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UNIVERSITE TERTIAIRE ET TECHNOLOGIE DE LOKO

Campus UTT-LOKO Zone 4 C, Abidjan Côte d’Ivoire

Tel : 2721353607

Email : utt@groupeloko.com

SUPPORT DE COURS

COURS DE REGLEMENTATION PRUDENTIELLE ET BANCAIRE


Niveau : Master 1, Comptabilité Contrôle Audit

ANNE SCOLAIRE : 2022-2023

Chargé de cours :

Dr. KADJO Assandé Pierre

Email : assandpierre@gmail.com

Contact: 0759212825

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INTRODUCTION
Au lendemain de la crise économique de 1929, la régulation financière internationale est
devenue une priorité majeure au sein des économies (Michel Aglietta, 2005). Il s'agit à la fois
de prévenir et de guérir. D'une part, en s'attaquant aux causes des crises, et notamment en
limitant les prises de risque excessives par les acteurs financiers (les banques et les marchés
financiers). D'autre part, en menant des politiques curatives destinées à gérer les crises
lorsqu'elles se produisent, et à en réduire les conséquences néfastes pour l’ensemble de
l’économie.

Le système bancaire est régulièrement confronté à des difficultés bien que ce secteur
soit l’un des plus réglementés de l’économie. L’exemple le plus récent est la crise des
subprimes. Cette crise a entraîné des défaillances bancaires avec des conséquences néfastes
sur l’économie réelle à travers le monde. Il est donc impératif de protéger les déposants contre
ces défaillances bancaires dans un environnement caractérisé par l’existence d’imperfections
de marché (Dewatripont et Tirole, 1994). Ces défaillances peuvent conduire à une crise
systémique (Bhattacharya et Thakor, 1993) dont les coûts sociaux sont supérieurs aux seuls
coûts privés. Ainsi, les banques doivent respecter un certain nombre de règles dont l’une des
plus importantes est la réglementation du capital. Cette réglementation vise à assurer la
stabilité du système bancaire en contraignant le choix des banques en matière de structure
financière et de prise de risque. Elle est supposée garantir un coussin de sécurité suffisant par
rapport au risque pris par les banques. Cependant, l’impact de la réglementation du capital sur
la prise de risque des banques n’est pas établi avec certitude. La crise bancaire des subprimes
a récemment mis en évidence les insuffisances de cette réglementation. De nombreux auteurs
et autorités de réglementation ont appelé à une nouvelle réforme de cette réglementation pour
assurer la stabilité des institutions bancaires.

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PARTIE 1 : BASE FONDEMENTALE DE LA REGLEMENTATION PRUDENTIELLE

La théorie bancaire contemporaine offre une perspective rigoureuse sur la structure des marchés
financiers et le rôle joué par les institutions bancaires. Elle affirme que les intermédiaires
financiers ont émergé pour résoudre les imperfections du marché financier qui découlent de
divers types de problèmes d’asymétrie d’information mais en particuliers la sélection adverse
et l’aléa morale. Ces institutions apparaissent pour exploiter ces imperfections de l’information
du marché en vue d’un gain économique.

La réglementation est la réponse rationnelle du gouvernement à ces nouvelles défaillances du


marché. L’absence de réponse se traduirait soit par une prise de risque excessive de la part des
institutions financières. Dans cette perspective, la réglementation bancaire est finalement
justifiée par l’existence d’une défaillance du marché, sans laquelle une telle réglementation
serait inutile et l’allocation des ressources serait optimale au sens de Pareto. Cependant, la
réglementation bancaire présente un niveau de complexité supplémentaire. Sa simple existence
change la nature du problème d’information, car le régulateur lui-même est une partie
intéressée. Cela modifie considérablement l’environnement d’information et rend plus difficile
la réalisation de l’efficience de Pareto (Stiglitz ,1994).

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CHAPITRE 1 : LES FONDEMENTS THEORIQUES
De nombreuses théories permettent d’analyser les bases fondamentales de la justification de la
réglementation prudentielle. Elles tentent de justifier la nécessite de réglementer les institutions
financières plus particulièrement les banques et l’imposition des normes prudentiels
caractérisant leurs activités pour une économie saine sans effet de contagion. On peut citer
entre autres :

I- POURQUOI LA REGLEMENTATION BANCAIRE ET


PRUDENTIELLE
1.1- Assurer le dépôt des ménages et entreprises
Contrairement aux autres firmes, la structure financière des institutions de crédit est
caractérisée par la part importante des dépôts détenus par de petits déposants qui n’ont pas la
capacité et les incitations à surveiller le comportement de ces établissements. Le financement
par les dépôts peut inciter les banques à prendre plus de risques en choisissant les actifs les
plus risqués. Le gain en matière de valeur des capitaux propres capturé aux dépens des
créanciers peut dépasser la perte à laquelle s’exposent les actionnaires en cas de faillite. Cet
effet est connu sous le nom d’ « asset substitution effect » et constitue un coût d’agence
supporté par les déposants. Alors, pour maintenir la confiance des déposants et éviter les courses
aux dépôts pouvant conduire à une instabilité générale du système bancaire, les autorités ont
mis en place une assurance-dépôts. Mais l’existence de cette assurance accroît l’incitation à la
prise de risque excessive des actionnaires, étant donné que le risque n’est pas correctement
tarifé. On qualifie cette prise de risque d’excessive par rapport au risque qu’exigeraient les
actionnaires pour maximiser leur valeur en l’absence du filet de sécurité public
(assurancedépôts, prêteur en dernier ressort…). En effet, l’assurance des dépôts de la banque
constitue une option - dont la valeur est une fonction croissante du risque - que la banque peut
décider d’exercer. Dans ces conditions, il est primordial qu’un agent représentatif (le régulateur)
défende les intérêts des déposants (Dewatripont. et Tirole, 1994). Une réglementation dont
l’une des mesures les plus importantes constitue les exigences réglementaires en capital a
alors été mise en place dans le but d’annihiler cette incitation à la prise de risque excessive
des actionnaires.

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1.2- Réduire le risque systémique

En plus de la nécessité de protéger les petits déposants, les régulateurs doivent aussi
tenir compte des autres externalités qui peuvent être engendrées par les intermédiaires
financiers aux dépens du reste de la société. La préoccupation essentielle est le risque
systémique. Les créanciers non assurés disposant d’informations sur la faillite de certaines
banques peuvent être à la base d’un mouvement de panique qui toucherait des banques
solvables mais illiquides (Bhattacharya et Thakor, 1993).

Les marchés interbancaires représentent un autre canal de transmission rapide des difficultés
d’une banque à d’autres banques dès lors que les transactions interbancaires sont importantes,
variables et difficiles à surveiller pour les créanciers (Guttentag et Herring, 1987). Les
problèmes systémiques peuvent avoir des coûts sociaux importants. Les banques
collectent des informations sur des prêts opaques à travers la sélection, le contrat passé et la
surveillance de leurs emprunteurs. Lorsque des banques solvables mais illiquides font faillite,
cette information collectée ainsi que la relation avec les emprunteurs peuvent être perdues. Il
devient alors difficile pour certains emprunteurs de continuer à financer leurs investissements.
La réduction du crédit octroyé peut alors exacerber les difficultés macroéconomiques
(Bernanke, 1983).

Les défaillances bancaires importantes peuvent aussi mettre en péril le fonctionnement


correct des systèmes de paiement. Il devient alors difficile d’orienter les ressources
financières vers les projets les plus rentables. De plus, un nombre important de faillites
peuvent affecter l’efficacité de la politique monétaire. La politique monétaire est conduite en
grande partie à travers les variations de la quantité de prêts bancaires octroyés, ce qui peut être
difficile à gérer en période de panique bancaire (Bernanke et Blinder, 1992).
Les coûts sociaux liés à une crise systémique peuvent conduire les régulateurs à mettre
en place un large filet de sécurité et exiger des banques de détenir des ratios de capital plus
élevés. En revanche, certains auteurs comme Benston et Kaufman (1996) contestent cet
argument du risque systémique. Selon Black et al. (1978) et Acharya et Dreyfus (1989), le
gouvernement devrait tarifer le risque à travers les primes d’assurance-dépôts et fixer les
exigences en capital ainsi que les règles de fermeture des banques de façon similaire aux
engagements contenus dans les contrats de dette standards.

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II- ROLE DE LA REGLEMENTATION PRUDENTIELLE

2.1- La réglementation prudentielle comme un filet de sécurité

Étant donné que les faillites bancaires semblent avoir de fortes externalités en termes de
liquidité, de coûts de faillite et de destruction d’actifs, une partie importante de la
réglementation bancaire est conçue pour prévenir les faillites bancaires ou, du moins, pour en
limiter les effets. C’est ce que l’on appelle le "filet de sécurité" qui entoure le système bancaire
et protège les clients des banques. L’étendue de ce filet de sécurité fait encore l’objet de débats,
tant parmi les économistes que parmi les hommes politiques. Dans certains pays, comme la
France ou le Japon, il est jugé inacceptable de laisser une banque faire faillite et ses créanciers
non garantis subir les conséquences des décisions de la banque. Dans d’autres, comme les États-
Unis et la Nouvelle Zélande, il s’agit d’un événement prévu par la réglementation.
D’un point de vue théorique, le filet de sécurité est généralement justifié en tant que mécanisme
de protection des petits agents économiques mal informés. Cependant, le filet de sécurité peut
être étendu à d’autres acteurs financiers afin d’éviter les externalités indésirables de la faillite
d’une banque énumérées ci-dessus. Si certains éléments du filet de sécurité, comme la garantie
des dépôts, sont explicites et dûment réglementés, d’autres, comme l’intervention du prêteur en
dernier ressort, sont implicites et difficiles à évaluer.

Néanmoins, dans tous les cas, l’existence du filet de sécurité a des effets externes sur la prise
de risque des entreprises, modifiant le calcul des choix en changeant les rendements dépendant
de l’État et en encourageant les activités à haut risque. En fin de compte, dans le cas d’un
renflouement, les contribuables supportent le coût de cette pondération incorrecte du risque.
C’est le coût de la création d’un filet de sécurité, qui peut avoir des effets souhaitables sur la
stabilité globale et structurelle.

La hauteur appropriée du filet de sécurité impliquera une mise en balance des coûts de son
assistance avec les avantages de la stabilité financière implicite qu’il apporte. L’évaluation de
l’un ou l’autre élément du filet de sécurité implique également l’examen des coûts et des
avantages de chaque type de renforcement du filet de sécurité. C’est sur ce point que nous allons
maintenant nous pencher.

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2.2- L’assurance-dépôts

L’assurance des dépôts est un moyen de limiter la fragilité des banques. Si le système
d’assurance des dépôts est crédible, le problème des retraits massifs dans le cadre de Diamond-
Dybvig est résolu. Toutefois, comme les créanciers des banques sont leurs clients, la protection
est généralement justifiée par un appel à ceux qui ne sont pas bien informés. Néanmoins,
l’étendue et la forme de cette partie du filet de sécurité varient d’un pays à l’autre. Cela soulève
plusieurs questions pour le secteur bancaire (Santomero et Trester (1997), Freixas et Rochet
(1997)). La méthode de protection de ces détenteurs de responsabilité est mieux comprise si
nous rappelons que les droits que la banque acquiert en acceptant un dépôt assuré en présence
d’une assurance des dépôts comprennent une option de vente émise par l’agence d’assurance
des dépôts (Merton (1977)), ou, plus précisément, une option de vente remboursable (Acharya
et Dreyfus (1988)). La valeur de ce droit pour la banque est monotone en fonction de la volatilité
et maximisée au niveau de risque maximal. Ainsi, le comportement de prise de risque des
banques est modifié et, s’il n’est pas entièrement observable, l’assurance-dépôts conduira à une
absorption excessive du risque.

Le prix d’une telle option devrait dépendre du niveau de risque (volatilité du sous-jacent), ainsi
que du ratio de capital ex ante de l’entité assurée (qui détermine le prix d’exercice). Il s’ensuit
directement qu’une tarification fixe ou uniforme de l’assurance-dépôts conduira à
subventionner les banques risquées au détriment des institutions sûres. Toutefois, compte tenu
de l’environnement informationnel, il est difficile d’établir si l’assurance-dépôts est tarifée de
manière équitable et de déterminer l’ampleur de la distorsion dans l’allocation des ressources
associée à la subvention ou à la taxe sur les établissements individuels. Étant donné la nature
opaque des actifs dans les bilans bancaires, certains des déterminants de la valeur correcte de
l’option seront des informations privées. Ce point amène certains à conclure qu’il est impossible
d’obtenir une tarification équitable de l’assurance-dépôts (Chan, Greenbaum et Thakor (1992)).
Cette caractéristique du problème actuariel a conduit à une approche normative plus globale de
la réglementation bancaire.

Les mécanismes de conception sont passés d’un rapport entre la prime d’assurance des dépôts
d’une institution financière et son niveau de risque instantané à un rapport dans lequel un capital
suffisant est exigé pour garantir que l’option du gouvernement est raisonnablement "hors de la
monnaie" (Giammarino et al. (1993), Freixas et Gabillon (1999)).

