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GRAND ANGLE
AUTEUR :
en M. Mouzé-Amady, laboratoire Physiologie-mouvement-travail (LPMT), département Homme au travail, INRS
résumé
Figure 1 : Modèle psychoneuroimmunologique de la réponse de stress (adapté gique humain, la réponse de stress
de Maier et Watkins [3]). Initialement, les études portaient principalement a lieu (figure 1).
sur les circuits A1-B1 (axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien), puis A-B. La
psychoneuroimmunologie a intégré le circuit C (immuno-neural) : la production Du point de vue de la prévention
de cytokines est non seulement périphérique mais également intra-cérébrale du stress (aigu ou chronique), le
permettant une communication bi-directionnelle entre système immunitaire et seuil de déclenchement peut être
nerveux.
modulé par de nombreux facteurs
individuels ou psychosociaux :
personnalité, degré de résilience,
niveau de soutien social, tech-
niques de gestion du stress, envi-
ronnement social protecteur…
Par ailleurs, la psychologie cogni-
tive, en particulier, a modéré la
vision « mécaniste » de Selye en
soulignant le rôle chez l’Homme
de l’évaluation psychologique, le
degré d’activation émotionnelle, le
style de coping (to cope with = faire
face) [5] dans le déclenchement ou
non de la réponse de stress.
Historiquement, ces réponses
adaptatives non-spécifiques ont
été modélisées par Selye sous la
dénomination de Syndrome géné-
ral d’adaptation (SGA) [1]. L’intérêt
de ce modèle triphasique est qu’il
intègre la notion de temps d’expo-
sition et donc de chronicité. Dans la
phase d’alarme, l’organisme mobi-
lise le maximum de ressources (y
compris immunitaires) pour faire
face au(x) stresseur(s). Dans le meil-
leur des cas, cette première réaction
permet de s’épargner des effets
nocifs du stresseur (par évitement
par exemple) ou de s’y soustraire
(par la fuite par exemple [6]). Dans
un scénario plus pessimiste, l’indi-
vidu n’a pas le choix, ses marges
de manœuvres sont limitées et il
doit faire face (deuxième phase).
Selon le contexte et les ressources
(physiques, psychologiques et/ou
sociale) disponibles, cette phase de
résistance peut être plus ou moins
longue, fructueuse (retour à l’état
de non-stress) ou peut échouer.
caractère linéaire [4] de la cascade sont évoquées ici, encore faut-il Dans les deux premières phases
de libération des médiateurs et des qu’il y ait activation au départ : (alarme et résistance), le coût psy-
hormones impliqués est souligné autrement dit si le système d'adap- chobiologique pour l’organisme
et si leurs caractéristiques de spé- tation se déclenche, alors, compte peut être non négligeable, voire
cificité, d’hérédité et de réflexivité tenu du « câblage » neurobiolo- délétère, surtout si ces situations
perte d’un proche, une catastrophe tion pharmacologique). L’allostasie, ractions étroites entre les sys-
naturelle majeure vécue… ; quant à elle, définit la santé comme tèmes nerveux (central et périphé-
O les stresseurs chroniques sont un état répondant (« a state of res- rique) et le système immunitaire,
des événements qui envahissent ponsiveness ») avec des fluctuations O de souligner le rôle de l’appren-
la vie de l’individu au point de le anticipées et optimales à des fins tissage dans l’immunomodula-
contraindre à restructurer son iden- d’adaptation [19]. Le modèle allos- tion que peut subir l’organisme, et
tité ou son rôle social (chômage de tatique accentue l’aspect dyna- notamment en présence de stres-
longue durée, maladie chronique, mique en admettant que, dans un seurs.
