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PROJET DE THESE Ph.

THEME :

DIVERSIFICATION ET RENTABILITE DES BANQUES : UNE


APPLICATION AU CAS DES BANQUES COMMERCIALES
CAMEROUNAISES.

I- INTRODUCTION
Le système financier est considéré comme le nerf principal qui régule le cycle de vie
de la croissance économique des différents pays, il est également l'un des indicateurs les plus
importants du développement économique et social. Il influe sur la croissance économique à
long terme par son effet sur l’efficience de l’intermédiation entre épargnants et emprunteurs
finaux ; par le degré auquel il permet une surveillance des utilisateurs de fonds externes, ce
qui se répercute sur la productivité du capital utilisé ; enfin, par son incidence sur le volume
de l’épargne, qui conditionne la capacité future de l’économie de générer des revenus (de
Serres et al. 2006). Ainsi, un système économique développé doit être caractérisé par un
système financier sophistiqué, qui contribue au processus de la réalisation de l'équilibre
économique, à la fois interne et externe, et encourage l'activité d'investissement à travers ses
crédits et ses garanties.
Par ces responsabilités, la stabilité financière est devenue une source de
préoccupations majeures au plan mondial. Les raisons principales de cette préoccupation sont
la multiplication des crises financières depuis la fin des années 1980 à nos jours, notamment
avec les crises successives en Asie, en Amérique Latine et aujourd’hui dans le monde, ainsi
que les coûts financiers et socioéconomiques qu'elles engendrent. En effet, outre le coût de la
garantie des dépôts des banques déclarées en faillite et de l’apport en liquidité aux banques
défaillantes, les épisodes de défaillances et de faillites bancaires s’accompagnent
généralement d’une baisse de la croissance économique (Grossman, 1993; Kupiec et Ramirez,
2008). De plus, la défaillance bancaire peut créer la panique au niveau des déposants. Elle
crée aussi une panique chez les banques qui craignent de s’octroyer mutuellement du crédit et

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d’en accorder aux autres agents économiques. On peut donc s’attendre à ce que cette baisse
du crédit réduise la production.
Dans le même ordre d’idée, Honohan et Klingebiel (2003) soulignent que souvent la
production baisse durant les crises bancaires parce que ces crises surviennent en période de
ralentissement des activités économiques. Il s’agit donc du problème de la causalité entre les
crises bancaires et la baisse de la production. Nous admettons qu’une récession peut
occasionner une crise bancaire. Mais, nous reconnaissons également que la crise affecte
négativement la croissance économique en accélérant la baisse des activités économiques.
D’ailleurs, Honohan et Klingebiel (2003) reconnaissent aussi que cette causalité va dans les
deux sens. Le papier de Dell’Ariccia et al. (2008) révèle, qu’en période de crise bancaire, la
situation financière des secteurs industriels les plus dépendants du financement externe se
détériore plus que celle des secteurs les moins dépendants. Ce qui indique que la crise
bancaire affecte négativement l’activité économique. Si ce n’´etait pas le cas, la différence de
la détérioration de la situation financière entre les deux types de secteurs susmentionnés ne
seraient pas significative. De plus, Ramirez et Shively (2005) ont trouvé que la défaillance
commerciale est expliquée à 25% par la défaillance bancaire. Donc, la défaillance bancaire a
des conséquences néfastes sur l’activité économique. Même la défaillance d’une seule banque
peut représenter un important coût pour l’´economie. Par exemple, les pertes de la Baninter en
2003 ; 2,2 billions de dollars, représente 15,5% du PIB de la République Dominicaine
(Laeven et Valencia, 2008). Outre le coût d’opportunité des pertes bancaires, les informations
sur la défaillance d’une banque ou, dans un cas extrême, sa faillite, peut emmener les agents
économiques à faire des retraits massifs de leurs dépôts dans le système bancaire. Or, ces
retraits massifs ne font que rendre des banques saines défaillantes. C’était le cas en
République Dominicaine, lorsque la faillite de la Baninter a causé un début de panique
bancaire qui porta la banque centrale à fournir un support en liquidité à d’autres banques.
Le Cameroun pour sa part, comme la plupart des pays de la zone franc est caractérisé
jusqu’à la fin des années 1980 par un secteur financier dominé par les banques à
capitaux publics, une politique monétaire interventionniste et surtout le non respect des
réglementations prudentielles. Cette situation a entrainé de nombreuses conséquences telles
que la mauvaise qualité des services financiers, la sous capitalisation des banques,
l’accumulation des actifs non performant, le manque de transparence, le faible niveau de
bancarisation, un financement orienté vers le gouvernement (Brownbridge, 1998 ; FMI, 1999;
Joseph, 2002 ; Detragiache, Gupta et Tressel, 2005 ; Gulde et Al, 2006). Les problèmes
bancaires donnent lieu à de nombreuses faillites (Fouda, 1999) ; les banques exposées à des

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risques divers engendrent des pertes considérables. Au cours des années 1990, les banques
camerounaises sont peu engagées dans le financement de l’économie. Une enquête
menée par Dial (1993) et la direction de la statistique et de la comptabilité nationale
(DSCN) montre que pour l’exercice 1990/91, 85 % d’industries ont besoin d’un crédit
pour financer leurs investissements. Parmi celles-ci, 70% ont des difficultés à l’obtenir. Sur
le plan macroéconomique, les crédits à l’économie diminuent de 27% en terme réel de
1993 à 1994 et de 10% en 1995. Entre 1995 et 1997, cette tendance est loin de s’améliorer et
on note une diminution de 17% en terme nominal (Joseph, 1998). Au constat du sévère déclin
dû à la crise économique et bancaire, des reformes visant à mieux réguler le secteur
bancaire sont mises en œuvre (Groupe ESF,1990). Sur le plan institutionnel par exemple,
la Commission Bancaire de l’Afrique Centrale (COBAC) créée en 1992 est substituée
aux organes nationaux de régulation. Ces reformes du système financier incluent la
libéralisation du contrôle allocatif sur les banques, la restructuration des banques en faillite, la
révision de la supervision prudentielle. L’essence même des reformes étant de promouvoir la
compétition et mieux, l’efficience du secteur financier à travers la stabilité bancaire, la
production des services financiers, la qualité des produits financiers et le degré d’innovation
dans le secteur. Buchs (2003) affirme qu’un système bancaire compétitif assure aux banques
les forces nécessaires pour mener au mieux l’intermédiation financière, canal entre épargne et
investissement pour une économie plus croissante. La régulation est nécessaire à
l’intermédiation bancaire et financière (Lenoir, 1992).
A cet effet, le système officiel d'intermédiation financière de la zone CEMAC, à
l'instar de celui de toute l'Afrique noire francophone est le produit d'une profonde révolution
dont l'élément catalyseur est la crise bancaire de la fin des années 80. Le dysfonctionnement
de tout le système de paiement a obligé les Etats à une restructuration complète de leurs
édifices financiers. La forte réduction de l'implantation des banques est couplée avec
l'instauration d'une plus grande discipline dans l'activité bancaire sous la surveillance de la
COBAC engendrée elle-même par cette restructuration. Dans le même temps, de nouveaux
acteurs sont apparus ou ont pris une nouvelle dimension sur le marché, contribuant à modifier
profondément le visage du système d'intermédiation financière. C'est ainsi qu'à la faveur de la
libéralisation financière, la concurrence s'est accrue dans le secteur financier dans la sous-
région.
Le secteur bancaire camerounais, un des plus importants de la sous-région CEMAC, a
une taille croissante en nombre de banques. Cette augmentation accélère la concurrence entre
ces institutions bancaires d'une part et d'autre part entre ces institutions bancaires et les

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institutions de microfinance. Ainsi, pour faire face à cette concurrence toutes ces institutions
bancaires cherchent à maintenir ou accroître leurs rentabilités et leurs parts de marché par la
diversification de leurs produits et activités. Ceci, dans le but d'exploiter les économies de
gamme (Patry, 2002), qui nécessitent que ce secteur soit en phase avec l'évolution des autres
secteurs et même avec l'évolution des Technologies de l'Information et de la Communication
(TIC). Ces Technologies de l'Information et de la Communication et la mondialisation ont un
impact positif sur le secteur bancaire au Cameroun comme partout ailleurs à travers le
transfert du savoir-faire et l'amélioration de la qualité du service. En effet, les plus
importantes des banques installées au Cameroun sont des succursales des banques
occidentales. Selon Tamba et Tchamanbé Djine (1995), les banques occidentales ont
transformé et continuent à transformer, au fil du temps, la gestion de leurs filiales par une
méthode de gestion à l'occidentale et, surtout, une diversification des produits très souvent
calquée sur les modèles occidentaux. Cette diversification est faite dans le but d'améliorer la
performance de ces établissements bancaires (Patry, 2002). La diversification est sensée
permettre à l'institution bancaire de compenser les pertes éventuelles résultant d'un autre
secteur ou produit par des gains provenant des nouvelles activités.
La très forte volatilité des taux d'intérêt observée sur les différents marchés
internationaux, et la baisse du niveau de confiance fait au cadre judiciaire au Cameroun ont
rendu la gestion du risque lié au crédit préoccupante pour les banquiers au Cameroun. Ce qui
les a incités à mettre en place d'autres méthodes. Ainsi, avec 14,6% des crédits bruts en
souffrances en 2002, la qualité du portefeuille s'est dégradée comparée aux situations
précédentes, pour éviter ce risque de crédit devenu trop important au Cameroun, les banques
sont devenues, dans leur grande majorité, des banques de transactions en diversifiant leurs
produits afin de multiplier les commissions et maintenir voire accroître, leurs produits nets et,
par là, leur rentabilité. Nous nous appesantirons dans ce travail sur la diversification du
portefeuille de crédit des banques vue qu’elle est au centre des institutions bancaires.
Au Cameroun après les émeutes de février 2008, les autorités politiques ont demandé
que des efforts soient faits dans tous les secteurs afin de réduire les charges aux
consommateurs et de lutter contre la vie chère. C'est ainsi que l'autorité monétaire en allant
dans ce sens a décidé de la suppression de frais de tenu de compte par les banques. Cette
suppression a entrainé un manque à gagner aux banques, qui ont dû diversifier leurs activités
et leurs produits afin de combler ce manque à gagner. Les banques camerounaises pensent
maintenir ou accroître leur rentabilité en augmentant la variété de leurs produits (les produits
liés aux dépôts et les produits liés au crédit). Le portefeuille de crédits étant considéré comme

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l'ensemble des différents types de crédits détenus par une banque, celle-ci en diversifiant ses
produits, peut choisir soit diversifier uniquement ce portefeuille soit diversifier ses autres
produits liés ceux-là à la collecte des dépôts et garder inchangé son portefeuille de crédits ou
encore diversifier l'ensemble de tous ses produits. Toutefois, comme il est important de
connaître les causes de la variation des produits dans un secteur, il est aussi nécessaire de
connaître l'impact de cette diversification (des produits) sur la rentabilité des agents de ce
secteur.
Notre étude porte donc sur l'impact de la diversification du portefeuille de crédits sur
la rentabilité des banques commerciales camerounaises. Cette étude vise à explorer un
domaine qui à notre connaissance reste encore nouveau dans le contexte camerounais.

