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Revue internationale de droit

comparé

Optimisation fiscale et localisation


M. Frédéric Boukobza

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Boukobza Frédéric. Optimisation fiscale et localisation. In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 47 N°2, Avril-juin 1995.
pp. 385-402;

doi : https://doi.org/10.3406/ridc.1995.5067

https://www.persee.fr/doc/ridc_0035-3337_1995_num_47_2_5067

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R.I.D.C. 2-1995

OPTIMISATION FISCALE ET LOCALISATION

Frédéric BOUKOBZA
Chef de la Mission de fiscalité internationale
Service fiscal d'Électricité de France

L'entreprise doit tenir compte, dans sa stratégie d'implantation à


l'international, de différentes considérations majeures permettant
d'apprécier de la pertinence de ses choix.
Les risques ainsi que les opportunités inhérents à cette stratégie sont
mesurés au travers d'une grille d'analyse sophistiquée faisant intervenir
des données aussi variées que l'environnement politique local et régional
du pays d'accueil l, la politique économique et sociale conduite par les
gouvernements, les perspectives de croissance économique du secteur
considéré. On comprendra aisément que les considérations de politique
fiscale n'interviennent qu'une fois validées ces données fondamentales.
Ce n'est en effet qu'à ce stade que s'apprécie sur l'investissement local
la richesse de l'outil fiscal et son influence tant au regard de son mode
de financement2, qu'au regard de la localisation de son implantation3
que sur les différents modes de rapatriement des bénéfices 4.
L'optimisation fiscale consiste à tirer avantage, dans le cadre de la
loi 5 des disparités fiscales locales 6 afin d'éviter qu'un coût fiscal prohibitif
ne fasse perdre de son intérêt à l'opération de localisation envisagée.
Une telle pratique débouche nécessairement sur la confrontation de
deux logiques antinomiques : l'intérêt de groupe, par essence international
et sans frontière, et la logique territoriale des administrations fiscales de

1 Ce que nos experts financiers, au moment de l'élaboration du « business plan »,


traduisent pudiquement par le vocable du risque pays.
2 Directement par l'actionnaire ou par l'intermédiaire d'une holding.
3 Zone d'entreprises, zone franches où la fiscalité est temporairement réduite de façon
significative (v., par ex., les « zones spéciales » en Chine).
4 Comparaison des retenues à la source sur dividendes, intérêts et prestations de service.
5 Sous réserve que la voie fiscale choisie ne soit ni artificielle, ni abusive, ce qui
permet de la différencier de l'évasion fiscale et de la fraude fiscale.
6 Certains auteurs emploient le terme de maximalisation de la variable fiscale (Thierry
LAMORLETTE et Patrick RASSAT, Stratégie fiscale internationale. Maxima, 1993).
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l'État d'accueil et de celui de l'investisseur, qui développent une inclination


naturelle à raisonner dans le cadre de leurs frontières au nom de leur
souveraineté nationale et dans un souci budgétaire bien compris.
A l'heure des choix, l'entreprise doit être consciente tant des
contraintes limitant ses possibilités d'optimisation fiscale que des opportunités
qui lui sont offertes.

I. LES CONTRAINTES

Les groupes internationaux doivent tenir compte d'un univers fiscal


extrêmement contraignant qui résulte à la fois de dispositifs prévus par
le droit interne des Etats, de dispositions des conventions fiscales et de
mesures « anti-abus » des directives 7.

A. — Contraintes prévues en droit interne des États :


dispositifs fiscaux comparés
Les Administrations ont développé tout un arsenal de mesures très
ciblées, parfois d'une grande sophistication, visant à lutter contre la
délocalisation des bénéfices à l'étranger. Elles se rencontrent d'ailleurs dans la
majeure partie des pays de l'O.C.D.E.

1. Paiements à des résidents étrangers soumis à un régime fiscal privilégié


a) Version française : l'article 238 A du C.G.I.
Cet article est principalement utilisé pour contester la déductibilité
de certains paiements effectués à des sociétés localisées dans des paradis
fiscaux. Nous nous bornerons à examiner successivement les principales
conditions de son déclenchement, sa procédure ainsi que les effets qui
lui sont attachés.
- Conditions :
- dépenses visées : intérêts et redevances, au sens large ;
rémunérations de services de tout nature ; tout versement effectué sur un compte
tenu par un organisme financier situé dans un État ou territoire à fiscalité
privilégiée 8 ;
- personnes concernées : le débiteur doit être soumis à l'impôt en
France et le bénéficiaire doit être établi dans un État ou territoire à fiscalité
privilégiée 9.

7 Les transferts « anormaux » de bénéfices entre sociétés d'un même groupe, développés
dans le cadre de l'exposé Me Daniel SIMONIN, ne seront qu'implicitement abordés dans
cet article.
8 V., dans ce sens, l'interprétation restrictive faite par le Cour d'appel de Paris, Société
Arthur Loyd, 1er février 1994, R.J.F. 5/94, n° 533.
9 En pratique, l'Administration en fait application lorsque le bénéficiaire est soumis
à un impôt inférieur d'au moins un tiers à celui qu'il aurait supporté en France dans la
même situation. La jurisprudence du Conseil d'État ne retient pas les caractéristiques globales
du système fiscal du pays étranger mais apprécie la situation de fait en retenant le profil
particulier du bénéficiaire.
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— Procédure : dès lors que l'Administration a pu prouver le caractère