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1.1- Exigences en matière de capital

La logique décrite ci-dessus a suscité un intérêt considérable pour la réglementation optimale


des fonds propres (Santomero (1991)). Toutefois, la tâche consistant à imposer une norme de
capital appropriée pour justifier la prime d’assurance fixe ou variable n’est guère plus facile que
la mise en place d’un système d’assurance des dépôts lié au risque. Sur le plan théorique, Sharpe
(1978) a illustré la nature isomorphe des deux questions, et Koehn et Santomero (1980) ainsi
que Kim et Santomero (1988) décrivent les ratios instantanés optimaux de fonds propres
pondérés en fonction du risque. La contribution de Rochet (1992, reproduite dans ce volume)
fournit le modèle le plus cohérent de la rétroaction de la réglementation des exigences de fonds
propres sur le choix du portefeuille des banques.

Il remarque que la responsabilité limitée implique que la distribution des rendements doit suivre
une distribution tronquée. L’utilisation de cette distribution montre, premièrement, que les
exigences de fonds propres sur chaque actif peuvent inciter la banque à sélectionner un
portefeuille inefficace. Deuxièmement, il prouve que l’absence d’exigence de fonds propres
minimum, indépendamment du portefeuille de la banque, peut inciter la banque à devenir
amoureuse du risque lorsque les rendements qu’elle obtient sont faibles, puisque sa fonction de
profit est concave en raison de sa responsabilité limitée. L’accord de Bâle de 1988 est
manifestement loin de ces structures optimales. Il ne faut toutefois pas s’en étonner. Avec les
variations en temps réel de la prise de risque bancaire et les volatilités incertaines associées à
des positions de crédit et/ou de risque de marché données, la plupart des experts ont conclu
qu’une réglementation optimale des fonds propres était irréalisable. Bien que des avancées
aient été proposées et soient actuellement à l’étude (BRI (1998)), il y a peu d’espoir que ces
remèdes puissent résoudre les problèmes d’information imparfaite et d’aléa moral associés à
tout régime réalisable de réglementation des fonds propres des banques. Cela a conduit à trois
tentatives différentes d’aborder la question des fonds propres appropriés. La première, associée
à Kuester et O’Brien (1990) et Kupiec et O’Brien (1997), suggère que l’entreprise bancaire soit
tenue de divulguer elle-même son niveau de capital approprié, sur la base de sa connaissance
plus exacte du risque de marché et de crédit contenu dans son portefeuille.

L’entreprise sera alors tenue de respecter ce niveau d’engagement préalable sur une base ex
post. Si le capital s’avère insuffisant pour faire face à la volatilité, les régulateurs imposeront
ex post une sanction pécuniaire en cas de violation. Si cette approche a immédiatement séduit,
sa mise en œuvre ne s’est pas avérée plus facile que les réglementations antérieures relatives
aux exigences de fonds propres fondées sur le risque.
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Bien que des expériences aient été menées, une solution viable s’est avérée illusoire et
l’approche a été pratiquement abandonnée. L’intérêt s’est alors porté sur une modification de
la réglementation qui exigerait que les banques remplissent une partie déterminée de leurs
exigences en matière de fonds propres par des dettes subordonnées, en tant que mécanisme
visant à accroître la discipline du marché. La dette subordonnée, en tant que créance de second
rang, sert de tampon contre les pertes de l’assureur des dépôts (Benston et Kaufman (1998)) et
Benston et al (1989)).

La dette subordonnée présente certaines des caractéristiques de l’argent patient, car elle a
généralement une échéance supérieure à un an et ne peut pas être remboursée rapidement en
cas de crise. Les créanciers subordonnés sont fortement incités à surveiller la prise de risque
des banques et à imposer une discipline. Ils sont exposés à tous les risques de baisse qui
dépassent les fonds propres, mais leur gain potentiel à la hausse est contractuellement limité.
Contrairement aux actionnaires qui peuvent choisir des points plus élevés sur la frontière risque-
rendement, les créanciers subordonnés, comme l’assureur des dépôts, préfèrent généralement
des portefeuilles plus sûrs et sont susceptibles de pénaliser les banques qui prennent des risques
importants. La discipline de marché de la dette subordonnée négociée est un moyen beaucoup
plus rapide et précis de contrôler le risque bancaire que les mesures réglementaires. Une baisse
du prix de la dette subordonnée peut alerter les autres créanciers sur la situation de la banque
ou les actions de ses dirigeants, créant ainsi une large réaction du marché. En outre, les prix du
marché sont plus prospectifs que les examens réglementaires et peuvent fournir aux régulateurs
des informations précieuses sur la perception par le marché du risque pris par les institutions
(Horvitz (1983), Calomiris et Litan (2000)).

Lorsque le risque bancaire augmente de manière inattendue, les banques peuvent ne pas avoir
à payer des taux plus élevés ou à faire face à une éventuelle discipline quantitative jusqu’à ce
que leur dette subordonnée arrive à échéance. C’est pourquoi les propositions relatives à la dette
subordonnée exigent généralement que la banque échelonne les échéances de l’émission de
dette de manière à ce qu’une proportion modeste arrive à échéance chaque trimestre. De cette
manière, la discipline de marché par le biais de sanctions sur les prix et les quantités peut être
efficace et informative, mais suffisamment limitée dans son ampleur pour laisser le temps de
résoudre la crise ou de mettre fin à l’opération de manière ordonnée. Les détracteurs des
exigences en matière de dette subordonnée soulignent que les détenteurs de dette subordonnée
sont confrontés aux mêmes problèmes d’asymétrie d’information que l’assureur des dépôts,
mais qu’ils n’ont pas le pouvoir de procéder à un examen détaillé (Kane (1995)).

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Ils se demandent également si les marchés secondaires de la dette subordonnée seraient
suffisamment profonds pour fournir des signaux de prix fiables. Ils préfèrent donc ne pas mettre
l’accent sur le rôle du marché dans la limitation des risques et privilégier les progrès de
l’autorégulation. Leur cause a récemment gagné en crédibilité avec la nouvelle proposition de
la BRI en faveur de l’utilisation de modèles internes pour fixer les normes de fonds propres,
parallèlement aux agences de notation existantes (BRI (1998)).

Bien que cette approche suscite beaucoup d’intérêt, sa capitulation devant le problème de
l’asymétrie de l’information laisse certains régulateurs insatisfaits. Comme on peut s’y attendre,
ils préféreraient que tout nouveau système de réglementation des fonds propres comporte à la
fois des modèles de normes de fonds propres et une surveillance réglementaire importante. En
fin de compte, ils estiment que le régulateur ou la banque centrale continueront à jouer le rôle
de facilitateur de liquidités. Ils ont donc l’obligation de maintenir un niveau approprié de
surveillance et de s’assurer de la prudence des positions de la direction ex ante.

1.2- Prêteur en dernier ressort

Le terme "prêteur en dernier ressort" (LOLR) fait référence aux facilités de liquidité ouvertes
aux banques. Selon la théorie classique, cette fonction est réservée aux prêts aux institutions
illiquides mais solvables, en utilisant de bonnes garanties et à un prix élevé. En fait, la réalité
de l’utilisation du terme "prêteur en dernier ressort" dans de nombreux cas est tout à fait
différente, bien que politiquement justifiée (voir Freixas, Giannini, Hoggarth et Soussa (2000)).
En effet, bien que les facilités LOLR soient censées résoudre une défaillance dans la fourniture
de liquidités par le marché, les banques en détresse financière les ont souvent utilisées comme
une méthode pour obtenir un plan de sauvetage. En effet, il est parfois presque impossible de
distinguer ex ante (et même parfois ex post) si un prêt est destiné à résoudre un problème
d’illiquidité rencontré par l’institution ou un problème de solvabilité. Néanmoins, dans un
marché financier bien développé, la Banque centrale fournit les liquidités nécessaires à ces
institutions, même si cela ne représente qu’une partie mineure de leur activité.

La fourniture de liquidités au système bancaire dans son ensemble est une question tout à fait
pertinente, puisque, comme nous l’avons vu, il existe une instabilité inhérente au secteur
bancaire directement liée à la justification des banques. Non seulement les banques sont
confrontées à des asymétries d’information, mais elles doivent également gérer des actifs
illiquides et des passifs liquides. La fourniture de liquidités au système bancaire sera donc une
tâche essentielle pour maintenir la stabilité bancaire.

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Les banques centrales peuvent fournir des liquidités aux banques par différents canaux. La
justification classique du prêteur en dernier ressort date du XIXe siècle et repose sur la
présomption que le marché monétaire peut ne pas allouer des liquidités aux banques solvables
qui en ont besoin. Par conséquent, il n’était pas clair si le prêteur en dernier ressort était conçu
pour des raisons de stabilité monétaire ou de stabilité financière. Aujourd’hui, la perspective
est tout à fait différente, car le marché monétaire fournit des liquidités à toute institution
solvable (Goodfriend et King (1988)).

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CHAPITRE 2: ACTIVITES DES BANQUES ET LES RISQUES ENCOURUS
Le système financier est en majorité dominé par le secteur bancaire. Depuis les travaux de
Levine (2005), plusieurs études ont montré l’impact d’un disfonctionnement du système
financier sur la croissance économique et par conséquent sur l’économie réelle. Les banques
dans le but d’exercer leurs fonctions qui sont de financer l’économie, prennent des décisions
qui ont des conséquences graves sur le système financier lui-même et aussi sur l’économie
réelle.

I- ACTIVITÉS BANCAIRES

Les banques avec ses fonctions (octroie de crédit et titrisation) prennent des risques appelés
risques de contreparties. Ces risques peuvent avoir des conséquences graves sur le système
financier et même sur l’économie réelle.

La mise en œuvre des activités économiques donne lieu à des recettes et des dépenses dans les
comptes des différents agents (Scialom, 2013). Certains d’entre eux sont des agents à capacité
de financement et d’autres à besoin de financement. L’existence du système financier en
particulier les banques s’explique par ce déséquilibre des comptes de ces agents économiques.
Les activités des banques peuvent donc être d’une part une transformation des dépôts des agents
à capacité de financement en crédits octroyés à ceux en besoin de financement (activité
traditionnelle) et d’autre part transformer les dettes en crédits (titrisation).

1.1- Activité bancaire traditionnel : Collecte de dépôt et octroie de crédit

Les banques constituent un élément essentiel dans le système financier. Elles constituent des
intermédiaires financiers dans une économie dans la mesure où sa fonction traditionnelle est de
collecter des dépôts et octroyer des crédits (Scialom, 2013). Ainsi, elles empruntent à court
terme et prêtent dans un moyen et long terme. Les banques ne se contentent pas de transformer
les caractéristiques d’une épargne préformée. Elles créent de la monnaie par le biais d’un crédit
suite à des dépôts bancaires des agents économiques. Au niveau macroéconomique, le pouvoir
de création monétaire du système bancaire lève une contrainte majeure sur l’accumulation du
capital. Le financement des projets nouveaux d’investissements n’est plus assujetti à l’épargne
formée au cours de la période. Les banques ne se contentent pas de ressources qu’elles ont
préalablement collectées. Elles prêtent aux agents économiques, des sommes disponibles dans
leurs comptes.

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Ainsi, les banques en finançant les nouveaux investissements, elles anticipent sur les profits des
emprunteurs. Cela signifie qu’elles font des paris sur les projets d’investissements qui sont
fondés sur des critères d’évaluations spécifiques. Ces évaluations sont multiformes. Elles
servent à vérifier les risques de non-remboursement d’un crédit par un emprunteur. Pour
Scialom, (2013) le risque de non-remboursement d’un crédit repose sur des paramètres non
maîtrisables par l’emprunteur, comme l’État de la conjoncture présente et future, mais
également sur les qualités intrinsèques du projet qui souvent ne sont pas quantifiables et sur la
solvabilité présente et à venir de l’emprunteur lui-même. Les innovations financières ont permis
au système financier d’être meilleur que le marché lui-même à réduire les asymétries
d’informations.

Parmi les intermédiaires financiers, les banques disposent d’un avantage additionnel du fait de
la multiplicité des services financiers qu’elles rendent à leurs clients. En particulier, leur
fonction de tenue de compte et de gestion des moyens de paiement représente un élément
d’appréciation fondamental de la qualité spécifique de l’emprunteur. Les relations qui existent
entre les banques et ses clients produit un caractère idiosyncratique dans le système financier
(Guille, 1994). Les banques appariassent donc comme des intermédiaires financiers spécialisés
dans l’octroi des prêts à fort contenu informatif. Pour Diamond et Dybvig, (1983), les
négociations imparfaites voire inexistantes de l’actif bancaire qui en résulte de l’émission des
dettes remboursables au pair des dépôts à vue ou à terme rend les banques particulièrement
vulnérables aux chocs de liquidité.

1.2- Dérivés de crédits et titrisation

Au début des années 1990, est apparue une nouvelle forme d’activité des banques autre que
leurs activités traditionnelles (octroie de crédit et conservateur) :les dérivées de crédits et la
titrisation. Depuis plusieurs décennies, les banques étaient prisonnières de leurs relations avec
leurs clients en cas de défaut de paiement en prêtant à l’économie.

En l’absence de marché secondaire des prêts, la banque ne pouvait pas se défaire des prêts
antérieurement consentis en cas d’incidence affectant la créance.

L’innovation majeure, apportée par les dérivées de crédit réside en la possibilité, pour un
intervenant sur ce marché, de vendre le risque de crédit portant sur une créance tout en
conservant la propriété juridique de cette dernière, c’est-à-dire tout en continuant à l’inscrire à
son bilan (Mishkin, 2010).

