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LA CHALEUR DES MOTS

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Carrefour des poèmes

LA CHALEUR DES MOTS


Anthologie de poésie

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Carrefour des poèmes
Éditions Soleil
E-mail : editionssoleil@yahoo.com
Cél : (+237) 697 39 16 20 / (+237) 676 84 70 07
ISBN : 978-9956-631-08-7

Toute reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement des


auteurs, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par le code de la
propriété intellectuelle.

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© Logos de « Carrefour des poèmes » conçu par Maury Damase Ntamack

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Lumineuse idée que celle qui a été à la base
de cette anthologie : accorder la parole à une kyrielle
de poètes noires plutôt inconnus, chacun s’exprimant
dans son style et selon son inspiration. Le lecteur y
découvrira de nombreux auteurs talentueux dont un
grand nombre marquera la littérature noire et
ème
africaine du 21 siècle.
A travers cet ouvrage, un grand nombre
d’entre eux seront encouragés à écrire davantage,
car rien de plus stimulant pour un auteur que de
voir son texte publié et lu par le public.
Nous terminerons en leur disant :
Ecrivez
Ecrivez
Racontez-vous
La postérité vous le revaudra
Car vous aurez été des photographes de votre époque

Enoh Meyomesse

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Enfin, nous y sommes !

En créant le forum whatsapp « Carrefour des poèmes », je


n’aurais jamais pu imaginer que nous réussirions à produire, entre
amis, une œuvre littéraire qui réunirait une partie de chacun de
nous. « Carrefour des poèmes » a produit son anthologie de poésie
et nous en sommes fiers. Ensemble, nous avons relevé un
incroyable défi : « Écrire nos rêves, nos quêtes et nos illusions. »
Je remercie tous les poètes, les slameurs et les écrivains
qui ont accepté de se donner à cette riche première expérience,
laquelle nous a valu quelques sacrifices. L’investissement produit
toujours de beaux fruits. Nous croyons à ce que nous écrivons et
nous le partageons volontiers avec notre communauté.
Les auteurs que vous rencontrerez dans cette anthologie de
poésie sont inconnus ou presque connus de la scène littéraire et
artistique de la communauté francophone. Ce qu’il y a de
formidable en eux, c’est le fait que chaque auteur ait réussi à
présenter le monde avec plusieurs facettes.
Merci beaucoup à notre aîné Eno Meyomesse à Chantal
Bonono qui nous encadre, nous guide dans ce long voyage
littéraire et artistique. En acceptant de dire leur mot sur ce travail,
ils nous font un grand honneur.
Essayez de lire tout de même ce bouquet de partage sans
trop nous en tenir rigueur…

André Ngoah.
Écrivain, performeur,
et fondateur de « Carrefour des poèmes

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Préface

La Chaleur des mots est une anthologie de poésie qui


rassemble une centaine de poèmes du cru de 14 poètes dont 5
féminins et 9 masculins de la jeune génération. Tous ces jeunes
poètes sont, grosso modo, des passionnés de la littérature engagée
telle que perçue par Jean-Paul Sartre qui estime que l’engagement
littéraire est fondamental en écriture, dans la mesure où elle
introduit le concept d’efficacité. Le philosophe existentialiste
affirme par conséquent que : « La littérature efficace, c’est la
littérature qui entraîne l’homme vers l’amélioration de la
condition des hommes et vers l’humanité ». Améliorer la
condition humaine semble donc le souci absolu de cette nouvelle
génération de poètes.
Les jeunes auteurs de cette encyclopédie poétique sont,
comme de juste, à la quête « d’un monde de colombe » comme le
soutient Mohamed Dim. Pour cela il leur faut une poésie qui leur
corresponde. Caroline Payong dans Ma Fleur parle de « ma
poésie multicolore qui épouse mes états d’âme » et dans Cri de
femmes elle fait la satire de la condition de la femme. Balbine
Ngono dénonce le « leurre » de la liberté. Bertrand Ntsama
dresse un réquisitoire contre le racisme dans Le Destin des Noirs
n’est pas blanc. Dans un élan patriotique Kissy Abeng chante O
Cameroun berceau de nos ancêtres. Yanik Dooh dans ses
envolées poétiques traite de La question d’éthique pas tic. Patrick
Mboni avec des textes aux relents philosophiques cherche Dieu
comme Diogène cherchait l’homme. Louis Ebène pleure sur la
malheureuse victime Quinta de la crise ambazonienne. Serge

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Armand Mbienkeu se demande douloureusement : Ne sommes-
nous seulement que des oubliés de la vie ? Bobby Paul, poète
haïtien parle de la Renaissance et de la nécessité de revêtir notre
négritude. Semeyo Diane, la Béninoise, nous convie à L’Oraison
du plaisir. Maury Damase Ntamack, bien qu’il ait une poésie
aux relents christiques d’un égotisme certain stigmatise le racisme
avec Retrouvez-moi ses origines parlant du nègre de compagnie.
Sophie Zang dans un hommage original à la maman mêle langue
nationale et langue française et dans L’Après-guerre, elle expose
la tragédie d’un jeune soldat mort généreusement pour son pays.
André Ngoah avec Le Système Rockefeller s’en prend au
capitalisme qui charrie d’énormes déviances : « Terrible tout s’en
va à la dérive/On dirait vraiment le début de l’apocalypse ». Dans
la même veine, Emmanuel Macron est une critique virulente du
néocolonialisme et de la prédation occidentale en Afrique.
Ainsi ces jeunes plumes, par forcément nouvelles parce
qu’il y en a qui sont des familiers de l’écriture, explorent une
thématique actuelle et atemporelle : le panafricanisme, le
patriotisme, la guerre, les laissés pour compte, l’amour, la femme
dans ses multiples visages, etc. Cette entreprise laisse
transparaître leur conception de la beauté artistique très
polyvalente pour épouser la chaleur de leurs mots. Des mots de
toute nature pour forger des images et construire un univers beau
et utile. Victor Hugo dans sa conception de l’art ne déclare-t-il pas
: « l’art pour l’art peut être beau mais l’art pour le progrès est plus
beau encore » ?
Cependant, ne s’arrêter qu’aux thèmes que nous avons
précédemment cités dans cette anthologie serait sous-entendre
que la poésie de ces jeunes plumes est glauque, pessimiste. Ceci

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est loin d’en être le cas, car les auteurs de La Chaleur des mots
trouvent le moyen d’être optimistes envers et contre tout. C’est
ainsi qu’ils nous parlent d’espérance, d’amour, d’amitié et de
vivre-ensemble : « J’ai su prendre en compte toutes tes
préoccupations/J’ai su prendre en compte tous tes besoins/ […]
J’ai mis dans ce testament toute mon énergie/ma vigueur/ma
charité/ma générosité/Ma serviabilité/Ma philanthropie/ (Maury
Damase Ntamack).
Enfin, la chaleur des mots, pour emprunter à Kissy Abeng
dans sa typologie des mots recensés dans Soleil noir, est une
anthologie constituée de « mots doux/ qui modulent/ Et des mots
forts/qui font passer des messages phares/ [des mots-clés aussi
importants que l’agneau immaculé/[…] Des mots rebelles qui
résistent/ Des mots tristes qui désistent/[…] Des mots mères qui
donnent la vie/[…] Des mots pères qui assistent au don de la
vie[…]. ».
Quoiqu’il en soit, les mots du poète dans cette anthologie
abordent tout sans tabous. Car, le poète est sans inhibitions
lorsqu’il s’agit d’accomplir sa mission comme le souligne Patrick
Mboni dans Je suis un poète en hommage à André Ngoah :
« Baiseur de Calliope […] alors que je crie/ sur ma feuille la
rancœur/ que j’ai contre les perfides/Et les corrompus/ […] Je suis
un poète/ […] pute de la strophe ! ».
Au bout du compte, les jeunes poètes se servent beaucoup
plus du vers libre, de la prose poétique, que des rimes. Cependant
il y a certains poèmes aux rimes plates, embrassées et croisées.
Cette polyvalence esthétique aide la prose poétique à dessiner des
arabesques d’impressions, de sensations et d’idées qui participent

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sans équivoque à faire de ces auteurs des écrivains engagés tels
que perçus par Jean-Paul Sartre lorsqu’il déclare : « l’écrivain
engagé est l’écrivain qui est au centre des préoccupations de son
temps ».
Chantal BONONO
Ecrivaine et universitaire.

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Abeng EDONGO
Abeng EDONGO Christelle pélagie ou Kissy
Abeng le nom par lequel elle signe dans les
médias, est une jeune dame engagée dans tout
ce qu’elle entreprend. Issue d’une famille de
passionnés d’études, elle est titulaire d’un
Master en Lettres modernes françaises option
Stylistique de l’expression et vient d’achever sa
thèse dans la même spécialité. Par ailleurs, elle est ancrée dans le
monde de la communication depuis ses 17 ans, âge auquel elle est
entrée à l’université. Journaliste de formation, son diplôme obtenu
à l'ESSTIC est pour elle l’aboutissement de tous les stages
effectués dans différentes radios de Yaoundé telles que : Radio
Campus, Mo Radio, Kora FM, FM 94, Poste national et CRTV
Centre. Par ailleurs, elle est passée par la presse écrite (Baromètre
communautaire, Journal Intégration). Cette passion pour la
communication est une évidence pour justifier l’amour qu’elle
porte à l’art et particulièrement aux mots.
Slameuse depuis 2008, celle qu'on connaît comme Dark Spirit
sous le feu des projecteurs a fait plusieurs scènes dont le Festival
des Arts et de la Culture (FENAC), festival au cours duquel elle
représentait la grande famille de slameurs du Cameroun, l’Unifac
où elle était membre du jury dans le cadre de la littérature orale et
plein d’autres scènes comme Bimbia et le « Vendre dix slams »,
projet initié par elle, Faithfull et rN (ses deux amis
d'encre). Notons par ailleurs que Dark Spirit est la première
lauréate d’un concours de Slam au Cameroun. Elle finit avec le
premier prix en 2008 lors du concours national de Slam Coca Cola
Slam Academy.

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Actuellement, son single « SL’ÂME » qui n’est pas encore sorti
officiellement est en studio pour finitions et sera bientôt prêt à être
consommé. Dark Spirit était dans le comité d’organisation du
festival international Slameroun en tant que chargée de la
communication, un festival qui deviendra très vite la vitrine du
Slam camerounais. Les projets sont infinis parce que son recueil
de poèmes sera bientôt prêt. En attendant elle slame dans son
esprit.

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NDOLO MULTIMÉDIA
L’an passé j’ai fait la rencontre de Marc
Les filles je ne vous dit pas, partout sur son corps des marques de
matraque
Nous les filles on craque sur les mecs que les flics traquent
Le seul couac… sa misère mon chemin de croix
J’avais réfléchi plus d’une fois pour l’option sponsor / Ne le faites
surtout pas
« truelove.com » je fais la rencontre de M. Dupont dont la vieille
vieillesse servait d’écran de veille
Voici mon histoire.

J’avais essayé de compter jusqu’à cinq et de me dire qu’il


m’aimerait toute entière et pas que mes seins
Sous ma ceinture il avait toujours le regard braqué et me
comparait à une banque qu’il aurait pu braquer avec sa braguette
selon ses envies de braqueur inassouvi
Pendant qu’il me nourrissait de bonbon et d’amour moi je le
nourrissais d’espoir – Ah mon sponsor !
Et jour après jour nous faisions l’amour amour vide de sens
sensation superficielle qui m’envoyait presqu’à un deuxième ciel
super artificiel
Cela n’en valait pas la peine… fallait que je consacre l’un et que
je massacre l’autre
Entre celui qui en valait la peine et celui qui me faisait de la peine
mon cœur penchait pour le premier.

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C’était marrant car celui à qui mon cœur appartenait vraiment
Marc n’avait rien pas de navet ni d’appartement et celui qui
croyait tout avoir Dupont n’avait rien du tout !
Au fond il n’avait que des fonds et mille défauts il n’avait pas de
fonds quand il allait au front du coup il se payait un bon coup pour
que chaque soir je regarde le plafond et de fond en comble
justifiait son investissement ; évite de rire ça ils le font
À force de le faire avec Dupont je perdais mes bases je perdais
mon fond je baissais la tête pour recevoir le plus grand malheur
de l’homme : Le fond monétaire, au fond on n’en vient tous à
confondre beurre et savon dans l’adultère
avec lui le coup de foudre a été un coup de chance du coup je me
sentais frappée par un violent coup de foudre
Je subissais cet amour jusqu’à la mort subite pour qu’encore il me
donne le beat le beat le beat de la vie
Entretemps mon petit chéri Marc reprenait ses couleurs il
reprenait ses formes ne sachant pas c’était l’argent de mes efforts
l’argent de mes formes
Pour lui j’étais naïve et vierge comme la Vierge Marie peut-être
un peu plus
Un beau jour me ramenant chez lui après quatre semaines
d’absence il se rendit compte qu’en moi il y avait l’existence
d’une autre présence et me questionnant Marc déclara :
- Hey ! est-ce le Saint-Esprit qui t’a comblée de ses bienfaits
comme la Vierge Marie ?
Et à moi de lui dire :

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- Chéri…les temps ont évolué par négligence j’ai laissé
mon Bluetooth activé et j’ai détecté une grossesse
indésirée

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FOTOKOLOFATA

Viens que je te raconte l’histoire de mon pays


Viens que je te narre le Nord
Viens que je te conte l’histoire de mon pays, et de ses braves
soldats qui ont payé
Des Hommes forts, des têtes bien faites, et leurs gros bras qui
n’ont en aucun cas failli
Viens voir les efforts de ceux qui ont accepté de porter la croix de
la nation,
Ces lions qui font la fierté du Vert Rouge Jaune, ce pays dans
lequel nous naissons
Viens, viens que je te raconte les différents obstacles, les rafales
et le crac qui règnent sur ces terres, ici ça tire au propre comme au
figuré
Revis avec moi le film des lions au combat en tant qu’acteurs et
non spectateurs
Ici la guerre sature…bienvenue à Fotokolofata…

Tournes avec moi les pages sanglantes de ce livre historique


Hystérique, je peins le tableau de l’horreur et ses héros infinis que
la patrie hisse sur une haie d’honneur

Oui… Kolofata et Fotokol m’offraient des photos… cool


Mais les lions ont dû payer…certains de leur vue, d’autres de leurs
vies… Ici à Kolofata , Fotokol et d’autres lieux qui peignent en
kilo fatal des tableaux de violence au naturel comme au
photochromé
La chronique se déferlait toute seule autour de moi lorsqu’une
nouvelle voiture cramait

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Oh ! Mes braves lions !
Du haut d'un immeuble cela aurait été une mort douce,
Mais les coups de fouet et surtout de feu te ramènent dans une
marre d’eau et de sang tout neuf.
Un lion est encore tombé

Une minute de silence


Encore un lion
Que j’aperçois au loin
Une minute de silence je dis. Et que celui qui ressent de la peine
pleure
Que celui dont le cœur est en panne s'y lance. Mais en silence.
Chers amis ! Là-bas la vue paraît si veule, les yeux n’ont qu’à
s’ouvrir s’ils veulent cela ne sert à rien
Autant mieux compter un deux trois quatre soleils pour voir que
ces lions là nous veulent du bien
Tels des combattants, sacs au dos la niaque au ventre et dans le
noir ils rampent devant moi ils croisent le fer
Ces lions qui cherchent une issue depuis des années à
Fotokolofata la fusion de deux noms qui abritent l'enfer
À les voir ramper ces braves lions je réalisais qu'on n’a pas
forcément besoin d’être des patriarches pour devenir patriotes.
Je le redis… ils sont jeunes, patriotes et aiment servir leur pays
Entre les sons et les paliers de bruits
Les lions prouvent qu'ils ne sont pas nés de la dernière pluie
Le seul tournage où on travaille avec de vraies personnes, de vrais
bruits perçants et où la mort se personnifie pour de vrai
Fotokolofata : c'est sans casting pour la scène, c'est sans semblant
mais surtout sans personnages

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Le scénario est de plus en plus vrai et c’est d'autant plus vrai que
l'hémoglobine des lions est de plus en plus fraîche.
Des soldats toujours prêts, des mecs trop matinaux
Des familles tristes et traumatisées
Braves lions rampez encore, encore et encore, car la vie est si loin
d'être une boîte de chocolat.
Hélas le choc est là et la mélodie du silence joue « la » et renvoie
l’écho de l'affront et la peinture de l'affreux…
C’est la guerre
La guerre a un gout amer
Ces soldats valeureux ne dorment pas et s’adonnent jour et nuit au
combat…ils empêchent l’ennemi à chaque fois de refaire son
come-back
Hommage à ceux qui sont partis et qui y sont encore
Hommage à ceux qui sont partis et qui pensaient revenir… un lion
ne meurt jamais il dort dans nos cœurs
Hommage à cette jeunesse engagée
Hommage à ces lions qui à travers leur courage nous délivreront
de ce mauvais rêve
Fotokolofata la fusion de deux noms qui abritent l'enfer, le fer de
lance de la mère patrie a pris de l'avance et accepte encore de
croiser le fer.
Hommage.
DS Hommage spécial à tous ceux partis très tôt.

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RIO DOS CAMAROES

Ô Cameroun berceau de nos ancêtres


Tu es la paix tu es le spectre qui nous encercle
Va debout et jaloux de ta liberté
Depuis le début on pose les jalons de ta maturité

Va debout et jaloux de ta liberté


Va debout et jaloux de ta liberté

Comme un soleil
Loin du sommeil
Fier ton drapeau doit être
Un mot, une lettre,
Un mont qui m'a vu naître
Un symbole ardent de foi et d’unité
Un chœur unanime qui entonne le chant de l'unicité

Va debout et jaloux de ta liberté


Va debout et jaloux de ta liberté

De tous tes enfants qu'on ne peut citer,


Qu'ils se tiennent la main du nord au sud
De l'aveugle au sourd,
Et assument ce sentiment de solidarité
Ah mon Cameroun Oussou

Va debout et jaloux de ta liberté


Va debout et jaloux de ta liberté

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De l’Est à l’Ouest la boussole ignore les directions
Des dix régions, elle indique juste CAMEROUN et zéro religion
Voilà le nom de la moisson nom céleste qu’on célèbre
Face à ce nom même la nature se lève

Va debout et jaloux de ta liberté


Va debout et jaloux de ta liberté

Mon devoir c'est de diffuser


De l’amour à travers les voix de l’âme
Et non le chant de l'arme
Qui entraîne forcement des larmes
La paix est notre plus grand combat
L'amour notre meilleur come-back

Va debout et jaloux de ta liberté


Va debout et jaloux de ta liberté

Chère patrie terre chérie


Tu es notre patrimoine d’antan
Pourquoi t’enterrer pour des besoins nés dans le temps ?
La joie et la vie
La tolérance et l'envie d'une meilleure
Vie c’est maintenant qu’on les choisit

Va debout et jaloux de ta liberté


Va debout et jaloux de ta liberté

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FEMME BATTUE

Bonjour je me nomme délice


Jeune dame aux potentiels apparents
Toujours j’ai vécu dans les coulisses,
Sans parents apparents ; apparemment.
Jadis à la peau lisse,
J'étais belle avant apparemment !!

Je suis une femme battue

Toute ma vie je me suis enterrée


Comme un agent sans argent qui passe à la télé
Fantôme déterré, j'étais dans un pacte
Mais sans pactole impressionnant !!!
Impressionne-moi mais un acte sans paroles ni personnages de là
Où je viens ne joue aucun rôle oui j'ai la rage.

Je suis une femme battue

Délice, oui toujours convoitée


Et exposée aux sévices de la vie
Aux regards inconnus
Aux services qui subsistent et demeurent inutiles
Aux rappels des détours de la rue et ses vices
Je suis de ceux qui s'arrachaient une dent au tournevis

Je suis une femme battue

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Je ne suis sortie qu'avec des égoïstes
Pourtant jeune je faisais de l'égotripe
Le mariage m'a diminuée
J’étais comme dans une nuée il a suffi d'un « Oui »
Et en moins de dix minutes,
Mon malheur était né

Je suis une femme battue

Moi fille de griots


Je chante mes mots et sans le vouloir j'expose mes maux
Mariée depuis mil neuf cent jamais
Ou plus ou moins bref je ne m'en souviendrai plus jamais
En moi il a tout modifié même mes gènes
De femme stylée je devins frustrée aigrie et mégère.

