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27/10/2019 Régime de change au Maroc - L'actualité économique francophone

ECHO FRANCOPHONE                                 
L'actualité économique et politique francophone
et internationale


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La réforme du régime de change au Maroc : Une occasion


pour revisiter l’ensemble de l’économie
Par Benyounés Baghdadi (chercheur)
Dans le cadre du débat actuel sur la réforme
du régime de change au Maroc, j'essaierai à
travers ce papier d'émettre quelques
réflexions sur le passage imminent vers plus
de flexibilité de dirham. Elles seront
abordées du point de vue contextuel mais
aussi sous l'angle des perspectives
économiques du pays. Il ne s'agit pas ici de
Pièces de monnaies
recenser les effets néfastes de l'introduction
d'une telle réforme, d’autant plus que ceci a fait couler beaucoup d'encre. Plusieurs
préoccupations sont bien légitimes, tant elles sont théoriquement fondées et parfois
pratiquement vérifiées dans des expériences internationales.
 
Il s'agit encore moins de dresser un tableau noir qui discrédite purement et simplement la
flexibilité du taux de change au profit de sa fixité ou du statuquo comme si les régimes de taux
de change fixes n'ont jamais été nuisibles aux agents économiques. Tant s'en faut, d’ailleurs
l'histoire a enregistré des crises financières sous l'auspice de différents systèmes monétaires

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depuis l’étalon-or pour ainsi dire jusqu'aux régimes de flottement actuels. Et puis, le monde de
la finance ne manque pas de perversion pour engendrer et faire propager probablement des
désastres économiques avec n'importe quel régime dès-lors que le cadre institutionnel se
montre faillible ou que la rigueur réglementaire fait défaut. Pour les illustrations, je laisse le
soin au lecteur de faire un petit flash-back quant aux évènements marquants de la finance
internationale depuis les années vingt du siècle dernier.
Tous les régimes sont donc vulnérables et aucune politique de change ne saurait être
considérée en elle-même comme garantie contre les fragilités financières. Partant de l’idée que
la réforme de change en question serait le prolongement normal de la stratégie globale de
développement économique du Maroc, laquelle ne date pas d’aujourd’hui, on peut du moins
suivant cette logique interne, soulever les questions suivantes : dans quelle mesure l’économie
marocaine est-elle prédisposée aujourd’hui à recevoir et réagir favorablement à ce nouveau
traitement du dirham ? Comment les pouvoirs publics sauraient-ils mener cette réforme en
phase avec les exigences d’une croissance durable ?
C’est à ces questions principales que cet article s’efforcera de répondre à travers un certain
nombre de points
.
 
1- Notions et mécanismes de base sur le régime de change
 
Le taux de change indique le prix auquel s'échangent les monnaies sur le marché des
changes. Ce prix correspond à la quantité de devises que permet d'obtenir une unité de
monnaie nationale. En principe, il existe deux types de taux de change :
- Le taux de change fixe suivant lequel la monnaie nationale est liée de manière discrétionnaire
à une devise, généralement une monnaie forte telle que le dollar ou l’euro. Ou alors cette
monnaie nationale est rattachée à un panier de devises comme c’est le cas pour le Dirham qui
est ancré à l’euro et au dollar respectivement pour 60% et 40%.
- Le taux de change flottant qui correspond à une situation où ce sont les règles du marché qui
déterminent les mouvements du taux de change et la convertibilité de la monnaie nationale
dans le cadre des échanges extérieurs. Le rôle des autorités monétaires étant de veiller
notamment à ce que le taux ne s’écarte pas trop d’une certaine valeur.En d’autres termes, dans
le premier cas, la banque centrale est constamment mobilisée pour acheter et vendre les
quantités de devises nécessaires au maintien du taux de change d’équilibre qu’elle souhaite.
Dans le deuxième cas, le taux de change est déterminé par le marché sans intervention de la
banque centrale.De fait, entre l’un et l’autre il existe des régimes intermédiaires tels que le
rattachement à l’intérieur de bandes de fluctuations mobiles, le système de parités mobiles ou
le flottement dirigé. A l’aide de la politique monétaire, on tente d’ajuster périodiquement la
monnaie nationale dans des faibles proportions, compte tenu de différentiels d’inflation par

