Vous êtes sur la page 1sur 19

¶ 36-969-A-10

Syndrome de détresse respiratoire aiguë


C. Guérin, J.-C. Richard

Le syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) de l’adulte est un œdème pulmonaire de perméabilité
survenant à la suite d’une agression directe ou indirecte de la membrane alvéolocapillaire, associée à une
inflammation pulmonaire intense et une hypoxémie sévère. L’incidence est de 58 cas pour
100 000 personnes/an et le taux de mortalité de 40 % à 50 %. La prise en charge est centrée sur
l’assistance ventilatoire invasive. La préoccupation essentielle du thérapeute est de choisir de façon
rationnelle les réglages du ventilateur afin de ne pas induire de lésions pulmonaires supplémentaires. Les
recommandations actuelles sont de maintenir la pression partielle en oxygène dans le sang artériel
(PaO2) entre 55 et 80 mmHg, limiter le volume courant entre 4 et 8 ml/kg de poids prédit par la taille et
maintenir la pression plateau de fin d’inspiration en dessous de 28-30 cmH2O. Une curarisation précoce
et courte (48 heures) réduit la mortalité. Une pression expiratoire positive élevée (≥ 15 cmH2O) est à
réserver aux malades dont le potentiel de recrutement pulmonaire est élevé. Une pression expiratoire
positive (PEP) plus basse (entre ≥ 5 cmH2O et ≤ 12 cmH2O) est à préférer chez les patients avec un
potentiel de recrutement faible. La mise en décubitus ventral peut être bénéfique chez les malades avec
un rapport pression partielle en oxygène dans le sang artériel/concentration de l’oxygène dans l’air
inspiré (PaO2/FIO2) inférieur à 100 mmHg. Maintenir un bilan hydrique négatif, une fois la phase de choc
contrôlée, permet de réduire le nombre de jours vivants sans ventilation mécanique. Une corticothérapie
peut être mise en route en cas de SDRA non résolutif. La biopsie pulmonaire chirurgicale est réalisable au
lit du malade de façon fiable et peut être bénéfique si elle est contributive à la prise en charge
thérapeutique. De nombreuses évaluations sont en cours : imagerie pulmonaire fonctionnelle, ventilation
par oscillation à haute fréquence, ventilation spontanée précoce, niveau de PEP guidé par la pression
transpulmonaire, décubitus ventral, épuration extracorporelle de gaz carbonique.
© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Syndrome de détresse respiratoire aiguë ; Œdème pulmonaire ; Ventilation mécanique ;
Lésions pulmonaires induites par la ventilation mécanique ; Hypoxémie ; Pression expiratoire positive

Plan ¶ Évolution 7
Fibroprolifération 7
¶ Introduction 2 Complications infectieuses 7
Hypertension artérielle pulmonaire 7
¶ Définitions 2
Pneumothorax 7
¶ Épidémiologie 2 Évolution à long terme 7
¶ Étiologies 3 ¶ Traitement non ventilatoire 7
Atteinte pulmonaire directe ou indirecte 3 Moyens pharmacologiques et non pharmacologiques agissant
Facteurs de risque d’« acute lung injury » 3
sur l’oxygénation sanguine 7
Facteurs génétiques 3
Apport d’une substance exogène déficiente 8
¶ Physiopathologie 3 Modulation de la réponse inflammatoire pulmonaire 8
Atteinte de la membrane alvéolocapillaire 3 Modulation de l’équilibre des fluides de part et d’autre
Perte de volume pulmonaire aéré 4 de la membrane alvéolocapillaire pulmonaire 8
Lésions pulmonaires induites par la ventilation mécanique 5
¶ Traitement ventilatoire 9
Altérations des propriétés élastiques de la paroi thoracique 6
Ventilation mécanique conventionnelle 9
¶ Diagnostic positif 6 Ventilation mécanique non conventionnelle 12
¶ Diagnostic différentiel 6 Assistance respiratoire extracorporelle 13
¶ Diagnostic étiologique 6 ¶ Conclusion 13

Anesthésie-Réanimation 1
36-969-A-10 ¶ Syndrome de détresse respiratoire aiguë

■ Introduction en question, il n’y a pour l’instant pas de nouvelle proposition.


Il a été proposé de confirmer les éléments de la définition,
Le syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) est une notamment l’hypoxémie, au bout de 12 à 24 heures d’évolution
pathologie phare en réanimation pour plusieurs raisons. Tout pour éliminer des pathologies rapidement réversibles comme un
d’abord, le SDRA ne peut se traiter qu’en réanimation compte trouble de ventilation, un épanchement pleural, ou un œdème
tenu de sa complexité et de la gravité générale et pulmonaire à pulmonaire cardiogénique. Cette notion de SDRA confirmée au
laquelle il est associé. Le traitement de première ligne est en bout de 12-24 heures de ventilation mécanique, bien que
effet la ventilation mécanique, invasive le plus souvent. Ensuite, retenue par une conférence d’experts de la Société de réanima-
le réanimateur peut influencer le déroulement de la maladie et tion de langue française [7], n’est pas validée à ce jour.
l’issue du malade si le respirateur n’est pas réglé correctement.
Compte tenu de l’abondance des publications et du nombre de
références octroyé, la bibliographie est limitée aux articles
■ Épidémiologie
majeurs. Les données épidémiologiques d’une maladie (incidence,
prévalence, mortalité) sont très étroitement liées à sa définition.
Pour le SDRA, cette notion est cruciale. Une autre difficulté pour
■ Définitions évaluer correctement l’incidence du SDRA est liée à la grande
variété du type de service hospitalier dans lequel sont pris en
Le SDRA a été décrit en 1967 [1] chez des soldats américains charge les patients avec SDRA. La plupart des études portent sur
au cours de la guerre du Viêt Nam. Victimes d’un polytrauma- des malades hospitalisés en réanimation. Mais des malades avec
tisme ouvert à la suite de plaies par balles, opérés en urgence et SDRA sont également traités aux urgences ou en pneumologie.
transfusés, ils développaient 2 à 3 jours plus tard un tableau de Une évaluation précise de l’incidence du SDRA nécessite donc
détresse respiratoire aiguë avec hypoxémie intense, réfractaire de prendre en compte cette notion au risque d’en sous-estimer
aux hauts débits d’oxygène pur, et opacités alvéolaires bilatéra- l’incidence réelle. La réputation du SDRA d’être une maladie
les sur la radiographie pulmonaire. rare n’est pas confirmée depuis l’étude précise de Rubenfeld et
Depuis, plusieurs définitions ont été proposées mais aucune al. aux États-Unis [8]. En se basant sur la définition consensuelle,
n’est vraiment satisfaisante car n’appréhendant pas réellement ces auteurs ont montré que l’incidence de l’ALI est de 78,9 cas
l’hétérogénéité (c’est un syndrome) et la complexité de la pour 100 000 personnes/an et de 86,2 cas pour 100 000 person-
.
physiopathologie du SDRA. En 1988, Murray et al. [2] ont nes/an après ajustement pour l’âge [8]. L’incidence est de 16 cas
proposé un score d’agression pulmonaire prenant en compte pour 100 000 personnes/an pour les individus âgés de 15 à
quatre critères : 19 ans et de 306 cas pour 100 000 personnes/an entre 75 et
• le nombre de quadrants pulmonaires sur la radiographie 84 ans. Avec la même définition de l’ALI, l’incidence est de
pulmonaire de face affectés d’une consolidation alvéolaire ; 34 cas pour 100 000 personnes/an en Australie [9] et de 17,9 cas
• l’hypoxémie déterminée par le rapport pression partielle en pour 100 000 personnes/an en Scandinavie [10] . En ce qui
oxygène dans le sang artériel/concentration de l’oxygène concerne le SDRA, les incidences étaient de 58,7 [8], 22 [9] et
dans l’air inspiré (PaO2/FIO2) ; 13,5 [10] cas pour 100 000 personnes/an aux États-Unis, en
• le niveau de pression expiratoire positive (PEP) réglée sur le Australie et en Scandinavie, respectivement. Les différences de
respirateur ; résultat peuvent être liées à des différences de recours aux
• et la compliance du système respiratoire. services de réanimation entre les pays ou à des différences de
Un score supérieur à 2,5 définit le SDRA. Cette définition a dessin expérimental entre les études. Par ailleurs, ces études
été très innovante en introduisant la notion d’agression n’incluent pas les malades avec SDRA éventuellement hospita-
pulmonaire aiguë (acute lung injury [ALI]), de sévérité variable, lisés en dehors des unités de réanimation ni les malades avec
et en prenant en compte des éléments cliniques clés et dispo- SDRA non traités par assistance ventilatoire invasive en réani-
nibles facilement au lit du malade. La définition actuellement mation. Très récemment a été identifié le fait que des malades
retenue est celle issue d’une conférence de consensus entre avec SDRA ou ALI d’après la définition consensuelle pouvaient
experts américains et européens datant de 1993 [3]. Elle définit être hospitalisés dans des services de médecine. Une proportion
l’agression pulmonaire aiguë comme associant quatre critères : de 9 % de patients avec ALI dont 2 % de SDRA a été ainsi mise
• insuffisance respiratoire aiguë (signes de détresse respiratoire en évidence dans une unité d’isolement respiratoire, qui n’était
aiguë datant de moins de 48-72 heures) ; pas un service de réanimation [11]. La survie à j90 était de
• hypoxémie avec rapport PaO 2 /F I O 2 inférieur ou égal à 88 % [11].
200 mmHg pour le SDRA et inférieur ou égal à 300 pour Au total, il est probable que le SDRA et l’ALI soient très
l’ALI ; fréquents et que leur incidence soit sous-estimée. Il est difficile,
• infiltrat radiologique bilatéral nouvellement apparu sur la sur ces mêmes considérations, de conclure que l’incidence du
radiographie pulmonaire de face ; SDRA soit en augmentation.
• pas d’argument pour une élévation de la pression dans Les réflexions concernant l’incidence s’appliquent de la
l’oreillette gauche. De plus, un événement déclenchant même façon à la mortalité. Les notions classiques sont que la
identifiable doit être reconnu. mortalité reste élevée mais est en diminution, et que l’hypoxé-
Il s’agit d’une définition « opérationnelle », c’est-à-dire mie n’est plus une cause directe de mortalité. Une autre
appropriée à la détection des sujets à risque de SDRA en difficulté pour l’analyse de la mortalité est la date de la mesure
présence de ces quatre critères. Si cette définition est largement qui peut être la sortie de réanimation, la sortie de l’hôpital, ou
utilisée, notamment pour inclure des malades précis dans les un temps donné après le diagnostic (j28, j60, j90 par exemple).
études cliniques et comparer celles-ci entre elles, elle reste De plus, on s’attend à une mortalité plus faible dans les essais
controversée. Par exemple, la valeur du rapport PaO2/FIO2 peut randomisés contrôlés (ERC) que dans les études de cohorte car,
être très influencée par les réglages du ventilateur, notamment dans les premiers, les malades sont sélectionnés et notamment
PEP et FIO2 : il est facile de faire passer sur cette base un malade non inclus si le risque de décès à court terme ou à long terme
de la catégorie SDRA à la catégorie ALI ou pas d’ALI. La est jugé élevé. Les résultats de mortalité dans les ERC seront
définition exige l’absence d’arguments pour une élévation de la envisagés dans les chapitres consacrés aux traitements du SDRA
pression auriculaire gauche, mais 25 % des malades qualifiés de car la mortalité est justement le critère de jugement principal de
SDRA présentent une élévation de la pression artérielle pulmo- ces études. Les études prospectives de cohorte réalisées aux
naire d’occlusion (PAPO) au cours de leur évolution, probable- États-Unis [8] , en Australie [9] , en Scandinavie [10] et en
ment en raison d’un remplissage vasculaire abondant au cours Europe [12] font état d’une mortalité de 38,5 % (sortie d’hôpital),
d’un SDRA d’origine septique [4]. Les critères cliniques de la 32 % (j28), 41,4 % (j90) et 50 % (sortie d’hôpital) pour l’ALI et
définition consensuelle ne corrèlent pas avec les données de 41,1 %, 34 %, 41,2 % et 57,9 % pour le SDRA. Il est intéres-
histologiques pulmonaires obtenues dans deux séries auto- sant d’observer que la mortalité est très proche entre ALI et
psiques [5, 6]. Bien que cette définition soit régulièrement remise SDRA.

2 Anesthésie-Réanimation
Syndrome de détresse respiratoire aiguë ¶ 36-969-A-10

Les facteurs de risque de mortalité peuvent être séparés en des gènes de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, de la
facteurs sur lesquels une intervention thérapeutique peut agir et protéine fixant l’endotoxine et de l’IL-6 [18, 19]. Des avancées
facteurs non modifiables par un traitement (âge, étiologies du sont à attendre avec le développement de nouvelles techniques
SDRA). Les facteurs de risque du premier type sont évalués au de protéomique/génomique, l’augmentation du nombre de
mieux dans les ERC avec ajustement sur les facteurs de risque patients étudiés dans de larges études cliniques et la mise en
du deuxième type. Ceux-ci sont, en revanche, identifiés dans les évidence de liens entre gènes et devenir du malade avec SDRA.
études de cohorte, et sont entre autres l’âge élevé, une gravité
élevée de la présentation initiale du malade évaluée par les
scores de gravité, la présence d’un état de choc, un délai plus ■ Physiopathologie
court en réanimation après le début de l’ALI, une durée d’hos-
pitalisation plus longue avant le début de l’ALI, l’aspect
radiologique, l’immunodéficience. L’hypoxémie n’est plus un Atteinte de la membrane alvéolocapillaire
facteur de risque indépendant de mortalité comme cela avait La physiopathologie du SDRA est très complexe [20] . La
déjà été souligné il y a 25 ans. Toutefois, dans l’étude euro- séquence globale des événements peut se résumer ainsi. Le
péenne, il existait un lien clair entre hypoxémie et mortalité, primum movens est une augmentation de la perméabilité de la
notamment à partir d’un rapport PaO2/FIO2 inférieur à 150 [12]. membrane alvéolocapillaire à la suite de différentes agressions,
Même si l’hypoxémie pourrait être considérée comme un qui produit dans l’interstitium et/ou dans les alvéoles une issue
facteur de risque de décès, il n’est pas démontré qu’améliorer de plasma avec augmentation de l’eau pulmonaire extravascu-
l’oxygénation réduit la mortalité. C’est même l’inverse qui est .
laire (œdème pulmonaire, augmentation du poids du poumon),
observé [13]. une réaction inflammatoire intense, une hypercoagulabilité et
des altérations du surfactant.
Il est classique de séparer trois phases successives qui se
■ Étiologies télescopent en réalité :
• une phase exsudative avec œdème, hémorragie intra-
Atteinte pulmonaire directe ou indirecte .
alvéolaire, membranes hyalines, réaction inflammatoire
(afflux de PNN) ;
Le SDRA est l’expression d’une agression de la membrane • une phase fibroproliférative avec production de collagène ;
alvéolocapillaire qui peut être directe, sur le versant épithélial de • une phase de résolution avec récupération ad integrum.
la membrane, comme au cours des pneumonies infectieuses, ou
Une multitude d’acteurs intervient au cours de ces trois
.