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Dans cette nouvelle activité, les banques ne gardent pas comme dans le modèle traditionnel, au
bilan, les crédits qu’elles accordent à l’économie. Les dérivés de crédits (credit derivatives) ont
connu une expansion exceptionnelle au cours de ces dernières décennies. D’après British
Banker Association en Allemagne, les cours des produits dérivés de crédits sont passés de 180
milliards de Dollars en 1996 à près de 20 000 milliards en 2006.

Il s’agit donc d’une part des crédits default Swaps1ou CDS (swap de défaut de paiement) et
des total return Swaps (TRS) at d’autre part des crédits Link notes (CLN) et des opérations de
titrisation (Scialom, 2013, Mishkin, 2010). Les crédits défault Swap ou CDS fonctionnent
davantage comme une assurance. En achetant ces instruments, une banque peut couvrir un
risque de crédit en l’échange du versement d’une prime régulière : en cas de défaut de son
débiteur (ou, éventuellement, de de dégradation de sa notation), elle reçoit un montant couvrant
la perte qui en résulte pour elle (Mishkin, 2010). Ces instruments financiers sont appelés les
dérivés de crédits. Il s’agit d’instruments qui permettent de transférer au moyen d’un contrat
passé entre deux contreparties tout ou partie du risque de crédit portant sur un tiers, que l’on
appelle l’entité de référence (Scialom, 2013).

Une contrepartie vend un risque de crédit portant sur une créance déterminée, que l’on appelle
créance sous-jacente à une autre contrepartie vendeuse de protection, cette dernière, contre
versement régulier d’intérêt ou d’une prime qui est une fonction décroissante de la qualité de
l’actif de référence, lui effectuera un paiement si un évènement de crédit survient sur cet actif
sous-jacent. L’innovation majeure que véhiculent ces dérivés de crédit est la dissociation du
risque de crédit et de la créance elle-même. Ce qui signifie concrètement qu’un intermédiaire
sur le marché peut conserver la propriété juridique d’une créance et donc l’inscrire à son bilan
tout en ayant vendu le risque de crédit qui y est associé.

De façon transversale, un autre agent peut acheter ce même risque tout en n’ayant pas à
supporter le coût de financement et le risque de taux associés à l’acquisition et à la détention de
la créance. La titrisation, quant à elle, est une transformation des crédits (actifs liquides) en
titres financiers. Ce processus s’effectue en plusieurs étapes comme suit :

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Un Swap de crédit c’est un échange des paiements à échoir sur des ensembles de crédits en cours.

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- La banque regroupe les crédits qu’elle veule sortir du bilan
- Les crédits mis en pool sont sortis du bilan de la banque et sont logés dans des structures
spéciales appelées « véhicules ad hoc ». ces structures sont équivalentes à des banques
de marché non régulées et non supervisées.

Les investisseurs achètent ces titres en contrepartie perçoivent des revenus (intérêts et
remboursement total capital) sur les prêts endossés. Dans la plupart des cas, cette opération de
transformation de crédits non négociables en actifs négociables s’accompagne d’une opération
de structuration.

II- LES RISQUES LIÉS AUX ACTIVITÉS DES BANQUES

Le secteur bancaire se caractérise par les multiples dimensions de risques financiers qui
affectent leur solvabilité et leur rentabilité. Cette multiplicité des risques bancaires pose des
problèmes de définitions des différents risques. Des progrès ont été effectués au cours de ces
dernières années avec le développement de la réglementation dans le secteur bancaire. Nous
allons donc les énumérer en fonction des activités des banques.

2.1- Le risque de crédit ou risque de contrepartie

Le risque de crédit est un risque de contrepartie, lié à l'activité d’octroi de crédit des banques.
C’est un risque qu’un emprunteur ne puisse pas rembourser à l'échéance du prêt. Le risque de
crédit est aussi le risque de pertes consécutives au défaut d’un emprunteur à faire face à ses
obligations, ou à la détérioration de sa solidité financière ou de sa situation économique au point
de dévaluer la créance que l’établissement de crédit détient sur lui (Garba, 2016). En pratique,
c'est le risque de non-remboursement de ses dettes par un emprunteur défaillant. Il s'assimile au
degré d'incertitude qui pèse sur l'aptitude d'un emprunteur à effectuer le service prévu de la
dette, c'est-à-dire à l'incertitude des pertes pouvant être générées par un
crédit à un créancier financier ( Kharoubi et Thomas, 2016).

Globalement, on considère un risque de contrepartie comme le risque de dégradation de la


situation d'un emprunteur. Le risque de crédit peut être lié à un défaut de paiement, à la
dégradation de la qualité de crédit par le marché et la baisse de la rentabilité de l’opération de
crédit. L'appréciation de ce risque se fait à travers une analyse financière et patrimoniale du
client (entreprises ou ménages).

15 | P a g e
Au-delà de l'appréciation faite par la banque plus particulièrement le chargé de la clientèle, il
existe également des techniques telles que le scoring (Karyotis, 2016). Le scoring est une
technique d'évaluation utilisée par les établissements de crédit pour apprécier le risque de
défaillance d'un créancier. C'est une note attribuée grâce à l'étude de différents indicateurs
(revenus, encours et caractéristiques des prêts, etc.) liés au demandeur de crédit.

2.2- Le risque de liquidité

Les banques jouent un rôle central et spécifique dans l’économie par ce qu’elles peuvent fourni
aux emprunteurs des liquidités, des grosses sommes d’argents et aux moments de demander,
sans que ces liquidités soient prélevées sur une épargne préexistante (Aglietta, 2005.P70). Ce
rôle de la banque peut être voué à l’échec par moment donné. Ainsi, la banque peut se retrouver
parfois dans une situation d’illiquidité où elle ne peut plus remplir sa fonction de financement
de l’économie.

Le risque de liquidité est considéré comme un risque majeur, mais il fait l’objet de diverses
acceptions : la non-liquidité extrême, le matelas de sécurité que procurent les actifs liquides où
la capacité à mobiliser des capitaux a un coût normal. Une situation de non-liquidité extrême
engendre une défaillance ou la faillite d’un établissement. En ce sens, le risque de liquidité
pourrait aussi être fatal si d’autres éventualités extrêmes trouvaient leurs origines dans d’autres
problèmes autres que la liquidité. Naturellement les banques sont confrontées à deux types de
risque de liquidité, à savoir :

- Un risque d'illiquidité à court terme : La banque ne peut faire face à une demande
massive de retraits émanant de sa clientèle. Une banque est illiquide si elle est victime
d’une insuffisance de trésorerie, c’est-à-dire si elle n’est plus en mesure d’honorer ses
engagements immédiats (décaissements) grâce ses encaissements (Drehmann et
Nikolaou, 2009).

Ce type de risque provoque ce qu’on appelle une panique bancaire « bank run » ou la course
aux guichets, dans lequel un grand nombre de clients d’une banque craignent qu’elle ne devient
insolvable et en retirent leurs dépôts le plus vite possible. C’est qui est arrivé à la banque
britannique Northern Rock en septembre 2007.

16 | P a g e
D'un simple risque d'illiquidité dont la banque pouvait se sortir, la médiatisation de l'événement
a conduit à une panique généralisée des clients, le risque s'est traduit en un risque d'insolvabilité,
requérant alors l'intervention d'urgence de la Bank of England ;

- Un risque de transformation : les clients peuvent retirer plus de fonds que prévu, et la
banque ne dispose pas de suffisamment de flux à court terme pour y faire face.

Dans ces cas des pertes importantes qui résulteraient des défaillances de contrepartie ou
d’évolutions adverses des marchés peuvent susciter des inquiétudes sur la solvabilité de
l’établissement. Elles peuvent être suffisantes pour entrainer des retraits massifs de fonds ou la
fermeture des lignes de crédit habituelles à d’autres établissements. Une telle situation engendre
une crise de liquidité conséquente. Selon une autre acception courante du risque de liquidité, il
est plutôt celui de disposer des liquidités bancaires insuffisantes, c'est-à-dire lorsque les actifs
liquides disponibles ne semblent pas être suffisants pour faire face à des besoins inattendus,
dans cette optique, la liquidité est un matelas de sécurité pour gagner du temps en présence de
difficultés.

2.3- Le risque de marché

De nombreuses banques détiennent des portefeuilles d’instruments négociables pour des profits
à court terme. Ces portefeuilles (« portefeuilles de négociation ») sont exposés au risque de
marché (BRI, 2019) c’est-dire au risque de perte liés aux variations des cours des instruments
tels que les obligations, les actions et les changes. Donc, le risque de marché est un risque de
perte qui peut résulter des fluctuations des prix des instruments financier qui composent un
portefeuille. Le risque peut porter sur le cours des actions, les taux d’intérêts, les taux de change,
les cours sur les matières premières, etc. C’est un risque de dépréciation et de perte avérée s'il
y a vente. On peut distinguer généralement selon les instruments financiers détenus par la
banque :

Le risque de taux d’intérêt : c’est le risque que les mouvements des taux d’intérêts (faible ou
fort) peut impacter défavorablement les activités des banques sur le marché interbancaire.
Autrement dit, le risque de taux d’intérêt réside dans la vulnérabilité de la situation financière
d’une banque à l’évolution des taux d’intérêt (BRI, 1997). Accepter ce risque est quelque chose
d'inhérent à l'activité bancaire et peut constituer une source importante de rentabilité et de
valorisation du capital investi. Cependant, un risque excessif peut représenter une menace
substantielle pour les bénéfices et fonds propres d'une banque.
17 | P a g e
Les mouvements des taux d'intérêt affectent les bénéfices en modifiant le revenu d'intérêts net
ainsi que les autres revenus sensibles aux taux d'intérêt et les dépenses d'exploitation. Ils ont
également une incidence sur la valeur des créances, dettes et instruments du hors-bilan, étant
donné que la valeur actualisée des flux de trésorerie attendus (et, dans certains cas, les flux eux-
mêmes) varie en fonction des taux d'intérêt. La hausse des taux d’intérêt fait baisser les flux des
revenus des ménages et des entreprises et elle réduit les bons risques de crédit en recherche
d’emprunt, ce qui augmente l’anti-sélection et le risque moral et fait baisser l’activité
économique. Par conséquent, il est essentiel, pour la sécurité et la solidité des banques, qu'elles
soient dotées d'un processus efficace de gestion du risque qui contienne le risque de taux
d'intérêt dans des limites prudentes.

Le risque de change : le risque de change est le risque de perte économique encouru par une
entité en cas de variation des cours de change des devises. Il traduit l fait qu’une baisse des
cours de change puisse entrainer une perte de valeur d’avoir libellés en devises. Le risque de
change existe lorsque des coûts ou des cash-flows sont libellés en devises. On parle alors de
risque de change de transaction. Il nait par des transactions financières (prêts et emprunts en
devises) ou par des flux de dividendes en devises. Il est mesuré, au moment de la clôture des
comptes, par la différence entre les dettes et les créances en devises inscrites au bilan pour leur
contre-valeur au cours de change de fin d'exercice. Les différences apparaissent alors en écart
de conversion. Et s'il y a perte latente, une dotation aux provisions pour risque est effectuée. Il
existe également un risque de change de consolidation qui naît lors du rapatriement des comptes
d'une filiale étrangère.

2.4- Le risque opérationnel

Le risque opérationnel la été défini par le Comité de Baie en janvier 2001 comme étant «un
risque de pertes directes ou indirectes résultant d'une inadéquation ou d'une défaillance
attribuable aux procédures, au facteur humain et aux systèmes, ou à des causes externes». Pour
le Comité de Bâle, le risque opérationnel est un risque important qui nécessite pour les banques
de détenir suffisamment de fonds propres pour se protéger contre les peltes qui en découlent En
conséquence, une nouvelle approche a été requise par la BRI, dans le cadre des accords de Baie
Il, pour le calcul des fonds propres règlementaires. Comme pour les autres risques, notamment
le risque de crédit, le Comité a demandé aux banques de perfectionner les techniques
d'évaluation et de gestion du risque opérationnel.

18 | P a g e
2.5- Le risque d’insolvabilité

Le risque d’insolvabilité est pour la banque celui de ne pas disposer de fonds propre suffisants
pour absorber des pertes éventuelles. Ces pertes résultent du montant des fonds propres
disponibles d’une part, et des risques pris par ailleurs (part de crédit, de marché, etc…) pris
d’autres part. Le problème fondamental de l’adéquation en capital consiste à ajuster de la
meilleure manière possible les fonds propres et risques encourus par les banques. La solidité
des banques dépend tout d'abord des fonds propres car ce sont, par définition, des ressources
qui leur appartiennent en propre, au contraire des dépôts qui, même si les banques les utilisent,
restent la propriété des clients. Notons d'ailleurs que le risque d'insolvabilité naît souvent d'un
risque d'illiquidité.

La faillite d'une banque ayant des impacts plus forts encore que la faillite d'une entreprise
industrielle, ceci amène à la notion de «too big to fait» et son corollaire l'aléa moral. L'adage «
too big to fait» est un principe selon lequel la banque qualifiée comme telle peut se permettre
de prendre des positions hasardeuses (aléa moral) et donc risquées car, quoiqu'il arrive la
banque centrale interviendra pour la sauver, à défaut il y aurait risque systémique.