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exemple, ou de procéder à des ajustements du taux central à l’intérieur de certaines marges de


fluctuations. En gros, il s’agit là de combiner dans une certaine mesure la stabilité et la
flexibilité. Ce qui veut direaussi que la politique de change est étroitement liée à la politique
monétaire. Et, ces régimes intermédiaires qui sont souvent adoptés au niveau international et
dont les règles sont plus ou moins proclamées, s’appuient sur certains instruments de la
politique monétaire notamment :
- le ciblage des agrégats monétaires M1 et M2 en tant que point d’ancrage nominal ou objectif
intermédiaire ; - la fixation d’un taux cible d’inflation avec engagement des autorités
monétaires de le poursuivre ;
- la disposition des banques centrales à acheter et vendre les devises à un prix conforme à la
valeur prédéterminée qu’elle aurait arrêtée entre certaines marges. En fait, c’est autour de ces
axes que s’articulera semble-t-il l’orientation de la politique monétaire et de change au Maroc
dans un premier temps avant de passer au flottement libre.
Parler de liaison avec la politique monétaire, cela amène à s’interroger évidemment sur deux
variables économiques importantes qui sont l’inflation et le taux d’intérêt. Elles ont des
incidences directes sur la demande, l’épargne et l’investissement, elles entretiennent entre elles
des relations de cause à effet et elles agissent plus indirectement sur le commerce extérieur et
le taux de change.
Le taux de change officiel porté à la connaissance du public, est exprimé en terme nominal.
Donc pour mieux comprendre l’impact de l’inflation sur le pouvoir d’achat, il faudrait
raisonner en termes de taux de change réel. Ce dernier représente le taux de change nominal
d’une monnaie nationale par rapport à une monnaie étrangère, après sa pondération par l’indice
des prix de consommation dans les deux pays concernés. Selon la théorie de la parité des
pouvoirs d’achats, le taux de change entre deux monnaies nationales doit être établi de telle
sorte que le même panier de biens et services ait le même prix dans les deux pays. Si le taux de
change laisse subsister en l’occurrence un écart quant au prix de ce même panier, il doit y avoir
alors des mécanismes d’arbitrage pour l’éliminer au moyen des mouvements des changes
et /ou des prix intérieurs.
 
On peut dire qu’à court terme, les variations de taux de change sont déterminées par des
paramètres proprement financiers. Si bien que c’est le taux de change qui sert, dans ce cas, à
ajuster les offres et les demandes des actifs financiers requis dans le cadre des échanges
extérieurs. Mais à moyen terme, ce sont des déterminants réels liés à la parité des pouvoirs
d’achats qui prennent le dessus sur la dimension purement financière ; auquel cas le contrôle
de change ne pourrait être distingué du contrôle de l’accroissement de la masse monétaire et de
l’inflation ainsi que de la politique budgétaire et fiscale. Mais ces dimensions pourraient être
mieux étudiées en s’interrogeant sur les différences des régimes de changes et leurs influences
sur les objectifs de la politique de stabilisation.

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2- Différence de régimes et implications sur la politique conjoncturelle
 
En acceptant de fixer la parité de référence en régime de change fixe, la banque centrale
s’engage donc à l’appliquer pour échanger sa monnaie et à détenir aussi les quantités de
devises nécessaires pour répondre aux demandes des opérateurs. Il en résulte de sa part, des
interventions actives et répétées, consistant en l’achat et la vente de la monnaie nationale pour
la maintenir à sa valeur nominale. Par conséquent la politique monétaire est axée
fondamentalement sur la modulation des réserves de change, si bien qu’une certaine stabilité
économique est assurée même artificiellement. Cependant le manque de réserves risque de
déséquilibrer complètement l’économie au point de mettre en cause le maintien même de ce
régime.
 