Je suis une femme battue

Derrière les barreaux de luxe je fixe


Le préfixe du bonheur et le suffixe de la solitude.
Jadis solide de bonne heure, comme solution je me résous à
DÉFENDRE MON BOURREAU
Objet de toutes mes turpitudes

Je suis une femme battue

Mon bourreau m'interdit le bureau


M'arracha mon boulot
Et me transforma en instrument

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Non de musique
Mais de muscu...

Je suis une femme battue

Loin d'être une lyre,


La souffrance sur mon visage
Était la seule chose qu'on pouvait lire
Seule et apeurée
Sale et attristée
Appelant ancêtres et Dieux
Enfermée et implorant les Cieux
Ma plus grande excuse fut : je suis là pour mes enfants
Enfin ! Je suis une consommatrice
En fait...

Je suis une femme battue

Triste émoji
Au visage aux mille collines
Mi-triste mi-colérique
Ma fille si tu ne te donnes pas de la valeur
Tu seras le départ de tes propres malheurs

JE FUS UNE FEMME BATTUE

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SOLEIL NOIR

Soleil noir
Black sun
Je suis un soleil noir
Je suis un soleil noir
Valeur inestimable
Chaleur irresponsable
Je suis une valeur biface
Lumière et ombre
Je ne suis pas comme un voleur moi je te présente ma face
Ma farce préférée
Est une éclipse
Ma garce préférée
N’a pas de race
Reste avec moi et fixe
Le monde qui nous entoure
Je suis son préfixe
C’est mon prétexte pour briller même dans l’ombre
Je deviendrai même son suffixe
Je suis un soleil noir
J’ai une double face
Je suis ombre
Pour traduire les souffrances
Pour exprimer les couleurs
Je suis noire et fière
Je suis noir et je suis ton frère
Je suis noir et j’en paye les frais
Freine-moi si tu veux
Faire de toi mon frère c’est mon vœu
Car entre nous
Il n’y a pas vraiment de différence

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Dix frères d’âge ne sauraient expliquer
Cet écart de comportement
Je suis noir mais lumière
Je suis la lumière du monde
Celle qui conscientise
Scientifique dans l’âme
Je te présente mon expertise de
Science qui crée des artifices
Je ne suis pas différent de toi
Les enfants métisses
Sont la résultante de
L’effet éclipse entre toi et moi

I’m a black sun


I’m proud to be a child of this Map Word
My country is everywhere
And my food is everything
No limit in my head
No limit in my heart
I luv you brother
I luv you sister
Black sun from Christmas to Easter

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LES MOTS NE PRENNENT PAS DE RETRAITE
Leur utilisateur peut être vieux
Le bon mot au bon endroit est toujours mieux
Mes mots à moi lient
Et créent des liens entre ceux qui me [lisent]

Il en existe des centaines et des centaines


Des milliers et des mots fontaines
Qui trouvent leur sens plein
Dans certains esprits sans frein
Des mots ragots qui servent à détruire
Des mots-cadeaux qui aident à construire
Des mots démoniaques qui rendent insomniaques
Des mots valises
Qui portent le bagage
De plusieurs sens valides
Des mots à mots
Qui toujours prêtent à confusion
Des mots composés qui fusionnent pour créer une illusion
Des mots fantômes qui n'existent que dans nos têtes
Des mots prêts pour lesquels on s'endette
Des mots engagés qui n'en font qu'à leur tête
Des mots dégagés qui ne pensent qu'à faire la fête
Mes mots à moi lient
Et créent des liens entre ceux qui me [lisent]

Il existe
Des mots doux
Qui modèrent
Et des mots forts
Qui font passer des messages phares
Des mots critiques
29
Qui étudient la stylistique
Et des mots gras
Qui sont sémantiquement gros
Des mots dj
Sur lesquels on mixe
Et des mots fixes sur lesquels on mise
Des mots-clés aussi importants que l'agneau immaculé
Des mots-phrases qui portent le texte entier
Des mots nases qu'on peut prononcer sans dentier
Des mots agressifs
À la limite racistes
Et des mots rebelles qui résistent
Des mots tristes qui désistent
Il y a des mots mères qui donnent la vie
Et des mots mamans qui en prennent soin en donnant leur avis
Des mots pères qui participent au don de la vie
Et des mots papas qui assistent au premier son de la voix
Il y a des mots bagages
Avec lesquels on voyage
Et des mots cloîtrés
Qui entre 4 murs restent vautrés

Mes mots à moi lient


Et créent des liens entre ceux qui me [lisent]

Des mots-universels
Unis vers ceux qui écrivent au recto et au verso
Des mots pieux
Qui se concentrent pour lire des versets
Des mots guerre
Qui servent sur un plat de la haine
Des mots colère qui poussent à s'ouvrir les veines

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Des mots blagues qui font de l’humour
Des mots bagues qui découlent de l'amour
Des mots blog sur la toile
Des mots vagues qui ne disent pas tout ce qu'on dévoile
Des mots-propres qui indiquent quelque chose de précis
Des mots communs qui se transforment
Selon des contextes indécis
Des mots chorégraphes qui dansent dans nos bouches
Des mots photographes en transe devant les flashs

Mes mots à moi lient


Et créent des liens entre ceux qui me [lisent]

Il existe des mots émoticônes


Au travers desquels un dessin s'exprime
Et le mot icône
Qui frime comme une star de l'escrime
Il y a des mots qui tuent comme un pro du crime
Et des mots qui fument qui exagèrent avec la rime
Il y a des mots next
Qui te présentent des ex
Et des mots stress
Qui à travers des textes prônent l'égalité des sexes
Il y a des mots qui mouillent qui annoncent la pluie et
Les mots qui gazouillent comme les dessins de Piwi
Il y a des mots qui crient comme des moteurs
Et des mots qui filent comme des motards

Des mots chauds comme la canicule


Des mots os comme la clavicule

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Mes mots à moi lient
Et créent des liens entre ceux qui me [lisent]

Leur utilisateur peut être vieux


Le bon mot au bon endroit est toujours mieux
Tout ce que je constate
C’est que les mots ne prennent jamais de retraite
Ils sont constants
Pour savoir les dire il faut bien énoncer sa requête

Mes mots à moi lient


Et créent des liens entre ceux qui me [lisent]

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JEUX DE MOTS GENANTS

Do ré mi fa so
Do ré na vant
Do rée au fa so

Les énergies se confondent en un clic


Les bandits se confondent aux flics
C’est chacun qui fait sa loi
La république ne pue plus le bic
Moi je reporte juste en donnant la réplique

Do ré mi fa so
Do ré na vant
Do rée au fa so

La fesse me dit qu’elle fait la caisse


Elle encaisse mais à quel prix ?
L’anormale devient normale
Même Jésus « Wanda » que c’est sur « Foup Fap » qu’on prie

Do ré mi fa so
Do ré na vant
Do rée au fa so

Les enfants haussent le ton


Les français parlent l'Eton
Les saisons font des partenariats
Soleil et pluie font des featurings sur des commissariats

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Do ré mi fa so
Do ré na vant
Do rée au fa so

Le Slam n'a de femme que les mots


Les emojis sont devenus plus importants que ceux-ci
Cécité lyrique et pauvreté scripturale
La paresse s'est couchée sur la technique lyrico-lexicale

Do ré mi fa so
Do ré na vant
Do rée au fa so

Les dessins prônent la guerre et le sang


Le prêtre amer ne veut plus être saint
Sur la toile les médecins font des selfies
Avec des malades presque morts... Et en sang

Do ré mi fa so
Do ré na vant
Do rée au fa so

Les femmes sont devenues père et mère


Pèle mèle on les retrouve à chaque périmètre
Familles monoparentales c'est la mode
Elle se vante que ses enfants ont un père cela la démode

Do ré mi fa so
Do ré na vant
Do rée au fa so

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Ici on dit que la vie c’est une place
Quand tu n'as rien
Elle devient multiface
Quand tu es bourré de biens
Le monde est devenu risqué
Si tu ris trop tu verras ta liberté confisquée

Do ré mi fa so
Do ré na vant
Do rée au fa so

Même le diable récite le chapelet


Dieu en bami c'est shapeuh c'est le lait ?
Le ndolè même n'est plus amer
Même la tradition a fait des remix ça aussi c'est le camer.

Do ré mi fa so
Do ré na vant
Do rée au fa so

Le cinéma a pris de l'ampleur sous nos cieux


Yaoundé c'est ma zone j'ai grandi sous ses yeux
Le ciné féminin s'impose avec Mami Ton
Même si ce cinéma n'est encore qu'un marmiton

Do ré mi fa so
Do ré na vant
Do rée au fa so

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RENCONTRE

Enfant de l'univers
Beauté universelle
Chaleur unie vers celle
Du soleil
Et de ce qu'on voit lorsqu'on perd le sommeil
La nuit noire n'a d'égale que mon beau visage noir et brillant
L'ennui, les noises des cigales
Présagent quelque chose de bruyant

Fine fleur aux allures filiformes


Épines et douceurs aux parures uniformes
Je te présente la plus belle des rencontres
Griots et Slameurs et leurs meilleurs vers qu'ils racontent

Issue d'une racine forte et solide


Mes ancêtres étaient des griots aux textes indissolubles
Là-bas sur les terres rouges et noires
Des mains frappent, des pieds tapent et des bouches claquent
Je suis née de plusieurs obstacles
Ma vie entière est un spectacle

Fine fleur aux allures filiformes


Épines et douceurs aux parures uniformes
Je te présente la plus belle des rencontres
Griots et Slameurs et leurs meilleurs vers qu'ils racontent

En Afrique j'existais déjà


À travers mes vers je change la vie des gens

36
Mon ancre est ma plus belle arme
Et mes mots peignent ma plus belle âme
Je suis slam
Mes textes blessent comme d'avec une lame
Je suis griot
Et mes mots résonnent comme le chant des grillons.

Fine fleur aux allures filiformes


Épines et douceurs aux parures uniformes
Je te présente la plus belle des rencontres
Griots et Slameurs et leurs meilleurs vers qu'ils racontent

37
AU FIL DU TEMPS...

Une tierce
Une seconde
Une minute
Une heure
Un jour
Un mois
Une année
Un siècle

Un millénaire et le tour est joué

Un rayon
Une gouttelette
Une grêle
De la neige

Mais non ! Suis-je bête !

Il n'y a point de neige !


Mais de la grêle
Des gouttelettes

Des rayons
Depuis des
Millénaires
Des siècles
Des années
Des mois

38
Des jours
Des heures
Des minutes
Des secondes
Des tierces

39
NAISSANCE

Elle peut être douce


Mais toujours douloureuse,
Heureuse,
Elle peut être bruyante
Mais te rend brillante
C'est pas un film à l'eau de rose.
Elle peut être fatale
De par son caractère natal

Elle peut être pénible


Il faut être disponible
Elle peut être rapide
Et parfois très limpide
Elle peut être incompréhensible
Surtout pour les incompris sans cible

Elle peut être délicieuse comme un gâteau


Et douce comme un cadeau
Elle peut faire mal
Mais ne fait aucun mal
Elle peut faire mal c’est rien
Mais fait vraiment du bien

Elle peut être inexplicable


Car de nature inextricable
Elle peut être brève
Mais te donne une belle fève
Elle peut coûter cher

40
Mais te donne un être cher
Elles, naissance et délivrance
Elle, aisance après moult souffrances
Te donne le plus grand des miracles
Une vie juste là...sur une table
Une naissance
Une délivrance

41
André NGOAH
André NGOAH est né à Yaoundé
(Cameroun). Depuis son enfance, il
s’intéresse à l’écriture. Au collège Jean Tabi
et au collège Adventiste de Yaoundé, il
s’exerçait à rédiger de courtes nouvelles
policières qu’il faisait lire de temps à autre à
ses camarades de classe. Ce n’est qu’en
classe de seconde A au lycée de Soa qu’il découvre la poésie et
l’association « La ronde des poètes du Cameroun » et quelques
années plus tard, le slam et la chanson française. Il obtiendra son
premier prix littéraire en 2006 et les trois années suivantes seront
aussi couronnées par d’autres reconnaissances poétiques. Il
explore aussi l’horizon du conte. Actuellement il est enseignant.

42
LETTRE À ABD AL ALI

ABD AL ALI
Tu te dis serviteur du Très Haut
Pourtant tu ne respectes pas la vie
Avec ton cimeterre
Tu tranches les gorges
De ceux qui ne pensent pas comme toi
Avec tes bombes tu exploses

Parmi ceux qui n’ont rien à foutre


De tes convictions et de ta religion

MOSQUÉE
ÉGLISE
ÉCOLE
Ta cruauté ne fait plus de différence

Tout le monde le sait


Tout le monde se tait
Personne n’ose te dénoncer ouvertement
Tu as le pétrole et l’or
Et en plus la fureur de tes enfants
Est sans appel
Ils font couler le sang
Au nom d’Allah la Miséricorde

C’est injuste ce que nous faisons


Nous accusons Roland-Roger

43
De tout pendant que tu asservis
Toute la communauté nègre
Tu continues le crime contre l’humanité
ROLAND-ROGER
Le pauvre a commis une seule faute
L’histoire lui en veut aussi
À cause de son commerce triangulaire
Malgré les vaccins les routes et les écoles
Nous continuons à le haïr
Nous continuons à refuser de voir
Ces efforts pour panser les blessures

Pendant ce temps tu tranches les gorges


Au nom d’Allah la Miséricorde

ABD AL ALI
Tu te dis serviteur du Très Haut
Pourtant le Dieu d’Abraham
N’a jamais été hypocrite et fourbe
Le Coran ne dit-il pas
Qu’Allah c’est la paix
Qu’Allah c’est la tolérance
Qu’Allah c’est le pardon

Tu le sais bien personne n’est bon sur terre


Tous nous sommes privés de la gloire
Du Très Haut
Alors de quel droit
Viens-tu piller violer et asservir tout un peuple

44
De quel droit viens-tu donner des leçons
En essayant de refaire le monde

LYBIE
MAURITANIE
ALGÉRIE
ÉGYPTE
MAROC
LIBAN
ARABIE SAOUDITE
KOWEÏT
IRAN
PAKISTAN

Laissez ma race de souffrance


Tranquille et en paix
Elle a assez souffert
Elle a assez saigné
Depuis le commencement de l’humanité
Elle ne fait que souffrir le martyr

Je dis laisse ma négritude


En paix elle ne demande
Qu’à (sur)vivre
Dans cet immense abîme

ABD AL ALI
Sous ton manteau de haine
Tu dis à haute voix

45
Sans vos maîtres blancs
Vous n’êtes rien

ABD AL ALI
Sous ta veste raciste
Tu dis à haute voix
Vous les nègres
Vous êtes inférieurs
Et je dis tu n’es pas
Le serviteur du Très Haut

46
LE SYSTÈME ROCKEFELLER

Je suis
Tu es
Il est
Nous…

Voici comment
Thomas Hobbes
Et Rockefeller nous conjuguent désormais
Au nom de la production et de la consommation
Tout devient sauvage
Tout devient artificiel
Il n’y a plus de beauté
Il n’y a plus de laideur
La vie quotidienne se mélange avec l’infâme
Et dire que nous ne courons pas
À notre perte c’est absurde

Je suis
Tu es
Il est
Nous…

Voici comment
Le système capitaliste
Conjugue désormais l’humanité
On s’accroche désespérément à la vie
Pourtant tout un cycle est enclenché
Les femmes se dressent contre les femmes

47
Les hommes se dressent contre les hommes
Il n’y a plus de famille

Les enfants deviennent de plus en plus


Insupportables et malpolis

À qui la faute
Bien sûr au système Rockefeller
Bientôt nous poserons
Nos mains sur la tête
En signe de désolation

Je suis
Tu es
Il est
Nous…

Voici comment
Nous courons désormais à notre perte
Nous mourrons maintenant
Lentement et sûrement
La LGBT la Gay Pride et le féminisme
Des idéologies pires que le SIDA
Pour pourrir notre humanisme
Et certains appellent ça
Évolution et révolution
Terrible tout s’en va à la dérive
On dirait vraiment le début de l’apocalypse …

48
Je suis
Tu es
Il est
Nous…

Oui la bonne conjugaison serait

Nous sommes
Vous êtes
Ils sont …

Début de socialisme
Début de l’union qui fait la force

Alors …

Sois maudit Rockefeller

Alors …

Sois maudit Thomas Hobbes

49
LA FAMILLE BETI

Le chef de famille
Ah le chef de famille
Chez les Beti
Ça fait rigoler
Pas la peine de pleurer
La triste réalité est devant nos yeux

Ntol mod
Manyañ mod
Pauvre de toi
Quand tu es sans argent
Quand tu es pauvre
Tu es l’aîné
Mais tu es humilié
Personne ne t’écoute
Personne ne te respecte
Tu parles tu argumentes
Tout le monde rit
Tout le monde s’en moque
Ce qu’on veut
C’est l’argent
C’est la main qui frappe sur la table

Ntol mod
Manyañ mod
Pauvre de toi
Quand c’est ton petit frère

50
Qui est plein aux as
Les réunions ne peuvent pas commencer
Sans lui et sans son avis
Tu veux dire un mot
On te répond durement
On te parle comme si tu étais un enfant
Tant pis si c’est devant ta femme
Tant pis si c’est devant tes enfants
Fed anyu on ne t’a rien demandé

Ntol mod
Manyañ mod
Pauvre de toi
Tu ne comprends pas
La famille Beti s’achète
La famille Beti s’entretient
La famille Beti est cupide
Chez les Beti pas de famille sans argent
Sinon fed anyu on ne t’a rien demandé

Ntol mod
Manyañ mod
Pauvre de toi
La solitude est mauvaise
Mais que pouvons-nous faire
Personne ne te rend visite
Personne ne demande de tes nouvelles
Personne ne s’inquiète de toi
Tu mourras sans homonyme
Tu mourras sans respect

51
Mais que pouvons-nous faire
La pauvreté est une terrible épreuve
Le chef de famille
Le chef de famille
Ah le chef de famille
Chez les Beti
Ça fait rigoler
Pas la peine de pleurer
La triste réalité est devant nos yeux
Tout s’achète de nos jours

52
FRÈRE EN CHRIST

Nos Églises chrétiennes


Mon Dieu
Manipulation
Consternation
Falsification
Bonjour mon frère en Christ
Bonjour ma sœur en Christ
Tout commence
Par un toc-toc à la porte
Que la paix du Christ soit avec toi
Nous sommes venus te parler de la parole de Dieu
Tu es pécheur Jésus a racheté tes péchés
Et toi tu ouvres naïvement
Tu n’es pas bien dans ta tête
Ta vie a des difficultés
Sûrement Dieu envoie ces messagers
Pour te parler
Pour te consoler
Pour te remettre sur le bon chemin
Tu ouvres la porte
Tu es désespéré
Tu as besoin d’aide
Tu as besoin de réconfort
Tu te confesses à eux
Tu te confies à eux
Eux les bonbons-pasteurs
Te parlent de Dieu
Ils connaissent la Bible

53
Ils maîtrisent la Parole de Dieu
Ils savent tes souffrances
Ils te pompent avec les versets bibliques
Tu te sens bien
Tu es soulagé
Tu comprends un peu pourquoi
Rien ne marche dans ta vie
Deux semaines plus tard
Tu te fais baptiser
Dans un coin d’eau polluée
Tu es le nouveau frère en Christ
Tu es la nouvelle sœur en Christ
Quand tu es malade tu reçois des visites
Quand tu as des soucis d’argent
Tu reçois des contributions
Mon Dieu tu as trouvé une nouvelle famille
Tu es aux anges
Tu es au paradis
D’autant plus que ta propre famille
Ne s’occupe même pas de toi
Te voilà bon enfant de Dieu
Te voilà bon chrétien
Tu récites déjà la Bible
Mais tu ne sais pas
La triste réalité qui se cache
Les anciens de l’Église sont des alcooliques
Les pasteurs sont des débauchés
Les frères et sœurs en Christ se donnent en secret
Les sales histoires circulent discrètement
De bouche à oreille

54
Il paraît que…
Il paraît que…
Il paraît que…
Il paraît que…

Il paraît que tout l’argent


Que l’on te donne-là
C’est pour que tu fermes ta gueule
La bouche qui mange
Ne parle pas

Manipulation
Consternation
Falsification
Tout commence à se gâter lorsque tu prends du recul
Tu te fais rare à l’Église
Tu ne t’associes plus à eux
Alors on te trouve quelques démons
Alors on te trouve quelques imperfections
On te traite de profiteur
On te traite d’usurpateur
On te traite de faux chrétien
On s’en prend à toi
On ne te rend plus visite
On ne t’assiste plus
Le ciel est tombé sur ta tête

Il paraît que…
Il paraît que…

55
Il paraît que…
Il paraît que…

Il paraît que tout ce qu’on faisait pour toi


C’était pour que tu fermes ta gueule
Tu dois garder les secrets
Tu dois faire preuve de discrétion
Tu mens sur l’Église
Tu iras en enfer
Tu te trouves seul à nouveau
Tu recommences tout à zéro
Tu comprends enfin
Qu’aucune organisation humaine
N’est digne de confiance
Manipulation
Consternation
Falsification
Ainsi va la vie des pauvres
Qui ont besoin de réconfort

56
LE ROBOT EST EN VILLE

Dans la ville il y a un robot


C’est une énorme machine
Les humains sont comme des fourmis
Ils vivent dans l’angoisse près de son ombre
Le robot sème la terreur à chaque minute
Le robot n’a pas d’âme et de sensibilité
Il écrase tout et marche sur tout
Chaos désolations et larmes sont à l’ordre du jour
Le président et l’armée n’ont pu rien faire
La machine tous les jours continue de tuer
Rien ne peut arrêter sa destruction
Le temps les gens meurent de plus en plus
Le président fait des discours
L’armée fait des efforts mais va de mal en pis
Le peuple crie le peuple gémit le peuple désespère
Les médias ont dit ensuite
Ce n’est pas grave ce n’est que…
LA CRISE ANGLOPHONE.

