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Le droit des entreprises en difficulté après 30 ans
Droit dérogatoire, précurseur ou révélateur ?
DOI : 10.4000/books.putc.3241
Éditeur : Presses de l’Université Toulouse 1 Capitole
Lieu d'édition : Toulouse
Année d'édition : 2017
Date de mise en ligne : 26 septembre 2018
Collection : Actes de colloques de l’IFR
ISBN électronique : 9782379280634
http://books.openedition.org
Édition imprimée
Date de publication : 1 janvier 2017
ISBN : 9782361701574
Nombre de pages : 205
Référence électronique
MACORIG-VENIER, Francine (dir.). Le droit des entreprises en difficulté après 30 ans : Droit dérogatoire,
précurseur ou révélateur ? Nouvelle édition [en ligne]. Toulouse : Presses de l’Université Toulouse 1
Capitole, 2017 (généré le 26 septembre 2018). Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/
putc/3241>. ISBN : 9782379280634. DOI : 10.4000/books.putc.3241.
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IFR
Actes de colloques
N° 30
Sous la direction de
Francine MACORIG-VENIER
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ISSN : 1952-0964
ISBN : 978-2-36170-157-4
Réalisation & Impression :
www.corep-imprimerie.com
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SOMMAIRE
PRÉFACE
PRÉSENTATION DU CREDIF ET DES TRAVAUX
Corinne SAINT-ALARY-HOUIN ........................................................................................... 7
RAPPORT INTRODUCTIF
LES SOURCES DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ
Francine MACORIG-VENIER ............................................................................. 11
PREMIÈRE PARTIE :
Le droit des entreprises en difficulté, droit révélateur de l'entreprise
I. Entreprise et patrimoine
DÉTACHEMENT DU PATRIMOINE DE L’ENTREPRENEUR
Laurence Caroline HENRY ................................................................................. 37
LE DÉBITEUR
Marie-Pierre DUMONT-LEFRAND...................................................................... 91
LES ASSOCIÉS
Marie-Hélène MONSÈRIÉ-BON ........................................................................ 103
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III. Au regard des autres droits : Droit inféodé aux autres droits
DROIT DE LA CONCURRENCE :
Un droit inféodé aux autres droits - Droit de la concurrence
Gérard JAZOTTES ......................................................................................... 225
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DROIT DE L’ENVIRONNEMENT :
Le droit de l’entreprise en difficulté : un droit inféodé au droit de
l’environnement ?
Denis VOINOT ............................................................................................... 239
DROIT DU TRAVAIL :
Le droit des entreprises en difficulté, droit inféodé au droit du travail
Eugénie FABRIÈS-LECEA ............................................................................... 253
CONTRIBUTIONS ADDITIONNELLES
L’ESSOR DE LA PRÉVENTION
Hélène POUJADE ........................................................................................... 271
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PRÉFACE
Corinne SAINT-ALARY-HOUIN
Professeur à l’Université Toulouse Capitole,
Co-directrice du CDA et du CREDIF
C'est un double anniversaire que nous fêtons aujourd'hui : Plus de trente ans
(31 exactement) d'application de la réforme profonde du "droit des faillites"
effectuée en 1985 et de vie de notre Centre de recherche sur les entreprises en
difficulté (CREDIF) créé en 1986.
1. Pourquoi le CREDIF ?
A l'époque, c'était au siècle dernier... le président Isaac avait souhaité un
développement du Droit des affaires à l'Université des sciences sociales alors à
dominante civiliste. La loi du 25 janvier 1985 venait d'être adoptée et nous
avons eu l'idée de créer un Observatoire de l'application du texte dans la Région
Midi-Pyrénées. Nous? ... une petite équipe composée de Martine Dizel, maitre
de conférence en gestion et de trois doctorants : Francine Macorig, Marie-
Hélène Monsèrié et Bruno Amann devenus respectivement professeurs de droit
et de gestion. L'idée a plu et nous avons obtenu un soutien financier du
Commissariat général du plan, du Ministère de la justice et de la Région Midi-
Pyrénées ce qui nous a permis de financer l'achat d'un ordinateur et de procéder
à des enquêtes auprès de tous les tribunaux de commerce de la région.
Parallèlement, la même recherche a été effectuée à Nanterre sous la direction du
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PRÉSENTATION DU CREDIF ET DES TRAVAUX
très regretté Michel Jeantin, à Rennes par Danielle Briand et à Saint-Etienne par
Jeanne Pagès. Les résultats de l'observation ont convergé et nous avons publié
les résultats dans un numéro des Petites Affiches, le 13 avril 1990.
Le CREDIF était lancé et, à partir de là, nous avons multiplié les colloques
(28) - dont le premier a été publié dans le tome 34 des Annales de l'Université en
1986- ainsi que les thèses consacrées au Droit des Entreprises en difficulté (35),
les projets de recherche collective (4) ou les publications en commun (5) dont le
code des entreprises en difficulté, édité par Lexisnexis. Aujourd'hui, la matière
est enseignée dans 5 M1 et autant de M2. Le professeur Julien Théron a créé un
Diplôme d'université en ligne et nous allons mettre en place prochainement un
Master Administration et liquidation des entreprises en difficulté.
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CORINNE SAINT-ALARY-HOUIN
2. Pourquoi ce colloque ?
• Pendant toute cette période, les textes de lois consacrés aux entreprises en
difficulté se sont multipliés: lois du 10 juin 1994, 26 juillet 2005,
ordonnances du 18 décembre 2008, du 12 avril 2014, lois du 6 août 2015 et
du 18 novembre 2016 pour ne citer que les plus importants. Une réforme en
précède une autre à un rythme de plus en plus soutenu. Il nous a paru utile de
marquer un temps d'arrêt, un temps de réflexion et de réunir des
universitaires et des praticiens de renom pour jeter un regard un peu distancié
sur la construction de cette nouvelle branche du droit des affaires et du droit
de l'entreprise.
C'est cette problématique qui nous retiendra tout en ayant conscience que
l'ordre public des Entreprises en difficulté cède encore le pas devant d'autres
ordres publics : ordre public de la concurrence, de l'environnement ou ordre
public social.
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PRÉSENTATION DU CREDIF ET DES TRAVAUX
Nul doute que la journée sera très riche et elle n'aura pas été possible sans
des soutiens financiers et intellectuels:
3. Remerciements
Je voudrais adresser de sincères remerciements à tous ceux qui nous ont
aidés dans la construction de ce colloque :
A nos sponsors :
Le Conseil national des Administrateurs et mandataires judiciaires
représenté par Maître François Legrand, mandataire judiciaire, qui a toujours été
très proche de nos travaux.
Merci aussi et surtout à tous nos collègues qui ont spontanément accepté de
donner de leur temps et qui viennent de tous les coins de France ainsi qu'à
Madame le président Favre qui malgré ses lourdes responsabilités, au sein de
l'Autorité de la Concurrence, présidera la séance de cet après-midi.
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RAPPORT INTRODUCTIF
Francine MACORIG-VENIER
Professeur à l'Université Toulouse Capitole,
Directrice du CDA, Co-directrice du CREDIF
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LES SOURCES DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ
1
Un décret récent d’application de la loi de modernisation de la justice du XXIème siècle en donne un
dernier exemple (D. n° 2017-304, 8 mars 2017 : JO, 10 mars 2017 fixe les seuils d'ouverture d'un
compte distinct par procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire
(250 salariés ; 20 € de chiffre d’affaires).
2
A propos déjà du Rapport Doing business 2014 : J-L. Vallens, Le droit français de l’insolvabilité : des
signes encourageants de la Banque Mondiale, Rev. Proc. Coll. 2015, Alerte 1.
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FRANCINE MACORIG-VENIER
3
Né après l’avènement de la gauche au pouvoir en 1981, il a été modifié à la faveur de l’alternance
politique suivante.
4
M-A Frison-Roche, Les difficultés méthodologiques d’une réforme du droit des faillites, D. 1994, Chr.
p. 17 et s.
5
L’évolution postérieure à la loi de sauvegarde en atteste.
6
Sur les intérêts des créanciers, cf. infra, F. Pérochon, Les intérêts des créanciers : quelle évolution
depuis 30 ans ?, p. 111 et M. Dols, L’intérêt collectif des créanciers, p. 287. Sur l'intérêt du débiteur, cf.
infra, M-P. Dumont-Lefrand, Le débiteur, p. 91.
7
Cf. infra, L. Fin-Langer, Les salariés, p. 77.
8
Cf. infra, M-H. Monsèrié-Bon, Les associés, p. 103.
9
Cf. infra, C. Henry, Détachement du patrimoine de l’entrepreneur, p. 37 et P. Roussel Galle, Entreprise
et groupes en difficulté, p. 65.
10
Cette perpétuelle quête a constitué le thème d’un colloque de l’association Droit et commerce en
2008 : Le droit des entreprises en difficulté, terre de conflits, synthèse des intérêts contraires : Gaz. Pal.,
26/06/2008, n° 178.
11
Cf. infra, L. Sautonie-Laguionie, La déjudiciarisation du traitement des difficultés, infra, p. 171.
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LES SOURCES DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ
prévenir les difficultés à l’origine et qui constituent même le passage obligé vers
certaines procédures judiciaires aujourd’hui12. Au-delà, une forme – certes
atténuée – de contractualisation de la matière peut être observée : les accords ont
été encouragés, y compris dans les procédures judiciaires. Cette ouverture à
l’amiable, à l’accord, n’a pas manqué à son tour d’avoir un retentissement sur la
pratique, souvent inventive et désireuse d’améliorer sans cesse le dispositif
légal, et qui, in fine, a fortement contribué à enrichir les sources du droit des
entreprises en difficulté. Du fond, on en revient ainsi à la source, ou plutôt aux
sources.
12
Il s’agit des procédures de sauvegarde accélérées.
13
La présence et le rôle au demeurant croissant du ministère public en sont également un important
révélateur. Voir à ce sujet, J. Vallansan, Le rôle particulier du ministère public, p. 159.
14
Sur les rapports du droit des sûretés et du droit des entreprises en difficulté, cf. infra P-M. Le Corre,
Droit des sûretés, p. 213. Voir aussi sur la période de 20 ans après l’adoption de la loi du 25 janvier
1985 : L’évolution générale des sûretés réelles depuis 25 ans, in Ouvrage collectif de l’Institut Fédératif
de la Recherche Droit, Mutation des normes juridiques, Université des Sciences sociales de Toulouse,
Regards critiques sur quelques (r)évolutions récentes du droit, 2005, Tome 1, p. 413.
15
Il constitue une source d’inspiration et un véritable « banc d’essai » pour les procédures civiles
d’exécution : voir en ce sens P. Cagnoli, Le droit des entreprises en difficulté, un droit dérogatoire,
révélateur et précurseur au regard des procédures civiles d’exécution ?, infra p. 183.
16
Sur les rapports du droit des obligations et du droit des entreprises en difficulté, cf. infra. M. Borga,
p. 199. Voir aussi concernant le cas particulier des contrats bancaires, S. Sabathier, infra p. 303.
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17
Cf. infra D. Voinot, Le droit de l’entreprise en difficulté : un droit inféodé au droit de
l’environnement, p. 239 et E. Fabriès, Le droit des entreprises en difficulté, droit inféodé au droit du
travail, p. 253.
18
Cf. S. Atsarias, Les relations du droit des entreprises en difficulté et du droit du surendettement, infra
p. 313.
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LES SOURCES DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ
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Le rôle créateur de la pratique dans l’élaboration de la norme juridique, Table ronde, présentée par F.
Terré et animée par P. Hubert, avec J. Beechey, A. Outin-Adam, T. Revet, D. Tricot, L. Vallée, Gaz.
Pal, 18/04/2013, n° 108, ID : GPL124x8.
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20
C. Saint-Alary Houin, Les procédures collectives : le rôle de la jurisprudence dans l’évolution du droit
des faillites vers la sauvegarde des entreprises, in Bicentenaire du Code de commerce : la transformation
du droit commercial sous l’impulsion de la jurisprudence, Dalloz, 2007, p. 135 et s., n° 10.
21
C. Saint-Alary Houin, précit., n° 11 et F. Pérochon, Entreprises en difficulté, Mnaule, LGDJ, 10ème
éd. 2014, n° 63.
22
En 1994, le critère de convocation a été élargi à des faits de nature à compromettre la continuité de
l’exploitation alors que précédemment était nécessaire l’existence de comptes faisant apparaître une
perte nette comptable supérieure à un tiers des capitaux propres.
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LES SOURCES DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ
13. De la pratique des praticiens et des juridictions consulaires (qui n’ont pas
nécessairement donné lieu à des décisions jusqu’au sommet de la hiérarchie), on
23
Entreprises en difficulté : pratiques innovantes – aspects de droit interne et international, Cahiers de
droit de l'entreprise sept. 2009, n° 5, dossiers 25 et s.
24
R. Courtier et N. Laurent, Analyse de l’opération: Premier « PRE-PACK » à la française. – Rôle
prépondérant des magistrats consulaires, Cahiers de Droit de l’entreprise, précit., Dossier 27.
25
F-X Lucas, Le plan de sauvegarde apprêté ou le prepackaged plan à la française, précit., Dossier n°
28.
26
H. Bourbouloux et P. Chatelain, L’accord de conciliation homologué au secours des Spin off
d’entreprises en difficulté, BJE 2014/4, p. 225 ; P. Roussel-Galle et P. Le Marchand, « Du mandat ad
hoc et de la conciliation aux sauvegardes accélérées et prepack cession » : CDE 2015, dossier, 2.
27
M-H. Monsèrié-Bon, B. Amizet, G. Azam, C. Caviglioli, Le pre-pack cession FRAM : expériences et
enseignements, BJE mars 2016, 113c4.
28
Sur les aménagements souhaités par la pratique : J-B. Drummen, Prévention et sauvegarde, in Qu’en
est-il du Code de commerce 200 ans après ? Etat des lieux et projections, Actes du colloque des 27 et 28
octobre 2007, Travaux IFR, n° 8, Presses de l'Univ. des Sc. Sociales de Toulouse, p. 359 et s.
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15. Deux exemples marquants seront ici retenus, car ils touchent aux
frontières, au domaine du droit des entreprises en difficulté. Ils illustrent le
dépassement de l’approche personnaliste sur laquelle repose le droit des
entreprises en difficulté (les procédures s’appliquant à des personnes, à des
sujets de droit), un tel dépassement ayant été parfois suscité par la doctrine dont
le rôle dans la construction de ce droit des entreprises en difficulté, n’est pas non
plus négligeable. Ainsi, la jurisprudence a-t-elle permis de soumettre des entités
juridiquement distinctes à une même procédure, et inversement a-t-elle dessiné
ou redessiné les contours des actifs soumis à l’emprise de la procédure par la
reconnaissance de son « effet réel ».
29
C. Saint-Alary Houin, Droit des entreprises en difficulté, n° 444. Mais la jurisprudence passait par le
détour de la société de fait. Voir aussi du même auteur, Les procédures collectives : le rôle de la
jurisprudence dans l’évolution du droit des faillites vers la sauvegarde des entreprises, précit., n° 24.