privilégié du régime fiscal du bénéficiaire 10 s'opère automatiquement une
présomption extrêmement sévère de transfert indirect de bénéfices au
détriment du contribuable, lequel devra démontrer que l'opération a bien
une base matérielle et ne présente pas un caractère anormal ou exagéré n.
— Effets : réintégration partielle ou totale dans l'assiette de l'impôt
de la dépense non justifiée et application éventuelle d'une retenue à la
source.
b) Exemple de disposition équivalente : les articles 46 et 250 du
Code des Impôts sur le Revenu en Belgique
— La même philosophie se retrouve dans les dispositions de l'article
46 : certains paiements 12 ne sont pas opposables à l'Administration dès
lors qu'ils sont effectués en faveur d'une société bénéficiant d'un régime
fiscal privilégié, à l'exception du cas où le débiteur peut prouver que la
transaction est justifiée par ses « besoins légitimes ».
— L'article 250 du C.I.R. étend le champ d'application de cette
procédure aux transferts d'actifs, au sens large 13, vers des pays à fiscalité
privilégiée.
2. Bénéfices provenant d'entreprises bénéficiant à l'étranger d'un régime
fiscal privilégié
a) Version française : l'article 209 B du C.G.I.
Cet article constitue une exception aux principes de territorialité 14
en ce sens qu'il permet au fisc français d'appréhender la matière imposable
des sociétés ou entreprises localisées hors de France :
— ses conditions de mise en œuvre sont relativement vastes puisque
le texte vise les entreprises l5 soumises à l'I.S. au taux normal détenant
une participation directement ou indirectement d'au moins 10 % d'une
société établie dans un pays à fiscalité privilégiée. La détention indirecte
peut s'établir par l'intermédiaire d'une chaîne de participation 16 ou bien
résulter d'une communauté d'intérêts existant entre la société mère
française et d'autres sociétés détenant également une participation dans la
société du pays à fiscalité privilégiée 17 ;

10 Ce qui n'est pas toujours aisé, le Conseil d'État pouvant se montrer extrêmement
exigeant sur la qualité de preuve à fournir. V. à ce sujet l'excellente synthèse réalisée par
Gilbert TIXIER, au Droit fiscal 94, n° 12, p. 528.
11 La matérialité de l'opération et de la proportionnalité du paiement sont
traditionnel ement les critères retenus par la jurisprudence.
12 Intérêts, redevances et droits anlogues.
13 Actions, obligations, créances, brevets, know-how, marques, autres droits analogues
et sommes d'argent.
14 En vertu duquel les entreprises françaises ne sont imposables qu'en France sur les
profits qu'elles y réalisent.
15 Y compris les établissements stables.
16 Le taux de participation s'obtient en multipliant le pourcentage de participations
successives.
17 Le critère de communauté d'intérêts s'apprécie également de façon très large puisqu'il
recouvre des liens financiers étroits, personnels ou économiques entre les entreprises et
leurs dirigeants.
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— effets : renversement de la charge de la preuve : pour éviter que


l'article 209 B ne lui soit appliqué, le contribuable doit démontrer que
les opérations de la société n'ont pas principalement pour effet la
localisation de bénéfices dans un pays à fiscalité privilégiée 18. Toutefois, pour
limiter la rigueur de ce principe, la loi a prévu une clause de sauvegarde
permettant de présumer de la bonne foi du contribuable lorsque certaines
conditions sont remplies 19.
L'entreprise française est imposée sur les bénéfices de la société
étrangère, à hauteur de sa participation, reconstitués selon les règles fiscales
françaises. Ce principe est particulièrement rigoureux dans la mesure où
d'une part, les bénéfices de la société étrangère font l'objet d'une
imposition séparée20 et, d'autre part, il astreint les entreprises françaises à des
obligations déclaratives lourdes.
La question de la conformité de l'article 209 B aux conventions
internationales signées par la France a fait couler beaucoup d'encre. Elle
semble toutefois avoir été clarifiée depuis l'instruction du 6 mars 1992
bien que certaines interrogations demeurent 21.

b) Dispositifs étrangers équivalents : le régime des « Controlled


Foreign Corporations »
De nombreux pays ont mis en place des régimes destinés à décourager
leurs sociétés résidentes d'utiliser des entités localisées dans des paradis
fiscaux 22. Au cas particulier, le C.F.C. anglais 23 est particulièrement
intéressant dans la mesure où il comporte un haut degré de sophistication ;
— champ d'application du régime : sont concernées les sociétés
non résidentes du Royaume-Uni, dont le régime fiscal d'imposition est
privilégié 24, qui sont contrôlées par une ou plusieurs sociétés résidentes
du Royaume-Uni 25 ;

1819 Notamment,
Sont étudiées lorsque
non paslalessociété
motifsexerce
de l'implantation
principalement
maisune
sesactivité
conséquences.
industrielle ou
commerciale, et qu'elle réalise ses opérations majoritairement sur le marché local
(art. 209 B ll-bis).
20 C'est-à-dire sans qu'il soit possible d'imputer le bénéfice réalisé à l'étranger sur
un éventuel déficit supporté en France.
21 V. en particulier : « Compatibilité de l'article 209 B avec les engagements
internationaux de la France », dans Les Impôts dans les affaires internationales, 1995, Bruno GOU-
THIÈRE.
22 Pour ne citer que les plus connus : États-Unis (« Subpart F » de 1963) ; Canada ;
Allemagne (régime des « sociétés interposées ». Nouveau régime du 1er janvier 1992) ; Japon
(régime des « filiales étrangères spéciales ». Loi du 31 mars 1978, révisée en 1991) ; auxquels
se sont récemment rajoutés la Belgique (avis du 24 août 1991), l'Espagne (le décret du
5 juillet 1991), l'Italie (loi du 30 décembre 1991) et le Portugal il y a quelques semaines
de cela (décret-loi 3795 du 14 février 1995).
23 Date de 1984 et a fait l'objet d'une modification le 16 mars 1993.
24 C'est-à-dire inférieur à au moins 25 % au taux de l'impôt sur les bénéfices au
Royaume-Uni.
25 La notion de contrôle s'entend aussi bien du contrôle direct qu'indirect de la majorité
des droits de vote, du capital, des droits à distribution de dividendes ou de ceux dans
l'éventuel boni de liquidation.
L'ENTREPRISE ET LE DROIT COMPARE 389