57
EMMANUEL MACRON

Monsieur le Président
Vous êtes beau
Vous êtes un bel homme
En costume bleu foncé
La France c’est vous
Le bleu-blanc-rouge c’est vous
Mais vous savez ça ne va pas
On vous emmerde
Regardez notre Dame brûle
Regardez les gilets jaunes
Cassent tout ils perdent la tête
Monsieur le Président
Enfin tout le monde ne peut pas
Être milliardaire et rouler en carrosse dorée
SVP revoyez vos décisions
Les décrets on en a vraiment besoin
La françafrique coule
La France a besoin d’oxygène
La France a besoin d’argent
La France a besoin d’un coup de main
Monsieur le Président
Vous êtes beau
Vous êtes un bel homme
En costume bleu foncé
Merci pour ce que vous faites en Afrique
Le pétrole l’uranium le bois
Le diamant le cuivre
C’est pour nous et nos gosses

58
Les salauds ils veulent
Quitter le Franc CFA
Et dire que nous accueillons leur misère tous les jours
Ils pensent s’en tirer comme ça
Nous tenons leurs présidents
Nous les tenons comme des pantins
Les salauds ils veulent partir
Sans nous prévenir
Ils n’ont pas vu ce qu’on a fait
À Sankara
Et à Sékou Touré
Monsieur le Président
Vous êtes beau
Vous êtes un bel homme
En costume bleu foncé
Les gilets jaunes sont partout
Saluez Brigitte Macron
De notre part

59
DANS MON MONDE SUR MA PLANÈTE

Dans mon monde


Sur ma planète
La terre est bleue
Petit extraterrestre
Nous disons
La promesse est une dette

Mais moi vois-tu


Je ne peux pas te promettre
Le bonheur et l’hospitalité
Dans mon monde
Sur ma planète
La terre bleue

Des galaxies tu as parcourues


Avec ton vaisseau
Pour trouver une planète d’amour
Et de paix pour ton peuple
Tu es arrivé sur terre
La nuit était opaque
La nuit était sombre
Tu m’as croisé
Je t’ai croisé
J’étais assis sur le désespoir
Mon cœur me faisait un mal de chien
Tu m’as apaisé
En retour je ne peux rien te promettre

60
Dans mon monde
Sur ma planète
La terre bleue
Tu veux t’installer
Avec mes frères
Avec mes sœurs
Tu crois à la fusion
Tu crois à l’union
Fais attention les terriens
Sont complexes et démesurés
La promesse est une dette
Mais je ne peux rien te promettre

Mon monde
Ma planète
La terre bleue
Elle est belle
Elle est comme un paradis
Avec ses arbres et ses fleurs
Avec ses papillons
Avec ses oiseaux
Avec ses fruits
Avec ses animaux
Avec ses poissons
Avec ses sources d’eau

Mais vois-tu
Petit extraterrestre
Petit homme bleu
Je ne peux pas te promettre

61
Le bonheur et l’hospitalité
Dans mon monde
Sur ma planète
La terre bleue

Elle est belle la terre


Mais tu dois aussi savoir
La vérité
Mon monde
Ma planète
La terre bleue abrite
La pollution
Le nucléaire
Le racisme
La guerre
Les séismes
Les tsunamis
Le froid
La neige
La chaleur
La soif
La faim
Petit homme bleu
Petit extraterrestre
Veux-tu vraiment rester
Dans ce monde

Sur ma planète
La terre bleue

62
Je ne pense pas
Que tu seras heureux
Avec ces pays
Avec ces frontières
Avec cet argent
Avec cette armée
Avec cet égoïsme
La promesse est une dette
Mais moi vois-tu je ne peux rien
Te promettre en ce moment
Retourne sur ta planète
À tes frères va dire
À tes sœurs va dire
Les terriens se construisent encore
Et moi je dirai
Comment je t’ai croisé

Tu seras notre dieu


Tu seras notre Essence

La promesse est une dette


Mais je ne peux rien te promettre

63
DÉSOLATION

Je suis arrivé sur terre


Dans la douleur
Et dans la pénombre
Je me suis retrouvé
Avec un père
Et une mère
Personne ne m’a demandé mon avis
Et parfois je me demande
Qu’est-ce que je fous dans ce monde
Si ça ne dépendait que de moi
Je ne serais pas venu ici
Je serais resté là où je fus autrefois
Maintenant on me dit des choses
Des choses bien étranges
Des choses qui n’ont aucun sens
Rien n’est gratuit
Tout s’achète
Tout s’échange
Tout est illusion
Tout est hypocrisie
De nos jours le sourire cache bien la haine
Le rire cache bien une grosse peine
Personne ne m’a demandé mon avis
Si ça ne dépendait que de moi
Je ne serais pas venu ici
Je serais resté là où je fus autrefois
Et parfois je me demande
Pourquoi m’a-t-on obligé à être sur cette planète

64
La vie a un sens
La vie a des objectifs
La vie a des règles
Mais la vérité c’est qu’elle est belle pour les plus forts
J’ai finalement compris une chose
Pour réussir il faut tricher
Il faut mentir il faut manipuler
Il faut être hypocrite il faut faire mal
Il faut être féroce mais le problème
C’est que je ne veux faire de mal à personne
Je veux juste suivre mon chemin
Nous les hommes nous avons des cœurs de pierre
Plus les époques s’échangent plus tout se complique
Rien n’est gratuit
Tout s’achète
Tout s’échange
Tout est illusion
Tout est hypocrisie
Impossible de gagner sans faire mal
Tout est compétition
Tout est obstacle toujours il y a un hic
Tout est difficile
Tout est faux
Tout n’est pas vrai
Le monde fonctionne d’une façon étrange
Le monde glisse dans l’incertitude
Mais moi je veux juste suivre mon chemin
Personne ne m’a demandé mon avis
Si ça ne dépendait que de moi

65
Je ne serais pas venu ici
Je serais resté là où je fus autrefois

66
RÉVOLUTION

Nous avons demandé


L’indépendance
Nous avons demandé
Notre liberté
Les colons sont partis
Nous avons dansé toute la nuit
Indépendance CHA CHA
Nous nous croyions déjà libres
Pourtant il y avait le FCFA
Pourtant il y avait les nègres de maison
Pourtant il y avait le christianisme
Nous ouvrons maintenant les yeux
La réalité est difficile
Nous sommes encore des esclaves
Mais il faut se battre
Mais il faut résister
Pour que nos enfants ne deviennent pas
Des esclaves à leur tour
Ce pays nous appartient
Ce pays nous l’avons hérité de nos aïeuls
Le pétrole l’uranium le bois le cacao l’or
Ils n’ont pas le droit d’y toucher
Ce n’est pas gratuit
Françafrique rendez-nous nos richesses
Et partez nous ne voulons plus de vos mensonges
Nous avons demandé
L’indépendance

67
Nous n’avons pas demandé
Le néocolonialisme
Le jeu est truqué
Nous ne voulons plus jouer
Nous sommes au 21ème siècle
Nous sommes à l’époque de WHATSAPP
De YOUTUBE et de FACEBOOK
Nous voulons être libres
Nous ne voulons plus de misère
Je dis rendez-nous nos richesses
Désormais nous savons à qui nous avons affaire
L’Afrique c’est le berceau de l’humanité
L’Afrique c’est la mère du monde
L’Afrique fournisseur de matières premières
La réalité est difficile
Nous sommes encore des esclaves
Mais il faut se battre
Mais il faut résister
Pour que nos enfants ne deviennent pas
Des esclaves à leur tour

68
YAOUNDÉ

La ville est difficile


Il faut avoir des couilles
Pour s’y aventurer
Le long des rues
Il y a beaucoup de mendiants
Et toutes ces personnes
Qui se battent
Dans l’informel
Pour (sur)vivre

La ville est difficile


Il faut avoir des couilles
Pour s’y aventurer
Il ne fait pas bon de vivre ici
Il faut se méfier de tout le monde
Crime rituel par-ci
Braquage par-là
Si tu n’es pas prudent
Tu vas te faire
Escroquer
Agresser
Où même violer

La ville est difficile


Il faut avoir des couilles
Pour s’y aventurer
Le pauvre vendeur ambulant
Est devenu une proie
Une traque de la CUY
Regarde autour de toi
69
Tu ne verras que la misère
Et la honte

Yaoundé n’est pas


Un paradis
Il faut être écervelé
Pour ne pas le comprendre
Rien à voir avec les rêves de
New York
Paris ou Lagos
Ici tout se paye
Rien à foutre de la charité
C’est le capitalisme
À l’état brut
Toi tu veux quitter
Ton beau
Petit village
Qui te sourit
À chaque chant du coq
Parce que tu as entendu dire
Que tous les citadins
Côtoient la richesse
Et sont huppés
Tu penses vraiment
Qu’ici la chance est un hasard
Saisissable

Tu as oublié
Le calme fluide
Et thérapeutique dont tu jouissais
Ainsi que tous les plats
De Zom et de Sanga

70
Que tu dégustais
Gratuitement

La ville est difficile


Il faut avoir des couilles
Pour s’y aventurer
Fais attention
Ne quitte pas ton beau petit village
Pour explorer notre triste réalité
Sinon tu vas le regretter
Amèrement

Tu n’as pas d’argent


Ce n’est pas
Un problème tant que tu es en santé
Tant que tu peux jouir de ta liberté
Garde tes terres
Garde tes traditions
Garde tes valeurs

Ne viens pas
À Yaoundé

© Yaoundé suivi de Mon paradis c’est toi, Éditions Soleil, 2019.

71
Balbine B. NGONO
Balbine B. NGONO est née le 20 juin 1990 à
Nkoledouma dans le département de la Lékié
(Cameroun). Originaire de la ville d'Obala,
ville qu'elle aime tant et qu'elle célèbre à tout
vent, cette jeune femme à la poigne de fer au
cœur en or est une autodidacte qui a fait de la
poésie une thérapie qui cicatrice les âmes
blessées. Sa citation favorite est : « Un mal que je dénonce est un
pas vers un monde meilleur ».

72
TRISTE PRÉSAGE

Un monde en couleur
Un monde en douleur
Une terre sans rigueur
Une terre sans vigueur

Les ombres de l’ignominie


Les affres de la calomnie

Le peuple vit dans l’erreur


Le peuple baigne dans l’aigreur

L’aigle s’envole vers d’autres cieux


Inconscient, il croit à d’autres dieux
À la politique du ventre
À la politique des cancres

Ceux qui méprisent leur devise


Ceux qui en plus divisent
Le corbeau se joue du renard
La colombe se moque du charognard

Loin du vert pâturage


Loin de tous les mirages
De l’autre côté du miroir
Brille cette éphémère gloire

73
Une guerre tribale
Une réflexion animale
Est-ce cela l’échange d’idéologies
Est-ce cela défendre sa patrie

Le désordre comme union


La bagarre comme communion
Les injures en partage
Triste ! Oui triste ! Ce présage

74
PARIS MON AMOUR

Tristesse que me veux-tu


Je plonge dans le caveau de mon ombre
Une conscience coupable et sans vertu
Un silence mordu de ma mémoire sombre

Les vagues murmurent ton nom


Le satyre pétillant de tous les feux
Char des dieux ou poudre à canon
Le sang des martyrs était ton vœu

Paris je t’ai pourtant aimée


L’impérialisme sonna la fin de l’Union
Tu m’as ridiculement charmé
Entre mes enfants plus jamais la communion

Ô Paris ! Paris !

Je t’ai pourtant couverte d’or


Était-ce un amour épique ou épisodique ?
Ma vie devenue un sillon de remords
D’une passion aveugle et chaotique

Les séquelles de ton emprise coloniale


Sont à jamais marquées sur ma descendante
As-tu seulement lu GERMINAL
Pour comprendre ma flamme ardente

75
De tromperie en tromperie
Toute ma richesse volatilisée
Je te regarde puis je souris
Paris mon amour, tu m’as utilisé

76
MON OMBRE
Il m’arrive d’être triste
Ce soir ! Je suis triste
Oui ! Triste je le suis
La peur s’ensuit
Rien à voir avec la mélancolie
C’est pas de l’ironie
Je suis triste de ma vie
Je suis triste et c’est la vie
Je me pose des questions
Je perds même la raison
Je suis meurtri par cette trahison
Verrais-je demain
Irais-je jusqu’au bout du chemin
Dans la buée de ce monde d’évasion
Mon cœur à eu crevaison
J’en perds mon latin
Suis-je un sombre crétin
Un somnambule de la souffrance
L’âme en errance
Qui guérira mes blessures

Qui recollera mes cassures


Personne ne me comprend
Personne ne comprend

77
LE LEURRE

Prêt à s’envoler
Vers le ciel étoilé
Le regard perché
Vers le ciel bleuté

De colère l’homme se leurre


De souffrance il se meurt
D’amour il se fait rêveur
Dans l’espoir malgré lui il demeure

De grâce ! Faites montre de tendresse


Dans ce monde fait de rudesse
De grâce ! Faites montre de gentillesse
Dans ce monde fait de maladresses

De loin s’envole le corbeau


Son bec n’a rien de bien beau
La nature s’incline de nouveau
Le crapaud court vers le caniveau

L’Amour rassemble
Ceux qui s’assemblent
Parfois se ressemblent
Certains cheminent ensemble
Brave comme CHAKA ZOULOU
Malin comme le petit KIRIKOU

78
Fort comme SANKOKOU
Devin comme un marabout

Liberté ! Quelle est belle cette chimère !


La pilule est de plus en plus amère
Liberté ! Que ce mot est éphémère !
Comme la colère d’une tendre mère

Qu’avons-nous en souvenir ?
Que nous réserve l’avenir ?
Qui devons-nous chérir ?
Comment allons-nous mourir ?

79
JE M’OFFRE À TOI

Quand je te parle
De mon pays
Le Cameroun
C’est pour te raconter la folle histoire
Qui nous unit à jamais

Un seul peuple
Une seule nation
Une seule âme
Un seul corps
Cameroun mon pays
Je m’offre à toi

Quand je te parle
De mon pays
Le Cameroun
C’est pour te faire découvrir
Le magnifique paysage du Septentrion
La biodiversité du parc de WAZA
La beauté naturelle des berges du WOURI
L’originalité du festival du NGONDO
La mythique danse du BOL
Les fameuses chutes de la LOBÉ

One people
A single nation
A single soul

80
A single homeland
Cameroun mon pays
Je m’offre à toi

Quand je te parle de mon pays


Le Cameroun
C’est pour te montrer les richesses
Du peuple de la forêt
De BIPINDI à LOLODORF
C’est pour te parler des hauts plateaux de l’Ouest
C’est pour te montrer le Mont Cameroun
C’est pour te faire manger un bon plat de ERU
C’est pour te faire danser au rythme du BIKUTSI
C’est pour te faire visiter la ville aux sept collines
Un seul peuple
Une seule nation
Une seule âme
Cameroun mon pays
Je m’offre à toi

Mon frère
Ma sœur
Est-ce que tu peux comprendre
Cette vibration patriotique qui s’exprime en nous
Est-ce que tu peux te rendre compte
De toute cette profusion,
Le Cameroun notre belle patrie
Est une terre bénie
Une Afrique en miniature
Une Afrique au pluriel

81
Danse folklorique de la terre des dieux
Essence culturelle qui vient des cieux

Cameroon my country
I belong to you

82
EN ROUTE VERS LA CATHÉDRALE

La cathédrale de mon village


Très doux ce mirage
Fallacieuse utopie
Rêve ou simple cacophonie

Depuis des lustres


Dons et cotisations existent
À la sueur de leurs fonds
Les fidèles servant sont au front

À quand la réalisation
À quand la concrétisation
De cette œuvre architecturale
De cette communion dominicale

Où va l’Église ?
Que devient cette église ?

Le bon Dieu a fermé les yeux


Le regard passif, il se terre dans les cieux

La cathédrale de mon village


Est-elle au bord du naufrage ?

Que le mont du seigneur se taise


L'imposture point ne s'apaise

83
À ceux qui croient croire
À ceux qui semblent croire
À ceux qui pensent croire
À ceux qui espèrent croire

Réveillez-vous et croyez
Réveillez-vous et chantez
Au rythme de la tromperie
Au rythme de la supercherie

Continuez de cotiser
Continuez de donner
Au prix de votre porte-monnaie
Au prix de la réalité que tous on connaît

84
UNE EFFLUVE RARE

Une reine qui cherche son trône


Une princesse qui cherche ses lettres de noblesse
Égarée au milieu de cette immense faune
Au patrimoine génétiquement en détresse
Divine fleur du jardin humain
Douce orchidée à la mélanine en trêve
Effluve secret du Jourdain
Unique tulipe à la couleur de rêves

Lionne dont la légendaire crinière


Inonde de préjugés archaïques
Femme dont la beauté casanière
Évoque les mystères des anciennes mosaïques

Laisse éclore tes pétales de roses


N’aie pas peur d’effleurer le paradis
J’aurais bien voulu t’écrire en prose
Mais te mettre dans un moule t’aurait affadie
Aussi belle qu’une déesse de l’Égypte antique
Aussi précieuse qu'un magnifique vermeil
Je louerais ta beauté dans un glorieux cantique
De par tes yeux qui promettent monts et merveilles
Loin de ce labyrinthe d’énigmes
Loin de ce jugement inlassablement nôtre

C'est la profondeur de sa bonté qui l'anime


Elle n’est pas bien différente des autres

85
LA DOT

Jadis elle fut symbolique


Un geste simple pourtant très significatif
Une connotation presque biblique
Un acte d’amour purement qualitatif

L’appât du gain ayant pris le pas sur la raison


La dignité est désormais enfouie dans les tréfonds
Sans semer on court vers une éphémère moisson
Nos traditions ont perdu leur regard profond

La femme d’aujourd’hui n’a qu’une valeur marchande


Vendue sans honte au plus offrant
C’est le cas de ma sœur Fernande
Célibataire pour manque de francs

Depuis des lustres


La mère de l’humanité est chosifiée
Cet état de fait la frustre
Dans sa famille elle est très peu glorifiée

Les hommes portez vos plus chères godasses


Le terrain est de plus en plus miné

De nos jours doter sa dulcinée


Demande beaucoup d’audace

86
Une multitude de vient on reste
Le mariage coutumier n’est plus à portée de main
Dix ans de concubinage est pire que l’inceste
Pensez-vous vraiment au lendemain ?

Dans la LEKIE c’est encore plus grave


Les listes touchent les sommets de l’indécence
Pour remplir les conditions les poches doivent être braves
La femme est-elle objet de concupiscence ?