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LES SOURCES DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ
l’empire de la loi de 1985 qu’elle a été forgée. Elle permet de sanctionner des
abus, des fraudes, spécialement le non-respect de la personnalité juridique
distincte des différentes sociétés d’un même groupe et plus largement de
différentes personnes, y compris physiques qui ont ou bien imbriqué leurs actifs
et passifs ou bien entretenu des relations anormales. Si la jurisprudence s’est
appuyée sur des dispositions légales relatives à la compétence, l’artifice était
grand et, en 2005, le législateur a choisi de donner une assise légale à cette
construction. Toutefois, cette consécration demeure très partielle – le régime
n’étant en particulier pas défini par la loi – si bien que la jurisprudence conserve
un rôle important. L’intérêt de cette construction offrant l’avantage de soumettre
les entités d’un même groupe à une procédure unique menée devant une même
juridiction est indéniable. Même si elle ne concerne que des sociétés entretenant
des rapports « pathologiques », elle n’en a pas moins constitué les prémices
d’une approche plus rationnelle de la situation des groupes de sociétés en
difficulté30. L’extension de procédure aboutit à étendre le gage des créanciers du
débiteur à l’égard duquel la procédure a été ouverte. Il en va de même d’autres
décisions.
17. Les contours des actifs soumis à la procédure ont été dessinés par la
jurisprudence qui a étendu les effets de la procédure aux biens communs alors
que la solution ne s’imposait pas avec la force de l’évidence. On y a vu la
reconnaissance déjà de « l’effet réel » de la procédure collective, étendant son
périmètre à tous les biens communs du débiteur31, effet que, en écho à une
certaine doctrine, a réaffirmé la Cour de cessation en précisant que les biens
communs étant ainsi appréhendés par la procédure ouverte en premier à l’égard
de l’un des époux et absents de la procédure ouverte en second à l’égard de
l’autre32.
30
A l’inverse, la construction du co-emploi développée par la chambre sociale de la Cour de cassation,
s’appliquant même hors procédure collective, a été critiquée et a conduit cette dernière à reculer quelque
peu.
31
C. Saint-Alary Houin, précit., n° 25.
32
Cass. com. 26 janv. 2016, n° 14-13.851, FS-P+B : D. 2016 p. 310 . Précédemment : Com. 16 mars
2010, n° 08-13.147, Bull. civ. IV, n° 55 ; D. 2010. Actu. 825, obs. A. Lienhard.
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33
Voir sur cette notion, F. Pérochon, Les intérêts des créanciers : quelle évolution depuis 30 ans, infra
p. 111 et M. Dols-Magneville, L’intérêt collectif des créanciers, infra p. 287.
34
Cass. Com. 15 nov. 2016, n° 14-26287 : Gaz. Pal. 2017, n° 2, p. 69 ID : GPL283j7 ; BJE mars 2017
p. 107, N. Borga.
35
B. Saintourens, Convention européenne des droits de l’homme et droit des procédures collectives, Dr.
Et P. Juill. 2010, n° 194, p. 80.
36
Ph. Roussel Galle, QPC et procédures collectives, LPA 29 sept. 2011, n° 194, p. 66.
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LES SOURCES DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ
37
Saisie d’un renvoi préjudiciel par les juridictions – la Cour de cassation – elles-mêmes ou par un
justiciable.
38
On pense ici, s’agissant des règles de procédure, à l’ouverture des voies de recours fermées par le
législateur ou à l’ouverture d’actions non prévues par la loi.
39
Tel est le cas notamment de la saisine d’office.
40
Cass. Com., 15 décembre 2015, n° 14-11.500 PB : Act. Proc. Coll. n° 17, Oct. 2015, repère 26, B.
Saintourens ; BJE 2015 n° 6, P. 345, M-H. Monsèrié-Bon ; BJE 2015 n° 6, p. 360, Th. Favario ;
RTDCom. 2016, p. 191, F. Macorig-Venier.
41
Cf. infra, J. Théron, Les règles dérogatoires à la procédure, p. 133 et O. Staes, Les limites au caractère
dérogatoire, p. 147. Sur la question, voir aussi : C. Saint-Alary Houin, Rapport de synthèse, Colloque
Nice « Procédure civile et procédures collectives », 2008, LPA 28/11/2008, n° 239, p. 89, ID
PA2008112889 ; J-L. Vallens, Droits de l’homme et droit des entreprises en difficulté, in Entreprises en
difficulté, Droit 360°, Lexis-Nexis, dir. P. Roussel Galle, p. 909.
42
Ph. Delmotte, L’accès au juge dans les procédures collectives, Petites affiches 28/11/2008, n° 239, p.
50 ID : PA2008112850.
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43
Jusqu’à l’excès parfois, ainsi que l'a dénoncé justement le professeur Pétel après l’adoption de la loi
du 18 nov 2014, se demandant comment pourront fonctionner les petites juridictions P. Pétel, Les
dispositions relatives aux entreprises en difficulté de la loi de modernisation de la justice
du XXIème siècle. À propos de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, JCP G 2016, 1341.
44
Conseil constitutionnel, 20 janvier 2012, décision n° 2011-212 QPC : BJE mars 2012, p. 120, n° 61,
S. Becqué-Ickowicz et S. Cabrillac.
45
S’agissant de la condamnation de la France par la CEDH : CEDH, 5 sect., 22 sept. 2011, aff.
60983/09, Tetu c/ France, Rev. sociétés 2011, p. 728, note Roussel-Galle P., Actualité proc. coll.
2011/19, comm. n° 286, Fricero N., Gaz. Pal. 21 janv. 2012, p. 6, note Renucci J.-F., BJE 2012,
p. 129, note Delattre C. La Cour s’est ensuite prononcée que sur la sanction de la durée excessive
de la procédure : Cass. com., 16 déc. 2014, n° 13-19.402, P+B+R+I D. 2015, p. 6, Lienhard A. ;
JCP E 2015, 1010, Lebel Ch. ; RLDA Fév. 2015, n° 101, p. 16, F. Macorig-Venier.
46
C. Constitutionnel du 11 février 2011.
47
Cass. Com. 16 oct. 2012, n° 11-22750 F-P+B : D. 2012, p. 2515, A. Lienhard ; BJE Janv-Fév. 2013,
p. 20, F. Macorig-Venier.
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2014 a renoncé et qui a été adoptée ensuite par la loi Macron moyennant le
respect de très nombreuses conditions pour éviter la censure du Conseil
constitutionnel. Les toutes dernières réformes, les deux ordonnances de 2014 sur
d’autres aspects, la Loi Macron, et plus récemment encore de la Loi 18
novembre 2016 « Justice XXIème siècle »48 contiennent ainsi chacune des
dispositions qui sont la conséquence directe de la prise en compte des droits
fondamentaux.
22. On ne peut manquer d’observer que depuis un peu plus de trente ans notre
droit s’est peu à peu ouvert aux influences extérieures jusqu’à comprendre, mais
de manière encore réduite, des sources internationales, essentiellement
européennes. La mondialisation des échanges a conduit à l’ouverture des esprits
avant d’irriguer à certains endroits la pratique puis de se traduire dans les textes.
L’influence ressentie est, à vrai dire, comme dans bien des Etats européens, une
influence nord-américaine et plus exactement encore celle des États-Unis. Elle
s’est manifestée, aussi curieux que cela puisse paraître, dans la grande loi
Badinter du 25 janvier 1985 avec l’adoption de la paralysie des poursuites des
créanciers en cas de clôture pour insuffisance d’actif, inspirée de la Discharge
du droit américain, destinée - déjà – à favoriser le rebond du débiteur. Plus près
de nous, la loi de sauvegarde des entreprises a puisé son inspiration dans la
procédure de réorganisation du Chapter eleven du Bankruptcy Code, pour
instituer la procédure de sauvegarde et, surtout, les fameux comités de créanciers
appelés à voter le plan. Il en va de même des prepackaged plans des procédures
de sauvegarde financière accélérée puis de sauvegarde accélérée (la pratique
48
Voir, sur l’ensemble de ce phénomène, J.-E. Gicquel et M. Roussille, Le nouveau droit des entreprises
en difficulté à l'épreuve du droit constitutionnel : Gaz. pal. 2015, n° 3, p. 32
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ayant servi de relais). D’autres règles récentes encore présentent une proximité
avec le Bankruptcy code nord-américain, comme la déclaration des créances par
le débiteur.
49
J. Béguin, Un ilôt de résistance à l’internationalisation : le droit international des procédures
collectives, Mélanges Loussouarn, D. 1994, p. 31.
50
P. Roussel Galle, Droit européen et droit des entreprises en difficulté, in Entreprises en difficulté,
Droit 360°, Lexis-Nexis, dir. P. Roussel Galle, p. 865.
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mais appelé à s’étoffer dans les deux ans selon une proposition de Directive
présentée le 22 novembre 2016.
Avant de les évoquer, il convient de signaler dans un autre registre, puisque
point n’est besoin ici de droit dérivé, les Lignes directrices concernant les aides
d’Etat aux entreprises, en principe proscrites51, cette interdiction de principe
ayant été toutefois tempérée. Le dispositif d’encadrement de ces aides repose sur
la rédaction par la Commission de lignes directrices depuis 1994. Les dernières
lignes directrices adoptées le 31 juillet 2014, applicables depuis le 1er août 2014
ont vocation à s’appliquer jusqu’au 31 décembre 202052. Elles soulignent à
l’évidence les relations du droit de la défaillance économique et du droit de la
concurrence53 et n’ont pas été sans influence sur le régime des remises accordées
par les créanciers publics à des entreprises en difficulté.
24. Ce règlement a pour origine la plus lointaine l’adoption, le 5 juin 1990, par
le Conseil de l’Europe d’une convention sur certains aspects internationaux du
droit de la faillite mais d’un domaine limité et ratifiée par un nombre insuffisant
d’Etats, puis l’adoption en 1995 par l’UE d’une convention relative aux
procédures d’insolvabilité, finalement devenue le Règlement n° 1346/2000 du
29 mai 200054, entré en vigueur le 31 mai 2002 et modifié par un Règlement
51
Il est estimé en effet que « le retrait des entreprises inefficaces est une donnée normale du
fonctionnement du marché ».
52
Th. Mastrullo, Aides d’Etat : nouvelles lignes directrices, Rev. Proc. Coll. 2015/4, p. 39, Comm. 92.
53
Sur lesquelles une approche plus large peut être conduite : voir le numéro spécial de la Revue
Internationale de Droit économique, 1995, n° 2, et dans ce numéro la présentation de C. Saint-Alary
Houin, Entreprises en difficulté et concurrence, p. 169. Voir surtout, infra, G. Jazottes, Droit des
entreprise en difficulté, un droit inféodé aux autres droits, Le cas du droit de la concurrence, p. 225.
54
La convention relative aux procédures d’insolvabilité avait été signée le 28 novembre 1995 mais
n’avait pas été ratifiée par le Royaume-Uni, si bien que le Parlement européen a adopté une résolution
invitant la Commission à la présentation d’une proposition de directive ou de règlement. Cela a été
rendu possible par le Traité d’Amsterdam qui a autorisé la transformation en règlements de certaines
conventions.
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2015/848 UE du 20 mai 2015 qui entre précisément en vigueur cette année, très
exactement le 26 juin 2017.
25. Le Règlement est a priori destiné à résoudre les conflits de loi en matière
d’insolvabilité : il permet de déterminer la juridiction applicable et, partant la loi
applicable. Il a néanmoins constitué une « avancée considérable »55 en
consacrant le principe de l’universalité de la faillite (procédure principale) et de
la reconnaissance mutuelle fondée sur la confiance mutuelle, qui toutefois trouve
sa limite dans l’ordre public, très strictement apprécié56. Toutefois, comme la loi
du for reste applicable en principe, le déroulement de ces procédures est
demeuré soumis aux législations des Etats membres sous quelques réserves.
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Toutefois, le droit du surendettement ne sera toujours pas concerné, la France n’ayant pas inclus ne
serait-ce que la procédure de rétablissement personnel avec liquidation dans l’annexe A, alors que le
Règlement lui-même a vocation à s’appliquer à toute personne physique. La Cour de cassation a ainsi
écarté l’application du Règlement aux procédures de surendettement dans un arrêt du 17 mars 2016
(Cass. Civ. 2, 17 mars 2016, n° 1426868, PBRI : LEDEN 2015/7, p. 5, F. Mélin ; Act. Proc. Coll.
2016/8, Alerte 99, V. Legrand ; Dr. et Patrimoine juillet-août 2016, n° 260, p. 92, F. Macorig-Venier).
Or, y compris dans le nouveau Règlement révisé de 2015, l’inscription à cette annexe demeure
essentielle.
60
Un chapitre entier y est consacré. Est prévue jusqu’à la création d’une procédure de coordination
collective se superposant aux différentes procédures engagées contre les sociétés d’un groupe, pour
lesquelles la coopération est renforcée à travers la conclusion d’accords ou de protocoles
61
Ainsi, une copie d’un formulaire uniformisé de déclaration sera adressé à tous les créanciers en
complément de la note leur indiquant à ces derniers les délais de déclaration et leur sanction. Ce
formulaire uniformisé détaillé de déclaration des créances va contribuer selon la doctrine au
rapprochement des législations des Etats membres et pourrait avoir une incidence sur le fond (cf. P.
Roussel Galle, précit..
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27. Les premières pierres en matière d’harmonisation ont été posées par des
directives de 2001 (modifiées depuis) concernant les établissements de crédit et
les entreprises d’assurance et transposées dans notre droit. Ces directives ne
concernaient que des entreprises particulières et non le « droit commun de
l’insolvabilité ou des entreprises en difficulté » accusant un retard immense. Une
nouvelle étape vient précisément d’être franchie, la Commission ayant tout
récemment adopté une proposition de directive et présenté celle-ci au Parlement
européen et au Conseil le 22 novembre dernier62.
62
Recueil Dalloz 2016 p. 2461, J-L. Vallens ; LEDEN Mars 207, p. 1, F-X Lucas.
63
Évaluation de la mise en œuvre de la recommandation de la Commission du 12 mars 2014 relative à
une nouvelle approche en matière de défaillances et d’insolvabilité des entreprises 30 septembre 2015
(disponible à l’adresse suivante :
http://ec.europa.eu/justice/civil/commercial/insolvency/index_en.htm).
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64
F. Macorig-Venier, L’anticipation des difficultés de l’entreprise, Modernité du droit français et
approche comparatiste, p. 339 et s. in, Qu’en est-il du Code de commerce 200 ans après ? Etat des lieux
er projections, Travaux de l’IFR, n° 8, 2009.
65
M. Menjucq, Faillites transfrontalières in chronique de Droit du commerce international : JCP G
2017, 226, n° 9 ; P. Roussel Galle, Quel droit de l’insolvabilité demain ?, Act. Proc. Coll. 2017/2,
Repère 2.
66
A. Gourio et M. Gillouard, Proposition de directive relative aux systèmes d’insolvabilité et de
restructuration des entreprises, RDBF Mars 2017, Comm. 94.
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plupart non contraignantes67. Il est vrai qu’en la matière, les faillites, quoique
spectaculaires, sont moins nombreuses.
