et fonderie By Patrick HairyTM Publié le 2 janvier 2018 3 commentaires Temps de lecture : 8 à 10 minutes
Partagez cet article
Entre la forge (transformation à l’état solide) et la fonderie (transformation à l’état liquide), l’« espace technologique » était vide jusqu’à ce que, dans les années 1980, une fois mis en évidence, le principe et les avantages de la transformation en phase semi-solide, de nombreux technologies et procédés industriels (thixocoulée, rhéocoulée) se sont développé, dont certaines pour des productions automobiles grande série.
Historique de la transformation en phase semi-solide
Les premiers travaux sur la thixocoulée (appelée également thixocasting) ont été conduits au MIT (Massachusetts Institute of Technology) aux États-Unis dans les années 1970 par l’équipe du professeur Fleming et portaient sur l’effet d’un cisaillement sur le comportement rhéologique d’alliages d’aluminium. Industriellement, la thixocoulée s’est d’abord développée (1985) pour être progressivement remplacée par la rhéocoulée (ou rhéocasting) à partir des années 1995. La thixocoulée nécessitait l’achat par le fondeur de barres de matière à structure globulaire (obtenues par brassage électromagnétique chez l’affineur) puis leur découpe en billettes, le réchauffage par induction de ces billettes sur un carrousel jusqu’à l’état l’état pâteux -qui finalisait la globularisation de la microstructure- avant injection finale.
Cette première technologie a été progressivement remplacée par la rhéocoulée qui
présente l’avantage de permettre au fondeur de fabriquer directement sa propre matière globulaire en partant de métal liquide traditionnel (AlSi7Mg0,3 ou AlSi10) et en le portant à l’état semi-solide par brassage mécanique. Cela s’est traduit par des gains importants sur le coût de la matière première (-20 %) et par la facilité de recycler les rebuts et jets de coulée en interne. Dans tous les cas, l’alliage à l’état semi-solide a besoin d’être accéléré (et donc injecté) pour pouvoir être mis en forme, ce qui privilégie la fonderie sous pression mais également la forge (thixoforge) dans une moindre mesure.
L’état thixotrope des alliages d’aluminium résulte de leur
structure globulaire Les alliages d’aluminium et plus généralement tous les alliages à intervalle solidus- liquidus de quelques dizaines de degrés au moins -ce qui exclut les alliages eutectiques (ou quasi-eutectiques)- peuvent avoir un comportement thixotrope connu pour d’autres matériaux non métalliques (sables mouvants, dentifrice, …). Ils présentent en effet un comportement dit « rhéofluidifiant » et sont quasi-solides (très forte viscosité) au repos et quasi-liquides (faible viscosité) lorsqu’on leur applique un effort de cisaillement. Physiquement, leur viscosité dynamique diminue lorsque le taux de cisaillement augmente, ce qui est provoqué en fonderie par la vitesse d’injection appliquée à la billette. Pour les alliages d’aluminium, cet effet thixotrope résulte de leur microstructure dite globulaire qui se caractérise par des globules d’aluminium solides entourés de liquide eutectique. Cette microstructure est très particulière car les alliages d’aluminium se solidifient traditionnellement sous la forme de dendrites plus ou moins fines (selon la vitesse de solidification).
Comment obtenir une structure globulaire ?
La microstructure globulaire est obtenue par « brassage » du métal en cours de solidification afin de cisailler et casser les dendrites qui sinon se forment naturellement. Ce cisaillement des dendrites peut être obtenu par de très nombreuses méthodes : par brassage MHD (Magnéto-Hydro-Dynamique) pratiqué chez les affineurs (SAG) sur billettes en coulée verticale, par écrasement SIMA (Stress Induced Melt Activated) et création de dislocations qui serviront de site de nucléation lors du réchauffage, par un mouvement mécanique rotatif (rotor en graphite plongé dans le bain, vis rotative, …), par des bulles insufflées dans le bain liquide, par brassage mécanique et ajout de fraction solide dans le bain (pour accélérer le refroidissement), par cisaillement par la gravité naturelle le long d’un plan incliné (technologie dite « cooling slope ») avec pilotage de la température (du moule) ou enfin par cisaillement par mouvement tournant extérieur.
Seules les technologies de brassage mécanique se sont développées industriellement
en rhéocoulée alors que les barres de matières à structure globulaire étaient produites par MHD en thixocoulée. La transformation en rhéocoulée est, quant-à-elle, basée sur l’injection sous pression en chambre froide avec des chantiers traditionnels auxquels on adjoint un périphérique dit « slurry maker » qui permet d’élaborer des lingotins d’aluminium en phase pâteuse qui sont ensuite transférés dans le conteneur machine puis injectés dans un moule métallique.
