit : est-ce un conte ? une nouvelle ? un roman (à partir de cent
pages) ?
Pour la narration, étudiez toujours (que ce soit un extrait ou une œuvre intégrale) :
le temps : Quand a lieu la narration par rapport à l’histoire ?
Sur quel rythme est effectuée cette narration ?
le narrateur : Qui parle ? Le narrateur peut être un personnage, un témoin, ou se confondre avec
l’auteur (le récit, écrit à la 3e personne, semble se dérouler de lui-même, sans intervention exté-
rieure).
le point de vue : Qui voit ? Selon quel point de vue le narrateur organise-t-il l’histoire ?
l’ordre de la narration (linéaire, chronologique, avec des retours en arrière, des anticipations,
alternance présent/passé ou de scènes à peu près simultanées).
le rythme de la narration : y a-t-il des variations de rythme (pause, ellipse, condensation par résumé
ou sommaire des faits).
le point de vue ou focalisation (zéro, interne ou externe).
76 Séquence 1-FR20
L’écriture d’invention
L’écriture d’invention est un des trois travaux d’écriture proposés à l’écrit du baccalauréat. Cet exercice
y est noté sur 16 points ; Il s’agit d’écrire un texte, en liaison avec un ou plusieurs autres, en
respectant des consignes précises.
On peut distinguer deux sortes d’écrits d’invention :
Ceux qui ont une visée argumentative : dialogue, éloge ou blâme, défense ou accusation.
Les réécritures :
Par imitation En reprenant un élément d’un texte étudié (écrire un texte reprenant par exemple un procédé de style
comme la métaphore filée, ou la morale d’une fable) ;
En reprenant un genre et / ou un registre ;
En imitant un style, écrire « à la manière de » (pastiches ou, au contraire, parodies).
Par amplification En imaginant le début ou la suite d’un texte, insérer un dialogue, une description, le développement
d’une ellipse narrative, etc.
Dans certains cas, la réécriture peut-être associée à une visée argumentative.
Si l’écrit d’invention a aussi une visée argumentative, il faut bien discerner la problématique (ensemble
des problèmes posés).
Séquence 1-FR20 77
Parfois, on omet l’introduction en vue d’un effet de surprise (ou, bien sûr, si l’on rédige la suite d’un texte).
Rédaction
Dans ce type de sujet, la qualité de l’expression est très importante et fait partie des critères de notation :
orthographe et syntaxe correctes ; précision, variété et richesse du vocabulaire ; aisance du style.
➠Prenons un exemple précis :
Sujet Thésée raconte à Ariane sa descente dans le labyrinthe et sa rencontre avec le Minotaure dans un registre
épique. Vous adopterez ou non l’opinion de Borges quant à la personnalité d’Astérion et présenterez
ce récit sous la forme d’une nouvelle.
c) Élaboration du plan
Rappel Dans un sujet d’invention, l’élaboration d’un plan au brouillon est indispensable.
Voici comment pourrait s’organiser votre nouvelle.
Plan possible :
1. Titre de la nouvelle.
2. Thésée laisse ses compagnons près de l’entrée du Labyrinthe et attache l’extrémité de la bobine
de fil.
3. Il descend dans le labyrinthe ; impressions et description.
4. Sa rencontre avec le Minotaure ; éventuellement dialogue.
5. Le combat avec le Minotaure ; éventuellement dialogue.
6. La remontée vers la sortie.
7. La sortie : la joie des Athéniens, le soulagement de Thésée.
➠ Vous pouvez vous entraîner à rédiger cette nouvelle au brouillon.
78 Séquence 1-FR20
Définition Actuellement, on appelle « roman » une œuvre d’imagination, récit en prose d’une certaine longueur,
dont l’intérêt réside dans la narration d’aventures, l’étude des mœurs, celle des caractères, l’analyse des
sentiments ou des passions, la représentation du réel, ou bien de diverses données, tantôt objectives,
tantôt subjectives.
La diversité des contenus fait la diversité des contenants. Aussi peut-on dire que le roman est un genre
caméléon.
Évolution Dans la hiérarchie des genres, le roman a longtemps été marginal, mais peu à peu il est devenu le
des sous-genres genre dominant, envahissant. Il a donné naissance à de multiples sous-genres. Voici ceux auxquels on
peut ramener tous les autres.
Bien sûr, on peut parler aussi de roman d’apprentissage, d’espionnage, de roman pour la jeunesse, de
roman rustique, autobiographique, etc. Mais on est obligé de se limiter.
Le roman 1. La narration
est un récit Le premier problème qui se pose au romancier est celui du temps : il choisit tel ou tel rythme en vue
d’obtenir certains effets, il ralentit ou accélère, il découpe les séquences ; il peut pratiquer :
- des retours en arrière (Exemple : Du côté de chez Swann de Marcel Proust, 1913-1914) ;
- des anticipations (Exemple : L’Amant de Marguerite Duras, 1984) ;
- des ellipses (Exemple : seize ans séparent les chapitres V et VI de la IIIe partie de L’Éducation senti-
mentale de Flaubert, 1869).
Il organise aussi l’alternance
- de la narration (succession d’événements),
- de la description,
- des prises de parole
(dialogues ou monologues)
} simultanéité ou juxtaposition
Séquence 1-FR20 79
Le propre de l’histoire romanesque est d’être une fiction. Longtemps l’aventure a formé la trame du
roman (pensez à Robinson Crusoë de Daniel Defoë, 1719), la plupart du temps associée à l’amour
(Lancelot ou le Chevalier de la Charrette de Chrétien de Troyes, vers 1170). Puis, à partir du XIXe siècle,
les écrivains ont cherché à renouveler les sujets, partant de faits divers (ainsi Stendhal avec le Rouge et
le Noir, 1830). D’autres, comme Proust au XXe siècle, ont pensé qu’à la peinture du monde extérieur, on
pouvait substituer celle du monde intérieur. Enfin certains artistes ont pris leurs distances par rapport
au roman, à l’intérieur même de l’œuvre, pratiquant le roman et la critique du roman ; un sommet
étant atteint avec Don Quichotte (1617) de Cervantès ; signalons, dans la même veine, Diderot qui,
dans Jacques le Fataliste (publié en 1796) propose trois dénouements, au choix ! Reste une dernière
possibilité : écrire un roman « sur rien », rêve de Flaubert (1821-1880) que le Nouveau Roman3 a tenté
de réaliser.
3. Nouveau Roman : tendance littéraire française apparue vers 1950 (Michel Butor, Alain Robbe-Grillet, Nathalie Sarraute, Claude Simon etc) qui refuse les conventions
du roman traditionnel et mettent l’accent sur les techniques du récit.
80 Séquence 1-FR20