2.6- Le risque systémique

Le phénomène de globalisation financière a pour conséquence de mondialiser le risque de


système au travers des transformations technologiques et réglementaires et de
l'internationalisation de la sphère financière car les mécanismes financiers forment un ensemble
d'éléments en interaction dynamique, un système ouvert, soumis et nourri par l'économie réelle,
donc à autonomie relative. Le risque systémique naît lorsqu'un opérateur n'est pas en mesure
d'honorer ses engagements, entraînant des défaillances en chaîne, et mettant de facto en
difficultés l'ensemble des acteurs du marché. Il existe sur tous les marchés (organisés ou de gré
à gré) et pour toutes activités financières.

Le risque systémique peut se définit comme un risque de perte de confiance générale, il est issu
d’une discordance entre les comportements des intervenants au sein des différents sous-
systèmes et les mécanismes de régulation qui provoque un déséquilibre général et de grande
ampleur, déclenchée par un événement qui est la réalisation de l’un des autres risques existant
dans le secteur bancaire. Pour que le risque devienne systémique, il faut que l’événement
déclencheur prenne un aspect incontrôlable. En effet, il est notable que les banques disposent
de nombreuses armes contre les risques précédemment développés.

19 | P a g e
La bonne maîtrise de ces méthodes de réduction des risques est même la clé du succès financier
d’une banque. Or le risque systémique se caractérise par le caractère incontrôlable qu’il acquiert
au plan microéconomique : une banque seule ne peut lutter contre lui. Le risque systémique est
une conséquence de la surchauffe du système financier et, à ce titre, toutes les banques, même
les plus saines, sont touchées et attirent la méfiance des investisseurs.

L’ « effet domino » peut donc être utiliser pour décrire le risque systémique. En effet, une
réaction mineure provoque une réaction comparable à proximité, et ainsi de suite. En pratique
la chute d’un établissement bancaire ou d’un organisme acteur dans le système provoque la
chute d’un autre, dans une réaction en chaine. Cette réaction en chaîne est rendue possible par
le caractère même du choc initial : il n’est pas propre à une seule banque distincte, il survient
dans tel établissement, mais les autres banques ne sont pas estimées comme mieux protégées.

La ressemblance entre toutes les banques et les liens qu’elles entretiennent ensemble (par les
prêts interbancaires) assurent la propagation du risque systémique et s’ils surviennent il se
traduit par une crise systémique qui est appelée également crise de système ou crise généralisé
car ils ne paralysent non seulement l’ensemble du système financier, mais également
l’économie réelle. Le risque systémique est : « Le risque qui se produit d’un événement
systémique suffisamment violant pour déclencher des répercussion entrainant une crise
financière, le risque de système est donc une menace dont la réalisation a des incidences
macroéconomiques. C’est pourquoi on peut le définir comme la probabilité que l’économie
passe d’état d’équilibre à un état anormale caractérisé par des pertes sociales sévères »2.

Enfin, nous avons vu qu'anticiper et prévenir le risque systémique est extrêmement difficile. Sa
survenance est par nature spontanée et imprévisible, ce qui en fait un risque non quantifiable,
une incertitude. Dès lors, aucune protection, aucune assurance ne peut être prise par une banque
isolément.

2
Aglietta. M : « séminaire : le risque systémique : actualité et prévention du risque systémique », université de
Paris X-Nanterre, 2002, P 7.

20 | P a g e
PARTIE 2 : LA RGELEMNTATION PRUDENTIELLE PROPREMENT DITE

Une composante clé de tout marché financier est le système bancaire. Les banques facilitent le
développement par la mobilisation et l'affectation des fonds à des projets d'investissement avec
le plus grand des avantages économiques à long terme (Aglietta, 2012). Ce qui signifie d'une
part, que le crédit est un déterminant dans le processus de développement économique (Creel
et al, 2014). En outre, il est largement reconnu qu'un système bancaire bien structuré, défini par
ses pratiques de surveillance, de prise de risque, et la gouvernance, favorise une plus grande
performance financière et à la stabilité économique (Barth et al, 2006,).

21 | P a g e
CHAPITRE 3 : LA RGELEMNATION MICROPRUDENTIELLE ET SON
EVOLUTION
La principale raison de la réglementation bancaire est de protéger les épargnants contre le risque
de faillite bancaire, gérer efficacement les risques des banques et enfin garantir la stabilité du
système bancaire. La lutte contre la faillite bancaire et l'amélioration du fonctionnement de
l'industrie constituent l'objectif premier des autorités chargées de supervision et de régulation
bancaire. La réglementation bancaire se présente alors comme un mécanisme indispensable
pour exercer une surveillance sur les établissements de crédits, prévenir le risque systémique et
éviter ainsi une crise économique généralisée (Garba, 2016). La réglementation bancaire
constitue donc un filet de sécurité pour l’ensemble du système financier mise en place les
régulateurs. Elle a pour objectif tout comme la politique monétaire, a contrôle les banques afin
de réduire leurs prises de risques excessives grâce à leurs activités. La réglementions
prudentielle a aussi pour vocation de favoriser la modernisation du secteur bancaire et en
constituant l’ensemble des règles pour guider les acteurs du système financier et en particulier
le secteur bancaire et leurs opérations.

En effet, la libéralisation financière et la mondialisation ont engendré une concurrence accrue


entre les établissements financiers internationaux et une prise de risques excessive qui ont eu
des répercussions graves sur tout le système économique au cours de certaines années. La
recherche des profits potentiels a poussé les banques en particulier commerciales à diversifier
et à élargir leurs activités au-delà de leurs activités traditionnelles. Ces différentes activités
comme l’octroi de crédits excessifs, l’ouverture aux marchés financiers permettent aux banques
d’être vulnérables et parfois exposées aux différents risques qui provoquent de graves crises
financières. Pour atténuer les risques liés à ces crises, le comité de Bâle a instauré des premiers
dispositifs d’ordre prudentiels dit miro-prudentiels dans les années 1996 (Bâle I) et 2007 (Bâle
II). Ces dispositifs ont pour but de contrôler les activités des banques pris isolement afin de
réduire les risques d’insolvabilité de leurs clients. Ces dispositifs permettent de réglementer les
banques en leurs imposant un minimum de capital propre. Cette manière de réglementer les
banques ont été voué à l’échec à cause de la crise subprime3 survenu en 2008 et qui a déstabilisé
toute l’économie mondiale, ce qui a conduit à la formulation d’une nouvelle forme de
réglementation dite macroprudentielle.

Un subprime est un prêt immobilier bancaire auprès d’un client à haut risque
3

22 | P a g e
I- LES ACCORDS DE BÂLE

Le Comité de Bâle sur le Contrôle Bancaire (CBCB) a été créé en 1974, à l’initiative du G-10,
à la suite de la faillite de la banque allemande Herstatt. L’objectif était d’édicter des règles
prudentielles devant s’appliquer à l’ensemble des banques ayant une activité internationale
significative. Dans les années 1980, certains membres (notamment américains et britanniques)
du CBCB se sont inquiétés de la croissance frénétique des totaux de bilans des banques
japonaises, notoirement sous-capitalisées et bénéficiant de la garantie implicite de l’Etat
japonais en cas de faillite. Afin d’améliorer la stabilité du système bancaire international, et de
supprimer les distorsions de concurrence entre pays, le CBCB a formulé en 1988 un ensemble
de règles prudentielles connues sous le nom de premiers accords de Bâle, et communément
appelés Bâle I. Critiqués de toutes parts, aussi bien par les banquiers commerciaux que par les
économistes, ces premiers accords de Bâle ont été progressivement réformés, notamment sous
l’impulsion de William McDonough, qui présidait le CBCB au début des années 90. C’est à ce
moment que les banquiers commerciaux ont commencé à exercer une pression considérable sur
le CBCB, en particulier par l’intermédiaire du Working Group on Capital Adequacy de
l’Institute of International Finance, une association de grandes banques internationales. La
principale conséquence de cette campagne de lobbying a été l’acceptation par le CBCB des
modèles utilisés en interne par les grandes banques. Cette approche, que nous allons détailler
ci-après est connue sous le nom d’Internal Ratings Based ou IRB. Nous commençons par
rappeler les principaux éléments des deux accords de Bâle.

2.1- Les premiers accords de Bâle : dits Ratio de Cooke

Ils avaient officiellement deux objectifs: assurer la stabilité (“safety and soundness”) du
système bancaire international, et éliminer les distorsions de concurrence provenant du fait que
certains Etats (le Japon étant l’exemple le plus clair) accordaient une garantie de soutien
implicite et illimitée à leurs banques en cas de défaillance. Cela permettait à ces banques de
s’endetter énormément à des taux inférieurs aux taux qu’aurait normalement dû exiger le
marché, et de gagner ainsi des parts de marché importantes sur le marché des crédits. Le
principe de BâleI était remarquablement simple: exiger de chaque banque un minimum de
fonds propres égal à 8% du total de ses actifs, pondérés par des coefficients visant à refléter
le risque de crédit de ces actifs. La somme pondérée des actifs bancaires, appelée RWA (Risk
Weighted Assets) était censée donner une mesure du risque de crédit total pris par la banque.

23 | P a g e
Les pondérations étaient elles-mêmes remarquablement simples: 0, 25%, 50% ou 100% en
fonction des caractéristiques de l’emprunteur ou de l’émetteur du titre (Etats souverains,
membres ou non de l’OCDE, banques commerciales, entreprises non bancaires, crédits
hypothécaires,…).

L’impact immédiat de Bâle I a été sans conteste la recapitalisation spectaculaire du secteur


bancaire international ainsi que la diminution des distorsions de concurrence entre pays.
Cependant, les critiques n’ont pas tardé à fuser de toutes parts. En particulier Bâle I a été accusé
de provoquer un resserrement du crédit aux particuliers et aux entreprises (“credit crunch”) dans
la mesure où les banques préféraient par exemple acheter des emprunts d’Etat à 10 ans (pour
lesquels l’exigence en capital était nulle, pourvu que cet Etat soit membre de l’OCDE) plutôt
que prêter aux ménages ou aux entreprises (pour lesquels le risque était pondéré à 100 % et
l’exigence en capital était par conséquent de 8 %). Le problème venait du fait que les
pondérations utilisées par Bâle I ne correspondaient pas aux mesures de risque utilisées par les
investisseurs et reflétées dans les écarts de rémunération (ou spreads de taux) observés sur les
marchés (équivalant à des primes de risque).

Revenant à notre exemple, la rémunération des emprunts d’Etat à 10 ans est souvent plus élevée
que celle des crédits à court terme aux entreprises bénéficiant d’une bonne notation. Ceci vient
du fait que le risque de défaut à court terme d’une entreprise bien notée est très faible, alors que
le risque de taux associé à un emprunt d’Etat à 10 ans est assez élevé, même si son risque de
défaut est virtuellement nul. En substituant des emprunts d’Etat à 10 ans à des crédits de
trésorerie aux entreprises, les banques soumises à Bâle I pouvaient diminuer leur exigence
réglementaire en fonds propres, tout en augmentant le rendement de leurs actifs. Cet exemple
très simple n’est qu’une illustration des très nombreuses possibilités d’arbitrage réglementaire
offertes par Bâle I, et provenant du fait que les pondérations choisies par le CBCB ne reflétaient
qu’une partie des risques afférant aux actifs bancaires (le seul risque de crédit, alors que le
risque de marché et le risque de taux étaient négligés). Et ceci de façon très imparfaite (car les
poids n’étaient calculés qu’en fonction de la nature institutionnelle de l’emprunteur ou émetteur
de créances, et ne reflétaient pas véritablement le risque de défaut de celui-ci ou la nature exacte
de la créance). Confronté à ces critiques, le CBCB a tout d’abord procédé à des amendements
aux premiers accords de Bâle (visant notamment à incorporer le risque de marché et le risque
de taux) puis s’est décidé à réviser en profondeur ces accords, processus devant aboutir en 2004
aux seconds accords de Bâle (Bâle II) que nous allons maintenant décrire et commenter.

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2.2- Les seconds accords de Bâle : dits Ratio Mc Donough

Alors que la motivation profonde de BâleI était clairement identifiée (permettre aux banques
américaines et britanniques de concurrencer à armes égales les banques japonaises, et plus
généralement empêcher les Etats de subventionner indirectement leurs banques par des
garanties implicites en cas de défaut), celle de Bâle II est beaucoup plus floue. L’observateur
extérieur des réformes successives qui ont permis de passer de Bâle I à Bâle II ne peut
s’empêcher de penser à un pilotage à vue, dans lequel le CBCB a essayé le plus possible de se
prémunir contre les critiques venant de l’industrie bancaire, et aboutissant finalement à laisser
les grandes banques internationales choisir elles-mêmes la façon dont elles seraient contrôlées.
Le point de départ du processus, remarquablement décrit par Tarullo (2008) est le premier
document de consultation (Consultation Paper 1) diffusé en septembre 1998 et dans lequel le
comité de Bâle décrivait la façon dont il comptait introduire le risque de crédit dans le futur
Bâle II. Soumis là encore à une avalanche de critiques (provenant notamment du Working
Group on Capital Adequacy de l’Institute of International Finance) le comité de Bâle, sans
doute échaudé par la répétition des sévères mises en cause de sa compétence dont il était
l’objet5, commença à accepter le principe de validation des modèles de risque de crédit utilisés
en interne par les grandes banques. Il faut garder à l’esprit que les régulateurs sont toujours
soumis à un dilemme fondamental : soit ils refusent d’être influencés par les pratiques de
l’industrie qu’ils régulent et ils risquent de ne pas avoir accès à suffisamment d’information et
même d’être accusés d’incompétence ; soit ils s’inspirent étroitement de ces pratiques et ils
risquent d’être capturés par l’industrie qu’ils sont chargés de réguler. Dans le cas de Bâle II,
c’est sans doute en janvier 2001 (avec le deuxième document de consultation ou CP2) que le
balancier bascule définitivement du côté de la capture du régulateur.