Les avantages de l’injection en phase pâteuse thixotrope
Par rapport à l’injection traditionnelle en phase liquide, les avantages de l’injection en phase semi-solide sont nombreux . Tout d’abord, on obtient un remplissage laminaire du moule (et non plus turbulent comme en fonderie sous pression), permettant d’avoir un front de métal quasiment uniforme et donc une très faible quantité d’air inclus dans la pièce (tableau ci-dessous avec comparatif des taux de porosité). Cela augmente les propriétés mécaniques, permet d’avoir des pièces étanches et autorise les opérations de traitement thermique (T5 ou T6) ou les opérations de soudure. Ensuite, le plus faible retrait volumique lors de la solidification (car la moitié du retrait dans la phase liquidus-solidus a été déjà réalisé) limite les défauts de type retassures en zones massives. De plus, la quantité de chaleur à évacuer plus limitée (moitié de la chaleur latente) réduit le temps de cycle machine. La durée de vie des outillages est également augmentée car la température de coulée est plus basse. A noter que cet avantage peut devenir important pour les alliages à haut point de fusion (acier, cuivreux) qui sollicitent très fortement les moules métalliques et limitent leur durée de vie. Enfin, les caractéristiques mécaniques sont améliorées sur pièces par l’effet très bénéfique de la microstructure globulaire.
Le surcoût industriel et la maîtrise du procédé
La thixocoulée induisait un surcoût supplémentaire lié à l’approvisionnement en matière spécifique, au faible nombre de fournisseurs produisant des barres de matières thixotropes et enfin à l’impossibilité de recycler la matière en interne chez le fondeur. La rhéocoulée, a contrario, permet de conserver l’ensemble des avantages vus précédemment (propriétés mécaniques, productivité, ..) en limitant les coûts puisque le fondeur, avec un périphérique ad hoc – « un slurry maker » – fabrique lui-même sa matière semi-solide à volonté à partir d’alliage liquide conventionnel et peut recycler les jets de coulée.
Les différents procédés d’injection en phase semi-solide sont cependant relativement
pointues et exigent une bonne maîtrise de la métallurgie et des températures de transformation car ces dernières conditionnent directement la viscosité et le comportement à l’écoulement et au remplissage de l’empreinte du moule.
Les pièces concernées
De nombreuses productions grande série ont été réalisées par injection semi-solide. On peut citer les rampes d’injection (plusieurs millions par an) en remplacement du forgé, des compresseurs pour système de climatisation, des maîtres-cylindres de frein, des structures de suspension (soudées), des pièces de suspension (triangle, bras, …), des supports moteur, des nœuds de cadre de vélo, des jantes, des pièces hydrauliques (valves, distributeurs).
Les défauts spécifiques sur pièces semi-solides
Comme tout process de transformation, des défauts spécifiques ont été mis en évidence dans le cas de l’injection semi-solide : des oxydes et des reprises de coulée résultant de la mauvaise refusion de plusieurs fronts de métal trop froids pour se ressouder correctement et des ségrégations d’eutectiques. Ces défauts sont assez complexes à contrôler en production. En revanche, les pièces semi-solides sont quasiment exemptes des défauts typiques rencontrés en fonderie sous pression (retassures et porosités gazeuses).
Design des pièces
En transformation semi-solide, la difficulté de ressouder plusieurs fronts de métal pâteux ne permet pas de réaliser des pièces à paroi mince (2 mm) comme en fonderie sous pression. Il faut en particulier éviter les épaisseurs de pièces en dessous de 6 mm. La simulation numérique du remplissage et de la solidification est en général utilisée pour mettre au point la géométrie des pièces, la conception du système d’alimentation ou la thermique du moule.
Les technologies de rhéocoulée
Les technologies de rhéocoulée commercialisées sont, entre autres, le New Rheocasting (NRC) par UBE un fournisseur de machine d’injection au Japon, le SLC (Sub Liquidus Casting) par THT Presses (USA), le SEED (Swirled Enthapy Equilibration Device) d’Alcan commercialisé par STAS (Canada), le Rapid-S-Process de Rheometal (Suède) et le SSR par Idra. Ces fournisseurs ont tous développé un périphérique à rajouter à une machine à couler sous pression qui permet de passer du métal liquide à un alliage semi-solide par différents modes de brassage mécanique. Pour le magnésium, le thixomolding (Thixomat et machines JSW et Husky) s’est plus spécifiquement développé. Ce procédé est assez répandu (plusieurs centaines de machines) en Asie.
La transformation semi-solide au-delà de l’aluminium
Si les alliages d’aluminium ont été les plus étudiés et transformés industriellement, d’autres alliages peuvent avantageusement faire l’objet d’une transformation à l’état semi-solide. Tout d’abord les alliages à haut point de fusion (cuivreux et aciers). Ensuite, les alliages qui posent problème à l’état liquide comme le magnésium (thixomolding) qui nécessite des gaz de protection (SF6 + CO2) ou les alliages (titane, …) qui nécessitent une fusion sous vide très coûteuse et ne sont pas mis en forme en moule métallique. CLA SS É SOU S : Process TA GS : AlSi7Mg, aluminium, fonderie sous pression, phase pâteuse, rheocasting, structure globulaire, thixocasting, thixoforge, transformation semi- solide