II- PROBLEMATIQUE

La diversification du portefeuille est entendue ici comme la constitution d'un


portefeuille de plusieurs actifs différents. La rentabilité quant à elle, peut être définie comme
l'aptitude à dégager des gains suffisants d'une exploitation après déduction des charges
engagées pour cette exploitation afin de poursuivre l'activité (Koffi Yao, 2004). La
diversification des activités d’un groupe peut être expliquée par la recherche d’économies des
couts de transaction, d’économies d’échelle et d’économies d’envergure dans une certaine
mesure. En particulier, l’entreprise peut chercher à économiser les couts de transaction au
moyen de l’intégration verticale (Guillén, 2000). Ainsi, Pour se diversifier, l’entreprise doit
posséder les ressources productives de valeur, difficiles à imiter et accumulées à long terme.
Quand l’entreprise ne peut pas les employer complètement dans les activités déjà existantes,
elle est incitée à se diversifier pour les utiliser. Des groupes diversifiés permettent d’acquérir
et de maintenir des capacités qui combinent les ressources possédées – les inputs, les
processus et les accès du marché – pour entrer rapidement et à un coût relativement faible
dans les industries nouvelles.
Les études de la rentabilité des banques constituent un centre d'intérêt de grande
importance dans les travaux menés sur ce secteur, en particulier et le secteur financier en
général. Pour une combinaison optimale des différents déterminants de la rentabilité, il est
nécessaire de connaître l'importance de l'influence de tout déterminant de cette rentabilité.
Ainsi, l'étude de la diversification du portefeuille de crédits permet non seulement aux
managers des institutions bancaires d'être fixés sur l'impact de la diversification du

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portefeuille de crédits sur la rentabilité, mais aussi d'avoir une idée sur le risque à prendre afin
d'accroître la rentabilité de leurs institutions.
Dans la littérature, les déterminants de la rentabilité bancaire sont regroupés souvent
en facteurs externes et internes à la banque. L'utilisation de la plupart des facteurs internes
dans l'estimation de la rentabilité des banques suggérée par la littérature est celle des ratios de
capital et de liquidité, le rapport des prêts/dépôts, les pertes sur emprunts d'exploitation et
certains frais généraux. C'est ainsi que Sayilgan et Yildirim (2009) en explorant les
déterminants de la profitabilité du secteur bancaire turc sur la période 2002-2007, ont utilisé le
ratio crédit sur total actif comme une variable explicative. Ils ont trouvé que cette variable
n'est pas significative dans l'explication de la rentabilité du secteur bancaire turc. Abreu et
Mendes (2002) en étudiant les déterminants de la rentabilité des banques espagnoles,
portugaises, allemandes et françaises de 1986 à 1999 concluent que les ratios des crédits et
des capitaux propres par rapport au total de l'actif affectent positivement le Return On Assets
(ROA) c'est-à-dire l'indicateur de la rentabilité. La multiplicité des déterminants de la
rentabilité des banques justifie l'action des banques qui consiste à réduire les charges et
augmenter les produits.
La recherche des économies de coût et de réduction du risque pour l'amélioration de la
rentabilité des banques est l'un des justificatifs de la diversification. Cette dernière peut être
géographique, sectorielle et peut aussi concerner les produits. La diversification du
portefeuille de crédits est une partie de la diversification des produits qui constitue à l'heure
actuelle une caractéristique fondamentale de la nouvelle donne de l'industrie bancaire
européenne (Patry, 2002). Un modèle au sein duquel, la multiplication des mesures de
déréglementation, et l'essor des innovations technologiques offrent des nouvelles opportunités
d'investissement aux établissements bancaires, a été développé par Patry (2002). Cette
dernière conclut que la possibilité de vendre un ensemble des produits diversifiés à un même
client permet de réduire l'asymétrie d'information entre le client et la banque. « La banque
bénéficie alors d'économies informationnelles et d'un effet de réputation »1.
Hayden et al (2006), à propos du degré optimum de la diversification décèlent deux
théories contradictoires de la littérature économique, à savoir : la théorie traditionnelle de la
banque et la théorie de la finance d'entreprise. La théorie traditionnelle de la banque est
fondée sur la banque comme contrôleur délégué (Diamond, 1984). Cette théorie recommande
que la banque se diversifie, si possible, pour atteindre son organisation optimale. Par contre,

1
Cf. Patry S. (2002), « Choix stratégiques temporels de diversification dans l'industrie bancaire »,
version préliminaire, avril.

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la théorie de la finance d'entreprise suggère que la banque, considérée comme une entreprise,
devrait se concentrer sur une cible pour obtenir le plus grand avantage possible. Les travaux
de Hayden et al (2006) ont porté sur l'analyse de la relation qui existe entre la rentabilité des
banques allemandes et la diversification de leurs portefeuilles de crédits suivant les secteurs
industriels, secteurs économiques en général et région géographique sur la période 1996-2002.
Ils trouvent que les avantages de la diversification varient avec le niveau du risque et il n'y a
que la diversification géographique qui explique significativement la rentabilité bancaire. En
effet, au vue de ces différents travaux, il est important d'étudier la contribution de la
diversification du portefeuille de crédits sur la rentabilité bancaire dans le contexte
camerounais. Ceci peut s'expliquer selon Tamba et Tchamanbé Djine (1995) par le fait que la
plupart des banques installées au Cameroun sont généralement des filiales des banques
occidentales. Ces dernières ont au fil du temps transformé la gestion de leurs filiales et
diversifié les produits de celles-ci.
Dans le cadre de ces études économiques et financières, certains auteurs se sont
intéressés à l'analyse des déterminants de la rentabilité bancaire dans les pays aussi bien
développés qu'en voie de développement [voir Mansouri et Afroukh (2008), Koffi Yao
(2004), Sayilgan et Yildirim (2009)]. Dans le cas du Cameroun, les déterminants de la
rentabilité des banques en général et, en particulier, le portefeuille de crédits n'a fait
pratiquement pas l'objet des études économiques sérieuses. En ce qui concerne la
diversification, Hayden et al (2006) ont planché en Allemagne sur la préoccupation de savoir
si celle-ci accroît la performance et la sûreté de la banque comme le prévoient la théorie
traditionnelle du portefeuille. De même pour répondre à la question de savoir si la banque doit
être diversifiée ou pas, Acharya et al (2006) ont utilisé les portefeuilles d'un échantillon de
banques italiennes. Ils ont conclu que la diversification de l'actif de la banque ne garantit pas
une grande rentabilité et/ou une grande sûreté à la banque. Kamp et al (2005) quant à eux ont
tenté d'apporter une réponse à la question de la diversification du portefeuille de crédits des
banques par une étude sur les portefeuilles individuels d'un échantillon des banques
allemandes. Ces différentes études montrent que l'analyse des performances bancaires,
notamment en termes de rentabilité, est d'un grand intérêt, ne serait-ce que pour permettre aux
banques de mieux appréhender les facteurs qui agissent sur leur rentabilité.
Les récents rapports de la COBAC montrent que les banques camerounaises présentent
des résultats bénéficiaires ce dernier temps. Avec un résultat net du système bancaire qui s'est
amélioré de 3,1 % par rapport à la décennie précédente, leur rythme de croissance est moyen.
Cet accroissement du résultat net peut être justifié d'une part par l'accroissement du produit

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net bancaire qui a augmenté de 2,6 %. La marge sur opérations avec la clientèle (collecte des
dépôts et octroi de crédit principalement) qui s'est accru de 6,3 %, est le plus important
constituant du produit net bancaire. Le coefficient de rentabilité (résultat net rapporté aux
fonds propres nets) et le coefficient de rendement (résultat net sur total du bilan) ont
également connu une progression respectivement de 22,3 % et de 1,3 %. Ces statistiques clés
prouvent que l'activité bancaire au Cameroun est rentable. Ainsi, il est important de chercher à
savoir ce qui détermine cette rentabilité. De même il est nécessaire de connaître l'apport des
différents produits ou services offerts par les banques à leur clientèle. La recherche de cette
rentabilité conduit les banques de plus en plus à diversifier leurs produits. Ceci afin de
maintenir ou alors d'accroître leur part de marché et, par là même le produit net bancaire.
Cette diversification concerne aussi bien les produits liés à la collecte des dépôts que ceux liés
à l'octroi de crédit.
Il s'avère donc important d'apporter une réponse à la question suivante : la
diversification en matière du portefeuille de crédits contribue-t-elle à l'amélioration de
la rentabilité bancaire au Cameroun ? Notre étude rentre dans ce cadre et tente d'apporter
une réponse à cette préoccupation. Cette question principale entraîne d'autres questions à
savoir :
- Quel est le sens de la relation qui existe entre la diversification du portefeuille de
crédit et la rentabilité des banques au Cameroun?
- Quelles sont les mesures prises par les banques pour orienter cette diversification
vers une meilleure production ?
- Quel type de relation existe entre la rentabilité bancaire et ses différents
déterminants ? 
- La diversification du portefeuille de crédits améliore-t-elle la rentabilité bancaire
au Cameroun ?
Dans un contexte de recherche de rentabilité des entreprises, la banque en tant que
entreprise doit maîtriser ses charges et augmenter ses produits. Pour ce faire, les banques se
diversifient de plus en plus. L'objet de cette étude est d'analyser la relation qui existe entre
la diversification du portefeuille de crédits et la rentabilité des banques camerounaises.
Ainsi pour répondre à nos différentes questions de recherche, notre étude sera articulée
comme suit :
- Ressortir le sens de la relation existant entre la diversification du porte feuille de
crédit et la rentabilité des banques ;

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- Identifier les mesures prises par les banques pour orienter cette diversification
vers une meilleure production ;
- Examiner les relations possibles entre la rentabilité bancaire et ses différents
déterminants ;
- Proposer des outils de pilotage permettant d'améliorer la rentabilité des banques
camerounaises à travers la diversification de leurs portefeuilles de crédits.
Dans la littérature théorique et empirique, la rentabilité bancaire est mesurée tantôt par
les rendements sur actifs, tantôt par le rendement des capitaux propres. Cette littérature
permet de formuler certaines hypothèses à propos des liens de causalités possibles entre la
rentabilité des banques et ses facteurs explicatifs fondamentaux. Acharya et al. (2006) ont
trouvé, en ce qui concerne leur échantillon, que la diversification des crédits par secteur et
surtout le crédit au secteur industriel accroît le crédit à haut risque dans le portefeuille de la
banque. Mais, ils n'ont pas exclu la relation positive qui existe entre la diversification du
portefeuille de crédits et l'accroissement de la marge sur intérêt de la banque.
Le secteur bancaire camerounais, un des plus importants de la sous-région CEMAC, a
une taille croissante en nombre de banques. Cette augmentation accélère la concurrence entre
ces institutions bancaires d'une part et d'autre part entre ces institutions bancaires et les
institutions de micro-finances. Ainsi, pour faire face à cette concurrence toutes ces institutions
bancaires cherchent à maintenir ou accroître leurs rentabilités et leurs parts de marché par la
diversification de leurs produits et activités. Ceci, dans le but d'exploiter les économies de
gamme (Patry, 2002), qui nécessitent que ce secteur soit en phase avec l'évolution des autres
secteurs et même avec l'évolution des Technologies de l'Information et de la Communication
(TIC).
La très forte volatilité des taux d'intérêt observée sur les différents marchés
internationaux, et la baisse du niveau de confiance fait au cadre judiciaire au Cameroun ont
rendu la gestion du risque lié au crédit préoccupante pour les banquiers au Cameroun. Ce qui
les a incités à mettre en place d'autres méthodes. Ainsi, avec 14,6% des crédits bruts en
souffrances en 2002, la qualité du portefeuille s'est dégradée comparée aux situations
précédentes, pour éviter ce risque de crédit devenu trop important au Cameroun, les banques
sont devenues, dans leur grande majorité, des banques de transactions en diversifiant leurs
produits afin de multiplier les commissions et maintenir voire accroître, leurs produits nets et,
par là, leurs rentabilités, (CEC, 2010).
Au Cameroun après les émeutes de février 2008, les autorités politiques ont demandé
que des efforts soient faits dans tous les secteurs afin de réduire les charges aux

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consommateurs et de lutter contre la vie chère. C'est ainsi que l'autorité monétaire en allant
dans ce sens a décidé de la suppression de frais de tenu de compte par les banques. Cette
suppression a entrainé un manque à gagner aux banques, qui ont dû diversifier leurs activités
et leurs produits afin de combler ce manque à gagner. Les banques camerounaises pensent
maintenir ou accroître leur rentabilité en augmentant la variété de leurs produits (les produits
liés aux dépôts et les produits liés au crédit). Le portefeuille de crédits étant considéré comme
l'ensemble des différents types de crédits détenus par une banque, celle-ci en diversifiant ses
produits, peut choisir soit diversifier uniquement ce portefeuille soit diversifier ses autres
produits liés ceux-là à la collecte des dépôts et garder inchangé son portefeuille de crédits ou
encore diversifier l'ensemble de tous ses produits. Toutefois, comme il est important de
connaître les causes de la variation des produits dans un secteur, il est aussi nécessaire de
connaître l'impact de cette diversification (des produits) sur la rentabilité des agents de ce
secteur. La diversification du portefeuille est entendue ici comme la constitution d'un
portefeuille de plusieurs actifs différents. La rentabilité quant à elle, peut être définie comme
l'aptitude à dégager des gains suffisants d'une exploitation après déduction des charges
engagées pour cette exploitation afin de poursuivre l'activité (Koffi Yao, 2004).
Les études de la rentabilité des banques constituent un centre d'intérêt de grande
importance dans les travaux menés sur ce secteur, en particulier et le secteur financier en
général. Pour une combinaison optimale des différents déterminants de la rentabilité, il est
nécessaire de connaître l'importance de l'influence de tout déterminant de cette rentabilité.
Ainsi, l'étude de la diversification du portefeuille de crédits permet non seulement aux
managers des institutions bancaires d'être fixés sur l'impact de la diversification du
portefeuille de crédits sur la rentabilité, mais aussi d'avoir une idée sur le risque à prendre afin
d'accroître la rentabilité de leurs institutions.
Dans la littérature, les déterminants de la rentabilité bancaire sont regroupés souvent
en facteurs externes et internes à la banque. L'utilisation de la plupart des facteurs internes
dans l'estimation de la rentabilité des banques suggérée par la littérature est celle des ratios de
capital et de liquidité, le rapport des prêts/dépôts, les pertes sur emprunts d'exploitation et
certains frais généraux. C'est ainsi que Sayilgan et Yildirim (2009) en explorant les
déterminants de la profitabilité du secteur bancaire turc sur la période 2002-2007, ont utilisé le
ratio crédit sur total actif comme une variable explicative. Ils ont trouvé que cette variable
n'est pas significative dans l'explication de la rentabilité du secteur bancaire turc. Abreu et
Mendes (2002) en étudiant les déterminants de la rentabilité des banques espagnoles,
portugaises, allemandes et françaises de 1986 à 1999 concluent que les ratios des crédits et