Seuls des instruments non normatifs, de soft law, ont été élaborés,
notamment par la CNUDCI : en 1997, une loi-type sur l’insolvabilité
internationale qui se borne à régir les effets internationaux des faillites (elle tend
à organiser une coopération entre les tribunaux et les professionnels et à
favoriser la reconnaissance des procédures étrangères ; elle a inspiré le droit des
certains Etats relatif à la faillite internationale, dont l’Italie), puis un guide
législatif sur le droit de l’insolvabilité, lequel, en suggérant des orientations aux
Etats a pour ambition de faire évoluer leur droit matériel grâce à une
harmonisation.
67
Voir P. Nabet, Droit international et droit des entreprises en difficulté, in Entreprises en difficulté,
Droit 360°, Lexis-Nexis, dir. P. Roussel Galle, p. 923 et s.
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PREMIÈRE PARTIE
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I. Entreprise et patrimoine
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Détachement du patrimoine de l’entrepreneur
1. Etre unique ou être multiple, tel est le choix qui taraude désormais
l’entrepreneur, personne physique1. « Détachement du patrimoine de
l’entrepreneur » : l’association des termes reflète la tendance actuelle d’un droit
protecteur du patrimoine de l’entrepreneur confronté aux risques de son activité
économique. Détacher signifie séparer quelque chose de ce à quoi il adhère.
Détachement rime avec dédoublement patrimonial dans le cadre du match sans
fin qui oppose le débiteur – soucieux d’échapper à la rigueur des conséquences
patrimoniales des difficultés de son entreprise – à ses créanciers – soucieux de
ne pas faire les frais d’une insuffisance d’actif qui risque de les mettre eux-
mêmes en difficulté.
Bref, c’est l’éternel débat de l’art de ne pas payer ses dettes ou plus
raisonnablement de les renégocier pour mieux rebondir et garder l’appétit
d’entreprendre. Dans ce match les armes juridiques évoluent… la dernière idée
novatrice s’est attaquée à l’unité du patrimoine…
1
Ph. Roussel Galle, L’instrumentalisation du patrimoine et les procédures collectives : entre technique
et détournement, RJC, mars-avril 2015, n° 2, p. 239.
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DÉTACHEMENT DU PATRIMOINE DE L’ENTREPRENEUR
2
Ph. Roussel Galle et V. Leloup-Thomas, La protection du dirigeant : insaisissabilité, EIRL…, RPC, n°
4, juillet 2016, dossier 25.
3
Le statut est introduit par la loi n° 2010-658 du 15 juin 2010.
4
Au 30 juin 2013, l'INSEE a recensé près de 17 000 EIRL, ainsi trois ans après sa création l’EIRL ne
représente qu’autour d’1% des entreprises individuelles. Voir V. Legrand, EIRL et déclaration
d'insaisissabilité : quel bilan ? RPC nov. 2013, n° 6 dossier 31. L'étude d'impact accompagnant le projet
de loi Sapin 2 n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 indique qu'il existait 34 929 EIRL au 31 décembre
2015, dont un tiers de micro-entrepreneurs.
5
Il est possible de signaler un arrêt relatif à la recherche du bénéfice du rétablissement personnel, Cass.
civ.2e, 26 sept. 2013, n° 12-22.704.
6
L’insaisissabilité de droit de la résidence principale de l’entrepreneur est introduite par la loi no 2015-
990 du 6 août 2015.
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7
Les faiblesses du statut ont d’ores et déjà été dénoncées, V. Legrand, art. préc.
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DÉTACHEMENT DU PATRIMOINE DE L’ENTREPRENEUR
8
Cass. civ. 2e, 13 octobre 2016, n° 15-24.301, D. 2016, p. 2602, note N. Borga ; JCP E, II, 1650, note A.
Cerati-Gauthier ; Gaz. pal. 2016, n° 44, p. 31, note S. Piédelièvre ; Rev. Sociétés 2016, com. 206, note
M. Roussille.
9
D. Demeyre, Caractère collectif de la procédure et entrepreneur individuel à responsabilité limitée
(EIRL), RPC, mai 2012, n° 3, dossier 19.
10
A contrario, la procédure de rétablissement personnel s’impose pour le patrimoine personnel.
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8. Ainsi, l’action en réunion des patrimoines (C. com. art. L. 661-1, I, 3°)
envisagée en l’absence de patrimoine affecté à l’EIRL (C. com., art. L.526-6),
en l’absence de toute comptabilité autonome (C. com., art. L. 526-13)12. Les
effets sont proches de ceux l’action en extension : les patrimoines professionnels
et personnels sont réunis en une seule masse. Cette porosité reconnue entre les
patrimoines risque d’être plus dévastatrice dans le cadre de l’EIRL que dans
celui de l’EURL. En effet pour cette dernière, les effets sont cantonnés au temps
de la procédure collective. Pour l’EIRL faute de précision législative,
l’assimilation à la solution du droit des sociétés si elle est souhaitable n’est pas
acquise13.
Autre rapprochement évocateur : la responsabilité pour insuffisance d’actif est
applicable à l’EIRL dans les conditions posées par la loi de sauvegarde des
entreprises. Si la condamnation n’est pas automatique, sa menace est lourde de
conséquence pour l’entrepreneur14. Une fois encore sa situation est comparable à
celle du dirigeant associé unique de l’EURL.
9. Enfin et ce n’est pas la moindre carte dans le jeu du droit des entreprises en
difficulté, l’article L. 632-1, 11° du code de commerce vise expressément
l’EIRL pour soumettre aux nullités de la période suspecte toute affectation ou
modification de l’affectation d’un bien, exception faite du versement des
revenus (C. com., art. L. 526-18), dont il est résulté un appauvrissement du
patrimoine visé par la procédure au bénéfice d’un autre patrimoine de
l’entrepreneur.
10. Confronté à un tel bilan le peu de succès rencontré par le statut d’EIRL ne
surprend pas, en réponse, la loi n°2016-1691 dite Sapin 2 du 9 décembre 2016,
11
Ordonnance n° 2010-1512 du 9 décembre 2010, A. Guesmi, EIRL versus EURL à l’aune du droit des
procédures collectives, D. 2011, p. 104.
12
T.C. Dunkerque, 11 mars 2014, Gaz. Pal. 20 janvier 2015, p. 17, obs. F. Reille. B. Rolland,
Assignation en réunion de patrimoine d’un EIRL en procédure judiciaire devant le tribunal de
commerce formule, RPC, 1er janvier 2015, p. 81.
13
A. Guesmi, art. préc.
14
A. Guesmi, art. préc.
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11. Il n’en demeure pas moins que pour ce qui est de l’EIRL, le résultat du
match donne un avantage à la procédure collective ! On serait tenté de conclure :
un dédoublement de la personnalité de l’entrepreneur par affectation
patrimoniale pour rien ! L’EIRL n’est pas un statut aussi protecteur que prétendu
par ses promoteurs. La déception associée à sa nature juridique indéfinie16
expliquent sans doute son relatif échec. A l’inverse, la déclaration
d'insaisissabilité a connu un succès non démenti au point d’être déclinée par le
législateur.
15
A. Reygrobellet, Patchwork de nouveautés en droit des affaires, JCP N 13 janvier 2017, n° 2, 1006,
spéc. n° 5 et s.
16
V. Legrand, art. préc. n° 9.
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13. Introduite en droit français depuis plus de dix ans par la la loi no 2003-721
pour l'initiative économique du 1er août 2003 qui a inséré un article L. 526-1,
elle n’a cessé de prendre de l’importance. La loi de modernisation de l'économie
no 2008-776 du 4 août 2008 a étendu son domaine à « tout bien foncier bâti ou
non bâti non affecté à un usage professionnel ». Enfin, dernier épisode, la loi
n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances
économiques prévoit l’insaisissabilité de plein droit de la résidence de
l’entrepreneur individuel à l’égard de ses créanciers professionnels. La
disparition de la déclaration d'insaisissabilité au profit de la protection légale de
la résidence de l’entrepreneur un temps envisagée a été finalement écartée.
Désormais, le mécanisme légal s’ajoute à la déclaration notariée.
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17
Cass. com., 13 mars 2012, n° 10-27.087.
18
Cass. com., 28 juin 2011, n° 10-15.482 ; Bull. civ. 2011, IV, n° 109 ; JCP E 2011, 1551, F. Pérochon ;
JCP E 2011, 1596, n° 7, obs. Ph. Pétel ; JCP N 2011, n° 36, 1238, Ch. Lebel ; D. 2011, p. 1751, obs. A.
Lienhard ; D. 2011, p. 2201, obs. P.-M. Le Corre ; Gaz. Pal. 7-8 oct. 2011, p. 11, note L. Antonini-
Cochin ; LEDEN 2011, p. 1, F.-X. Lucas ; Bull. Dict. perm. entr. diff., n° 328, p. 1, J.-P. Remery et p. 4,
Ph. Roussel Galle ; Rev. sociétés 2011, p. 526, Ph. Roussel Galle ; LPA 23 nov. 2011, p. 8, F. Reille ;
Dr. et proc. déc. 2011, cah. dr. entr. diff., p. 16, obs. F. Reille.
19
Cass. com.,
18 juin 2013, n° 11-23.716 ; RD bancaire et fin. 2013, comm. 159, S. Piedelièvre ; JCP E
2013, 1452, Ch. Lebel ; D. 2013, p. 1618, obs. A. Lienhard ; Bull. Joly Sociétés 2013, p. 667, obs. E.
Mouial-Bassilana ; Dr. et proc. nov. 2013, cah. dr. entr. diff., p. 16, obs. F. Reille. Cass. com., 24 mars
2015, préc. Cass. com., 30 juin 2015, n° 14-14.757 ; Rev. proc. coll. 2016, comm. 14, G. Berthelot ;
Cass. com., 22 mars 2016, n° 14-21.267, D. 2016, p. 702, obs. X. Delpech ; Rev. sociétés 2016, p. 393,
obs. L.C. Henry.
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droit de poursuite sur cet immeuble, qu'il doit être en mesure d'exercer en
obtenant, s'il n'en détient pas un auparavant, un titre exécutoire par une action
contre le débiteur tendant à voir constater l'existence, le montant et l'exigibilité
de sa créance". Cette approche prend un relief tout particulier dans un arrêt du 4
mai 201720 en raison des circonstances de l’affaire. Après le constat de la
« caducité » du plan de redressement précédemment arrêté au profit du débiteur,
ce dernier est placé en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire. Le
liquidateur avait obtenu par un arrêt du 25 mai 2010 devenu irrévocable la
reconnaissance que la déclaration d'insaisissabilité du débiteur soit inopposable
au montant des créances correspondant aux créances nées antérieurement à la
déclaration d'insaisissabilité. La cour d'appel en avait déduit que le juge-
commissaire pouvait autoriser le liquidateur à poursuivre la vente de l’immeuble
par adjudication… La Cour de cassation casse : « l’arrêt du 25 mai 2010 était
dépourvu de l’autorité de la chose jugée à l’égard des créanciers dont les droits
étaient nés postérieurement à la publication de la déclaration d’insaisissabilité,
de sorte que le juge-commissaire ne pouvait, sans excéder ses pouvoirs, autoriser
le liquidateur à procéder à la vente d'un immeuble dont l'insaisissabilité lui était
opposable ».
20
Cass. com., 4 mai 2017, n° 15-18.489.
21
Cass. com., 2 juin 2015, n° 14-10.383, inédit ; Gaz. Pal. 18-20 oct. 2015, p. 28, obs. D. Voinot ; Bull.
Joly Entreprises en difficulté 2015, p. 292, obs. J. Théron ; LEDEN oct. 2015, p. 5, obs. P. Rubellin ;
RPC mars 2016, n° 2, com. 51, Fl. Reille.
22
Cass. com., 13 mars 2012, n° 11-15.438 : JurisData n° 2012-004300 ; Bull. civ. 2012, IV, n° 53 ; Dr.
et proc. mai 2012, cah. dr. entr. diff., p. 5, obs. Ph. Roussel Galle ; D. 2012, p. 807, obs. A. Lienhard ; D.
2012, p. 1460, obs. F. Marmoz ; D. 2012, p. 2201, obs. P.-M. Le Corre ; Rev. sociétés 2012, p. 394, L.-
C. Henry ; Bull. Joly Sociétés 2012, p. 495, obs. M.-H. Monsèrié-Bon.
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Discrète pour ne pas être publiée, cette décision est confirmée par l’arrêt du 15
novembre 201623 qui lui a les honneurs de la publication et se place dans le
prolongement de l’arrêt du 2 juin 201524 précisant que les actions prises dans
l’intérêt collectif des créanciers ont pour but la protection et la reconstitution du
gage commun des créanciers. La Cour de cassation affirme en novembre 2016 :
« la déclaration d'insaisissabilité n'étant opposable à la liquidation judiciaire que
si elle a fait l'objet d'une publicité régulière, le liquidateur, qui a qualité pour agir
au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers, est recevable à en contester la
régularité à l'appui d'une demande tendant à reconstituer le gage commun des
créanciers ». Il faut prendre la juste mesure de cette décision. La chambre
commerciale reconnaît au liquidateur le droit de contester rien de plus. Ce droit
n’est que le prolongement de la qualité pour agir reconnue au liquidateur pour
protéger et reconstituer le gage commun des créanciers. La déclaration
d'insaisissabilité reste pleinement opposable à la procédure dès lors qu’elle fait
l’objet d’une publicité régulière, mais le liquidateur est juste recevable à
contester la régularité de cette publicité. La reconnaissance de ce droit n’augure
en rien le contenu de la régularité de la publication…
23
Cass. com., 15 nov. 2016, n° 14-26.287, FS-P+B+I ; D. 2016, p. 2333, obs. A. Lienhard ; LEDEN
déc. 2016, p. 1, obs. F.-X. Lucas ; RPC janvier 2017, n° 1 com. 3 Fl. Reille.
24
Cass. com., 2 juin 2015, n° 13-24.714, F-P+B+R+I ; JCP E 2015, 1422, n° 7, obs. Ph. Pétel ; Act.
proc. coll. 2015-12, repère 184, F.-X. Lucas ; Bull. inf. C. cass. 1er déc. 2015, n° 771 ; D. actu 4 juin
2015, obs. A. Lienhard ; D. 2015, p. 1970, obs. P.-M. Le Corre ; LEDEN juill. 2015, p. 4, n° 102, obs.
G. Loiseau ; BJE 2015, p. 313, note A. Donnette-Boissière ; Gaz. Pal. 22 sept. 2015, p. 19, note J.
Théron ; Gaz. Pal. 18-20 oct. 2015, p. 29, note I. Rohart-Messager.
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25
L. Le Mesle à propos des arrêts du 5 avril 2016 n° 14-24.640 et du 12 juillet 2016, n° 15-17.321.
26
Fr. Pérochon, Entreprises en difficultés, LGDJ 10e éd. 1996, n 1196.
27
Cass. com., 5 avril 2016, n° 14-24.640, D. 2016, p. 837, obs. A. Lienhard, D. 2016, p. 1296, note N.
