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Dumazedier Joffre. Sue Roger, Temps et ordre social.. In: Revue française de sociologie, 1994, 35-4. Monde étudiant et
monde scolaire. pp. 702-705;
https://www.persee.fr/doc/rfsoc_0035-2969_1994_num_35_4_4374
ces temps sociaux et les tensions entre Roger Sue cherche à se distinguer de
les rythmes conservateurs ou ces principaux auteurs en soutenant que
«explosifs » de leur changement dans la nous entrons dans une nouvelle société,
dynamique des sociétés (chap. in). «société post-moderne» où c'est le
temps libre qui tend à devenir dominant
Pour Roger Sue, les représentations (temps libéré par le progrès technique
des temps sociaux les plus répandues en augmenté du temps inoccupé par la
cette crise de la fin du xxe siècle « sont montée du chômage). Ce temps libéré
en retard sur leur temps ». La modernité (soirées, week-ends, vacances, retraite)
est dominée par une représentation du est à lui seul devenu dans le cycle de
temps de travail situé à la place du vie un temps plus long que le temps de
temps religieux médiéval au centre de la travail (INSEE, 1985). Il se caractérise
dynamique sociétale tout entière (G. par l'émergence et l'expansion de
Friedmann, 1945). Ce temps est orienté valeurs dominantes qui changent le rapport
à la fois par des croyances qui reflètent du sujet et des institutions au bénéfice
la pensée prométhéenne du siècle des du premier: «l'équilibre nous/je» (1)
Lumières et par les critiques du xixe est transformé.
siècle qui révélaient toutes les forces Appuyé sur cette analyse
d'aliénation que portent en elles non sociologique des rapports actuels entre le temps
seulement l'exploitation capitaliste, de travail et les autres temps sociaux
mais encore la division même du travail dominés par le temps libre, Roger Sue
(Le travail en miettes, 1956). Celle-ci propose des jalons pour une histoire
empêche la réalisation de l'homme par complète des temps sociaux prolongée
le travail ouvrier ou employé. Le non- jusqu'à aujourd'hui : du temps sacré au
travail (le loisir) permettra-t-il de temps religieux, du temps religieux au
«reloger l'homme » ? Telle est la question des temps de travail, de l'apogée de ce
années 50 de Georges Friedmann. De dernier à son déclin présent (chap. ví).
son côté, Pierre Naville réfléchit aux Roger Sue tente alors de soumettre
voies révolutionnaires qui permettraient la «mutation contemporaine» à
à la société libérée d'aller de « l'épreuve des temps sociaux : comment
l'aliénation par le travail» à la «jouissance» le temps de travail se réduit au point de
par le temps libre, grâce au devenir marginal dans le nouvel
prolongement de l'automation technologique par équilibre des temps sociaux, comment la crise
une « automation sociale ». Plus des valeurs du travail est en relation
récemment, pour Gilles Pronovost, le temps de avec les nouvelles valeurs qui naissent
loisir devient le «temps pivot» qui du temps libre, comment la stratification
change le rapport du temps de travail sociale est changée avec le nouveau
aux autres temps de la vie, au bénéfice temps dominant, comment et où s'opère
de ces derniers. la production de la société en relation
avec cette nouvelle hiérarchie des temps
Rezohazy met en lumière les sociaux, comment enfin la
mutations de valeurs qui en résultent. Une représentation sociale la plus courante des temps
«diversification croissante» des temps sociaux retarde sur la situation
sociaux, selon W. Grossin, nous libère temporelle réelle (chap. vu).
de plus en plus du temps industriel Roger Sue termine son analyse par
monochrome (Hull). Elle introduit la quelques propositions qu'il appelle
flexibilité dans le temps de travail lui- « fragments d'un ordre social » en for-
même. Cependant, tous restent dans la
modernité où le travail est toujours le
temps dominant, malgré la régression de (1) N. Elias, La société des individus,
son influence (chap. iv). Paris, Fayard, 1991.
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