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des capitaux propres par rapport au total de l'actif affectent positivement le Return On Assets
(ROA) c'est-à-dire l'indicateur de la rentabilité. La multiplicité des déterminants de la
rentabilité des banques justifie l'action des banques qui consiste à réduire les charges et
augmenter les produits.
La recherche des économies de coût et de réduction du risque pour l'amélioration de la
rentabilité des banques est l'un des justificatifs de la diversification. Cette dernière peut être
géographique, sectorielle et peut aussi concerner les produits. La diversification du
portefeuille de crédits est une partie de la diversification des produits qui constitue à l'heure
actuelle une caractéristique fondamentale de la nouvelle donne de l'industrie bancaire
européenne (Patry, 2002). Un modèle au sein duquel, la multiplication des mesures de
déréglementation, et l'essor des innovations technologiques offrent des nouvelles opportunités
d'investissement aux établissements bancaires, a été développé par Patry (2002). Cette
dernière conclut que la possibilité de vendre un ensemble des produits diversifiés à un même
client permet de réduire l'asymétrie d'information entre le client et la banque. « La banque
bénéficie alors d'économies informationnelles et d'un effet de réputation »2.
Hayden et al (2006), à propos du degré optimum de la diversification décèlent deux
théories contradictoires de la littérature économique, à savoir : la théorie traditionnelle de la
banque et la théorie de la finance d'entreprise. La théorie traditionnelle de la banque est
fondée sur la banque comme contrôleur délégué (Diamond, 1984). Cette théorie recommande
que la banque se diversifie, si possible, pour atteindre son organisation optimale. Par contre,
la théorie de la finance d'entreprise suggère que la banque, considérée comme une entreprise,
devrait se concentrer sur une cible pour obtenir le plus grand avantage possible. Les travaux
de Hayden et al (2006) ont porté sur l'analyse de la relation qui existe entre la rentabilité des
banques allemandes et la diversification de leurs portefeuilles de crédits suivant les secteurs
industriels, secteurs économiques en général et région géographique sur la période 1996-2002.
Ils trouvent que les avantages de la diversification varient avec le niveau du risque et il n'y a
que la diversification géographique qui explique significativement la rentabilité bancaire. En
effet, au vue de ces différents travaux, il est important d'étudier la contribution de la
diversification du portefeuille de crédits sur la rentabilité bancaire dans le contexte
camerounais. Ceci peut s'expliquer selon Tamba et Tchamanbé Djine (1995) par le fait que la
plupart des banques installées au Cameroun sont généralement des filiales des banques

2
Cf. Patry S. (2002), « Choix stratégiques temporels de diversification dans l'industrie bancaire »,
version préliminaire, avril.

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occidentales. Ces dernières ont au fil du temps transformé, la gestion de leurs filiales et
diversifié les produits de celles-ci.
Dans le cadre de ces études économiques et financières, certains auteurs se sont
intéressés à l'analyse des déterminants de la rentabilité bancaire dans les pays aussi bien
développés qu'en voie de développement [voir Mansouri et Afroukh (2008), Koffi Yao
(2004), Sayilgan et Yildirim (2009)]. Dans le cas du Cameroun, les déterminants de la
rentabilité des banques en général et, en particulier, le portefeuille de crédits n'a fait
pratiquement pas l'objet des études économiques sérieuses. En ce qui concerne la
diversification, Hayden et al (2006) ont planché en Allemagne sur la préoccupation de savoir
si celle-ci accroît la performance et la sûreté de la banque comme le prévoient la théorie
traditionnelle du portefeuille. De même pour répondre à la question de savoir si la banque doit
être diversifiée ou pas, Acharya et al (2006) ont utilisé les portefeuilles d'un échantillon des
banques italiennes. Ils ont conclu que la diversification de l'actif de la banque ne garantit pas
une grande rentabilité et/ou une grande sûreté à la banque. Kamp et al (2005) quant à eux ont
tenté d'apporter une réponse à la question de la diversification du portefeuille de crédits des
banques par une étude sur les portefeuilles individuels d'un échantillon des banques
allemandes. Ces différentes études montrent que l'analyse des performances bancaires,
notamment en termes de rentabilité, est d'un grand intérêt, ne serait-ce que pour permettre aux
banques de mieux appréhender les facteurs qui agissent sur leur rentabilité.
Les récents rapports de la COBAC montrent que les banques camerounaises présentent
des résultats bénéficiaires ce dernier temps. Avec un résultat net du système bancaire qui s'est
amélioré de 3,1 % par rapport à la décennie précédente, leur rythme de croissance est moyen.
Cet accroissement du résultat net peut être justifié d'une part par l'accroissement du produit
net bancaire qui a augmenté de 2,6 %. La marge sur opérations avec la clientèle (collecte des
dépôts et octroi de crédit principalement) qui s'est accru de 6,3 %, est le plus important
constituant du produit net bancaire. Le coefficient de rentabilité (résultat net rapporté aux
fonds propres nets) et le coefficient de rendement (résultat net sur total du bilan) ont
également connu une progression respectivement de 22,3 % et de 1,3 %. Ces statistiques clés
prouvent que l'activité bancaire au Cameroun est rentable. Ainsi, il est important de chercher à
savoir ce qui détermine cette rentabilité. De même il est nécessaire de connaître l'apport des
différents produits ou services offerts par les banques à leur clientèle. La recherche de cette
rentabilité conduit les banques de plus en plus à diversifier leurs produits. Ceci afin de
maintenir ou alors d'accroître leur part de marché et, par là même le produit net bancaire.

12
Cette diversification concerne aussi bien les produits liés à la collecte des dépôts que ceux liés
à l'octroi de crédit.
Il s'avère donc important d'apporter une réponse à la question suivante : la
diversification du portefeuille de crédits contribue-t-elle à l'amélioration de la rentabilité
bancaire au Cameroun ?
Au vu de la croissance de la rentabilité du secteur bancaire camerounais et de ce qui
précède, nous formulons les hypothèses suivantes :
- Il existerait un lien de causalité entre la diversification du portefeuille de crédit et
la rentabilité des banques ;
- Le bon suivi de cette diversification améliorerait la qualité de la production ;
- La taille des banques et les frais généraux réduisent l'effet de la diversification du
portefeuille de crédits sur la rentabilité bancaire au Cameroun.
- La diversification du portefeuille de crédits contribue significativement à la
rentabilité bancaire au Cameroun. C'est-à-dire qu'il existe une relation positive
et significative entre la distribution des crédits et la rentabilité bancaire au
Cameroun.
Entreprendre de vérifier ces hypothèses suppose non seulement qu’on dispose
d’une méthodologie pertinente, mais également qu’on puisse isoler dans le temps la
période correspondant à la consolidation du phénomène de la diversification. Mais avant
la présente étude, de nombreuses autres ont traité de la question des enjeux de la
diversification des banques avec en toile de fond implicite ou explicite le processus de
mondialisation. Aussi la méthodologie idoine ici sera d’autant plus facile à concevoir
qu’on aura essayé de faire le point sur ces recherches grâce à une revue critique de la
littérature au terme de laquelle l’intérêt de l’étude sera évident.

III- REVUE DE LA LITTERATURE

La crise du système bancaire de la CEMAC dans le milieu des années 1980, a été
sévère et n’a épargné aucun des pays membres. Crise multidimensionnelle, affectant l’activité
économique, les finances publiques, la balance des paiements, la monnaie et le crédit. Dans
les pays de l’UEMOA par exemple, Plus de 25 banques et établissements financiers,
particulièrement les banques de développement, étaient en quasi cessation de paiements en
1986.

13
Comme le pense Adina Apătăchioae (2014), l'analyse des crises bancaires comme des
éléments déclencheurs des crises financières doit être liée au processus de déréglementation
et de libéralisation des systèmes financiers nationaux qui consistent en l'élimination des
obstacles internationaux, dans la limite d’exécution de services financiers. La concurrence
entre les banques commerciales et d'autres intermédiaires financiers, la perte d'importance
des banques commerciales dans le domaine économique, l’augmentation des opérations en
dehors des comptes (off balance sheet) concomitant avec l'utilisation de nouveaux instruments
financiers et de nouvelles façons d'investissement sont des éléments qui font penser si les
banques commerciales sont en déclin ou si elles changent leurs fonctions à la suite du
phénomène de mondialisation. Les crises bancaires sont donc le résultat de l'augmentation de
la concurrence des services fournis par les intermédiaires financiers au niveau des marchés
hautement intégrés au niveau mondial, mais aussi de la multitude de participants non
bancaires sur le marché. L'expansion de l'activité bancaire en dehors des domaines non
traditionnels conduit, au fil du temps, à l'émergence d'autres institutions financières et non
financières et fournit des services bancaires. La stabilité du système bancaire est le résultat de
politiques macroéconomiques et structurelles qui permettent un contact étroit avec le système
financier.
De plus, on reproche souvent à la libéralisation financière d’être un facteur important
dans le déclenchement des crises bancaires. Cependant, il a été démontré que la libéralisation
financière contribue au développement économique à long terme (McKinnon, 1973 ; Shaw,
1973 ; King et Levine, 1992, 1993a, 1993b ; Levine, 1997, 2004). Donc le problème central
reste de savoir bénéficier des effets positifs de la libéralisation en évitant les problèmes de
crises. En outre, malgré les efforts de libéralisation progressive et de stabilité économique,
certains pays émergents3 ont quand même connu de graves crises bancaires (cas du Chili).
Au-delà de tous ces problèmes, les institutions financières bancaires constituent un
outil important de politique économique dans les pays en développement en général, et au
Cameroun en particulier. Leur fonction instrumentale dans les stratégies de développement
leur impose des obligations diverses. Elles doivent par exemple octroyer des prêts à des taux
d’intérêts préférentiels, assurer le développement des activités jugées prioritaires, financer les
multiples besoins des administrations publiques et autres.
Généralement, la firme opte pour la diversification lorsque les gains obtenus dépassent
les couts engagés (Stromper, 2009). La diversification constitue ainsi un choix stratégique
3
Sur 29 banques en faillite (dans 21 pays émergents et en voie de développement), les auteurs ont
recensé 26 cas où il y a un manque de surveillance et de régulation préventive (G. Caprio et D. Klingebiel,
1997b, figure 3).