indirecte, portant sur le versant endothélial comme à la suite


phases [20] dont la séquence et l’intensité de mise en jeu
d’un choc septique d’origine urinaire.
dépendent de l’étiologie du SDRA.
Le sepsis est ainsi la première cause de SDRA. Le transfusion-
Au cours de la phase exsudative du SDRA, la présence de PNN
related acute lung injury (TRALI) est de connaissance ancienne
en grand nombre dans le liquide de lavage bronchoalvéolaire
sous forme de cas isolés. Il est actuellement mieux reconnu à sa
(LBA) est très fréquente, même en dehors du SDRA septique, et
juste place, c’est-à-dire une des premières causes de SDRA [14]. Il
traduit soit un recrutement de PNN, notamment par la produc-
s’agit d’un œdème pulmonaire non cardiogénique avec les
tion d’IL-8 sécrétée par les macrophages alvéolaires activés, les
critères de la définition consensuelle apparaissant dans les
fibroblastes interstitiels et les cellules endothéliales, soit
6 heures suivant la transfusion d’un produit sanguin labile quel
l’inhibition de l’apoptose des PNN. Ces PNN recrutés vont être
qu’il soit (plaquettes, concentrés globulaires, sang complet,
activés et léser les cellules épithéliales, notamment les cellules
plasma frais congelé). Le diagnostic est établi sur l’existence
alvéolaires de type I (pneumocytes I : PI), via la libération de
d’anticorps antipolynucléaires neutrophiles (PNN) ou anti-
différents agents cytotoxiques comme les radicaux libres dérivés
human leukocyte antigen (HLA) dans le plasma du donneur ou du
de l’oxygène, diverses protéases, le facteur activateur plaquet-
receveur (transmis passivement) et d’un cross-match positif. On .
taire, les leucotriènes. Les PI peuvent être détruits par apoptose.
admet que la transfusion en soi n’est pas le seul facteur en
La membrane alvéolaire est à la fois dénudée à la suite de la
cause et qu’elle intervient après l’action d’un autre facteur pro-
destruction des PI et tapissée de membranes hyalines.
inflammatoire, comme le sepsis.
À ce stade, il existe un état pro-inflammatoire au sein du
compartiment alvéolaire [21]. Cette réponse inflammatoire peut
Facteurs de risque d’« acute lung injury » s’exporter dans la circulation systémique, notamment sous
Exposé à une des étiologies directes ou indirectes, un patient l’effet de la ventilation mécanique et contribuer au syndrome de
ne développe pas systématiquement un SDRA. Au contraire, défaillance multiviscérale. La balance procoagulante/fibrinolyse
chaque étiologie est suivie d’un SDRA dans 25 % des cas seule- est déséquilibrée en faveur du premier état au sein du compar-
ment. Pour qu’un SDRA apparaisse après un facteur de risque timent alvéolaire [22] comme l’atteste la présence de fibrine dans
donné, il faut donc d’autres facteurs présents avant, pendant ou le LBA et à la surface des membranes hyalines. Le système
après l’exposition à ce facteur principal. Le TRALI est un exemple coagulation-fibrinolyse pulmonaire est déséquilibré suite à des
de cette double agression. D’autres facteurs de surcroît sont mécanismes complexes au niveau alvéolaire comme l’augmen-
reconnus, comme l’hyperpression intra-abdominale [15] , les .
tation de l’expression du facteur tissulaire [23]. En outre, il existe
grands volumes courants [16], sur lesquels nous revenons large- des microthrombi capillaires pulmonaires précocement au cours
ment plus loin, l’alcoolisme. La réponse de l’hôte qui fait que du SDRA.
certains patients après une agression pulmonaire développent un Les vaisseaux de petit et grand diamètre sont également lésés.
SDRA et d’autres pas n’est pas bien connue et fait intervenir des Ces éléments entraînent une augmentation des résistances
facteurs génétiques. vasculaires pulmonaires et une hypertension artérielle pulmo-
naire (HTAP) fréquemment observée au cours du SDRA. L’HTAP
peut également avoir une origine post-capillaire comme discutée
Facteurs génétiques plus haut. Les lésions vasculaires contribuent à l’augmentation
Des polymorphismes dans des gènes-candidats impliqués de l’espace mort alvéolaire, qui est un facteur pronostique
dans la réponse de l’hôte à l’agression pulmonaire ont été indépendant de décès au cours du SDRA [24].
suggérés par des études cliniques cas-contrôles employant des Les cellules alvéolaires épithéliales de type II (PII) ont
méthodes issues de la génomique et de la protéomique [17]. Les plusieurs fonctions importantes comme la production de
gènes étudiés sont ceux intervenant dans l’inflammation et surfactant et le transfert ionique. Ce sont aussi les précurseurs
l’immunité (tumor necrosis factor [TNF], interleukine 10 [IL-10], des PI. Une lésion des PII entraîne une réduction de la produc-
mannose binding lectin 2 [MBL2], toll-like receptor 1 [TLR1]), la tion de surfactant [25] (favorisant le collapsus des unités
défense antioxydante (NRF2, NQO1, superoxyde dismutase 3 alvéolaires terminales et l’atélectasie), et une altération de la
[SOD3]), l’intégrité cellulaire (myosin light chain kinase [MLCK]). clairance de l’eau pulmonaire gênant la résorption de l’œdème
Des études ont également montré un lien entre polymorphisme pulmonaire [26].

Anesthésie-Réanimation 3
36-969-A-10 ¶ Syndrome de détresse respiratoire aiguë

1
Volume

C3
∆V C2
Normal
C1 SDRA

Pression élastique
Vr ∆P
Figure 1. Courbe pression-volume (V-P) du système respiratoire chez
un patient normal au cours de l’inspiration et chez un patient avec
syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) au cours de l’inspiration
puis de l’expiration. L’axe de volume des courbes est référé au volume de
relaxation du système respiratoire (Vr). La ligne verticale rouge montre Figure 2. Scanner d’un patient avec syndrome de détresse respiratoire
une diminution importante de volume pour une même pression inspira- aiguë (SDRA) montrant le faible volume aéré résiduel (baby lung) situé
toire élastique entre le sujet normal et le patient avec SDRA. Dans les deux dans les régions antérieures du poumon.
situations, la relation V-P n’est pas linéaire mais chez le sujet normal la
non-linéarité a lieu à haut volume pulmonaire. Chez le patient avec SDRA,
la non-linéarité est présente à bas volume également : la pente de la même variation de pression par rapport à un sujet normal. Le
relation V-P (compliance) est faible (C1) à bas volume pulmonaire puis SDRA réalise donc un syndrome restrictif majeur. Par TDM, il a
augmente brutalement (C2) pour diminuer à nouveau (C3) à haut volume été montré que la capacité résiduelle fonctionnelle (CRF) est
pulmonaire. réduite de 58 % dans le SDRA par rapport aux sujets nor-
maux [28]. La compliance du système respiratoire (Csr), rapport
entre le changement de volume (DV) et le changement de
.
Au cours de la phase fibroproliférative, il existe une prolifé- pression (DP), est très diminuée au cours du SDRA par rapport
ration des PII et des dépôts de collagène dans les espaces aériens au sujet normal, suggérant que le système respiratoire au cours
distaux. du SDRA est essentiellement rigide (Fig. 1). Toutefois, la Csr est
L’élévation de la concentration du procollagène III dans le constante chez le sujet normal sur une large gamme de volume
LBA est corrélée à la présence d’une fibrose histologique au alors qu’elle varie au cours du SDRA sur la même gamme de
cours du SDRA. La compliance pulmonaire est très abaissée. Les volume : la Csr est d’abord faible à bas volume pulmonaire
mécanismes moléculaires qui régulent le passage vers la récupé- (C1), puis augmente brutalement (C2) et enfin diminue à
ration complète ou vers l’évolution fibroproliférative après la nouveau (C3) (Fig. 1). Il s’agit d’une représentation de l’hétéro-
phase œdémateuse de l’agression initiale ne sont pas connus. généité du poumon au cours du SDRA. En fait, seule la quantité
L’hypoxémie au cours du SDRA est liée à une augmentation de volume normalement aéré mesurée en TDM, mais non celle
du shunt intrapulmonaire secondaire à la perte massive du de volume non aéré ou peu aéré, corrèle avec C1 [29] . La
volume pulmonaire aéré (dérecrutement). La vasoconstriction compliance spécifique (= Csr/CRF), est normale au cours du
pulmonaire hypoxique est altérée, ce qui contribue également à SDRA, indiquant que les propriétés élastiques du poumon aéré
l’hypoxémie en maintenant une perfusion inadaptée dans les au sein du poumon de SDRA sont normales. Le poumon avec
zones mal ventilées. SDRA est donc beaucoup plus un poumon de bébé (baby
lung [30]), avec une masse aérée réduite, qu’un poumon diffusé-
Perte de volume pulmonaire aéré ment rigide, en tout cas à la phase initiale du SDRA (Fig. 2).
La réduction de volume pulmonaire aéré est prédominante
La tomodensitométrie (TDM) thoracique a permis d’accomplir dans les lobes inférieurs du poumon au cours du SDRA [28]. Elle
des progrès majeurs dans la connaissance de la distribution des s’associe dans un quart des cas à une masse tissulaire normale
lésions pulmonaires régionales au cours du SDRA [27] . Ces (atélectasie de compression) et dans trois quart des cas à un
avancées ont un impact direct sur les réglages du ventilateur et excès de masse tissulaire (atélectasie inflammatoire) [28]. L’étude
représentent l’essentiel de la physiopathologie du SDRA utile de la distribution régionale de l’atténuation au sein du poumon
.
pour le réanimateur. C’est la raison pour laquelle nous com- a conduit à distinguer trois types de SDRA [28] : SDRA avec
mençons par rappeler les principes de l’analyse quantitative en atténuation diffuse et homogène de l’aération au sein du
TDM. poumon (un quart des malades), SDRA avec atténuation lobaire
de l’aération (36 %) et SDRA avec atténuation hétérogène en
Distribution du volume pulmonaire au cours
mosaïque (41 %). Les trois groupes ont un même excès de tissu
du SDRA entre les lobes supérieurs et inférieurs et une même réduction
Le volume pulmonaire aéré communiquant avec l’atmosphère de CRF dans les lobes inférieurs. En revanche, les malades avec
peut être mesuré au lit du malade par un pneumotachographe atténuation diffuse de l’aération ont une réduction de CRF plus
placé, chez un sujet intubé, au niveau de la sonde d’intubation. marquée dans les lobes supérieurs que dans les deux autres
En mesurant simultanément le volume pulmonaire par un groupes de SDRA et que chez les normaux [28]. Les patients avec
pneumotachographe et la pression dans les voies aériennes SDRA diffus ont une courbe V-P mesurée à l’atmosphère (à PEP
(Pao), il est possible de construire la relation volume-pression nulle) caractérisée par une distinction marquée entre C1 et C2
(V-P) du système respiratoire (= poumon + paroi thoracique) en (Fig. 1), alors que les patients avec SDRA lobaire ont une courbe
condition quasi statique (insufflation lente du système respira- V-P linéaire [31].
toire par le respirateur) chez le malade avec SDRA (Fig. 1). La Le poids du poumon avec SDRA peut être mesuré au scanner
courbe V-P explore les propriétés élastiques du système respira- en multipliant la gravité spécifique (= (–1 000 – CT)/–1 000)
toire et apporte les informations physiologiques suivantes. Le par le volume. Le poumon du SDRA est ainsi plus de deux fois
volume pulmonaire aéré est très diminué au cours du SDRA plus lourd que le poumon normal, 2 589 ± 1 201 g versus
comme le montre la réduction importante de volume pour une 1 292 ± 198 g (moyenne ± 1 DS), respectivement [32] . En

4 Anesthésie-Réanimation
Syndrome de détresse respiratoire aiguë ¶ 36-969-A-10

décubitus dorsal, l’effet de la gravité sur la distribution de la Il existe une hétérogénéité de la recrutabilité du poumon par
pression pleurale (Ppl), donc de la pression transpulmonaire la ventilation mécanique, définie par l’augmentation de la
(PTP = Pao – Ppl), chez le sujet normal où Ppl a été estimée par masse de poumon aéré dans des territoires non aérés ou
la pression œsophagienne (Pes) [33] et chez l’animal à poumon faiblement aérés, suite à une augmentation de Pao. La recruta-
agressé, où Ppl a été mesurée directement, est bien établi. Il bilité est faible au cours du SDRA, la valeur médiane est de 9 %
existe un gradient ventrodorsal de Ppl qui induit, si on admet de la masse de poumon et la moyenne 13 ± 11 % [40]. De plus,
que Pao reste constante, une réduction de PTP, donc de la environ un quart de la masse du poumon est consolidée et non
ventilation alvéolaire, des régions ventrales vers les régions recrutable, du moins dans la gamme de pression étudiée, c’est-
dorsales. Surajoutée à l’effet de la gravité, la masse du poumon à-dire entre 5 et 45 cmH2O [40]. Il en résulte que 30 % à 70 %
va exercer une pression sur les régions sous-jacentes de proche du poids du poumon restent ouverts et disponibles pour la
en proche dans un axe ventrodorsal. Cette pression imposée par ventilation [40] . Le recrutement alvéolaire est un processus
la masse du poumon à un niveau donné sur les niveaux sous- continu au cours de l’insufflation [36, 37] et se poursuit bien
jacents contribue à augmenter la fraction tissulaire au sein du au-delà de l’intersection entre C1 et C2 et même de l’intersec-
volume pulmonaire. Entre les régions ventrales et dorsales du tion entre C2 et C3 (Fig. 1). La limite du recrutement est la
poumon, le rapport gaz/tissu moyen passe de 4,7 à 1,8 chez les surdistension pulmonaire (augmentation de la masse pulmo-
sujets normaux et de 1,2 à 0,3 chez les sujets avec SDRA. La naire hyperinflatée). L’intersection entre C2 et C3 (Fig. 1)
réduction du rapport gaz/tissu est exponentielle avec une représente autant la fin du processus de recrutement que le
constante de 13,9 ± 1,3 cm chez les normaux et de 7,8 ± 0,8 cm début de la surdistension. Si le recrutement alvéolaire est un
chez les patients avec SDRA [34]. Au niveau n du thorax dans un objectif thérapeutique au cours du SDRA, on comprend qu’on
sens ventrodorsal, la pression imposée par le poids du poumon expose le poumon au risque de surdistension, tant ces deux
peut être mesurée en TDM : phénomènes sont liés.
Pression imposée = [1– (CT/–1 000)] × hauteur (cm) + pres-
sion imposée n-1 Lésions pulmonaires induites
où CT est la densité au niveau pulmonaire n et n-1 est le par la ventilation mécanique
niveau au-dessus. La pression imposée passe de moins
de 1,5 cmH2O dans les régions ventrales pour les deux groupes Dès son introduction dans la prise en charge du SDRA, la
de sujets à 4,5 et 10,5 cmH2O dans les régions dorsales chez les ventilation mécanique en pression positive a été reconnue
sujets normaux et les patients avec SDRA, respectivement [34]. comme dangereuse initialement par ses effets hémodynamiques
Ces constatations ont conduit au concept d’éponge pour puis par ses effets sur le poumon lui-même. Au cours du temps,
modéliser le poumon de SDRA [34]. Selon cette représentation, la la répercussion pulmonaire délétère de la ventilation mécanique
a connu différentes dénominations. Initialement, a été reconnu
perte de volume pulmonaire aéré selon l’axe ventrodorsal obéit
le « barotrauma » comme conséquence d’un excès de Pao à
au seul effet du poids du poumon sous-jacent et la perte de
l’origine de pneumothorax, pneumomédiastin, fistule broncho-
volume de gaz est compensée par l’augmentation du volume
pleurale. Puis, il est apparu que le coupable n’était pas la
tissulaire. Le poids du poumon est augmenté par l’œdème
pression en elle-même mais l’excès de volume pulmonaire,
interstitiel qui entraîne une perte d’aération par compression.
notamment en fin d’inspiration, et que ce « volutrauma »
Or, d’autres études discutées plus haut ont montré que le
provoquait une lésion de la membrane alvéolocapillaire [41].
maximum de perte de volume pulmonaire aéré se situe dans les
Ainsi était défini le concept de lésions pulmonaires induites par
lobes inférieurs. Il existe donc un gradient craniocaudal à la
la ventilation mécanique (LIVM) à haut volume [42]. La pression
perte de volume aéré, lié au poids du médiastin et à l’augmen-
est impliquée dans le volutrauma mais la pression pertinente
tation de la pression abdominale. Enfin, en analysant régiona-
n’est pas la Pao mais la PTP. La répétition cyclique de l’ouver-
lement la ventilation pulmonaire avec une méthode à forte
ture au cours de l’inspiration et de la fermeture au cours de
résolution spatiale, d’autres auteurs ont proposé que l’œdème l’expiration suivante des espaces aériens distaux est également
pulmonaire soit essentiellement alvéolaire et non interstitiel, associée à des lésions histologiques au niveau des petites voies
remettant en cause le concept de l’éponge [35]. aériennes, un phénomène décrit comme l’expression de LIVM
Quel que soit le concept sous-jacent, la perte de volume à bas volume pulmonaire ou « atelectrauma » [43]. En fait, en
pulmonaire aéré est une caractéristique fondamentale du raison de l’interdépendance tissulaire, les forces qui s’exercent
poumon de SDRA et implique une nécessaire augmentation de au sein du parenchyme pulmonaire sont plus importantes que
pression intramurale dans les voies aériennes pour « réou- celles qui s’exercent au niveau des voies aériennes. Les LIVM à
vrir » et reventiler ces territoires « fermés ». L’analyse TDM a bas volume sont associées à des pressions très importantes
permis d’estimer des pressions critiques d’ouverture à partir de localement, à l’intersection entre les zones atélectasiées avec
la construction d’une courbe V-P analogue à celle présentée sur excès de tissu en fin d’expiration et les mêmes zones soumises
la Figure 1 dans laquelle les pressions sont les pressions des à l’ouverture-fermeture cyclique. Mead et al. avaient suggéré
voies aériennes mesurées en condition statique en fin d’inspira- qu’une Pao de 30 cmH2O génère une pression de 140 cmH2O à
tion (pression plateau [Pplat]) et les volumes mesurés en TDM l’interface entre zones soumises à l’ouverture-fermeture cycli-
sont exprimés en termes de capacité pulmonaire totale (CPT) ou que [44]. Le concept de « biotrauma » a été ensuite élaboré pour
de recrutement fractionnel [36, 37]. Le recrutement est la dimi- intégrer l’ensemble des conséquences biochimiques et biologi-
nution du tissu non aéré sous l’effet d’une augmentation de Pao ques qui font suite à une augmentation des contraintes méca-
ou de Pplat. La pression critique d’ouverture est définie comme niques imposées au poumon par la ventilation mécanique [45].
la Pao ou la Pplat associée à une augmentation du recrutement. Ce concept a été généré par une étude expérimentale ex vivo
La distribution des pressions critiques d’ouverture est gaussienne dans laquelle des poumons de rats non agressés ont été soumis
avec un mode à 20 cmH2O dans une étude conduite chez cinq à différentes contraintes pendant 2 heures : faible ou grand
patients avec SDRA [37] et bimodale dans une autre étude volume courant (VT) associé à un niveau de pression expiratoire
portant sur 26 patients avec SDRA, avec un premier pic de positive (PEP) nulle ou positive. La concentration en cytokines
fréquence à 28 cmH2O et un deuxième à 38 cmH2O [38]. pro-inflammatoires dans le LBA était significativement plus
Ces considérations illustrent une autre caractéristique fonda- élevée dans le groupe VT 40 ml/kg avec PEP 0 cmH2O que dans
mentale du poumon de SDRA, l’hétérogénéité de la distribution les autres groupes [46] . La conclusion était qu’un poumon
du volume pulmonaire aéré. Il existe au sein d’un même normal ventilé mécaniquement pendant 2 heures de façon
poumon une hétérogénéité de la distribution des anomalies agressive pouvait produire des cytokines pro-inflammatoires
structurales qui s’associe à une hétérogénéité fonctionnelle. Les provenant des cellules épithéliales alvéolaires. En outre, il s’est
différences régionales de pression critique d’ouverture sont en avéré que cette réaction inflammatoire naissant au niveau du
.
effet liées à des différences régionales de propriétés mécaniques. poumon peut s’exporter dans la circulation systémique, entraî-
Les trois types de SDRA décrits en TDM [28] sont associés à des ner une apoptose des cellules épithéliales tubulaires rénales
différences en termes physiologiques et de mortalité [39]. et des villosités de l’intestin grêle et ainsi contribuer à la

