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Berman - Power Point

Francese 5
Lingua Francese
Università degli Studi di Salerno
33 pag.

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Sommaire
1. Introduction
2. Traduction ethnocentrique et traduction hypertextuelle
3. Les origines de la Traduction Ethnocentrique
4. Les formes de hypertextualité
5. L’analytique de la traduction et la systématique de la déformation
6. Tendances déformantes
7. L’éthique de la traduction
8. Hölderlin, ou la traduction comme manifestation
9. Les Intensifications
10. Les Modifications
11. Chateaubriand, traducteur de Milton
12. L'Énéide de Klossowski

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INTRODUCTION
Le texte de Berman est la version remaniée du séminaire déroulé au Collège
International de Philosophie en 1984.

La traduction est sujet et objet d’un savoir propre. Le point de départ est la
traduction en tant qu’expérience des œuvres, des langues, de l’essence de la
traduction.

Qu’est-ce que la traductologie? Méditer sur la totalité des formes existantes de la


traduction

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TRADUCTION ETHNOCENTRIQUE ET TRADUCTION
HYPERTEXTUELLE
Il faut distinguer entre deux formes traditionnelles de la traduction littéraire, qui
son les plus communes et utilisées depuis des siècles, considérées comme
indépassables. C’est à dire la traduction ethnocentrique et la traduction
hypertextuelle.
Selon Charles-Pierre Colardeau la traduction doit perfectionner l’originale et
l’embellir.
Traduction Ethnocentrique: Tout est lié à sa culture, ses valeurs et normes.
L’étranger est considéré comme négatif ou même positif afin d’enrichir la culture.
Traduction Hypertextuelle: réécriture intentionnelle d’un texte déjà existant.
On fait référence à un texte qui s’engendre par imitation, parodie, adaptation,
plagiat.

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LES ORIGINES DE LA TRADUCTION ETHNOCENTRIQUE
La traduction ethnocentrique est une réalité historique, qui est naît à Rome où
tous les textes grecs étaient traduits et cette entreprise de la traduction est le
vrai sol de la littérature latine et elle s’effectue par l’annexion systématique des
textes, des formes, des terms grecs, tout étant latinisé.

Le syncrétisme, c’est-à-dire une combinaison peu cohérente de doctrines et de


systèmes, caractérise la traduction ethnocentrique et hypertextuelle. Il se
retrouve aussi dans l’art romain.

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Cette entreprise de traduction existe grâce à ses théoriciens Cicéron et Horace
mais en particulier grâce à la traduction de la Bible de Saint Jérôme. Il affirme
que la traduction ne doit pas être «mot – à – mot»
mais elle doit exprimer le sens.

Ses principes remontent à:


 Saint Paul, qui distingue entre l’esprit et la lettre.

 Platon, qui fait une distinction entre «sensible»


et «intelligible», «corps» et «âme».

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Il existe une impulsion à la traduction: à l’impulsion de traduction s’ajoute
l’impulsion du christianisme. Il faut que tous peuvent entendre la parole de
Dieu et donc pour cette raison il est nécessaire de traduire.

On parle de traduction pour et pas de traduction par. C’est une entreprise qui
ne s’est jamais arrêtée.

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Il faut distinguer entre:
• Sens: un être en soi, une idéalité invariante qui passe d’une langue à l’autre.
Le but de la traduction est la captation du sens qui doit être détaché de sa
lettre (corps).
• Corps: c’est – à dire le signifiant du texte.

La traduction est le résultat de l’unité des langues. Si on suit la fidélité du sens,


on perd nécessairement la fidélité à la lettre, donc à la forme du texte.
Il faut que le sens soit transmis de la langue de départ (langue-source) à la
langue d’arrivée (langue-cible) parce que cette captation enferme le sens dans
une autre langue.

Cela est l’essence de la traduction ethnocentrique qui considère sa langue


comme supérieure et introduit le sens étranger de façon que le texte traduit ne
semble pas une traduction mais un texte écrit dans sa propre langue.

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La traduction:
 doit se faire oublier en faisant disparaitre tous les traces de la langue
d’origine.
 doit être écrite dans une langue normative.
 ne doit pas heurter les étrangetés lexicales ou syntactiques.
 doit assurer que le lecteur d’arrivé et le lecteur d’origine aient la même
impression du texte, donc on doit assurer le même effet en respectant le
texte d’origine.