14
important pour les dirigeants (Winton, 2010). Les banques, ayant atteint un degré important
de diversification, peuvent réduire le coût moyen de financement, transférer les ressources des
opérations non efficientes vers les activités les plus rentables, réaliser des économies d’échelle
et bénéficier des avantages fiscaux (Stultz et Shin, 2007; Mc Luaghlin et al., 2009).
Par ailleurs, Acemoglu et Zilibotti (1997) considèrent un environnement dans lequel
les marchés sont imparfaits, où il existe des coûts liés à la production des actifs qui
accroissent les opportunités de diversification. Dans le modèle, ils rendent endogène
l’imperfection des marchés financiers et examinent l’impact de la diversification du risque sur
le développement économique par le biais de l’accumulation du capital. Les propriétés
fondamentales prises en compte dans leur modèle sont : (i) les projets risqués sont à
rendements élevés et nécessitent un niveau consistant d’investissement initial ; (ii) les projets
certains sont à rendement faible ; (iii) les individus sont averses au risque. Le désir d’éviter les
investissements risqués lié à l’aversion des individus au risque abaisse le niveau du capital et
la non diversification du risque introduit une grande incertitude dans le processus de
croissance.
Ils démontrent que l’équilibre décentralisé est inefficient et que l’économie prend
beaucoup de temps pour traverser le stade primitif d’accumulation puisque les individus ne
prennent pas en compte l’impact de nouvelles opportunités de diversification.
A la suite d’Acemoglu et Zilibotti (1997), Devereux et Smith (1994) trouvent que le
taux de croissance et le bien-être peuvent être plus faibles au niveau de l’équilibre avec un
partage international du risque. Ils justifient ce résultat par le fait qu’avec une pleine
diversification du risque, on obtient des revenus non risqués et donc une réduction du taux
d’épargne. Devereux et Smith (1994) ajoutent qu’au cas où le risque, au lieu de provenir de
l’incertitude liée au rendement des investissements dépend des chocs de productivité,
l’intégration financière accroit le bien-être, malgré son impact négatif sur la croissance.
Toutefois, les auteurs ajoutent que, l’intégration financière peut accélérer la croissance
économique bien qu’il y ait une réduction du taux d’épargne, si elle conduit à une réallocation
de l’épargne dans des projets à fort risque et à rendement élevé. Ainsi, si l’intégration ne
conduit pas à la réduction du risque mais plutôt à l’accroissement de l’incitation à investir
dans les actifs à fort rendement et donc plus risqués, on aura une augmentation du niveau
d’épargne, de croissance et aussi de bien-être. Devereux et Smith (1994) montrent entre autres
qu’une augmentation du risque de revenu tend à accroitre le niveau d’épargne ; ce qui fait
remonter à l’existence d’un motif d’épargne de précaution qu’on retrouve chez certains
auteurs à savoir, Leland (1968), Sandmo (1970), Kimball (1990) et Caballero (1990), qui peut

15
conduire à espérer une augmentation du taux de croissance économique en situation
d’autarcie4. Par contre si l’on suppose que l’intégration financière conduit à l’inexistence de
l’incertitude au niveau agrégé, le risque disparait et l’intégration financière aura pour effet
dans chaque pays l’élimination des fluctuations de revenu compte tenu de l’absence
d’incertitude qui entraine la réduction de l’épargne de précaution et donc du taux de
croissance économique.
A l’instar de Devereux et Smith (1994), Obstfeld (1994) analyse l’impact d’une
complète diversification du risque sur la croissance économique à l’aide d’un modèle
stochastique en temps continu dans lequel le partage international du risque peut entrainer des
gains au niveau du bien-être à travers son impact sur l’espérance de consommation. Comme
chez Devereux et Smith (1994), le mécanisme qui relie la diversification du risque à la
croissance économique est la transformation des portefeuilles d’actifs sécurisés à faible
rendement, en actifs risqués dont le rendement est élevé. Les choix individuels s’effectuent
entre l’accumulation du capital (capital risqué ou non risqué) et le prêt à taux sans risque. En
situation d’économie fermée, Obstfeld (1994) trouve que deux équilibres sont envisageables :
l’un où il y a les deux types d’investissement en capital et l’autre où il y a l’investissement
risqué uniquement. Par contre, en cas d’intégration financière, on obtient un équilibre
caractérisé uniquement par des actifs risqués à rendement élevé. Ainsi, les résultats obtenus
par Obstfeld (1994) révèlent que les pays qui expérimentent l’intégration financière réalisent
des gains substantiels en termes de croissance moyenne de la consommation et de bien-être.
L’une des particularités de l’article de Obstfeld (1994) est de prendre en compte le
degré d’aversion au risque. Ainsi, il trouve que le degré d’aversion au risque a un effet
semblable sur la croissance que le risque de rendement lié à un actif non sécurisé.
Toutefois, Rajan (1994) montre que la diversification détruit la valeur de la firme. Ce
résultat, connu sous le concept «diversification discount», a été expliqué par plusieurs facteurs
comme l’aversion des dirigeants au risque, les coûts d’agence et l’inefficience des opérations.
Il est à noter que, malgré l’absence jusqu’à maintenant d’un consensus sur les conséquences
de la diversification, la tendance générale dans la littérature suggère que la diversification
détruit la valeur des firmes (Levine et Laeven, 2007; Olalekan, 2010). La rentabilité de ces
dernières serait alors menacée.

4
En effet, pour Leland (1968), la demande d’épargne de précaution est une fonction croissante de l’incertitude
liée au revenu futur et non la manifestation d’une volonté d’éviter le risque, puisque pour de faibles niveaux de
risque la demande d’épargne de précaution persiste toujours alors que Sandmo (1970) estime que l’épargne de
précaution est une réponse au risque.

16
IV- METHODOLOGIE.

Il est question pour nous d'analyser la relation qui existe entre la diversification du
portefeuille de crédits et la rentabilité des banques camerounaises. Il nous incombe donc de
tester l’hypothèse générale selon laquelle il existerait un lien entre la diversification et la
rentabilité des banques.
Le modèle retenu est une adaptation de celui utilisé par Hayden et al (2006) combiné
à celui de Mansouri et Afroukh (2008) c'est-à-dire une régression multiple avec le ROA
comme variable à expliquer et l'indice de Hirsmann-Herfindal et d'autres éléments
organisationnels, macroéconomiques et macro-financiers comme variables explicatives.
Ainsi, la même démarche et les mêmes spécifications économétriques seront adoptées, pour
l'estimation de la relation entre les différents types de crédit et la rentabilité bancaire au
Cameroun. La période sur laquelle les données statistiques agrégées sont observées (2000-
2015), soit 16 années, est relativement courte. Ce qui limite en fait l'analyse économétrique de
séries temporelles sur la base des données du système bancaire consolidé. Il est alors
nécessaire d'augmenter le nombre d'observations. Ainsi, la trimestrialisation des données
annuelles sera menée en vue d'accroitre le nombre d'observations. Quant aux données
secondaires, elles seront extraites des annuaires statistiques du Cameroun disponibles à l'INS
et des rapports annuels de la BEAC et de la COBAC. Conformément aux développements
précédents sur la littérature théorique et empirique, la rentabilité bancaire est mesurée par le
rendement des actifs.
De plus, le survol de la littérature théorique et empirique sur les déterminants de la
rentabilité bancaire et la diversification du portefeuille de crédits, nous a permis de formuler
certaines hypothèses à propos des liens de causalités possibles entre les facteurs explicatifs
fondamentaux de la rentabilité bancaire et la rentabilité des banques camerounaises. Ce qui
nous a permis de formuler nos hypothèses.
De ces différentes hypothèses, nous définissons les variables du modèle de l'analyse.
Ainsi, la variable endogène est le Return On Asset (ROA) qui représente le coefficient de
rendement. Les variables exogènes sont de trois types. Il y a d'abord les variables
managériales ou organisationnelles qui comportent les charges d'exploitation bancaire, les
capitaux propres, les différents crédits bancaires et la taille de la banque. Les charges
d'exploitation bancaire correspondent aux charges issues de l'activité d'intermédiaire financier
tant en ce qui concerne la collecte des ressources et les interventions sur les marchés de

17
capitaux. Les intérêts et les charges assimilés en constituent l'élément principal. Il s'agit des
intérêts versés aux apporteurs de ressources que sont les déposants ou les souscripteurs de
titre. Les capitaux propres ou fonds propres représentent les fonds apportés par le ou les
propriétaires de l'entreprise (capital social) ainsi que les ressources provenant de l'activité de
l'entreprise et qui n'ont pas été distribuées (ce sont les réserves, bénéfices mis en réserve). Le
crédit désigne un acte de confiance se traduisant par un prêt en nature ou en espèces consenti
en contrepartie d'une promesse de remboursement dans un délai généralement convenu à
l'avance. Le crédit implique donc une réputation de solvabilité, ce qui permet de retrouver le
sens de l'adage : « on ne prête qu'aux riches », qui veut dire « on ne prête qu'à ceux qui
pourront rembourser ». La taille renvoie à la dimension d'un sujet économique. De ce point de
vue, la taille des entreprises se diffère en fonction du nombre des salariés. Il est possible de
distinguer : la micro-entreprise qui est sans salarié, avec pour seul travailleur le propriétaire ;
la très petite entreprise qui est une entreprise de moins de 10 salariés ; la petite entreprise qui
a 10 à 49 salariés ; la moyenne entreprise correspond à la classe de 50 à 499 salariés ; et la
grande entreprise ayant 500 salariés et plus. (Demerguç-Kunt et Huizinga, 1999).
Des mêmes auteurs, il y a, ensuite, les variables macro-financières composées de la
concentration bancaire, et de la taille du secteur bancaire. La concentration peut être définie
comme un processus économique très général consistant dans l'augmentation régulière de la
dimension des entreprises d'une économie. Il s'agit d'une augmentation de la sphère
d'influence économique, de la taille d'un centre par fusion, par fission (création de filiales,
succursales, prises de participation). C'est donc un phénomène assez proche de la
centralisation, mais se distingue par le processus de la prise de décision. Le secteur regroupe
l'ensemble des entreprises qui ont la même activité principale, en l'occurrence il s'agit du
secteur bancaire.
Il y a, enfin, les variables macroéconomiques constituées de la croissance économique
et de l'inflation. La croissance économique désigne l'augmentation sur une longue période du
produit intérieur brut réel. C'est un mouvement global de progrès matériel, continu et
uniforme, convergeant vers la prospérité de l'économie. La croissance est une notion
quantitative qui se distingue du développement de nature qualitative, mais les deux
phénomènes sont liés. L'inflation est un déséquilibre économique caractérisé par une hausse
générale, durable, cumulative et plus ou moins forte des prix ou par l'allongement des délais
de livraison ou des files d'attente pour un grand nombre de produits dans les pays pratiquant la
fixation administrative des prix. (Demerguç-Kunt et Huizinga, 1999)

18
Ainsi, pour l'estimation de la fonction de la rentabilité des banques au Cameroun, le
modèle à utiliser est une adaptation du modèle utilisé par Hayden et al (2006) combiné à celui
de Mansouri et Afroukh (2008) c'est-à-dire une régression multiple avec le ROA comme
variable à expliquer, l'indice de Hirsmann-Herfindal et d'autres éléments comme variables
explicatives.
Le modèle utilisé ici pour estimer l'influence des déterminants sélectionnés sur la
rentabilité bancaire au Cameroun peut être présenté sous la forme suivante:

ROAt = â0 + â1IHHPt + â2KXACTFt + â3FGACTFt + â4LOGACTFt + â5INFt +


â6ACTFPIBt + â7CONCt + â8PIBt + â9Riskt + εt

Avec :
ROA = (Return On Asset) variable représentant la rentabilité ;
IHHP = l'indice de Hirschmann-Herfindahl qui indique le niveau de diversification du
portefeuille de crédits ;
FGACTF = charges générales/total actifs ;
KXACTF = capitaux propres/total actifs ;
LOGACTF = log (total actifs) qui représente la taille de la banque ;
INF = taux d'inflation ;
PIB = taux de croissance économique ;
CONC = Somme des parts de marché des banques les plus importantes, c'est-à-dire le
ratio de concentration bancaire ;
ACTFPIB = total actifs du secteur bancaire/PIB, c'est-à-dire la taille du secteur
bancaire
Risk = écart type de la rentabilité, c'est-à-dire le risque du secteur bancaire.

CHAPITRE II : REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA


DIVERSIFICATION DU PORTEFEUILLE ET LA RENTABILITE
DES BANQUES.
19
I- INTRODUCTION

Ce chapitre, qui porte sur les fondements théoriques, présente l'ancrage


paradigmatique de ce travail de recherche. Par ancrage paradigmatique, nous entendons
l'ensemble de référence dan lequel et à l'aide duquel nous tenterons d'expliquer le
phénomène de la rentabilité (performance) économique et son vis-à-vis, la diversification
des banques au Cameroun.

II. NOTIONS DE RENTABILITES ET DE MARGE D’INTERET

La présente étude juge la performance du système bancaire sur la base de sa rentabilité


et de sa marge d’intérêt. Ainsi, la conceptualisation de ces deux notions s’impose et se
fait à leurs différents approches et instruments de mesures.

II.1 La notion de rentabilité : approche et instrument de mesure.