Anesthésie-Réanimation 5
36-969-A-10 ¶ Syndrome de détresse respiratoire aiguë

défaillance multiviscérale [47]. Des études cliniques ont corroboré


ces observations expérimentales. La production pulmonaire de
■ Diagnostic positif
cytokines pro-inflammatoires et leur passage systémique peu- Actuellement, le diagnostic de SDRA repose sur l’identifica-
vent être modulés par des modifications de VT à court terme tion des critères de la définition consensuelle [3]. Toutefois,
chez des patients avec SDRA [48]. Dans un ERC, la production de même si cette définition est simple, il a été rapporté que 25 %
cytokines pro-inflammatoires par le poumon augmente pendant des sujets avec SDRA ne sont pas identifiés comme tels alors
36 heures chez des malades avec SDRA dans le groupe haut qu’ils réunissent tous les éléments de la définition. Cette non-
VT-PEP basse, alors qu’elle diminue chez des malades du groupe reconnaissance a des implications pratiques car les malades
stratégie ventilatoire protectrice avec petit VT-PEP élevée [49]. pourraient ne pas être traités de façon adéquate avec la venti-
Récemment, le concept de ventilator induced lung injury (VILI) a lation mécanique.
été revisité en termes de stress et de strain [50]. La contrainte Une détection précoce du SDRA en dehors des services de
réanimation chez des patients ventilant spontanément est
imposée au poumon et à l’origine du stress est le changement
théoriquement intéressante avec l’idée de pouvoir agir spécifi-
de volume (DV) au-dessus d’une valeur de départ, le strain
quement plus rapidement et à un stade plus précoce de la
(étirement). Stress et strain sont reliés par l’équation :
maladie et ainsi de prévenir l’évolution vers une forme sévère
Stress = K × strain nécessitant le recours à la réanimation. Ceci pose le problème
En appliquant cette équation au poumon : de la validité des critères de définition du SDRA. Par exemple,
PTP = K x DV/Vo le rapport PaO2/FIO2 repose sur une mesure fiable de la FIO2 qui
où K est l’élastance (E = 1/compliance) spécifique du pou- n’est pas garantie en ventilation spontanée ni même en venti-
mon, DV le changement de volume à partir d’une Pao égale à lation non invasive (VNI). Donc, la définition du SDRA en
0 et lié à l’effet de la PEP et du VT et Vo le volume pulmonaire dehors de la réanimation n’est pas encore standardisée.
à Pao égale à 0, c’est-à-dire la CRF. Le strain est l’étirement
induit par l’inflation au niveau des tissus constituant le
fibrosquelette du poumon. Si DV/Vo est égal à 1, K est la valeur ■ Diagnostic différentiel
de PTP quand DV est égal à Vo. Une même valeur de K égale Les deux principaux diagnostics différentiels sont l’œdème
à 13,5 cm H 2 O a été mesurée au cours du SDRA [50] mais pulmonaire cardiogénique et l’exacerbation d’une fibrose
également chez des sujets normaux [50]. Les précédentes équa- interstitielle diffuse ou une forme aiguë de pneumonie
tions montrent que le stress (le barotrauma) et le strain (le interstitielle.
volutrauma) sont reliés par une constante. Le stress et le strain La distinction entre SDRA et œdème pulmonaire cardiogéni-
sont interdépendants et on peut donc s’appuyer sur la mesure que repose sur la prise en compte des éléments suivants :
de PTP ou des volumes pulmonaires pour caractériser le stress/ • contexte clinique, notamment existence d’une cause
strain. Il existe un stress/strain en fin d’inspiration et un stress/ d’œdème pulmonaire cardiogénique (myocardiopathie,
strain en fin d’expiration. La valeur-seuil de strain qui génère un hypervolémie) ou de SDRA (sepsis) ;
stress tel que le VILI est déclenché n’est pas connue, mais • électrocardiogramme (ECG) (signes d’ischémie myocardique
pourrait être de l’ordre de 2,5 à 3 chez des animaux normaux. avec ou sans infarctus) ;
• biomarqueurs (troponine, mais qui peut être élevée de façon
non spécifique dans le sepsis, brain natriuretic peptide [BNP],
Altérations des propriétés élastiques dont l’interprétation est plus difficile chez les malades de
de la paroi thoracique réanimation car les valeurs entre 100 et 500 pg/ml sont
habituelles) ;
Les propriétés mécaniques de la paroi thoracique (cage • radiographie pulmonaire dont la valeur diagnostique des
thoracique + abdomen) sont altérées au cours du SDRA. La éléments sémiologiques (volume du cœur, largeur du pédicule
compliance de la cage thoracique peut être réduite par des vasculaire, distribution vasculaire, distribution de l’œdème,
épanchements pleuraux liquidiens, soit exsudats d’origine épanchement pleural, épaississement péribronchique, lignes
infectieuse ou inflammatoire, soit transsudats liés à la surcharge septales, bronchogramme aérique) est limitée ;
hydrosodée, une médiastinite ou la sternotomie après chirurgie • échographie cardiaque (transthoracique, transœsophagienne)
cardiaque, l’obésité. La compliance de la paroi abdominale peut qui estime la pression dans l’oreillette gauche ;
être réduite : obésité, augmentation de la pression intra- • cathétérisme cardiaque droit qui permet de mesurer directe-
abdominale (péritonite, hématome, ascite). Au sein du système ment la PAPO et ainsi de distinguer formellement le SDRA de
respiratoire, aussi bien le poumon et la paroi thoracique d’une l’œdème pulmonaire cardiogénique.
part, que la cage thoracique et la paroi abdominale d’autre part La distinction entre SDRA et pathologie interstitielle chroni-
sont organisés en série de telle sorte que leur élastance respec- que est parfois difficile. Deux aspects sont à distinguer. D’une
tive s’ajoute : part, l’exacerbation d’une pathologie interstitielle chronique
connue et bien identifiée est facile à distinguer d’un SDRA.
Esr = EL + Ecw
Compte tenu du pronostic sous-jacent, l’indication d’admission
Ecw = Ew + Eabd en réanimation pour une exacerbation sévère de cette patholo-
où Esr est l’élastance du système respiratoire, EL l’élastance du gie est à discuter au cas par cas. D’autre part, la pathologie
poumon, Ecw l’élastance de la paroi thoracique, Ew l’élastance interstitielle chronique peut se révéler sous forme d’une
de la cage thoracique et Eabd l’élastance de la paroi abdominale. insuffisance respiratoire aiguë qui réalise un véritable SDRA. La
C’est l’inverse de leur compliance respective qui s’ajoute : distinction entre ces deux cadres nosologiques se base sur la
1/Csr = 1/CL + 1/Ccw TDM parfois complétée par la biopsie pulmonaire chirurgicale
Chez le sujet normal : ou la biopsie pulmonaire transbronchique (cette dernière
• Ecw = EL = 5 cmH2O/l ; permettant le diagnostic de sarcoïdose ou de lymphangite
• Esr = 10 cm H2O/l ; carcinomateuse). La discussion entre réanimateurs, pneumolo-
• et le rapport EL/Esr=0,5. gues, radiologues et anatomopathologistes est indispensable.
La distinction entre SDRA primaire et SDRA secondaire basée
sur les différences d’EL et d’Ecw est proposée sur la base d’études
ayant montré EL augmentée et Ecw normale dans les SDRA .
■ Diagnostic étiologique
primaires et EL normale ou peu augmentée et Ecw augmentée Il repose sur l’identification des causes primaires et secondai-
dans les SDRA secondaires. Toutefois, cette distinction n’est pas res de SDRA.
encore complètement acceptée. En fait, la prise en compte L’analyse du contexte de survenue est essentielle pour cette
d’une augmentation d’Ecw est potentiellement importante pour étape. Le sepsis étant la cause principale du SDRA, déterminer
le choix des réglages du ventilateur. le point de départ (pulmonaire ou extrapulmonaire) et l’agent

6 Anesthésie-Réanimation
Syndrome de détresse respiratoire aiguë ¶ 36-969-A-10

infectieux responsable est la base du diagnostic étiologique. En Pneumothorax


cas de pneumonie, le LBA est fondamental pour identifier le
micro-organisme. Le LBA est sécuritaire chez le patient intubé. C’est l’expression du barotraumatisme à la phase aiguë du
En revanche, chez le sujet non intubé, le LBA peut aggraver la SDRA et de l’évolution vers une fibrose postagressive plus
situation respiratoire et conduire à l’intubation. Or, chez le sujet tardivement. Il est intéressant de noter que l’incidence de
immunodéprimé avec ALI, la VNI est associée à une meilleure pneumothorax n’est pas statistiquement liée à la pression
survie par rapport à l’intubation. Dans ce cas, le LBA peut être maximale dans les voies aériennes, ni à la PEP, ni à la Pplat du
réalisé sous couvert de la VNI. Surtout, il existe des alternatives système respiratoire. Une incidence acceptable actuellement de
non invasives au diagnostic infectiologique comme les hémo- pneumothorax est de 10 %.
cultures, l’antigénurie à Legionella, la recherche du virus grippal
par écouvillonnage nasal ou nasopharyngé, la recherche de Évolution à long terme
Pneumocystis carinii ou d’Aspergillus dans les crachats recueillis
par expectoration induite. La procalcitonine est un biomarqueur La mortalité du SDRA reste élevée. Qu’en est-il de la qualité
qui pourrait faire décider de l’instauration d’une antibiothéra- de vie des survivants ? Cent neuf patients avec SDRA ont été
pie. Un essai randomisé conduit chez des malades d’oncohéma- suivis pendant 1 an après leur sortie de l’hôpital [55]. À 6 mois,
tologie admis en réanimation pour insuffisance respiratoire les mesures spirométriques sont normales mais la capacité de
aiguë et infiltrats radiologiques bilatéraux, non intubés, a transfert du CO est altérée et 6 % des malades ont une désatu-
comparé la pratique du LBA à une stratégie non invasive et a ration artérielle à l’effort [55] . À 1 an, le score médian du
montré que le LBA, réalisé en réanimation, n’est pas associé à domaine physique du questionnaire SF36 est inférieur à sa
une plus grande fréquence d’intubation mais que la stratégie valeur dans la population contrôle (25 contre 84). La distance
non invasive n’est pas inférieure au LBA en termes de recours à parcourue pendant un test de marche de 6 minutes est infé-
l’intubation [51]. rieure aux valeurs normales. L’absence de corticothérapie
systémique, de neuropathie acquise au cours du séjour en
réanimation, la résolution rapide du SDRA et de la défaillance
■ Évolution multiviscérale sont associées à une meilleure qualité de vie à
1 an [55].
Fibroprolifération
La phase fibroproliférative du SDRA correspond à l’organisa- ■ Traitement non ventilatoire
tion de l’exsudat alvéolo-interstitiel qui voit les cellules mésen-
chymateuses et les myofibroblastes envahir le versant épithélial Un grand nombre de traitements non ventilatoires peuvent
et endothélial de la membrane alvéolocapillaire, l’angiogenèse être mis en œuvre au cours du SDRA [56]. Leurs objectifs sont
être activée et la fibrine se déposer dans les alvéoles. Cette phase variables :
peut évoluer soit vers la réparation complète du parenchyme • améliorer l’oxygénation, essentiellement en agissant sur la
pulmonaire, soit vers la fibrose selon des mécanismes qui ne distribution des rapports ventilation/perfusion pulmonaires ;
sont pas connus. Le diagnostic est suspecté entre le 7e et le • apporter une substance déficiente, comme le surfactant ;
10e jour d’évolution d’un SDRA qui reste non résolutif avec • moduler la réponse inflammatoire pulmonaire ;
persistance d’une dépendance au respirateur, hypoxémie, baisse • participer à la prévention des LIVM ;
de la compliance du système respiratoire, aspect TDM évocateur, • moduler l’équilibre des fluides de part et d’autre de la
élévation de biomarqueurs comme le procollagène III dans le membrane alvéolocapillaire pulmonaire.
LBA. La certitude repose sur la biopsie pulmonaire chirurgicale
qui est réalisable au lit du malade de façon fiable. Les patients Moyens pharmacologiques
avec SDRA chez qui la biopsie pulmonaire est contributive ont et non pharmacologiques agissant
une survie significativement supérieure à ceux dont la biopsie
ne l’est pas [52]. sur l’oxygénation sanguine
Monoxyde d’azote inhalé
Complications infectieuses
Le monoxyde d’azote inhalé (NOi) provoque une relaxation
La pneumonie acquise sous ventilation mécanique (PAVM) est de la fibre musculaire lisse vasculaire [57]. Administré par voie
très fréquente au cours du SDRA mais également difficile à inhalée, il relaxe sélectivement les vaisseaux des zones pulmo-
diagnostiquer. La fièvre et l’hyperleucocytose peuvent être liées naires bien ventilées, complète l’action de la vasoconstriction
à la fibroprolifération pulmonaire. De nouveaux infiltrats pulmonaire hypoxique et tend à homogénéiser les rapports
radiologiques sont difficiles à mettre en évidence sur la radio- ventilation/perfusion pulmonaires. Une amélioration de l’oxy-
graphie pulmonaire simple. En procédant au recueil systémati- génation peut en résulter, qui dépend de l’état de vasoconstric-
que des sécrétions trachéales et/ou du LBA, plusieurs fois par tion préalable des vaisseaux pulmonaires. Toutefois, il n’y a pas
semaine, il a été montré que l’incidence de la PAVM au cours de preuve de son efficacité sur la survie des malades, un effet
du SDRA est de 60 %, avec le plus souvent une colonisation au délétère sur la fonction rénale étant même suggéré [58]. Cet effet
même germe antérieure à la PAVM [53]. délétère pourrait être lié à la production des radicaux libres
dérivés de l’oxygène ou de l’azote [57]. En pratique, son usage
Hypertension artérielle pulmonaire systématique n’est pas recommandé dans le SDRA [58]. Il est
L’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) précapillaire a toutefois encore utilisé chez les patients hypoxémiques ou avec
été reconnue depuis longtemps au cours du SDRA. Plusieurs un CPA. Une réévaluation de la dose de NOi après 48 heures
facteurs peuvent intervenir, isolément ou en association, à d’utilisation est recommandée. Le sevrage de NOi devrait se
différents temps d’évolution du SDRA pour expliquer l’HTAP : faire par paliers et non par un arrêt brutal.
• la vasoconstriction pulmonaire hypoxique des territoires mal
ventilés ;
Prostaglandines
• la surdistension alvéolaire (excès de VT et/ou de PEP) respon- Les prostaglandines vasodilatatrices administrées par voie
sable d’une compression des vaisseaux alvéolaires ; systémique peuvent dégrader l’oxygénation sanguine en aggra-
• le remodelage des vaisseaux pulmonaires et les thrombi vant les inégalités ventilation/perfusion pulmonaires. En
vasculaires caractéristiques de la phase fibroproliférative. revanche, par voie inhalée un effet bénéfique sur l’oxygénation
Un facteur post-capillaire peut être associé en cas d’hypervo- peut être observé, similaire à celui du NOi [59]. Aucun essai n’a
lémie par exemple. L’HTAP induit une dysfonction ventriculaire été conduit pour déterminer si ces molécules sont capables
droite (cœur pulmonaire aigu [CPA]) dans 25 % des cas de d’améliorer la survie des malades. Leur usage n’est pas recom-
SDRA [54], potentiellement réversible. mandé en routine.