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Il est nécessaire masquer la traduction: une œuvre qui ne sent pas la
traduction a été écrite d’une bonne langue. C’est le point où la traduction
ethnocentrique devient traduction hypertextuelle.

La relation hypertextuelle unit deux textes, l’un antérieur à l’autre: un texte


peut être imité, pastiché, parodié, commenté.

Les exigences de la traduction ethnocentrique conduisent le traducteur à


effectuer des opérations hypertextuelles.
Le traducteur traduit quelquefois littéralement et quelque fois librement,
quelquefois il pastiche ou adapte; toute traduction comporte une part de
transformation hypertextuelle.

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Beaucoup de poètes ont traduit d’autres poètes en se prenant des libertés qui ont
donné vie à des traductions qui sont en effet des recréations libres.
Il s’agit de formes hypertextuelles poétiques qui ne doivent pas être confondues
avec des traductions.

Historiquement la poésie est intraduisible donc elle ne peut pas être traduite à
cause du rapport entre le « son » et le « sens ». L’intraduisibilité de la poésie
constitue un valeur. Un poème intraduisible est un poème vrai.

Traduire ne signifie pas créer mais elle est seulement une hypertextualité servile,
en effet si une traduction est plus libre, elle est taxée de trahison. Beaucoup de
traducteurs s’excusent à l’avance pour l’imperfection de leur traduction.

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LES FORMES DE HYPERTEXTUALITÉ

1. Imitation et pastiche: ce sont les formes le plus proches à l’acte de traduire


parce qu’ils créent un nouveau texte sur la base des traits stylistiques d’un texte
d’origine. Le traducteur reproduit le système stylistique d’une œuvre et il utilise
aussi l’accentuation (comme dans le pastiche) de certains éléments afin de
compenser la perte de certains d’autres.

2. Transformation et Adaptation: dont les différences ne sont pas trop nettes.

3. Accommodation: c’est-à-dire la censure, coupure ou déguisement de l’original.

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L’ANALYTIQUE DE LA TRADUCTION ET LA SYSTÉMATIQUE
DE LA DÉFORMATION
Dans toutes les traductions opère un système de déformation des textes.
L’opération qui permet d’examiner cette déformation est appelée analytique
de la traduction :
 L’ analyse au sens cartésien: on analyse ce système de déformation partie
par partie.
 L’ analyse au sens psychanalytique:
ce système présente des forces qui
dévient la traduction de sa pure
visée.

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TENDANCES DÉFORMANTES
Les tendances déformantes plus communes qui concernent la prose littéraire sont:
1. Rationalisation: déforme l’original en modifiant la structure de la phrase ou des
séquences des phrases pour les arranger dans un ordre différent.
2. Clarification: on tend à clarifié le texte original s’ il résulte être indéfini ou celé.
Donc elle vise à rendre clair ce qui ne l’est pas et ne veut pas l’être dans
l’original.
3. Allongement: quand la traduction est plus longue que l’original c’est
généralement une conséquence des premières deux tendances: rationalisation
et clarification qui exigent un allongement du texte.
4. Ennoblissement: c’est une ré – écriture de l’original, un exercice de style,
parque la traduction est plus belle que l’original d’un point de vue formel et
esthétique, donc on produit des phrases élégantes.

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Tendances déformantes
5. Vulgarisation: on vulgarise le texte par exemple en utilisant un langage
parlé.
6. Appauvrissement qualitatif: une perte lexicale parce qu’on a moins de
signifiants dans la traduction par rapport à l’original.
7. Homogénéisation: tendance à unifier, à homogénéiser l’original.
8. Destruction des rythmes: quand la traduction brise la tension rythmique
de l’original.
9. Destruction des réseaux signifiants sous-jacents : la traduction ne transmet
pas les réseaux de signifiants clés sous la surface du texte.

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TENDANCES DÉFORMANTES
10. Destruction des systématismes textuels: la traduction ne respect pas le
systématisme de l’original, par exemple les types de phrases ou les
constructions utilisées, les subordonnées, etc.
11. Destruction des réseaux langagiers vernaculaires: par exemple des diminutifs,
remplacement des verbes actifs par des verbes avec substantifs.
12. Destruction des locutions et idiotismes: utiliser des équivalents d’une locution
ou d’un proverbe mais traduire n’est pas chercher des équivalences.
13. Effacement des superpositions de langues: quand dans le texte original il y a
plusieurs langues mais dans la traduction ce superposition est éliminé.