En change flexible, les autorités monétaires n’ayant pas d’engagement direct, le taux de
change fluctue librement et se détermine dans le marché des changes selon la loi de l’offre et
de la demande. Ainsi, aussi bien le manque que le surplus de réserves sont susceptibles d’être
régulés spontanément, et si les mécanismes jouent sainement, ils peuvent amener à un cours de
la monnaie nationale correspondant à la valeur réelle de l’économie. En revanche, vue l’étroite
intégration commerciale et financière entre pays, la transmission des effets récessifs à l’échelle
mondiale ainsi que l’impact des politiques monétaires des pays partenaires sont plus rapides et
plus accentués dans le cas du régime flexible que dans celui du change fixe.
Le contrôle des autorités monétaires peut prendre d’autres formes notamment en ce qui
concerne les variations des taux d’intérêts. Quand on a un taux de change fixe, l’équilibre
externe peut être réalisé à l’aide des mouvements de taux d’intérêts lorsque les déséquilibres
internes sont susceptibles d’être corrigés par les variations des prix intérieurs. En revanche, en
régime flottant, l’équilibre externe est en principe obtenu automatiquement par les variations
du taux de change pendant que le contrôle des taux d’intérêt sert à remédier aux déséquilibres
internes. Sauf qu’en cas de déséquilibre important de paiements courants et de conflits
concomitants entre l’offre et la demande de devises, la banque centrale en régime fixe n’a autre
solution que d’intervenir pour modifier le volume de réserves de change. A défaut toutes les
variables économiques y compris les taux d’intérêts sont déterminés par les mécanismes
pervers du choc externe.
Par contre en régime flottant, elle n’a plus à intervenir en l’occurrence dans la mesure où
l’ajustement sur le marché des changes est effectué par des mouvements de capitaux induisant
des variations du taux de change et partant des modifications des conditions de l’échange.
En théorie monétaire, on se réfère parfois à ce qu’on appelle le triangle d’incompatibilités. Il
s’agit d’une représentation dans laquelle il n’est pas possible d’obtenir simultanément les trois

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objectifs suivants : la stabilité des cours de change, la liberté des mouvements des capitaux et
l’autonomie de la politique monétaire.
 
Selon l’économiste Timbergen, l’adéquation entre les moyens et les objectifs en matière de
politique économique présuppose que le nombre d’instruments utilisés doit être au moins égal
à celui des objectifs poursuivis. Dans ces conditions, les banques centrales ne peuvent atteindre
que deux des trois objectifs précités. De fait, Il a été observé que généralement dans les pays
industrialisés, on privilégie de recourir aux deux derniers objectifs en cherchant plus de
latitude de l’outil monétaire dans le cadre de stratégies de flexibilité de change et de mobilité
du capital.
 
Il en découle que la politique monétaire dispose d’une certaine marge de liberté avec les
régimes de la flexibilité des taux de change. Surtout que les autorités monétaires ne sont plus
obligées de détenir des quantités importantes de réserves et qu’elles ne doivent pas lier
systématiquement l’accroissement de la masse monétaire aux variations des devises, (tel serait
le cas d’une augmentation de la masse monétaire qui répond à une importante entrée de
devises, liée à des excédents de la balance des paiements.)
Par ailleurs, bien que la relation entre l’inflation et le taux de change ne soit pas toujours facile
à cerner, il est admis que ses liens de causalité jouent dans les deux sens. En effet d’une part,
certains économistes considèrent que l’écart entre les taux d’inflation de deux espaces
économiques est la principale source de l’évolution constatée de leur taux de change. D’autre
part, il a été soutenu qu’une variation du change, qu’il soit fixe ou flexible, peut influer sur le
taux de l’inflation. Dans ce cas, la décision des autorités monétaires (dévaluation) ou le jeu des
mécanismes du marché (dépréciation) engendre une hausse du prix en monnaie nationale des
importations et une baisse du prix en devises étrangères des exportations. Dans l’immédiat ceci
provoque une dégradation de la balance commerciale. Mais après un certain temps, les effets-
quantités l’emportent sur les effets-prix pervers associés au renchérissement des importations.
Bien entendu les délais des réactions varient dans le temps et dans l’espace. De même,
l’importance relative de l’amélioration du solde commercial, dépend de la structure des biens
et services échangés par pays.
 

3- Quelques remarques sur les prérequis de la réforme

Dans le contexte du régime de change flottant, on peut donc bien admettre que la politique
monétaire retrouve des marges de liberté plus importantes lui permettant de cibler d’autres
objectifs internes de la politique économique. Et c’est justement dans cette optique qu’on
pourrait juger certaines orientations stratégiques de la politique économique du Maroc

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notamment par le truchement de ses nouveaux instruments financiers. A cet effet, voyons
d’bord comment se présentent les prédispositions du Maroc à la veille de cette importante
réforme de change.
 