87
Ô MARIE
Hier au bord du ruisseau
J’ai encore vu la petite Marie

Près d’elle son compagnon M. le seau


Qui comme elle jamais ne sourit

Ses magnifiques yeux


Aveuglés par les larmes
Regardaient vaguement les cieux
Doutant de la réalité de ses charmes

La main posée sur la joue


Là voilà égarée dans ses pensées
Les pieds remplis de boue
L’âme déjà usée

Ô Marie !

Tu baignes dans la lessive et la vaisselle


D'autres tiennent le stylo
Tu sombres dans cette loi universelle
Tous les matins tu remplis un fût d’eau

Très tôt devenue orpheline


Tu vis un véritable calvaire
Chez ta tante Gwendoline
Une femme au cœur de fer

Ô Marie

88
Tes parents fauchés dans un accident
Par un conducteur ivre de vitesse

À l’accélérateur sombre et décadent


Qui signa ton contrat avec la tristesse

Tu n’as que onze ans


Déjà tu as cessé de croire à l’humanité
Tes mains abimées jusqu’au sang
Sont le fruit d’une ignoble cruauté

89
LA FEMME ETON

La femme ETON d'une démarche de gazelle


Traverse les obstacles de la vie
Avec beaucoup de zèle
Femme aux multiples principes
Qu'elle respecte à la lettre ou anticipe
La femme ETON est une lionne
Sa réussite en toute chose
Plus, elle étonne
En mère accomplie,
Elle fait montre de pugnacité
Associant aussi bien sa beauté à la générosité

La femme ETON a un caractère bien trempé


Attention à ceux qui veulent la tromper
Jamais elle ne passe inaperçue

Malheureux est le sort


De celui qui veut lui marcher dessus
La femme ETON est très vertueuse
Il est très rare qu'elle soit envieuse
Au-delà des mots
Elle a aussi des défauts c'est un fait
Mais ses innombrables qualités
La mettent au diapason des bienfaits.

90
La femme ETON est une épouse valable
Son savoir-faire reste inégalable
C'est la femme que chaque homme rêve d'avoir
C'est la reine des reines
Il est important de le savoir

91
Bertrand NTSAMA
Bertrand NTSAMA est né le 1er avril 1975 à
Ebougsi au Cameroun. Titulaire d'une Licence
en Droit privé fondamental obtenue à
l'Université de Yaoundé II à Soa, il est l'auteur
de trois ouvrages : Confession, recueil de
poèmes paru en mars 2018 aux Éditions Homo
Minerve ; À l'aube de l'Odyssée, roman paru en
juillet 2019 aux Éditions Édilivre et Les Cris de l'intérieur, recueil
de poèmes co-écrit avec Balbine Ngono, paru en août 2019 aux
Éditions Édilivre.

92
UN BONHEUR INESPÉRÉ

La lune est pleine,


Le village s'illumine,
Discrète à l'ombre des bananiers,
Sa voix susurre et jure fidélité.

Elle se livre à la vie,


Voilà son corps alangui,
Dans la nuit glaciale qui frémit,
Prémices d'une ivresse infinie.

Sa bouche déjà l'effleure,


De ses mains il cueille sa fleur,
Elle l'accueille avec délicatesse,
Elle gémit sous ses caresses.

À son oreille elle murmure,


Emportée dans un doux voyage,
Qui cicatrise les blessures,
De son âme jadis en cavale.

Après tant d'illusions perdues,


Elle découvre le bonheur inconnu,
Son cœur n'est plus cet écrin fragile,
Qui tenait à peine sur du fil.

C'est l'histoire de sa vie,


Racontée par ces mots éparpillés,
Couchés sur ce morceau de papier,
Pour qu'elle ne sombre pas dans l'oubli.

93
UNE OBSCÈNE ROMANCE

Les larmes perlent de nos yeux,


Le monde a-t-il été abandonné des dieux,
Les hommes impuissants regardent en vain les cieux,
Et se demandent ébranlés, où sont passés nos aïeux.

Les mots ne suffisent plus à rendre compte du désastre,


Les médiums tétanisés convoquent le pouvoir des astres,
La déliquescence poursuit à grands pas sa route,
La morale et l'éthique sont à la déroute.

Voilà que vacille notre société insouciante,


L'humanité vaincue est-elle atteinte de démence ?
Pourquoi ternir la blancheur immaculée de notre enfance ?
La jeunesse candide interroge notre effroyable silence.

Ils veulent assouvir leur funeste indécence,


En plongeant dans les fentes de l'innocence,
En y versant leur satanique semence,
Bon sang ! Quelle obscène romance !

94
LE DESTIN DES NOIRS
N'EST PAS BLANC

Le racisme bat son plein,


L'arbitrage au faciès,
La haine de la mélanine,
Le crime d'être noir.

Que de souvenirs exhumés,


Héritage d'une mémoire tragique,
Curieux retour vers le passé,
La deuxième mort de Kunta Kinté.

Le football a cessé d'être un jeu,


Il est au cœur de multiples enjeux,
Il est le terrain de nombreuses batailles,
Larvées ou simplement en latence.

L’Afrique doit fourbir ses armes,


Et inventer la grammaire de tous les possibles,
Il faut absolument laver l'affront,
Le destin des Noirs n'est pas blanc.

95
NON AU GÉNOCIDE

L’appel au génocide,
Une incitation à la guerre civile,
Un jeu trouble et dangereux.
Le début d'une horreur sans fin.

Quand elle éclatera,


Personne n'en sera épargnée,
Hommes et femmes,
Petits ou grands.

Elle frappera à tout hasard,


Sans discrimination.
Certains parlent de révolution,
À leur endroit une mise au point.

Comme le disait Amédée Ponceau,


On ne bâtit pas un monde meilleur,
Sur les larmes d'innocentes victimes,
Ou sur les décombres des corps en décomposition.

Fils et filles de mon pays,


Ne cédons pas à la provocation,
Ne cédons pas à la division,
Ne cédons pas à la désunion.

Ensemble faisons barrage,


Aux sirènes de la déchirure,
Aux appels à la barbarie,
Aux adeptes de l'Apocalypse

96
UNE INDICIBLE HORREUR

La République est au bord du précipice,


Ses enfants se déchirent et s'entretuent,
La raison vacille, le peuple crie au supplice,
L'armée républicaine paye un lourd tribut.

La nation agonisante descend aux enfers,


Ses élites désunies croisent violemment le fer,
Recroquevillée sur les miradors
De ses espoirs embrumés,
La jeunesse candide ne sait plus à quel saint se vouer.

L'horreur est devenue la routine du quotidien,


Ouvrière sans yeux, berceuse du chaos,
Le sang inonde les plaines et dévale les ravins,
Les armes crépitent comme jadis à Waterloo.

Dans la forêt l'acier luit et les bivouacs fument,


Dans le cœur des hommes de sombres desseins s'allument,
La paix s'en est allée dans la gueule horrible de la guerre,
La haine aveugle dans les communautés prospère.

Des idoles aux sanglants lauriers


Vibrent d'aise aux chaleurs des charniers,
Insensibles aux douleurs de ces morts sans noms,
Subjugués par l'ivresse et la fureur des canons.

Voyage aux frontières hideuses


[d’un combat qui a perdu son essence,
Tragique enténèbrement des lumières du bon sens,

97
Étrange retour d'un passé pas si lointain,
Mon pays coule, il est à la croisée des chemins.

98
NOIRS DÉSIRS

Noirs désirs,
Pulsions sauvages,
Passions indécentes,
Plaisirs obscurs.

Et puis, un cri aigu,


Une voix stridente,
Une douleur vive,
Une chair innocente,

Martyrisée,
Perforée,
Transpercée,
Déchirée.

Une souffrance éternelle,


Un marqueur indélébile,
Une trajectoire brisée,
Des rêves évanouis.

Tragique destin,
Des enfants violés.
Ignominie des adultes,
Mépris de la vie.

99
LA VANITÉ DE NOS HYPOCRISIES

Un jour ou l'autre,
On partira de ce monde,
On quittera la scène
De notre précaire existence,
Sans un adieu.

Tous on partira,
Vers cet ailleurs lointain,
Dans ce pays qui nous est inconnu,
Pays de la félicité peut-être,
Ou de l'oubli éternel.

La terre nous engloutira,


Dans l'immensité de sa création,
Dans les entrailles de son mystère,
Et le hasard de ses convenances.

On se rendra compte sur le tard,


De la vanité de nos hypocrisies,
De la futilité de nos disputes,
Et de la naïveté de nos combats.

100
VAL CHAMMAR,
SOLEIL DE MA LÉKIÉ NATALE

Une jeunesse éternelle,


Un visage de jouvencelle,
Un regard énigmatique,
Une voix douce et angélique.

Un charme incommensurable,
Une beauté incontestable,
Des textes magiques,
Des chansons lyriques.

Une thématique actuelle,


Des sonorités sensuelles,
Un talent immense,
Une inspiration à revendre.

Val Chammar,
Soleil de ma Lékié natale,
Fleur des baies lointaines et sacrées,
Venue des profondeurs de l'authenticité.

101
MONSIEUR LE MAIRE

Monsieur le maire,
Élu de la collectivité locale,
Dépositaire du suffrage communautaire,
Voici venue l'heure du bilan.

Qu'as-tu fait de ta mairie,


Qu'as-tu fait de ton mandat,
Que sont devenues tes promesses,
Que sont devenus tes projets ?

Rivé sur les miradors de ses espérances,


Le peuple souverain attend,
Le visage candide et impatient,
Les yeux embrumés par l'espoir des jours meilleurs.

As-tu construit les ponts promis,


As-tu refait écoles et dispensaires,
As-tu aménagé les points d'eau potable,
As-tu électrifié nos villages ?

Visiblement rien n'a été fait,


La population broie du noir,
La misère est toujours rampante,
La pauvreté présente et abjecte.

Il est temps de mettre fin,


Aux mensonges infinis,
De cette élite cupide et arrogante,
Championne de la corruption et de la délation.

102
ESPÉRANCE

Dans les recès de la solitude,


Vers toi s'élève ma gratitude,
Recours ultime d'une vie qui chancelle,
Note anonyme qui entonne une vie nouvelle.

Vertu théologale qui enfante le génie,


Germe pontifical qui tutoie les interdits,

Telle une femme tenant l'étendard,


Pour tous, tu restes l'unique phare.

Dopée par l'espoir de la force éternelle,


En l'homme tu ravives la vie de jouvencelle,
Ode qui chante les sonnets d'une vie meilleure,
Hymne à la gloire des peuples de la terre.

Tu es cette soif qui jamais ne s'éteint,


Sur la vie agréablement tu déteints,
Tu es la rose qui illumine les cœurs,
Tu es le parfum qui embaume nos rancœurs

103
BOBBY PAUL
Bobby Paul, né à Port-au-Prince Haïti, est un poète
humaniste dont l'esthétique embrasse tout ce que la
poésie à d'original, de profond, de surréel et
d'absurde à offrir. Il vit depuis plus de trois décades
aux États-Unis d’Amérique du Nord.

104
DÉSOLÉ
Étant donné mon ange
Que je ne pourrais jamais peindre
Des épures poétiques aussi pures que les tiennes
Étant donné qu’au tréfonds de mon encrier stérile
Les rêves en catimini se sont évaporés
Étant donné que l'insoumise feuille blanche étanche à tout jamais
m'a tourné le dos
Étant donné que les anaphores des métaphores
Ont cessé d'être des lucioles
Dans l'encre de ma nuit
Sans dire un mot à ma Muse,
J’ai cassé mon infime plume

RENAISSANCE

Vertical impassible et fier


Je reprends naissance
Dans les cris du baobab

À tout jamais je suis


Coiffé de négritude
Oui ! coiffé de moi-même

105
MOTS SANS TITRE

Un souffle nouveau
D'ombres blanches,
De lunes noires,
De sons flambants neufs
Se lave scrupuleusement
Aux cris de la rime qui mime
Et se sont démaquillés
Tous les non-dits non-dits
Tous les trop-dits
Tous les pas-assez-dits.

Mais j'accepte ma foi


Que tout est répétition
Et que rien de nouveau n’existe
Quand saigne la blessure
Pour le vide des douleurs.

106
Caroline Flore PAYONG KOUAKAP

Caroline est née le 19 juillet 1993 à Yaoundé.


Originaire de la région de l’Ouest Cameroun,
elle fait ses études primaires et secondaires à
l’école publique puis au lycée de Mballa II.
En 2011, elle obtient un Baccalauréat D et en
2014, une Licence en Philosophie, option
Épistémologie et Logique. En 2015, elle
publie chez Édilivre un recueil de poèmes intitulé Cogito.
Actuellement en cycle Master à l’université de Yaoundé I, cette
éprise de poésie entame une carrière de slameuse et produit en
2019 un EP Poésie Slam Découverte. Elle est l’auteure de
plusieurs textes de poésie et de slam.

107
MA FLEUR

Dès la fleur de l’âge j’ai humé son odeur


Présente au fond de mon être j’ai aimé sa senteur
Peu à peu, j’ai appris à faire sa connaissance
Fleur naissante, qui ne demandait qu’à être arrosée
À bien grandir afin de devenir aussi belle qu’étincelante

Dans l’innocence de l’amour je l’ai connue rose


Pour traduire mes douleurs et mes peines,
Elle a pris une couleur pâle
Très souvent mélancolique je l’ai aimée idyllique
Inspirée par ces sentiments tendres et naïfs

Dans sa floraison elle a très souvent


Changé de couleur selon les saisons
Elle a été rouge pour traduire ma passion
Elle s’est teintée de jaune pour décrire mes émotions
À chaque fois qu’elle m’a permis de m’évader et de rêver
C’est en bleu qu’elle s’est colorée

Fraîche et naturelle, belle !


Aussi bien dans sa simplicité, que dans sa sincérité

Qu’elle traduise la vie, la mort, la mort de la vie


L’ombre des lumières ou les mots qui sévissent
Qu’elle soit forte dans la faiblesse
Ou courageuse malgré ses peurs
Quand, dans sa course contre le temps, elle n’est jamais à l’heure

108
Ma poésie, ma fleur…
Ma poésie est une fleur qui brillera aussi
Longtemps que durera le printemps de ma vie
Ma poésie, ma fleur…

109
ELLE

J’ai fait sa connaissance il y a une vingtaine d’années


En fait j’étais là le jour qu’elle est née
Elle a grandi sous mon nez
Et j’ai tellement fait partie de sa vie
Que son histoire je peux vous la conter aujourd’hui

Elle, petite fille calme, timide et réservée


Tellement posée qu’elle avait toujours du mal à oser
Oser poser des actes contraires à ce qui lui était demandé
Oser s’imposer et aller au-delà des idées arrêtées

Elle préférait se ranger parfois même se cacher


Se cacher des regards indiscrets
Un peu sournoise, oui, elle faisait tout dans le secret

Je me souviens de ses années d’adolescence


L’air innocente, elle, n’était pas dans la jouissance
D’une jeunesse en décadence, non !
Elle, ne connaissait pas les charters et les soirées bien arrosées
Elle, ne connaissait pas les rencards et les boîtes bien animées

Elle, en fait était une fille à papa


Mais y’a bien des choses qu’elle faisait et que papa ignorait

Elle, peu à peu a découvert ses côtés sombres


Et des fois elle, a aimé marcher dans l’ombre

Elle, les a connues très tôt


Ces amours qui l’ont fait rêver

110
Ces amours passagères, qui continuent de passer
Pour elle, c’est dépassé
Que de songer à continuer de croire aux contes de fées

La vie a de biens dures réalités, elle, ne peut plus en douter


Et c’est dans ses écrits qu’elle s’est très souvent réfugiée
Entre déception, désillusion et consternation elle s’est forgée
Formée et déformée, elle, a appris à jouer de tous les côtés

Elle, aujourd’hui est une jeune femme à la quête de ses repères


Elle, aimerait apprendre des siens
Et faire connaissance avec la terre de ses pères
Elle, aimerait s’affirmer et militer pour plus d’égalité
Qu’au-delà du genre humain, on parle plus d’humanité

Elle, pour vaincre sa timidité et au monde, se dévoiler


Elle, a choisi le slam pour s’exprimer

111
TRADI-RÉDEMPTION
Il nous a créés sans nous mais ne peut pas nous sauver sans nous
D’où vient alors le fait d’ignorer et de mettre de côté
Ce qui vient de chez nous

Ce ‘’chez nous’’ qui m’est encore inconnu


Ce ‘’chez nous’’ qui m’appelle dans le brouillard d’une culture
Qui n’est pas la mienne mais à laquelle je m’identifie

Dans les exploits et les œuvres accomplies


Y’a ce vide toujours ressenti
Cette sensation de s’être perdu
Sur une route empruntée pour aller quelque part
Sans toutefois connaître le point de départ

Je suis de la génération qui porte le fardeau


Celle sur qui reposent les fautes des lois transgressées
Celle qui porte le poids des coutumes et rites non respectés

Je suis une victime de la civilisation


En quête de guérison,
Je me réfère à la tradition comme première religion
En elle je trouverai la rédemption,
Le pardon des péchés
Et des erreurs passées de ceux qui m’ont précédée

112
MOTS-CONFORT
(À tous ceux qui ont perdu un être cher)

Impuissante face à ta douleur, je n’ai eu mots dire


Tu venais de connaître le pire et moi,
Je n’ai pu t’empêcher de souffrir

Avec quelles paroles pourrais-je apaiser ton cœur ?


Avec quels mots pourrais-je te consoler ?
Ton cœur saigne, je le sais
J’aimerais tant soulager ta peine,
Mais quand les souvenirs s’en mêlent
Y’a rien à faire et tu le sais

J’aurais tant aimé te préserver de cette dure réalité


Mais la vie hélas, sur nous parfois s’acharne et son charme
Laisse place à une effroyable laideur
Avec la peur sans une lueur
De connaître à nouveau des jours heureux

Ça fait mal de te voir ainsi…


À croire que la vie parfois se nourrit d’un malin plaisir
À nous voir croupir à l’ombre du désespoir

Mais toi… ne sombre pas !


Trouve en ta faiblesse la force de surmonter cela,
D’aller au-delà de cette croix
Surtout ne baisse pas les bras, garde la foi et dis-toi :
Un jour viendra et je te reverrai encore une fois

113
CRI DE FEMMES
(En hommage à toutes les femmes rabaissées et victimes de
mutilation génitale)

Elles sont sans voix sous un toit


Traitées avec infamie parce que femmes

Je pense à elles, à toutes celles


Qui n’ont pas le droit de faire des choix

Expliquez-moi comment l’on parvient et ce sans effroi


À prendre des êtres pour des biens
À les priver de toute sensibilité
À les empêcher de jouir de leur humanité

Je suis offusquée quoique révoltée


Devant ces pratiques à caractère atypique

Alors je pense à elles, à toutes celles


Qui n’ont pas le droit de faire des choix…

Je pense à elles, à toutes celles


Victimes de mutilation génitale
Parce que femmes

Cette position est une opposition


Qui prône la suppression de ce qu’ils appellent tradition
Cette position appelle à plus de considération
Et à une réelle autonomisation des femmes de tous les horizons

114
ODE AU JOUR NOUVEAU

En silence et dès l’aube, tu te lèves


Et sur tes lèvres tu laisses paraître
Un sourire qui illumine nos vies et dissipe nos peurs
Et sans un mot tu nous dis : voici venue l’heure

L’heure de se lever et de continuer à batailler


L’heure de songer à saisir de nouvelles opportunités
L’heure de savourer, de célébrer et de croquer à pleines dents
La chance de plus qui nous est offerte gracieusement

Tes rayons transpercent nos cœurs ;


Ils font renaitre en nous des espoirs perdus dans l’obscurité d’une
triste réalité
Et de mille feux se remettent à briller
L’étincelle qu’on se croyait désormais incapable d’allumer

Tu es la preuve que nos échecs d’hier ne sont guère une fatalité


Tu es l’expression même d’une nouvelle possibilité à envisager,
Un nouveau départ à prendre,
De nouveaux comptes à rendre,
De nouveaux exploits à accomplir,
De nouvelles pages à écrire…

Une pierre de plus à poser


Pour construire l’édifice qui nous fera vivre
Quand bien même jamais plus tu ne te lèveras pour nous

115
Louis EBENE
Louis EBENE est né le 22 février 1976 à Emana
dans le département de la Lékié. C’est dans la
douceur de la cuisine et des champs de Mbomo
Ndeingui à Nlong Onambélé par Sa’a qu’il
apprend les rudiments de la vie rurale. La
douleur sera intense quand il ira à l’école
catholique St Paul de Nlong Onambélé, puis au collège Stoll
d’Akono. Son amour pour les belles lettres sera révélé par son
professeur de français Thomas Assaoga alias Boileau. Il ira par la
suite acquérir les techniques d’expression artistique à l’Institut de
Formation artistique de Mbalmayo.