2.2.1- L’approche IRB (Internal Ratings Based)

Le point de vue des banques, exprimé plus ou moins ouvertement, était que le comité de Bâle
n’avait pas la compétence suffisante pour élaborer de lui-même un système de réglementation
prudentielle du risque de crédit, et qu’il lui fallait donc s’appuyer sur les modèles développés
en interne par les grandes banques internationales. De fait, Bâle II est beaucoup plus complexe
que Bâle I, avec notamment l’introduction de trois “piliers”.

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Le ratio de capital minimum ou pilier 1 est ainsi complété par un rôle plus important donné au
superviseur (pilier 2) et des exigences de transparence beaucoup plus rigoureuses (pilier
3), permettant l’exercice d’une certaine discipline de marché, en complément de la discipline
réglementaire. Toutefois l’essentiel du changement apporté par Bâle II concerne le pilier 1. Le
calcul des exigences en capital est désormais obtenu par la somme de trois termes, liés
respectivement au risque de crédit, au risque de marché et au risque opérationnel. La
méthodologie générale est celle de la Value at Risk, estimée sur données historiques. En
d’autres termes, le régulateur cherche à estimer, pour chaque risque, le montant de fonds
propres permettant de couvrir les pertes de la banque sur un certain horizon (un an pour le risque
de crédit) avec une certaine probabilité (99,9 % pour le risque de crédit), en supposant que les
conditions futures seront similaires aux conditions passées (hypothèse de stationnarité de
l’environnement). Il s’agit là d’une vision statique et très “ingénieur” du risque de défaut
bancaire (analogue à la méthode permettant de déterminer quelle épaisseur minimale de béton
il faut imposer pour que la probabilité d’effondrement d’un pont soit suffisamment faible). Cette
approche ne prend pas en compte les aspects dynamiques de la vie de l’établissement bancaire,
qui cherche en permanence à renouveler ses placements et ses refinancements8. Par ailleurs,
elle néglige le fait que les risques financiers ne sont pas exogènes mais découlent des
comportements des agents économiques. Par conséquent les distributions statistiques des
rendements bancaires et financiers ne sont pas stationnaires, mais dépendent de façon cruciale
de l’environnement économique et réglementaire, ainsi que des incitations individuelles des
nombreux agents économiques qui participent aux différents processus de l’intermédiation
financière. On peut considérer que l’innovation principale contenue dans Bâle II a été la
validation, pour la mesure du risque de crédit, de l’approche dite Internal Risk Based (IRB), qui
s’appuie sur un modèle théorique appelé Asymptotic Single Risk Factor (ASRF). En alternative
à l’approche standard, dans laquelle le régulateur impose directement les pondérations censées
mesurer le risque de crédit des différents actifs de la banque (un raffinement des pondérations
de Bâle I), le comité de Bâle offre, aux banques qui le souhaitent, la possibilité d’utiliser leurs
propres modèles internes (sous réserves d’une validation par le régulateur). Le régulateur
calcule les pondérations sur la base d’une formule mathématique très complexe que je ne peux
résister au plaisir de citer textuellement :

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Dans cette formule, K désigne le poids qui permettra de calculer l’exigence en capital,

est la fonction cumulative de la loi normale centrée réduite, LGD est la perte en cas de défaut,
est la fonction quantile de la loi normale centrée réduite, R la corrélation entre le portefeuille
de prêts et le facteur de risque macroéconomique, et enfin PD désigne la probabilité de défaut.
Les modèles internes de la banque sont alors utilisés pour alimenter cette formule réglementaire,
et estimer PD dans le cas “IRB-Foundation” (le régulateur estimant alors lui-même les autres
paramètres) ou l’ensemble des paramètres PD, LGD et R dans le cas “IRB-Advanced”.
La complète explicitation de cette formule, qui est ensuite déclinée pour plusieurs catégories
d’emprunteurs (Etats souverains, banques, entreprises…) et corrigée pour tenir compte de
plusieurs autres facteurs (maturité effective, petites et moyennes entreprises…) nous permet
d’illustrer notre principale critique. La formule réglementaire ci-dessus est beaucoup trop
complexe pour permettre à quelqu’un d’extérieur à la relation banque-superviseur de juger si le
superviseur a bien fait son travail. Elle est une fonction complexe de nombreux paramètres
pratiquement impossibles à estimer de façon externe. Elle donne donc, de fait, une très grande
discrétion au superviseur pour appliquer, de façon plus ou moins stricte, les critères prudentiels.
Un des objectifs initiaux du processus de Bâle (supprimer les distorsions de concurrence entre
banques de différents pays en restreignant la discrétion laissée aux superviseurs nationaux)
devient donc inatteignable.

En même temps, aussi compliqué soit-il, le dispositif réglementaire de Bâle II est infiniment
trop fruste pour permettre une évaluation correcte du risque de faillite d’une banque. De fait, la
gestion des risques au sein d’un grand établissement financier procède d’un ensemble
extrêmement complexe de méthodes plus ou moins formalisables (stress-testing, analyse de
scenarios, risk mapping…) qui permet à la direction générale de ces grands établissements de
prendre des risques calculés dans l’intérêt de leurs actionnaires. Le Risk Management moderne
est plus un art qu’une science : un modèle mathématique très sophistiqué qui ne capture que
certains risques sera toujours moins utile qu’un ensemble de méthodes pragmatiques qui prend
en compte l’ensemble des expositions au risque de l’établissement. Dans le cas de Northern
Rock par exemple, il aurait beaucoup mieux valu tenir compte du risque de liquidité que de
tenter d’évaluer précisément le risque de crédit par le modèle ASRF.

27 | P a g e
Au fond, l’erreur fondamentale du comité de Bâle résulte de deux confusions profondes :

- Une première confusion porte sur les objectifs de la réglementation prudentielle et de la


supervision bancaire. Alors que les dirigeants des grandes banques (comme des autres sociétés
privées) ont pour mission de prendre des risques calculés pour maximiser la richesse de leurs
actionnaires, les superviseurs bancaires ont une mission de nature très différente, à savoir
détecter dès que possible les établissements “déviants” (qui mettent en danger les avoirs de
leurs déposants ou la stabilité du système financier), et de leur imposer des mesures correctives.
Il ne faut surtout pas que les superviseurs bancaires se mêlent de la gestion quotidienne des
établissements qui vont bien. À contrario, il est indispensable que ces mêmes superviseurs
interviennent de façon coercitive dès qu’ils détectent un comportement problématique chez
un établissement en difficulté. Le rôle des ratios prudentiels doit donc être fondamentalement
révisé : il ne s’agit pas de proposer ou d’imposer un mode de gestion des risques bancaires (ce
que le régulateur n’est pas en mesure de faire), mais plutôt de fournir des indicateurs simples
(dans l’esprit des “early warning systems”) permettant de spécifier les conditions d’intervention
des superviseurs dans la gestion des établissements en difficulté. Comme nous le montrons
plus loin, cette philosophie s’inspire de la notion de Prompt Corrective Action définie par les
régulateurs américains dans le Federal Deposit Insurance Improvement Act (FDICIA) de 1991.
- La seconde confusion du comité de Bâle porte sur le statut des modèles mathématiques
en finance et en économie. Contrairement à ceux utilisés en sciences physiques, les modèles
utilisés en finance n’ont qu’une faible vocation prédictive (seulement à très court terme) et ne
sont là que pour clarifier notre compréhension qualitative des phénomènes extrêmement
complexes mis en jeu sur les marchés. En particulier, ils ne sont pas robustes dans le long terme,
et sont soumis à des fréquents “changements de régime” chaque fois que l’environnement
économique ou réglementaire change, ou que les anticipations et les comportements des agents
économiques se modifient, parfois de façon difficile à expliquer.

Jugés trop frustes, les accords de Bâle I sont révisés en 2003 par les accords de Bâle 2 qui
insistent sur les procédures de contrôles internes des banques et la disciplines exercée par le
marché. Ces accords sont entrés en application à partir de 2007, où ils sont considérés comme
mort-nés faute de la crise des subprimes (Lacoste, 2015 P172). Ces accords se basent sur 3
piliers à savoir : les fonds propres, la transparence et la surveillance prudentielle.

28 | P a g e
2.2.1- Pilier 1 : Les exigences de fonds propres

Les banques doivent être capables de couvrir leurs risques. Le ratio Cooke, devient alors le ratio
Mc Donough (du nom de William J. Mc Donough, président en exercice du Comité de Bâle au
moment de ces accords).Ce ratio est plus affiné que son prédécesseur car en plus du risque de
crédit, il tient compte du risque opérationnel (risque de perte liée à une défaillance des
procédures internes ou externes d’un établissement financier. Ex : erreurs du personnel, risque
technologique) et du risque de marché (risque de perte suite à des variations de prix sur le
marché). Ainsi, les fonds propres de la banque doivent toujours être supérieurs à 8% du risque
de crédit où on va inclure en plus les risques opérationnels et risques de marché.

On peut au final retenir ce calcul : Fonds propres / (Risque de crédit + Risque opérationnel +
Risque de marché) = 8%.

2.2.2- Pilier 2 : La surveillance prudentielle

L’établissement d’un processus de surveillance prudentielle dans les textes Bâlois est un outil
de complément au pilier 1. D’une part, le Comité de Bâle demande aux banques de procéder à
une meilleure surveillance interne de leurs risques. En effet, les banques doivent mettre en place
un dispositif permettant d’évaluer l’adéquation de leur capital économique à leur profil de
risques et maintenir en permanence le niveau de capital jugé approprié. Cette analyse de risque
prend en compte l’ensemble de ses risques y compris ceux couverts par les fonds propres.
D’autre part, le comité de Bâle, demande à chaque banque de nommer un contrôleur bancaire
de sa propre analyse de gestion de risque en vue d’adopter son action prudentielle, que ce soit
via des fonds propres supérieurs aux exigences minimales ou toute autre technique appropriée.
Les superviseurs doivent, cependant exercer une surveillance préventive, en intervenant
suffisamment en amont pour éviter que les fonds propres des établissements deviennent
inférieurs aux minimas exigés. Ainsi, les autorités de contrôle peuvent intervenir si elles
constatent que le niveau des fonds propres n’est pas respecté.

2.2.3- Pilier 3 : La transparence et la discipline de marché

La discipline de marché consiste à proposer aux établissements financiers à de manière de gérer


de façon saine et prudente leurs risques. Cette discipline constitue un réel complément au
premier pilier définissant les exigences en fonds propres. L’utilité de ce deuxième pilier, permet
d’améliorer la transparence dans le système financière de façon progressive.

29 | P a g e
Il définit comment les banques doivent communiquer les informations nécessaires pour
permettre aux tiers d’apprécier l’adéquation de leurs fonds. La transparence financière doit
s’appliquer à la structure des fonds propres, à l’exposition aux risques et à l’adéquation entre
les fonds propres et le profil de risque de chaque établissement de crédit. Les banques doivent
donc s’assurer de disposer de fonds propres suffisant au regard des risques encourus. Elles sont
également tenues de rendre public un certain nombre de documents pour être dans les normes.
Ces documents doivent être liés aux calculs des fonds propres et l’exposition aux risques, ainsi
que les documents sur les méthodes de valorisation de leurs actifs.

Le pilier 3 est un véritable outil de diffusion des informations permettant la connaissance de la


situation des banques ou établissements de crédit, tout comme les normes IFRS facilitent la
lecture comptable de leurs situations. La communication autour de ce pilier devrait être claire
et devrait servir d’élément additif aux normes comptables. Le pilier 3 de Bâle II qui affecte
directement la communication financière externe de l’établissement de crédit est soumise à des
règles de transparence quant à sa stratégie de risque à l’égard des autres acteurs du marché. La
transparence permettra la diffusion équitable des informations tant du côté des emprunteurs
(ménages, entreprises et investisseurs) et que côté du prêteur (banques) sur le marché financier.
Ainsi, cela réduirait le problème d’asymétrie d’information qui nuit à l’activité des banques
dans le système financier. De même la communication financière de l’établissement devient
alors une véritable stratégie de l’industrie bancaire.

Il faut noter cependant que les seconds accords de Bâle, bien qu’ils soient plus stricts que ceux
de Bâle I, ils présentent des insuffisances. Les insuffisances de Bâle II sont : absence de prise
en compte du risque de liquidité, absence de prise en compte du risque de modèle, mauvais
choix des critères réglementaires et enfin absence de prise en compte de l’opacité de certains
instruments financiers.