— conséquence fiscale : la société britannique est imposée sur les


bénéfices dégagés à l'étranger à condition que sa participation soit
supérieure à 10 % et que ces bénéfices représentent au moins 10 % de ceux
qui sont dégagés au Royaume-Uni ;
— clause de sauvegarde : comme c'est classiquement le cas dans
ce type de réglementation, la société britannique pourra éviter l'application
de ces dispositions dès lors qu'elle sera en mesure de démontrer qu'elle
a été créée dans un but réellement commercial et non pour échapper à
l'impôt.
Toutefois, et même dans le cas où cette preuve ne pourrait être
apportée, le régime C.F.C. ne s'appliquerait pas dans les cinq hypothèses
suivantes : si la C.F.C. a une « politique de distribution acceptable » 26 ;
si la C.F.C. est cotée sur une bourse officielle et dont au moins 35 %
des droits de vote sont détenus par le public ; si la C.F.C. exerce une
activité commerciale réelle avec des partenaires indépendants 27 ; si la
C.F.C. a un bénéfice annuel imposable inférieur à 20 000 livres sterling ;
s'il s'agit d'un « investissement de bonne foi », la bonne foi fiscale étant
réputée exister lorsque le pays d'implantation de la C.F.C. fait partie
d'une liste de pays « fréquentables » .
c) Trois caractéristiques constantes se retrouvent dans la majeure
partie des régimes :
— détention d'une participation dans une société établie dans un
pays à régime fiscal privilégié ;
— nature des revenus : on distingue les régimes appliqués au
Royaume-Uni, au Japon ou en France qui ont vocation à s'appliquer à
l'ensemble des revenus non distribués des filiales étrangères, des régimes
en vigueur au Canada, en Allemagne et aux États-Unis qui ne visent
qu'un certain type de revenu ;
— faible niveau d'imposition de l'État d'origine, l'appréciation se
faisant sur la base du niveau d'imposition du pays de source (France,
Royaume-Uni) ou/et en se référant à des listes pays (Royaume-Uni,
Espagne, Italie, Belgique).

B. — Contraintes organisées dans le cadre des conventions fiscales


destinées à éviter les doubles impositions
1. Mesures générales contre l'usage abusif des conventions
Les États ont introduits depuis le milieu des années 70 des dispositions
visant à empêcher les utilisations artificielles des conventions imaginées

26 C'est-à-dire si elle distribue à son actionnaire britannique au moins 90 % de son


bénéfice disponible (ce seuil est ramené à 50 % pour les C.F.C. ayant une activité
commerciale).
27 Cette exception n'est pas applicable lorsque le C.F.C. a des activités de holding.
28 A l'inverse, l'exception ne joue pas pour un certain nombre de régimes particuliers
notamment : la Belgique (les Centres de coordination), l'Irlande (zone franche de Shannon
notamment), l'Italie (sociétés off-shore installées dans la zone de Trieste), le Luxembourg
(holding type 1929 et sociétés de réassurance), le Portugal (zones franches des Açores et
de Madère).
390 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARE 2-1995

pour réduire le coût fiscal de certaines opérations internationales. Cette


tendance s'est accélérée au cours des dix dernières années et s'est traduite,
notamment, par l'insertion dans les nouvelles conventions de deux types
de clauses.
a) Clause du « bénéficiaire effectif»
Le bénéficiaire effectif peut être défini comme le véritable destinataire
du revenu, par opposition à un simple mandataire qui serait interposé
entre le débiteur et le créancier 29.
Une telle mesure vise à empêcher la pratique du « treaty shopping » 30
qui consiste pour un État B, ayant signé une convention fiscale avec
un État A (qui prévoit l'application d'une retenue à la source de 15 %)
d'interposer une société dans un État C, uniquement pour bénéficier du
taux plus favorable de retenue à la source, prévu par la convention entre
A et C (soit 5 % par exemple).
• Convention fiscale entre A et B : retenue à la source de 15 %
• Convention fiscale entre A et C
B et C : retenue à la source de 5 %

Dans un tel cas, et en supposant que la convention conclue entre B


et C contienne une clause de bénéficiaire effectif, le taux de retenue à
la source applicable ne serait plus de 5 % mais de 15 % 31.
b) Clause de l'exonération sous condition d'imposition
Ce type de clause 32, qui a pour objet d'éviter les doubles exonérations
conventionnelles, dispose que les exonérations d'impôt dans un ÉtatX

29 On retrouve la référence à ce concept notamment dans les articles 10, 11 et 12 du


modèle de convention O.C.D.E. Cette notion a, par exemple, été introduite dans l'avenant
du 16 juin 1988 de l'actuelle Convention franco-américaine.
30 Que l'on pourrait expliciter comme : « choisir une convention comme on fait ses
courses ».
31 Certains États vont jusqu'à refuser le bénéfice du taux de faveur de la Convention
fiscale et à appliquer le taux de droit commun sans réduction.
32 Que l'on retrouve par exemple dans Factuelle Convention franco-italienne du 5
octobre 1989, point 15 du Protocole.
L'ENTREPRISE ET LE DROIT COMPARE 391

prévues par les dispositions de la convention ne trouvent à s 'appliquer


que si, et dans la mesure où, ce revenu est imposable dans l'autre État Y.
Autrement dit, antérieurement à l'introduction de cette clause,
l'exonération était automatique dans l'État X dès lors que l'État Y avait le
droit d'imposer ce revenu. Depuis cette clause, l'exonération dans l'État X
n'est accordée que si la législation interne de l'État Y prévoit l'imposition
du revenu concerné.

2. Clauses anti-abus spécifiques : l'exemple américain du « limitation on


benefits »
Une telle mesure se rencontre dans toutes les conventions récentes
signées par les États-Unis. La première convention de ce type est apparue
avec les Pays-Bas le 18 décembre 1992 33, ce qui n'est d'ailleurs pas un
hasard lorsque l'on sait que les Pays-Bas ont reçu pour l'année 1991
de sociétés américaines un montant évalué à 10,000 M Dfl d'intérêts et
15,000 M Dfl de redevances 34. Cette disposition a été ensuite étendue à
d'autres pays en 1994 35 et le sera progressivement au cours des prochaines
années à tous les autres pays avec lesquels les États-Unis ont conclu une
convention.
Cette pratique, révélatrice d'une volonté sans précédent de lutte contre
le « treaty shopping », se traduit par la mise en place de dispositions
relativement complexes 36. Au cas particulier, l'article 30 de la nouvelle
Convention franco-américaine 37 vise à refuser le bénéfice des avantages
conventionnels aux entités qui ne sont résidentes d'un des deux États que
pour tirer avantage de la convention ; autrement dit, il ne suffit plus d'être
résident au sens d'une convention, encore faut-il être résident « qualifié »,
c'est-à-dire remplir certaines caractéristiques quant à l'identité de son
actionnariat, le montant de sa base imposable et la réalité de son activité.
Ces dispositions complexes ne manqueront pas d'entraîner des
obligations déclaratives pesantes pour les entreprises souhaitant se prévaloir des
taux de faveur de retenue à la source dès lors qu'elles seront dans
l'obligation de démontrer qu'elles remplissent toutes les conditions pour bénéficier
de la convention.