116
L'AFRIQUE

Pour voir l'Afrique


Il faut avoir les yeux du cœur
Pas les yeux du colon
Pas les yeux de l'esclave

Loin de la caricature
Loin du grotesque
Loin du burlesque
Voici l'Afrique

Terre hospitalière
Terre sauvage
Terre nourricière
Terre très riche

Riche de ses hommes


Riche de sa culture
Riche de son amour
L'Afrique est large

Berceau de l'humanité
L'Afrique a tout donné
Ses hommes
Son savoir

En retour
Elle a été flouée

117
Esclavagée
Meurtrie

Au fil des siècles


L'Afrique régénère
Toujours vierge
Toujours debout

Sans rancune
L'Afrique avance
Sans précipitation
L'Afrique se construit
Jour après jour
Mètre après mètre
Les jalons sont posés
Loin du discours politique

L'Afrique se vit
L'Afrique se découvre
Pas sur Ushuaïa
Mais dans les cœurs

© Le fou du village, Éditions Soleil, 2019.

118
LA MER

Être à la plage est un régal


Pour les sens c’est sans égal
Terre, mer et ciel réunis font rêver
C’est un spectacle au goût relevé

La mer est comme nos vies


Dans la tragédie du drame humain
Tout acte est mis scène pour demain
Voilà la mort qui consacre nos vies

Qui suis-je face à la furie des vagues ?


Juste un pauvre con qui divague
J’ai peur de l’horizon lointain
En contemplant, je perds mon latin
Le bonheur est-il au bout de la mer ?
Je revois le parcours du colon
Comme me l’explique Michel COLON
Le butin est bien loin de la terre-mère

Le migrant n’a plus peur de rien


Qui ne risque rien n’a rien
Combien ont-ils été déjà avalés ?
J’entends des cris au fond de la vallée
La mer est gloutonne du sang africain
Que font nos illustres panafricains ?
La mer sait garder ses mystères
Je hais ceux qui ne savent pas se taire

119
Pour une "Tchoin", un ami m’a balancé
Aux abois, il erre au pas cadencé
La mer comme la tombe me fascine
Le poète s’abreuve de toxine

Face au tumulte de ses maux


Il sait trouver le juste mot
À la mer, je t’invite, cher lecteur
Tiens-toi en face de ce miroir

La mer n’est pas un mouroir


C’est le plus grand des recteurs

© Le fou du village, Éditions Soleil, 2019.

120
HAÏTI

Bruit des vagues annonçant la couleur


Une terre repère des corsaires
Un peuple qui baigne dans la douleur
Depuis Louverture jusqu’à Césaire

De catastrophe en catastrophe
Haïti n’a jamais rompu
Toujours élégante comme une strophe
Ce pays vit malgré l’histoire corrompue

Le sang du nègre crie vengeance


Un fouet claque dans la nuit noire
La révolte est alors l’unique convergence
Maigre lueur d’espoir d’un peuple noir

Et Toussaint mena le combat


Les esclaves furent libérés
Avec Césaire ce fut un autre combat
Afin que tous les Noirs puissent s’autolibérer

Le malheur d’Haïti est la France


Sangsue avide de sang nègre

La France sait cacher ses carences


Haïti ! Avale ta coupe de vinaigre

En écoutant Kerry James


La moutarde me monte au nez

121
Je saoule du rhum Saint James
Les germes de la révolte en moi sont nés

Je ne suis qu’un poète et non un messie


Qui alors te sortira de la misère ?
Ta jeunesse a du talent comme Lionel Messi
Alcool et sexe, rien que des cache-misères

Haïti n’a plus besoin d’aide


Rendez-lui sa dignité
Pour sa dette je crie et je plaide
Donnons-lui la paix jusqu’à l’infinité

© Le fou du village, Éditions Soleil, 2019.

122
QUINTA

Quinta a quinze ans


Elle vient de Bamenda
Et vend les kanda
Sur la tête tous les soirs

Elle habite à Simbock


Chez une tante lointaine
Douze dans un studio
Résultat de la crise

Crise anglophone
Crise lointaine
Crise incomprise
Crise sanguinaire

Quinta ne va plus à l'école


Juste une année en sixième
Le rêve brisé
Des parents morts

La maison brûlée
L'exode dans la forêt
Manger des racines
Cruelle réalité

Vivre avec la peur


Fuir les soldats

123
Fuir les séparatistes
Des civils en otage

Une famille l'héberge


Quinta s'accroche
Elle arrive à Mbouda
Sans parler français

Il faut survivre
Elle aide dans les tâches
Travail contre nourriture
Une gamine de douze ans

Quinta apprend le français


Elle n'a pas le choix
Voilà la vie
La vie des anglophones

Des déplacés internes


Sans accompagnements

Sans espoir
Sans avenir

Quinta veut partir à l'école


Elle pleure chaque soir
Mais n'ose parler
Sinon c'est la rue

124
Un jour, elle prend le bus
Sa tante l’a vendue
Elle sera désormais bonne
Bonne à tout faire

Ce trafic existe encore


Des profiteurs rôdent
Ils achètent les enfants
Main-d’œuvre gratuite

Adieu l'école
Plus de jeux

Pauvre victime
Voilà la réalité

Bientôt la grossesse
Ou la prostitution

Sans encadrement
Elle est perdue

Qui la sauvera ?
L'État est aux abois
Des Quinta sont nombreuses
Elles n'ont plus de vie

© Le fou du village, Éditions Soleil, 2019

125
NGASSOP
Je m'en souviens
Comme si c'était hier
De cette longue séance
Et quelle séance !
Le lavement gastrique
Munie d'un curieux engin
La grand-mère faisait la ronde
Des rectums de tous ses petits-fils
Pendant les vacances
Après de curieux mélanges
Les ventres étaient ballonnés
L'air était pollué
Besoin d'assainissement
Intervention d'urgence
Aux grands maux
Les grands moyens
Grand-mère sortait son pomm
Un outil providentiel
Avec un tube rigide
Et un réservoir en caoutchouc
Avec maestria
La mixture est siphonnée
L'enfant mis sur les genoux
La salive comme lubrifiant

126
Le postérieur en évidence
On recevait la dose
Ou la surdose
Pour des ventres rebelles
Pendant quelques secondes
L'enfant est maintenu
La tête en bas
Pour la descente du traitement
Sous les regards moqueurs
Il va aux selles
Leur couleur est un indicateur
Sur la gravité du cas
Après le pomm
La vie reprenait
Le maïs et les arachides
L'air était plus sain
Le pomm a rendu service
Outil de terreur
Mis hors service
Les enfants prenaient leur revanche
Devenu ballon de foot
Son réservoir était recyclé
Des parties de football
Gare aux orteils
Gare aux chicards
De nos jours
Le pomm a été détourné

127
Les vendeuses de piment
Les lavements vaginaux
Avec le taa
Les muscles se resserrent
Pour le plaisir des clients
Pour l'honneur des wakas
Tagà aneu mebala mibônn
Amazone a vu juste
Le pomm et le banga
Les waka sont en haut
Pour service rendu
À la nation
Le pomm a sa place
Au musée national

128
BRAVO MADAME

Rentrant de mes ndjoka


Chère voisine
Je vous ai vue radieuse
Une dame heureuse

La joie dans le cœur


La joie dans les yeux
La joie de la réussite
Le petit a eu son Bac
Entourée des enfants
Félicitée par les proches
Vous étiez à l'honneur
Vous avez assuré

Tant de sacrifices
Tant de peines
Pour y arriver
Pour bâtir un homme

Bientôt l'université
Un autre challenge
Ainsi va la vie
La vie des parents

Se lever tôt
Se coucher tard
Veiller sur tout
Anticiper sur tout

129
Penser à tout le monde
Comme une poule
Protéger ses enfants
Éduquer ses enfants

Bravo madame
Merci aux mamans
Ces supers women
Infatigables femmes.

130
Maury Damase NTAMACK
Né le 18 Septembre 1988 dans le 2ème
arrondissement de Yaoundé, Maury Damase
NTAMACK est un écrivain originaire du
département du Nyong-et-Kellé. Ce poète
représente le courant existentialiste, dont
l'œuvre et l’idéologie ont marqué la vie
intellectuelle et professionnelle. Écrivain
prolifique, il est directeur d’une école d’agriculture à Yaoundé. Il
est connu aussi bien pour son œuvre Délicatesse parue en Juin
2019 aux Éditions Soleil que pour ses engagements dans le milieu
associatif et pour la cause de protection environnementale.

131
MA POÉSIE

Ma poésie c’est moi


Avec mon visage
Ma poésie est comme moi
Elle suit le charisme de mon image
L’image d’un homme intègre.
Mes écrits sont crédibles
Parce que je vis l’amour
Mes écrits sont justes et émouvants
Ils embarrassent sans bricole
Parce que le supplice est si réel
Si tangible et flagrante
Et aussi l’infortune et l’injustice.
Tantôt tristement vrai
Coriace et impitoyable
Drastique et inexorable
Ma poésie n’est pas un défi
Ni une bravade, une forfanterie
Ni une vengeance, voire une mésestime
Mais une véracité vécue et non engendrée
Ou souvent inspirée par l’esprit
Pour émouvoir les cœurs épris
Pour souvent rendre l’espoir aux sans-abris
Et surtout elle laisse libres les différents avis.

132
MOI

Je ne suis pas devenu machiavélique


Ni hypocrite ou perfide
Ne me qualifiez pas d’un tel mauvais patronyme
Jamais je n’ai menti ni triché
Jamais je n’ai mystifié ni camouflé
Pour obtenir la prédilection
Le privilège ou la longanimité
D’une déesse ou d’un tiers
Je ne suis non plus César
Le führer et tyran
Ni dictateur comme Bokassa
Je suis pacifiste, un homme de paix
Un patriote, un défenseur de l’éthique
Combattant de la liberté
Et de la souveraineté de mon pays
Mon développement personnel se dresse
Autour des grands hommes de l’histoire
Ceux-là même qui ont marqué le monde
Par leurs idées et leurs opinions
Je ne suis ni prétentieux ni aigri
Mais quelqu’un de strict
Le gage de la stabilité du patrimoine national.

133
RETROUVEZ-MOI SES ORIGINES

Certainement barbare
De couleur noire,
Ce nègre vient d'Afrique subsaharienne
Mais quelles sont les origines
De la sève qui inonde sa peau ?
Grand et fort
Rustre et barbare,
Ce nègre doit être un bon travailleur
Et sa descendance aussi,
Retrouvez-moi ses origines
Boulimique et inextinguible,
Il sait lire et écrire notre langue
Bien qu'un nègre qui sache lire
Soit un nègre dangereux,
Ce nègre sera utile à notre économie.
Après l'esclavage
Viendra la colonisation et le néocolonialisme suivra.
Il nous faudra des nègres de compagnie
Pour notre sale boulot.
Alors,
Retrouvez-moi ses origines.

134
LETTRE DE JEAN BLAISE
Herbert Damase, mon Fils
Je suis un atypique et particulier
Qui depuis toujours n'a jamais
Travaillé pour de l'argent
Encore moins pour des intérêts égoïstes
Égotistes et narcissiques
Si je m'y étais exercé pour un instant,
Comme tu le dis si bien mon tendre fils,
Je serais au moins Sénateur de la République
Pourquoi pas à la centrale de Kondengui,
Dans le cadre de la décoration historique
Du grand épervier volant en quête de justice.
Ma route a été tracée et je l'ai acceptée
J'ai choisi la dignité
Je garantis ma diversité
Ma classe et mon élégance
Je vis comme cela est prescrit de vivre
Par l'effort,
La résistance
Mais, surtout loin de la distension
Et de tout relâchement
En apportant des solutions,
Des résultats
Des issues certaines.
J'innove tous les jours
Et je suis classé d'utilité publique
Ma raison est de devenir un modèle
Un prototype

135
L’archétype et la référence
Que recherche la jeunesse.
Un Homme libre et juste,
Toujours prêt à se sacrifier pour les intérêts communs
De tout le peuple camerounais.
Tu sais jeune homme,
Un élu de Dieu ne s'embrouille pas,
Il travaille à réaliser sa destinée,
Il garde le cap et attend le jour dit
Le jour dit
Le jour de Dieu,
Pour regagner sa place.
Très cher concitoyen,
J'ai besoin de toi dans ma marche
Qui se révèle être un sacerdoce royal.

136
TESTAMENT DE MIMI
J'ai su prendre en compte toutes tes préoccupations
J'ai su prendre en compte tous tes besoins
J'ai su également prendre en compte toute ma richesse
Au plus profond de mon âme
Dans mon cœur
J'ai mis dans ce testament toute mon énergie
Ma vigueur
Ma charité
Ma générosité
Ma serviabilité
Et ma philanthropie.
J'ai souhaité que tu en sois le gérant
L’intendant
Le manageur
Le garant de ma descendance
L'administrateur de mes biens.
J'ai mis du temps à réfléchir afin de trouver
Qui serait le valeureux
L'élu
L'auguste
Celui-là qui prendra soin de mes biens
Alors je n'ai pu trouver qu'une personne
Quelqu'un de confiance
Le meilleur
Le grand
L'illustre
Manu Longondo, mon ami
Mon compagnon

137
Mon copain de longue date
Mon héritier.

138
L’ÉPOUSE
À Félicité NTAMACK

J'ai toujours aimé


Sans l'ombre d'un doute
Cette magnifique beauté
Qu'aujourd'hui je recherche à la loupe.

Il s'agit de la femme
Cet être maternel
Recouvert de splendeur
Demandeur, ascendant de ferveur
Je l'aime ma tendre maternelle.

Mon petit frère sur son dos


La houe sur l'épaule
Sur sa tête un seau plein d'eau
Sa main serrant mes os,
La voix douce et tendre,
Ne demande qu'à se faire entendre
Pour un jour donner la vie
Ce trésor que même les animaux envient.

139
JE NE SUIS PAS RACISTE

Je ne suis pas raciste


La Commission nationale
Consultative des droits de l’homme
La CNCDH en abrégé me l'a réaffirmé il y a peu
Jean-Marie Delarue l'a déclaré :
La lente décroissance
Des opinions racistes se poursuit en France,
Ce qui n’empêche pas une hausse
Des actes violents récemment ressentie.
Je ne suis pas raciste
C'est la CNCDH qui l'a dit.
J'ai juste souvent cette même douleur
Qu'un jour a ressentie une amie
Ô la pauvre,
Si seulement elle avait vécu aux temps de mes pères...
Qui n'est pas raciste ici ?
Y a-t-il déjà des Européens qui aiment ma peau
Ma belle couleur de peau... ?
Qui n'est pas raciste ici ?
C'est la question que je me suis posée
Hier dans le métro
Qu’est-ce qui a poussé ces jeunes du métro
Pourtant silencieux à se montrer
Soudain si hostiles,
Si haineux,
Si racistes au fond ?
Je ne connaîtrai pas de répit
Avant d'être récompensé par la vérité.

140
J'ai aussi la capacité de haïr
Mais j'ai fait le choix de l'amour
Je ne suis pas raciste
J'ai tendu la main à ceux que je pense
Être miens dans ce métro
Et j'attends qu’ils la tiennent
Pour visiter ma belle Afrique
Le Cameroun, le Centre du Monde.

141
LE BON SENS
Un agent revanchard est un traître
Tu l'as bien remarqué
Tu t'es bien moqué de ton maître
Tu te moques bien des savoirs
De notre peuple
De notre unité
C'est absolument désastreux
Pour un homme de ton rang.
On a été plus proche d'une guerre
Qu'on ne l'a été avant le 06 avril
Et toi, tu devrais certainement changer de table
Car tu te moques bien de la table
À laquelle tu t'es longuement assis,
De la cuillère qui t'a si bien nourri.
Tu te fous bien du montant de la rançon
Tant qu'il y a quelqu'un qui paye la note.
Il faut respecter le désert
Éviter la tentation
Supporter les péripéties
Parcourir avec succès les eaux troubles
Fuir la facilité
Se passer de la destruction
Surmonter son égoïsme
Surpasser la personnification
Et rester loyal.
Si le chemin du salut passe par le Christ,
C'est parce qu'il a su rester loyal à son père
À son fondateur

142
À son bâtisseur.
Il y a un message des anciens
Quand tu t'engages il faut que tu finisses ton boulot
Je t'en voudrais encore de t'être défilé
De t'être tiré comme un malpropre
De n'avoir pas fini le boulot pour lequel tu étais là
Tu es un pleurnichard
Un revanchard
Un triste traître.

143
LE VIVRE-ENSEMBLE

I-

Retrouvez chez vous,


Dans votre magasin,
Au fond de la pièce
Dans votre cantine,
Une bonne réserve d'eau,
De nourriture
Une boîte de premier secours
Une réserve d'énergie
Et tout le nécessaire pour avoir une vie paisible.
Vous y trouverez aussi de l'argent
Un passeport portant tous les visas
Pour les pays de rêve.
Mais, je vous en prie, n'utilisez pas ces derniers
Restez,
Ensemble, construisons notre famille
Ensemble, construisons notre nation
Ensemble travaillons pour l'essor de notre tricolore.
Ce que je demande au chef de l'État,
C'est d'être tout proche de son peuple
Comme un père de famille.
Nous avons environ 25 millions d'habitants
Soit 60 % de jeunes
Soit 70 % de ruraux
Et ce père qui est le nôtre m'a entendu lui dire
Dans un poème que c'est aussi
25 millions d’entraîneurs pour les Lions

144
Une véritable ressource
Un potentiel sûr
Une main-d'œuvre certaine
25 millions de braves gens
Tous engagés et travailleurs
Qui ne demandent qu'à être pris en compte
25 millions d'hommes et de femmes fiers
Fiers de leur nation
Fiers de leur identité
Fiers de leur diversité
Fiers de leur président.

II-

Nous communiquons tous chaque jour


Nous partageons les mêmes rues
Le même langage
Et respirant un oxygène commun.
Nous sommes un même peuple
Qui se retrouve ensemble le soir
Pour pleurer quand c'est douloureux
Festoyer quand c'est heureux
Tous, nous sommes des voisins
Voisins de même région
Voisins de même territoire
Voisins au village
Qui s'entraident
Qui peuvent compter l'un sur l'autre
Qui veillent l'un sur l'autre
Et plus que personne, le chef de l'État le sait

145
Parce qu'il n'est pas étranger chez nous
Mais ici, il est chez lui.
Il habite ici avec femme et enfants.
Tant que vous veillerez sur nous,
Monsieur le Président,
Nous veillerons sur vous
Et ce ne sont pas des messages de sardinards
Ni la repentance des tontinards
C'est le cri de ton peuple
Un peuple riche et prospère
Qui a faim et soif tous les jours
C'est aussi l'expression de notre bon sens
La vie se partage
Monsieur le Président,
Le vivre-ensemble n'est pas que pour le peuple
Même les dirigeants doivent s'y impliquer.
L'agriculteur produira
Assez si les consommateurs sont nombreux.

146
ATTENDS

À ma tendre épouse

Non attends ne pars pas


Regarde dans le polochon
Ou le coussin que j’aimais tant
Tu y trouveras mon journal jadis intime
Qui te parlera de l’amour que j’ai pour toi
Non attends ne pars pas
Parce que je t’aime le matin et le soir
Et si tu pars sois sûre que je n’aimerais plus
Si tu crois que partir arrangerait les choses,
Si tu pars pour me rendre heureux
Et me jeter dans les bras
De l’image rêvée de Dalila,
Non attends…
S’il te plaît ne pars pas.

147
Mohamed DIM

Mohamed est un Camerounais né le


12/08/1986 à Nkongsamba, dans la région du
Littoral. Il officie comme enseignant de
français dans un Lycée à l’Ouest Cameroun.
Passionné de musique urbaine et de lecture,
Mohamed Dim excelle surtout dans l’écriture
poétique qui lui a valu un pesant d’or avec sa première publication
poétique en 2018 intitulée Nulle part : D’ici et d’ailleurs aux
éditions LEN en France. Il est par ailleurs attaché culturel dans
l’association Auteurs Solidaires du Cameroun. C’est un poète
engagé qui sait que l’écriture agit sur le lectorat. C’est pourquoi il
se refuser de cadenasser son message en optant pour un style
simplet et digeste.