L’un des prérequis majeurs souvent évoqués concerne la situation des finances publiques
généralement mesurée par le niveau des déficits budgétaires. De ce point de vue la situation au
Maroc est jugée favorable tant par le FMI que par le gouvernement. On estime qu’une certaine
discipline budgétaire a été observée et que le solde budgétaire a été amélioré et ramené
désormais à un niveau non critique quant à son impact sur l’inflation et l’équilibre
macroéconomique (soit un déficit de 3,9% en 2016 contre 4,2% en 2015 et un déficit prévu
pour 2017 de 3,5%).
Quoi qu’il en soit, il me semble que le niveau de l’endettement public atteint à l’heure actuelle
et l’importance qu’il requiert, ne sont pas franchement pris en compte dans ces constats. Il peut
s’agir là d’« une fausse note » puisque le volume de la dette sans précédent (786 milliards de
DH en 2015 soit 80% du PIB) est susceptible de durcir la contrainte financière du trésor et
réduire la marge de manœuvre de l’Etat quant à l’arbitrage entre l’équilibre des finances
publiques et la nécessité d’engager certaines dépenses publiques, sans oublier les conséquences
fiscales néfastes sur les générations futures.
 
La gestion des réserves de change représente également un prérequis pour la transition vers
plus de flexibilité. Il a été enregistré que les premières phases du passage au nouveau régime
de change flottant sont sujettes à des fluctuations excessives et à certaines « attaques
spéculatives. » il en découlerait des déséquilibres externes et des amenuisements des réserves
de devises aboutissant naturellement à leur pénurie totale. D’où l’intérêt de constituer, à titre
de dispositif prudentiel, un stock de réserves suffisant pour protéger la parité de la monnaie
nationale et éviter une fragilisation du système financier et une accentuation des déséquilibres
macroéconomiques.
Le Maroc dispose aujourd’hui d’environ six mois de réserves de change (soit 252 milliards de
dirhams). De surcroît ce montant est consolidé par une « ligne de précaution et de liquidité »
du FMI de l’ordre de 3,5 milliards de dollars, que le Maroc peut utiliser en cas de crise aiguë
déséquilibrant la balance des paiements. Là encore on considère que cette prédisposition est
confortante eu égard à l’éventualité des perturbations conjoncturelles. Mais il va de soi que la
maîtrise relative des chocs externes dépend de leur intensité et leur récurrence. Ajouter à cela
les « attaques spéculatives » susceptibles d’exacerber la situation.
D’ailleurs à l’heure où j’écris ces lignes, le gouverneur de Bank Al-Maghrib dénonce l’abus
des banques commerciales en ce qui concerne certaines opérations de couverture de change
proposées à leurs clients propageant ainsi la rumeur selon laquelle le dirham pourrait être
dévalué.

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Quand on évoque le système bancaire justement, il est important de connaître son degré et
sa nature d’intégration au système financier dans sa globalité. L’existence d’un marché
financier solide et développé est également un prérequis considérable surtout qu’on en est venu
à l’idée qu’il existe une relation étroite entre les comportements et les mécanismes de ce
système d’une part et l’éclatement des crises de change d’autre part. Tel a été le cas par
exemple dans les pays latino-américains (Mexique : 1994 ; Argentine : 1999 ; Brésil : 2001) et
lespays du sud-est asiatique (1997). Le système financier marocain qui est dominé par les
activités bancaires présente des risques liés au mobile problématique de la maximisation du
profit dans un cadre vulnérable dépendant en partie de la volatilité des financements extérieurs,
avec généralement des taux d’intérêts inadaptés à la gestion des liquidités en plus de
dysfonctionnements des méthodes de la gestion des risques.
Les nouvelles réformes introduites récemment (marché de capitaux, bourse, finance
participative, etc.) doivent être conduites dans le sens de l’instauration de nouvelles disciplines
consolidant le système actuel et le prémunissant contre les risques et aléas internes et externes.
 