33 Le fait que l'article 26, intitulé « limitation on benefits of the convention » représente
à lui seul 23 pages de la Convention, là où il n'existait auparavant qu'une vingtaine de
lignes, est révélateur de l'importance qui lui est accordée par les États-Unis.
34 Ce qui a constitué une perte de rentrées fiscales pour le Trésor américain de plus
de 13,000 M de Dfl, du fait de l'interposition d'une société des Pays-Bas et du taux de
retenue à la source conventionnel extrêmement favorable par rapport au droit commun.
35 Le 31 août 1994 pour la France (art. 30) et le Canada (art. 18 du Protocole), le
1er septembre 1994 pour la Suède (art. 17) et le 15 septembre de la même année pour le
Portugal (art. 17).
3" V. en particulier, « Limitation on Benefits : recently signed US treaties », de Marco
de LIGNIE (Bulletin for International Fiscal Documentation n° 2, 1995), et « Les
conséquences en France de la nouvelle politique conventionnelle américaine », de Denis STREIFF
(Bulletin Francis lefebvre 11/93).
37 Non encore en vigueur.
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3. Mesures d'assistance fiscale entre les États


L'article 26 de la Convention modèle O.C.D.E. prévoit une procédure
d'échange de renseignements destinée à la prévention de la fraude et de
l'évasion fiscale. Les renseignements peuvent être obtenus soit
spontanément, lorsqu'un État a connaissance de faits pouvant intéresser l'autre
État, ou bien sur demande, et enfin d'office, c'est-à-dire automatiquement
pour les informations routinières.
Cette coopération administrative a notamment été renforcée dans la
Convention franco-américaine d'août 1994 qui prévoit expressément que
les agents d'un État pourront se rendre dans l'autre État dans le cadre
de leur contrôle fiscal pour recueillir des renseignements directement
auprès des contribuables. Notons enfin, que ces dispositions peuvent se
révéler très efficaces, notamment en ce qui concerne le recoupement
d'informations concernant les salariés envoyés à l'étranger 38.
C. — Contraintes résultant de l'incorporation de la Directive mère/-
fille en droit interne
Depuis le 1er janvier 1992, une exonération de retenue à la source
s'applique aux dividendes intra-communautaires, sous réserve de remplir
certaines conditions 39. L'article 1.2 de la Directive prévoyait expressément
qu'elle « ne faisait pas obstacle à l'application de dispositions nationales
ou conventionnelles nécessaires afin d'éviter les fraudes et les abus ».
Cette opportunité a été interprétée par certains États comme leur donnant
la possibilité de restreindre la porté de l'exonération.

1. La France, l'Espagne et l'Italie ont adopté une vision restrictive


En France, l'article 119 ter du C.G.I, reprend ces conditions en y
ajoutant dans son alinéa 3 une condition qui ne figurait pas dans le texte
de la Directive 40, ce qui aboutit, pour l'actionnaire qui souhaite se prévaloir
de la Directive, à un renversement de la charge de la preuve dès lors
qu'il devra démontrer que la chaîne de participation n'a pas pour objet
principal de bénéficier de l'exonération. L'Espagne et l'Italie ont retenu
la même conception. A titre d'illustration, comparons les deux situations
suivantes :

38 Ainsi, dans le cas de la Chine, quelques grands groupes dans les années 80 avaient
l'habitude de ne déclarer pour leurs salariés expatriés qu'un salaire dérisoire.
L'Administration chinoise, dans le cadre de la convention, a alors obtenu de l'Administration française
des renseignements précis sur les différents éléments de rémunération accordée aux salariés.
Des redressements importants s'en sont suivis et les « pratiques » ont dû être modifiées en
conséquence...
3^ La société mère doit notamment remplir les conditions suivantes : résider dans un
État membre, être soumise à l'impôt sur les sociétés, pouvoir prouver qu'elle détient une
participation d'au moins 25 % (parfois ramenée à 10 %) d'une filiale distributrice.
4 « Les dispositions du 1 ne s'appliquent pas lorsque les dividendes distribués
bénéficient à une personne morale contrôlée directement ou indirectement par un ou plusieurs
résidents d'États qui ne sont pas membres de la Communauté, sauf si cette personne morale
justifie que la chaîne de participations n'a pas comme objet principal ou comme un de ses
objets principaux de tirer avantage des dispositions du 1 ».
L'ENTREPRISE ET LE DROIT COMPARE 393

Question : la société M peut-elle bénéficier de l'exonération ?

Dividendes Dividendes

Dividendes Dividendes

M
M
(non résidente
(résidente CE)
CE)

Réponse : oui en principe non en principe


(sauf si elle peut justifier que la
chaîne de participations n'a pas
pour objet principal de tirer
avantage de l'exonération).

2. Le Luxembourg, les Pays-Bas et la Belgique ont adopté une vision


plus libérale
La Belgique se caractérise par une absence de clause anti-abus dans
la mesure où elle ne connaît pas de critère de bénéficiaire effectif dans
son droit interne et ne fait pas référence à un niveau minimal d'imposition.
Les Pays-Bas n'ont pas non plus mis en place de clause anti-abus,
ni de test du bénéficiaire effectif, ni de limitation visant les contrôles par
des sociétés n'appartenant pas à la Communauté européenne41.