148
LE CRI DE L'ORACLE

Aux déplacés internes

Les flammes et le crépitement


Du plomb font des misères
Des déplacés internes doucement
Se constituent de manière
Obligatoire et sans choix.

Des enfants abandonnés


Des familles reprennent à zéro
Le tout vieux métier reprend du chantier
Au prix de tous les risques pour des euros.

La ville prend du volume


Tout devient plus difficile
Or la retraite était préparée
Mais les adeptes du plomb l'ont gâchée.
L'entre-deux en interne devient un fait.
Le trouble identitaire se crée
Tout ça dans le même pays !

Si rien n'est fait, la situation


Prendra l'espace de l'océan
Et la nage pour l'autre rive
Ne sera plus qu'illusoire.

149
MA DOULEUR EST AILLEURS

Ce matin, je ne te pleure pas


Car en toi, je ne me reconnais pas
Tu ne compatis pas
Lorsque je perds un être,
Parce que du côté des riches tu es.

Jamais tu n'es moi


Pourquoi vouloir que je fonde en émoi
Face à ta douleur qui n'arrive pas par mois
Chez moi, c’est tous les jours
Et même par seconde.

Face aux problèmes des autres,


Tu n'es pas compatissant
Mais veux imposer ta douleur
Quand tu saignes.

Ma douleur n'est pas matérielle


Elle est humaine
J'ai mal de voir tous ces gens partir
Pour un ailleurs qu'ils n'ont pas choisi
J'ai mal de penser que l'autre estime
Avoir plus mal que moi.

Le matériel on peut se le refaire


Mais jamais l'humain
Je pleure tous ceux partis très tôt
Laissant incandescents les maux
Qu'ils n'ont pas causés.

150
À tous ceux qui pleurent le matériel,
Je vous répondrais que je suis Homme
C’est pourquoi l’Homme m’importe plus que tout
Sans couleur
Sans ethnie,
Sans sexe,
Mais l’Homme !
Je pleure tous les Hommes qui nous quittent dans le monde
chaque jour
Pas besoin de race pour que ma douleur
Voie le jour !

151
TRÉFONDS

Dans les profondeurs d'un abîme


Tout se passe comme un rite
Le calme apparent
N'est qu'illusoire le plus souvent.
Le bruit sourd de son obscurité
Laisse tout présager
C'est le signe des maux étouffés.
Au lieu de les résoudre, ils sont mastiqués.

Dans la nuit noire de l'abîme,


Tous se passe avec noirceur
Le respect, parfait inconnu, guette en promeneur
Pour éviter qu'on l'abîme.

Là-bas ! Oui là-bas tout est sombre


Mais ceux qui y vivent sont des ombres
La réalité de la lumière
Certainement est derrière
Or ils pensent vivre l'étant

Aveuglé par les croyances,


Seule la véritable providence
Fera naître la flamme de l'espoir
Dans ce trou noir !

152
LES LARMES D'UN BAGNARD INNOCENT

Ce matin je me suis réveillé


Au milieu de ces pierres taillées
L'odeur pestiférée m'invite à réfléchir
À me poser des questions.

Ce matin je me suis réveillé


Ici dans ce milieu étrange
Où l'air est asphyxié
Où nos déchets intérieurs se font dans les assiettes
Où la loi du plus fort est la meilleure
Où on se fait raquetter par nos gardiens
Où l'espoir est la raison de vivre.

Ce matin je me suis réveillé


Avec une douleur lombaire
Parce que je me suis fait violer
Par mes amis à la porte en fer
Sous le regard indifférent des gardes.

Ce matin je me suis réveillé


En me demandant
Que vais-je manger ?
Du riz fait dans un tonneau ?
Du couscous tourné par des machines
Avec pour sauce de l'eau ?
Mon être est tourmenté.

Ce matin je me suis réveillé


Dans ces quelques mètres
Où dormir est un concours

153
Où les moustiques sont nos moustiquaires
Car il faut bien devancer l'autre pour se servir.

Ce matin je me suis réveillé


Avec la gorge sèche comme au Sahel
Parce que l'eau est mystère dans ce lieu
La lumière encore plus
La vie ici est invivable.

Ce matin je me suis réveillé


Au milieu des gangs
Tout innocent
J'ai pris part à l'insurrection
Blessé j'ai failli y rester
Pour quelle raison ?
J'ignore.

Ce matin je me suis réveillé


En me demandant
Qu'est-ce que j'ai fait pour être là ?
Aucune réponse ne m'est donnée
Même le juge s'interroge
Il ne comprend pas pourquoi
Mais il doit appliquer la recommandation.

Ce matin je me suis réveillé


Dans la peau d'un bagnard innocent
Pour vivre avec lui son vécu.

154
INSTANT DE BONHEUR

Quand tout est calme,


Mon être loin d'une conséquence
Développe en moi, un état.
La paix intérieure m'anime
La raison de cet état m'échappe.

Face au silence des armes,


Très en paix est mon âme.
Au fond de moi quelque chose
D'inexplicable se produit.
Mon corps est léger et peut s'envoler.

À l'intérieur de moi, je ressens


Cet instant de bonheur
Tout me semble si merveilleux
Le monde extérieur n'est plus un souci.
Mon bonheur est intrinsèque.
Mon âme est en paix.
Rien n'est plus préoccupation.
La cohésion dans le monde
Me fait passer des instants d'ataraxie.

Je ressens cette envie


De sauter
De crier
De rire
De partager mon bonheur.
Lorsqu'une voix m'interpelle
C'était juste le temps d'un instant
Le temps d'un léger sommeil

155
Le temps d'un rêve
Mais pourtant réalisable.
Le tout est dans la volonté !

156
AU-DELÀ DE LIKEMBÈ

Patrice Lumumba
Nous te célébrerons au-delà de ce que
L'Afrique pleure ta perte
Pour nous tu n'es pas mort
Car tu restes un modèle
En ces moments troubles, nous savons
Sur qui prendre la mesure

Chaque fois que


Nous, enfants d'Afrique,
Pensons à tes actions brèves,
Voulons qu'en d'autres,
L'Un face que
Tu te réincarnes

Ceci tout simplement


Pour sauver ce Continent
Que nous trouvons
Malade du fait de l'égocentrisme
Manifeste et réaffirmé
De nos dirigeants.

Si seulement
L'histoire vraie se concrétise
Un jour !
Qu'on le veuille ou pas c'est une nécessité
Toujours rénovée et qui se veut au-delà de la cécité
Qu'on ne peut longtemps cacher.

157
NANGA BOKO1!

Sous le froid glacial


Reste en épave mon corps
Dans un sommeil insomniaque
Je prends les dispositions nécessaires
La rue devenue la jungle
N'a pas de lion pour établir de l'ordre

Devenu Nanga Boko,


Je compte fleurette à la marginalité
La rupture institutionnelle
Fait de moi un enfant enfanté des rues.

L'écho de mon malaise


Est perceptible de nos jours
Dans mon statut actuel.
Nanga Boko je suis
Pourtant j'ai une famille !
Pourquoi suis-je là ?
Je m'interroge, je m'interroge
Mais une chose est sûre, la rue ne fait pas d’enfant !
Il vaut mieux fouiner
La raison de ma présence.

1
Enfant sans domicile fixe, logeant à la belle étoile.

158
AU NOM DE L'ARGENT

Le Chaos est visible


L'immondice est d'une puanteur tangible
Les bonnes mœurs cèdent place
À « Mamon »
Les conséquences sont visibles
L'être devient objet d'évaluation
La dévaluation lui donne un statut
Sans valeur
La vie prend un coup,
Les mœurs aussi
Le crime devient une donnée
Pour se hisser au firmament
Et être le lion aux commandes.

LA MONNAIE SVP

Tout disparaît
Peut-être la population est plus nombreuse
Que les pièces.
Avoir la monnaie est un mystère
Normal ! On ne peut qu'être subalterne
Elle ne dépend pas de nous !

159
POUR UN MONDE DE COLOMBE
L'insouciance frise le vœu incandescent
D'un inconscient manifeste fluorescent
Militer pour la flamme ! Ignominie
Qui mènera à l'agonie l'existence
Si l'on refuse de prendre conscience
L'être de l'Être enfoui
Doit être cherché avec entrain
Si l'on ne veut pas prendre le train du Néant
Le chemin de non-retour
N'est pas si loin
Pour un peuple inconscient
Militer pour la paix doit être un fait
L'animal pensant ne doit pas se limiter aux mots !
Il faut éradiquer les maux avec les mots
Pour toucher les consciences
Afin de passer à l'acte.

LA FEMME DE MES RÊVES


Visage luisant engraissé,
Teint carbonisé,
Formes généreuses,
Voix fine et sensuelle,
Assise intellectuelle,
Piété avérée,
Regard perçant tel un hibou,
Démarche singulière
Qui fait battre mon cœur
De manière régulière.
Toutes ces qualités utopiques
160
En toi,
Me laissent toujours sans voix !

161
Patrick MBONI
Patrick MBONI est né à Yaoundé (Cameroun).
Il est très vite transporté par l’étude des
religions, de la spiritualité et des lettres au
point d'en faire sa première passion. Auteur du
roman Anathème paru aux éditions Édilivre, il
nous revient dans cette anthologie avec des
textes qui reflètent sa personnalité et la vision qu'il a du monde.

162
L'AMOUR PARFAIT

L'amour parfait
Existe-t-il vraiment
Ça je ne le saurais
Peut-être jamais
L'amour parfait
Pourquoi y croire
Et être blessé
À chaque fois
L'amour parfait
Existe-t-il vraiment
Ça je ne le sais plus
L'amour parfait
Il te déchire l'âme
Abîme ton esprit
Existe-t-il vraiment
Ce sont juste des mots
Pourquoi croire
À des mots qui
Détruisent et
Tuent à petit feu
L'amour parfait
Est-il un leurre
Aime sans toutefois
Attendre en retour
Car l'amour parfait
N'existe peut-être pas

163
EDING

Une étoile qui naît


Dans l'obscurité de la nuit
Loin des klaxons et
Des brouhahas de la rue
Dans une chambre sombre
Qui laisse traverser la
Douce lumière de la lune

L'illusion s'opère
Le temps d'une danse suave
Comme celle qu'exécutent
Les servantes de Vénus
À la vue d'Arès
Une odeur langoureuse
S'échappe des corps en sueur
Une idylle sans borne
Naît entre ces deux êtres

Il y a un tempo silencieux
Un carré imaginaire
Qui détient leur raison
Le souffle court ils se passionnent
Ils se dévorent
Ils s'aiment

Il n’y a pas de parole qui filtre


Dans cette chorégraphie
Il n’y a que des regards profonds

164
Des respirations
Des halètements
Qui se perdent dans le silence
Magique de la nuit
L'ineffable rêverie de femme
Qui se fond dans le temple
De son Appolon

La chair contre la chair


Salivante en excès
Sous la tempe
Du bout des doigts
Découvrant le calice
Soumis à la douceur de la cerise brune au goût léger
Au parfum moite et tiède
Dans l'imagerie absolue
D'un doux baiser radieux
Lumineux
Qui lorsqu'on y goûte
Nous plonge dans la clarté infinie
De l'oubli
Du rêve de l'extase
La vie qui flirte avec la mort
La raison qui se morfond
Entre l'allée unique de ces cuisses
Ouvertes
Transpercé de cette lance
Qui détient la clé du sésame
Pure folie
Cette nuit

165
Dans le calme
Sur son torse
Loin du vent et de la coque
Dans l'extase absolue d'une étreinte qui ne finira jamais

166
AU NOM DE LA LIBERTÉ

How many people you want to kill


Ils chantent en cœur le chorus
En marchant avec hargne
Au milieu de Up station
La rougeur de leurs yeux
Marque la balafre
Qui saigne abondamment
Dans leurs âmes
Tant de morts qui jonchent les rues
L’arsenal des têtes coupées
Baignant dans la liqueur rouge
De la terreur n'effraie plus
La morbide attitude de la servitude
Ne les enchaîne plus
Sur le tronc léthargique
Des peuples opprimés
Ils croient désormais au rêve fou de la liberté
Ils croient à la lumière
Orgueilleuse de la révolution

Ô you will kill us tired


How many people you want to kill

Les machettes ont remplacé


L'arbre de paix
Tout tourne à la dérision
Le flambeau de la liberté

167
Entraîne à la division
La souffrance de la chair pousse à la barbarie

Le ciel se couvre de cris


La colère grogne
Le crime justifie le crime
Up station est étouffée
Par la haine de ses enfants
Up station a froid de la mort du juste

Tous unis autour du sein


D'une même mère
How many people you want to kill

168
IL FAIT NOIR DANS MON CŒUR

Il fait noir dans mon cœur


J'ai peur que tu t’enfuis
Ta lumière ne brille plus
Et ton sourire est devenu fade
Approche-toi ma toute belle
Et raconte-moi les rites
De ta souffrance
Apprend-moi à te parler
Je souffre en silence
Je peine à te comprendre

Ta voix était pourtant


L'essence qui faisait battre
Mon cœur
Et ta salive coulait au plus
Profond de ma gorge
Comme la sève d'un arbre
Qui découvre la douceur
Du vent de l'après-midi
Sur l'écorce de son tronc

Je veux à nouveau que


Tu rayonnes
Rappelle-toi de la joie
Que nous avions lorsqu'on
Se découvrait dans
Cette chambre à bois
Dans la pénombre

169
Sur un matelas d'éponge
Marron à épaisseur réduite

Il fait noir ma muse


Il n’y a que la sensation tiède
De mes larmes sur mes joues
Qui me renseigne sur ma vie
J'ai oublié le temps
L'espace ne compte plus
Il n’y a plus rien sans toi
Il n’y a plus rien
Reviens

170
JE CHERCHE DIEU
À mon frère Diogène

Pourquoi le monde est monde


Pourquoi les hommes sont des bipèdes
Et que les autres animaux sont quadrupèdes
L'homme s'agite tout au long de sa vie
Se meut au-dedans d'une chair
Qui s'anime dans la réalité physique de nos esprits
Pourquoi lorsqu'il meurt il pourrit
Le souffle de nos narines donne-t-il la vie
Le silence du sommeil m'effraie
Je plane
Je dors
Je vagabonde
Dans les hautes sphères
Du cosmos au milieu de la nuit
Je cherche la conscience
Dans cette pseudo-mort de minuit
Où suis-je lorsque je divague
Dans une spirale sans fin
Dans le souffle entrecoupé
De mon lourd sommeil

Suis-je esprit au-dedans de ma chair


L'âme incarne-t-il mon sang
Et Dieu
Où habite-t-il
Peut-être dans le centre du soleil

171
Qui sait
Se cachant des regards cruels
De notre sale race
Avec l'âge qu'on lui prête
Il doit être vieux le pauvre
Et fatigué d'un éternel travail
Qui naît de la cupidité vaniteuse
Des cœurs des hommes
Et de la perversité inspirée
Par les corps dénudés
Des cariatides de Memphis

En tout cas moi je le cherche


Dites-moi où il se cache
Je veux le voir
Pour comprendre le mystère
De la voûte étoilée du soir
L'influence de la mer
Aux milles planètes de notre Galaxie
L'origine souterraine de la vie
L'incantation malsaine du mal
Qui se vautre autour de nous
La folie abjecte de l'ignorant
Qui ne croit pas en son propre talent

172
JE N'AI QUE MES MOTS POUR PLEURER
Je n'ai que mes mots pour pleurer
Rien qu'eux pour me consoler
De ton absence qui dure
Depuis bientôt deux ans
Pourquoi m'as-tu laissée
Je croyais te combler pourtant
Dans mes actes
Ma manière de te servir
De satisfaire tes envies

Pourquoi mon tendre époux


Je n'ai que mes mots pour pleurer

Au début tu m'avais dit


Que toi et moi c'était pour l'éternité
Que tu ne me laisseras jamais
Seule dans la misère et l'angoisse
Pourtant tu l'as fait
Sans regarder en arrière
Sinon tu aurais vu
Nos deux enfants te regarder
Les yeux mouillés
T'éloigner et disparaître
Dans la ligne de l'horizon
Me laissant seule
Avec mes larmes
Et mes mots
Pour pleurer

173
Ta joie me manque
Mon ami
Nous étions pourtant heureux
Avant que tu ne travailles
Nos rêves et nos projets
Étaient notre pain quotidien
Mais depuis tu n'es plus le même
Tu vagabondes
Tu erres de femme en femme
M'a-t-on dit
Au vu et au su de nos amis
Ils me le disent avec des yeux hypocrites
Mais avec des lèvres moqueuses
Certainement ils se rient
De ma naïveté
De mon amour juvénile
Qui subsiste
Malgré la déception
Et le chagrin
Qui nourrissent l'espoir
Qui germe en moi
De te voir revenir
Un jour
Pour que tous redeviennent
Comme avant
Mais en attendant
Je n'ai que mes mots
Pour pleurer

174
JE SUIS UN POÈTE
Hommage à André Ngoah

Je suis un poète
Comme on en voit rarement
En tout cas pas dans nos villes
Et encore moins dans nos villages
J'écris pour vivre
Oui
Pour vivre
Je n'ai que ça à foutre
De toute façon
L'environnement
Ne me laisse pas grand choix

Je m'en fous de ceux qui pensent


Que je suis un égaré
Ils ne comprennent rien
À la beauté des vers
Leurs esprits sont fermés
À la diversité du monde
Leurs âmes se oignent de la perfidie du temps

Je suis un poète
Un vrai en la matière
Baiseur de Calliope
Je n'ai pas peur de la dompter
Car sa muqueuse inspire
Mes nuits folles
Alors que je crie

175
Sur ma feuille la rancœur
Que j'ai contre les perfides
Et les corrompus
Je m'abreuve en elle
Pour oublier la mort
Elle m'enlace pour préserver
De la bêtise et de l'inconscience des hommes
Je suis un poète
Vous ne verrez que moi
Sous ma bannière étoilée
Digne héritier de Gainsbar
Pute de la strophe
Flingueur des belles minettes
À la peau noire
Contraire de Verlaine
Et proche de Rimbaud
Voilà
Je suis un poète

176
À DEMI-MOT
À Mireille Tallet

À demi-mot je défie l'atlas


Le sens caché de ta cambrure
S'obstine au plus profond
Du désir
Il n’y a que ta langue
Qui contourne la coupole
Érigée en alerte
Au-dessus de mon phallus
Il n’y a que la folle senteur
Suave de ta salive
Qui me hante jusqu'au frisson

Je m'en fous si je pèche


Je veux goûter à cette flore
Humide et chaude
Gluante comme la sève
Salvatrice de l'aloès
Remède de ma volupté
Mon rêve
Mon désir le plus enfoui
Qui balaie d'un éclair
La sécheresse de ma langue

J'ai soif de ton labyrinthe


Je ne me lasse pas de boire
Ce nectar qui coule

177
Au plus profond de ta source
Tu gémis
Je frissonne
J'aime sentir tes poils s'ériger
Sous ma poigne qui étreint
Ton sein nu
Offert au caprice
De mon index

Il y a un silence
Puis tu renais dans la folie
De l'extase
Le nirvana tu le découvres
Un instant tu te vois
Reine de l'Olympe
Amie d'Aphrodite
Ta passion te possède
Et moi sous toi
Je ne me lasse
C'est de la pure folie
Bon sang

Ma langue se retire peu à peu


Je pense à la jouissance
De Nachtigal sur les rives
Du Lac Tchad
Oui ma reine
En toi on trouve un lac
Immortel
Irréel

178
Sans fin
Loin de toute infamie
À la liqueur pure
À l'odorat naïf

Je n'ai à présent
Qu'un seul désir
Pilonner ton antre
Creuser ses parois
Pour y extraire les joyaux
Du plaisir absolu
L'incandescente lumière
Qui a corrompu le cœur
De l'homme
L'envie folle qui érige
Son Obélix au milieu
Des sentiers de la perdition
Dans le souffle fougueux
De son volcan au cratère béat
Qui découvre l'ultime saveur
Dans l'éternité
Au milieu des étoiles

179
L'AMOUR SELON MA FEMME

Tu ne penses que moi


Tu ne dis que moi
Tu ne vois que moi
Tu souris pour moi
Tu manges pour moi
Tu dors pour moi
Tu marches pour moi
Tu danses pour moi
Tu lis pour moi
Tu ris pour moi
Tu pleures pour moi
Tu joues pour moi
Tu écris pour moi
Tu es fou de moi
Tu rêves de moi
Tu apprends de moi
Tu languis de moi
Tu as soif de moi
Tu as faim de moi
Tu as la peau tiède de moi
Tu souffres de moi
Tu aimes tout de moi
Je suis tout pour toi

180
UN JOUR APRÈS
À la mémoire de mon frère Paul Etogo

Il y a comme une rivière


Qui vient de s'assécher
Comme un soleil noir
Qui danse avec frénésie sur nos têtes
Tu as les yeux fermés
Paul
Tu ne vois plus la détresse
Que tu nous as laissée
Après l'agonie de ta chair
Face à l'effroi de la mort
Le choc de ta bouche ouverte
Cherchant désespérément
Le souffle fuyant de la vie
Dans la peur que révélait
Encore au dernier moment
Tes yeux écarquillés dans
L'oubli
L'éternité de la mort
Qui te happait

Un jour après
Nous ne cessons de pleurer
Charlotte moi et les autres
En nous ressassant le souvenir
De ta joie
De ta tristesse
De ton agonie

181
Parfois l'un de nous se plaint
De ton caractère
Comme si tu étais encore là
Soumet sa doléance de te voir changer
Omet involontairement
Que tu n'es plus là
Peut-être pour mieux noyer son chagrin
Je ne sais pas

Après il y a des réunions


Qui s'enchaînent
Des rencontres nocturnes
Pour préparer la demeure
De ta sépulture
Il y a des désaccords
Mais beaucoup plus de la tristesse
Personne n'arrive à réaliser
Que c'est toi qui n'es plus là
Toi la lumière d'une famille
Qui s'est éteinte dans la brutalité
De la maladie
Toi le guide des Bialo
Parti trop tôt

Un jour après
Le choc est encore intense
La décharge nous fait encore
Croire à l'irréel
Au rêve vivant de la vie

182
Cachée derrière le rideau lugubre de la mort
Nous espérons nous réveiller
Et te voir entrer par la porte centrale
Et nous faire entendre
Une ultime fois ta voix grave
Qui commence petit à petit
À s'effacer de la mémoire
De nos petits-enfants.