Anesthésie-Réanimation 7
36-969-A-10 ¶ Syndrome de détresse respiratoire aiguë

Almitrine + curares par rapport au groupe de contrôle (sédation + pla-


cebo). Dans ces études, l’objectif de la sédation était d’obtenir
Cette molécule est un vasoconstricteur pulmonaire non
un Ramsay 6. La molécule de curare utilisée était le cisatracu-
sélectif, qui, administrée par voie systémique, est capable
rium (Nimbex®). Les mécanismes d’action ne sont pas élucidés :
d’améliorer l’oxygénation sanguine en réduisant la perfusion
réduction du LIVM par réduction de la PTP régionale et/ou effet
des zones mal ventilées. Elle a un effet additif avec le NOi.
anti-inflammatoire propre de la molécule. En outre, dans le
Aucun essai n’a été réalisé pour évaluer l’impact de cette
large ERC multicentrique, l’incidence de neuromyopathie
molécule sur la survie des patients avec SDRA. Son usage n’est
acquise en réanimation était identique dans les deux
pas recommandé en routine.
groupes [69].
Décubitus ventral
Kétoconazole
Le décubitus ventral (DV) améliore l’oxygénation sanguine
chez une large majorité de patients avec SDRA par redistribution Cette molécule antiparasitaire a un effet anti-inflammatoire.
de la ventilation pulmonaire vers les zones dorsales alors que la Dans un large ERC, la mortalité des malades avec SDRA n’était
perfusion reste prédominante dans ces régions. Il est probable pas différente entre le groupe traité et le placebo [70].
que le DV homogénéise les contraintes mécaniques au sein du
poumon et pourrait, par ce biais, réduire les LIVM. Quatre ERC Corticostéroïdes
ont été publiés [60-63], qui, chacun individuellement, conclut à C’est une question thérapeutique encore très débattue. Il avait
l’absence de différence significative vis-à-vis de la survie entre le été montré en 1987 que de fortes doses de méthylprednisolone
DV et le décubitus dorsal. Une étude a montré une réduction à la phase initiale du SDRA, et également du choc septique, sont
des PAVM dans le groupe DV [61]. Deux méta-analyses récentes, associées à un excès de mortalité : celles-ci ne sont pas recom-
l’une sur données groupées, l’autre sur données individuelles, mandées, en dehors d’un SDRA spécifiquement lié à une
suggèrent un effet bénéfique du DV chez les malades avec un maladie auto-immune, comme la très rare pneumonie lupique.
rapport PaO2/FIO2 inférieur à 100 mmHg [64, 65]. Un cinquième En revanche, à la phase de SDRA non résolutif, les corticoïdes,
ERC est en cours en France chez des malades avec SDRA à plus faibles doses, peuvent contrôler le phénomène inflam-
confirmé et sévère. matoire. Un ERC, de schéma complexe et portant sur un petit
nombre de malades, avait conclu à un effet bénéfique des
Apport d’une substance exogène déficiente corticoïdes. Un large ERC de l’Acute Respiratory Distress
Syndrome network (ARDSnet) n’a pas montré d’effet bénéfique
Surfactant exogène des corticoïdes administrés systématiquement au stade de SDRA
Le surfactant exogène est le traitement de première ligne, non résolutif par rapport au placebo [71]. Un début tardif des
pleinement efficace, dans la maladie des membranes hyalines corticoïdes, après la deuxième semaine d’évolution, était même
du nouveau-né, ceci pour des raisons physiopathologiques délétère dans cette étude [71]. Plus récemment, un ERC a montré
évidentes. Chez l’adulte, un déficit quantitatif et/ou fonctionnel une réduction significative du score d’agression pulmonaire, de
d’un ou plusieurs composants du surfactant endogène a été la durée de ventilation mécanique et de la survie en réanima-
régulièrement mis en évidence dans le LBA de malades avec tion mais pas de la survie à l’hôpital [72]. En pratique, devant
SDRA. L’apport exogène de surfactant, naturel ou de synthèse, des critères de SDRA persistant à j7-j10 après avoir éliminé
a été réalisé chez des malades avec SDRA dans de nombreuses d’autres causes d’hypoxémie comme l’embolie pulmonaire, une
études, par voie inhalée ou par bronchoscopie. Toutefois, aucun PAVM ou un œdème pulmonaire hydrostatique, une corticothé-
ERC n’a montré une réduction de mortalité [66, 67]. rapie peut être débutée. La place de la biopsie pulmonaire
chirurgicale pour décider de débuter les corticoïdes n’a, pour
l’instant, pas été évaluée.
Modulation de la réponse inflammatoire
pulmonaire
Modulation de l’équilibre des fluides
N-acétyl-cystéine de part et d’autre de la membrane
Cette molécule équilibre la balance oxydase-antioxydase au alvéolocapillaire pulmonaire
sein du poumon en favorisant la production de glutathion.
Le débit de fluide à travers un capillaire est régi théorique-
Toutefois, aucun ERC n’a montré une réduction significative de
ment par l’équation de Starling :
mortalité avec cette molécule au cours du SDRA [59].
Qf = Kf × [(Pc-Pi) - σ × (兿c- 兿i)]
Protéine C activée Cette équation prédit que le débit de fluides à travers la
membrane alvéolocapillaire (Qf) est fonction de deux gradients
Cette molécule avait montré une efficacité sur la survie des de pression, hydraulique et oncotique, et de deux caractéristi-
patients avec choc septique contre placebo dans un ERC. ques de la membrane, le coefficient de perméabilité hydraulique
Toutefois, deux autres ERC sont en cours pour tenter de (Kf) et le coefficient de réflexion des protéines (σ). Pour Kf et σ
confirmer ce résultat. Cette molécule a des effets anticoagulants, constants, Qf augmente avec :
profibrinolytiques et anti-inflammatoires. Compte tenu de • l’augmentation de la pression hydraulique microvasculaire
l’hypercoagulabilité et de l’inflammation qui caractérisent le (Pc) ;
poumon de SDRA, son usage dans ce contexte a un rationnel. • la diminution de la pression oncotique (ou pression osmoti-
Administrée par voie systémique, un ERC récent n’a toutefois que des colloïdes) plasmatique (兿c) ;
pas montré d’effet sur la réduction de l’espace mort physiologi- • la diminution de la pression hydraulique interstitielle
que au cours du SDRA [68]. Des données expérimentales suggè- pulmonaire (Pi) ;
rent que des effets bénéfiques pourraient être obtenus par voie • l’augmentation de la pression oncotique interstitielle (兿i).
inhalée. Ainsi, il existe quotidiennement un débit de fluide 500 à
600 ml à travers la membrane alvéolocapillaire chez le sujet
Curares normal. Ce transsudat est évacué par le drainage lymphatique
En comparant des malades avec SDRA traités à la phase pulmonaire. Il existe une quantité significative d’eau pulmo-
initiale par une association sédation + curarisation pendant naire extravasculaire chez le sujet normal dont la valeur est
48 heures à un groupe n’ayant reçu que la sédation pendant la inférieure à 7 ml/kg. La lésion de la membrane alvéolocapillaire
même période, l’équipe de Papazian a successivement démontré qui caractérise le SDRA (augmentation de Kf et diminution de
dans trois études distinctes : une amélioration de l’oxygénation, σ) est à l’origine d’une extravasation d’eau et de protéines
une réduction de l’inflammation pulmonaire et systémique et plasmatiques, caractérisant l’œdème pulmonaire lésionnel. En
surtout une réduction de mortalité [69] dans le groupe sédation outre, l’augmentation de Kf et la diminution de σ amplifient

8 Anesthésie-Réanimation
Syndrome de détresse respiratoire aiguë ¶ 36-969-A-10

l’effet d’une même augmentation de Pc ou d’une même dimi- %


nution de 兿c sur l’augmentation du débit de fluides transmem- 80 *
branaire par rapport à la situation normale. L’hypoprotidémie, * Bas
d’une part, et le bilan hydrique positif, d’autre part, sont 70
Élevé
associés à une plus grande morbidité et mortalité au cours du 60
SDRA. *
50
Un large ERC a montré que le maintien d’un bilan hydrosodé
négatif grâce à un apport restrictif en solutés de remplissage, 40
une fois contrôlée l’insuffisance circulatoire initiale (les malades 30
sont inclus après la 48e heure d’évolution du SDRA), permet
d’augmenter le nombre de jours vivants sans ventilation 20
mécanique de plus de 2 jours par rapport à une politique 10
libérale d’administration des fluides [73] . La mortalité n’est
toutefois pas modifiée significativement. L’oxygénation est 0
Amato ARDSnet Villar Stewart Brower Brochard
améliorée dans le groupe soumis à la restriction hydrosodée
mais de façon non statistiquement significative. La gestion de Figure 3. Mortalité observée au cours de 6 essais randomisés contrôlés
l’apport liquidien repose sur des critères d’hypervolémie ayant comparé un faible volume courant par rapport à un grand volume
(pression veineuse centrale [PVC], PAPO) ou d’excès d’eau courant.* Différence significative de mortalité par rapport au groupe bas
pulmonaire extravasculaire et sur l’usage protocolisé des volume courant. Les études indiquées correspondent aux références
diurétiques, des vasopresseurs et du remplissage vasculaire. Une suivantes : Amato [75], ARDSnet [13], Villar [76], Stewart [77], Brower [78],
.
version simplifiée de l’algorithme initial a été proposée dictant Brochard [79].
l’usage des diurétiques et du remplissage vasculaire en fonction
de la PVC et de la diurèse. Les modes pressionnels (pression contrôlée, biphasic positive
Il est important de réaliser que ces recommandations concer- airway pressure [BIPAP]) sont beaucoup moins utilisés. Dans ces
nent des sujets ayant un état hémodynamique stable (pression modes, la pression réglée est la variable indépendante et le VT
artérielle moyenne au dessus de 60 mmHg et ne recevant pas de la variable dépendante. Le VT n’est donc pas garanti, avec un
vasopresseur depuis plus de 12 heures). L’objectif est à la fois de risque d’excès ou de déficit de VT en fonction des variations des
préserver la perfusion rénale et de négativer le bilan hydrosodé caractéristiques mécaniques du système respiratoire. La pression
pour réduire l’eau pulmonaire extravasculaire. inspiratoire réglée dans ces modes ne reflète Pplat que si le débit
Dans un ERC de plus petite taille chez des malades avec télé-inspiratoire est nul. Par ailleurs, comme nous le verrons
SDRA et hypoprotidémie, la perfusion d’albumine associée à un plus loin, la pression pertinente est PTP et non Pao. En mode
traitement diurétique permet d’améliorer l’oxygénation et de pressionnel avec une ventilation spontanée effective, le VT
maintenir le bilan hydrosodé négatif [74] . Des ERC de plus dépend en outre de l’effort inspiratoire du patient. Dans ce cas,
grande taille sont en cours pour évaluer cette stratégie sur le des VT élevés peuvent être générés associés à des valeurs élevées
devenir du patient. de PTP alors même que la Pao apparaît « sécuritaire » pour la
La résorption de l’œdème alvéolaire passe par la mise en jeu structure pulmonaire.
des récepteurs b2-adrénergiques au niveau de l’épithélium
alvéolaire (PII). Dans un ERC de faible puissance (20 malades Volume courant
par groupe), le salbutamol intraveineux, par rapport au placebo Il est recommandé de régler le VT en fonction du poids prédit
intraveineux, s’est avéré capable de réduire significativement par la taille car les volumes pulmonaires dépendent principale-
l’eau pulmonaire extravasculaire. ment de la taille du sujet et non de son poids mesuré. Un ERC
nord-américain publié en 2000 [13] a eu un énorme impact en
montrant que la mortalité dans le SDRA est significativement
■ Traitement ventilatoire réduite, de 9 % (réduction relative de 25 %), avec de faibles VT
(6 ml/kg de poids prédit par la taille) par rapport à de grands
C’est un traitement de première importance au cours du VT (12 ml/kg). Cet ERC est venu couronner plusieurs décennies
SDRA, qui est mis en œuvre essentiellement en réanimation. de travaux expérimentaux ayant conduit à identifier les LIVM.
Il démontre le caractère potentiellement iatrogène de la venti-
Ventilation mécanique conventionnelle lation mécanique puisque la réduction de risque relatif de décès
de 25 % entre les deux groupes signifie que 25 % des décès
Il s’agit d’une utilisation de la ventilation mécanique par voie
étaient liés à l’excès de volume. Ces résultats ont été largement
invasive (intubation trachéale) avec un respirateur de réanima-
critiqués, notamment car d’autres ERC avaient montré des
tion selon des modalités classiques de réglage. Elle concerne .
résultats négatifs (Fig. 3) et car le groupe de contrôle
tous les patients avec SDRA, au moins dans les premières
(VT 12 ml/kg de poids prédit par la taille) ne représentait pas le
heures. Les deux objectifs principaux de la ventilation mécani-
traitement standard [77, 78, 80].
que conventionnelle au cours du SDRA actuellement sont de
Ces résultats ont néanmoins engagé résolument les cliniciens
maintenir une oxygénation correcte (objectif de PaO2 entre
à réduire le VT. Dans cet ERC, le réglage du VT était associé à
55 et 80 mmHg) et de prévenir les LIVM (dont il n’existe pas
un objectif de Pplat inférieure ou égale à 30 cmH2O dans le
de biomarqueurs à ce jour). .
groupe 6 ml/kg et inférieure ou égale à 50 cmH 2O dans le
groupe 12 ml/kg. Pplat était mesurée 0,5 seconde après la pause
Mode volume-contrôlé (VC/VAC)
réalisée en fin d’inspiration.
Ce mode est le plus utilisé dans le SDRA, mais aussi chez les Cette pause peut être facilement obtenue en manipulant une
malades de réanimation en général. Dans ce mode, le VT réglé touche spéciale disponible sur tous les respirateurs de réanima-
est délivré (pour peu que la limite supérieure d’alarme de Pao tion. Pplat reflète la pression statique élastique du système
maximale soit réglée correctement sur le respirateur) et la Pao respiratoire à ce temps précis de fin d’inspiration. La PTP à ce
est la variable dépendante, c’est-à-dire qu’elle dépend des plateau serait un reflet de la pression alvéolaire maximale des
caractéristiques mécaniques du système respiratoire du malade. territoires ventilés en fin d’inspiration et en communication
La Pao augmente si la compliance du système respiratoire avec le capteur de pression. La validité de la mesure de Pplat
diminue ou sa résistance augmente, pour un même VT et un requiert une relaxation parfaite du sujet, obtenue par sédation
même débit inspiratoire réglés. Il apparaît logique de recom- et curarisation, et l’absence d’admission d’un autre gaz (NOi par
mander ce mode dans la perspective de la prévention de la exemple). Les résultats de cet ERC confirment la réalité des
surdistension : une parfaite maîtrise du VT réglé est une LIVM à hauts volumes.
condition nécessaire, mais pas suffisante, pour atteindre cet Faut-il dès lors appliquer ce réglage de VT de 6 ml/kg et cet
objectif. objectif de Pplat inférieure à 30 cmH2O à tous les malades avec