Borga ; Rev. sociétés 2016, p. 393, obs. L. C. Henry ; RPC 2016, étude 8, n° 12, obs. Fl. Petit ; RD
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DÉTACHEMENT DU PATRIMOINE DE L’ENTREPRENEUR
bancaire et financier 2016, comm. 125, note D. Legeais ; Gaz. pal. 2016, n° 24, p. 54, note P.-M. Le
Corre ; RJCom 2016, p. 268, note Ph. Roussel Galle ; JCP N 2016 n° 1218, note Fr. Vauvillé ;
Procédures 2016, comm. 236, note B. Rolland, arrêt confirmé par Cass. com., 12 juillet 2016, n° 15-
17.321 et par un avis du 12 septembre 2016, Cass. avis, 12 septembre 2016, n° 16010P, Procédures,
nov. 2016, n° 11, comm. 334, obs. B. Rolland.
28
F.-X. Lucas, obs. sous Cass. com., 28 juin 2011, LEDEN-7 juill. 2011, n° 119, p. 1.
29
La question peut se poser dans la mesure où l’évolution de votre jurisprudence laisse voir un fusion de
ses fondements : exclusion du bien du périmètre de la procédure et défaut de qualité à agir du
liquidateur. Avis de M. L. Le Mesle, Cass. com., 24 mars 2014 n° 14-10.175, préc.
30
Cass. com., 4 mai 2017, n° 15-18.348.
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19. La question se pose de savoir si l’effet réel est hypertrophié au point de nier
l’existence même de l’effet personnel de la procédure. La jurisprudence actuelle
a sa logique et elle devrait continuer à justifier certaines solutions. Par exemple,
un créancier à qui la déclaration d'insaisissabilité n’est pas opposable est-il
soumis à l’article L. 643-11 du code de commerce ? En d’autres termes, après la
clôture de la liquidation judiciaire ce créancier ne recouvre-t-il son droit de
poursuite individuelle que si les conditions de l’article L. 643-11 sont vérifiées ?
La solution doit nécessairement prendre en compte l’arrêt du 5 avril 2016 car
dès lors que le créancier à qui la déclaration d'insaisissabilité n’est pas opposable
peut poursuivre la réalisation des biens sous déclaration d'insaisissabilité en
application du droit commun cela signifie que son droit de poursuite n’étant pas
suspendu, il n’a pas besoin d’être recouvré. La logique veut que « l’effet réel de
la procédure collective l’emporte sur son effet personnel ou non. Mais il ne peut
pas l’emporter dans un cas et pas dans l’autre. »31. Il n’en demeure pas moins
que l’effet personnel de la procédure pourrait s’imposer dans des circonstances
particulières. Ainsi la déchéance du terme du débiteur soumis à une liquidation
judiciaire n’a d’effet qu’à son égard, elle ne s’étend pas à ses coobligés32… Pour
poursuivre l’exécution, le créancier à qui la déclaration d'insaisissabilité n’est
pas opposable devra-t-il établir l’exigibilité de la créance à l’égard des coobligés
du débiteur mis en demeure en application de l’article 311-2 du code des
procédures civiles d’exécution ? L’hypertrophie de l’effet réel de la procédure
devrait rencontrer dans certaines hypothèses les limites irréductibles du caractère
personnel de la procédure…
31
L. Le Mesle, préc.
32
Cette solution jurisprudentielle est reprise par le nouvel article 1305-5 du code civil introduit pas
l’ordonnance du 10 février 2016
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d’ouverture avant que le jugement d'ouverture soit exequaturé33 Il reste que les
biens du débiteur situés à l’étranger n’étaient pas épargnés par la saisie
collective en application du droit français et que les relations entre le débiteur et
ses créanciers sont des droits personnels reposant sur le rapport juridique qu’est
l’obligation. Nier ce caractère en permettant aux créanciers à qui la déclaration
d'insaisissabilité est inopposable d’échapper aux règles de la discipline
collective peut surprendre.
33
Cass. civ. 1re, 19 nov. 2002, n° 00-22.334 « Sous réserve des traités internationaux ou d'actes
communautaires non applicables en l'espèce, et dans la mesure de l'acceptation par les ordres juridiques
étrangers, le redressement judiciaire prononcé en France produit ses effets partout où le débiteur a des
biens. L'article 6, paragraphe 1er, de la Conv. EDH ne saurait faire obstacle aux principes d'universalité
de la faillite ainsi qu'à celui d'égalité des créanciers chirographaires qui caractérise toute procédure
collective et qui postule l'interdiction des poursuites individuelles et la soumission des créanciers aux
obligations du plan de redressement » D. 2002, AJ p. 3341, obs. A. Lienhard ; D. 2003, Jur. p. 797, note
G. Khairallah ; JCP 2002, II, n° 10201, concl. J. Sainte-Rose, et note S. Chailié de Néré ; Act. proc. coll.
2003, n° 19, obs. M. Menjucq ; JDI 2003, p. 312, note P. Roussel-Galle ; J.-L. Vallens, RTD com
2003.169, D.2003.1625, obs. L. C Henry, P. Courbe, L’effet international de la faillite : la solution de la
Cour de cassation, In l’effet international de la faillite, Colloque Rouen 2004, Thèmes et commentaires,
actes Dalloz, 2004, p. 15.
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34
Créanciers non professionnels, créanciers à qui la déclaration d'insaisissabilité n’est pas opposable, à
qui la déclaration d’EIRL n’est pas opposable…
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DE QUELQUES LIMITES À LA COHÉRENCE DU
DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ
Sabrina DELRIEU
Maître de conférences HDR à l'Université de Corse
1
L. n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l’initiative économique.
2
L. n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie.
3
L. n° 2010-658 du 15 juin 2010 relative à l’entrepreneur individuel à responsabilité limité.
4
Cass. com. 28 juin 2011 (n° 10-15.482), BC IV, n° 109 ; D. 2011, p. 1751, obs. A. Lienhard. Conf.
notamment par Cass. com. 24 mars 2015 (n° 14-10.175), BC IV, n° 56 ; D. 2015, p. 1302, note N.
Borga – Cass. com. 22 mars 2016, (n° 14-21.267), D. 2016, p. 721 – Cass. com. 5 avril 2016 (n° 14-
24.640), D. 2016, p. 837, obs. A. Lienhard.
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DE QUELQUES LIMITES À LA COHÉRENCE DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ
du 9 décembre 2010 limite l’effet réel de la procédure collective d’un EIRL aux
seuls biens, droits et obligations rattachés à l’activité en difficulté5. Partant, la
procédure collective d’un entrepreneur individuel qui a conclu une déclaration
d’insaisissabilité, qui a créé son entreprise après l’entrée en vigueur de la loi
Macron6, ou qui a adopté le statut de l'EIRL appréhende seulement les biens
rattachés à l’exploitation de l’entreprise défaillante. La vocation concomitante à
s’appliquer de ces mécanismes et du droit des entreprises en difficulté révèle
alors incontestablement la notion d’entreprise.
Que devient ce constat lorsque le débiteur est marié ou ne détient sur les
biens de son patrimoine que des droits indivis ?
Le législateur a souhaité maintenir la cohérence du livre VI du Code de
commerce en prévoyant que l’insaisissabilité et le régime de l’EIRL
s’appliquent également aux biens communs et aux biens indivis. Mais
l’élaboration de ces règles est-elle suffisante à parvenir au but recherché ?
Assurément non, et nous ne pouvons pas nous contenter de cet état du droit qui
doit encore évoluer dans la mesure où la question des droits du conjoint sur ses
biens, qu’ils soient propres ou personnels, demeure, de même que celle du sort
non satisfaisant des biens indivis.
5
Art. L. 680-2 C. com.
6
L. n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (dite
loi Macron), entrée en vigueur le 8 août 2015.
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SABRINA DELRIEU
Le sort des biens en cas de procédure collective d’un débiteur marié résulte
de l’application conjuguée des régimes matrimoniaux et du droit des entreprises
en difficulté. Cela conduit à l’appréhension des biens communs par la procédure
collective (A) et à l’attraction des biens du conjoint in bonis, qu’ils soient
propres ou personnels. Toutefois, cet effet réel de la procédure est en voie
d’évolution (B).
7
V. infra.
8
Art. 1413 C. civ. : « Le paiement des dettes dont chaque époux est tenu, pour quelque cause que ce
soit, pendant la communauté, peut toujours être poursuivi sur les biens communs, à moins qu’il n’y est
eu fraude de l’époux débiteur et mauvaise foi du créancier, et sauf récompense due à la communauté
s’il y a lieu. »
9
La Cour de cassation a eu l’occasion de préciser la portée de cette règle lorsque deux procédures sont
ouvertes successivement contre chaque époux respectif. Ella a alors considéré dans un arrêt du 16 mars
2010 (Cass. com. 16 mars 2010, n° 08-13.147) que les biens communs sont intégralement et
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DE QUELQUES LIMITES À LA COHÉRENCE DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ
Le problème est alors suscité par le fait que la destination du bien importe peu,
c’est-à-dire qu’il n’est fait aucun cas du point de savoir s’il peut être rattaché à
l’entreprise défaillante, s’il répond à un usage privé du débiteur, voire s’il est
nécessaire à l’exercice de la profession du conjoint in bonis. De même, aucune
importance n’est donnée à l’acquéreur du bien (l’époux débiteur, son conjoint ou
les deux), dès lors qu’en l’absence de déclaration d’emploi de fonds propres
dans l’acte d’acquisition, tout bien acquis à titre onéreux pendant le mariage est
réputé commun. De façon plus exorbitante encore, sont qualifiés de communs
les gains et salaires des époux, et, a fortiori, ceux du conjoint in bonis, ainsi que
les revenus de leurs propres.
De ce point de vue, le traitement des biens communs par le droit des entreprises
en difficulté apparaît comme une limite à la révélation de l’entreprise.
Le livre III du Code civil ne fait aucun cas des effets de la procédure
collective d’un époux sur les biens de son conjoint. En revanche, ces effets sont
organisés par le livre VI du Code de commerce10.
Néanmoins, ces règles sont critiquées car elles renferment deux écueils. D’une
part, elles portent en elles une suspicion de fraude à l’endroit du conjoint qui est
définitivement attraits à la première procédure. Solution confirmée : Cass. com. 26 janv. 2016, n° 14-
13.851 : la clause du contrat de vente aux termes de laquelle le prix serait remis par moitié à chaque
liquidateur est contraire à la règle d’ordre public de répartition du prix de vente et doit, par conséquent,
être déclarée illicite.
10
Section II « Des droits du conjoint » du chapitre IV du titre II, telle qu’elle figurait dans le code lors
de l’entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 2005.
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11
Cass. com. 24 mai 2005 (n° 03-15.813), Gaz. Pal. 5 nov. 2005, p. 52, obs. F. Vauvillé. V. également,
Cass. com. 24 juin 2003, D. 2003, p. 2167, note Ph. Delmotte.
12
Cons. const. n° 2011-212 QPC, 20 janv. 2012 (JO 21 janv. 2012).
13
Rapport 2012, p. 55 ; Rapport 2013, p. 38 ; Rapport 2014, p. 30.
14
Rapport 2015, p. 49.
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Le sort des biens indivis en cas de procédure collective d’un indivisaire est
dicté par le pouvoir d’engagement du débiteur au jour du jugement d’ouverture.
La solution dépend donc des circonstances (A). Lorsque maintenant les biens
indivis sont insaisissables ou ont été affectés à l’exploitation de l’activité en
difficulté, les réponses que nous formulerons relèvent de la supputation dans la
mesure où ces mécanismes ne tiennent pas compte de la spécificité de
l’appropriation indivise. L’incertitude née des imprécisions légales suscite donc
un problème de détermination des règles applicables (B).
15
C. Saint-Alary-Houin, « Il est temps de repenser la situation du conjoint dans les procédures
collectives ! », BJE mars 2016, p. 87 et s. – M.-P. Dumont-Lefrand et C. Lisanti, « Feu l’article L. 624-6
du Code de commerce », Rev. proc. coll. 2012, ét. 8.
16
P. Rubellin, Régimes matrimoniaux et procédures collectives, thèse Strasbourg III, 1999 - F.-X.
Lucas, « L’attraction du conjoint in bonis dans la procédure collective », PA 24 avril 2003, n° 82,
p. 4 et s.
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Néanmoins, dans certains cas, les biens indivis peuvent faire l’objet de la
saisie collective. Il en est ainsi dans deux séries d’hypothèses :
• Lorsqu’au prononcé du jugement d’ouverture de la procédure, ils faisaient
partie du gage commun des créanciers du débiteur19. Ce peut être le cas
lorsque la procédure collective est ouverte avant la naissance de
l’indivision20 et ça l’est assurément en cas de procédure collective post
mortem.
17
Art. 815-17 C. civ. : « Les créanciers qui auraient pu agir sur les biens indivis avant qu'il y eût
indivision, et ceux dont la créance résulte de la conservation ou de la gestion des biens indivis, seront
payés par prélèvement sur l'actif avant le partage. Ils peuvent en outre poursuivre la saisie et la vente
des biens indivis.
Les créanciers personnels d'un indivisaire ne peuvent saisir sa part dans les biens indivis, meubles ou
immeubles.
Ils ont toutefois la faculté de provoquer le partage au nom de leur débiteur ou d'intervenir dans le
partage provoqué par lui. Les coïndivisaires peuvent arrêter le cours de l'action en partage en
acquittant l'obligation au nom et en l'acquit du débiteur. Ceux qui exerceront cette faculté se
rembourseront par prélèvement sur les biens indivis. »
18
V. Cass. 1re civ. 10 juin 2015 (n° 14-14.599), APC 2015-13, n° 205.
19
Cass. 1re civ. 14 juin 2000, D. aff. 2000, n° 26, p. 318, obs. A. Lienhard ; Def. 2001, art. 37320, p. 368
et s., obs. J.-P. Sénéchal - Cass. com. 19 déc. 2000, Def. 2001, art. 37390, p. 943 et s., obs. Ph. Théry -
Cass. com. 18 fév. 2003 (n° 00-11.008), D. 2003, somm. p. 1620 et s., obs. P.-M. Le Corre - Cass. com.
18 févr. 2003 (n° 00-13.100), JCP N 2003, n° 47, p. 1701 et s., note F. Vauvillé.
20
En revanche, il est un cas où la procédure collective ouverte avant la naissance de l’indivision ne
conduit pas à la saisie collective des biens indivis. Il en est ainsi lorsque le débiteur hérite avec d’autres
après le jugement d’ouverture car, dans cette hypothèse, il ne pouvait pas engager les biens indivis au
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• Lorsque tous les indivisaires sont soumis à une procédure collective unique
puisque, dans ce cas, l’ensemble des quotes-parts indivises est appréhendé.
Il en est ainsi en cas d’extension de la procédure collective d’un indivisaire
à tous ses consorts pour cause de confusion des patrimoines.
Qu’en est-il de cette conclusion lorsque les biens indivis sont insaisissables
ou sont affectés à l'exploitation d'une entreprise soumise au statut de l'EIRL ?
jour de l’ouverture de la procédure (hypothèse visée à l’article L. 641-19, IV C. com.). Aussi, le critère
temporel, à savoir si l’indivision est antérieure ou postérieure à la procédure collective, est en lui-même
insuffisant, encore faut-il que les biens indivis aient pu être engagés par le débiteur lors de l’ouverture de
la procédure collective.