exil politique et/ou conflit armé, but adaptatif, les paramètres phy-
prise en charge d’un proche lourde- siologiques peuvent fluctuer (tem- Selon Ader [22], les expériences les
ment handicapé…). La particularité porairement) au-delà des valeurs plus anciennes sur les relations
de ces stresseurs est leur « stabi- normales. On parle de charge allos- entre cerveau et système immuni-
lité » et le fait que l’individu n’a tatique (CA) lorsqu’il y a répétition taire remontent au début du XXe
aucune information sur la durée de de réponses allostatiques telles que siècle [23]. Dans les années 70, les
l’exposition, et ignore même si elle celles activées lors de situations premières études modernes sur les
cessera un jour ; stressantes [20]. Les taux de glu- relations apprentissage-immunité
O les stresseurs distants se mani- cocorticoïdes et de cytokines (im- sont publiées. L’expérience princeps
festent par des traumatismes (re) munomédiateurs) constituent les porte sur l’immunosuppression
surgissant tardivement (plusieurs biomarqueurs primaires de la CA. par conditionnement comporte-
mois ou années après l’exposition) Les biomarqueurs secondaires sont mental [24] chez le rat. Historique-
en raison des séquelles cognitives métaboliques (insuline, glucose, ment, Garcia et al. [25] observent
et émotionnelles persistantes cholestérol…), cardiovasculaires que des rats développent une aver-
(abus sexuel durant l’enfance, viol, (pression artérielle…) et immu- sion conditionnée à la saccharine
prisonnier de guerre…), aussi ap- nitaires (fibrinogène, protéine C- s’ils sont exposés après ingestion
pelé stress post-traumatique (ap- réactive…). Lorsque ces paramètres de l’eau saccharinée à des rayons
paru dans la nomenclature DSM dépassent les seuils infra-cliniques, gamma (lesquels provoquent d’im-
III en 1980)[16]. l’étape finale de la CA est la sur- portants troubles gastriques) et ce,
charge allostatique aux consé- en un seul essai. Cette observation
Même si cette taxonomie est dis- quences délétères (correspondant est à l’origine de l’hypothèse d’Ader
cutable, elle a le mérite d’exister. à la phase d’épuisement du SGA de et Cohen : une immunosuppression
Il est également constaté que si Selye). peut également être conditionnée
les deux premières catégories ré- comportementalement. Dans leur
sultent en une réponse adaptative, expérience, les auteurs ont associé
ce n’est pas le cas des suivantes de la saccharine (Saach) mélan-
qui, elles, sont délétères. PSYCHONEUROIMMUNO- gée à l’eau de boisson chez des rats
LOGIE ET STRESS suivie d’une seule injection intra-
Une autre conceptualisation du CHRONIQUE péritonéale de cyclophosphamide
stress fait appel à « l’allostasie » ou « (CY) pour le groupe expérimental
stabilité à travers le changement », Parler de stress chronique, et donc et de solution physiologique (NaCl)
terme introduit par Sterling et Eyer de ses effets sur la santé, nécessite pour le groupe contrôle. Trois jours
en 1988 [17]. C’est le processus par de connaître les apports fonda- après, tous les animaux reçoivent
lequel un organisme maintient sa mentaux d’une discipline récente, par injection un antigène, seul le
stabilité physiologique en modi- introduite en 1981 par R. Ader [21] : la groupe Saach + CY (groupe expé-
fiant ses paramètres internes pour « psychoneuroimmunologie » (PNI), rimental) ne présente pas d’anti-
qu’ils s’accordent aux demandes relevant de ce que les anglo-saxons corps spécifique à l’antigène reçu à
environnementales. Dans le mo- appellent « Behavioral Medicine ». l’inverse du groupe contrôle Saach +
dèle classique de l’homéostasie [11, La PNI a fourni les principales bases NaCl. Le groupe expérimental a non
18], la santé est définie comme un scientifiques et expérimentales à ce seulement développé une aversion
état dynamique dans lequel tous l’on qualifiait jadis de symptômes conditionnée à la Saach (réduction
les paramètres physiologiques « psychosomatiques ». Les contribu- de la consommation d’eau aroma-
opèrent dans une « fourchette » de tions majeures de la PNI ont été : tisée), mais voit son taux de morbi-
valeurs normales (sans interven- O de démontrer l’existence d’inte- dité (voire de mortalité) corrélée po-
[43]. Ils ont étudié 100 chômeurs O les employés de bureau, avec une terme les défenses immunitaires.