183
Semevo Diane L. KPEIDJA
Née à Cotonou au Bénin, l’auteure vit
aujourd’hui loin de sa terre natale. Depuis sa
tendre enfance, elle a toujours été passionnée
par la lecture et la poésie. Autodidacte, elle
joue avec les mots. Sa plume se veut douce
mais aussi tranchante, surtout quand elle
aborde les violences sexuelles.

184
L’ORAISON DU PLAISIR

Embrasse-moi
Caresse-moi
Fais-moi crier
Fais-moi parler
En langue
Déjà je tangue
Une fessée
Une tétée
Et je suis toute mouillée
De coups de reins rouée
Je chante alléluia
Et tu réponds inch’Allah

185
LE VER EST DANS LE FRUIT

« Ce n’est rien » ont-ils dit


« Pardonne, oublie,
Il a succombé à un instinct primaire »
À croire qu’il ne pouvait s’y soustraire !

« Le temps fera son effet ».


Balivernes, je suis adulte
Et la plaie, toujours ouverte
Ne semble pouvoir se refermer.

« C’est un parent
Il ne faut pas ébruiter l’affaire.
En famille, on respecte le rang
Il est préférable de se taire. »

Le silence coupable
Un second viol aussi odieux que le premier
Le déni du crime inavouable
Un viol moral au goût acidulé

Une indifférence à ma douleur


Qui n’a fait qu’accroître ma torpeur.
Comment guérir quand on n’a jamais été soignée,
Pire, jamais diagnostiquée ?

Comment guérir du viol


Si on le voile ?
Comment fermer la page
Si les lignes restent embuées de larmes ?

186
LA PROSTITUÉE

La nuit est son logis


Elle y gagne son pain
Fait et défait son lit
Arpentant les chemins

Apostrophée, elle accourt


Espérant une passe
Jamais d’idées elle n’est à court
Pourtant elle demeure dans l’impasse

Certains clients sont tendres


À croire qu’ils la considèrent
Farce parfaite à s’y méprendre
D’elles ils n’ont que faire

D’autres sont violents


Avec des requêtes vicieuses
Des anatomies reluctantes
Et des haleines nauséeuses

Son corps abusé et disloqué


Est presque un cadavre ambulant
Son esprit, une âme sans vitalité
Qui erre au-delà des frontières et des océans

Le trottoir, elle ne l’a pas voulu,


Elle n’a pas eu le choix
C’était la mort ou la rue
Depuis, elle porte sa croix

187
Adieu les promesses de mariage
Son fiancé est un proxénète
Le jour, elle rêve de ce grand voyage
Un nouveau départ, le bonheur en crête.

188
LA JARRE TROUÉE

Une fuite, puis une autre


Tes fils un à un s'enfuient
Afrique, mon Afrique,
Quel crime as-tu commis ?

Te voilà qui saignes


Te voilà qui peu à peu te vides
Et le Monde te regarde
Presque satisfait de ton sort

Ta chute est inéluctable.


« Quel gâchis ! », se répétait le sage.

C’est alors que se produisit l’inattendu


Un fils, dans un regain de dignité,
Entreprend de stopper l'hémorragie

Suivi d'un autre alors sur le départ,


Comme une épidémie, la ferveur se répand.
Tes enfants exilés apportent
Également leur soutien
Le mal est loin d'être circoncis

Mais le désir de l'endiguer est présent


Les soins sont à poursuivre
Chacun doit jouer sa partition sans fausse note
C'est l'union de tes fils qui fera ta force.

189
IL PARAÎT QUE
Parce que je suis une fille,
Je n’ai pas besoin d’être instruite
Un bon mari prendra la suite
Je dois simplement apprendre à cuisiner
Et mon mari saura m’en récompenser

Parce que je suis une fille,


Je n’ai pas à faire de grandes études
Juste me contenter d’être une bonne épouse
Les hommes n’aiment pas les femmes intellectuelles
Très tôt, je dois savoir me taire et être belle

Parce que je suis une fille,


Il faut me marier très vite
Avant que les jeunes hommes ne m’invitent
Un bon vieux paiera une belle dot
Je ferai une bonne seconde femme même sotte

Pourtant, parce que je suis une fille,


J’ai droit à une éducation
Penser le contraire est une aberration

J’ai des idées, j’ai une voix


Rien ni personne ne pourra me détourner de ma voie

190
DÉSIRS CHARNELS
À mes caresses, de plaisir elle frémit
Mienne je la fais, elle gémit
De bonheur je la comble
Vers le ciel elle s'envole
Offerte
La bouche entrouverte
Le palais aux aguets
Les sens au taquet
Elle attend l’élixir
Objet de ses désirs
Couronnement de nos ébats
Aux milles éclats
Enfin, voilà la luxure
Qui coule au fond de son calice si pur
Et moi, le phallus avachi,
Je tombe près d’elle le cœur attendri.

191
Serge Armand MBIENKEU
Serge est un poète de la trentenaire originaire du
village Bangoulap dans la région de l’Ouest
Cameroun. Sa poésie qui se cherche dans les
étoiles, dans l’incommensurabilité galactique et
dans la psyché humaine se propose de décrypter
l’existence dans ses méandres en espérant
procurer aux plus faibles – aux marginaux –
l’espérance, la victoire, le bonheur, la paix… bref le goût de vivre.
Il prépare par ailleurs une thèse de doctorat à l’Université de
Yaoundé 1 en Sociologie option politique et est, de nos jours,
lauréat de plusieurs concours de poésie.

192
ESPÉRANCE
À Miriam Lauraine et Arsène Vianney

Elle voyage comme un brin de soleil


Dans le bleu azur du ciel
Et vers les zéniths
Elle gravite
Par les chemins imaginaires
Les déserts de chair

Depuis l’étreinte abyssale


Sur son trône sidéral
À la vitesse du son
Dans un frisson
Elle reconstruit l’univers
De Vénus à Jupiter

À fleur de peau
Excitée sans sanglots
Elle est la sève de la vie
Qui sustente l’esprit
Des conjugaisons épidermiques
Dans un soupir intergalactique

Liberté ! liberté ! liberté !


Les déferlantes aspérités
Du grand trou noir :
L’argent et le pouvoir
Elle observe
Plus libre qu’un rêve

193
Sur sa comète stellaire
Le paradis et les enfers

Tout en haut
De l’escabeau
Des mondes superficiels
Elle est l’arc-en-ciel
Pressée par la souffrance
Des vies en décombres
Des vies qui sombrent
Elle s’appelle : Espérance

194
VIVRE

Vivre
Comme une cloche
Se nourrir à la pioche
Chercher le petit sou
Peu ou prou
Dans le taudis
De nos vies

Vivre
Dans la pénombre
Du monde
Dans la panne sèche
Et rêche
À fleur du dégoût
Comme un pou
Aux flancs des déserts
Solitaires

Vivre
À demi phare
Noyés dans la marre
Pauvres orphelins
À brûle-pourpoint
Boire la lie
Du mépris
Des gens bien nés
Des illuminés

195
Qui sourient
À la vie

Vive
Au coude à coude
Brasser la soude
Mais n’abandonner
La dragée
À la forge
Ne rendre gorge
Et sans coup férir
Mûrir
Sans cesse
De la détresse

Vivre
À bras de fer
De l’enfer
Mais toujours vivre

196
NE SOMMES-NOUS SEULEMENT QUE…

Ne sommes-nous seulement que les disgraciés du bonheur


Ceux-là que même la mort se refuse de soulager
Et qui traînent leur boulet le long des heures
Pour se faire une raison d’exister

Ne sommes-nous seulement que le reste du monde


Délaissés à l’étroitesse de l’étrangeté
Que dissimulent des ombres profondes
Dans les affres de l’obscurité

Ne sommes-nous seulement que les erreurs de la création


Égarés dans l’immensité de l’univers
Sans but, sans objectif, sans mission
Ne sommes-nous destinés qu’à la poussière

Ne sommes-nous seulement que le vent soufflant


Que de pauvres marionnettes
À la solde de l’histoire
Condamnés à n’être que néants sommes-nous interdits de croire

Ne sommes-nous seulement que la face du silence


Ceux-là qui n’ont de bouche que pour la fermer
Et qui même foudroyés par la souffrance
N’ont pas le droit de crier

Ne sommes-nous seulement qu’un vague bruit


Dans le grand concert des civilisations
Et dont l’écho muet ne retentit
Que dans notre féconde imagination

197
Ne sommes-nous seulement que la toison de la tristesse
Pour nourrir la pitié de nos frères
Ne sommes-nous seulement qu’une éclipse
De doute abandonnée sur la nuit de la route

198
Sophie ZANG
Sophie ZANG est née à Yaoundé le 26 mai 1991.
Passionnée d’écriture et de lecture, de temps en
temps, elle va à la rencontre des mots et des
rêves. Elle est Professeure des Lycées.

199
NGONO ETENGA
a Ngono Etenga,
a minga Beti,
a minga ya Cameroun,
a minga ya Africa,
Yebe ma .

Fille Etenga,
Femme béti,
Femme camerounaise,
Femme africaine,
Je te loue.

Pour ton courage et ta force, je te loue.


Pour ta tendresse,
Ton grand cœur et ton amour,
Je te loue.
Pour ton ardeur au travail
Et ton dynamisme, je te loue.
Pour ta dignité et toutes tes vertus, je te loue.

Fille Etenga,
Femme béti,
Femme camerounaise,
Femme africaine,

Mère aimante, attentionnée et dévouée,


Prête à tout sacrifice, je te rends grâce.
Femme forte, travailleuse et tenace, je t’admire.

200
Beauté bio à l’état brut, pour qui maquillage et autres ajouts
capillaires ne sont qu’inutilités
Surcharges, tu me subjugues.
Femme généreuse, tolérante
Et compatissante, infiniment merci.

a Ngono Etenga,
a minga Béti,
a minga ya Cameroun,
a minga ya Africa,
Ma ha wo ngang oooooh !
Ma loang wo oyenga oooooh!

Merci d’avoir accepté que je voie le jour.


Merci pour tous les sacrifices consentis,
Pour toutes les humiliations fièrement acceptées.
Merci pour toutes les nuits blanches
Passées à travailler, à prendre soin de nous,
Pour nous donner un paisible sommeil.
Merci pour tous tes repas non pris
Pour que nous mangions à notre faim
Merci pour tes vêtements
Et chaussures raccommodées
Pour nous en offrir des neufs
Merci pour nos mille et une fautes,
Mille et une fois pardonnées.
Merci pour ton inconditionnel
Et incommensurable amour.

201
Fille Etenga,
Femme béti,
Femme camerounaise,
Femme africaine,
Mère de l’humanité,
À tes pieds je m’agenouille.

Pardon pour toutes les souffrances causées.


Pardon pour toutes les douleurs supportées.
Pardon pour tous les sacrifices consentis.
Pardon pour toutes les humiliations
Fièrement acceptées.
Pardon pour toutes larmes versées.

a Ngono Etenga,
a minga Béti,
a minga ya Cameroun,
a minga ya Africa,
À vous les mères,
À vous qui êtes mes mères,
À toi qui étais ma maman,
À toi ma chère maman,
Aucun mot d’aucune phrase
Dans aucun texte de n’importe
Quel livre ne saurait traduire
Pleinement tout ce que je ressens pour toi.

202
NOSTALGIE

Hier soir tu es partie.


Hier nuit tu as fait ton retour à Mbalmayo.
Pour Mbalmayo, aujourd’hui moi aussi j’ai voyagé.
À Mbalmayo, nous y sommes.
Toi à la morgue, nous à la maison.
Toi couchée, nous debout ou courbés, travaillant.
Travaillant à cause de toi.
Rangeant la maison.
Rangeant tes affaires.
Que c’est bizarre ! Tout ce monde et pourtant ce vide !
Cette maison pleine de gens
Et pourtant si vide !
Plus de vie !
Classant tes affaires, des souvenirs me reviennent.
Des odeurs rares et familières me submergent.
Des saveurs délicieuses
Et exceptionnelles m’envahissent.
Je salive.
Toutes ces odeurs rares et si familières !
Huuuummmm ! Quel festin !
Mboam kpem, nam ngon,
Minkong, l’ekomba, l’ongavene, nkonda….

Et j’entends piler au mortier,


J’entends écraser à la pierre,
J’entends décortiquer les arachides,
Décortiquer les pistaches.

203
Akia wo ka tcha kpem.
Akia woa ka koa owondo .
Akia wo ka ta’a ngon.

Ah ! Toutes ces vacances passées dans cette maison,


Toute cette joie vécue dans cette maison.
Ironie du sort nous sommes en août,
Période des chenilles.
Mais cette année, je ne mangerai pas tes minkong,
Pas ton mboam kpem,
Pas ton ekomba, ni ton ongavene.
Aujourd’hui je suis de nouveau à Mbalmayo.
Tu y es aussi.
Mais nous à la maison et toi à la morgue.

Bidi bi nda awu

Voici venue l’heure de ton retour parmi nous.


Entends nos voix.
Écoute nos appels.
Par ton Ndan nous t’appelons
Dans un chant rythmé par des claquements des mains.

« Ah Koukououou
Korogo a falak sun a nseng yéyé
A ngon a mebenga messogo ma long wa éh yéyé
Korogo a falak sun a nseng yé yé
A ngon a nam Etenga ma loang wa éh yé yé
Korogo a falak sun a nseng yé yé
A ngon a nam okoré ma long wa, za bi di ohoh »

204
Viens ! Viens !
Pour un bref instant daigne quitter
Ce lieu où tu as trouvé l’éternel repos.
S’il te plaît accepte sortir ta félicité
Pour partager ce repas.
Voici pour toi tous ces mets que tu aimais.
Dans un seul plateau,
Voici du riz à la sauce d’arachides,
Du ndolè légèrement amer, du poulet,
Du plantain, de l’igname, du nam ngoan, du poisson

« Ah kéké éh éh éh éh
Korogo a falak sun a nseng yéyé
A ngon a mebenga messogo ma long wa éh yéyé
Korogo a falak sun a nseng yé yé
A ngon a nam Etenga ma loang wa éh yé yé
Korogo a falak sun a nseng yé yé
A ngon a nam okoré ma long wa, za bi di, za bi nyu ohoh »

Voici tes bières.


En faisant le tour de ta concession puis de ta tombe,
Sans protocole, tous ensemble
Nous mangeons en trempant nos mains dans le plateau.
Tour à tour, nous buvons pour célébrer ta vie,
Prenant soin de toujours verser au sol partout où nous
Passons un peu du contenu du plateau
Pour qu’avec nous tu manges.
Car sans te voir nous savons que tu es parmi nous.
Le vent ? Une herbe ? Une fourmi ? Un insecte ?
Un caillou ? Peu importe.
Tout simplement, quitte ta nouvelle demeure
Et viens une fois encore partager ce repas avec nous.

205
UN TOUT PETIT PEU DE CINÉMA
On dit ci…
On dit ça…
Il paraît que…
Je fais ci…
Je fais ça…
YEUCH !!!

Mon frère !
Crois-tu seulement que ça va m’arrêter ?
Que noooon !
Ma co’o, viens.
Viens.
Approche.
Encore plus près.
Viens prendre place aux premières loges,
Pour me voir réaliser
Le film de ma vie.

De quoi as-tu besoin pour être


À ton aise dans le studio de réalisation
Du film de ma vie ?
Un verre d’eau ?
Un verre de jus ?
Du whisky ?
De la bière ?
Un fauteuil confortable ?
Surtout pas de gêne. Je suis à ton service.
Ouvrons par l’épisode où je commence un travail grâce à…

206
« Mes faux diplômes »
« Un entretien sexuellement validé »
« Un concours financièrement réussi »

Que puis-je dire ?


Sinon qu’à chacun son étoile.
Passons maintenant où dans mon célibat,
J’élève mes merveilleux enfants : pas de père inconnu.
Nous ne mangeons
Chez personne et nous ne connaissons pas la faim
Personne ne nous habille,
Nous ne portons pas des haillons.
À la maison des parents,
Ma petite famille ne se cramponne point.
Ici c’est la séquence
Où je fais mes premières acquisitions.
Terrains, voiture. Asch ! Le goût de ça !
Entre nous je peux te confier
Que des spectateurs ont dit que ce ne sont que
Des effets spéciaux dus aux pratiques
De prostitution et de sorcellerie.
Bref, je t’épargne les détails.
Continuons.
Mais avant tout, rassure-moi
Que tout va comme tu veux.
J’ai pour toi à côté plusieurs délices.

Du bon poisson braisé ?


Du soya ?
Du kilichi ?
Des noyaux ?

207
Surtout pas de retenue.
Ici c’est sans protocole.
Continuons avec la construction de ma première maison
Et comme tu peux le constater, plusieurs autres projets sont en
cours de réalisation.
Je vais t’avouer à nouveau
Qu’il se dit dans les coulisses
Que j’ai vendu
Les miens au kong ou au famla
Et qu’en plus je suis membre d’une secte.
Regardons à présent mon mariage.

Quelle fête !
Même si des figurants murmuraient
Que j’ai été ambassadeur,
Que c’est elle qui s’est dotée,
Que j’ai à mon actif des dizaines
De biboaneries malheureuses
Et que ce mariage est le résultat d’un bon tobassi.
Prenons ces trois épisodes sur la thématique du Voyage :
passeport, visa, billets d’avion, aéroport,
Avions, bateaux, hôtels, Afrique, Europe, Amérique, Asie…
Mon amie, que t’arrive-t-il ?
Pourquoi tes yeux coulent des larmes ?
Est-ce la lumière qui frappe
Trop fort dans le studio de tournage
Du film de ma vie ?
Ou alors est-ce la fatigue ?
Comme il en est ainsi faisons une pause.
Et permets-moi de m’occuper de toi.
Il faut que tu manges,
Il faut que tu boives,

208
Pour bien faire passer
Le film de ma vie.
Ensuite va dormir sur le lit que fièrement
J’ai dressé pour toi,
En rêvant j’espère de chacune des séquences
Du film de ma vie. Et à ton réveil
Quand tes yeux auront cessé de couler des larmes
Va raconter à tout un chacun
Le film de ma vie.
Fais-en de la publicité
Car tu le sais, la renommée d’un comédien s’illustre par son
nombre d’admirateurs.
Ensuite reviens me voir.
Je t’installerai à nouveau aux premières loges
Pour que tu assistes à la suite de la réalisation
Du film de ma vie.