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L’ÉTHIQUE DE LA TRADUCTION
Avec la théorie de la traduction, on pense généralement à la traduction comme
une transmission de messages d’une langue-source à une langue-cible. On met
sur le même plan la traduction d’un texte technique et celle d’une œuvre, mais
un texte technique transmet des informations, une œuvre ne le fait pas.
On doit analyser le concept de communication:
• Traduction: processus de communication, de transmission de messages
d’une langue de départ (langue source) à une langue d’arrivée (langue-cible).
• Texte technique: message visant à transmettre de manière univoque une
certaine quantité d’information.
• Œuvre: elle ne transmet aucune espèce d’information, même si elle en
contient.

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 Le traducteur traduit pour un public, mais il est ainsi conduit à la trahison
du texte original et donc il trahit aussi son public parce qu’il présente une
œuvre «arrangée».Il ne pense qu’à la communication, qui devient non-
communication donc l’essentiel de la langue est perdu.

 L’écrivain écrit pour un public.

Selon Berman la visée ultime de la traduction est triple: éthique, poétique et


philosophique. En ce qui concerne la visée éthique, on parle d’exactitude et
de fidélité de la traduction.

La langue d’arrivée devient un auberge qui accueille l’œuvre étrangère en


préservant l’étrangeté. Donc, la traduction est animée du «désir d’ouvrir
l’étranger à son propre espace de langue».

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HÖLDERLIN, OU LA TRADUCTION COMME
MANIFESTATION
Humboldt dans la préface à sa traduction de l’Agamemnon d’Eschyle, déclare que
le texte traduit doit apparaître étranger sans produire un effet d’étrangeté.
Ce principe porte avec lui des limites: on traduit fidèlement sans rendre les
obscénités verbales.
Il modifie le texte d'une façon nouvelle et presque arbitraire: il opère le passage
par l'étranger pour accéder au propre en questionnant le mouvement circulaire de
la Bildung. Il oppose deux mouvements simultanés:
 L'épreuve de l'étranger
 L'apprentissage du propre

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L'art grec, pour le poète, a pour élément originel le feu du ciel et pour le
dominer il utilise la maîtrise de son opposé: la clarté de l'exposition, c'est-à-
dire la sobriété, la rationalité du logos, mais ce faisant il renie sa propre origine.

L’art occidental, au contraire, a pour principe la «clarté de l’exposition» et il a


dû conquérir le «feu du ciel» qui est pour lui la dimension la plus étrangère.

Par conséquent, chacun a fini par exceller dans ce qui lui est le plus opposé.

Statut double de la traduction de Hölderlin: il dégage, dans l’œuvre grecque, le


feu du ciel; mais au même temps il la rapproche de nous en la rendant plus
sobre qu’elle ne l’est réellement.

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Quatre opérations précises:
 Une traduction littérale/étymologisante
 Une traduction utilisant le vieil allemand, le souabe, le langage piétiste
 Des intensifications de l'original
 Des modifications du texte de Sophocle

Au début de la pièce, Ismène interpelle de la sorte Antigone (vers 21):


- τί δ᾽ ἔστι; δηλοῖς γάρ τι καλχαίνουσ᾽ ἔπος

Hölderlin choisit de traduire le verbe καλχαίνω selon son sens premier de « avoir
la couleur de la pourpre », et non selon son sens dérivé « etre sombre,
tourmenté ».

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Cela donne en allemand: Was ist's, du scheinst ein rottes Wort zu färben?
Littéralement: Qu'y a-t-il? Tu semble teindre une rouge parole.
Hölderlin a choisi une hyper-littéralité, une connexion entre s'assombrir et avoir la
teinte de la pourpre. La traduction "archaïsante" du verbe καλχαίνω n'est pas un
point de dètail, car Hölderlin, en choissisant le sens originaire
du mot, dévoile le feu du ciel, l'enthousiasme excentrique,
qui est l'élément celé de la pièce.