30 | P a g e
Tableau 1: Comparaison entre les accords de Bâle I et Bâle II

Ratio de Cooke (Bâle I) Mc Donough (Bâle II)


Périmètre de Calcul du besoin en fonds - Calcul de besoin en fonds
contrôle propres propres
- Contrôle du processus interne
- Transparence financière
Périmètre de risque Risque de crédit+risque de Risque de crédit + risque de marché
marché + risque opérationnel
Mesure de risque Pondération forfaitaire Pondération forfaitaire ou méthode
de calcul interne
Spécifique/Précision 3 grandes catégories d’actifs Catégories d’actifs plus fine
Flexibilité Une seule approche possible 3 approches possibles pour le risque
de crédit et le risque opérationnel
Source : BRI, les accords de Bâle II le secteur bancaire

Bâle II a quasiment constitué une rupture épistémologique par rapport à l’accord de Bâle I en
substituant une réglementation contraignante et simple par une approche ouverte constituée de
menus alternatifs et reposant sur le jugement qualitatif des instances nationales
déréglementation. L’évolution de ce contexte réglementaire pourrait renforcer la compétition
interbancaire et accentuer les désavantages des banques commerciales par rapport aux marchés
financiers (Garba, 2016).

II- LES LIMITES DE BALE II ET LES ACCORDS DE BÂLE III

La gestion de la stabilité financière est devenue une priorité au sein des banques centrales au
lendemain de crise « subprime » de 2007-2009. L’environnement bancaire devient très instable
et vulnérable face aux différentes fluctuations de la sphère monétaire et activité des banques.
Assurer la stabilité financière est une condition nécessaire au bon fonctionnement de
l’économie. Pour éviter les crises, les mesures adéquates doivent être prises en amont dans un
objectif de prévention. Il s’agit de limiter les risques et de renforcer la résilience du système
financier lorsqu’il est encore temps. La gestion de la stabilité financière se fait en assurant d’une
part la solidité des institutions pris individuellement (politique microprudendentielle) et d’autre
part vise à prévenir le risque systémique en ciblant le système financier dans son ensemble
(politique macroprudentielle) (Benani et al, 2014).

31 | P a g e
2.1- Les limites de Bâle II

2.1.1- Incapacité à contrôler le risque individuel de faillite bancaire

Les justifications de la réglementation prudentielle bancaire sont de deux ordres : la protection


des petits déposants contre le risque de faillite de leur banque (ce que l’on appelle la
réglementation micro-prudentielle) et la protection du système bancaire dans son ensemble
contre le risque d’une crise généralisée (ce que l’on appelle la réglementation macro-
prudentielle). Il se trouve que, malgré la prise de conscience croissante de ce risque systémique
(voir par exemple Borio (2003) et Rochet (2004)), le dispositif prudentiel bâlois est encore très
largement centré autour des seules préoccupations micro-prudentielles : comment limiter la
probabilité de faillite de chaque banque à un niveau jugé acceptable ? Nous montrons plus loin
les dangers de se limiter à cette approche individuelle. Dans cette partie, nous suggérons que
de toute façon le dispositif prudentiel bâlois était très largement inadapté au contrôle du risque
individuel de faillite bancaire.

Ceci provient largement d’une confusion des genres commise par le comité de Bâle. Vertement
critiqué pour la façon sommaire dont il avait pris en compte le risque de crédit dans Bâle I
(impliquant des arbitrages réglementaires permettant aux banques d’exploiter les différences
entre mesures de risque par les régulateurs et par les marchés), le CBCB a essayé d’adopter les
méthodes utilisées par les grandes banques elles-mêmes pour mesurer le risque de crédit.
Comme on l’a vu, le principe de la méthode dite IRB (Internal Ratings Based) consiste à
calculer les exigences en capital (au titre du risque de crédit) au moyen d’une formule
mathématique extrêmement complexe faisant intervenir plusieurs paramètres difficiles à
estimer. Le régulateur utilise cette formule pour calculer les exigences en capital, sur la base de
paramètres fournis partiellement (dans l’approche IRBFondation) ou en totalité (dans
l’approche IRB-Avancée) par les modèles internes de la banque.

Comme nous l’avons déjà suggéré, aussi compliquée soit cette formule, elle ne capture que de
façon très imparfaite le risque de crédit, et néglige complètement le risque d’illiquidité, qui s’est
avéré crucial dans la crise des subprimes. Par ailleurs le dispositif prudentiel bâlois ne prend en
compte le risque de modèle que par l’intermédiaire du pilier 2 (intervention discrétionnaire du
superviseur) c’est-à-dire qu’il donne toute latitude au superviseur pour corriger plus ou moins
sérieusement les imperfections du pilier 1 (ratio de capital minimum).

32 | P a g e
Plutôt que de modifier de façon claire et harmonisée le ratio réglementaire, on délègue à chaque
superviseur le soin de compléter celui-ci par des exigences discrétionnaires. Or c’est tout le
contraire qu’il faudrait faire : adopter un ratio de capital simple, basé sur des paramètres faciles
à observer ou estimer, et enlever toute discrétion au superviseur. Il ne s’agit bien sûr pas de
suspecter ce dernier de malhonnêteté ou d’incompétence. Bien au contraire, il s’agit de protéger
les superviseurs bancaires contre les pressions politiques et les risques de recours judiciaires
par les actionnaires des banques en difficulté, qui pourraient les inciter à ne pas imposer assez
tôt des mesures coercitives permettant de limiter le risque de faillite de ces banques ou tout au
moins le coût social de leur liquidation.

Une autre erreur, commise par le CBCB a été de ne pas reconnaître l’endogénéité des risques
bancaires et financiers : ces risques ne sont pas donnés a priori mais découlent des prises de
décision des nombreux agents économiques qui participent au système bancaire et financier.
Un des principes de base de l’analyse économique (dont une forme particulière est appelée la
“critique de Lucas”) est en effet la nécessité de prendre en compte les changements de
comportements de ces agents économiques, suite aux modifications de leur environnement
économique ou réglementaire. Certains considèrent même qu’une bonne partie de l’innovation
financière s’explique par le désir des établissements de contourner les réglementations
auxquelles ils sont soumis (ce que l’on appelle l’arbitrage réglementaire).

Une autre illustration du problème de l’objectif des régulateurs bancaires est fournie par
l’adoption du critère de la Value at Risk, qui se préoccupe uniquement de la probabilité de
défaut et ne prend plus en compte les pertes au-delà de ce seuil de défaut. Ce faisant, les
régulateurs ont sans doute encouragé les banques à mettre au point des financements structurés
complexes (comme les retitrisations, c’est-à-dire les titrisations de certaines tranches de CDO)
qui déplaçaient les risques dans les queues de distribution. Or ce critère est approprié pour les
actionnaires d’une banque commerciale, qui sont protégés par la clause de responsabilité
limitée, mais certainement pas pour un régulateur bancaire qui devra compenser les pertes,
quelles que soient leur montant.

Pour terminer, mentionnons brièvement une autre erreur du CBCB, celle-là très largement
commentée dans la presse, qui a été de sous-estimer la complexité des produits financiers
structurés et corrélativement de sous-traiter aux agences de notation le contrôle et l’évaluation
de ces nouveaux instruments.

33 | P a g e
Nous développerons plus loin les avantages que l’on peut trouver à la discipline de marché
c’est-à-dire à l’utilisation, par les superviseurs bancaires, de mesures de risques fournies par les
marchés, soit directement (par exemple les notations), soit indirectement (par exemple les
spreads de défaut, c’est-à-dire les écarts entre les taux exigés par le marché pour prêter
à une certaine banque et les taux des emprunts d’Etat de même maturité). Malheureusement on
ne peut pas toujours se fier au marché. Les signaux fournis par le marché peuvent être
trompeurs, soit en cas de conflits d’intérêt entre ceux qui fournissent ces signaux (les agences
de notations) et ceux qui les utilisent (les investisseurs), soit en cas de crise systémique, lorsque
les prix de marché ne révèlent plus les valeurs fondamentales des titres mais sont exclusivement
liés à la liquidité disponible à un instant donné pour acheter ces titres.

2.1.2- Incapacité à anticiper le risque systémique

La définition même du risque systémique varie d’un auteur à l’autre. L’acception que je retiens
ici est la plus large possible : elle recouvre tous les évènements pouvant mettre en péril la
stabilité du système bancaire et financier. Ces évènements peuvent être des chocs
macroéconomiques qui affectent simultanément l’ensemble des établissements ou bien des
situations de contagion dans lesquelles le défaut d’un établissement est susceptible de se
propager à un groupe significatif d’autres banques ou bien de mettre en péril un élément de
l’infrastructure bancaire et financière identifié comme “vital” et que les pouvoirs publics
s’engagent à protéger en toutes circonstances.

La réglementation prudentielle doit donc explicitement prévoir des dispositions liées à ces
considérations à la fois systémiques et macroprudentielles. Elle doit précisément être vue
comme la contrepartie de cet engagement de l’Etat, et viser à limiter la probabilité et le coût
d’interventions futures de l’Etat dans de telles circonstances.

Cette notion de “risque systémique” est officiellement une préoccupation constante des
superviseurs bancaires, mais, jusqu’à juillet 2007, on n’avait jamais vu ce risque se matérialiser,
en tout cas au niveau international. Certains commentateurs considéraient même cette notion
comme un prétexte utilisé par les autorités publiques pour organiser le sauvetage d’un
établissement financier (par exemple LTCM) quand ils l’avaient décidé pour des raisons
politiques ou de connivence. Après tout, même si plus des deux tiers des pays du globe avaient
connu des crises bancaires au cours des 20 dernières années du XXème siècle, le système
bancaire et financier international n’avait jamais connu de dérèglement profond et généralisé
comme celui que la crise des subprimes a provoqué.

34 | P a g e
Peut-être ne doit-on donc pas s’étonner que le système prudentiel bâlois soit entièrement
dépourvu de dispositions concrètes visant à prévenir une telle crise systémique. Comme nous
l’avons vu, il s’articule très largement autour du concept de Value at Risk, c’est-à- dire le niveau
de capital suffisant pour limiter la probabilité de faillite d’une banque individuelle à un seuil
déterminé à l’avance. Par exemple, les exigences en capital au titre du risque de crédit sont
censées couvrir ce risque avec une probabilité 99,9 % sur un horizon d’un an, ce qui devrait
correspondre à une fréquence de faillite d’une fois tous les mille ans. Le nombre impressionnant
de banques ayant connu de graves difficultés depuis juillet 2007 montre bien que les risques
bancaires étaient largement sous-estimés par le dispositif prudentiel bâlois. Même si très peu
de banques ont effectivement fait faillite depuis le début de la crise, ceci est entièrement dû au
soutien quasi inconditionnel dont elles ont bénéficié de la part de leurs gouvernements
respectifs.

L’incapacité des régulateurs bâlois à anticiper le risque systémique s’explique par de


nombreuses raisons :

- Comme nous l’avons vu, la plupart des établissements en difficulté étaient bien
capitalisés mais étaient exposés à un risque d’illiquidité important. En période normale, un
établissement dont la solvabilité n’est pas en question trouve facilement un financement de
court terme. Comme on l’a constaté, ce n’est plus le cas lors d’une crise systémique, car les
marchés interbancaires et monétaires cessent alors de fonctionner.
- Une crise systémique est par définition un évènement rare, pour lequel les modèles
statistiques élaborés sur la base de données correspondant aux périodes “normales” ne sont pas
adaptés : par exemple, on sait maintenant que les corrélations entre actifs financiers augmentent
de façon considérable lors des périodes de crise.
- De même, les modèles utilisés par les régulateurs (dont le fameux ASRF appliqué au
risque de crédit) font souvent des hypothèses de normalité inadaptées aux évènements extrêmes,
même pour le risque de marché. À titre d’illustration Danielson (2002) recense 30 évènements
extrêmes où l’écart de rendement journalier de l’indice boursier SP500 (par rapport à sa
moyenne) a dépassé 5 écarts types entre 1929 et 2003. Sous l’hypothèse de normalité, un tel
évènement ne devrait arriver qu’une fois tous les 10000 ans !
- D’une façon générale, on ne dispose pas de suffisamment de données pour calibrer de
façon sérieuse certains éléments du dispositif bâlois. Par exemple, Rebonato (2007) critique
l’utilisation d’un quantile à 99,9 % sur un horizon d’un an pour le risque opérationnel.

35 | P a g e
Même en agrégeant toutes les données disponibles pour l’ensemble des grandes banques, on
n’arrivera jamais à une estimation correcte d’un évènement qui est susceptible en théorie de
ne toucher chaque banque qu’une fois tous les 1000 ans.

Enfin la critique la plus sérieuse que l’on peut faire au dispositif de Bâle concernant la
prévention et la gestion du risque systémique, c’est qu’il se focalise sur les banques
individuelles et ne se préoccupe en rien de la stabilité du système financier dans son ensemble.
Or, comme la crise l’a montré, la plupart des sauvetages de banques financés par les fonds
publics ont été rationalisés a posteriori, non pas par le désir de protéger les petits déposants de
ces banques (les banques d’investissement US n’en avaient pas et les dépôts des banques
commerciales étaient assurés16) mais bien par le souhait de préserver l’intégrité du système
financier dans son ensemble.

2.1.3- Incapacité à gérer l’innovation financière

Pour utiliser une métaphore un peu simpliste mais assez parlante, on peut considérer la crise
financière actuelle comme le “Tchernobyl” de la titrisation. L’utilisation, dans des conditions
mal maîtrisées, d’une technologie relativement nouvelle, a dans les deux cas conduit à une
catastrophe majeure. Il existe une certaine similarité entre les deux scénarios de crise. De même
que la technologie nucléaire permet de produire beaucoup plus d’électricité que dans une
centrale classique, et ceci avec beaucoup moins de combustible, la titrisation de ses créances
permet à une banque de fournir beaucoup plus de crédits à l’économie avec beaucoup moins de
capital17. Dans une certaine mesure, la crise actuelle a son origine dans le fait que les
“ingénieurs” financiers chargés de la mise en place des produits financiers structurés
étaient essentiellement rémunérés en proportion de leur volume d’activité, sans la moindre prise
en compte du niveau des risques qu’ils faisaient subir au système financier. Imaginons ce qui
se passerait si les ingénieurs chargés de la gestion d’une centrale nucléaire étaient rémunérés
exclusivement en proportion de la quantité d’électricité produite, sans la moindre prise en
compte des mesures de prévention des risques nucléaires !