21
Art. L. 526-11 C. com.
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Lorsque l’EIRL est soumis à une procédure collective, il est acquis que le
périmètre de la procédure s’étend au patrimoine – affecté ou non affecté –
auquel l’activité en difficulté est rattachée, tel qu’il est composé au jour du
jugement d’ouverture de la procédure26. Partant, deux situations doivent être
identifiées :
• 1re hypothèse : si l’entier bien indivis est affecté à l’activité en difficulté, il
fait l’objet de la saisie collective. Le principe d’exclusion du bien indivis de
la procédure dénoncé il y a un instant ne prospère donc pas dans ce cas.
Néanmoins, ne peut-on pas considérer que l’accord de tous les indivisaires
à l’affectation conduit à un mandat tacite de gestion pour le compte de
l’indivision ? Une réponse affirmative supposerait de reconnaître la qualité
d’exploitant aux coïndivisaires et, à ce titre, reviendrait à les soumettre à
une procédure collective27. Le risque serait par ailleurs accru si le bien
affecté était une entreprise indivise.
• 2e hypothèse : si seulement la quote-part indivise de l’EIRL est affectée,
seule celle-ci doit figurer à l’actif procédural.
quote-part indivise du bien immobilier nécessaire ou utile à son activité sans que ne lui soit opposé
l’interdiction de faire entrer un même bien ou une même partie d’un bien dans plusieurs patrimoines
d’affectation.
26
Art. L. 680-2 C. com.
27
Pour la démonstration, v. S. Delrieu, Indivision et procédures collectives, Defrénois, 2010, n° 53 et s.,
p. 45 et s.
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DE QUELQUES LIMITES À LA COHÉRENCE DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ
28
S. Delrieu, Indivision et procédures collectives, Defrénois, 2010, n° 628, p. 366 et s.
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Entreprise et groupes de sociétés
2. Dans le même esprit, nous avons tous en mémoire l’arrêt Sodimédical dans
lequel la Cour de cassation a rappelé que dans le cadre d'un groupe de sociétés,
1
C. Saint-Alary-Houin, Droit des entreprises en difficulté, LGDJ, 10ème éd., 2016, n° 427.
2
Com. 26 juin 2007, n° 06-20.820 ; Bull. civ. IV, no 177 ; D. 2007. AJ 1864, obs. A. Lienhard (2e
esp.) ; ibid. Chron. C. cass. 2764, obs. M.-L. Bélaval ; JCP E 2007. 2120, note J. Vallansan (1re esp.) ;
ibid. 2008. 1207, no 2, obs. Ph. Pétel ; Gaz. Pal. 26-27 oct. 2007, p. 21, note Ch. Lebel ; D. 2008. Pan.
570, obs. F.-X. Lucas ; Dr. sociétés 2007, no 177, note J.-P. Legros (1re esp.) ; Rev. proc. coll. 2007.
223, obs. B. Saintourens ; Defrénois 2007. 1578, obs. D. Gibirila ; Dr. et patr. juill.-août 2008. 103,
obs. C. Saint-Alary-Houin ; RJ com. 2007. 361, note Ph. Roussel Galle.
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l'état de cessation des paiements doit être caractérisé objectivement, pour chaque
société du groupe considérée individuellement, et que lorsque l'état de cessation
des paiements est avéré, le juge saisi d'une demande d'ouverture d'une procédure
collective ne peut la rejeter en raison des mobiles du débiteur, qui est légalement
tenu de déclarer cet état3. Or précisément dans cette affaire, il s’agissait de la
filiale d’un groupe de sociétés à l’encontre de laquelle les juges du fond avaient
refusé d’ouvrir une liquidation judiciaire.
3
Com. 3 juill. 2012, n° 11-18.026 ; Bull. civ. IV, no 146 ; D. 2012. Actu. 1814, obs. A. Lienhard ; Rev.
sociétés 2012. 527, obs. L.-C. Henry ; JCP E 2012. 1509, note A. Cerati-Gauthier; ibid. 1757, no 1, obs.
Ph. Pétel ; Dr. sociétés 2012, no 189, note J.-P. Legros ; Rev. proc. coll. 2013, no 6, obs. B. Saintourens ;
Dr. et patr. sept. 2013. 48, obs. M.-H. Monsèrié-Bon ; Gaz. Pal. 5-6 sept. 2012, p. 5, obs. Ph.
Demeyere ; Bull. Joly Entrep. diff. 2012. 279, concl. R. Bonhomme et note Ch. Neau-Leduc ; LEDEN
sept. 2012, p. 2, obs. Ch. Delattre; Act. proc. coll. 2012, no 206, obs. L. Fin-Langer ; Dict. perm. diff.
entrep., Bull. no 340, obs. Ph. Roussel Galle.
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I. Perturbations
6. Ces perturbations qui pour la plupart sont bien connues, se sont traduites
essentiellement par les tentatives de contournement de la notion de groupe (A)
mais aussi par les tentatives de recherche de la responsabilité des membres du
groupe (B).
4
C. com., art. L. 621-2, al. 2.
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8. Force est toutefois de constater que l’outil, s’il peut paraître très
performant, est d’une utilisation difficile. La Cour de cassation a en effet au fil
du temps, strictement encadré les conditions de son utilisation, à tel point que les
actions en extension aboutissent de plus en plus rarement à tout le moins dans
les groupes importants et bien structurés. En outre, cette action n’est applicable
qu’en droit interne7. Il est vrai que les effets de l’outil sont si redoutables qu’il
ne peut être admis que de manière exceptionnelle.
10. On songe bien sûr à l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif qui
là encore ne vise pas le groupe mais a pu être utilisée pour contourner
l’autonomie des personnes morales du groupe. La Cour de cassation elle-même,
avait d’ailleurs invité avec une certaine subtilité à recourir à cette action plutôt
5
Cass. com., 16 juin 2015, n° 14-10.187 ; D. 2015. Actu. 1366, obs. A. Lienhard ; JCP E 2015. 1422, no
1, obs. Ph. Pétel ; Dr. sociétés 2015, no 155, comm. J.-P. Legros ; Gaz. Pal. 18-20 oct. 2015, p. 27, obs.
Fl. Reille ; Bull. Joly Entrep. diff. 2015. 282, note L. Le Mesle ; Rev. sociétés 2015. 545, obs. Ph.
Roussel Galle.
6
V. sur ce point, C. Saint-Alary-Houin, Les effets de la confusion des patrimoines et de la fictivité des
sociétés en redressement judiciaire, Mélanges Jeantin, Dalloz 1999, p. 453.
7
CJUE, 1re ch., 15 déc. 2011, aff. C-191/10 : D. 2012, p. 403, note J.-L. Vallens ; D. 2012, p. 406, note
R. Damman et D. Müller ; Rev. sociétés 2012, p. 189, obs. Ph. Roussel Galle ; LEDEN 2/2012, p. 6,
obs. F. Mélin ; BJE 2012, n° 53, note L.-C. Henry ; Rev. sociétés 2012. 313, note N. Morelli ; JCP E
2012. 1227, no 1, obs. Petel ; Dr. sociétés 2012, no 127, note J.-P. Legros ; Bull. Joly 2012. 576, note N/
Borga ; Rev. proc. coll. 2012. Étude 2, note M. Menjucq ; Europe 2012, no 14, obs. L. Idot ; Rev. proc.
coll. 2012. Comm. 185, obs. Th. Mastrullo Solution qui a été reprise par la Cour de cassation ; Cass.
com., 10 mai 2012, no 09-12.642, BJE 2012, 243, obs. L.-C. Henry ; D. 2012. 1803, note F. Jault-
Seseke ; LEDEN juin 2012, p. 7, obs. Mélin ; RJDA 2012, no 705 ; Rev. sociétés 2012, p. 529, obs. Ph.
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qu’à l’action en extension pour confusion des patrimoines, dans le célèbre arrêt
Métaleurop8. Pour autant, cette action est difficile à mettre en œuvre,
compliquée et en définitive mal adaptée, ne serait-ce que parce qu’elle suppose
de démontrer que la société mère est dirigeante de fait. Or là encore, une telle
qualification ne peut qu’être exceptionnelle à peine de remettre en cause la
notion même de groupe ou du moins, le principe d’indépendance juridique des
entités qui le composent. Bref, il s’agit d’une action en responsabilité qui ne doit
pas être dévoyée dans le seul objectif de trouver une personne solvable qui
pourrait prendre en charge le passif de la filiale.
11. Un peu dans le même esprit, on peut citer la loi Petroplus du 12 mars 20129
qui a notamment introduit une nouvelle action en responsabilité dans le cadre du
redressement judiciaire, fondée sur une faute du dirigeant ayant contribué à la
cessation des paiements du débiteur10. Le contexte du vote de cette loi, loi de
circonstances s’il en est, était précisément de rechercher la responsabilité de la
société mère dans le groupe Prétroplus11. Toutefois, au-delà de la question de la
qualification de la faute, très exactement comme pour l’action en responsabilité
pour insuffisance d’actif, il faut également démontrer que la société mère est
dirigeante de fait, ce qui est loin d’être aisé. Bref, là encore l’instrument ne
semble guère efficace, à tel point que nous n’avons pas d’exemple de mise en
œuvre !
12. Cette loi ne s’est toutefois pas limitée à instaurer une nouvelle action en
responsabilité. Elle a également mis en place la possibilité de prononcer des
8
Dans cet arrêt tout en rejetant la demande en extension pour confusion des patrimoines, la Cour de
cassation ajoute que l’arrêt confirmé ne statuait pas sur le fondement de l’action en responsabilité pour
insuffisance d’actif : Cass. com., 19 avril 2005, n° 05-10.094 : D. 2005. AJ 1225, obs. A. Lienhard ;
ibid. Pan. 2013, obs. F.-X. Lucas ; Bull. Joly 2005. 690, note C. Saint-Alary-Houin ; Dr. sociétés 2005,
no 133, note J.-P. Legros ; Rev. proc. coll. 2005. 239, obs. M.-F. Dumont ; Gaz. Pal. 4-5 nov. 2005, p. 3,
note Ch. Lebel.
9
L. n° 2012-346, 12 mars 2012, relative aux mesures conservatoires en matière de procédures de
sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire et aux biens qui en font l'objet.
10
C. com., art. L. 631-10-1.
11
V. notamment, G. Teboul, La nouvelle loi sur les mesures conservatoires en matière de procédures
collectives : une loi de circonstances ou une sanction préventive ? LPA 2 mars 2012, p. 5 ; F. Pérochon,
De la mesure dite conservatoire à l'exécution sommaire anticipée ? : BJE mars 2012, p. 73, n° 72 ; M.-P.
Dumont-Lefrand et C. Lisanti, Le législateur des cas particuliers... : Act. proc. coll. 2011-7, comm. 96 ;
Fl. Reille, Des mesures conservatoires pour sauver le monde ou n'est pas Robin des bois qui veut... : Dr.
et proc. 2012, cah. dr. entr. en diff. n° 1, p. 2 ; P.-M. Le Corre, De la préservation des barils à la
conservation des dollars : Gaz. Pal. dr. entr. en diff. 27-28 avr. 2012, éditorial, p. 3 ; Ph. Roussel Galle,
La loi Pétroplus : quelques réflexions … avec un peu de recul, Rev. proc. coll. mai 2012, étude n° 16.
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II. Révélations
12
C. com., art. L. 620-1.
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16. Il aura donc fallu attendre la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 modifiant
l’article L. 662-8 du Code de commerce, pour disposer de véritables règles de
compétence dérogatoires en vue de permettre un regroupement procédural des
procédures ouvertes à l’encontre des sociétés du groupe. Sans entrer dans les
détails, le tribunal qui a ouvert une procédure collective à l’encontre d’une
société d’un groupe est désormais compétent pour la procédure collective des
autres sociétés du groupe, sous réserve de vérifier les conditions de détention et
de contrôle, au sens des articles L. 233-1 à L. 233-3 du Code de commerce.
13
C. com., art. L. 662-2 ; R. 662-7.
14
C. com., art. L. 721-8, 1., c.
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19. Quoi qu’il en soit, que l’on se situe sur le terrain procédural ou sur celui de
la désignation des administrateurs et mandataires judiciaires, ces innovations
révèlent effectivement la prise en compte du groupe de sociétés en tant que tel
par le droit des procédures collectives. Mais le droit français apparaît bien timide
sur ce point en contemplation du droit européen.
20. Si comme nous l’avons vu, le droit français a l’espace d’un instant prévu la
possibilité de désigner des praticiens de l’insolvabilité coordonnateurs dans les
groupes de sociétés mais s’est pour l’heure limité à des dispositifs procéduraux,
il en va bien différemment en droit européen. Alors que le règlement n°
1346/2000 du 29 mai 2000 sur les procédures d’insolvabilité était silencieux sur
les groupes de sociétés, son successeur, applicable à partir du 26 juin 201716, a
sensiblement innové en la matière, pour ne pas dire qu’il a accompli une
« petite » révolution. Un nouveau chapitre, le Chapitre V, est désormais
entièrement consacré aux « procédures d’insolvabilité concernant des membres
d’un groupe de sociétés », pour reprendre l’intitulé de ce chapitre. Comptant
15
Pour les seuils qui sont d’ailleurs assez complexes, v. C. com., art. L. 624-4-1.
16
Règlt UE n° 2015-848 du 20 mai 2015 relatif aux procédures d’insolvabilité, JOUE L. 141, 5 juin.
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plus d’une vingtaine d’articles qu’il est donc exclu de commenter ici, ce
nouveau texte met tout d’abord en place des règles de coopération et de
communication entre les praticiens de l’insolvabilité désignés dans les
procédures visant les membres du groupe. Il va même jusqu’à prévoir des règles
de coopération et de communication entre les juridictions connaissant des
membres du groupe. Mais surtout, il permet l’ouverture d’une procédure de
coordination collective afin de faciliter la gestion des procédures ouvertes à
l’encontre des membres du groupe. Bref, comme le relève le Professeur Corinne
Saint-Alary-Houin, il s’emploie à « favoriser un traitement global des difficultés
des groupes de sociétés »17 et nous nous permettrons d’ajouter, enfin !
21. Au-delà du droit européen, on peut également citer la loi type CNUDCI en
cours d’élaboration, afin de faciliter les procédures d’insolvabilité internationale
visant des groupes d’entreprises internationaux. Au-delà des possibilités
envisagées par ce texte de permettre une coordination dans le traitement des
difficultés du groupe de sociétés, il participe assurément de la prise en compte
du groupe de sociétés par le droit des entreprises en difficultés.
17
C. Saint-Alary-Houin, op. cit., n° 1523.
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II. Entreprise, creuset d'intérêts
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Les salariés
Laurence FIN-LANGER
Professeur agrégé, Normandie Université, Unicaen,
Institut Demolombe, EA 967
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LES SALARIÉS
1
M. Despax, L’entreprise et le droit, Thèse, Toulouse, LGDJ, 1956 : n° 242 et s. : « juridiquement,
l’entreprise n’est ni uniquement une cellule sociale, ni uniquement une cellule économique, mais elle est
tout à la fois l’une et l’autre. Il ne nous suffit pas toutefois d’avoir ainsi précisé les éléments constitutifs
de l’entreprise pour avoir de la structure de cette dernière une connaissance complète. Comme dans tout
organisme social, le but économique poursuivi dans l’entreprise ne peut être atteint sans qu’une
organisation particulière ne coordonne l’activité de ce groupement humain et lui permette d’atteindre
ainsi les fins qui sont les siennes ».