(48 hommes et 52 femmes ; 29-45 exigence de travail faible, et les Ces résultats importants reposent
ans ± 4,62, période de chômage artisans avec un niveau d’anxiété néanmoins sur des mesures physio-
allant de 2 à 19 mois) et 100 autres bas et une latitude de décision logiques invasives et ponctuelles.
personnes ayant un travail stable élevée montrent une activité NK
(groupes contrôles appariés selon supérieure aux précédents,
l’effectif, le genre, le niveau socio- O les administratifs hospitaliers
professionnel…) durant quatre mois. présentent, quant à eux, un profil CORTISOL CAPILLAIRE :
Une prise de sang mensuelle était NK intermédiaire. NOUVEL INDICATEUR
réalisée afin de doser le taux de cel- BIOLOGIQUE DE STRESS
lules NK cytotoxiques. Les auteurs Les auteurs en concluent que le CHRONIQUE
observent une activité NK signi- type d’emploi, en relation avec le
ficativement inférieure chez les niveau de stress au travail, affecte Dans la plupart des études sur le
chômeurs comparés aux employés l’activité des cellules NK circu- stress, y compris chronique, seuls
(pas d’effet de genre). Pour les per- lantes. Ils préconisent la surveil- étaient disponibles jusqu’à pré-
sonnes retrouvant un emploi, une lance biologique de l’activité NK sent des indicateurs discrets et
« récupération » immunitaire de chez « les sujets à risques » [44]. ponctuels pour quantifier l’inten-
44 à 72 % est observée par rapport sité des effets et extrapoler leur
aux valeurs des groupes contrôles. En conclusion, les réponses de durée. Le très classique dosage
Plus récemment, en 2012, Boscolo stress, lorsqu’elles sont déclenchées, plasmatique du cortisol pour me-
et al. [44] ont étudié les conditions sont le produit de systèmes inté- surer l’activité de l’axe HHS (figure
de travail et leurs effets sur le sys- grés (psycho-neuro-hormonaux et 1), du fait de son prélèvement par
tème immunitaire de 134 travail- immunitaires) qui communiquent ponction veineuse, peut être dis-
leurs exerçant dans 5 branches entre eux via les cytokines. Un ap- cutable dans un protocole d’étude
d’activités différentes. À l’aide des prentissage réalisé par l’un peut im- sur le stress. Il devient rédhibitoire
échelles STAI 1 et 2 (State-Trait-An- pacter l’autre (ex. conditionnement en situation réelle hors labora-
xiety Inventory) [45], l’échelle STAI 1 d’une réponse immunitaire). Dans toire. Les avancées technologiques
concernant l’anxiété transitoire, certaines conditions extrêmes, des en matière de dosage permettent
STAI 2 l’anxiété en temps que trait conséquences délétères peuvent se aujourd’hui d’utiliser des échantil-
de personnalité, du questionnaire chroniciser après cessation de l’ex- lons salivaires comme substituts
de Karasek [46] relatif au contenu position à l’agent stresseur qu’il soit acceptables quels que soient les
du travail, puis d’une prise de sang physique ou psychologique. Dans contextes de recueil (laboratoire,
(pour les dosages immunitaires), les le monde du travail, la nature de vie quotidienne). Il n’en demeure
auteurs observent que : l’activité, voire son absence (période pas moins qu’il s’agit d’une quan-
O les travailleurs du secteur indus- de chômage), peut affecter l’immu- tification instantanée, qu’il faut
triel et du bâtiment qui déclarent nocompétence de l’individu. Un répéter dans le temps et en tenant
un travail à astreinte forte pré- stresseur psychosocial semble donc compte du rythme nycthéméral de
sentent le niveau d’activité NK le capable d’activer de manière dif- sécrétion propre au cortisol (revue
plus bas, férentielle puis de déprimer à long dans [47]) pour pouvoir l'interpré-
ter. Toutefois, si l’on modifie la mé- Par ailleurs, leurs taux de CeC de 1470-1532 ap. J.-C.). Sur les dix
thode de recueil en choisissant un étaient significativement plus éle- individus dont le CeC a pu être
médium plus adéquat, il devient vés après qu’avant déplacement. Le analysés (longueur de cheveux :
possible de contourner l’aspect retour aux niveaux de base de CeC 9-27 cm), les anthropologues ont
instantané de la quantification. a été observé 35 semaines après le pu corréler le taux de cortisol avec
C’est à la toxicologie que l’on doit changement de lieu. De plus, chez les expériences individuelles ou
les principaux apports analytiques 16 animaux entraînés au préalable collectives de stress vécues (décès
dans le domaine des dosages ca- à des prélèvements salivaires, les par maladie, conflits tribaux), se-
pillaires (cheveux, poils). auteurs ont observé un triplement lon les sites et le moment du décès
Le cheveu a une croissance du taux de cortisol salivaire 2 se- (CeC maximal dans le segment
moyenne d’un centimètre par mois maines après le déménagement proximal, c'est-à-dire la partie la
chez l’Homme. Il a la propriété par comparé à la semaine précédant plus récente du cheveu).