IL LES OPPORTUNITÉS
Les groupes internationaux peuvent avoir recours à différentes
structures afin d'optimiser leurs coûts fiscaux. A cet égard, trois exemples
méritent d'être signalés.

41 V. sur ce sujet l'étude de Bruno GOUTHIÈRE, « Introduction de la Directive


mère/fille en droit interne », paru au Bulletin Francis Lefebvre 3/92.
394 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARE 2-1995

A. — Mise en place de services communs de groupe


La création de services communs permet à un groupe international
de centraliser certaines de ses opérations en un seul lieu et de réduire
ainsi ses coûts de structure. Les services proposés peuvent être
extrêmement larges dans la mesure où il couvrent aussi bien des services
administratifs, techniques, financiers et commerciaux 42.

1. Les quartiers généraux: l'exemple belge et français 43


Un quartier général u se présente comme un État major exerçant
une activité exclusivement au profit du groupe dans des domaines
circonscrits de coordination, de contrôle et de gestion, dans une zone
géographique donnée.
Un groupe souhaitant constituer un centre de coordination devra
remplir certaines conditions pour bénéficier du régime fiscal de faveur
qui lui est attaché.
a) Condition de mise en place d'un quartier général
— obtention d'un agrément préalable de l'Administration fiscale,
laquelle fixe avec le contribuable l'assiette imposable du Q.G.
En Belgique, la société qui le demande doit démontrer qu'elle
appartient à un groupe 45 de caractère multinational 46. En France, la procédure
est un peu différente dans la mesure où, une fois l'agrément accordé 47,
l'accent est mis sur les activités engagées par le Q.G. qui doivent
impérativement répondre à la circulaire administrative du 9 mai 1975 (non publiée).
— respect de n'exercer que certaines activités, limitativement énumé-
rées, qu'au seul profit du groupe.
En Belgique, les activités autorisées sont très larges 48. Sont ainsi
notamment visées, les activités financières, de publicité, d'assurance, de
recherche scientifique, de centralisation de travaux comptables,
administratifs et informatiques.
En France, la note du 9 mai 1975 est beaucoup moins précise
puisqu'elle vise les prestations de services correspondant à des fonctions de

42 On pourra se reporter utilement à la note de Jean-Pierre DOUVIER, « Choosing


the right location for pooled services of a group of companies », International Bureau of
Fiscal Documentation, 6/94.
43 Un certain nombre d'autres pays (Luxembourg, Pays-Bas, Suisse et Grande-Bretagne)
connaissent des régimes similaires.
44 Également connu en Belgique sous l'appellation de Centre de coordination.
45 Cette condition est réputée réunie si une société est propriétaire directement ou
indirectement de 20 % au moins du capital de la société affiliée.
46 C'est-à-dire, société dont les fonds propres consolidés sont d'au moins 1 milliard
de francs belges et dont le chiffre d'affaires annuel consolidé atteint au moins 10 milliards
de francs belges.
47 Un dossier doit être présenté aux services fiscaux et un agrément est accordé par
l'Administration fiscale, sous la forme d'une lettre exposant la demande et les explications
du contribuable et précisant les modalités d'assujettissement à l'impôt.
48 Elles résultent de deux extensions successives accordées par la Loi du 30 décembre
1982 et par le décret du 30 novembre 1994.
L'ENTREPRISE ET LE DROIT COMPARE 395

direction, coordination et de contrôle, à condition qu'elles soient exercées


exclusivement pour le compte du groupe.
b) Un régime fiscal de faveur 49
L'assiette imposable est déterminée forfaitairement en appliquant
un pourcentage (à négocier avec l'Administration fiscale concernée) aux
dépenses, ou certaines dépenses, engagées au titre du quartier général 50.
Un exemple comparatif51 permettra de mesurer les économies
d'impôt réalisées selon qu'on ait recours ou non à un Q.G. belge ou français.

Droit commun Centre de Quartier général


Base taxable Coordination
(ex. : Belgique) (Français)
(Belge)

Produits financiers 100 100 100


Autres produits 60 60 60
Total produits 160 160 160
Charges financières 40 40 40
Rémunérations et salaires 3,5 3,5 3,5
Autres charges 7 7 7
Total charges 50,5 50,5 50,5
Bénéfice avant impôt 109,5 109,5 109,5
Asiette imposable 109,5 0,56* 5,05 A
Impôt
(40,17 %) en Belgique 43,98 0,22
(33,33 %) en France 1,68
Bénéfice net disponible 65,52 109,28 107,82
* (7 x 8 %)
A (50,5 x 10 %)

2. Les sociétés financières de groupe


Dans certains cas, il peut être fiscalement intéressant pour un groupe
international de mettre en place une filiale, judicieusement située, chargée
de gérer des prêts et d'effectuer des emprunts au sein du groupe.

49 Ce régime ne vise que l'I.S., le Q.G. étant soumis aux règles de droit commun
pour les autres impôts et taxes.
50 En Belgique, l'assiette est égale à 8 % des dépenses et charges de fonctionnement
du Centre (à l'exclusion des frais de personnel, des charges financières et de l'I.S.). Cette
assiette supporte un impôt de 40,17 % (pour les sociétés résidentes) ou de 44,29 % (pour
les sociétés non résidentes).
En France, l'assiette forfaitaire se calcule à partir d'un pourcentage de 6 % à 10 %
sur l'ensemble des dépenses encourues par le Q.G. Une fois déterminée, elle supporte l'I.S.
de droit commun à 33,33 %.
51 Un récent rapport du Conseil Économique et Social de la région Ile-de-France fait
état de la compétition entre Paris et les autres capitales européennes pour encourager
l'investissement étranger et l'implantation des quartiers généraux. Il ressort en particulier
de cette étude que bien que la France soit devenue de plus en plus compétitive au fil des
ans (elle se situe actuellement au deuxième rang mondial pour des investissements industriels
des sociétés américaines) elle demeure handicapée par un agrément administratif plus difficile
à obtenir qu'à Londres, Bruxelles ou Amsterdam.
396 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARE 2-1995