2
Il existe un lien entre la théorie institutionnelle de l’entreprise et l’existence d’un intérêt propre à
l’entreprise : P. Durand, La notion juridique d’entreprise, Travaux de l’Association H. Capitant, T3,
1948, p. 45 à 60. – G. Couturier, L’intérêt de l’entreprise, in Les orientations sociales du droit
contemporain, écrits en l’honneur du professeur Jean Savatier, 1992, p. 146. Cette idée d’entreprise
institution ou organisation va au-delà de la définition réduisant l’entreprise à une simple activité, un
regroupement de moyens en vue d’exercer une activité économique et autonome, même si le but n’est
pas nécessairement lucratif : M. Mercadal, La notion d’entreprise, in Les activités et les biens de
l’entreprise, Mélanges offerts à J. Deruppé, p. 11 et 12.
3
M. Despax, op. cit., n° 238 et s.
4
P.M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz, 2017-2018, n° 042-51.
5
R. Badinter, Garde des sceaux, JOAN CR 10 avril 1984, 3ème séance, p. 1413.
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LAURENCE FIN-LANGER
6
Cass. soc., 29 oct. 2002, n° 00-45.612, APC 2003, n° 102. Cass. soc., 15 juin 2004, n° 02-41.623, D.
2004, 2158. – Cass. soc., 22 sept. 2011, n° 10-14.036, APC 2011, n° 253.
7
Cass. soc., 20 mai 1992, n° 90-44.061, Bull. civ. V, n° 92.
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LES SALARIÉS
8
Voir par exemple pour une femme enceinte pendant la période de suspension de son contrat : Cass.
soc., 19 mars 2008, n° 07-40.599, APC 2008, 168. – CA Limoges, 16 janv. 2017, 16/00300.
9
C. trav., art. L. 1411-1 et s. – Cass. soc., 3 oct. 1989, n° 88-42.835, Bull. civ. V, n° 559.
10
E. Serverin, Forfaits, minima, maxima, référentiels : les outils de la maîtrise des indemnités de
licenciement sans cause réelle et sérieuse, RDT 2016, p. 634.
11
TGI. Valenciennes, 26 mars 2015, n° 14/03278, RPC 2015, comm. 58
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S’il est nécessaire et légitime de protéger les intérêts de chacun, cela n’est
possible qu’au regard de la conciliation avec les autres intérêts.
Ainsi, le représentant des salariés a été mis en place par la loi de 1985 pour
épauler le mandataire dans l’établissement des relevés des créances salariales. Il
12
G. Couturier, L’intérêt de l’entreprise, in Les orientations sociales du droit contemporain, Mélanges
en l’honneur de J. Savatier, 1992, p. 150 et s. - M. Despax, op. cit. n° 200 et s.
13
G. Couturier, op. cit., p. 148. M. Despax démontre qu’une ordonnance du 2 novembre 1945 allait
déjà dans ce sens pour le pouvoir réglementaire (n°205) et en matière disciplinaire grâce à la
jurisprudence (n° 215 et s.).
14
B. Teyssié, L’intérêt de l’entreprise, aspects de droit du travail, D. 2004, p. 1680. M. Despax
démontre que ces solutions jurisprudentielles sont anciennes et datent des années 30 : n° 209 et s. il
souligne également (n° 212 et s.) que même avant la réforme de 1973 relative au licenciement imposant
l’existence d’une cause réelle et sérieuse, la Cour de cassation avait certes reconnu le droit de licencier
mais dans l’intérêt de l’entreprise : Cass. civ. 20 décembre 1954, Bull. civ. p. 611 : « l’employeur est en
droit de rompre à tout moment un contrat de travail à durée indéterminée, lorsqu’il agit dans le seul
intérêt de son entreprise ».
15
Arrêt SAT, Ass. Plén. 8 déc. 2000, n° 97-44.219, DS 2001, p. 126 ; RJS 2001, p. 95 ; DS 2001,
p. 417 ; D. 2001, p. 1125 ; solution confirmée : Cass. soc., 8 juillet 2009, n° 08-40.046, JCP soc. 2009,
1479, RDT 2009, p. 584 ; Cass. soc., 14 sept. 2010, n° 09-66.657, JCP soc. 2010, 1455. Il s’agit d’une
jurisprudence ancienne : Cass. civ., 26 janv. 1932, G.P. 1932-1, 621 et les arrêts cités par M. Despax, n°
208. Il est notamment « seul juge des moyens propres à sauvegarder les intérêts de son entreprise,
étroitement mêlés à ceux de son personnel, lorsqu’ils se trouvent menacés par une crise économique
dont les phases et l’évolution peuvent déjouer toutes les prévisions » : Cass. civ., 21 mars 1932, DH
1932, p. 250.
16
M. Despax, op. cit., n° 274 et s.
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LES SALARIÉS
De même, depuis 1973, l’AGS vient payer les dettes salariales dans des
conditions de plus en plus larges : les salariés sont donc payés d’une partie
importante de leurs dettes, sans que ce paiement n’affecte dans un premier temps
la trésorerie de l’entreprise, l’intervention de l’AGS n’étant possible qu’à défaut
de fonds disponibles. La diversité du régime des créances dues aux salariés va
dans le sens d’une recherche d’un compromis : si celles ayant le caractère de
créances alimentaires méritent un traitement particulier, les autres peuvent être
soumises à un régime proche de celui des autres créanciers et peuvent par
exemple faire l’objet de remises ou de délais imposés dans le plan de sauvegarde
ou de redressement17.
17
C. com., art. L. 626-20 et L. 631-19 : le plan ne peut imposer des remises et des délais en matière de
créances garanties par le privilège ou le superprivilège. - B. Amizet et L. Fin-Langer, Le particularisme
des créances salariales, BJED janv. 2017, p. 51.
18
Cass. soc., 9 déc. 2014, n° 13-12.535, APC 2015, n° 25.
19
Cass. soc., 17 oct. 2012, n° 11-22.123, APC 2012, n° 305.
20
TC Versailles, 17 nov. 1986, RPC 1987, n° 3, p. 33.
21
C. com., art. L. 631-17. - D. Jacotot, Les licenciements dans l’entreprise en difficulté, Cah. Soc. 1er
septembre 2015, n° 277, p. 473.
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pas pour justifier ces licenciements, alors même que les difficultés rencontrées
caractérisent un état de cessation des paiements et pourraient donc être
considérées comme constituant une cause réelle et sérieuse. Le juge-
commissaire ou le tribunal de commerce lorsqu’il adopte le plan de
redressement ou de cession pourrait se prononcer expressément sur la possibilité
de licencier un salarié bénéficiant d’un statut protecteur, en expliquant en quoi
cette rupture est nécessaire malgré la suspension de son contrat de travail. Sont
maintenues l’obligation de reclassement et l’exigence de mettre en place un
PSE. La Cour de cassation22 et les juridictions administratives depuis qu’elles
sont compétentes dans le contentieux des PSE, apprécient leur validité
globalement au regard des objectifs de maintien de l’emploi et du reclassement
mais aussi des moyens dont dispose l’entreprise, moyens nécessairement
restreints en cas de procédure collective23 et appréciés dans le périmètre de la
seule entreprise depuis la loi Macron24. L’idée de proportionnalité vient donc
limiter les exigences de cette obligation de reclassement.
En effet, l’intérêt des salariés est finalement que leur entreprise soit sauvée
au prix d’un certain nombre de sacrifices qui doivent être partagés. Au-delà de
l’antagonisme des intérêts se dégage un véritable intérêt commun, la pérennité
de l’entreprise malgré ses difficultés25. Mais pour aboutir à une telle solution,
encore faut-il organiser cette convergence, transformant les salariés en acteurs
de la gestion de l’entreprise.
22
L. Fin-Langer, L’obligation de reclassement est-elle appréciée plus souplement aujourd’hui par la
Chambre sociale de la Cour de cassation ?, APC 2011, n° 295.
23
CAA Bordeaux, 11 mai 2015, n° 15BX00629, RPC mars 2016, comm. 66. – CE 4 mai 2016, n°
384094, RPC 2016, comm. 144.
24
L. Fin-Langer et D. Jacotot, La loi Macron et le droit social, RPC nov. 2015, étude 17, n° 18 :
uniquement en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, la Direccte ne contrôle plus les moyens
du groupe. En revanche, les organes de la procédure ne sont pas déchargés de cette recherche.
25
B. Teyssié, L’intérêt de l’entreprise, aspects de droit du travail, D. 2004, p. 1680, n° 1.
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26
C. com., art. L. 642-5 : il semble poser une hiérarchie entre les différents intérêts à préserver, l’intérêt
des créanciers étant relégué à la dernière place. Cette position est cependant contestée par une partie de
la doctrine qui considère ces critères archaïques (Rizzi, La protection des créanciers à travers l’évolution
des procédures collectives, LGDJ, Bib. Dr. Privé, T. 459, 2007, n° 390, p. 384) et par certains juges du
fond, qui ont parfois retenu le plan qui désintéressait mieux les créanciers, tout en supprimant des
emplois : T. com. Paris, 20 mai 1986, RJcom. 1986, p. 265. – Versailles, 23 juill. 1986, Gaz. Pal. 1986,
2, p. 781.
27
Poitiers, 25 mars 2009, RG 09/00530, RPC 2010/6, comm. 236.
28
P. M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz, 2017-2018, n° 571-51.
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Dans cette hypothèse peu fréquente, les salariés deviennent les actionnaires et
les dirigeants de l’entreprise en difficulté, les intérêts étant alors confondus. Ce
schéma encouragé par différentes réformes soulève cependant des difficultés
juridiques importantes quant au régime du transfert des contrats de travail29.
Comment organiser cette convergence ?
Ce schéma ne peut pas être transposé tel quel lorsque l’entreprise fait
l’objet d’une procédure collective. En effet, les syndicats ne jouent aucun rôle
officiel dans ce contexte, en raison de plusieurs obstacles : le temps limité pour
négocier, le climat peu serein dans un contexte de difficultés importantes et le
fait que les décisions ne sont plus prises la plupart du temps par l’employeur. En
effet, même si le débiteur n’est dessaisi que dans le cadre de la liquidation
judiciaire, son pouvoir de décision est également fortement remis en cause en
redressement et en sauvegarde pour deux raisons : la première est qu’un
administrateur intervient soit à ses côtés soit à sa place en fonction de la mission
qui lui a été dévolue et la seconde est que les décisions importantes sont prises
soit par le juge-commissaire soit par le tribunal de commerce. Cette intervention
du juge modifie le pouvoir de direction. Comment faire en sorte que la décision
29
L. Fin-Langer et D. Jacotot, Les salariés, acteurs de la reprise d’entreprise en difficulté, RPC, 2015,
dossier n° 54, p. 59 et s. – M. Keim-Bagot, Le salarié coopérateur : le modèle de la SCOP, DS 2014, p.
523.
30
Ch. Clerc et G. Bélier, Quel avenir pour une codétermination à la française ? RDT 2014, p. 600.
31
M. Despax, op. cit., n° 246 et s. Il indique que le principe hiérarchique, fondement de l’organisation
de l’entreprise est atténué grâce à ce mécanisme de coopération avec le comité d’entreprise mis en place
par l’ordonnance du 22 février 1945 et un droit de contrôle en matière économique (n° 267).
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32
D. Jacotot, Gouvernement d’entreprise et démocratie sociale, in Innovations et défis de la démocratie
sociale, sous la direction de D. Andolfatto, à paraître.
33
C. com., art. L. 626-8.
34
C. com., art. L. 631-19.
35
C. com., art. L. 631-18 et L. 631-19.
36
C. com., art. L. 631-18.
37
C. com., art. L. 622-10 et L. 631-15.
38
C. com., art. L. 631-17.
39
C. com., art. L. 641-10.
40
C. com., art. L 611-3 alinéa 3 et L. 611-6 alinéa 3. - P. Cagnoli, Adapter le traitement des entreprises
en difficulté, APC 2016, n° 267. Voir pour le débat : C. Gailhbaud, Ouverture du mandat ad hoc et de
conciliation : faut-il associer les salariés ? RPC 2014, dossier 7.
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41
L. Fin-Langer et C. Gailhbaud, Les représentants du personnel et les plans, RPC mai 2015, dossier 47,
n° 20.
42
Q. Urban, Quelle est l’implication des institutions représentatives du personnel dans le traitement
juridique des difficultés des entreprises depuis la loi du 26 juillet 2005 ?, RPC 2008, étude 6, n° 12.
43
L’ancienne rédaction pouvait aboutir à la solution inverse, ce qui pouvait poser problème en raison
par exemple de la confidentialité des informations transmises, comme en témoignent les débats sur les
accords de conciliation : C. Gailhbaud, Ouverture du mandat ad hoc et de la conciliation : faut-il
associer les salariés ?, RPC 2014, dossier 7. – L. Fin-Langer et C. Gailhbaud, op. cit., n° 14 et s.
44
C. trav., art. L. 2323-49 fait la liste des cas.
45
C. com., art. L. 621-1.
46
C. com, art. L. 626-9.
47
C. com., art. L. 631-22 et L. 642-5.
48
C. com., art. L. 622-10.
49
C. com., art. L. 631-15, II.
50
D. Jacotot, L. Fin-Langer, Les salariés, acteurs de la reprise d’entreprise en difficulté, RPC nov. 2015,
dossier 54, n° 25 et s.
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51
Ce transfert d’information est prévu dans le cadre de la préparation du plan de sauvegarde et de
redressement par l’article L. 626-8 ou de plan de cession au profit cependant du seul représentant des
salariés, mais non du comité d’entreprise par l’article L. 642-5 du Code de commerce.
52
C. com., art. L. 661-1. – L. Fin-Langer et C. Gailhbaud, Les représentants du personnel et les plans,
RPC 2015, dossier 47. Certains juges du fond ont admis qu’il s’agissait d’une cause de nullité d’un
jugement d’ouverture que seule peut invoquer l’institution représentative du personnel : Paris 2 juill.
2003, RG 2002/12072 et Paris 15 juin 2004, n° RG 2003/22361.
53
Cass. com., 17 fév. 2015, n° 14-10.279, APC 2015-6, n° 81, Gaz. Pal. 5 mai 2015, n° 215, p. 42.
54
J. Théron, Les règles dérogatoires à la procédure, infra. – O. Staes, Procédures collectives et droit
judiciaire privé, Th. Toulouse, 1995, n° 292 et s. - P. Cagnoli, Essai d’analyse processuelle du droit des
entreprises en difficulté, LGDJ, T. 368, n° 209L. Fin-Langer, Le juge et les salariés d’une entreprise en
difficulté, in Mélanges Vallens à paraître.
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l’entreprise », ils sont en tout cas des acteurs impliqués du début à la fin de la
procédure collective.