ailleurs de stocker nombre de mo- ce dernier. Par ailleurs, pour ces 16 L’une des premières études met-
lécules de par son implantation. Il macaques, CeC et cortisol salivaire tant en relation CeC et travail date
s’agit donc d’un médium aux pro- étaient corrélés positivement de de 2010 [54]. Les auteurs com-
priétés temporelles intéressantes : manière significative (p < 0,001). Ils parent le CeC de 61 chômeurs (31
il constitue une fenêtre de détec- en concluent que le CeC est un indi- hommes, 30 femmes) de longue
tion plus longue (3 cm = 3 mois, cateur pertinent d’un état de stress durée (plus de 12 mois consécutifs)
6 cm = 6 mois…) que le prélèvement chronique. à celui recueilli chez 44 employés
sanguin ou plasmatique ponctuel. En 2009, Kirschbaum et al. [52] ont (28 hommes et 16 femmes) sur
Par ailleurs, la conservation de son mesuré le CeC chez des femmes 3 segments (3 cm) de cheveux. Ils
intégrité est remarquable : des mé- avant, pendant et après leur gros- observent un taux de CeC supé-
taux lourds (plomb, mercure…) sont sesse, ainsi que chez un groupe rieur dans la catégorie « chômeurs
détectables plusieurs siècles après « contrôle » n’ayant pas encore eu de longue durée ». Ce taux élevé
la croissance initiale du cheveu. d’enfants en prélevant des mèches de CeC serait le reflet du niveau de
Pour les substances organiques, de cheveux (4 segments de 3 cm) stress accompagnant cet « événe-
la première extraction capillaire correspondant temporellement à ment de vie » qu’est le chômage.
d’opioïdes chez des héroïnomanes une période rétrospective de 0-3, En ce qui concerne le travail posté,
a été réalisée en 1979 par Baumgar- 3-6, 6-9 et 9-12 mois. La popula- des différences ont également été
tner et al. ([48] cité par [49]). À par- tion étudiée était composée de observées selon le type d’activités
tir des années 2000, le dosage des 3 échantillons : mères de nouveaux- (nocturne ou diurne). Manenschijn
glucocorticoïdes exogènes chez des nés âgés de 2 à 4 jours (n = 103), et al., en 2011 [55], comparent 33
sportifs est réalisé lors de contrôles mères de nourrissons de 3 à 9 salariés nocturnes (SN) à 89 sala-
anti-dopages. Le premier dosage de mois (n = 19) et femmes nullipares riés diurnes (SD) : le CeC des SN
cortisol endogène capillaire (CeC) (n = 20). Les auteurs observent un est significativement plus élevé
chez l’Homme date de 2004 [50]. déclin monotone du CeC interseg- que celui des SD (47,32 pg.mg-1 vs
En 2006, la première expérience [51] ments (p < 0,0001) plus marqué 29,72 pg.mg-1). De plus si l’on dis-
portant sur CeC et stress chronique chez les nullipares. Dans le groupe tingue les SN selon l’âge médian,
est menée chez des macaques de mères de nouveaux-nés, le taux les « jeunes » ont un CeC supérieur
Rhésus. Il s’agit en fait d’une expé- maximum de CeC est atteint au aux « anciens » (48.53 pg.mg-1 vs
rience invoquée 2, les chercheurs 2. Dans une troisième trimestre de la grossesse. 26.42 pg.mg-1). Les auteurs ob-
ont en effet profité du déménage- expérience De plus, pour le premier segment servent également que l’indice de
ment programmé de l’animalerie invoquée, le (0-3 mois), le taux de CeC des mères masse corporelle (IMC) chez les
chercheur n’est
pour doser le CeC dans les poils de nouveaux-nés est le double de « jeunes » SN est supérieur à celui
pas à l’origine de
de 20 singes adultes (de 8 à 22 ans, la variation de la celui du groupe contrôle (nulli- des « jeunes » SD (IMC : 27,2 vs 23,7).