De même que la production d’électricité nucléaire, la titrisation avait bien fonctionné pendant
une vingtaine d’années (mais avec des mesures de prévention des risques beaucoup plus
sérieuses) avant de conduire à la catastrophe que nous connaissons avec les subprimes. Cette
catastrophe était sans doute inéluctable, compte tenu de l’emballement du système financier.
Faut-il désormais bannir la titrisation, de même que certains préconisent de bannir la
technologie nucléaire ?

36 | P a g e
C’est sans doute une décision politique, pour laquelle les économistes ne peuvent qu’aider à
estimer les coûts et les bénéfices. Dans tous les cas, il faudra bien autoriser les banques à utiliser
certaines techniques de transfert de risque, à moins d’être prêt à réduire considérablement et
durablement l’offre de crédit à l’économie.

Quelle que soit la décision prise par les pouvoirs publics sur la titrisation, le flot de l’innovation
financière ne se tarira pas de sitôt. Or, la crise a bien montré que le mécanisme actuel de gestion
de cette innovation par nos sociétés était très largement inefficace. En autorisant les
établissements financiers réglementés à expérimenter leurs nouvelles techniques au cœur même
des infrastructures “vitales” du système financier, on s’expose à renouveler ce cycle infernal
innovation/engouement/ panique/sur-régulation. Dans la troisième partie de cet article, je
suggère des pistes permettant de sortir de ce cycle infernal.

2.1.4- La procyclicité du système financier

La crise des subprimes est une parfaite illustration de la “procyclicité” des systèmes financiers,
c’est-à-dire de leur propension à amplifier les chocs réels subis par l’économie. Des pertes
relativement modérées sur un segment particulier du marché du crédit US en juillet 2007 ont
ainsi provoqué une grave crise de confiance sur les marchés bancaires et financiers mondiaux,
réduisant de façon dramatique la capacité de ces marchés à fournir du crédit aux ménages et
aux entreprises. Ce phénomène n’est en rien spécifique à la crise actuelle. L’histoire financière
abonde d’exemples de telles crises financières, caractérisées par une succession de périodes
d’expansion du crédit, nourries par un optimisme “exubérant” des investisseurs, suivies par des
épisodes de contraction du crédit, déclenchées par des chocs négatifs relativement mineurs,
mais engendrant des réductions importantes de l’activité économique.

D’une façon générale, les imperfections du système financier (marchés incomplets, coûts de
transaction) empêchent les agents économiques de s’assurer parfaitement contre les chocs réels
auxquels ils sont soumis. De plus, ces chocs réels engendrent des fluctuations de la capacité des
intermédiaires financiers (banques et compagnies d’assurance) ce qui en retour amplifie les
chocs initiaux. C’est ainsi que les banques ont souvent tendance à trop prêter pendant les
périodes d’expansion et pas assez pendant les récessions.

Les pouvoirs publics disposent d’une certaine marge de manœuvre dans la réduction de
l’amplitude de ces fluctuations. En adoptant des politiques fiscales anti-cycliques les
gouvernements peuvent contribuer à stabiliser l’activité économique.

37 | P a g e
La politique monétaire peut, elle aussi, agir dans ce sens : dans le mandat de certaines banques
centrales, comme la Réserve Fédérale américaine, figure en effet, à côté de l’objectif classique
de stabilité des prix, celui de maintenir un niveau d’emploi et d’activité économique
soutenables.

Cependant, il est communément admis que les pouvoirs publics doivent également veiller à
maintenir la stabilité du système financier : c’est par exemple une des autres
missions de la Réserve Fédérale américaine et de nombreuses autres banques centrales.
Préserver la stabilité financière est, comme on l’a vu, l’une des justifications principales des
réglementations prudentielles telles qu’un ratio de solvabilité bancaire. Or un tel ratio, s’il est
contraignant, a nécessairement des effets procycliques : les banques subissent davantage de
pertes sur leurs crédits pendant les phases basses du cycle économique, ce qui réduit leurs fonds
propres (le numérateur du ratio de solvabilité). Si elles ne disposent pas de fonds propres en sus
du minimum réglementaire, elles sont obligées de réduire le volume de leurs crédits. Ainsi Bâle
I était déjà procyclique et avait de fait été accusé de provoquer une contraction du crédit lors de
sa mise en œuvre en 1988.

2.2- Les accords de Bâle III, ses controverses et limites

Face aux insuffisances des accords de Bâle I et II qui ont causé la crise des « subprimes » de
2007 à 2009, les nouveaux dispositifs ont été envisagés par le comité de Bâle, dénommés Bâle
III. Afin de prendre en compte les limites de Bâle III et les risques systémiques dans le système
financier, le comité de Bâle a décidé d’aller au-delà d’une simple approche microprudentielle
c’est-à-dire macroprudentielle.

2.2.1- Les accords de Bâle III

Bâle III, publié en 2010, réforme plus profondément les méthodes de contrôle de risque. Les
accords de Bâle III, inspiré des leçons tirées de la crise des subprimes doit prendre en compte
du risque de liquidité (jusque-là non évoqué) et la solvabilité. Globalement, selon la Banque
des Règlements Internationaux (BRI) « Bâle III est un ensemble de mesures nouvelles, que le
comité de Bâle sur le control bancaire a élaboré pour renforcer la réglementation, le control et
la gestion des risques dans le secteur bancaire. Ces mesures ont pour objet : d’améliorer la
capacité du secteur bancaire à absorber les chocs résultant des tensions financières et
économiques, qu’elle qu’en soit la source ; d'améliorer la gestion des risques et la gouvernance;
de renforcer la transparence et la communication des banques.
38 | P a g e
Elles visent: la réglementation au niveau des banques, dite microprudentielle, qui contribuera à
renforcer la résilience des établissements bancaires en périodes de tensions; les risques
systémiques, macroprudentiels, susceptibles de s'accumuler dans le secteur bancaire, et leur
amplification procyclique dans le temps. Ces deux approches à l'égard du contrôle bancaire sont
complémentaires, uneplus grande résilience des établissements réduisant le risque de chocs
d'ampleur systémique » (Source : BIS.org). Les accords de Bâle III prévoient notamment
un renforcement du niveau et de la qualité des fonds propres bancaires ainsi qu’une gestion
plus stricte des risques de liquidité. Pour garantir une meilleure stabilité, ces accords renforcent
plusieurs points, à savoir :

2.2.1.1- Les fonds propres réglementaires

Le niveau des fonds propres requis a été renforcé, imposant ainsi aux banques de réduire leur
total de bilan ou d’augmenter leur capital. Ce niveau de fonds propres est crucial puisqu’il
garantit la solvabilité des banques face aux pertes qu’elles pourraient endosser (Lacoste 2015).
Ce ratio de solvabilité a été porté à 10,5 % contre 8 % auparavant dans les accords de Bâle II.

2.2.1.2- L’Effet de Levier

Cet effet mesure le rapport entre le total des actifs et les fonds propres de la banque. S’il est
trop important et que la valeur des actifs s’effondre, comme ce fut le cas durant la crise
financière de 2008, les banques peuvent être tentées de les brader, ce qui accentue la spirale des
pertes. Afin de les dissuader d’accroître leur endettement de façon déraisonnable en pariant sur
des actifs plutôt que de renforcer leurs fonds propres, Bâle III a fixé ce ratio à 3%.

2.2.1.3- La liquidité

Bâle III ne s’occupe pas seulement de la solvabilité. Il introduit aussi les normes de liquidité.
Histoire d’empêcher les banques centrales à inonder les banques en liquidité à bon marchés
(Lacoste, 2015). Ainsi, les banques doivent disposer d’un montant minimal de garanti d’argent
qui doit être immédiatement disponible pour pouvoir couvrir ses arrières en cas de crises
bancaires comme ce fut le cas en 2007. Ce montant minimal est exprimé en Ratio appelé Ratio
de liquidité. Ce Ratio permet d’évaluer la liquidité d’une banque à court ou à long terme.
Un ratio de liquidité insuffisant peut déboucher sur une crise majeure, par exemple si une
banque n’a pas assez de dépôts pour faire face à des retraits d’argent massifs (bank run) pendant
les temps de crise.

39 | P a g e
Ce ratio est donc subdivisé en Ratio de liquidité à court terme (LCR, Liquidity Coverage Ratio)
et le Ratio de liquidité à long terme (NSFR, Net Stable Fun ding Ratio).

- Ratio de liquidité à Court terme : Il impose aux banques de détenir suffisamment


d'actifs liquides de haute qualité pour résister à une pénurie de financement de 30 jours,
sur la base d'un scénario défini par les responsables prudentiels.

Il prévoit que les réserves de liquidités des banques soient supérieures aux sorties nettes de
trésoreries sur un mois.

- Ratio de liquidité à Long terme : Avec son ratio structurel de liquidités à long terme
(NSFR, Net Stable Fun ding Ratio) Bâle III prévoit également que les banques soient
capables d’exercer leurs activités dans un contexte de tensions prolongées à concurrence
d’un an. Ce NSFR établit un rapport entre les financements stables disponibles et les
besoins de financement stables. Il doit être supérieur à 100%.

2.2.2- Les controverses et limites des accords de Bâle III

Les accords de Bâle III sont contestés par les banques, aux motifs que ces nouveaux standards
pénalisent le financement de l’économie à travers l’investissement et la croissance. Toutefois,
demander aux banques d’avoir davantage plus de capital qu’auparavant pour un volume de prêt
octroyé, cela signifie qu’apriori, pour un volume de capital donné, elles devront prêter moins.
Et cela leur coutera plus cher si elles veulent conserver le même bénéfice et donc le même
rendement de leur capital. Cette contestation est beaucoup observée en Europe, car les ratios de
levier sont pénalisant et est de 7% des financements bancaires alors qu’aux États-Unis il est de
30% des financements bancaires. Par ailleurs, cette réglementation dite microprudentielle ne
prend pas en compte tous les acteurs du système économique. Les dispositifs Bâlois (I, II et III)
concernent uniquement les banques. Ces dispositifs pour leur application, sont traduits en droit
communautaire sous l’appellation de « fonds propres réglementaires » ou souvent appelé CRD
(Capital Requirement Directives) (Lacoste, 2015). De même, ces dispositifs ne s’appliquent pas
aux fonds d’investissement et autres hedge funds.

40 | P a g e
CHAPITRE 4 : LA REGELEMNATION MACROPRUDENTIELLE
Selon certains économistes notamment Aglietta (2005), la surveillance microprudentielle, mise
en place par le comité de Bâle, ne suffit pas pour empêcher qu’une crise bancaire survienne. Il
faut voir plutôt une approche macroprudentielle de la réglementation. Cette approche consistera
à saisir la dynamique du système financier et du crédit au niveau macroéconomique et en
détecter les dérivés puis d’en freiner l’expansion par des instruments adaptés.

I- DEFINITION ET BASES DE LA REGLEMENTATION


MACROPRUDENTIELLE

1.1- Définition

L’approche macro prudentielle nous renvoie à une vision macroéconomique de la supervision


du système financier, à l’interaction entre le système financier et l’économie réelle et aux
interdépendances qui unissent les composantes du système financier en vue de réduire le risque
systémique. D’où la politique macroprudentielle est une politique qui recourt principalement
aux instruments prudentiels (fonds propres, les ratios financiers,…) pour limiter le risque
systémique qui peut avoir de graves répercussions sur l’activité économique. Un risque devient
systémique qu’à partir du moment où le dysfonctionnement du système financier affecte
significativement l’activité économique (Noyer, 2014). La politique macro prudentielle est une
politique préventive, elle prévient un éventuel déséquilibre (crise) du système financier et
applique des stratégies pour éviter une crise financière. Sa force réside dans son caractère
préventif. Elle ne doit pas seulement prévenir mais être résilient et capable d’absorber les chocs.

1.2- Bases de la réglementation macroprudentielle

L’utilisation du terme macroprudentiel s’est répandue depuis les années 1980 pour souligner
l’insuffisance de la régulation microprudentielle qui préexistait à assurer la résilience du
système financier (Banque de France, 2013). La régulation microprudentielle (Bâle I et II) est
une régulation visant à assurer la solvabilité des institutions bancaires pris isolement. Elle ne
prend pas en compte le risque systémique issu des effets de contagion pouvant apparaître entre
les banques connectées et qui a potentiellement des conséquences néfastes sur le système
financier en cas de choc négatif. Ainsi pour pallier aux insuffisances de la réglementation
microprudentielle à cause de la crise des « subprime » de 2007-2009, une dimension
macroprudentielle de la réglementation des banques a vu le jour.