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LES INTENSIFICATIONS
Intensification est le terme employé pour décrire les accentuations introduites par
Hölderlin dans la traduction de Sophocle. Il dépasse le texte grec en le rendant
plus violent.
Là où Grosjean traduit: Voilà celle qui a commis le délit. Nous l'avons surprise à
enterrer. Où est Créon? (v.384-385)
L'allemand est nettement plus brutal: Die ists. Die hats gethan. Die griffen wir, da
sie das Grab gemacht, doch wo ist Kreon? (v.400- 401)
Re-traduit en français: C'est elle. C'est elle qui l'a fait. Nous l'avons prise à
fabriquer le tombeau. Mais où est Créon?
Dans le vers, le poète a voulu dégager ce qui, chez Sophocle, renvoie au « feu du
ciel », en accentuant une description qui lui paraissait trop statique ou
conventionnelle.

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LES MODIFICATIONS
Les modifications les plus frappantes sont celles qui regardent les noms des dieux.
Hölderlin les élimine très souvent, en les remplaçant par d'autres nominations:
• Zeus: père de la Terre
• Eros: esprit de l'Amour ou Esprit de la Paix
• Ares: esprit de la Guerre
• Aphrodite: la divine Beautè
• Bacchus: le dieu du Plaisir
Les nouvelles appellations font signe vers l'essence des figures divines dans leur
originalité orientale, mais en rebaptisant les dieux « Esprit », « Père », etc.,
Hölderlin les rapproche de notre mode de représentation, les occidentalise - car
pour nous, la divinité est Esprit.

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CHATEAUBRIAND, TRADUCTEUR DE MILTON
Dans les années 1800 en France, on a un grand mouvement de traduction qui rompt
avec la traduction classique des « belles infidèles » et s'attache aux particularités
des originaux.
Chateaubriand choisit de traduire le Paradise Lost de Milton littéralement, avec une
intense latinisation de l'anglais. Il traduit Milton à partir du modèle des traductions
latines. Il y a une correspondance frappante entre le détour du traducteur et
l’écriture de l'auteur, qui passe par la latinisation de l'anglais.
La littéralité de Chateaubriand n'est pas un « mot à mot » scolaire ou philologique.
Le but c'est de rendre les divers niveaux étayés de l'original et son épaisseur
signifiante.
La traduction de Chateaubriand est en prose, non en vers. Traduire Milton en prose
n'est pas forcément le trahir, mais lui faire subir une transformation, notamment en
ce qui concerne la tension rythmique. C'est une traduction avec une prose poétique.
C’est, en soi, déjà une traduction.

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Cette traduction est une re-traduction. Celui qui re-traduit n’a plus affaire à un
seul texte, l’original, mais à deux: l’original et la première traduction.

La traduction littérale est forcément une re-traduction, et vice-versa. Dans


Chateaubriand: la traduction littérale est l’expression d’un certain rapport à la
langue maternelle (qu’elle violente forcément).

Face à l’original et à sa langue, le premier mouvement du traducteur est


d’annexion et le second (la re-traduction) est d’investissement de la langue
maternelle par la langue étrangère.

Dans le seconde livre du Paradis Perdu on trouve la répétition du mot "many" qui
a été traduit par Chateaubriand avec le vieux mot français « maintes », parce qu'il
donne à la fois la traduction littérale et la même consonance.

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« Rocks, caves, lakes, fens, bogs, dens, and shades of death »

« Rocs, grottes, lacs, mares, gouffres, antres et ombres de la mort »

Chateaubriand a essayé de le rendre par les monosyllabes en retranchant les


articles. Le passage rendu de cette manière produit des effets d'harmonie
semblable mais aux dépenses de la syntaxe.

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La traduction littérale est nécessairement néologique. Toute grande traduction se
signale par sa richesse néologique, même quand l'original n'en comporte pas.
Mais la littéralité ne consiste pas seulement à violenter la syntaxe française ou à
néologiser, dans le texte de la traduction elle est aussi le maintien de l'obscurité
inhérente à l'original.
La traduction de Chateaubriand nous suggère qu'il n'opère pas seulement entre
deux langues mais qu'il y a toujours en lui une troisième langue sans laquelle la
traduction ne pourrait pas avoir lieu. Cette troisième langue supérieure et
médiatrice est le latin, qui occupe la position de langue-reine.
Selon Mallarmé, l'anglais a remplacé le latin en tant que langue reine. C’est une
langue qui n’est pas vraiment « étrangère », mais une langue « double » où se
mêlent et se composent les héritages de la langue d’oïl et de l'anglo-saxon, sans
pourtant se confondre.