a) Ier exemple : les sociétés financières des Pays-Bas


L'avantage de ce régime repose sur l'indulgence dont fait preuve
l'Administration fiscale néerlandaise en acceptant que le bénéfice
imposable, fixé selon un pourcentage 52, soit considéré comme déterminé dans
des conditions normales (arm's length)53.
b) 2e exemple : les « International Financial Services Center »
(I.F.S.C.) de la zone des Docks de Dublin 54
Cette zone est exclusivement réservée aux personnes morales non
résidentes d'Irlande qui entendent développer leurs activités de prestations
de services 55 sans intervenir sur le marché local :
— condition pour pouvoir en bénéficier : obtenir l'agrément des
autorités fiscales irlandaises 56 ;
— avantages du régime : les entreprises qui s'implantent dans la
zone des Docks bénéficient principalement d'un régime d'imposition au
taux réduit de 10 % jusqu'au 31 décembre 2005 57.
Il est important de signaler que l'I.F.S.C. a été avalisé par la
Commission des Communautés européennes qui a reconnu que son régime fiscal
privilégié pouvait être défini comme une aide compatible avec le Traité
de Rome, ce qui explique que l'Administration fiscale française, malgré
ses velléités, n'ait pas encore utilisé l'article 209 B du C.G.I, à son
encontre.

B. — Interposition des sociétés relais :


l'exemple des holdings de groupe
Les sociétés qui ont recours à ce type de montage doivent s'assurer
que ni les dispositions des conventions fiscales bilatérales 58, ni des mesures
contenues dans le droit interne des États 59 ne mettent en péril une telle

52 Seulement égal à 1/4 % de son bénéfice, pour les prêts financés par des emprunts
contractés auprès de tiers, et 1/8 % sur les prêts financés par des emprunts auprès de sociétés
affiliées ; II convient d'ailleurs de noter que ces taux s'abaissent jusqu'à 1/16 % et 3/32 %
pour les prêts d'un montant supérieur à 3 000 millions de Dfl.
53 Les Pays-Bas bénéficient également d'un régime similaire (« royalty companies »)
pour les redevances.
54 L'I.F.S.C. a pour origine l'article 30 de la Loi de finances 1987/1988 qui dispose
qu'il peut s'appliquer à « toute activité commerciale appropriée » à condition d'avoir obtenu
au préalable un agrément du ministre de l'Économie et des Finances.
55 Activités principalement financières (opérations sur devises étrangères, assurances,
marchés à terme, courtage international) mais également de télécommunication et de mise
au point de logiciel.
56 Ce qui est en général le cas lorsque la société candidate crée au moins 6 emplois
en Irlande sur une durée de 3 ans.
57 Elles bénéficient également d'autres avantages consistant notamment en un régime
accéléré d'amortissement (équipement, outillage et immeubles commerciaux), en une
exonération d'impôt locaux et en une exonération de retenue à la source sur les intérêts et
dividendes de source irlandaise versés à des sociétés non-résidentes (bien que ce dernier
avantage 58 Dunetype
résultent
« bénéficiaire
pas spécifiquement
effectif». du régime des I.F.S.C.)
59 Du type C.F.C.
L'ENTREPRISE ET LE DROIT COMPARE 397

interposition. En effet, le risque serait d'autant plus important si la holding


n'était utilisée qu'exclusivement à des fins de limitation du coût fiscal .

1. Les différentes considérations entrant dans le choix d'une structure


holding
Un tel choix ne peut résulter que d'une analyse comparative assez
fine des avantages ou inconvénients respectifs que présentent les Pays-
Bas ou le Luxembourg, sorte de grandes classiques d'implantation, la
France — dont le régime peut être jugé à certains égards comme
extrêmement compétitif — ou d'autres pays qui se sont récemment dotés de
régimes similaires.
Les principaux critères fiscaux de choix de localisation reposent sur
une lecture attentive des régimes applicables en matière de retenue à la
source sur les dividendes d'entrée et de sortie 61, de la soumission
éventuelle des dividendes à un impôt sur les sociétés ou à un impôt de
distribution, des possibilités de déduction des charges financières
supportées lors de la prise de participation, du régime des plus-values ou des
moins-values de cession de titres, du réseau plus ou moins étendu des
conventions fiscales et enfin, « last but not least », de la qualité des
relations avec l'Administration fiscale.

2. Les grandes classiques 62 et les nouvelles venues 63


Nous nous bornerons ici à ne donner que quelques exemples, en
nous attachant à signaler les points communs, les différences ainsi que
les avantages spécifiques propres aux différents régimes.

a) Points communs
— un régime d'exonération (ou de quasi-exonération) des dividendes
reçus par la holding de sa filiale étrangère. Pour en bénéficier, la société
holding devra remplir plusieurs conditions 64 tenant à un pourcentage de
participation minimum dans le capital de la filiale étrangère, à une durée
de détention minimale de ses titres, et parfois à une imposition minimale
de ses résultats 65 ;
— une limitation du taux de retenue à la source sur les dividendes 66 ;
— un régime d'exonération des plus-values sur titres de
participation 67.

alors 66
6065
61
62
63qu'elles
64 Cetitre
C'est-à-dire,
Pays-Bas,
Allemagne,
Qui
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Royaume-Uni.
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12
pays
mois
Pays-Bas.
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à au
l'autre.
exonération,
elle.
Danemark,

dans le cadre de la Directive mère/fille.


67 Avec comme exception notable la France et le Royaume-Uni.
398 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARE 2-1995

b) Différences
— régime anti-abus spécifiques (types C.F.C.) : seuls l'Autriche, le
Danemark, le Luxembourg et la Suisse y échappent encore ;
— impôt de distribution : le précompte en France et l'A.C.T. au
Royaume-Uni 68.
c) Avantages spécifiques propres à certains pays
— Pays-Bas : procédure du Ruling 69 et exonération totale de retenue
à la source sur les intérêts et les redevances provenant des Pays-Bas.
— Danemark : régime unique permettant de faire remonter au
Danemark les bénéfices et des pertes réalisés dans des filiales étrangères 70.
— Autriche : réseau de conventions fiscales particulièrement
développé avec les anciens pays de l'Est et de l'ex-Union Soviétique.
— Royaume-Uni : régime du crédit d'impôt étranger multiple et le
nouveau régime de participation étrangère 71.
— France : réseau conventionnel l'un des plus étendu au monde
(près de 90 pays), système avantageux de déduction des intérêts supportés
à raison de la prise de participation et système unique d'imputation de
retenue à la source d'entrée 72.