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Le débiteur
Marie-Pierre DUMONT-LEFRAND
Professeur à l’Université de Montpellier
J’avoue que pour vous présenter ce sujet1, j’ai profondément hésité entre
deux méthodes….ou plus exactement deux métiers.
J’ai d’abord été tenté par le métier de distillateur….le droit des entreprises
en difficulté ne consiste-t-il pas, à l’instar de la distillation, à séparer, par
évaporation (en l’occurrence l’évaporation de certains créanciers) puis
condensation ( le sort de certains salariés pourrait y faire penser) les éléments
contenus dans un mélange liquide ? Même si l’entreprise, creuset d’intérêts,
n’est pas ce mélange liquide, le droit des entreprises en difficulté n’est-il pas cet
alambic qui permet de sélectionner « la tête », « le cœur » et « la queue » de
distillation, pour finalement ne transférer que « le cœur » en cuve de
vieillissement. Le débiteur serait-il ce « cœur » à extraire en fonction de son
degré alcoolique (en l’occurrence, entendons par là, en fonction de son possible
degré de sauvetage) ? La comparaison était tentante, mais la distillation est un
art, et ne s’essaye pas qui veut…Plus moderne, on pouvait aussi être tenté
d’abandonner le vieil alambic au profit du très moderne extracteur de jus, qui
permet de détoxifier son corps des toxines accumulées afin de retrouver sa
vitalité. Tel ce nouvel appareil, le droit des entreprises en difficulté permettrait
de détoxifier l’entreprise pour en extraire un concentré directement assimilable
par l’organisme ? Peut-être… mais cette double tentation ne permettrait pas de
restituer la réalité dans son intégralité, si tenter que cela soit possible. La réalité
est plus complexe. Aussi, pour l’approcher, il faut être plus basique. Il nous faut
1
Le style oral de l’intervention a été conservé.
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LE DÉBITEUR
2
V. R. Szramkiewicz et O. Descamps, Histoire du droit des affaires, LGDJ, Domat droit privé, 2ème éd.,
2013, n° 471.
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MARIE-PIERRE DUMONT-LEFRAND
3
B. Brunet, De la distinction de l’homme et de l’entreprise, in Mélanges Roblot, 1984, p. 471 s.
4
V. F.-X. Lucas, Manuel de droit de la faillite, coll. PUF, 1ère éd., 2016, Prolégomènes, p. 25.
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LE DÉBITEUR
I. L’entreprise et l’homme
5
F. Pérochon, Le bénéfice de la procédure collective, Mélanges Mouly, Litec, tome 2, p. 401.
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MARIE-PIERRE DUMONT-LEFRAND
difficulté, il n’y a pas de raison d’en écarter celui qui exerce une activité libérale
à titre personnel et indépendant. En revanche, considérer un associé en nom
éligibles aux procédures collectives parce qu’étant commerçant6, il serait réputé
exercer une activité commerciale paraît plus douteux7. L’associé en nom
n’exerce pas d’activité professionnelle commerciale. Enfin, l’éligibilité des
personnes morales de droit privé découle aussi de cette même logique, même si,
il faut bien l’avouer, la rédaction du texte autorise une personne morale dénuée
de toute activité économique à en bénéficier comme l’affaire Cœur Défense l’a
prouvé. La procédure collective a pour sujet un débiteur personne physique ou
personne morale (ce qui justifie l’exclusion des groupements non dotés de la
personnalité juridique) et normalement pour objet une entreprise que ce débiteur
exploite.
6
Cass. 2ème civ., 5 déc. 2013, n° 11-28092.
7
V.Q. Nemoz-Rajot, L’éligibilité affirmée des associés de SNC aux procédures collectives, Petites
Affiches, 5 fév. 2014, n° 26, p. 9.
8
V. C. Saint-Alary-Houin, La gestion de l’entreprise, in Les innovations, RTDCom. 1986, p. 37, n° 10
qui évoque la notion de « dessaisissement à la carte ».
9
L.-C. Henry et Ch.-H. Carboni, La place du dirigeant : de la liberté de gestion au dessaisissement,
Dossier « Le dirigeant de l’entreprise en difficulté », RPC juill /août 2016, n° 24, p. 55.
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10
V. L.-C. Henry et Ch.-H. Carboni, La place du dirigeant : de la liberté de gestion au dessaisissement,
préc.
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11
V. Ph. Roussel-Galle, Que reste-t-il du caractère sanctionnateur des procédures ?, Dossier, Que
reste-t-il des principes traditionnels des procédures collectives face au morcellement du traitement de la
défaillance ?, RPCmai/juin 2012, n° 17, p. 89.
12
J. Deharveng, Le bouclier de la conciliation, Entretiens de la sauvegarde, Paris, 29 janv. 2007, Dict.
perm. Diff. Entr. 2007, bull. 279, p. 4669.
13
V. Ph. Roussel-Galle, art. préc.
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14
C. Saint-Alary-Houin, Droit des entreprises en difficultés, éd. Domat, LGDJ, 10ème éd ., n° 54 s.
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MARIE-PIERRE DUMONT-LEFRAND
15
Cass. com. 28 juin 2016, n° 14-21810, Gaz. Pal. 2016, obs. M.-P. Dumont-Lefrand.
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MARIE-PIERRE DUMONT-LEFRAND
même et les contrôleurs demeurent exclus) de racheter tous les biens du débiteur
sur ordonnance spécialement motivée du juge-commissaire rendue à la requête
du ministère public. Pour les biens meubles, la loi a quelque peu assoupli la
procédure. Les meubles de faibles valeurs peuvent être acquis par ces personnes
si la demande émane du liquidateur ou du débiteur, de gré à gré après avis du
ministère public, et pour les biens d’une valeur plus importante, cela est
également possible, à la requête des mêmes, mais sur adjudication. Il s’agit en
l’occurrence d’humaniser les procédures en permettant aux proches du débiteur
de l’aider à conserver d’éventuels biens de famille18.
C’est une faveur pour le débiteur de bonne foi, sans actif ni salarié. Cette
procédure qui se ramène à une simple enquête menée par un mandataire de
justice sous l’égide d’un juge a le mérite d’offrir aux créanciers un interlocuteur,
de permettre de s’interroger sur les responsabilités encourues et ensuite d’être le
seul moyen de garantir le droit au rebond du débiteur en le purgeant de son
18
F. Macorig-Venier et J. Valansan, art. préc.
19
V. J. Théron, Vers une consumérisation des procédures : la procédure de rétablissement
professionnel, in Le patrimoine de la personne physique à l’épreuve des procédures collectives : quels
nouveaux enjeux ?, Actes de colloques, Coll. actualités de Droit de l’Entreprise, LexisNexis, n° 31, p.39
s. ; F. Reille, Une nouvelle procédure qui n’en est pas une : le rétablissement professionnel, RPC mars
2014, dossier 22.
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LE DÉBITEUR
Cela dit, il est à noter que seules les dettes signalées par le débiteur et
mentionnées dans le jugement de clôture sont éteintes. Il n’y a donc pas,
finalement, une purge totale et globale comme à l’issue d’une procédure de
liquidation judiciaire. Le débiteur pourrait être poursuivi après la clôture pour
des dettes qu’il n’aurait pas signalées tout simplement parce qu’il les ignorait.
Par ailleurs, une possibilité de réouverture de la procédure de rétablissement
professionnel par voie de déclenchement d’une procédure de liquidation
judicaire peut inquiéter le débiteur personne physique dont les dettes effacées
ressusciteront, mais les débiteurs de bonne foi et ayant joué la carte de la
transparence devraient être à l’abri de ce danger qui est une sanction. Le rebond
oui, mais uniquement pour le débiteur malheureux… semble vouloir dire le
législateur.
Toutefois, pour rebondir, il faut certes ne plus avoir de dettes, mais il n’est
pas certain que cela soit suffisant, surtout lorsque la personne physique se sera
par ailleurs portée caution… Sauf à se tourner vers une activité salariée, la
personne doit retrouver sa capacité d’entreprendre. Pour cela, il faudrait avoir
anticipé les éventuelles difficultés à venir en souscrivant une sorte d’assurance
chômage volontaire… ou alors créer un fonds destiné à assurer une allocation
minimum du rebond. De même, pour vraiment rebondir, il est nécessaire de
trouver de nouveaux financements… en comptant soit sur un développement des
prêts participatifs, soit en mettant en place une nouvelle catégorie de prêts, les
prêts au rebond… autant de pistes que certains juges consulaires ont déjà
proposées et qui méritent une nouvelle réflexion… afin de passer « de la culture
de l’échec à celle du rebond »20.
20
Y. Lelièvre, Comment passer de la culture de l’échec à celle du rebond ?, RPC juill/août 2014, n° 26,
p. 63.
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Les associés
Marie-Hélène MONSÈRIÉ-BON
Professeur à l’Université Paris 2 Panthéon - Assas
En trente ans, la prise en compte des intérêts des associés a évolué, surtout
récemment, ce qui démontre que les principes sociétaires ont longtemps résisté
aux assauts du droit des entreprises en difficulté. D’abord quelque peu oubliés
dans les grandes réformes des années 1980, les associés sont désormais entrés
dans la lumière, mais une lumière éblouissante puisque les dernières réformes
ont braqué les projecteurs sur eux et sur la nécessité de les impliquer
complètement dans le sauvetage des entreprises.
La situation des associés apparaît toutefois assez particulière car elle les
conduit tour à tour à prendre des qualités différentes qui mobilisent des intérêts
également différents. Il semble alors assez difficile de systématiser une réflexion
portant sur les intérêts des associés en les confrontant à une logique de primauté
des intérêts de l’entreprise, de son sauvetage. En effet, on trouvera des associés
créanciers, des associés débiteurs subsidiaires, des associés apporteurs de capital
et même des associés débiteurs cherchant à se placer sous la protection du livre
VI du code de commerce, bouclant ainsi la boucle qui va de l’associé soutien de
l’entreprise à l’associé souhaitant bénéficier de la protection du droit des
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LES ASSOCIÉS
En droit des sociétés, lorsque l’on envisage la situation des associés, les
droits qui leur sont accordés dans la structure sociétaire occupent une place
primordiale. Dans le cadre d’une procédure collective, force est de constater que
ces droits sont quelque peu malmenés soit que l’associé cherche à obtenir un
paiement ou à exercer des droits plus spécifiquement liés au droit des sociétés.
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MARIE-HELENE MONSÈRIÉ-BON
Dans un premier temps, face à des paiements qui sont dans le seul intérêt de
l’associé, la jurisprudence a adopté une position négative en limitant par
exemple, l’admission du paiement par compensation. Ainsi, la compensation n’a
pas été admise entre la créance de compte courant et la dette de libération du
capital social, ce qui aurait privé la société d’une source de financement.
La seconde catégorie de droits des associés est constituée par les droits
politiques, droit de participer à la vie sociale de la société et on sait qu’en droit
des sociétés, le principe est que participer est voter. Pendant longtemps, le droit
des procédures collectives a respecté ce droit considéré comme fondamental de
l’associé ainsi que le processus sociétaire qui conduit à la décision des associés.
Une fois encore, l’intérêt de l’entreprise et de son sauvetage a fait céder la
résistance du droit des sociétés. Et comme précédemment, la finalité, à savoir le
redressement de l’entreprise, justifie des moyens plus ou moins radicaux. Deux
mesures illustrent ce propos. La première, la moins dérogatoire, touche
seulement les modalités du vote, puisque le tribunal peut modifier les règles de
majorité des assemblées générales extraordinaires lorsqu’une modification du
1
C. com. art. L. 626-17.
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LES ASSOCIÉS
2
Lorsque le projet de plan prévoit une modification du capital ou des statuts, l'assemblée générale
extraordinaire ou l'assemblée des associés ainsi que, lorsque leur approbation est nécessaire, les
assemblées spéciales mentionnées aux articles L. 225-99 et L. 228-35-6 ou les assemblées générales des
masses visées à l'article L. 228-103 sont convoquées dans des conditions définies par décret en Conseil
d'Etat. Le tribunal peut décider que l'assemblée compétente statuera sur les modifications statutaires, sur
première convocation, à la majorité des voix dont disposent les associés ou actionnaires présents ou
représentés dès lors que ceux-ci possèdent au moins la moitié des parts ou actions ayant le droit de vote.
Sur deuxième convocation, il est fait application des dispositions de droit commun relatives au quorum
et à la majorité.
3
Si les capitaux propres n'ont pas été reconstitués dans les conditions prévues par l'article L. 626-3,
l'administrateur a qualité pour demander la désignation d'un mandataire en justice chargé de convoquer
l'assemblée compétente et de voter la reconstitution du capital, à concurrence du montant proposé par
l'administrateur, à la place du ou des associés ou actionnaires opposants lorsque le projet de plan prévoit
une modification du capital en faveur d'une ou plusieurs personnes qui s'engagent à exécuter le plan.
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MARIE-HELENE MONSÈRIÉ-BON
Le droit des sociétés limite les obligations des associés mais il semble
émerger en jurisprudence un mouvement d’élaboration des devoirs d’associés ou
d’actionnaires, construction à laquelle le droit des entreprises en difficulté
apporte une contribution non négligeable tout en renforçant l’efficacité des
obligations classiques pesant sur les associés.
Au titre des devoirs d’associé, l’un de ceux qui intéresse le plus le droit des
entreprises en difficulté est bien sûr le soutien financier que l’associé peut
fournir à la société. Certes, traditionnellement ce devoir est conçu comme
relativement abstrait, un simple slogan pour certains4 puisque l’article 1836,
texte d’ordre public, énonce toujours qu’il ne peut y avoir d’augmentation des
engagements des associés sans qu’ils y consentent.
Ainsi, forte de ce principe, on se souvient que la Cour de cassation a pu affirmer
peu de temps après l’adoption de la loi sauvegarde qu’une société mère,
principale associée de sa filiale, n’a pas d’obligation de la soutenir et qu’une
procédure de sauvegarde peut être ouverte car les difficultés sont bien
insurmontables. La solution est également dictée, il est vrai, par l’indépendance
des personnes morales.
Mais les diverses modifications apportées à la loi de sauvegarde depuis 2005 ont
assez sensiblement modifié le paysage et l’associé se trouve quelque peu
contraint par ce devoir de soutien financier5. Plusieurs textes attestent de cette
volonté du législateur qui s’exprime avec une intensité variable sans que
toutefois, on imagine clairement comment il sera possible de rendre effectif ce
soutien financier imposé6...
4
A. Couret, Les devoirs de l’actionnaire et le droit des sociétés, Gaz. pal. 6 juin 2016, p. 14.
5
A. Cerati-Gauthier, La promotion de la "reprise interne" dans l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars
2014 : JCP E 2014, 1435.Note 3 A. Gaudemet et M.-H. Monsèrié-Bon, Reprise interne d'une société en
difficulté : Rev. proc. coll. 2015, dossier 56.
6
M.-H. Monsèrié-Bon, La situation des associés après l'ordonnance du 12 mars 2014 : BJED 2014, p.
178.
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7
F.-X. Lucas, Commentaire des dispositions de la loi du 6 août 2015 : BJE 2015, p. 317.
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MARIE-HELENE MONSÈRIÉ-BON
Les obligations qui pèsent sur les associés sont parfaitement délimitées par
les codes qui imposent de libérer les apports souscrits, de contribuer aux pertes
pour tous8 et de répondre des dettes pour certains.