moyenne = 14,4) avant et après ou des variables pares). Par ailleurs la corrélation est signi-
déménagement (14 semaines). En indépendantes, Dans une toute autre probléma- ficativement positive entre CeC et
dépit de conditions d’habitat amé- à l’opposé d’une tique, une équipe canadienne [53] IMC. Toutefois, il n’est pas exclu, ici,
expérience
liorées dans leur nouvelle anima- a réussi à doser du CeC à partir de que des facteurs liés à la « pénibi-
provoquée où c’est
lerie, les animaux ont manifesté lui qui agit sur la « cheveux archéologiques » re- lité » du travail de nuit ou à la chro-
de nombreux troubles comporte- ou les variables. cueillis sur 5 sites péruviens clas- nobiologie (rythmes sécrétoires du
mentaux suite au déménagement. sés (datant de 550-1000 ap. J.-C. et cortisol), voire un syndrome méta-
Cette classification est reprise au 98 % au moins un signe clinique. questionnaire comportait 12 items
niveau européen dans les recom- Chez les non-combattants sans (annexe 1) : 4 relatifs aux symp-
mandations de l’EACD (European SPT, 24 % déclaraient au moins un tômes de SADAM sur des échelles
Academy of Craniomandibular symptôme subjectif et 52 % avaient de Likert, les 8 autres concernaient
Disorders) à l’usage des dentistes au moins un signe clinique de la durée quotidienne d’activité (tra-
généralistes, avec un accent sur la SADAM. Pour les auteurs, ces obser- vail informatique, conduite auto-
prise en charge « cognitivo-com- vations confortaient l’hypothèse mobile, tâches à dextérité manuelle
portementale et psychologique » de Laskin [76] : l’hyperactivité mus- fine, tâches physiques lourdes, réu-
[66]. culaire chronique et récurrente en- nions, trajet domicile-travail, temps
À partir des années 70, un certain dommage progressivement l’arti- à domicile, heures de sommeil). Sur
nombre de travaux a exploré plus culation qui, avec le temps, devient la base d’un score médian total de 5
particulièrement l’aspect psycho- symptomatique. Une étude de obtenu en réponses aux items 1-4,
social de ces désordres cranio-man- 2004 [77] a examiné les liens entre deux groupes ont été constitués :
dibulaires [67 à 71]. Les personnes alexithymie 3 - dépression - SADAM les personnes avec un score ) 7
3. Alexithymie :
se déclarant stressées présentent et travail posté. Dans une société difficultés (« SADAMFaible », n = 1 524) et celles
un risque accru d’occurrence et/ou de radiodiffusion, 750 salariés en à exprimer ayant un score * 8 (« SADAMÉlevé »,
de progression du SADAM, et leurs travail posté irrégulier ont été com- verbalement n = 445). L’analyse statistique (par
symptômes augmentent lors de parés à 750 autres en travail diurne ses émotions et régression logistique) montre que
communément
situations jugées stressantes [72]. régulier. Les résultats du ques- observées chez
le genre (féminin en l’occurrence)
Parallèlement, certains auteurs tionnaire de santé et une analyse les patients et le temps de travail sur ordina-
[73] ont observé une élévation du par régression logistique sur les présentant des teur sont les variables significatives
cortisol salivaire significativement variables étudiées montrent une symptômes de l’occurrence de symptômes de
plus importante chez des sujets association positive et significative psychosomatiques. SADAM : la durée de travail sur
atteints du SADAM et soumis à un entre alexithymie et symptômes ordinateur est plus longue chez
stress expérimental (Trier Social SADAM non douloureux, une as- le groupe SADAMÉlevé. Par ailleurs
Stress Test) [74] par rapport à un sociation négative et significative chaque période de 2 heures addi-
groupe témoin soumis au même entre alexithymie et genre (les tionnelles sur ordinateur augmente
stresseur. Dans une étude de 2003 femmes étant plus expressives), la morbidité d’un facteur de 2,23
[75], un groupe d’hommes (n = mais pas d’association entre alexi- (odds ratio (OR)). On peut s’inter-
100) de 25 à 50 ans ayant com- thymie ou troubles dépressifs et roger sur la fiabilité de n’utiliser
battu durant la guerre de Croatie travail posté. Plus récemment, une que 4 items du questionnaire pour
(1990-1995) et présentant un stress étude japonaise [78] s’est penchée qualifier les 2 groupes à risques. En
post-traumatique (SPT) avéré a sur l’influence des conditions de tra- fait ces 4 items ont été extraits d’un
été comparé à un groupe de non- vail sur l’incidence du SADAM. Dans questionnaire de diagnostic à 20
combattants (n = 100) indemnes une société de fabrication de com- items préalablement administré à
de SPT. Chez les combattants SPT, posants électroniques, 1 969 salariés 2 360 patients en consultation
82 % présentaient au moins un ont renseigné un questionnaire lors d’otondologie. La sensibilité, la
symptôme subjectif de SADAM et de la visite médicale annuelle. Le spécificité et le taux de faux posi-
,Tableau II
POINTS À RETENIR
Les réponses de stress aiguës ont une valeur adaptative à l’inverse des réponses chroniques.