Anesthésie-Réanimation 9
36-969-A-10 ¶ Syndrome de détresse respiratoire aiguë

SDRA ? La réponse est non. D’ailleurs dans l’ERC sus-cité [13], le utilisé entre les centres et sur banc d’essai, il s’agit du respirateur
VT pouvait être réglé entre 4 et 8 ml/kg de poids prédit par la avec le moins de différence entre le VT réglé et le VT consigne.
taille en fonction du niveau de Pplat et d’acidose respiratoire
secondaire. Le niveau de VT à régler dépend en fait de la taille PEP
du baby lung, du recrutement alvéolaire au cours du cycle et de
la compliance du système respiratoire. Ces grandeurs varient au La question de savoir s’il faut régler une PEP haute ou une
cours du temps du fait de la progression (amélioration ou PEP basse est encore plus débattue que celle du VT. Il est admis
aggravation) du SDRA et de l’histoire ventilatoire liée à la PEP qu’il faut régler une valeur minimale de PEP de 5 cmH2O pour
ou à l’utilisation de manœuvres de recrutement. Idéalement, il éviter le dérecrutement. Le choix entre une PEP élevée
faudrait régler le VT en proportion de la taille du baby lung. Le (≥ 15 cmH2O) ou basse (entre 5 et 9 cmH2O) n’est pas tranché.
potentiel de recrutement du poumon entre 5 et 45 cm H2O est Par ailleurs, il existe de nombreux outils et de nombreux critères
faible, de 13 ± 11 % [40]. Des valeurs très proches de recrutement d’évaluation pour choisir la meilleure PEP. En 1975, en testant
intracycle ont été mises en évidence entre des valeurs moyennes différents paliers de PEP, Suter avait défini la best-PEEP, la PEP
de PEP de 10,4 ± 2,8 et de Pplat de 26,6 ± 1,8 cmH2O [81]. optimale, comme celle qui ménageait simultanément la
L’importance du recrutement intracycle dépend du niveau de meilleure oxygénation, le débit cardiaque maximal, le transport
dérecrutement en fin d’expiration. Enfin, il a été montré que le en oxygène maximal, la compliance dynamique maximale, et le
réglage systématique du VT à 6 ml/kg de poids prédit par la VD/VT physiologique minimal [82]. La valeur médiane de la PEP
taille en maintenant Pplat inférieure à 30 cmH2O ne garantit optimale était de 6 cmH2O mais le VT était de 15 ml/kg de
pas l’absence de surdistension. Chez 30 malades avec SDRA, ces poids mesuré [82]. Cette étude a eu un impact majeur et a mis
réglages sont associés à des critères TDM de surdistension en fin en avant le rôle de la mécanique ventilatoire comme élément
d’inspiration chez un malade sur trois [81]. Chez ces malades utile au réglage du ventilateur.
avec poumon non protégé, le VT était trop grand par rapport à Le contexte actuel est celui de VT beaucoup plus faibles que
la taille du baby lung et la taille du baby lung trop faible en ceux utilisés dans cette étude et logiquement le niveau de PEP
raison d’une importante masse non aérée dans les régions devrait être plus élevé. Les nombreux travaux de recherche
postérieures. En outre, cette masse non aérée n’est pas recrutée récents et de grande qualité sur le choix du niveau de PEP au
au cours du cycle. Finalement, cette situation correspond au cours du SDRA ont été de deux types.
SDRA lobaire. Les auteurs suggèrent de fixer la Pplat cible . Le premier type regroupe des études pragmatiques sous forme
en-dessous de 28 cmH2O [81]. Au cours du SDRA, ni le VT ni la de trois ERC multicentriques de grande taille comparant PEP
Pplat ne sont de bons marqueurs du stress ni du strain [50]. élevée à PEP basse.
Néanmoins, en admettant un strain de 2 comme une limite Chaque ERC pris individuellement ne montre pas d’effet
supérieure au-delà de laquelle peut survenir une rupture du significatif sur la mortalité, alors que le choix du niveau de PEP
fibrosquelette pulmonaire [50] , et sachant que K est égal à a été fait sur une base rationnelle différente : table PEP-FIO2
13,5 cmH2O, on obtient un stress (PTP) de 27 cmH2O. La valeur dans deux ERC [83, 84] et prévention de la surdistension versus
de Pao correspondante dépend du rapport EL/Esr, qui est lui- recrutement augmenté dans un ERC [85]. Une méta-analyse sur
même égal à PL/Pao. Ce rapport est de l’ordre de 0,7 en cas de les données groupées de ces trois ERC [86] ne détecte pas d’effet
SDRA. La valeur de Pplat correspondant à une PTP de sur la mortalité de même qu’une méta-analyse sur données
27 cmH2O est alors de 38 cmH2O. D’après cette approche, le individuelles [87]. Toutefois, dans cette dernière analyse [87], la
risque de LIVM par excès de strain a une probabilité assez faible mortalité des sujets avec SDRA était significativement réduite
de survenir au cours du SDRA si le VT est réglé à 6 ml/kg de avec les niveaux élevés de PEP alors qu’une tendance inverse
poids prédit par la taille et si Pplat est maintenue inférieure était observée pour les malades avec ALI. Au total, en mainte-
à 30 cmH2O [50]. On voit que ces calculs ne sont pas strictement nant un VT faible et identique entre les deux groupes, aucune
en accord avec les données observées par Terragni et al. [81]. Une différence significative de mortalité ne peut être mise en
explication est que l’on raisonne ici sur un EL/Esr à 0,7, et qu’il évidence entre une PEP élevée (14 cmH2O en moyenne) et une
existe des variations individuelles importantes de ce rapport au PEP basse (9 cmH2O en moyenne). Ces résultats appellent trois
cours du SDRA. Le risque de LIVM par dérecrutement est en commentaires. Le premier est que la mise en évidence d’une
revanche plus prononcé. Dans un ERC, la mortalité avait été différence cliniquement pertinente et statistiquement significa-
plus élevée, sans atteindre la significativité statistique, dans le tive de mortalité entre les deux groupes de PEP, de l’ordre de
groupe où l’objectif de Pplat était inférieur à 25 cmH2O [79]. 10 % en valeur absolue, comme dans l’étude ARMA [13], néces-
C’est la raison pour laquelle il a été recommandé de maintenir siterait l’inclusion d’un très grand nombre de patients dans un
Pplat entre 25 et 28 cmH2O [81]. nouvel ERC, qui ne sera probablement jamais conduit dans le
Les ventilateurs de réanimation doivent être très précis dans futur. Le deuxième commentaire est de rappeler que trois ERC,
leur capacité de délivrer le VT réglé. Or, une étude très récente . certes de plus faible taille, avaient montré un effet bénéfique
sur banc d’essai a montré de grandes disparités entre les d’une PEP élevée par rapport à une PEP basse [49, 75, 76] , alors
ventilateurs de réanimation à délivrer le VT consigne. Ceci est que le VT n’était pas identique entre les deux groupes (Fig. 3).
lié aux différents algorithmes utilisés par les respirateurs pour Entre le groupe PEP élevée-VT bas et le groupe PEP basse-VT
compenser d’une part le piégeage du VT dans la compliance du élevé, la mortalité était significativement plus basse dans deux
circuit du ventilateur et d’autre part l’augmentation du VT qui études [75, 76], alors que l’inflammation pulmonaire et systémi-
fait suite aux changements hygrométriques du gaz à sa sortie de que et l’occurrence de défaillances d’organes extrapulmonaires
la source. Ces deux facteurs agissent en sens opposé, rendant étaient significativement réduites [49]. Ces résultats suggèrent
encore plus compliqué le fonctionnement des algorithmes. La que, si la baisse de mortalité attendue passe par une réduction
source de gaz peut être soit murale soit une turbine qui utilise des LIVM, une action simultanée sur chaque composante
l’air ambiant et l’oxygène mural. Les conditions hygrométriques (réduction des LIVM à haut volume, c’est-à-dire du stress/strain
sont différentes entre les deux sources : les gaz muraux sont à de fin d’inspiration et réduction des LIVM à bas volume, c’est-
0 % d’humidité relative et à 15 °C de température alors qu’avec à-dire du stress/strain de fin d’expiration) est d’une part
la turbine les conditions dépendent de celles de l’air ambiant indispensable, et d’autre part efficace. De plus, une telle double
actuel. Des différences de 1-2 ml/kg de VT ont été mises en action permet de rendre au poumon plus d’homogénéité et d’y
évidence entre les respirateurs sur banc d’essai. Il est fondamen- distribuer le stress et le strain de façon moins contraignante. On
tal d’avoir ces notions à l’esprit quand on règle le ventilateur comprend bien toutefois que dans une perspective de clarifica-
chez un malade avec SDRA. En outre, ces considérations tion, les ERC n’étudiant que l’effet d’un des deux facteurs, des
devraient faire jeter un regard encore plus critique sur les LIVM devaient être faits. La troisième remarque est qu’il est
résultats des ERC multicentriques conduits dans ce domaine, hautement probable que la non-prise en compte des caractéris-
ERC dans lesquels différents respirateurs ont été utilisés. Il est à tiques anatomiques et fonctionnelles du poumon sous-jacent
noter que dans l’ERC de l’ARDSnet [13] le même ventilateur était contribue à expliquer les trois ERC négatifs [83-85]. Ceci nous

10 Anesthésie-Réanimation
Syndrome de détresse respiratoire aiguë ¶ 36-969-A-10

conduit à discuter le deuxième type d’études récemment systématique des manœuvres de recrutement mais réserve leur
réalisées sur le réglage de la PEP au cours du SDRA : les études usage aux sujets les plus hypoxémiques, comme méthode de
physiopathologiques. Quatre aspects sont à discuter. sauvetage [92]. La deuxième consiste, après avoir recruté plus ou
Premièrement, dans les trois études positives [49, 75, 76], le moins complètement le poumon, à régler la PEP à un haut
niveau de PEP était réglé sur une base physiologique spécifique niveau (20 ou 24 cmH2O) puis à baisser par paliers de 2 cmH2O
du patient, puisque la PEP était située au-dessus de l’intersection jusqu’à un niveau associé à une baisse significative de la PaO2
entre C1 et C2 (Fig. 1). Ce point, appelé abusivement point ou de la compliance dynamique, niveau qui correspond au
d’inflexion inférieur, reflète un seuil de recrutement alvéolaire, début du dérecrutement mesuré indépendamment en TDM. La
et régler la PEP au-dessus de ce seuil permet très probablement PEP est alors laissée juste au-dessus de ce niveau. Cette stratégie
d’éviter les phénomènes de répétition d’ouverture-fermeture. n’est pas validée bien qu’elle paraisse très attractive car rejoi-
L’étude Express [85], qui comportait dans son dessin une base gnant la logique de son application (un réglage expiratoire) et
rationnelle physiologique puisque comparant une prévention de des développements théoriques [93]. La troisième approche est
la surdistension à un recrutement augmenté, comporte un de régler la PEP sur la branche expiratoire de la courbe V-P. Il
résultat positif en faveur du groupe PEP élevé sur un critère de est possible de modéliser la courbe V-P par une équation
jugement secondaire, la réduction du nombre de jours vivants sigmoïde et de régler la PEP en fonction de certains de ses
sans ventilation mécanique. Dans les deux autres ERC, la PEP a paramètres [94]. Sur cette base, la PEP serait à régler au-dessus du
été réglée sur une table PEP/FIO2 dont les bases rationnelles sont point de décroissance maximale de la compliance dérivée de
incertaines, même si cette table a un intérêt pratique réel au cette équation, point au niveau duquel le dérecrutement et la
sein d’un service donné pour homogénéiser les pratiques, surdistension sont minimisés [95]. Régler la PEP à ce niveau
facteur indiscutable de qualité des soins. Cette table ne permet génère des niveaux de PEP élevés. La quatrième est de régler la
pas de faire la différence entre recruteurs et non recruteurs [88] PEP en mesurant la PTP de fin d’expiration. Talmor et al. [96]
et, ainsi, les patients non recruteurs peuvent être traités avec ont montré que maintenir une PTP de fin d’expiration positive
une PEP élevée avec un risque de surdistension et, inversement, revient à utiliser des niveaux de PEP élevés qui sont associés à
une oxygénation supérieure et une tendance à une mortalité
les patients recruteurs peuvent recevoir une PEP basse avec un
plus faible que dans un groupe où le niveau de PEP est réglé
risque d’atelectrauma. Les malades avec SDRA ayant la recruta-
selon une table PEP-FIO2. De façon intéressante, la Pplat de fin
bilité la plus importante présentent comme caractéristiques
d’inspiration n’est pas différente entre les deux groupes [96]. La
d’être les plus hypoxémiques et d’avoir la mortalité la plus
mesure de la PTP nécessite la mesure de la Ppl qui ne peut être
élevée [40]. Il est logique de traiter ces malades avec une PEP
estimée que par la Pes chez l’homme, ce qui pose de nombreux
élevée. Ceci d’autant plus que la PEP élevée chez ces malades
problèmes méthodologiques intrinsèquement.
réduit l’importance des phénomènes cycliques d’ouverture-
Quatrièmement, la prise en compte des altérations de la
fermeture alors que la PEP élevée n’a pas d’effet chez les
mécanique ventilatoire du système respiratoire au cours du
malades avec un faible potentiel de recrutement [89]. Dans les
SDRA a son importance pour d’autres raisons. Si Pplat ne reflète
deux groupes de potentiel de recrutement, l’augmentation du
plus PTP quand Ecw augmente, la conséquence est de régler un
strain de fin d’inspiration est en outre identique. Le gain de
VT trop faible donc de risquer le dérecrutement. La mesure de
recrutement apporté par la PEP élevée contre-balance son risque
PTP est logique dans les circonstances où l’on suspecte une
de surdistension [89]. Ceci rejoint des observations antérieures augmentation d’Ecw. Une autre option est d’augmenter le seuil
faites par l’équipe de Rouby [31, 90]. Selon les mêmes considéra- de Pplat de sécurité de 30 à 35 cmH 2 O comme cela a été
tions, chez les malades avec un faible potentiel de recrutement, proposé dans les situations où la pression intravésicale, reflet de
l’usage d’une PEP basse est à recommander. Il s’agit des SDRA la pression intra-abdominale, est augmentée [63]. Au cours d’une
qualifiés de lobaires [31, 90]. manœuvre de recrutement dans le SDRA, les patients non
Deuxièmement, d’autres auteurs insistent sur le rôle délétère répondeurs en termes d’oxygénation avaient une augmentation
de la PEP sur la fonction ventriculaire droite dont la post- d’Ecw par rapport aux répondeurs [97] . Une même Pao de
charge peut être augmentée par une PEP excessive via une 40 cmH2O utilisée pour le recrutement alvéolaire était associée
compression des vaisseaux alvéolaires : la post-charge du à un VT plus bas en cas d’Ecw augmentée qu’en cas d’Ecw
ventricule droit augmente de 1 mmHg par augmentation de PEP normale. L’augmentation de la composante Ew d’Ecw pourrait
de 5 cmH2O. Ces auteurs proposent une PEP basse et un VT toutefois être bénéfique dans certaines circonstances : en
faible pour protéger le ventricule droit [91]. décubitus ventral, le gain en oxygénation par rapport au
Troisièmement, même si la PEP, en augmentant la Pplat, décubitus dorsal est corrélé à l’augmentation d’Ew due au
contribue au recrutement alvéolaire en fin d’inspiration, c’est changement postural. Une contrainte exercée sur le thorax en
essentiellement un réglage expiratoire. On a ici un rationnel décubitus dorsal peut faciliter le recrutement de zones dépen-
pour régler la PEP afin de prévenir le dérecrutement faisant suite dantes (postérieures et basales du poumon) en redistribuant la
à un recrutement. Cette approche peut être réalisée de quatre ventilation dans cette direction. Des études complémentaires
façons. La première est de procéder à des manœuvres de sont en cours pour préciser la place de la mesure de la Pes au
recrutement. L’objectif est d’atteindre, voire de dépasser les cours du SDRA et pourraient donner lieu à des avancées
pressions critiques d’ouverture pour maximaliser le recrutement importantes.
alvéolaire. La limite de sécurité de Pao de 30 cmH 2 O est Comme on vient de le voir, les modalités de réglage de la PEP
dépassée pour une courte durée et la PEP est fixée selon un sont non encore résolues. La prise en compte des caractéristi-
critère qui indique le début du dérecrutement. Il existe plusieurs ques fonctionnelles du poumon du patient est probablement
types de manœuvres de recrutement, toutes réalisables avec le cruciale, ce qui implique de disposer de méthodes de mesure de
respirateur : soupirs, maintien d’une pression élevée pendant ces caractéristiques que l’on puisse utiliser de façon prolongée
une brève durée (40 cmH2O pendant 40 secondes par exemple) au lit du malade. Les bases rationnelles de ce réglage nécessitent
sans cyclage au-dessus de la PEP. Une stratégie plus complexe la connaissance du potentiel de recrutement du poumon et
consiste à utiliser le mode pression contrôlée, à garder constante doivent ménager un équilibre entre prévention du dérecrute-
une pression motrice de 15 cmH2O et augmenter la PEP par ment et prévention de la surdistension. Ceci nécessite la
paliers jusqu’à de très hauts niveaux (45 cmH 2 O avec une réalisation d’une TDM avec plusieurs inconvénients : transport
pression de fin d’inspiration de 60 cmH2O, ce qui induit une du malade avec ses risques inhérents, coût, irradiation, analyse
baisse très importante du VT) pendant 2 minutes par quantitative non immédiate. Au lit du malade, les moyens
séquence [38]. Cette stratégie, qui permet de recruter complète- sont :
ment le poumon et nécessite une grande expertise et une • augmenter la PEP par paliers et choisir celui qui minimise le
surveillance rapprochée du malade, n’a pas encore été évaluée retentissement hémodynamique (débit cardiaque) et maxi-
donc validée. Une revue récente ne recommande pas l’usage malise l’oxygénation ;