Finalité première attribuée aux entreprises capitalistes, la rentabilité est la composante


des performances sectorielles qui a le plus retenu l'attention des économètres. Le contenu de
l’élément Performances du fameux triptyque "Structures-Comportements-Performances"
du paradigme structuraliste s’est le plus souvent réduit à la rentabilité, ou plus exactement à
la mesure dans laquelle la rentabilité effective du secteur s’écarte du niveau concurrentiel.

II.1.1 Approches

La rentabilité d'un établissement de crédit représente son aptitude à dégager de son


exploitation des gains suffisants, après déduction des coûts nécessaires à cette exploitation,
pour poursuivre durablement son activité. Selon Yao, (2002) : encore appelée coefficient de
rendement, la rentabilité des actifs bancaires est un ratio qui exprime de façon globale
la profitabilité des biens de la banque. Les premières études économiques et formalisées sur

20
cette mesure remontent en 1989, notamment avec l'article novateur de Bourke. Dans cet
article, ce dernier crée une rupture avec la conception schématique de la rentabilité bancaire
qui était basée sur le paradigme SCP (Structure-Comportement-Performance) emprunté à
l'économie industrielle et abondamment utilisé par Short (1979), Gilbert (1984) et Clark
(1986). Selon ceux-ci, la rentabilité dépend de la structure ou taille du marché, de la nature
des banques et leur mode de fonctionnement et de la profitabilité qui était basée sur le
rendement des fonds propres. Pour définir de façon économique la rentabilité des actifs,
Bourke (1989) se sert de la conception traditionnelle de la banque. Les banques sont des
intermédiaires qui assurent traditionnellement quatre types d’opérations : la collecte des
dépôts, la distribution des crédits, les opérations interbancaires et la gestion des moyens de
paiements. Les deux premières fonctions constituent le cœur de l’activité bancaire de détail et
de source de revenus tandis que la gestion des risques et la distribution apparaissent comme
des activités clés. Ainsi, Bourke (1989) suppose la rentabilité comme l’augmentation du profit
bancaire en fonction de sa capacité à faire face à la concentration du marché. Yao(2002)
considère la rentabilité des actifs comme un ratio exprimant de façon complète la profitabilité
des biens de la banque.

II.1.2 Instrument de mesure

Les autorités prudentielles utilisent plusieurs instruments d'appréciation de la


rentabilité. Ces derniers se répartissent en trois grandes catégories (Nouy, 1992).
Méthode 1 : l’évaluation des soldes intermédiaires de gestion (SIG) ; elle permet d’identifier
les éléments ayant concouru à l’obtention du résultat final. Les SIG sont constitués :
- du Produit net Bancaire (PNB) ; c’est la différence entre les produits bancaires et
les charges bancaires (activités de prêt et d’emprunt, opérations sur titres, change,
marchés dérivés…). Il mesure la contribution des banques à l’augmentation de la richesse
nationale et peut en cela être rapproché de la valeur ajoutée dégagée par les entreprises non
financières. Il est important de noter que depuis 1993, le calcul du PNB prend en compte les
dotations ou reprises de provisions sur titres de placement tandis que les intérêts sur créances
douteuses y sont déduits ;
- du Produit Global d’Exploitation (PGE) ; c’est le solde qui ajoute au PNB les produits
accessoires et divers, les plus-values nettes de cession sur immobilisations financières et les
dotations nettes aux provisions sur immobilisations financières ;
- du Résultat Brut d’Exploitation (RBE) ; qui s’obtient en retranchant du PNB majoré des

21
produits accessoires, le volume des frais généraux et des dotations aux amortissements.
Le RBE permet d’apprécier la capacité d’un établissement à générer une marge après
imputation des coûts des ressources et des charges de financement.
- du Résultat d’Exploitation (RE) égale au RBE diminué des dotations nettes aux
provisions d’exploitation. Ce niveau prend en compte la notion de risque. Il est remplacé par
le résultat courant depuis 1993.
- du Résultat Net (RN) qui, outre le RE, intègre les autres produits et charges à caractère
exceptionnel, les dotations aux fonds pour risques bancaires généraux et l’impôt sur
les sociétés.

Méthode 2 : l’analyse des coûts, rendements et marges. En effet, pour un établissement


de crédit, la mesure des effets prix et volume passe par l’analyse des coûts et rendements
obtenus en rapprochant le montant des intérêts perçus avec le montant des prêts et
emprunts correspondants. Un calcul de marges peut alors être réalisé sur les différentes
activités d’intermédiation (opérations avec la clientèle, opérations de trésorerie). Depuis
1993, cette analyse laisse place au ratio de marge bancaire global (calculé par le ratio RN sur
total actifs) dont la création est motivée d’une part par la nécessité d’avoir un ratio prenant
l’ensemble de l’activité bancaire, y compris les activités hors bilan et d’autres parts, par le
souci de calculer un indicateur simple, facilement utilisable dans les comparaisons
internationales. Compte tenu du développement des opérations bancaires hors intermédiation
(services de conseil, opérations sur marchés financiers…), il se révèle impératif de tenir
compte de l’analyse des produits et charges qu’elles génèrent et de rapporter l’ensemble
des gains ainsi obtenus au total des fond utilisés (fonds emprunts et capitaux propres).
Le taux ainsi calculé est un indicateur du rendement global de l’établissement de crédit.
Cet indicateur est resté inchangé par les réformes de 1993.

Méthode 3 : La détermination des ratios d’exploitation ; calculés pour mettre en évidence les
structures d’exploitation. Nous distinguons :
- le coefficient global d’exploitation moins le rapport des frais généraux au PGE. Il
révèle la part des gains réalisés qui est absorbée par les coûts fixes ;
- le coefficient de rentabilité : aussi appelé Return On Equity (ROE), c’est le rapport du
RN sur les Fonds Propres Nets (capital, réserves et éléments assimilés, report à nouveau).
- le coefficient de rendement ou Return On Assets (ROA), c’est le rapport du RN sur le total
bilan.

22
Les indicateurs managériaux de mesure de la rentabilité bancaire présentés, il est
important d'analyser les indicateurs macroéconomiques et environnementaux de cette
dernière. De ce fait, considérant les expériences de plusieurs pays, il ressort que les
déterminants managériaux ne sont pas les seuls facteurs déterminant la bonne tenue du secteur
bancaire. Les recherches concernant les déterminants de la profitabilité bancaire sont
focalisées, non seulement sur les rendements des actifs bancaires et des fonds propres, mais
aussi sur les déterminants macroéconomiques et macro-financiers. Traditionnellement, ces
recherches examinent l'impact sur la performance bancaire des facteurs spécifiques tels que le
taux de croissance économique, l'inflation, la taille du secteur bancaire et la concentration
bancaire. Cette section passe en revue la littérature sur ces déterminants.

II.1.3 les déterminants macroéconomiques

Plusieurs de recherches analysent l'impact des variables macroéconomiques telles que


l'inflation et le produit intérieur brut sur les ROA et ROE. Le consensus est général sur
l'impact de la croissance économique sur la rentabilité bancaire. Enfin, l'estimation de l'impact
de la croissance économique sur les marges d'intérêt a souvent fait l'objet d'une unanimité : la
croissance est un facteur permissif d'accroissement des marges d'intérêt bancaires (Demirguç-
Kunt et Huizinga, 1999). Pour ce qui est de l'inflation, son impact présente des résultats
différents. Demirguç-Kunt et Huizinga (1999) trouvent que l'inflation a un impact positif sur
les marges d'intérêt bancaires. Abreu et Mendes (2002) aboutissent à des résultats
contradictoires.

II. 1.3.1 l'impact de la croissance économique

La croissance économique traduit un mouvement global de progrès matériel continu et


uniforme convergeant vers la prospérité du pays. Son accroissement améliore toutes les
activités économiques du pays, y compris les activités du secteur bancaire et augmente la
rentabilité des actifs des banques. Plusieurs auteurs confirment à l'unanimité l'existence d'une
relation positive entre la croissance économique et la croissance des profits bancaires
(Mansouri et Afroukh, 2008). A leur avis, la richesse nationale a un impact sur toute l'activité
économique du pays. Elle affecte positivement l'évolution du secteur bancaire et incite les
banques à innover et à rénover leurs techniques et technologies de gestion. La croissance
économique du pays a d'importantes incidences positives, à long terme, sur la performance
des secteurs d'activité, y compris le secteur bancaire. Ainsi, au Maroc d'après l'étude de

23
Mansouri et Afroukh (2008), à court terme, une croissance du PIB réel par tête de 1%
induirait une amélioration de la profitabilité bancaire de 0,077 point de pourcentage des actifs
à court terme, soit l'équivalent de 0,85 point de pourcentage des actifs bancaires à long terme.
Cette variable a été utilisée dans plusieurs travaux (Demirguç-Kunt et Huizinga 1999, Ary
Tanimoune 2003 et Mansouri et Afroukh 2008). La mesure retenue pour ce facteur est le
logarithme du PIB par tête. Soit :

La croissance économique (logpib) = Log (PIB réel par tête)

Les variables macroéconomiques, la croissance économique et l'inflation semblent


affecter le rendement des actifs des banques. Ainsi, il est donc nécessaire d'appréhender
l'impact de l'inflation.

II.1.3.2 les effets de l'inflation

Concernant l'impact de la variation du niveau général des prix, les travaux de


Mansouri et Afroukh (2008) ont apporté des éclaircissements sur les liens susceptibles
d'exister entre le rendement sur actifs et l'inflation. Leurs résultats empiriques font apparaître
une relation positive qui laisse penser que la progression de l'inflation sera favorable à
l'accroissement des profits bancaires. Ceci confirme l'identification de l'impact positif de
l'inflation sur les marges bancaires par Demirguç-Kunt et Huizinga (1999). Ary Tanimoune
(2003) quant à lui trouve un résultat qui semble indiquer que les coûts liés à l'inflation ont été
plus importants que les revenus générés pour les banques dans l'UEMOA. En effet, au-delà de
l'impact de l'inflation sur le risque de taux des banques (lorsque l'analyse est faite en terme de
taux réel), la hausse des prix peut être considérée comme un facteur d'instabilité
macroéconomique, c'est-à-dire un élément déterminant du risque-pays. La mesure de
l'inflation retenue par les différents auteurs est le taux d'inflation.

Ceci dit L'inflation (inf) = taux d'inflation.

De ce qui précède, il ressort que les variables macroéconomiques ont un impact positif
sur le résultat des banques. Ainsi, pour être plus explicite en parlant de la rentabilité bancaire,
il faut aussi tenir compte de certains facteurs financiers.

II.1.4 les déterminants macro-financiers

24
Les divergences entre la théorie et l'empirisme existent également au niveau de
l'impact de certaines variables macro-financières sur la rentabilité des actifs. En effet, l'étude
empirique de l'impact de l'environnement macro-financier sur la rentabilité des actifs des
banques a conduit à des résultats mitigés. La théorie économique soutient que la taille du
secteur bancaire et la rentabilité des actifs évoluent dans le même sens. De même la
concentration bancaire a elle aussi un impact positif sur la rentabilité bancaire.

II. 1.4.1 la taille du secteur bancaire

Si l'émergence des marchés de capitaux dans les pays en voie de développement


renforce l'activité bancaire comme l'ont soutenu des études empiriques récentes (Demerguç-
Kunt et Huizinga 1999 et Mansouri et Afroukh 2008), l'élargissement de ces marchés peut
produire un effet de substitution sur l'activité des banques, contredisant ainsi les prédictions
théoriques. En effet, le financement de l'économie par le secteur bancaire produit des effets
d'entraînement qui améliorent le rendement des actifs bancaires. La taille du secteur est sensée
profiter aux différents intervenants (Demerguç-Kunt et Huizinga, 1999). Toutefois, les
résultats de Mansouri et Afroukh (2008) montrent que la taille du secteur bancaire n'est pas
favorable à l'augmentation des profits bancaires, suggérant qu'en général, les économies
d'échelle ne sont pas favorables à l'amélioration de la profitabilité des banques. La taille du
secteur bancaire est mesurée par le rapport total actif du secteur bancaire sur PIB. C'est-à-
dire : La taille du secteur bancaire (actfpib) = total actifs du secteur bancaire/PIB.

II.1.4. 2 la concentration bancaire

La concentration bancaire a un impact généralement positif sur la rentabilité des actifs


bancaires, ce qui valide empiriquement la théorie économique (Mansouri et Afroukh, 2008).
De même, traditionnellement, les stratégies de concentration et leurs développements sont
justifiés par la réalisation des économies d'échelle. L'introduction de cette variable a
empiriquement prouvé une relation positive avec le rendement des actifs (Demerguç-Kunt et
Huizinga, 1999).