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Chaque traduction a donc tendance à être multilingue et il est essentiel que le
traducteur soit poly-traducteur.

La traduction n’est peut-être pas possible, sous sa figure la plus accomplie, sans
l’opération cachée de cette troisième langue qui vient de médiatiser le rapport
entre deux langues en contact.

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L'ÉNÉIDE DE KLOSSOWSKI
La traduction de l'Énéide de Klossowski (1964) a été bien accueillie par la plupart des
critiques. Ces laudateurs ont salué en elle un évènement marquant dans l’histoire
de la traduction française (et même occidentale):

la « bataille de l’Enéide» qui s’est déroulée autour de la traduction de Klossowski est


la reprise d’une autre « bataille » qui a eu lieu au XVIe siècle autour de la même
œuvre et où le sort de la traduction et de la littérature en France s'est décidée. Un
travail doublement historique.

La traduction de l'Énéide de Klossowski n'est pas mot à mot. La littéralité de l'auteur


est bien plus complexe. Il prend en vue deux caractéristiques structurelles, l'une de
la langue latine et l'autre du dire épique.

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En ce qui concerne la langue latine, Michael Foucault écrit dans un article consacré
à l'Énéide de Klossowski: «La phrase latine [...] peut obéir simultanément à deux
ordonnances: celle de la syntaxe que les déclinaisons rendent sensible; et une
autre, purement plastique, que dévoile un ordre des mots toujours libre mais
jamais gratuit.»

Elle s'oppose évidemment au français:


«[…] la syntaxe prescrit l'ordre, et la succession des mots révèle l'exacte
architecture du régime.» L'ordre des mots donc n'est pas libre en français, et obéit
à des règles déterminées.

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I B TA N T O B S C U R I S O L A S U B N O C T E M P E R U M B R A M
P E R Q U E D O M O S D I T I S U A C U A S E T I N A N I A R E G N A . ( V. 2 6 8 -
269)

E N M O T À M O T: I L S A L L A I E N T O B S C U R S S O L I TA I R E S S O U S
( L A ) N U I T À T R AV E R S ( L ' ) O M B R E E T À T R AV E R S ( L E S )
D E M E U R E S D E D I S V I D E S E T ( L E S ) R O YA U M E S
I N C O N S I S TA N T S .

K L O S S O W S K I T R A D U I T: I L S A L L A I E N T O B S C U R S S O U S L A
D É S O L É E N U I T À T R AV E R S L ' O M B R E , À T R AV E R S L E S
D E M E U R E S D E D I S V A I N E S E T L E S R O YA U M E S D ' I N A N I T É .

SA TRADUCTION DONNE L'IMPRESSION D'ÊTRE LITTÉRALE:


 SOLA SUB NOCTEM DEVIENT « SOUS LA DÉSOLÉE NUIT ».
D ' A I L L E U R S , S O L A ( S O L I TA I R E ) E S T R E N D U E PA R D É S O L É E
( P O U R L ' A L L I T É R AT I O N A V E C " D E M E U R E S " E T " D I S " )
 U A C U A S ( V I D E S ) E S T R E N D U PA R V A I N E S .
 I N A N I A E S T R E N D U PA R I N A N I T É .

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Klossowski opère une forte latinisation du français. Elle s'effectue sans être un
calque, sans violer gratuitement la langue française.
Il s'agit d'implanter en français le caractère "disloqué" de la syntaxe latine,
d'introduire les rejets, les inversions, les déplacements, etc. du latin qui
permettent le jeu des mots dans le dire épique, mais sans les copier "tels
quels".

Voilà pourquoi « Ibtant obscuri sola sub nocte » devient « Ils allaient obscurs
la désolée nuit. »
Il y a une inversion de l'adjectif en français comme en latin, mais le lieu de
l'inversion dans le vers est changé, de manière que le français puisse
l'accepter.

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Placer "désolée" avant "sous" est refusé par le français, mais le placer avant
"nuit" est accepté. Le traducteur recherche les points où le français peut
naturellement redevenir latin épique.
La troisième langue dans ce cas est l’allemand. Pour toute traduction littérale
d'un texte antique, l'allemand est la référence absolue. C'est la seule langue
occidentale qui, par les biais de sa poésie et de sa philologie, entretienne un
rapport si intime avec le latin et le grec.

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