La psychoneuroimmunologie a montré que les systèmes nerveux et immunitaire sont des
composants intégrés disposant d’un mode de communication via les cytokines.
L’exposition unique à un stresseur peut conduire à chroniciser des réponses physiologiques et
comportementales.
L’apprentissage acquis par le système nerveux peut « se transférer » au système immunitaire.
Dans le monde du travail, la nature de l’activité, voire son absence, peut affecter
l’immunocompétence de l’individu.
Les quantifications physiologiques classiques (cortisol salivaire, plasmatique…) du stress ne
permettent pas d’explorer les expositions chroniques, car elles sont trop ponctuelles.
Le dosage du cortisol endogène capillaire (CeC) permet, à partir d’un seul prélèvement de
cheveux, de couvrir une période de sécrétion étendue (1 cm ≈ 1 mois, 3 cm ≈ 3 mois…).
L’indicateur CeC présente une facilité de recueil et de stockage propice aux investigations de
terrain.
L’étiologie du SADAM (syndrome algo-dysfonctionnel de l’appareil manducateur) a évolué d’une
origine purement biomécanique à l’intégration du rôle des facteurs de risques psychosociaux.
Les personnes se déclarant chroniquement stressées présentent un risque accru d’occurrence
et/ou de progression du SADAM.
Il existe des questionnaires de dépistage de ce trouble biomécanique chronique utilisables en
santé au travail.
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Q3* Pouvez-vous ouvrir la bouche sans aucune déviation ? Ouverture buccale déviée
Q4* Éprouvez-vous une douleur au niveau du visage, de la Douleur induite par mastication
mâchoire, des tempes ou à l’avant des oreilles lorsque vous
mangez des aliments à mastiquer comme de la viande
séchée, de la seiche séchée ou du poulpe ?
Q8 Combien d’heures par jour vous faut-il pour vous rendre sur Transports
votre lieu de travail ? (h)
* Les sujets répondent aux items 1 à 4 sur une échelle de Likert en 5 points où: 1 = Tout à fait d’accord ; 2 = D’accord ;
3 = Sans opinion ; 4 = En désaccord ; 5 = Pas du tout d’accord.
ANNEXE 2
Questionnaire (traduit) utilisé pour détecter la présence
d’un SADAM [66].
Test de dépistage
Afin de détecter la présence d’un SADAM, il est recommandé de réaliser un protocole de
dépistage systématique. Le protocole peut inclure les 4 questions suivantes (les plus validées) :
1° Avez-vous mal lorsque vous ouvrez grand la bouche ou lorsque vous mastiquez, une fois par semaine ou
plus ?
2° Avez-vous mal aux tempes, au visage, aux articulations de la mâchoire, une fois ou plus par semaine ?
3° Avez-vous ressenti récemment un blocage de la mâchoire ou une impossibilité d’ouvrir grand la bouche ?
4° Avez-vous souvent la migraine plus d’une fois par semaine ? Une réponse positive peut faire orienter le
patient chez un neurologue en premier lieu.
Si le patient répond « OUI » à l’une des 4 questions, une anamnèse et un examen clinique détaillés sont
souhaitables.