La concentration d'un marché peut être mesurée par plusieurs indicateurs. L'un de ces
indicateurs est le ratio de concentration ou la somme des parts de marché (en pourcentage) des
plus grandes entreprises. Pour ce qui est du marché bancaire, le ratio de concentration peut
être obtenu en additionnant les parts de marché des banques les plus importantes en termes de

25
total de bilan, de total de crédits et de total de dépôts. Si le ratio de concentration tend vers 0
(0 %), on est en présence d'un marché très concurrentiel. Lorsqu'il tend vers 1 (100 %), on est
en présence d'un marché fortement concentré. Plus particulièrement, la concentration est
jugée élevée dans un marché si le ratio est supérieur à 65 %. Dans la plupart des études
empiriques, la concentration bancaire est mesurée par l'indicateur présenté ci-dessus. Ainsi, le
ratio de concentration bancaire (conc) = total actifs des banques plus importantes/total actifs
bancaires.

Le tableau ci-dessous récapitule les différents déterminants macroéconomiques et


macro-financiers précités.

Tableau 1 : les déterminants macroéconomiques et macro-financiers de la rentabilité


bancaire

Les déterminants macroéconomiques

La croissance économique L'inflation

logpib = Log (PIB réel par tête) inf = taux d'inflation

Les déterminants macro-financiers

La taille du secteur bancaire La concentration bancaire

actfpib = total actifs du conc = Somme des parts de marché des banques les plus
secteur bancaire/PIB importantes = Le ratio de concentration bancaire

Source: Mansouri et Afroukh (2008).

En résumé, ce chapitre a présenté l'importance des outils d'analyse de la gestion d'une banque,
à savoir le bilan et le compte de résultat des banques, dans la gestion du portefeuille de crédits
comme facteurs d'explication de la rentabilité bancaire. Il s'est également intéressé à la
littérature économique consacrée aux déterminants de la rentabilité bancaire. Le prochain
chapitre sera focalisé sur l'analyse des études empiriques sur la diversification du portefeuille
de crédits en tant que déterminant de la rentabilité bancaire, études réalisées dans les pays
développés et sous-développés.

26
II.2. La notion de marge d’intérêt : approches et mesures.

En général, les études empiriques existantes estiment que l’impact estimé des variables
organisationnelles sur la rentabilité bancaire mesurée par la marge d’intérêt est conforme aux
prédictions de la théorie économique. Les frais d’exploitation bancaire, l’octroi des crédits, le
montant des fonds propres et la taille de la banque exercent des effets positifs sur la marge
d’intérêt. Les charges massives supportées par la banques sont généralement répercutées sur
la clientèle, ce qui suppose un effet positif sur les marges d’intérêt (Anghbazo, 1997 ; Bashir ,
2000 ; Ben Naceur, 2003). Les dépenses d’exploitation ne seront cependant favorables
à l’amélioration des marges d’intérêt que dans le cas où les banques respectent un
niveau optimum et tolérable de dépenses permettant d’éviter le laxisme et le gaspillage
des ressources financières disponibles. Une politique de crédit bien maitrisée favorise
l’augmentation des marges d’intérêt. La nature de l’effet positif de cette variable est analysée
de façon approfondie par Ben Naceur (2003). La maitrise de la politique de crédit nécessite
cependant le maintien de l’équilibre entre la collecte des dépôts et la distribution des crédits.
Quant au rôle favorable des fonds propres dans le relèvement des marges d’intérêt, il
est testé par les études d’Anghbazo (1997) et Ben Naceur (2003). La politique de la
capitalisation permet à la banque de préserver des fonds de garantie afin de percevoir des
emprunts en cas d’une crise imprévue, ce qui rend l’endettement extérieur favorable et
stimulant de la rentabilité (Bashir, 2000). Si nous supposons que les banques étrangères sont
de plus grande taille que les banques locales, Demerguç-Kunt et Huizinga (2001) et Bashir
(2000) concluent que les banques étrangères sont plus performantes que leurs homologues
domestiques. Selon Ben Naceur (2003), parmi les variables organisationnelles ou
managériales, la concentration est associée à de faibles taux de dépôts et taux de crédit
élevés, ce qui limite lerenforcement des marges d’intérêts. Autrement dit, la concurrence
permet à la banque d’avoir plus de clients et donc plus de revenus d’intérêt. La concurrence
qui reflète en d’autres termes la taille du secteur bancaire, pousse aussi à rechercher des
niveaux d’efficience, ce qui limite la montée des marges d’intérêt (Demerguç-Kunt et
Huizinga, 2001). Si Barajas et al (1999),Bashir (2000), Demerguç-Kunt et Huizinga (2001)
et Rouabah (2006) constatent un effet positif de la libéralisation financière sur l’expansion
des marges d’intérêt bancaires, d’autres auteurs trouvent que l’amélioration du niveau des
marges d’intérêt est conditionnée par la lutte contre la montée des risques (Anghbazo,
1997) ou encore contre la diversification de l’activité (Ho et Saunders, 1981). Comme
dans le cas de la rentabilité des actifs, les premiers développements du marché des capitaux

27
peuvent favoriser l’activité bancaire par la symétrie d’information mais, à une étape
ultérieure, au fur et à mesure que ce marché se développe, les marges d’intérêt peuvent se
rétrécir, surtout si le marché des capitaux se renforce au détriment de l’activité bancaire.
Concernant les variables exogènes, Ho et Saunders (1981) supposent qu’elles affectent
positivement et plus significativement les marges d’intérêt en comparaison avec l’effet des
déterminants managériaux. En revanche, certains auteurs comme Guru et al(2002) et Ben
Naceur (2003), insistent sur l’impact positif majeur des variables organisationnelles ou
managériales.

De tout ce qui précède, on peut faire un tableau récapitulatif des déterminants


organisationnels de la rentabilité bancaire.

Tableau 2 : les déterminants managériaux de la rentabilité bancaire

Les charges d'exploitation bancaire Les crédits bancaires

fgactf = charges générales/total actifs crdactf = crédits/total actifs


La taille de la banque Les capitaux propres

logactf = log (total actifs) kxactf = capitaux propres/total actifs

Source : Mansouri et Afroukh (2008).

II. 3. Notion de diversification

L'objectif de cette troisième section est de poser les jalons nécessaires à la


compréhension du concept de la diversification des banques. Pour y arriver, premièrement,
nous le définissons et présentons ses dimensions. Deuxièmement, nous exposons sa
trajectoire historique, sa genèse et son évolution. Troisièmement, nous décortiquons ses
typologies afin de mieux le saisir. Quatrièmement, les stratégies de développement
fondées sur la diversification ainsi que leurs expériences d'application dans le monde
seront présentées. Enfin, cinquièmement, nous présenterons les théories fondatrices de
la diversification financière.

II.3.1 Définitions et dimensions de la diversification financière.

28
La diversification est une notion complexe et polysémique dont les acceptions
varient selon les auteurs des différentes disciplines des sciences humaines et des sciences
de la gestion. Peu importe le degré de complexité de cette notion, il ressort de plusieurs
acceptions (Rosenstein-Rodan, 1943; Penrose, 1959; Marris, 1964; Leontief, 1986;
Clemenson, 1992; Berezin et al, 2002, etc.) que la diversification touche les dimensions
microéconomique et macroéconomique.
La diversification sur le plan macroéconomique s'applique au développement des
territoires, qui peuvent prendre la forme d'une collectivité locale, d'une ville, d'une
municipalité, d'une province, d'un pays, d'une communauté/union économique et d'un
continent. Pour Clemenson (1992), la diversification économique est un accroissement
du nombre d'emplois dans une collectivité grâce à l'arrivée d'un nouveau secteur d'activité
ou à l'expansion d'un secteur existant qui n'est pas le seul secteur ou le secteur dominant
de la localité. Selon Schuh et Barghouti (1988), Barghouti et coll. (1990), Petit et Barghouti
(1992), la diversification économique est le processus de transformation structurelle d'une
économie qui migre d'un tissu économique dominé par les secteurs d'activités primaires
(ressources naturelles, agriculture, etc.) vers les secteurs secondaires (industrie de
transformation, manufactures, etc.) et tertiaires (commerce, etc.). Cependant, ce processus
dynamique et normatif ne se traduit pas nécessairement par la disparition des secteurs
primaires, mais il se caractérise seulement par la réduction de l'importance relative de
leur contribution dans la création de richesse de l'économie concernée.
En revanche, si cette transformation structurelle de l'économie est de plus en plus
possible grâce aux changements importants dans la demande, les technologies de production
et les échanges commerciaux à l'ère de l'économie numérique mondialisée, cet objectif n'est
pas facile à atteindre en raison du rôle joué par les firmes multinationales sur la
monopolisation des ressources stratégiques dans les pays en développement. En fait, les
firmes multinationales, qui détiennent les nouvelles technologies et bénéficient des avantages
fiscaux, commerciaux et financiers octroyés par les pays-hôtes, affectent lourdement le
développement des tissus productifs nationaux des pays du Sud lorsqu'elles réalisent des taux
de profit deux fois plus élevés que dans leur pays d'origine. En outre, elles drainent les
bénéfices réalisés dans leurs pays d'appartenance et, par conséquent, elles deviennent des
moyens de défalcation des riches en faveur des pays impérialistes (Zoubdi, 2009).
Contrairement au plan macroéconomique où la diversification concerne le
développement des territoires, la diversification sur le plan microéconomique s'applique
au développement des entreprises.

29
Sur le plan microéconomique, la diversification est une stratégie de développement
de l'entreprise caractérisée par l'extension de sa gamme de produits. Plus spécifiquement,
Ansoff (1957,1965) définit la diversification comme l'entrée d'entreprises sur des nouveaux
marchés avec des nouveaux produits simultanément. Pour continuer dans la même veine,
Booz, Allen et Hamilton (1982) définissent la diversification comme une stratégie consistant
à investir dans un nouveau produit ou service, dans une nouvelle clientèle cible ou un
nouveau marché géographique (internationalisation). Pour leur part, Ramanujam et
Varadarajan (1989) définissent la diversification comme l'incursion d'une entreprise dans
de nouvelles lignes d'activité, grâce à un processus de développement interne d'affaires
ou grâce à des fusions et des acquisitions, ce qui entraîne des changements dans la
structure productive et la gestion de l'entreprise. Selon Kotler et Dubois (2006), la
diversification est une stratégie de développement à travers laquelle une entreprise
élargit ses possibilités d'offre afin de se prémunir contre les variations de conjoncture
économique et les goûts des consommateurs. Detrie et Ardoin (2005)
Affirment que :
« La diversification du portefeuille produits/services est la mise en œuvre de
nouvelles compétences, l'utilisation des nouvelles technologies et l'innovation pour la
création des nouveaux produits qui doivent présenter une synergie forte et maximale
qui permettra d'accroître l'expérience globale de l'entreprise sur chacun des nouveaux
domaines d'activités et lui permettra également d'accroître son potentiel de ventes5. »
En somme, la diversification du point de vue microéconomique est une stratégie
de développement de l'entreprise caractérisée par l'expansion de l'offre des produits et
services sur des nouveaux segments de marché ou l'offre des nouveaux produits et
services sur les segments de marché déjà conquis.
Aussi, selon Kamgna (2010), la diversification économique permet à une économie de
ne pas être excessivement tributaire des secteurs économiques fondés sur l'exploitation et
l'exportation des ressources naturelles. L'élargissement des champs d'activités des banques
camerounaises devrait donc garantir le développement à long terme de ce secteur, puisque la
diversification économique s'inscrit dans une perspective de recherche de compétitivité par
l'identification des secteurs porteurs et susceptibles de créer de la valeur ajoutée. Dans quel
contexte la diversification économique a-t-elle vu le jour et comment a-t-elle évolué depuis
lors ?

Détrie, J-P et Ardoin, J-L.; Strategor [Groupe] (2005), Politique générale de l'entreprise, Paris :
5

Dunod, 4eédition, 877 pages.