4- A propos des perspectives à court et à moyen terme
 
Au vu de ce qui vient de ce qui vient d’être dit jusqu’ici, il importe de formuler
certainesremarques quant à l’orientation de cette nouvelle politique de change et son impact
sur la croissance à court et à long terme.
Partant des convictions des pouvoirs publics, du FMI et de la Banque mondiale au sujet de la
nécessité de cette réforme, du choix du moment de son introduction et de ses perspectives
prometteuses, il ne serait fécond d’apprécier la situation suivant l’approche logique qui leur est
propre.
S’agissant de nécessité de modifier le régime de change marocain le principal argument
avancé est centré autour de l’idée que la parité du dirham telle qu’est est délibérément
soutenue, est artificiellement forte par rapport à l’économie marocaine et son ouverture sur
l’extérieur. Ceci est de nature à susciter une attractivité des biens d’importation et partant une
détérioration du solde courant de la balance des paiements. Tout se passe comme si les
importations bénéficiaient d’une « subvention déguisée » au détriment de la production
nationale. D’ailleurs, même l’amélioration relative de la balance commerciale, récemment, est
imputable à la baisse des produits énergétiques si bien qu’en 2015, les parts relatives de l’euro
et du dollar dans le panier des devises ont été ajustées (respectivement à 60% et 40% au lieu de
80% et 20% auparavant).
Il est tout à fait légitime donc de s’attendre à ce que la flexibilité de change offre de réelles
opportunités pour atténuer relativement les effets concurrentiels des produits étrangers,

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d’encourager à consommer marocain ce qui relance l’investissement et l’emploi, limiter les


sorties de devises et in fine redresser la situation de la balance des paiements.
 
Quant au choix du moment de la réforme, les pouvoirs publics et les institutions de Bretons
Wood s’accordent pour soutenir qu’à l’heure actuelle, le Maroc est bien disposé à amorcer la
réforme : stabilité des équilibres macroéconomiques, niveau réduit de l’inflation, réserves
suffisantes… En outre la conjoncture économique internationale n’est pas mauvaise et, surtout,
le changement attendu n’intervient pas consécutivement à un choc extérieur et sous une grande
pression d’instances supranationales comme ce fut le cas pour certains pays.
Ceci étant, quelque soit le degré de pertinence de ces jugements favorables aux préconditions
de la réforme, il ne faut pas perdre de vue qu’elles ont été largement réalisées au prix de
mesures impopulaires, au détriment du niveau de vie de certaines couches sociales et d’intérêts
de certaines catégories professionnelles et au prix aussi de réduction de postes d’emploi des
administrations, et parfois de certains retards dans la programmation ou l’exécution de projets
d’utilité publique. De ce fait, il serait tout aussi inéquitable qu’inefficient de leur faire
supporter davantage de dégradation de revenus réels et de pouvoir d’achats à l’occasion de
cette nouvelle réforme et ses algorithmes d’ajustement macroéconomiques.
 
Loin de négliger la nécessité de préserver les équilibres macroéconomiques fondamentaux,
leur aspect globaliste et mécaniste ne devrait pas occulter d’importants degrés de libertés
permettant de retraiter les allocations des ressources à des fins de justice sociale et pour une
meilleure incitation à créer les richesses. Les gains de productivité doivent profiter à
l’ensemble de la collectivité en vue de soutenir vraiment les fonctions économiques de
consommation, d’épargne d’investissement et d’emploi. Autrement, on assisterait de plus en
plus à la concentration de la richesse entre les mains d’une petite population de spéculateurs et
de rentiers qui outre ses comportements ostentatoires et son improductivité, saura utiliser, à sa
manière, les différentes clefs d’ouverture de l’économie marocaine, pour l’enfoncer dans un
cercle vicieux de déséquilibres extérieurs et d’automatismes internes à agrandir le champ des
pauvres et des exclus. Le choix de la libéralisation et de l’ouverture de l’économie la rend
aussi plus vulnérable aux effets pervers. Halte alors aux comportements pseudo-économiques
morbides ! Halte à l’économie du bakchich si on veut gagner le pari de l’ouverture.
Quand on parle de politique de répartition des ressources, cela ne se limite pas à la
problématique des revenus salariaux, mais ça concerne aussi tout ce qui est lié aux inégalités
entre les secteurs d’activité, entre les différentes entreprises, entre les régions et les autres
entités territoriales…Bien que les pays émergents aient connu des évolutions mitigées depuis
deux décennies, leur croissance plus fortement ancrée à l’économie mondiale, s’est
accompagnée généralement à la fois par l’accroissement des revenus par tête et par la baisse de
pauvreté et l’amélioration des indices de développement humain. Il s’agit de performances qui