209
L’APRÈS-GUERRE

Me voici de retour, ma tendre bien-aimée


Enfin le jour tant souhaité est arrivé
Me voici devant toi,
Impatient qu’à nouveau on s’aime,
Que le temps qui nous a été volé soit rattrapé
Je sais que j’ai changé
Mais de grâce ne détourne pas ton regard de moi
Ne me regarde pas avec cette pitié
Regarde-moi plutôt avec ces yeux pleins d’amour
Offre-moi ton joli sourire
Enveloppe-moi de la chaleur de tes bras
Dont le souvenir m’a donné force et courage
Dans un lieu chargé de souffrance et d’horreur.

Je sais que j’ai changé


Je n’ai plus de jambe,
Je n’ai plus qu’un bras,
Mais mon amour est toujours à toi
Pour être avec toi j’ai défié souffrance et mort.
S’il te plaît n’aie pas honte de moi.
Ne m’en veux pas si pour toi
J’ai accepté qu’ils choisissent le pire.
Mon amour, aime-moi comme moi je t’aime.

À chaque fois que tu auras


Envie d’une étreinte amoureuse,

210
D’une promenade sous un doux soleil,
À chaque fois que tu auras besoin
Que je t’aide dans tes tâches,
Rappelle-toi toujours de l’homme que j’ai été.
De quel amant passionné j’ai été,
De quel époux aimant j’ai été,
De quel compagnon dévoué et attentionné j’ai été.
Mes enfants vous n’aurez pas,
Vous n’aurez…
Pas un papa qui vous conduira à l’école,
Pas un papa qui vous bordera le soir,
Pas un papa qui vous amènera un hôpital,
Pas un papa qui jouera avec vous !
Mais lorsque vos camarades
Vous parleront de leurs papas
Et qu’ils vous demanderont
Où est votre papa ?
Comment est votre papa ?
Pourquoi ne le voient-ils jamais ?
Dites-leur bien ceci :
C’est pour que vos papas à vous
Puissent s’occuper de vous,
Que notre papa à nous a sacrifié ses membres et sa vie
Et toi maman, ma petite maman,
Pardonne-moi de t’avoir laissée si tôt.
Je sais que tu as toujours voulu que je t’enterre,
Mais hélas ! l’inverse s’est produit
Tu n’entendras plus ma voix t’appeler,

211
Tu ne me feras plus tes repas hebdomadaires,
Tu n’auras pas la chance de porter mes enfants
D’où je suis, la douleur m’est insupportable
Je n’ai pas choisi de te faire pleurer
Je suis parti…
Parti dans l’espoir de revenir,
Parti pour nous offrir un avenir meilleur,
Parti pour que toutes ces horreurs qu’on vit là-bas,
N’arrivent pas chez vous.
J’ai combattu pour il y ait toujours
De la vie sur vos visages
Mais sur le champ de bataille,
Mon visage s’est éteint.
Alors, à chaque fois que tu chercheras ton fils,
Il te suffira de regarder autour de toi.
De bien observer toute cette vie autour de toi
Pour apercevoir sur chaque visage
Des traits de mon visage.
Car ma vie est en chacun de vous.

212
JE SUIS COMME JE SUIS

Je suis comme je suis


N’en déplaise à certains.

Je suis comme je suis


Ma plastique n’est pas celle d’un top modèle
Mais c’est ainsi que la nature m’a faite
Donc j’accepte mon physique.
Il n’a aucune IMPERFECTION juste des PARTICULARITÉS.
Et si je ne suis pas à ton goût, simplement
Va voir ailleurs

Je suis comme je suis


Ma personnalité contraste avec mon physique
Caractère imposant et dominateur
Dans un corps court et mince
Oui c’est vrai, j’aime commander
Et j’ai horreur de l’autorité
Ça, c’est inné
Libre à toi de ne pas me côtoyer

Je suis comme je suis


J’aime ceux qui m’aiment
Je n’accorde pas d’intérêt à ceux qui me détestent.
La vie est éphémère et mon temps très précis
Pour rendre coup pour coup
Je communie avec ceux qui s’attachent à moi
Je réponds à ceux qui m’appellent
Quant aux autres l’ignorance est ma réponse

213
Je suis comme je suis
J’aime diriger
J’adore le pouvoir
Et j’aspire à la gloire
À défaut de m’y accompagner
Reste loin de moi
Mais de grâce
Ne te place pas au travers de mon chemin
Sinon sans remords je t’abattrai
Et avec jouissance, j’écraserai ton crâne

Je suis comme je suis


N’en déplaise à certains
Seul à Dieu je réclame ma dépendance.

214
ORIGINES

Par les eaux un jour ils sont venus


En frères nous les avons accueillis
En amis ils ont dit s’installer
En frères nous leur avons offert refuge
En sauveurs ils ont dit se comporter
Crédulement nous les avons laissé faire.
En sangsues ils se sont nourris de nous

De notre corps
De notre chair
De notre sang
De notre esprit
De notre mémoire.

Pour nous « civiliser » ils nous ont donné un livre


Et avec ce livre des recommandations

Apportez-nous tout
Donnez-nous tout

Abandonnez tout
Oubliez tout.

Et nous, comme un chien


Répondant à l’appel de son maître
Fidèlement nous avons obéi
Livrant ceux d’entre nous qui faisaient résistance.
Et la gangrène s’installa
Pourrissant tout sur son passage

215
Puis suivirent les morts
Mort physique
Mort intellectuelle
Mort culturelle.
Par leur école ils nous ont ressuscités.
Des zombies nous sommes devenus.
Ni Blancs, ni Noirs
Ni Européens, ni Africains
Oubliant qui nous étions
Oubliant ce que nous avions.

Par les eaux un jour ils sont venus


En frères nous les avons accueillis
Tel un cancer ils ont envahi tout ce que nous étions.
En hommes d’affaires ils ont fait leurs gains
S’accaparant de tout sur le marché
Privatisant même le Dieu créateur
Et nous à cause d’un nouveau nom
Nous avons oublié qu’avant
Qu’avant eux nos ancêtres croyaient déjà en Dieu.

Ils ont combattu la polygamie


Et ont instauré la sixa
Ils ont proscrit le culte des crânes
Et ont recommandé de rendre
Un culte à leurs « saints ».

Honneur à vous frères de l’ouest de mon pays


D’avoir vite compris l’importance de notre culture.

Sur vos traces


Je construirai un mausolée à mon père

216
J’en ferai un sanctuaire
J’y érigerai un autel
Pour que des générations après moi
Viennent lui rendre hommage
Car je sais qui est mon père.

Je sanctifierai mon père


Et dans mes prières je réciterai
La litanie de mes valeureux ancêtres.
Je pontifierai mon père.
Je vous assure nul besoin d’une institution pour le faire
Ni d’une fumée blanche sortant
D’une des cheminées du Vatican

Me voici sur le chemin de mon Mezon natal


Pour me laver dans les eaux de Ntol mewom
Puis dans celles de Bibe Biviégue
Tapez les tam-tams
Et apprêtez pour moi le kaba de ma grand-mère.
Car plus que jamais je sais qui je suis.

217
Yanik DOOH
Yanik DOOH est un artiste poète-slameur
qui a animé pendant plusieurs années des
ateliers de Slam dans les centres culturels et
instituts de Yaoundé. Il est diplômé de
l’université de Yaoundé I dans laquelle il
achève actuellement son cycle Master en
Littérature française. C’est un poète qui sait
comment jouer avec les mots et les images et donner un charme
certain à ses écrits, ce qui fait de lui un slameur unique en son
genre.

218
DES CHIFFRES ET DES LETTRES

Des chiffres et des lettres


Demain j’irai m’inscrire à la faculté des sciences
Je laisserai derrière moi les sciences incultes
Et les sciences occultes
Pour apprendre à faire du chiffre
Suivre des cours de mathématiques
Et résoudre des équations à x inconnus
J’irai faire de la physique et découvrir
Les secrets de la gravité
Puis apprendre à attirer vers moi le bonheur
Et le répandre autour de moi
Comme un parfum de bonnes humeurs
Je ferai de la chimie ou peut-être de l’alchimie
Les hommes ne sont plus ce qu’ils étaient
Changer un cœur de pierre en cœur d’or
Devient plus que jamais nécessaire
L’âme n’est plus sensible au Bien
Il faut se faire alchimiste pour paraître bon

Des chiffres et des lettres


L’art s’immole sur le bûcher de la science
Les lettres se mêlent les sens parlent beaucoup pour rien
Que dis-je verbiage de parias
Ô non non
Les lettres ne font pas de chiffres
Parce que les chiffres
Et les lettres ne font pas bon ménage
J’ai longtemps écrit

219
Des lettres pour vous dire combien
Vous comptez pour moi
On ne calcule pas les sentiments
Ils ne connaissent ni Pythagore ni Thalès
Quand l’amour te tient le cœur l’amour est ta laisse
Le cœur en liesse laisse libre
Cours aux mouvements de ton âme
Et change à temps partiel la couleur de ton aura
Des chiffres et des lettres
L’art n’est pas compatible aux affaires
Non
Mais les affaires servent bien les intérêts de l’art
Demain j’irai donc m’inscrire à la faculté des sciences
Je laisserai derrière moi les sciences incultes
Et les sciences occultes
Pour apprendre à faire du chiffre

220
SERVITUDE

Sévir sévir parfois c'est vivre (×2)


C'est dire ses maux son mal être, c'est dur
Dur comme pierre, dur comme rock
C'est sûr sévir c'est punir
Le corps mais c'est encore plus dur
Quand ça traque l'être
C'est le traquenard du Mal
Qui met à mal mes nobles lettres,
Qui brise la noblesse de ma plume,
Ô je le sais je ne serais plus Sadrack
Il y a mon encrier qui se brise crack crack
Sous les coups du sort je rêve que GodBless...me

Sévir sévir sévir parfois c'est vivre (×2)


Sévir c'est subir l'existence quand tu n'es pas mienne
C'est comme quémander l'amour et en avoir des miettes
Le Mal est virulent l'amour est violent
Tu sens la douleur dans ta chair c'est un viol lent
Qui lentement dans mes artères se répand pan pan
Si seulement j'avais su que la douleur c'était pour les grands
j'aurais aimé être Peter Pan PanPan
Mais tes yeux sont une servitude pour mon âme et ta bouche une
galère qui m'enflamme...

Sévir sévir sévir parfois c'est vivre (×2)


Sévir c'est écrire son nom dans le livre de la vie
Comme s'écrit notre amour sur les lèvres de l'envie
Envie d'écrire de dire de rire avec toi

221
Souffrir de tes chaînes amoureuses avec joie
Hors de l'espace et du temps
On laisse passer les spasmes et le temps
Sévir c'est vivre une réalité
De temps en temps trompeuse
Le beau temps ce n'est pas toujours quand il fait chaud
Sinon pendant la canicule on sentirait moins chaud
Sévir c'est vieillir à tes côtés l'esprit serein
Prendre dans ta bouche le filtre d'amour
Ou quelques sérums
Distiller la liqueur de nos douleurs et en faire du rhum.

222
DES HAUTS ET DES BAS

Il y a des hauts et des bas


Sur le crâne de l'humanité la bêtise s'assoit
Un fou rit ha haha
Et se dit tout de même
Que l'intelligence ce n'est pas pour les sots
Être savant importe peu
Ce qui compte c'est ce qu'on trouve au fond d'un cœur
Il paraît qu'il faut craindre pour être sage
Maintes fois trébucher puis se relever pour être Expert
L'HOMME aurait donc un pied plus court que l'autre
Ô que oui ô que non la vie
Ce sont les courbes de l'oscilloscope
Les personnes statiques sont-elles mortes ?

Il y a des hauts mais aussi des bas


Y'a qu'à voir les montagnes
Il n'existe pas de mont sans val
Et si l'oiseau perd son vol
Ses pattes lui serviront au sol
Il y a des hauts et des bas
Il y a des sots qui pensent ma foi
La bêtise c'est de rendre nos aptitudes homogènes
Pourquoi demander à un singe
De faire un concours de natation
Et au corvina de courir sur 100m
Il y a des hauts mais aussi des bas
La chute d'un corps permet
D’apprécier les moments d'ascension

223
L'homme qui ne trébuche pas
Ne saurait apprécier la saveur de l'existence
C'est ici sous terre qu'on est
Ébloui dans la nuit de voir les étoiles scintiller au ciel

Il y a des hauts il y a des bas


Il y a le ciel et la terre
Il y a la nuit et le jour
Il y a le bien et le mal
Il y a la larve et le givre
Il y a toi et il y a moi

224
JE T'ÉCRIS JE T'AIME

Je t'écris je t'aime
Parce que je ne sais comment on dit je t'aime
Mon être est si timide
De la pensée moite à la lèvre humide
Mes mots transpirent ton être,
Laisse-moi t'écrire
Toutes les belles choses que la nature crée
Ces choses auxquelles les génies souscrivent
Toutes ces choses que l'homme procrée.
Je t'écris je t'aime
Parce que je ne sais comment on dit je t'aime
Ce qui rend la vie belle
C’est le sourire que tu m'offres tous les matins,
Les conseils qui recadrent ma vie et quelquefois les baffes qui me
remettent sur les rails.
Ras-le-bol de me taire
Et de te crier tout mon amour
Dans les murailles du silence
Chaque fois que tu me regardes je te crie la voix sourde
Je t'aime je t’aime je t’aime
Comme on n'aime plus de nos jours
Je t'aime Matrix de mes émois
Entrailles qui m’ont su faire
Consolation de mes souffrances
Je t'écris je t'aime
Parce que je ne sais pas comment on dit je t'aime
Je n'ai pas la parole facile j'ai juste le texte pour cible
Mes mots sont peut-être des fossiles

225
Mais ils ont l’âme sensible
Je t’écris mère je t’écris femme
Je t’écris mes airs et leur flamme
Je t’écris l’art libre madame
Je t’écris je t’aime
Parce que je ne sais comment on dit
Je t’aime

226
LETTRE À MARIE

Marie
Ça fait un bout qu’on ne s’est pas marrés
Qu’on n’a pas ri ma reine
Parce qu’on ne sera peut-être jamais mariés
J’ai mis ma clé
Dans le contact de la vie
Mais elle a de la peine à démarrer
Quand je regarde dans le rétroviseur du temps
Je me rends compte
Qu’en cet instant notre amour est à marée basse
C’est marrant je pense
Et repense à ces moments de délicatesse
Altesse de mes délits d’amour
Que rien jusqu’ici n’a pu délier
De mon esprit d’enfants chétifs
Qu’elles sont éloignées
De nous ces heures de passion d’égoïsme collectif
Lorsque mes mains baladeuses
Effleuraient ton âme généreuse

Aujourd’hui Marie ma reine


Je marine dans l’idée de te revoir tu sais
Je ne fume plus que de l’espoir désormais
Je mets de l’or
Dans mes idées pour qu’elles me paraissent plus claires
Désormais je mets
De l’ordre dans mes sentiments éclairs
Et fugaces comme le temps qui passe

227
Qu’il passe vite ce temps de chien pris dans sa laisse
Les jours se comptent petit à petit mon cœur est en liesse
Un jour peut-être nous serons
Unis dans l’âme et la pensée
Un jour peut-être ton amour remplira ma panse et
Je reluirai comme cette étoile
Polaire au-dessus de l’étable

L’océan de passion
Dans lequel je suis plongé est instable
Le trouble m’anime
Et j’ignore si cette marrée est haute ou basse
Quand mes sentiments boitent à la KOTTO BASS
Si tu peux à travers ces mots
Écouter la musique de mon cœur qui bat
C’est que la bataille n’est pas
Perdue car on s’aime
Et je te le dis tout bas
Marie
Ça fait un bout qu’on ne s’est pas marrés
Qu’on n’a pas ri ma reine
Parce qu’on ne sera peut-être jamais mariés

228
L’ESPRIT DU SILENCE

Dormir dormir dans cette douce nuit


Repos éternel et se réveiller sans vie

Je suis sur la ligne rouge à la frontière


Entre l’obscurité et la lumière

Je mords la lame tranchante de la vie


J’ai la mort dans l’âme trop chiante est la vie
Le repos est la force qui calme mes esprits
J’aime l’esprit du silence et la douceur de ses vices

Lorsque la nuit s’étend sur ma tête et fait place à ses rites


L’inertie est le seul jeu pour lequel mon corps s’irrite
Force est à la musique du silence
L’âme alitée dans cette bataille
Il n’y a que les morts qui s’y lancent

L’animalité a fait de l’homme un Dormeur du val


De la faucheuse on est plus esclave que valet
Dans les couloirs obscurs de la vallée de la mort
Elle a fait de moi son seul et unique amant

S’isoler c’est s’entraîner


À être seul entre quatre planches
Loin des bruits des vivants
Peut-on savoir ce que le mort fait
Chanter les mélodies du silence au palais de Morphée

229
Pour se soigner enfin
De la maladie de mes nuits blanches

230
LA QUESTION D’ÉTHIQUE

Tout n’est plus question de tic


Pour une question d’éthique

Paraît-il que la morale c’est pour les cons


Les convives de l’âme orale
Les cons vivent de l’amoral
Le respect et l’obéissance
Ne sont qu’une question de tic
Pour une question d’éthique

L’amour… panique des cœurs


Vraie muse de chacune de nos heures
N’est pas l’apanage des têtes chauves
Et lisses comme de la pastèque… le fauve
Sait que ce n’est qu’une question de tic
Pour une question d’éthique

L’homme dresse ses plans de campagne


Bienvenue l’époque où nos esprits connaissent le bagne
À coup de mots on boit des vers si fourbes
Qu’on finit par être tous versiphobes
Car en fait ce n’est qu’une question de tic
Pour une question d’éthique

Rien ne change si rien ne va


Quand tout va bien on ne donne rien au change
Le bonheur ça va ça vient et quand ça vient ça va

231
On se rend compte
Que de l’obscurité pour la lumière on a fait l’échange
Le cycle est le même sous le soleil
À chaque fois c’est pareil

Parce que tout n’est plus question de tic


Pour une question d’éthique

232
SYMBIOSE

Lui si triste
Elle si terne
Lui l’artiste
Remplit d’amour sa citerne
Elle muse de ses délires
Ennoblit ses vers et sa lyre
Ils s’aiment à la folie
Ils sèment leur folle lie
Dans le calice de l’union

Il lui livre son cœur


Elle lui livre ses doutes
Lui Jean sans peur
Rêve pour elle voler la céleste voûte
Il a le cœur aussi grand qu’un hêtre
Elle pense que c’est le plus parfait des êtres
Leur feu est incandescent
La passion qui naît monte et descend
La vie n’est pas toujours rose
Elle le sait bien notre belle Rose
Mais elle lui jette des fleurs
Quand le sublime du parfum de l’amour l’effleure

Il est si fort et elle est si faible


Elle nourrit ses desseins
Ils tissent ensemble leur destin
Pour être deux il faut bien ajouter à l’autre l’un
C’est de la simple mathématique

233
Après quoi un plus un ne feront plus qu’un
C’est de la simple logique
Mais l’amour n’est pas logique
C’est peut-être aussi ça la logique de l’amour
Passer de la méiose à la symbiose
Et vice versa… le sait qui ose
Ils le savent c’est pourquoi ils sont si fous
L’un de l’autre
Et dire qu’aimer son prochain est un pari fou
Que c’est un pèlerinage à l’aveugle

234
235
Table des matières

Enfin, nous y sommes ! ................................................................ 9


Préface........................................................................................ 10
Abeng EDONGO ....................................................................... 14
André NGOAH .......................................................................... 42
Balbine B. NGONO ................................................................... 72
Bertrand NTSAMA .................................................................... 92
BOBBY PAUL ........................................................................ 104
Caroline Flore PAYONG KOUAKAP .................................... 107
Louis EBENE........................................................................... 116
Maury Damase NTAMACK .................................................... 131
Mohamed DIM......................................................................... 148
Patrick MBONI ........................................................................ 162
Semevo Diane L. KPEIDJA .................................................... 184
Serge Armand MBIENKEU .................................................... 192
Sophie ZANG .......................................................................... 199
Yanik DOOH ........................................................................... 218

236
237

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