C. — Utilisation de sociétés écrans


Contrairement à l'hypothèse précédente, consistant à faire transiter
un revenu par une société intermédiaire, la société écran (based company)
installée dans un État à fiscalité privilégiée devient le lieu de destination
des bénéfices du groupe.

1 . Principes 73
Cette destination n'étant que temporaire, l'optimisation des revenus
(généralement des intérêts ou des redevances) s'organise en deux temps :
il convient d'abord de mettre à l'abri les revenus et ensuite de les rapatrier.

68 Bien qu'il y ait une possibilité de l'éviter depuis le 1er juillet 1994 dans le cadre
du régime de Y International Headquater Center (I.H.C.).
® Qui permet de conclure avec l'Administration fiscale hollandaise, pour une durée
de 4 années, une véritable convention qu'elle ne peut en principe remettre en cause (sauf
dans le cas d'un changement de législation ou de la situation économique et financière de
la société qui en a bénéficiée).
70 Lorsque la holding danoise, entre autres conditions, détient 100 % des titres de
chacune des filiales étrangères.
71 Permettant une exonération d' Advanced Corporate Tax lorsque de strictes conditions
de détention du capital de la holding par des non-résidents sont remplies.
Pour plus de précisions, on pourra se reporter utilement à l'étude de Philippe
JUILHARD, « Le nouveau régime des foreign income dividends et des international
headquater companies au Royaume-Uni», Droit fiscal 95, n° 10.
72 Sur précompte et retenue à la source de sortie.
73 V. à cet égard les quelques développements de l'ouvrage de Patrick RASSAT, op.
cit.
L'ENTREPRISE ET LE DROIT COMPARE 399

a) Mise à l'abri
Ce premier mouvement consiste à transférer un revenu d'un État A,
fortement fiscalisé, sous forme de charges fiscalement déductibles à son
niveau74 (diminution de la base imposable) vers un ÉtatB, bénéficiant
d'un régime fiscal privilégié, où le revenu en question ne sera pas imposé.
b) Rapatriement
Dans la mesure où l'avantage fiscal n'existe qu'autant que les revenus
accumulés dans l'État B ne soient pas retransférés dans l'Etat A, toute la
difficulté est donc de redistribuer ces revenus sans qu'ils redeviennent
imposables dans cet État.
Les modalités pour atténuer (voir supprimer) cette imposition
consistent généralement à choisir, soit de redistribuer un revenu bénéficiant
d'une exonération dans l'État A 75, soit de consentir un prêt suivi d'un
abandon de créance à une société du groupe implantée en A76, soit à
réinvestir à l'étranger dans un ÉtatC, qui disposerait d'une convention
fiscale avec l'État A77.

2. Où localiser une société écran ?


a) location traditionnelle : les « zero haven »
Les « paradis zéro-impôt » sont traditionnellement la localisation
habituelle de ce type de structure. L'investisseur est en effet sensible,
outre au climat très ensoleillé et aux plages de sable blanc que peut offrir
l'endroit, à la sécurité politique et à la tradition de confidentialité du lieu
ainsi qu'aux possibilités d'exonération d'impôt sur le revenu et les sociétés,
des droits de succession et d'impôt sur le capital.
En contrepartie, ces territoires n'ayant en général pas conclu de
conventions fiscales destinées à éviter la double imposition (et pour cause),
les revenus français qui iraient s'y investir subiraient la retenue à la source
maximale de droit commun 78.
Les structures d'accueil, les plus utilisées se retrouvent généralement
aux Caymans, Bermudes, Bahamas et autres petites économies locales 79
dans des domaines de prédilection que sont le secteur bancaire, financier
et d'assurance 80.
Ce type de localisation risque de connaître à moyen terme une certaine
désaffectation dans la mesure où les paradis fiscaux figurent de plus en

75 Par
74 Ce qui
exemple
suppose
sousqu'elle
formeest
depour
dividende
contrepartie
dans leune
casprestation
où la société
réelle
bénéficiaire
et proportionnelle.
ne serait
pas imposée (cas d'une holding de participations étrangères).
76 Ce qui pourrait conduire à une exonération, dans la mesure où l'abandon n'accroîtrait
pas la situation nette positive de la filiale.
77 Le rapatriement serait alors indirect.
78 Un autre inconvénient résulte également de l'importance des impôts indirects (droit
à la consommation, droit de timbre et de douane).
79 Citons également Antigua, Aruba, La Barbade.
80 « International Business Companies » (aux Bahamas) et « Exempt Companies » (aux
Bermudes et aux Caïmans).
400 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARE 2-1995

plus dans la ligne de mire des États occidentaux, tant pour des raisons
fiscales 81 que pour des raisons de police internationale 82.
b) Les nouveaux refuges : 2 exemples
Ils présentent l'avantage d'être « plus fréquentables » fiscalement et
de ce fait moins risqués que les traditionnels paradis fiscaux tout en étant,
à certains égards, tout aussi intéressants eu égard aux économies fiscales
importantes qu'ils peuvent permettre de réaliser 83.
— Singapour :
Singapour a l'avantage de présenter toutes les caractéristiques
modernes d'un pays développé, dont un taux d'impôt sur les sociétés de 27 % 84
ainsi qu'un réseau de 25 conventions fiscales 85, tout en offrant aux
investisseurs étrangers des régimes dérogatoires intéressants au travers des
« industries pionnières » ™ et du nouveau régime des quartiers généraux
opérationnels 87.
— la zone franche de Madère est avantageuse d'un triple point de
vue :
D'une part, les sociétés qui y sont implantées 88 bénéficient d'une
exonération d'impôt sur les sociétés jusqu'au 31 décembre 2011. D'autre
part, les dividendes et intérêts distribués à leurs actionnaires ne supportent
pas de retenue à la source, et enfin, les sociétés sont exonérées de tous
les impôts locaux.
A côté de ces avantages fiscaux immédiats, le fait que la zone de
Madère entre dans le champ d'application des conventions fiscales signées
par le Portugal et fasse partie intégrante de la C.E.E., permet aux
investisseurs de pouvoir bénéficier pour les intérêts et redevances de taux de