Anesthésie-Réanimation 11
36-969-A-10 ¶ Syndrome de détresse respiratoire aiguë

• diminuer la PEP par paliers après une manœuvre de recrute- musculaires liée à une protéolyse excessive et à une augmenta-
ment et choisir le niveau auquel la compliance dynamique tion du stress oxydant [98]. Ces données conduisent à postuler
est maximale ; que :
• régler le niveau au-dessus de l’intersection entre C1 et C2 sur • la prolongation excessive de la sédation et de la ventilation
la courbe V-P inspiratoire construite à PEP nulle (Fig. 1) ; mécanique en réanimation favorise l’atrophie et la baisse de
• régler la PEP au-dessus du point de compliance maximale sur la contractilité du diaphragme, d’autant plus que ce muscle
la branche expiratoire de la courbe V-P ; est soumis à d’autres agressions (sepsis, troubles ioniques,
baisse d’apport d’oxygène) ;
• utiliser des outils de monitoring disponibles au lit du malade
• ces phénomènes pourraient expliquer certains échecs de
et en cours d’évaluation : le stress index et la tomographie en
sevrage et la prolongation de la durée de ventilation mécani-
. impédance électrique. Le stress index est la façon dont Esr que, source de morbidité et d’augmentation des coûts.
augmente au cours de l’insufflation à débit inspiratoire Une implication pratique immédiate est de chercher à réduire
constant, selon l’équation : la durée de sédation pour minimiser l’agression du diaphragme
Pao = a + temps inspiratoire b induite par la ventilation mécanique. Une réduction systémati-
où a est une constante correspondant à Pao quand le temps que quotidienne de la sédation, par rapport à un groupe de
inspiratoire est égal à 0 et b le stress index. À débit inspiratoire contrôle, chez des malades de réanimation est associée à une
constant, la relation Pao-temps inspiratoire décrite par cette réduction significative de la durée de ventilation mécanique et
équation est l’équivalent d’une relation Pao-volume dont la de la durée de séjour. Par ailleurs, il a été spéculé que la
pente est Esr. La constante b décrit la façon dont b évolue au préservation de la ventilation spontanée pourrait augmenter la
cours de l’insufflation. Si b est au-dessus de 1, Esr augmente PTP dans les régions pulmonaires postérieures et faciliter le
avec l’augmentation du temps inspiratoire, donc du VT, indi- recrutement des zones atélectasiées à ce niveau. Des études
quant une surdistension. Si b est en dessous de 1, Esr diminue expérimentales ont montré que le mode BIPAP (pression
avec l’augmentation de VT, indiquant un recrutement au cours contrôlée avec une pression haute et une pression basse, dont
on peut régler la durée respective, et qui permet en outre des
de l’insufflation donc un recrutement-dérecrutement au cours
cycles spontanés à chaque niveau de pression) a cet effet de
du cycle. L’objectif est de régler la PEP (et le VT) pour obtenir b
recrutement alvéolaire des régions dépendantes lorsque la
proche de 1. La tomographie en impédance électrique permet
ventilation spontanée est préservée. Les données cliniques sont
d’estimer la ventilation pulmonaire régionale à partir des très fragmentaires. Un ERC multicentrique est en cours en
variations d’impédance thoracique générées par l’injection à la France, comparant un groupe de contrôle à un groupe dans
surface du thorax d’un courant de très faible intensité. Cette lequel les malades sont ventilés en BIPAP après une phase
méthode a une faible résolution spatiale mais une forte résolu- initiale de 48 heures pendant lesquelles la ventilation mécani-
tion temporelle. Des développements méthodologiques sont en que protectrice avec sédation et curarisation est appliquée.
cours pour définir le recrutement et la surdistension D’autres modes ventilatoires, ventilation assistée proportionnelle
régionalement. ou assistance ventilatoire ajustée selon l’activité électrique du
diaphragme, sont en cours d’évaluation.
Autres réglages
En raison de l’usage de faibles VT, une acidose respiratoire
Ventilation mécanique non conventionnelle
avec hypercapnie se développe. Elle est tolérée tant que le pH Ventilation non invasive
reste supérieur à 7,20. Elle peut être prévenue ou minimisée par
La VNI occupe une place de plus en plus grande en réanima-
la réduction de l’espace mort instrumental (utilisation d’humi- tion dans la prise en charge de l’insuffisance respiratoire aiguë.
dificateurs chauffants et non d’échangeur de chaleur et d’humi- Dans ce contexte, le recours à la VNI est à utiliser en cas de
dité, ablation du raccord annelé situé entre la sonde défaillance pulmonaire isolée, avec un facteur rapidement
d’intubation et le circuit du ventilateur) et l’augmentation de la réversible, chez un sujet coopérant et non encombré. Dans le
fréquence respiratoire jusqu’à 35 ou 40 cycles par minute. Cette SDRA, ces critères ne sont habituellement pas remplis. Si la VNI
tachypnée peut générer une PEP intrinsèque qui peut traduire est utilisée au cours du SDRA, chez le sujet immunodéprimé par
l’existence d’une surdistension. La FIO2 est réglée en lien avec exemple, il faut rapidement, en 6 heures, décider de la nécessité
le niveau de PEP si on utilise la table PEP/FIO2. Sinon, il est formelle d’intuber le patient. En effet, le danger est de retarder
recommandé de la réduire en dessous de 80 % dès que possible l’intubation avec un impact sur le devenir du patient [99]. Il est
pour minimiser les atélectasies de dénitrogénation. Il est par ailleurs difficile de réaliser les objectifs de prévention des
hautement recommandé d’éviter toute déconnexion intempes- LIVM en VNI.
tive entre le patient et le respirateur. Ceci peut se produire
Ventilation par oscillations à haute fréquence
notamment au cours des aspirations trachéales. Des systèmes
existent qui minimisent, voire évitent totalement (aspiration en Cette méthode est radicalement différente de la ventilation
système clos), cet inconvénient. Certains préconisent une mécanique conventionnelle. Un piston fait osciller le système
manœuvre de recrutement après les aspirations trachéales. respiratoire à une fréquence de 3 et 10 Hz, générant un VT de
1 à 2 ml/kg. Du gaz frais entre dans le circuit à 30 à 50 l/min
et au niveau de l’expiration une valve contrôle la Pao moyenne
Préservation de la ventilation spontanée au cours dans le circuit. Le mouvement de retour du piston rend l’expi-
de la ventilation mécanique ration active. L’oxygénation est gérée par la FIO2 et la Pao
La suppression de l’activité des muscles respiratoires (sédation moyenne. La ventilation, donc la PaCO 2 , est inversement
proportionnelle à la fréquence et proportionnelle à l’amplitude
avec ou sans curarisation) avec une assistance respiratoire en
de pression de l’oscillateur. Dans le SDRA, six ERC ont été
volume contrôlé est responsable d’une diminution de la force
réalisés chez l’adulte dont la méta-analyse conclut à un bénéfice
contractile du diaphragme avec atrophie au bout de 3 jours,
en termes de mortalité, alors qu’individuellement aucun n’en
comme cela a été démontré dans plusieurs études expérimenta- présente [100]. Un large ERC multicentrique est en cours.
les chez différentes espèces animales (rongeurs, chiens, lapins).
Le fait que dans ces études les muscles striés squelettiques non Ventilation mécanique liquide
respiratoires sont préservés de l’atrophie suggère que la ventila- Il s’agit d’injecter dans le poumon un volume de liquide
tion mécanique per se a un rôle délétère propre sur le contenant du perfluorocarbone qui a une grande affinité pour
diaphragme. L’atrophie d’inactivation est liée à une augmenta- l’oxygène et permet le transport du gaz. La ventilation liquide
tion du stress oxydant et à une protéolyse excessive. Chez au cours du SDRA a pour effets de recruter des zones pulmonai-
l’homme, l’inactivité complète du diaphragme pendant 18 à res atélectatiques, d’homogénéiser la ventilation et de redistri-
96 heures est associée à une atrophie significative des fibres buer le débit sanguin pulmonaire régional. La ventilation

12 Anesthésie-Réanimation
Syndrome de détresse respiratoire aiguë ¶ 36-969-A-10

mécanique conventionnelle est surajoutée de telle sorte que le sanguine étant assurée par la pompe cardiaque. À ce jour, il n’y
poumon présente deux compartiments : un compartiment a pas d’ERC publié ayant comparé cette méthode avec un
liquidien et un compartiment gazeux. Un risque de surdisten- groupe de contrôle dans le SDRA.
sion avait été d’emblée souligné, fonction de la dose employée.
Un ERC à trois bras (2 doses 10 et 20 ml/kg de ventilation Épuration extracorporelle de CO2
liquide et un groupe de contrôle en ventilation mécanique
conventionnelle) a été sanctionné d’un surcroît significatif de Les objectifs de la ventilation mécanique au cours du SDRA
mortalité ayant entraîné l’arrêt de son utilisation chez l’homme. sont de maintenir une oxygénation correcte et de limiter les
LIVM par l’usage de faibles VT et le maintien d’une Pplat
inférieure à 28 à 30 cmH2O. La conséquence peut être une
Assistance respiratoire extracorporelle acidose respiratoire. L’objectif de Pplat peut ne pas être atteint
Elle connaît un regain d’intérêt actuellement. Il y a trois (compliance du système respiratoire très basse), obligeant à
aspects techniques. diminuer le VT à 4 ml/kg, aggravant encore l’acidose respira-
toire. Terragni et al. [81] se sont fixé comme objectifs de
Oxygénation extracorporelle à membrane avec maintenir la Pplat entre 25 et 28 cmH2O. Dans un essai ouvert
pompe (ECMO) contrôlé et non randomisé [102], ils ont traité 10 patients avec
SDRA chez qui la Pplat a été maintenue au prix d’une baisse du
Cette technique a été développée dans la décennie qui a suivi VT et d’une acidose respiratoire avec pH inférieur à 7,25, par
la découverte du SDRA. Elle se pratique avec une cannulation une circulation veinoveineuse à débit sang modéré (jusqu’à
de gros calibre, mise en place chirurgicalement ou par voie 400 ml/min) à travers une cartouche épurant le CO2. Ils ont
transcutanée, veinoartérielle ou veinoveineuse, une pompe qui comparé ces 10 patients à 22 autres SDRA hospitalisés dans la
génère un débit sanguin supérieur à 2 l/min et une membrane même période, ventilés mécaniquement de façon convention-
à travers laquelle s’effectue l’apport en oxygène. Les premiers nelle et chez qui la Pplat était maintenue dans la cible. Chez les
essais ont été négatifs et la technique a été employée pour 10 patients, la circulation extracorporelle a permis de corriger
épurer le CO2 plutôt que d’administrer l’oxygène. La technique l’acidose, d’abaisser le VT en-dessous de 6 ml/kg, d’augmenter
restait ces dernières années très confidentielle. La conjonction la PEP et de maintenir la Pplat dans la cible. La surdistension a
de l’évolution du matériel, la publication des résultats d’un ERC diminué et l’aération a augmenté en TDM de façon significative
en Angleterre (CESAR) [101] et l’épidémie de grippe H1N1 a au 3e jour pour devenir comparables au groupe de contrôle. Les
relancé l’intérêt pour cette technique. Dans cette étude [101], marqueurs pro-inflammatoires dans le LBA ont présenté la
90 malades avec insuffisance respiratoire aiguë ont été inclus même évolution. Un ERC multicentrique international est en
dans le groupe ECMO et 90 dans le groupe de contrôle. À cours.
6 mois, une proportion significativement plus élevée de malades
Un courant de pensée actuelle, qui découle de toutes les
avait atteint le critère de jugement principal (être vivant ou être
considérations vues précédemment, est d’entériner le rôle
indemne d’incapacité fonctionnelle majeure) dans le groupe
délétère de la ventilation mécanique invasive et d’imaginer une
ECMO que dans le groupe de contrôle. Toutefois, la mortalité
approche combinant une ventilation mécanique non invasive à
seule n’était pas différente entre les deux groupes. L’ECMO
l’épuration extracorporelle de CO2. Des études sont en cours
n’était en fait réalisée que dans un seul centre dans lequel les
dans ce domaine.
patients randomisés dans le groupe ECMO étaient transportés.
Dans le groupe ECMO, 22 malades n’ont jamais été traités par
ECMO. Les réglages du ventilateur n’étaient pas colligés. On ne
sait pas précisément comment les malades du groupe ECMO ■ Conclusion
recevaient la ventilation mécanique et si une ventilation
mécanique protectrice avait été appliquée dans le groupe de Le SDRA est un sujet passionnant et très complexe dans
contrôle. Un large ERC est en cours en France dans le SDRA qui lequel tout reste à faire en commençant par une meilleure
évite la plupart des limites méthodologiques de l’essai CESAR. définition de la maladie. Les deux préoccupations majeures du
La question en termes de santé publique est importante à plus thérapeute sont la protection pulmonaire des risques de la
d’un titre. Faut-il limiter le nombre de centres experts dans cette ventilation mécanique et la préservation de l’oxygénation. Les
technique ou au contraire diffuser largement la technique ? La interventions qui ont montré une efficacité significative sur la
première hypothèse semble la plus raisonnable, malgré le risque mortalité sont la réduction du VT et l’utilisation de curares
lié au transport, risque qui peut être minimisé. En effet, les pendant 48 heures (Tableau 1). Les méta-analyses suggèrent que
équipes expertes sont capables de se déplacer au lit du malade, la PEP élevée, la restriction liquidienne au-delà de la 48e heure,
de mettre en place la cannulation veinoveineuse (qui est la plus le DV seraient bénéfiques sur la survie du patient et/ou sur la
logique dans le SDRA), voire veinoartérielle (en cas de durée de ventilation mécanique. Dans l’immédiat, il est possible
défaillance cardiocirculatoire associée) et d’assurer le transport .
de définir des objectifs clés et des moyens à mettre en œuvre
du malade vers le centre expert, l’ECMO étant en état de pour les atteindre au cours de la première semaine d’évolution
fonctionnement pendant le transport. Par ailleurs, la diffusion du SDRA (Tableaux 1, 2).
trop large de la technique risque de détourner l’attention des L’enjeu actuel est la capacité de mesurer de façon fiable et
réanimateurs de la bonne utilisation des réglages du respirateur répétée au lit du malade des notions physiologiques fondamen-
de façon conventionnelle. Comme souligné dans un éditorial tales : surdistension, recrutement, dérecrutement, inflammation,
récent, il faut qu’un système de santé puisse offrir cette à l’échelon régional, pour guider de façon rationnelle non
technique pour prendre en charge des sujets jeunes, avec un seulement la ventilation mécanique mais aussi les traitements
SDRA très sévère et une cause réversible mais pas au prix d’une extraventilatoires. La prévention reste sans doute la meilleure
augmentation inopportune du nombre de centres référents en stratégie. Si le SDRA est présent dès l’admission en réanimation,
la matière. Un seuil de PaO 2 inférieur à 55 mmHg sous la prévention est celle des LIVM et de la phase fibroproliférative,
FIO2 100 % avait été recommandé pour décider de débuter ainsi que celle des PAVM. Si le SDRA n’est pas présent à
l’ECMO au cours de la récente épidémie à H1N1 en France, l’admission, la prévention passe par le dépistage des sujets à
après avoir testé le DV et réglé la PEP pour obtenir une Pplat risque, la surveillance attentive de survenue de ses critères de
égale à 32 cmH2O. définition, la prévention des LIVM, la restriction liquidienne.
Des données très récentes suggèrent que ceci est peut-être une
Oxygénation extracorporelle à membrane sans réalité.
pompe
Il s’agit d’une circulation extracorporelle artérioveineuse sans Remerciements : Les auteurs remercient le Pr Mojgan Devouassoux (laboratoire
pompe impliquant la mise en place d’un dispositif vasculaire d’anatomie pathologique, hôpital de la Croix-Rousse) pour les documents
intra-artériel et intraveineux de gros calibre, la circulation histologiques pulmonaires.