30
II.3.2 Genèse et évolution de la diversification

L'analyse historique de l'évolution du concept de la diversification nous amène


d'abord à suivre sa trajectoire au niveau macroéconomique avant de la voir au niveau
microéconomique. Sur le plan macroéconomique, la genèse de la diversification remonte aux
États-Unis et à l'Amérique latine lors de la crise des années 1930 avec la chute spectaculaire
du cours des matières premières. Les premiers travaux sur le sujet ont été effectués par
McLaughlin (1930) sur les villes américaines. Par la suite, les travaux de Rosenstein-Rodan
et Leontief ont mis l'accent sur les notions d'effets d'entraînement et de densification des
matrices intersectorielles (Leontief, 1986; Rosenstein-Rodan, 1943). D'autres travaux sur la
diversification ont également montré qu'elle joue un rôle essentiel dans la maîtrise des aléas
de la conjoncture et particulièrement de fluctuations du cours des matières premières pour les
pays en développement (Massel, 1970). De leur côté, Kuznets et Rostow on fait de la
transformation structurelle des économies et de leur diversification des passages obligés
vers la croissance et le développement (Kuznets, 1966; Rostow, 1960). Tous ces travaux
vont alimenter par la suite les réflexions et les discussions sur les politiques régionales,
commerciales et industrielles de nombreux pays (Berthélemy, 2005). En matière de phase
d'évolution du paradigme de la diversification économique, il est important de souligner
qu'elle a constitué le paradigme dominant de la réflexion sur la croissance et le
développement de 1940 à la fin des années 1970 (Bchir et coll., 2007). Durant cette phase,
elle a été mis en œuvre comme stratégie de développement par la plupart des pays en
développement (Ben Hammoud et coll., 2006). Cependant, la conjugaison de l'échec de cette
stratégie dans certains pays et de la crise économique des années 1980 va réorienter les
stratégies de développement vers la spécialisation internationale et la stabilisation
économique. Cela va se traduire par l'application des Programmes d'ajustement structurel
dans les décennies 1980 et 1990. Toutefois, les faibles performances enregistrées par les
économie ayant été assujetties à ses programmes combinées aux chocs de la crise asiatique
vont relancer le débat sur la diversification à la fin des années 1990 (Kamgna, 2010).
Étant donné que la diversification est une stratégie de développement d'entreprises sur
le plan microéconomique, décrire sa genèse et son évolution passe par la mise en exergue de
trois différentes phases de tendance stratégique. La première phase, qui couvre la période
de 1910 à 1950, se caractérise par deux tendances stratégiques, à savoir la spécialisation
(pour capitaliser les activités de base) et l'intégration verticale (pour développer la

31
profitabilité). La seconde phase, qui va de 1950 à 1980, correspond à l'ère de l'essor de la
stratégie de diversification qui est facilitée par la période de prospérité communément
appelée « Trente Glorieuses ». Cependant, ce type de stratégie va être remis en cause
par la crise économique, et les années 1980 à 1990 vont être marquées par des
stratégies de réseaux (recentrage sur le métier et les compétences de base, pratiques de
coopération) (Detrie et Ardoin, 2005).

II.3.3 Typologies de la diversification économique

Les typologies et les avantages de la diversification sont présentés de manière


synthétique san distinction quant aux dimensions microéconomique et macroéconomique,
puisque les principes de bases ont applicables dans les deux cas.
À partir des typologies de la diversification d'Ansoff (1957), de Salter et Weinhold
(1979), de Porter (1998) et de bien d'autres auteurs, nous distinguons six formes de
diversification qui peuvent être utilisées par les dirigeants d'entreprises comme par les
autorités politiques et administratives des milieux territoriaux, dans le but d'assurer leur
repositionnement, leur redéploiement, leur expansion ou leur survie.

1. Diversification verticale : est une forme de diversification dans laquelle une


entreprise fabrique soit les sous-ensembles, pièces et matériaux entrant dans la
construction des produits existants, soit de nouveaux produits dont les produits existants
constituent des matières premières ou des composantes. Ce type de diversification peut
se faire en amont comme en aval de la chaîne de production dans le sens où
l'entreprise étend ses activités à de nouvelles étapes du processus de production,
antérieures ou postérieures à celles qu'elle réalisait jusque-là. Cette forme de diversification
permet à l'entreprise d'acquérir de nouvelles compétences et de renforcer son potentiel
concurrentiel dans son « champ d'activité » principal, pour reprendre l'expression d'Ansoff
(1957). Dans la logique Salter et Weinhold (1979), il s'agit de la diversification liée-
supplémentaire, puisque l'entreprise s'adjoint de nouvelles compétences fonctionnelles à
celles déjà existantes.

2. Diversification horizontale: est une forme de diversification dans laquelle une


entreprise fabrique des produits/services nouveaux qui sont conformes ou complémentaires
à son expertise actuelle en matière d'expérience et de technique de production. Ces

32
nouvelles activités s'appuient surtout sur les synergies et complémentarités au sein de
l'organisation. Pour le modèle Salter et Weinhold (1979), la diversification horizontale est
synonyme de la diversification liée-complémentaire dans le sens où l'entreprise étend son
activité vers des couples produit/marché demandant des compétences fonctionnelles
identiques à celles déjà obtenues.

3. Diversification latérale: est une forme de diversification dans laquelle une


entreprise entre dans un nouveau domaine d'activité par la fabrication des produits nouveaux,
sans aucun rapport avec ses produits ou services actuels et encore moins avec ses
marchés actuels, mais qui sont destinés à des marchés nouveaux. Cette forme de
diversification est aussi appelée diversification hétérogène ou conglomérale. Dans la
typologie de Salter et Weinhold (1979), elle est baptisée diversification non liée. Tous
les experts s'entendent pour dire que c'est la forme de diversification la plus risquée à
entreprendre parce qu'elle induit un changement important de la chaîne de production.

4. Diversification concentrique: est une forme de diversification dans laquelle


une entreprise cherche dans un premier temps à augmenter la gamme de produits offerts
à ses clients habituels et, dans un deuxième temps, à atteindre des clients différents pour
ses produits traditionnels. La diversification concentrique correspond à la diversification
totale selon la typologie d'Ansoff (1957), car elle rend possible le développement d'un
certain nombre de synergies au sein de l'entreprise. Cet auteur propose trois approches
pour la mettre en œuvre. Il s'agit d'encourager les clients déjà existants à acheter
davantage, d'attirer les clients des concurrents et de convaincre ceux qui n'utilisent pas le
produit à le faire.

5. Diversification géographique: est une forme de diversification qui ne consiste


pas uniquement à exporter ses produits dans d'autres pays ou régions, mais bien au
contraire, pour une entreprise, à sortir de son marché traditionnel et à s'attaquer à une autre
zone dans laquelle les facteurs clés de succès sont différents. Pour ce faire, elle exige
de l'entreprise de l'adaptation au nouvel environnement dans lequel elle pénètre. Les
adaptations dans un contexte de diversification géographique pour une optimisation des
productions peuvent favoriser l'éclosiondes pôles de développement territoriaux généralement
appelés « clusters ».

33
6. Diversification financière : est une forme de diversification visant à limiter
les risques courus par l'investisseur en répartissant les fonds entre des titres divers qui,
vraisemblablement, ne devraient pas tous fléchir en même temps. Les effets de la
diversification font que le risque d'ensemble du portefeuille peut être moins élevé que la
moyenne des risques individuels pondérée par l'importance relative de chaque titre dans
l'ensemble du portefeuille. Cette forme de diversification est aussi appelée diversification du
portefeuille international quand l'investisseur combine dans son portefeuille des actions
portant non seulement sur des secteurs différents de l'économie, mais également sur des
économies des régions différentes du monde. Cela a comme avantage la diminution du risque
relatif aux récessions économiques qui peuvent subvenir à n'importe quel moment et dans
n'importe quelle région du monde.
La présente thèse tourne donc autour de cette dernière typologie de diversification.
Force est de constater que les diverses formes de diversification décrites ci-
dessus ont certes une forte connotation microéconomique, et leurs applications en tant
que stratégie de développement sont nombreuses, comme en témoignent les stratégies
et expériences que nous allons maintenant aborder

II.3.4 Stratégies et expériences de la diversification financière

En matière de diversification, il est courant de distinguer deux types : la diversification


reliée (related diversification) et la diversification non reliée (unrelated diversification).

La diversification reliée s’opère en général par voie d’intégration verticale ou


horizontale. L’intégration verticale est un type de diversification répandu dans le monde
entier. Elle réduit l’incertitude sur les coûts et volumes des matières (en amont) et sur les
conditions commerciales, coûts et volumes des produits finis par création de marchés captifs
(en aval). L’intégration verticale diminuera donc les coûts de transaction. Ces coûts de
transaction peuvent être plus élevés lorsque les deux entreprises sont indépendantes et
n’agissent sur un marché que lorsque les deux acteurs font partie d’une même organisation et
sont coordonnés par une hiérarchie (Tarondeau, 1998). L’intégration horizontale a pour effet
de renforcer le pouvoir de marché en intégrant des entreprises du même secteur et en
supprimant la concurrence entre elles.

Schéma de diversification concentrique (liée)

34
La diversification non reliée recouvre l’intégration d’entreprises appartenant à
différentes industries sans rapport vertical ni horizontal, pour profiter d’opportunités
d’investissements intéressantes, pour équilibrer les activités en multipliant les domaines
d’intervention, pour se trouver sur des produits dont le cycle économique est inversé par
rapport à celui de son produit de base, et pour créer un marché financier interne.

Schéma de diversification conglomérale (non-liée)

35
Généralement, la firme opte pour la diversification lorsque les gains obtenus dépassent
les couts engagés (Stomper, 2009). La diversification constitue ainsi un choix stratégique
important pour les dirigeants (Winton, 2010). Les banques ayants atteint un degré important
de diversification, peuvent réduire lecoût moyen de financement, transférer les ressources des
opérations non efficientes vers les activités les plus rentables, réaliser des économies d’échelle
et bénéficier des avantages fiscaux (Stultz et Shin, 2007; McLuaghlin et al., 2009). Toutefois,
Rajan (1994) montre que la diversification détruit la la valeur de la firme. Ce résultat, connu
sous le concept « diversification discount », a été expliqué par plusieurs facteurs comme
l’aversion des dirigeants au risque, les coûts d’agence et l’inefficience des opérations. Il est à
noter que, malgré l’absence jusqu’à maintenant d’un consensus sur les conséquences de la
diversification, la tendance générale dans la littérature suggère que la diversification détruit
la valeur des firmes (Levine et Laeven, 2007; Olalekan, 2010).

En Afrique du Sud, ABSA, une des quatre principales banques de détail d’Afrique du
Sud, a annoncé le démarrage d’un test utilisateurs auprès de 500 de ses employés. Les
participants seront dotés d’un Smartphone, lui-même équipé d’une carte micro-SD. Ils
pourront recharger leur portemonnaie à partir d’Internet ou dans un point de vente équipé
d’un terminal. ABSA prévoit de prélever une commission de 2,5 % à chaque recharge. Cette
annonce intervient alors que Standard Bank, l’un de ses principaux concurrents, s’est retiré en
octobre du marché du paiement mobile, considérant que le succès des cartes prépayées avait «
tué» les perspectives commerciales pour des solutions plus innovantes (Banque et Stratégie,
2011).

36
37
II.3.5 les théories fondatrices de la diversification financière.

Jusqu'ici, nous avons pu voir que la diversification est un concept qui s'enracine
dans les sciences économiques et les sciences de la gestion. Afin de mieux justifier
cette orientation, nous allons maintenant présenter cinq théories fondatrices de la
diversification de la firme, en l'occurrence la théorie moderne du portefeuille, l’approche du
pouvoir de marché (market power view : MPV), l’approche par les ressources stratégiques
(resource-based view  : RBV), la théorie des coûts de transaction (transaction cost view :
TCV) et la théorie de l’agence (agency view  : AV). Ces pratiques entraînent cependant une
baisse de la concurrence et la concentration du marché, ce qui influe sur la politique
économique et justifie l’intervention du gouvernement dans l’économie. La MPV critique les
atteintes à la concurrence provoquées par la diversification qui génèrent des coûts sociaux
(Hwang, 1999). Cette vision met l’accent sur les conséquences de la diversification sur la
concurrence (les problèmes de concentration du marché) plutôt que sur ses causes (les motifs
de la diversification).

II.3.5.1 La théorie moderne de portefeuille de Markowitz


La théorie moderne de portefeuille est une approche avancée grâce à des travaux
réalisés dans les années cinquante par le père fondateur, qui n’est nul autre que le professeur
Harry Markowitz, de l'Université de Chicago. Ses travaux lui ont d'ailleurs permis d'obtenir
en 1990 le prix Nobel d'économie en compagnie de Merton Miller et William Sharpe
pour les fondements de base sur lesquels les investisseurs institutionnels contemporains
construisent leurs portefeuilles. Pourquoi cette théorie est-elle qualifiée de moderne et
quels sont les postulats et principes qui la sous-tendent?