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ne sont pas, à mon sens, liées systématiquement à un modèle de développement ou à


l’ouverture économique qui pourrait même donner des fois des résultats contraires en raison
des effets de la mondialisation. Ils résultent plutôt d’une bonne utilisation du cadre et des
mécanismes d’ajustements structurels et institutionnels mis en place en l’occurrence. Certains
pays comme le Brésil ont réussi, de surcroît, à réduire sensiblement les inégalités sociales, tel
que cela apparaît avec la baisse du quintile supérieur des revenus des ménages dans le revenu
total du pays.
Plus le revenu global est déterminé par les plus gros revenus, plus les inégalités tendent à
augmenter. Et on peut dire que l’enrichissement individuel devrait être raisonnablement
mesuré par rapport à la richesse de la nation.
Les rapports de la banque mondiale ne confèrent pas au Maroc un bon classement, ni pour le
PIB par habitant ni pour le développement humain. L’IDH, indicateur du développement
humain adopté par le PNUD se base sur des critères qui interpellent les secteurs de
l’enseignement et de la santé, c’est-à-dire ceux-là mêmes qui posent aujourd’hui dans notre
pays des problèmes parmi les plus problématiques.
Le développement économique et le bien-être social sont intimement liés. Le Maroc a fixé
depuis quelque temps une vision de développement économique avec des stratégies
sectorielles à moyen et long terme dont on ne peut pas ignorer la pertinence. Encore faut-il
challenger les process et les modes de gouvernance eu égard à la dynamique des compétences
et maîtrises ainsi qu’aux considérations morales et éthiques.
 
Si le régime de change est régi par un cadre législatif et réglementaire déterminé, il est en
même temps une pratique, un art de décider et d’agir. La flexibilité du taux de change peut
ainsi jouer un rôle favorable en vue d’accompagner les orientations stratégiques et les grands
projets du Maroc (nouvelle stratégie africaine, place financière de Casa, etc.) Aussi, les outils
de la politique économique gagneraient-ils à être mieux cohérents en vue de desserrer les
contraintes extérieures. La règle de l’égalité des instruments et des objectifs, sus-évoquée
trouve un certain intérêt dans ces conditions. Les autorités monétaires ont raison de soulever la
question des mesures d’accompagnement de la politique monétaire. Mais avec un
élargissement relatif de sa marge de manœuvre, cette dernière peut intervenir largement dans le
maintien et l’amélioration du pouvoir d’achat ainsi que dans la réduction des coûts de certains
facteurs, en conciliation avec une bonne conduite des politiques budgétaires et fiscales. Force
est de constater par ailleurs que le chômage des jeunes en particulier a atteint un niveau tel
qu’il est impossible de le résorber avec le rythme de croissance actuel et les traitements
anodins de ce fléau, appliqués jusqu’ici. Le scenario d’une association de stocks cumulés de
chômage et d’une détérioration récidiviste du pouvoir d’achat, refléterait tout simplement
l’incompétence en matière de décision publique. Faut-il signaler à cet égard que lorsque les
pays du sud-est asiatique pratiquaient tout au début de leur stratégie économique, une politique

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de salaires bas, c’était aussi pour combattre complètement le chômage. Ultérieurement, les
salaires étaient revalorisés progressivement parce que les gains de productivité se répartissaient
raisonnablement et s’utilisaient rationnellement. Les salariés soutenaient la consommation et
les entreprises réinjectaient la plus grande part de ce qui leur revenait, dans les circuits
productifs. Autrement dit le « surplus » n’était pas prélevé pour financer in fine des dépenses
somptuaires et inutiles, qu’elles soient privées ou publiques.
Les dimensions économiques et sociales étant imbriquées, la combinaison des divers
instruments de la politique à court et à long terme, doit être économiquement rationnelle et
socialement responsable.

              ECHO FRANCOPHONE

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