Anesthésie-Réanimation 13
36-969-A-10 ¶ Syndrome de détresse respiratoire aiguë

Tableau 1.
Messages essentiels au cours des 48 premières heures.
Étapes Nature Action Durée
1 Identification rapide du SDRA en réunissant Début aigu de l’atteinte respiratoire < 2 heures
4 critères PaO2/FIO2 < 200
Infiltrats radiologiques bilatéraux
Absence d’arguments pour une élévation de la pression auriculaire gauche
2 Définir le contexte du SDRA Primaire ou secondaire < 2 heures
Atteinte respiratoire isolée ou associée à une défaillance extrarespiratoire
Contribution de la paroi thoracoabdominale significative
3 Définir le type morphologique du SDRA Lobaire ou diffus < 4 heures
4 Sécurisation du patient Oxygénation < 6 heures
Ventilation non invasive
Intubation
5 Assurer une oxygénation suffisante PaO2 entre 55 et 80 mmHg ou SaO2 entre 88 % et 95 % 15 minutes
6 Protection pulmonaire VT 6 ml/kg de poids prédit par la taille < 2 heures
Pression plateau < 28-30 cmH2O
PEP ≥ 5 cmH2O
FIO2 pour objectifs d’oxygénation
Sédation
Curarisation si PaO2/FIO2 < 150 avec PEP ≥ 5 cmH2O et FIO2 ≥ 60 %
7 En cas d’hypoxémie sévère (PaO2/FIO2 < 100 Décubitus ventral < 6 heures
avec FIO2 ≥ 60 %) Monoxyde d’azote
Manœuvres de recrutement
Circulation extracorporelle
SDRA : syndrome de détresse respiratoire aiguë ; VT : volume courant ; PEP : pression expiratoire positive.

Tableau 2. [5] Esteban A, Fernandez-Segoviano P, Frutos-Vivar F. Comparison of


Messages essentiels au-delà des 48 premières heures. clinical criteria for the acute respiratory distress syndrome with autopsy
findings. Ann Intern Med 2004;141:440-5.
Étapes Nature Action
[6] De Hemptinne Q, Remmelink M, Brimioulle S, Salmon I, Vincent JL.
1 Contrôle du bilan hydrique Remplissage si justifié ARDS A Clinicopathological Confrontation. Chest 2009;135:944-9.
Diurétiques et remplissage selon [7] Richard JC, Girault C, Leteurtre S, Leclerc F. Prise en charge
des objectifs basés sur PVC ventilatoire du syndrome de détresse respiratoire aiguë de l’adulte et de
et diurèse l’enfant (nouveau-né exclu) - Recommandations d’Experts de la
Épuration extrarénale Société de Réanimation de Langue Française. Réanimation 2005;14:
avec soustraction liquidienne 313-22.
2 Si persistance Rechercher facteur hydrostati-
[8] Rubenfeld GD, Caldwell E, Peabody E. Incidence and outcomes of
d’une hypoxémie que acute lung injury. N Engl J Med 2005;353:1685-93.
[9] Bersten AD, Edibam C, Hunt T, Moran J. Incidence and mortality of
Foramen ovale perméable
acute lung injury and the acute respiratory distress syndrome in three
Embolie pulmonaire Australian States. Am J Respir Crit Care Med 2002;165:443-8.
Atteinte parenchymateuse [10] Luhr OR, Antonsen K, Karlsson M. Incidence and mortality after acute
complexe respiratory failure and acute respiratory distress syndrome in Sweden,
3 Détection des PAVM Monitorage infectiologique Denmark, and Iceland. The ARF Study Group. Am J Respir Crit Care
4 Détection fibroprolifération TDM Med 1999;159:1849-61.
[11] Quartin AA, Campos MA, Maldonado DA, Ashkin D, Cely CM,
Biopsie pulmonaire
Schein RMH. Acute Lung Injury Outside of the ICU. Chest 2009;135:
5 Prévention atrophie Arrêt sédation 261-8.
diaphragmatique Mise en route aide inspiratoire [12] Brun-Buisson C, Minelli C, Bertolini G. Epidemiology and outcome of
ou autres modes acute lung injury in European intensive care units. Results from the
avec ventilation spontanée ALIVE study. Intensive Care Med 2004;30:51-61.
PVC : pression veineuse centrale ; PAVM : pneumonie acquise sous ventilation [13] ARDSnet. Ventilation with lower tidal volumes as compared with
mécanique ; TDM : tomodensitométrie. traditional tidal volumes for acute lung injury and the acute respiratory
.
distress syndrome. TheAcute Respiratory Distress Syndrome Network.
N Engl J Med 2000;342:1301-8.
■ Références [14] Looney MR, Gropper MA, Matthay MA. Transfusion-related acute
lung injury: a review. Chest 2004;126:249-58.
[1] Ashbaugh DG, Bigelow DB, Petty TL, Levine BE. Acute respiratory [15] Malbrain ML, Chiumello D, Pelosi P. Prevalence of intra-abdominal
distress in adults. Lancet 1967;2:319-23. hypertension in critically ill patients: a multicentre epidemiological
[2] Murray JF, Matthay MA, Luce JM, Flick MR. An expanded definition study. Intensive Care Med 2004;30:822-9.
of the adult respiratory distress syndrome. Am Rev Respir Dis 1988; [16] Gajic O, Dara SI, Mendez JL. Ventilator-associated lung injury in
138:720-3. patients without acute lung injury at the onset of mechanical ventila-
[3] Bernard GR,ArtigasA, Brigham KL. TheAmerican-European Consen- tion. Crit Care Med 2004;32:1817-24.
sus Conference on ARDS. Definitions, mechanisms, relevant [17] Reddy AJ, Kleeberger SR. Genetic polymorphisms associated with
outcomes, and clinical trial coordination. Am J Respir Crit Care Med acute lung injury. Pharmacogenomics 2009;10:1527-39.
1994;149:818-24. [18] Flores C, Ma SF, Maresso K, Wade MS, Villar J, Garcia JG. IL6 gene-
[4] Ferguson ND, Meade MO, Hallett DC, Stewart TE. High values of the wide haplotype is associated with susceptibility to acute lung injury.
pulmonary artery wedge pressure in patients with acute lung injury and Transl Res 2008;152:11-7.
acute respiratory distress syndrome. Intensive Care Med 2002;28: [19] Flores C, Pino-Yanes MM, Casula M, Villar J. Genetics of acute lung
1073-7. injury: past, present and future. Minerva Anestesiol 2010;76:860-4.

14 Anesthésie-Réanimation
Syndrome de détresse respiratoire aiguë ¶ 36-969-A-10

[20] Ware LB, Matthay MA. The acute respiratory distress syndrome. N [46] Tremblay L, Valenza F, Ribeiro SP, Li J, Slutsky AS. Injurious
Engl J Med 2000;342:1334-49. ventilatory strategies increase cytokines and c-fos m-RNA expression
[21] Park WY, Goodman RB, Steinberg KP. Cytokine balance in the lungs of in an isolated rat lung model. J Clin Invest 1997;99:944-52.
patients with acute respiratory distress syndrome. Am J Respir Crit [47] Imai Y, Parodo J, Kajikawa O. Injurious mechanical ventilation and
Care Med 2001;164:1896-903. end-organ epithelial cell apoptosis and organ dysfunction in an
[22] Ware LB, Camerer E, Welty-Wolf K, Schultz MJ, Matthay MA. Bench experimental model of acute respiratory distress syndrome. JAMA
to bedside: targeting coagulation and fibrinolysis in acute lung injury. 2003;289:2104-12.
Am J Physiol Lung Cell Mol Physiol 2006;291:L307-L311. [48] Stuber F, Wrigge H, Schroeder S. Kinetic and reversibility of
[23] Bastarache JA, Wang L, Geiser T. The alveolar epithelium can initiate mechanical ventilation-associated pulmonary and systemic
the extrinsic coagulation cascade through expression of tissue factor. inflammatory response in patients with acute lung injury. Intensive
Thorax 2007;62:608-16. Care Med 2002;28:834-41.
[24] Nuckton TJ, Alonso JA, Kallet RH. Pulmonary dead-space fraction as [49] Ranieri VM, Suter PM, Tortorella C. Effect of mechanical ventilation
a risk factor for death in the acute respiratory distress syndrome. N Engl on inflammatory mediators in patients with acute respiratory distress
J Med 2002;346:1281-6. syndrome: a randomized controlled trial. JAMA 1999;282:54-61.
[25] Lewis JF, Jobe AH. Surfactant and the adult respiratory distress syn- [50] Chiumello D, Carlesso E, Cadringher P. Lung stress and strain during
drome. Am Rev Respir Dis 1993;147:218-33. mechanical ventilation for acute respiratory distress syndrome. Am
[26] Geiser T, Atabai K, Jarreau PH, Ware LB, Pugin J, Matthay MA. J Respir Crit Care Med 2008;178:346-55.
Pulmonary edema fluid from patients with acute lung injury augments [51] Azoulay E, Mokart D, Lambert J. Diagnostic strategy for hematology
in vitro alveolar epithelial repair by an IL-1beta-dependent mechanism. and oncology patients with acute respiratory failure: randomized
Am J Respir Crit Care Med 2001;163:1384-8. controlled trial. Am J Respir Crit Care Med 2010;182:1038-46.
[27] Gattinoni L, Caironi P, Pelosi P, Goodman LR. What has computed [52] Papazian L, Doddoli C, Chetaille B. A contributive result of open-lung
tomography taught us about the acute respiratory distress syndrome? biopsy improves survival in acute respiratory distress syndrome
Am J Respir Crit Care Med 2001;164:1701-11. patients. Crit Care Med 2007;35:755-62.
[28] Puybasset L, Cluzel P, Gusman P, Grenier P, Preteux F, Rouby JJ. [53] Delclaux C, Roupie E, Blot F, Brochard L, Lemaire F, Brun-Buisson C.
Regional distribution of gas and tissue in acute respiratory distress syn- Lower respiratory tract colonization and infection during severe acute
drome. I. Consequences for lung morphology. CT Scan ARDS Study respiratory distress syndrome: incidence and diagnosis. Am J Respir
Group. Intensive Care Med 2000;26:857-69. Crit Care Med 1997;156:1092-8.
[29] Gattinoni L, PesentiA,Avalli L, Rossi F, Bombino M. Pressure-volume [54] Vieillard-Baron A, Schmitt JM, Augarde R. Acute cor pulmonale in
curve of total respiratory system in acute respiratory failure. Computed acute respiratory distress syndrome submitted to protective ventilation:
tomographic scan study. Am Rev Respir Dis 1987;136:730-6. incidence, clinical implications, and prognosis. Crit Care Med 2001;
[30] Gattinoni L, PesentiA. The concept of ″baby lung″. Intensive Care Med 29:1551-5.
2005;31:776-84. [55] Herridge MS, Cheung AM, Tansey CM. One-year outcomes in
[31] Vieira SR, Puybasset L, Richecoeur J. A lung computed tomographic survivors of the acute respiratory distress syndrome. N Engl J Med
assessment of positive end-expiratory pressure-induced lung 2003;348:683-93.
overdistension. Am J Respir Crit Care Med 1998;158:1571-7. [56] Raoof S, Goulet K, Esan A, Hess DR, Sessler CN. Severe hypoxemic
[32] Gattinoni L, Pesenti A, Bombino M. Relationships between lung respiratory failure. Chest 2010;137:1437-48.
computed tomographic density, gas exchange, and PEEP in acute [57] Griffiths MJ, Evans TW. Inhaled nitric oxide therapy in adults. N Engl
respiratory failure. Anesthesiology 1988;69:824-32. J Med 2005;353:2683-95.
[33] Milic-Emili J, Mead J, Turner JM. Topography of Esophageal Pressure [58] Adhikari NK, Burns KE, Friedrich JO, Granton JT, Cook DJ,
as a Function of Posture in Man. J Appl Physiol 1964;19:212-6. Meade MO. Effect of nitric oxide on oxygenation and mortality in acute
[34] Pelosi P, D’Andrea L, Vitale G, PesentiA, Gattinoni L. Vertical gradient lung injury: systematic review and meta-analysis. Be Med J 2007;334:
of regional lung inflation in adult respiratory distress syndrome. Am 779.
J Respir Crit Care Med 1994;149:8-13. [59] Adhikari N, Burns KE, Meade MO. Pharmacologic therapies for adults
[35] Martynowicz MA, Minor TA, Walters BJ, Hubmayr RD. Regional with acute lung injury and acute respiratory distress syndrome.
expansion of oleic acid-injured lungs. Am J Respir Crit Care Med 1999; Cochrane Database Syst Rev 2004(4):CD004477.
160:250-8. [60] Gattinoni L, Tognoni G, Pesenti A. Effect of prone positioning on the
[36] Pelosi P, Goldner M, McKibben A. Recruitment and derecruitment survival of patients with acute respiratory failure. N Engl J Med 2001;
during acute respiratory failure: an experimental study. Am J Respir 345:568-73.
Crit Care Med 2001;164:122-30. [61] Guerin C, Gaillard S, Lemasson S. Effects of systematic prone
[37] Crotti S, Mascheroni D, Caironi P. Recruitment and derecruitment positioning in hypoxemic acute respiratory failure: a randomized
during acute respiratory failure: a clinical study. Am J Respir Crit Care controlled trial. JAMA 2004;292:2379-87.
Med 2001;164:131-40. [62] Mancebo J, Fernandez R, Blanch L. A multicenter trial of prolonged
[38] Borges JB, Okamoto VN, Matos GF. Reversibility of lung collapse and prone ventilation in severe acute respiratory distress syndrome. Am
hypoxemia in early acute respiratory distress syndrome. Am J Respir J Respir Crit Care Med 2006;173:1233-9.
Crit Care Med 2006;174:268-78. [63] Taccone P, Pesenti A, Latini R. Prone positioning in patients with
[39] Rouby JJ, Puybasset L, Cluzel P, Richecoeur J, Lu Q, Grenier P. moderate and severe acute respiratory distress syndrome: a randomized
Regional distribution of gas and tissue in acute respiratory distress syn- controlled trial. JAMA 2009;302:1977-84.
drome. II. Physiological correlations and definition of an ARDS [64] Sud S, Friedrich JO, Taccone P. Prone ventilation reduces mortality in
Severity Score. CT Scan ARDS Study Group. Intensive Care Med patients with acute respiratory failure and severe hypoxemia:
2000;26:1046-56. systematic review and meta-analysis. Intensive Care Med 2010;36:
[40] Gattinoni L, Caironi P, Cressoni M. Lung recruitment in patients with 585-99.
the acute respiratory distress syndrome. N Engl J Med 2006;354: [65] Gattinoni L, Carlesso E, Taccone P, Polli F, Guerin C, Mancebo J. Prone
1775-86. positioning improves survival in severe ARDS: a pathophysiologic
[41] Webb HH, Tierney DF. Experimental pulmonary edema due to inter- review and individual patient meta-analysis. Minerva Anestesiol 2010;
mittent positive pressure ventilation with high inflation pressures. Pro- 76:448-54.
tection by positive end-expiratory pressure. Am Rev Respir Dis 1974; [66] Kesecioglu J, Beale R, Stewart TE. Exogenous natural surfactant for
110:556-65. treatment of acute lung injury and the acute respiratory distress syn-
[42] Dreyfuss D, Saumon G. Ventilator-induced lung injury: lessons from drome. Am J Respir Crit Care Med 2009;180:989-94.
experimental studies. Am J Respir Crit Care Med 1998;157:294-323. [67] Spragg RG, Lewis JF, Walmrath HD. Effect of recombinant surfactant
[43] Muscedere JG, Mullen JB, Gan K, Slutsky AS. Tidal ventilation at low protein C-based surfactant on the acute respiratory distress syndrome.
airway pressures can augment lung injury. Am J Respir Crit Care Med N Engl J Med 2004;351:884-92.
1994;149:1327-34. [68] Liu KD, Levitt J, Zhuo H. Randomized clinical trial of activated protein
[44] Mead J, Takishima T, Leith D. Stress distribution in lungs: a model of c for the treatment of acute lung injury. Am J Respir Crit Care Med
pulmonary elasticity. J Appl Physiol 1970;28:596-608. 2008;178:618-23.
[45] Tremblay LN, Slutsky AS. Ventilator-induced injury: from barotrauma [69] Papazian L, Forel JM, Gacouin A. Neuromuscular blockers in early
to biotrauma. Proc Assoc Am Physicians 1998;110:482-8. acute respiratory distress syndrome. N Engl J Med 2010;363:1107-16.