38
Si les historiens sont partagés sur l'origine des temps modernes entre l'invention
de l'imprimerie typographique par Gutenberg vers 1440 et la découverte de l'Amérique
par Christophe Colomb en 1492, les financiers sont tous unanimes pour dire que la finance
moderne trouve son origine après la Seconde Guerre mondiale dans les années cinquante
avec les travaux de Markowitz (1952, 1959)6 et de Modigliani et Miller (1958)7. Selon
Goffin (2004), la finance moderne « veut expliquer les phénomènes financiers et indiquer les
meilleures décisions financières à prendre pour gérer les entreprises ou les portefeuilles 8
». La finance moderne est donc l'un des outils utilisés par les investisseurs (gouvernements,
dirigeants d'entreprises, actionnaires, banquiers, courtiers en bourse) pour prendre des
décisions dans un contexte de mondialisation financière et numérique caractérisée par
une prédominance de l'économie financière et spéculative sur l'économie réelle.
La théorie moderne du portefeuille repose sur le concept de la diversification, qui
postule qu'un groupe d'actifs financiers (actions, obligations, bons du Trésor, etc.)
correctement choisi peut atteindre une meilleure performance avec un risque moindre
qu'un actif financier isolé. Autrement dit, lorsqu'un investisseur compose un portefeuille
de titres non corrélés, c'est-à-dire des titres dont les cours ou les prix évoluent indifféremment
les uns des autres, cela lui permet d'amoindrir son risque et d'obtenir un rendement supérieur.
Pour élaborer cette théorie moderne du portefeuille, Markowitz (1952, 1959) base son
raisonnement sur le principe de l'aversion du risque. Ce principe est fondé sur deux
postulats.
Le premier postule qu'entre deux investissements possédant le même rendement
espéré, l'investisseur préférera celui qui est le moins risqué; le second postule qu'entre
deux investissements de même risque, l'investisseur préférera celui dont le rendement
espéré est le plus grand. Dans un langage accessible à tous, nous pouvons affirmer que la
théorie moderne du portefeuille trouve écho dans le dicton populaire qui dit de « ne pas
mettre tous ses œufs dans le même panier ». La diversification des actifs financiers réduit
efficacement le risque dans le sens où la volatilité d'un portefeuille diversifié est moindre
que la moyenne des volatilités de ces composantes, donc de ses actifs financiers pris
individuellement. Nonobstant les critiques que Markowitz a essuyées à cause du caractère

6
Markowitz, Harry (1952), « Portfolio selection », Journal of Finance, 7(1), pp. 77-91.
Markowitz, Harry (1959), Portfolio selection: efficient diversification of investments. New York: Wiley.
76
Modigliani, Franco et Miller, Merton H. (1958), « The Cost of Capital, Corporation Finance and the
Theory of Investment », The American Economic Review, 48(3), pp. 261-297.
8
Robert Goffin (2004), Principes de Finance Moderne, Éditions Economica, p. 7 (Avant-propos).

39
statique de sa théorie, elle demeure riche d'enseignements pour l'étude de la diversification
dans plusieurs sphères de la vie d'un agent économique.
La théorie moderne du portefeuille de Markowitz est premièrement riche
d'enseignements si on l'applique à la situation d'un employé qui souhaiterait réduire ses
risques en cas de perte d'emploi dans un contexte international où les crises sont de
plus en plus cycliques. La diversification du portefeuille de revenus (revenus de travail
et revenus d'investissement) aiderait cet employé, en cas de licenciement, à vivre de
ses revenus d'investissement jusqu'à ce qu'il trouve un nouvel emploi. Deuxièmement,
le même principe peut s'appliquer à une entreprise ayant un portefeuille de produits
latéralement diversifiés. Les pertes encourues par une gamme de produits en difficulté
ne mettraient pas en péril l'avenir de l'entreprise si les autres gammes de produits ne
sont aucunement corrélées avec celle traversant une période de tribulations dans un
contexte économique défavorable.

II.3.5.2 L’approche du pouvoir de marché (market power view : MPV)

La MPV critique les atteintes à la concurrence provoquées par la diversification qui


génèrent des coûts sociaux (Hwang, 1999). Cette vision met l’accent sur les conséquences de
la diversification sur la concurrence (les problèmes de concentration du marché) plutôt que
sur ses causes (les motifs de la diversification).

II.3.5.3 Approche par les ressources (Resource-Based View, RBV)

La RBV de la firme (Barney, 1991) souligne l’importance des ressources


caractéristiques et les capacités que les autres firmes ne peuvent pas imiter, en tant que
sources de rendements supérieurs par rapport aux rendements normaux et d’avantages
compétitifs soutenables. La structure du groupe diversifié peut faciliter le partage des
ressources communes, comme les technologies, les équipements, les marques et les systèmes
de distribution, entre les entreprises affiliées qui se lient les unes avec les autres (Ghemawat et
Khanna, 1998). Si le groupe réalise des économies d’échelle ou d’envergure en employant des
ressources inutilisées qui ne peuvent pas être efficacement transférées aux marchés, la
détention de ces ressources dans le groupe est efficace. Par conséquent, le groupe cherche à
entrer dans une activité nouvelle et se diversifie en réponse aux capacités excédentaires de ses
ressources. Le niveau optimal de diversification dépend de la spécificité des ressources
détenues par l’entreprise (Montgomery, 1994). Une entreprise qui possède des ressources

40
spécifiques (difficilement redéployables) peut réaliser de bons résultats pour un niveau
relativement faible de diversification car ces ressources ne peuvent être appliquées que dans
un nombre limité de secteurs d’activité. Une entreprise de ce type se diversifiera surtout dans
des industries liées. Par contre, une entreprise dont les ressources ne sont pas spécifiques
(c’est-à-dire qu’elles sont facilement redéployables) pourra se diversifier davantage car ces
ressources peuvent être utilisées dans de multiples secteurs. Les firmes du premier type
peuvent maximiser leurs profits à un faible niveau de diversification (ou par la diversification
dans des industries liées), alors que les firmes du deuxième type peuvent réaliser de bons
résultats avec une diversification élevée (ou par la diversification dans des industries non
liées) (Montgomery, 1994 ; Chatterjee et Wernerfelt, 1991). La spécificité des ressources et
les limites à leur transaction en tant que motifs de diversification dans la RBV sont aussi une
des causes essentielles considérées par la théorie des coûts de transaction (TCV).

II.3.5.4 Approche des coûts de transaction (Transaction Cost View,


TCV)

Cette approche considère la diversification comme une stratégie pour diminuer les
coûts de transaction. La TCV, initiée par Coase et développée par Williamson, soulève la
question de l’existence de la firme en tant qu’organisation opposée au marché, et justifie
celle-ci à l’aide du concept de coûts de transaction (Williamson, 1985). Le comportement des
agents économiques est caractérisé par la rationalité limitée et l’opportunisme. En ce qui
concerne les transactions, trois dimensions permettent de les différencier : la spécificité des
actifs, l’incertitude et la fréquence (Coriat et Weinstein, 1995). Selon l’argument de la TCV,
le choix d’une forme organisationnelle (marché, firme ou forme hybride) obéit à un objectif
de minimisation des coûts de transaction, compte tenu de la spécificité des actifs, de la
fréquence des transactions et de l’incertitude. Les agents économiques peuvent économiser les
coûts de transaction par l’intégration verticale et les contrats à long terme lorsque la
spécificité des actifs, la fréquence des transactions et l’incertitude sont élevées (Jun, 1997). La
TCV peut aussi expliquer les autres types de diversification suivant une logique de transaction
des ressources. Comme nous l’avons souligné, dans ce cas, les deux approches (la TCV et la
RBV) qui fournissent une explication à la diversification, coïncident. Si l’entreprise détient
des ressources excédentaires, elle doit choisir si elle vend aux autres entreprises ou si elle les
utilise à l’intérieur de l’entreprise. Sa décision va dépendre des coûts de transaction des
ressources sur le marché. La transaction des ressources indivisibles et spécifiques, intégrant
des connaissances, n’est pas efficace sur le marché. Les firmes ont intérêt à mettre en pratique

41
et en commun ces ressources à l’intérieur pour surmonter ce défaut de marché. Elles
choisiront une stratégie de diversification vers des industries liées où les ressources
spécifiques peuvent être utilisées, ce qui économise les coûts de transaction.

II.3.5.5 Approche de l’agence (Agency View, AV)

Il s’agit d’une analyse de la diversification pertinente à travers l’optique de la théorie


de l’agence qui met en évidence les conflits d’intérêts entre les parties prenantes dans la
firme. Dans l’entreprise moderne décrite par Berle et Means où la propriété est dispersée, les
dirigeants disposent de compétences de gestion spécifiques et d’une meilleure information sur
l’entreprise. Cette asymétrie d’information incite les dirigeants à utiliser les actifs de
l’entreprise pour poursuivre leurs propres intérêts aux dépens de la valeur de la firme et des
actionnaires. Dans l’AV, la diversification des activités résulte de cette poursuite des
bénéfices. Les dirigeants choisissent la stratégie de diversification en tant que méthode pour
accroître leur richesse personnelle (Montgomery, 1994). Bien que l’AV ne puisse pas être
proprement appliquée au cas coréen où les conflits d’intérêts entre les dirigeants et les
actionnaires ne posent quasiment pas de problème, elle peut être considérée dans l’optique du
problème de l’agence entre les grands actionnaires internes et les petits actionnaires externes
(Chung et Wang, 2001 ; Hwang et Seo, 2000 ; Jun, 1996, 1997). Toutes ces théories
aboutissent finalement à mettre l’accent sur l’utilisation efficace des ressources.

II.3.6 Les mesures de la diversification.

Plusieurs méthodes permettent de mesurer l’importance de la diversification : le


nombre d’industries dans lesquelles l’entreprise est présente, le ratio de spécialisation, l’indice
de Berry-Herfindahl, la mesure de l’entropie, l’indice d’Utton et la classification de Rumelt.
La mesure de la diversification doit tenir compte du nombre d’industries dans lesquelles
l’entreprise est présente, du poids relatif d’une industrie parmi l’ensemble des industries dans
lesquelles l’entreprise s’engage, et de la relation entre ces industries. Parmi ces méthodes,
l’indice de Berry-Herfindahl, la mesure de l’entropie et la classification de Rumelt sont
souvent utilisés.
La mesure de la diversification a pour objectif de mettre en évidence la relation entre
la performance et la stratégie de diversification. L’indice Berry-Herfindahl et la classification
de Rumelt comportent des avantages et des inconvénients. L’indice de Berry-Herfindahl est
simple à calculer et objectif, mais il ne distingue pas entre la diversification reliée et non

42
reliée. Il ne permet pas d’établir un rapport exact entre la diversification et la performance. En
revanche, la classification de Rumelt capture la subtilité de la stratégie de diversification, mais
elle est subjective et complexe à mesurer. L’indice d’entropie, proposé par Jacquemin et
Berry, cumule les mérites de ces deux méthodes.
La mesure de l’entropie est constituée par les trois éléments suivants : (1) le nombre
d’industries auxquelles la firme participe ; (2) la répartition du chiffre d’affaires total de la
firme entre ces industries ; (3) l’intensité de la relation entre ces industries (Palepu, 1985).
Elle enrichit l’indice de Berry-Herfindahl en mesurant le rapport entre les activités dans
lesquelles la firme s’engage et elle simplifie aussi la méthode de Rumelt qui distingue trop en
détail les stratégies de diversification. La propriété principale de cet indice est de permettre la
décomposition de la diversification totale en deux composantes inter et intra-classe, lorsque
nous pouvons disposer de données à deux niveaux de nomenclatures (l’industrie et le secteur).
La diversification non reliée quantifie la répartition des activités de la firme entre plusieurs
secteurs non liés, et la diversification reliée mesure la répartition des activités d’une firme
entre les industries d’un même secteur (voir annexe).Cette mesure considère le nombre
d’industries dans lesquelles l’entreprise s’engage, l’importance relative des industries et la
relation entre ces industries, ce qui permet d’évaluer la direction de la diversification et ce qui
permet de montrer la relation exacte entre la diversification et la performance (Jacquemin,
1975).

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