41 | P a g e
L’organisme chargé de la régulation bancaire internationale est le Comité de Bâle qui se
compose de hauts représentants des autorités de contrôle et des banques centrales, et œuvre à
l’amélioration et à l’harmonisation des réglementations bancaires assurant la solvabilité des
institutions. Les premiers volets de la régulation, Bâle I et II, s’étaient attachés à assurer la
stabilité des banques au niveau individuel, à travers des ratios de fonds propres (ratio Cooke et
Mc Donough). Au sortir de la crise, le Comité a proposé une nouvelle avancée de la régulation
bancaire venant pallier les manquements des étapes précédentes : C’est l’accord de Bâle III.
Cet accord vient renforce les contraintes microprudentielles en capital, liquidité et levier et
comporte également une dimension macroprudentielle. Cette vision élargie de la surveillance
bancaire se matérialise par un certain nombre de dispositions, parmi lesquelles l’introduction
de différents volants de fonds propres (augmentation de la qualité et du niveau des fonds propres
de base, à laquelle s’ajoute un volant de conservation des fonds propres, un volant
contracyclique et un volant spécifique pour les banques systémiques). Elle renforce fortement
la gestion, la surveillance et la couverture des risques que doivent respecter les banques, et elle
enrichit le dispositif prudentiel à travers des exigences de liquidité et l’introduction envisagée
à moyen terme d’un encadrement de l’effet de levier.

II- LES OBJECTIFS ET LES DIFFÉRENTS INSTRUMENTS

2.1- Les objectifs de la réglementation macroprudentielle


L’objectif de la politique macro prudentielle doit être clair et bien défini, le mandat hiérarchique
ou l’objectif final de la politique macro prudentielle doit être la stabilité financière. Celle-ci est
complexe, d’où il faut chercher l’objectif intermédiaire pour stabiliser le système financier.
L’objectif intermédiaire est de limiter le risque systémique et de réduire la probabilité d’une
crise financière. Généralement le risque systémique traité par la politique macro prudentielle se
manifeste dans deux dimensions, il s’agit de la dimension dynamique ou temporelle et de la
dimension transversale. La dimension temporelle vise à contrer le caractère procyclique du
système financier en atténuant les cycles financiers tandis que la dimension transversale vise à
réduire les expositions communes des institutions et à limiter les effets contagions. Ainsi une
analyse bidirectionnelle permet à la réglementation macroprudentielle d’aboutir à ses différents
objectifs. Il s’agit entre autre d’une dimension temporelle et transversale.

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2.1.1- La dimension temporelle

L’analyse de la politique macro prudentielle du risque systémique en dimension temporelle


traite le problème des cycles financiers. Caruana et Cohen (2014) définissent le cycle financier
comme un« phénomène systémique dans lequel la perception de la valeur, du risque et des
contraintes de financement contribue à l’augmentation progressive et à la diminution
(habituellement) plus rapide de la valeur des actifs et du crédit dans tout le système financier
».La politique macro prudentielle doit être contra cyclique. Dans cette dimension, la politique
macro prudentielle contra cyclique peut avoir deux orientations.

2.1.1.1- Renforcer la résilience du système financier

Le système financier doit avoir la capacité de résister aux chocs, que ce soit endogène ou
exogène. La constitution d’un coussin contra cyclique de fonds propres pendant la période
d’expansion pourrait être un volant contra cyclique en période de récession. Ce coussin contra
cyclique est appelée « coussin de fonds propres contra cyclique ».

2.1.1.2- Modérer le cycle du crédit

Nous distinguons généralement trois compartiments des cycles financiers : le crédit, le


logement (immobilier) et les actions (Kose et al. ,2011). Nous nous concentrons plus, sur le
cycle de crédit. L’excès puis le rationnement de crédits ont conduit à la crise financière.
Modérer le cycle des crédits revient à diminuer l’intensité excessive de la croissance du crédit
bancaire, car la croissance excessive de crédit aboutit souvent à une crise financière. Le coussin
de fonds propres contra cyclique peut en elle-même avoir pour effet de restreindre le crédit et
l’envolée du prix des actifs (Caruana et Cohen, 2014). Toutefois la mise en place du coussin de
fonds propres contra cyclique est complexe, il faut qu’on privilégie plus un outil robuste et plus
simple à gérer, comme les réserves obligatoires. Ce coefficient est un outil très ancien dans la
régulation du système financier et il est bien maitrisé par les Banques centrales (Agénor, 2015).

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2.2.2- La dimension transversale

L’analyse de la politique macro prudentielle de risque systémique en dimension transversale


traite sur les interconnexions et les interdépendances entre les institutions financières. Ces
institutions s’exposent à un risque commun qui devient donc systémique. Ces institutions
s’exposent à ce risque parce qu’elles sont liées, par un marché monétaire où elles se prêtent le
jour le jour. Une institution d’importance systémique, c’est-à-dire son risque peut se transmettre
à un risque du système financier dans son ensemble. C’était le cas des États-Unis en 2008 avec
Lehman Brothers qui était une grande banque d’importance systémique.

Sa faillite a généré une grande crise via un effet contagion et un effet domino sur d’autres
institutions. La contagion peut se transmettre même par les comportements mentaux, la
confiance des clients vis-à-vis des institutions, c’est ce que nous appelons« le risque mental ».
Supposons qu’il y a une faillite dans l’une des institutions, les clients des autres institutions
peuvent se dire en eux-mêmes que, si celle-là est en faillite, les nôtres peuvent aussi l’être, d’où
les comportements confiants des clients à l’égard de leurs banques se détériorent et peuvent
résulter par un retrait massif des dépôts (run) ou par une grande aversion au risque. Cette
contagion, nous l’appelons risque mental ou contagion mentale, qui se traduit par un risque
systémique.

Aussi, l’aspect transversal, c’est-à-dire, le risque entre institutions à un moment donné, appelle
à une meilleure prise en compte du poids des expositions croisées entre établissements
bancaires ou financiers. Il souligne également la possibilité pour les institutions de faire défaut
à la fois, en raison de leur exposition commune à des facteurs de chocs exogènes. Le caractère
dynamique de l’agrégation du risque dans le temps appelle à résoudre le caractère procyclique
du système financier. On recense trois principales externalités des facteurs de risque
systémique, nécessitant une régulation idoine :

 celle liée aux stratégies mimétiques, c’est-à-dire la création de fragilité liée à des prises
de risques semblables par les banques;
 celle liée à une liquidation d’actifs en catastrophe durant la phase de contraction du
cycle financier, la détérioration du prix des actifs subséquente ayant un
impact sur le bilan des banques ;
 celle liée à l’interconnexion, i.e. la propagation du stress financier à travers les
interdépendances contractuelles des banques, un choc négatif se transmettant dès lors
qu’une banque peut faire défaut sur ses obligations vis-à-vis d’une autre.

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Pour une surveillance dans cette dimension, les contrôleurs doivent collecter des données des
chaque institutions (et du marché) qui permettent de constituer une base d’informations
communiquées de manière récurrente à chaque semaine et sélectionner les établissements jugés
importants en terme de contribution au risque systémique, sur la base d’un certain nombre de
critères (taille, interconnexions, modèle de financement, etc.). (Caruana, 2009).

Selon Borio, « Il faudrait commencer par mesurer le risque systémique de perte extrême,
évaluer la contribution de chaque établissement à ce risque puis ajuster les outils (exigences
de fonds propres, primes d’assurance, etc.) en conséquence. Cela impliquerait de soumettre à
des normes plus strictes les établissements dont la contribution est plus importante ».

Tableau 2: Les perspectives de la réglementation macroprudentielle

Objectif Ciblage
Intermédiaire Limiter le risque systémique
Réduire la probabilité d’une crise financière
Dimension temporelle Atténuer la procyclicité du système financier
Dimension transversale Réduire les expositions communes des
institutions financières, limiter la contagion
Objectif final Stabilité financière
Source : Comité de Bâle

2.2- Les instruments de la politique macroprudentielle

La BCEAO a mis en place un comité de stabilité financière distinct et mis en place un système
d'alerte précoce, en plus de procéder à des tests de résistance périodiques des banques. La
politique macroprudentielle4 dans l’UEMOA s’appuie sur différents outils largement acceptées
par toutes les banques centrales du monde (BCEAO, 2020). Dans la zone UEMOA, les
dispositifs macroprudentiels ont été adoptés en 2016, mais leur application n’a été effective
qu’en 2018, en prenant en compte les dispositifs de Bâle 3 (Guérineau et al, 2016).

4
La politique macroprudentielle est un ensemble des méthodes et outils qui permettent de surveiller et corriger
les risques systémiques sur les marchés financiers

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Certains dispositifs font référence aux caractéristiques de l’emprunteur, bien qu’ils soient
appliqués du côté du prêteur. On peut citer le plafonnement des ratios prêt/valeur ou Loan-to-
value (LTV), dette/revenu ou Debt-to-Income, (DTI). Ces mesures renforcent la résilience des
emprunteurs aux fluctuations des prix des logements et du revenu, ce qui a pour effet de limiter
le risque de crédit des prêteurs. En limitant la demande effective de crédit, ces mesures peuvent
également freiner la croissance du crédit et, indirectement, les prix des logements et la
consommation des ménages.

D’autres outils s’appliquent directement aux prêteurs. Il s’agit par exemple des exigences de
fonds propres contracycliques (CCyB) qui ont pour objectif de protéger le système bancaire des
pertes potentielles liées à l’exacerbation d’un risque systémique cyclique soutenant ainsi l’offre
durable de crédit à l’économie réelle pendant tout le cycle financier. Ils varient entre 0% et
2,5%. Les réserves obligatoires (RO) sont des dispositifs qui permettent aux banques
commerciales d’épargner une partie de leurs revenus au sein de leur banque centrale. Il s’agit
donc d’un filet de sécurité. Une harmonisation des coefficients des RO entre les pays de
l’UEMOA s’est établit à 3% depuis décembre 2012. De plus un ratio de levier financier (LR)
qui a pour objectif d’empêche les banques de dépasser un ratio de levier minimum fixe. Il est
égal au rapport du total passif des banques sur le total des capitaux propres. Il est plafonné à un
taux de 3%. Une surcharge de capital sur les institutions financières d'importance systémique.
Elle est comprise entre 0 et 2,5%. Les plafonds sur les expositions interbancaires (voir tableau
1 ci-dessus). Les dispositifs de fonds propres, en particulier, permettent d’accroître les volants
des banques pour absorber les pertes, à condition qu’ils puissent être réellement utilisés en cas
de tensions ou de récession économique.

De plus, les fonds propres et les provisions obligatoires augmentent le coût des crédits
immobiliers, ce qui a normalement pour effet de freiner la croissance du crédit.

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Tableau 3: Les dispositifs macroprudentiels adoptés dans l'UEMOA

Instruments Adoption/Application Commentaires et objectifs


macroprudentiels
utilisés
Ratio de réserves Appliqué depuis Élargissement de l’assiette aux crédits de
obligatoires 1993 campagne (2000) Harmonisation des
coefficients de RO entre pays (déc 2012) à 3%
Coussin de capital Adoption 2016/ Il a pour objectif de protéger le système bancaire
contracylique (CCyB) Application 2018 des pertes potentielles liées à l’exacerbation d’un
risque systémique cyclique […] soutenant ainsi
l’offre durable de crédit à l’économie réelle pendant
tout le cycle financier. Il varie entre 0% et 2,5%.
Ratio de levier Adoption 2016/ Ce ratio empêche les banques de dépasser un
financier (LR) Application 2018 ratio de levier minimum fixe. Il est égal au
rapport du total passif des banques sur le total
des capitaux propres. Il est plafonné à un taux de
3%.
Ratio prêt/ valeur Adoption 2016/ Il permet d’évaluer le risque de crédit.
(Loan-to Value, Application 2018
LTV)
Ratio service de la Adoption 2016/ Il permet de savoir si le ménage a la capacité de
dette /revenu) (Debt- Application 2018 rembourser le prêt ou pas.
to-Income, DTI)
Surcharge de capital Adoption 2016/ Méthodologie d'identification de cette catégorie
sur les Institutions Application 2018 de banques en cours d’analyse, Surcharge de
financières capital entre 0 et 2,5%.
d'importance
systémique
Plafonds sur les Adoption 2016/ Pondération des crédits interbancaires au profit
expositions Application 2018 de banques ayant des fonds propres négatifs à
interbancaires 200% (document de référence ou confirmation
par Responsable Bâle 2-3.
Source : Guérineau et al, 2016

La réglementation des opérations financières extérieures, le développement des banques


transfrontalières, la croissance des prêts non performants, l’existence de banques d’importance
systémique et l’augmentation du coût de crédit bancaire nous fait penser à évaluer l’efficacité
des dispositifs macroprudentiels dans la zone UEMOA. De même, le suivi des risques de «
faible intensité » à ce jour (liquidité, marchés immobiliers et boursiers, institutions financières
non bancaires) est cependant un élément important pour anticiper l’évolution des risques dans
les pays de l’UEMOA.

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Références

Alexander, G. et A. Baptista (2006) “Does the Basel Capital Accord Reduce Bank Fragility?
An Assessment of the Value at Risk Approach”, Journal of Monetary Economics, 53, 7, 1631-
1660.
Borio, C. (2003) “Towards a Macroprudential Framework for Financial Supervision and
Regulation?”, Bank for International Settlements, Bâle.
Dewatripont, M. et J. Tirole (1994) “The Prudential Regulation of Banks”, MIT Press,
Cambridge, USA.
Rochet Jean-Charles « Le futur de la réglementation bancaire », Toulouse School of
Economics, n° 2 - 12/2008

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