Anesthésie-Réanimation 15
36-969-A-10 ¶ Syndrome de détresse respiratoire aiguë

[70] ARDSnet. Ketoconazole for early treatment of acute lung injury and [92] Fan E, Wilcox ME, Brower RG. Recruitment maneuvers for acute lung
acute respiratory distress syndrome: a randomized controlled trial. The injury: a systematic review. Am J Respir Crit Care Med 2008;178:
ARDS Network. JAMA 2000;283:1995-2002. 1156-63.
[71] Steinberg KP, Hudson LD, Goodman RB. Efficacy and safety of [93] Hickling KG. Best compliance during a decremental, but not
corticosteroids for persistent acute respiratory distress syndrome. N incremental, positive end-expiratory pressure trial is related to open-
Engl J Med 2006;354:1671-84. lung positive end-expiratory pressure: a mathematical model of acute
[72] Meduri GU, Golden E, Freire AX. Methylprednisolone infusion in respiratory distress syndrome lungs. Am J Respir Crit Care Med 2001;
early severe ARDS: results of a randomized controlled trial. Chest 163:69-78.
2007;131:954-63. [94] Venegas JG, Harris RS, Simon BA. A comprehensive equation for the
[73] Wiedemann HP, Wheeler AP, Bernard GR. Comparison of Two Fluid- pulmonary pressure-volume curve. J Appl Physiol 1998;84:389-95.
Management Strategies in Acute Lung Injury. N Engl J Med 2006;354: [95] Albaiceta GM, Taboada F, Parra D. Tomographic study of the inflection
2564-75. points of the pressure-volume curve in acute lung injury. Am J Respir
[74] Martin GS, Moss M, Wheeler AP, Mealer M, Morris JA, Bernard GR. Crit Care Med 2004;170:1066-72.
A randomized, controlled trial of furosemide with or without albumin [96] Talmor D, Sarge T, Malhotra A. Mechanical ventilation guided by
in hypoproteinemic patients with acute lung injury. Crit Care Med esophageal pressure in acute lung injury. N Engl J Med 2008;359:
2095-104.
2005;33:1681-7.
[97] Grasso S, Mascia L, Del Turco M. Effects of recruiting maneuvers in
[75] Amato MB, Barbas CS, Medeiros DM. Effect of a protective-
patients with acute respiratory distress syndrome ventilated with
ventilation strategy on mortality in the acute respiratory distress syn-
protective ventilatory strategy. Anesthesiology 2002;96:795-802.
drome. N Engl J Med 1998;338:347-54. [98] Levine S, Nguyen T, Taylor N. Rapid Disuse Atrophy of Diaphragm
[76] Villar J, Kacmarek RM, Perez-Mendez L, Aguirre-Jaime A. A high Fibers in Mechanically Ventilated Humans. N Engl J Med 2008;358:
positive end-expiratory pressure, low tidal volume ventilatory strategy 1327-35.
improves outcome in persistent acute respiratory distress syndrome: a [99] Esteban A, Frutos-Vivar F, Ferguson ND. Noninvasive positive-
randomized, controlled trial. Crit Care Med 2006;34:1311-8. pressure ventilation for respiratory failure after extubation. N Engl
[77] Stewart TE, Meade MO, Cook DJ. Evaluation of a ventilation strategy J Med 2004;350:2452-60.
to prevent barotrauma in patients at high risk for acute respiratory [100] Sud S, Sud M, Friedrich JO. High frequency oscillation in patients with
distress syndrome. Pressure- and volume-limited ventilation strategy acute lung injury and acute respiratory distress syndrome (ARDS):
group. N Engl J Med 1998;338:355-61. systematic review and meta-analysis. BMJ 2010;340:c2327.
[78] Brower RG, Shanholtz CB, Fessler HE. Prospective, randomized, [101] Peek GJ, Mugford M, Tiruvoipati R. Efficacy and economic assessment
controlled clinical trial comparing traditional versus reduced tidal of conventional ventilatory support versus extracorporeal membrane
volume ventilation in acute respiratory distress syndrome patients. Crit oxygenation for severe adult respiratory failure (CESAR): a
Care Med 1999;27:1492-8. multicentre randomised controlled trial. Lancet 2009;374:1351-63.
[79] Brochard L, Roudot-Thoraval F, Roupie E. Tidal volume reduction for [102] Terragni PP, Del Sorbo L, Mascia L, Urbino R, Martin EL, Birocco A,
prevention of ventilator-induced lung injury in acute respiratory et al. Tidal volume lower than 6 ml/kg enhances lung protection: role of
distress syndrome. The Multicenter Trail Group on Tidal Volume extracorporeal carbon dioxide removal. Anesthesiology 2009;111:
reduction in ARDS. Am J Respir Crit Care Med 1998;158:1831-8. 826-35.
[80] Eichacker PQ, Gerstenberger EP, Banks SM, Cui X, Natanson C. Meta-
analysis of acute lung injury and acute respiratory distress syndrome Pour en savoir plus
trials testing low tidal volumes. Am J Respir Crit Care Med 2002;166:
1510-4. Papazian L, Roch A. Le SDRA. Paris: Springer; 2008.
[81] Terragni PP, Rosboch G, Tealdi A. Tidal hyperinflation during low tidal Terragni PP, Birocco A, Faggiano C, Ranieri VM. Extracorporeal CO2
volume ventilation in acute respiratory distress syndrome. Am J Respir removal. Contrib Nephrol 2010;165:185-96.
Crit Care Med 2007;175:160-6. Bellani G, Foti G, Spagnolli E. Increase of oxygen consumption during a
[82] Suter PM, Fairley B, Isenberg MD. Optimum end-expiratory airway progressive decrease of ventilatory support is lower in patients failing
pressure in patients with acute pulmonary failure. N Engl J Med 1975; the trial in comparison with those who succeed. Anesthesiology 2010;
292:284-9. 113:378-85.
[83] Meade MO, Cook DJ, Guyatt GH. Ventilation strategy using low tidal Constantin JM, Grasso S, Chanques G. Lung morphology predicts response
volumes, recruitment maneuvers, and high positive end-expiratory to recruitment maneuver in patients with acute respiratory distress syn-
pressure for acute lung injury and acute respiratory distress syndrome: drome. Crit Care Med 2010;38:1108-17.
a randomized controlled trial. JAMA 2008;299:637-45. Del Sorbo L, Slutsky AS. Ventilatory support for acute respiratory failure:
[84] Brower RG, Lanken PN, MacIntyre N. Higher versus lower positive new and ongoing pathophysiological, diagnostic and therapeutic
developments. Curr Opin Crit Care 2010;16:1-7.
end-expiratory pressures in patients with the acute respiratory distress
Diaz JV, Brower R, Calfee CS, Matthay MA. Therapeutic strategies for severe
syndrome. N Engl J Med 2004;351:327-36.
acute lung injury. Crit Care Med 2010;38:1644-50.
[85] Mercat A, Richard JC, Vielle B. Positive end-expiratory pressure
Esan A, Hess DR, Raoof S, George L, Sessler CN. Severe hypoxemic
setting in adults with acute lung injury and acute respiratory distress
respiratory failure: part 1-ventilatory strategies. Chest 2010;137:
syndrome: a randomized controlled trial. JAMA 2008;299:646-55. 1203-16.
[86] Putensen C, Theuerkauf N, Zinserling J, Wrigge H, Pelosi P. Meta- Estenssoro E, Rios FG, Apezteguia C. Pandemic 2009 influenza A in
analysis: ventilation strategies and outcomes of the acute respiratory Argentina: a study of 337 patients on mechanical ventilation. Am
distress syndrome and acute lung injury. Ann Intern Med 2009;151: J Respir Crit Care Med 2010;182:41-8.
566-76. Fessler HE, Talmor DS. Should prone positioning be routinely used for lung
[87] Briel M, Meade M, Mercat A. Higher vs lower positive end-expiratory protection during mechanical ventilation? Respir Care 2010;55:88-99.
pressure in patients with acute lung injury and acute respiratory distress Frank AJ, Thompson BT. Pharmacological treatments for acute respiratory
syndrome:systematic review and meta-analysis. JAMA 2010;303: distress syndrome. Curr Opin Crit Care 2010;16:62-8.
865-73. Glavan BJ, Holden TD, Goss CH, Black RA, Neff MJ, Nathens AB, et al.
[88] Grasso S, Fanelli V, Cafarelli A. Effects of high versus low positive Genetic variation in the FAS gene and associations with acute lung
end-expiratory pressures in acute respiratory distress syndrome. Am injury. Am J Respir Crit Care Med 2011;183:356-63.
J Respir Crit Care Med 2005;171:1002-8. Loring SH, O’Donnell CR, Behazin N. Esophageal pressures in acute lung
[89] Caironi P, Cressoni M, Chiumello D. Lung opening and closing during injury: do they represent artifact or useful information about
ventilation of acute respiratory distress syndrome. Am J Respir Crit transpulmonary pressure, chest wall mechanics, and lung stress? J Appl
Care Med 2010;181:578-86. Physiol 2010;108:515-22.
[90] Puybasset L, Gusman P, Muller JC, Cluzel P, Coriat P, Rouby JJ. Mercat A. High positive end-expiratory pressure and low tidal volume in
Regional distribution of gas and tissue in acute respiratory distress syn- acute respiratory distress syndrome: all right for the right ventricle?
drome. III. Consequences for the effects of positive end-expiratory Crit Care Med 2010;38:986-7.
pressure. CT ScanARDS Study Group.Adult Respiratory Distress Syn- Plataki M, Hubmayr RD. The physical basis of ventilator-induced lung injury.
drome. Intensive Care Med 2000;26:1215-27. Expert Rev Respir Med 2010;4:373-85.
[91] Jardin F, Vieillard-Baron A. Is there a safe plateau pressure in ARDS? Sessler CN, Gay PC. Are corticosteroids useful in late-stage acute respiratory
The right heart only knows. Intensive Care Med 2007;33:444-7. distress syndrome? Respir Care 2010;55:43-55.

16 Anesthésie-Réanimation
Syndrome de détresse respiratoire aiguë ¶ 36-969-A-10

Shah CV, Lanken PN, Localio AR. An alternative method of acute lung injury Vieillard-Baron A, Bouferrache K, Charron C. Right ventricular function
classification for use in observational studies. Chest 2010;138: evaluation in acute respiratory distress syndrome: back to the future.
1054-61. Crit Care Med 2010;38:1909-10.
Terzi N, Pelieu I, Guittet L. Neurally adjusted ventilatory assist in patients Wilcox ME, Herridge MS. Long-term outcomes in patients surviving acute
recovering spontaneous breathing after acute respiratory distress respiratory distress syndrome. Semin Respir Crit Care Med
syndrome: physiological evaluation. Crit Care Med 2010;38:1830-7. 2010;31:55-65.

C. Guérin (claude.guerin@chu-lyon.fr).
J.-C. Richard.
Service de réanimation médicale, Hôpital de la Croix-Rousse, 103, Grande Rue de la Croix-Rousse, 69004 Lyon, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Guérin C., Richard J.-C. Syndrome de détresse respiratoire aiguë. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Pneumologie, 6-040-P-05, 2011, Anesthésie-Réanimation, 36-969-A-10, 2011.

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

Anesthésie-Réanimation 17
Cet article comporte également le contenu multimédia suivant, accessible en ligne sur em-consulte.com et
em-premium.com :

1 autoévaluation
Cliquez ici

2 iconographies supplémentaires

Iconographie supplémentaire 4
Histologie pulmonaire obtenue par biopsie pulmonaire chirurgicale au cours du syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA). a
à c. Dommages alvéolaires diffus à la phase aiguë d'un SDRA avec membranes hyalines (a), dépôt de fibrine (b) et thrombose
artériolaire (c). d, e. Phase fibroproliférative avec foyer de pneumonie organisée (d) et bourgeon fibreux endoalvéolaire (e).
Cliquez ici

Iconographie supplémentaire 5
Mesure de la pression plateau de fin d'inspiration (Pplat) au cours de la ventilation mécanique en mode volume-contrôlé. Pao :
pression dans les voies aériennes ; PEPt : pression expiratoire positive totale ; Esr : élastance du système respiratoire ; Csr :
compliance du système respiratoire ; VT : volume courant ; Ti : temps inspiratoire ; b : stress index.
Cliquez ici

Cliquez ici pour télécharger le PDF des iconographies supplémentaires

7 informations supplémentaires

Information supplémentaire 1
Score d'agression pulmonaire de Murray.
Cliquez ici

Information supplémentaire 2
Étiologies de l'atteinte pulmonaire au cours du SDRA.
Cliquez ici

Information supplémentaire 3
Principes de l'analyse scanographique quantitative.
Cliquez ici

Information supplémentaire 4
Les 3 types morphologiques de SDRA.
Cliquez ici

Information supplémentaire 5
Algorithme simplifié d'utilisation des diurétiques et du remplissage vasculaire dans le SDRA.
Cliquez ici

Information supplémentaire 6
Volume courant, pression expiratoire positive et pression plateau à j1 au cours des essais randomisés contrôlés ayant porté sur la
ventilation mécanique au cours du SDRA avec la mortalité du patient comme critère de jugement principal.
Cliquez ici

Information supplémentaire 7
Objectifs et moyens au cours de la première semaine d'évolution du SDRA après obtention des critères de SDRA.
Cliquez ici

Vous aimerez peut-être aussi