82 Dans
81 Régimela mesure
de typeoù209
cesB,
pays
238peuvent
A et 238
bénéficier
bis DI deducapitaux
Code général
d'une provenance
des impôts.suspecte.
Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si les Bahamas et les Caïmans se sont vus dans l'obligation
de signer avec les États-Unis des conventions internationales d'assistance judiciaire, pouvant
déboucher dans certains cas sur des échanges d'informations y compris en matière fiscale.
83 Utilisation de régimes de faveur temporaires et existence d'un réseau de Conventions
de régimes fiscales.
Sensiblement inférieur à la moyenne européenne (35 % environ) mais suffisamment
élevé pour ne pas rentrer dans le champ d'application des articles 238 A ou 209 B du CGI
par exemple.
85 Permettant d'obtenir des taux de faveur de retenue à la source entre 10 % et 15 %
(au lieu de 27 % en droit commun).
86 Exonération d'impôt pendant les dix premières années et imposition à 10 % pendant
les cinq années suivantes. Peut bénéficier de ce régime toute activité de production de biens
ou de services présentant une forte valeur ajoutée pour l'économie locale (agrément à obtenir
auprès du ministère des Finances).
87 Système aboutissant à un régime préférentiel d'imposition de 10 % sur le montant
des bénéfices (après déduction des dividendes en provenance des filiales). Les activités
pouvant être exercées par le Q.G.O. sont relativement étendues mais les conditions pour
pouvoir bénéficier de ce régime sont assez strictes.
V. pour plus de détails l'article de LEE Fook Hong, consacré à ce sujet dans VLB. F.D.
de février 1995, p. 78.
88 Les activités qui y sont autorisées sont assez larges puisqu'elles visent les activités
industrielles et commerciales, les prestations de service (conseil, opérations de leasing et
activités bancaires notamment) ainsi que l'enregistrement des navires.
L'ENTREPRISE ET LE DROIT COMPARE 401

retenue à la source réduits ainsi que de l'exonération de retenue à la


source sur dividendes 89.

Dans un contexte dominé par la mondialisation des économies et


des groupes de sociétés, la fiscalité apparaît de plus en glus avoir dépassé
son rôle traditionnel de pourvoyeur de ressources de l'État pour devenir,
selon le cas, un instrument d'ouverture ou de défense des marchés
intérieurs.
Instrument d'ouverture, elle l'a été dans le cas de la Chine et de la
Russie où les largesses fiscales accordées entre la fin des années 80 et
le début des années 90 ont sans doute permis d'accentuer le flux des
investissements étrangers dans chacun de ces deux pays. Toutefois, le
mouvement de retour de balancier fiscal qui s'amorce depuis quelques
mois est là pour nous rappeler que de telles mesures ne peuvent être que
provisoires au risque de compromettre gravement l'équilibre des finances
publiques de ces États 90.
Instrument de défense, elle l'est également au travers des pratiques
américaines sur la scène fiscale internationale. On retrouve en particulier
une volonté forte des Américains de lutter contre les « abus » dans leur
nouvelle politique de renégociation des conventions fiscales bilatérales
ainsi que dans la nouvelle réglementation américaine en matière de prix
de transferts 91. Cette tendance a d'ailleurs été récemment illustrée par le
système de « taxation unitaire » 92 opposant l'État de Californie et les
sociétés Barclays Bank et Colgate-Palmolive.
Instrument d'ouverture ou de défense, la fiscalité de la fin des
années 90 s'inscrit dans une double tendance consistant à la fois en un
renforcement de la lutte contre l'évasion fiscale, par l'utilisation d'« armes
de dissuasion » de plus en plus sophistiquées 93, et en un développement

89 II convient de noter toutefois que les États-Unis semblent avoir refusé l'application
des avantages aux sociétés implantées à Madère dans la nouvelle Convention avec le Portugal.
Dans le même ordre d'idée, les Pays-Bas refusent d'exonérer de retenue à la source les
dividendes versés aux sociétés mères implantées à Gibraltar ou Madère.
90 La Chine, tout en maintenant un certain nombre de dispositions dérogatoires du
droit commun (ex. : zones d'entreprises), se rapproche peu à peu des standards internationaux
(v. en particulier la nouvelle Loi du 31 octobre 1993 concernant la refonte de l'impôt sur
le revenu et ses conséquences sur la taxation des salariés expatriés). V. en ce sens « New
Individual Income Tax », de Jinyan LI, au I.B. F.D. 2/94.
En Russie, le retour vers une pression fiscale accrue semble beaucoup plus hiératique
comme l'atteste l'évolution contrastée des six derniers mois en matière de T.V.A. et de
droits de douanes.
91 Depuis juillet 1994, de nouvelles réglementations, « section 482, final regulation »,
obligent les entreprises à justifier à priori de leur prix de cession intragroupes par des
analyses précises et des informations économiques à jour. En cas de démonstration non
probante, de lourdes sanctions leur sont appliquées.
92 Consiste à taxer les bénéfices des entreprises non à partir de leurs résultats locaux
mais sur la base d'une répartition de leurs bénéfices mondiaux en proportion des éléments
d'activité (salaire, chiffre d'affaire, valeur des actifs professionnels) présents sur le territoire
américain.
93 Ce qui risque d'aboutir à la fin des paradis fiscaux traditionnels tels que nous les
connaissons aujourd'hui au profit de l'émergence de « pays à différentiel fiscal ».
402 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARE 2-1995

d'une concurrence fiscale se traduisant par l'eclosion d'incitations


nombreuses et très ciblées. Autant de raisons qui expliquent que cette discipline
est de plus en plus présente au cœur des choix stratégiques des entreprises,
de localisation y compris.

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