En second lieu, les associés dans les sociétés à risques illimités sont les
débiteurs subsidiaires de la société en raison de la responsabilité indéfinie
solidaire ou conjointe au paiement des dettes sociales. Les associés pourront être
poursuivis par les créanciers de la société en dehors de la procédure, ce qui
allège le passif de la société et donne satisfaction aux créanciers. On aperçoit
alors une convergence des intérêts, intérêts des créanciers et de l’entreprise, ce
qui n’est pas si fréquent. Est-ce vraiment une situation idéale ? Pas tout à fait car
8
Cass. com., 27 sept. 2016, n° 15-13.348, JCP E 2016, 1621, note C. Barillon ; Act. proc. coll. 2016-18,
repère 246, Ph. Schultz ; D. actu 20 oct. 2016, obs. X. Delpech ; Rev. sociétés 2016, p. 768, note L.-
C. Henry ; BJS déc. 2016, p. 699, note F.-X. Lucas ; BJE nov. 2016, p. 412, obs. M.-H. Monsèrié-Bon ;
LEDEN nov. 2016, p. 5, obs. I. Parachkévova ; F. Reille, Rev. proc.coll. 2017, comm. 2 : dans cet arrêt
la Cour de cassation, comme elle l’avait déjà fait antérieurement, affirme que le liquidateur peut agir
contre les associés pour mettre en œuvre, l’obligation aux dettes.
9
C. com. Art. L. 622-20.
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les règles du droit des sociétés entravent la mise en œuvre de cette responsabilité
des associés qui suppose de poursuivre la société avant de pouvoir se retourner
contre les associés dans le cadre de la procédure collective. Cette incompatibilité
du droit de sociétés qui impose des poursuites contre la société et du droit des
entreprises en difficulté qui les interdit a longtemps permis aux associés
d’échapper à cette responsabilité. Afin de contourner cette difficulté, la
jurisprudence a décidé que si les créanciers pouvaient établir que le patrimoine
de la société était insuffisant pour les désintéresser, ils retrouvaient leur droit
d’action contre les associés. Une telle preuve était bien sûr bien délicate à
rapporter. Cette solution est aujourd’hui abandonnée pour les sociétés civiles au
cours de la liquidation judiciaire, la déclaration de créance étant la seule
condition exigée pour pouvoir poursuivre les associés. Ainsi, la procédure
collective n’apparaît plus comme une source d’exonération de responsabilité
pour les associés. En outre, la jurisprudence a affirmé que lorsqu’un plan a été
adopté les associés ne peuvent pas être poursuivis tant que le plan est exécuté.
La situation réservée aux associés est donc assez contrastée et la mise en jeu de
leur responsabilité patrimoniale ne s’impose pas lorsque la société est en
difficulté.
Ce tour d’horizon atteste que petit à petit l’étau se resserre autour des
associés d’une société en difficulté qui ne pourront plus faire jouer à plein la
responsabilité limitée pour échapper à un devoir de soutien que le législateur
semble trouver légitime lorsque la société est en difficulté. On ne peut ignorer
que les dernières réformes ayant cherché à alléger le poids des procédures
collectives pour les créanciers, les associés se retrouvent désormais en première
ligne pour financer le redressement de l’entreprise.
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Les intérêts des créanciers :
quelle évolution depuis 30 ans ?
Françoise PÉROCHON
Professeur à l’Université de Montpellier
1
Proposition de DIRECTIVE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 22 nov. 2016,
COM(2016) 723 final, 2016/0359(COD), relative aux cadres de restructuration préventifs, à la seconde
chance et aux mesures à prendre pour augmenter l'efficience des procédures de restructuration,
d'insolvabilité et d'apurement et modifiant la directive 2012/30/UE, sur laquelle v. J. E. Degenhardt, Le
droit français est-il conforme à la proposition de directive européenne du 22 novembre 2016 visant à
harmoniser le droit des procédures collectives ? L’harmonisation des poires et des pommes, BJE mars
2017, p. 153 ; R. Dammann et M. Boché-Robinet, Transposition du projet de directive du 22 novembre
2016 sur l’harmonisation des procédures de restructuration préventive en Europe : une chance à saisir
pour la France, D. 2017, p. 1264.
Le droit des entreprises en difficulté après 30 ans : droit dérogatoire, précurseur ou révélateur ? | 111
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LES INTÉRÊTS DES CRÉANCIERS : QUELLE ÉVOLUTION DEPUIS 30 ANS ?
2
Proposition de Directive préc., exposé des motifs, p. 7.
3
Au sens biblique du terme.
4
Pour reprendre l’expression de R. Dammann et M. Boché-Robinet, op. cit., à paraître Dalloz, juin
2017.
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LES INTÉRÊTS DES CRÉANCIERS : QUELLE ÉVOLUTION DEPUIS 30 ANS ?
7. Dans le même cadre des comités lato sensu, un autre danger guette en outre
depuis 2014 les créanciers a priori moins exposés que les autres, parce que plus
prévoyants : en application de l’article L.626-30-2, alinéa 4 qui ne livre aucune
indication sur la méthode à suivre, l’administrateur peut en effet réduire comme
bon lui semble les droits de vote des membres des comités et obligataires7
susceptibles de bénéficier, en vertu d’une convention, du « paiement total ou
partiel de la créance par un tiers », ce qui inclut à tout le moins toutes les
garanties, tant réelles pour autrui que personnelles8… Un recours est possible
5
Com, 22 sept. 2015, n° 14-17377, FPB ; BJE nov. 2015, p. 360, note Th. Favario, et M.-H. Monsèrié-
Bon, Mandat ad hoc et conciliation : un fragile équilibre à préserver, Editorial BJE nov. 2015, p. 345 ;
APC 2015-17, n° 263, obs. B. Saintourens ; Rev. soc. 2015, 761, obs. Ph. Roussel-Galle ; RTD com,
2016, p. 189, obs. F. Macorig-Venier.
6
V. en ce sens not. M. SENECHAL et G. COUTURIER, Créanciers antérieurs : l’égalité a-t-elle
vécu ?, BJE sept. 2012, p. 328, spéc. 331.
7
Car l’art. L.626-32 in fine renvoie à l’art. L. 626-30-2, al. 4.
8
Sont également visés ceux dont le vote est soumis à une convention de vote ou dont la créance a donné
lieu à des accords de subordination. V. F.-X. Lucas, Manuel de droit de la faillite, Coll. Dr. fondamental,
PUF, 2016, n° 319.
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FRANÇOISE PÉROCHON
devant le président du tribunal qui statue en référé, recours dont il me paraît bien
incertain qu’il suffise à soustraire le texte à une QPC tant il est imprécis et
potentiellement attentatoire aux droits des créanciers9.
9
Comp. F.-X. Lucas, Manuel préc., n° 319.
10
Proposition de Directive préc. supra, note 1.
11
V. déjà en ce sens, la Recomm. 12 mars 2014 (2014/135/UE), consid. 19, et recomm. 22, c et 24 : 22.
En sa faveur, v. not. F.-X. Lucas et R. Dammann, Faut-il déjà réformer la réforme du 12 mars 2014 ?,
BJE mai 2014, p. 143 ; J. VALLANSAN, APC 2014-9, n° 166 ; L.-C. HENRY, R. soc. mai 2014, p.
407.
12
Proposition de Dir., art. 2 (9), définition du «critère du respect des intérêts des créanciers» : « le fait
qu’aucun créancier dissident ne doit se trouver dans une situation moins favorable du fait du plan de
restructuration que celle qu’il connaîtrait dans le cas d’une liquidation, que cette dernière se fasse par
distribution des actifs ou par la cession de l’entreprise en activité ».
13
L’exemple allemand sera, espérons-le, moins décourageant à cet égard que l’exemple américain !
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LES INTÉRÊTS DES CRÉANCIERS : QUELLE ÉVOLUTION DEPUIS 30 ANS ?
10. Une autre évolution digne d’intérêt est le cheminement de l’intérêt collectif
vers le gage commun des créanciers (B).
11. Pour faire court et ne pas dénaturer cette évolution tout sauf évidente à mes
yeux, j’emprunterai aux écrits de Madame le conseiller Jocelyne Vallansan qui
présentait, lors du colloque de Bordeaux organisé l’année dernière par le
professeur Laura Sautonie-Laguionie, l’évolution intervenue en matière d’intérêt
collectif des créanciers. On sait que la défense en incombe en principe
exclusivement au mandataire judiciaire, selon le monopole institué par l’article
L. 622-20 du Code de commerce, mais de quoi parle-t-on ? « Version moderne
et modifiée de la masse des créanciers », écrit Madame Vallansan17, l’intérêt
14
Sur « l’application forcée interclasse » définie par art. 2, 8 de la Proposition de Directive comme « la
validation par une autorité judiciaire ou administrative d’un plan de restructuration passant outre le
désaccord d’une ou de plusieurs classes de créanciers concernées », v. J. E. Degenhardt, op. cit., BJE
mars 2017, p. 153, spéc. p. 156 s. ; R. Dammann et M. Boché-Robinet, op. cit., Dalloz, juin 2017.
15
Au garde-fou du critère du respect des intérêts des créanciers (best interest…), devrait s’ajouter la
« règle de la priorité absolue », définie par l’art. 2, 10, comme « la règle selon laquelle une classe
dissidente de créanciers doit être intégralement désintéressée avant qu’une classe de rang inférieur ne
puisse bénéficier des répartitions ou conserver un intéressement dans le cadre du plan de
restructuration ».
16
Sort réservé au créancier appelé et récalcitrant, à la différence des délais de grâce prévus par l’art.
L.611-7 que peut avoir à subir même tout créancier du débiteur.
17
J. Vallansan, La notion d'intérêt collectif vue par la chambre commerciale de la Cour de cassation, in
Dossier 3è Rencontres jurisprudence-doctrine : échanges sur la hiérarchisation des intérêts dans les
procédures collectives, BJE mai 2016, p. 212.
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18
Com. 2 juin 2015, n° 13-24714, FSPBRI, Act. proc. coll. 2015-12, n° 184, repère F.-X. Lucas ; D.
2015, act. 1205, obs. A. Lienhard et p. 1970, obs. P.-M. Le Corre ; DPDE juill. 2015, bull. 372, p. 13, n.
L.-C. Henry ; JCP E 2015, 1422, n° 7, obs. Ph. Pétel, et 1489, n. Ch. Lebel ; BJE sept. 2015, p. 269,
éditorial P.M. Le Corre, et p. 313, n. A. Donnette-Boissière ; GP 22 sept. 2015, n° 265, p. 19, n. J.
Théron et GP 20 oct. 2015, n. I. Rohart-Messager ; adde BJE mai 2016, rapp. J. Vallansan, p. 212, P.-
M. Le Corre, p. 214 et F. Pérochon, p. 218 : : « l’action en réparation des préjudices invoqués par les
salariés licenciés, étrangère à la protection et à la reconstitution du gage commun des créanciers, ne
relevait pas du monopole du commissaire à l’exécution du plan ».
19
M. Sénéchal, L'effet réel de la procédure collective : essai sur la saisie collective du gage commun des
créanciers, Litec, Bibl. dr. entr., T. 59, 2002, préf. M.-H. Monsèrié-Bon.
20
P.-M. Le Corre, La notion d'action tendant à la défense de l'intérêt collectif des créanciers, Editorial
BJE sept. 2015, p. 269 ; Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz Action, 2017/2018, n° 611-
31 (et éd. précédente).
21
J. Vallansan, BJE mai 2016, p. 212.
22
J. Vallansan, BJE mai 2016, p. 213.
23
J. Vallansan, BJE mai 2016, p. 212.
24
Sur une discordance prétendue entre l’intérêt collectif et l’action en extension pour confusion de
patrimoines, v. F.-X. Lucas, La qualité à agir du contrôleur nommé à l'occasion d'une procedure
collective. Contribution à la definition des actions attitrées, Mél. D.R. Martin, LGDJ, 2015, p. 433 ;
contra, avis de la C. cass. 3 juin 2013, 13-70003, BICC 1er oct. 2013, rapp. A.S. TEXIER et concl.
R. BONHOMME (et RPC 2013-4, ét. 18) ; BJE juill. 2013, p. 197, obs. F. PEROCHON ; LEDEN
2013-7, comm. 102, obs. crit. F.-X. LUCAS ; RPC 2013, n° 117, obs. B. SAINTOURENS ; D. 2013,
pan. 2366, obs. crit. LUCAS ; Rev. sociétés 2013, p. 520, obs. L.-C. HENRY ; APC 2013, n° 167, obs.
P. CAGNOLI ; GPC 1er oct. 2013, p. 7, n. F. REILLE ; BJS 2013, 578, n. I. PARACHKEVOVA ;
RDB 2013, n° 168, obs. C. HOUIN-BRESSAND.
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25
Com. 28 juin 2016, n° 14-20118, Bull., BJE nov. 2016, p. 431, n. Th. Favario.
26
Com. 15 nov. 2016, n° 14-26287, FSPBI, DPDE, déc. 2016, n° 387, p. 1, n. J.-P. Rémery ; BJE mars
2017, n. N. Borga ; JCP E 2017, 1164, n° 10, obs. Ph. Pétel ; APC 2017-1, n. V. Legrand ; GP 10 janv.
2017, p. 52, obs. P.-M. Le Corre et p. 69, obs. D. Voinot.
27
Civ. 1ère, 14 déc. 2016, n° 15-21876, NP, LEDEN 2017-3, p. 4, n. P. Rubellin ; BJE mai 2017, p. 210
et la note lumineuse de L. Sautonie-Laguionie (Déclaration d’insaisissabilité et fraude paulienne :
Succès exceptionnel de l’action du liquidateur).
28
J. Vallansan, op. cit., BJE mai 2016, p. 213.
29
V. les arrêts cités, et en ce sens, P.-M. Le Corre, L'intérêt collectif est-il l'intérêt de tous les
créanciers ?,in Dossier 3è Rencontres jurisprudence-doctrine : échanges sur la hiérarchisation des
intérêts dans les procédures collectives, BJE mai 2016, p. 214, et Droit et pratique…, n° 611-36.
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selon les formes du droit commun30, peu important sans doute qu’ils n’aient pas
déclaré leur créance31. Comme l’a dit Caroline Henry ce matin, il y a là une
bombe à retardement posée par le législateur, mais le détonateur a été placé par
la Cour de cassation !
14. L’étape suivante devrait logiquement permettre au débiteur, qui n’est pas
dessaisi s’agissant d’un bien hors procédure collective, de le réaliser si bon lui
semble pendant la procédure collective, indépendamment des règles de celle-
ci… Le débiteur s’en gardera toutefois si l’immeuble n’est pas, ou n’est plus, sa
résidence principale, parce que l’insaisissabilité prendra fin aussitôt…, ramenant
ainsi le prix dans l’actif de la procédure collective. En revanche, s’il s’agit de sa
résidence principale, la question est de savoir s’il peut bénéficier du report de
l’insaisissabilité sur le prix grâce à un remploi du prix durant l’année de la
vente : le problème résulte en effet du fait que, conformément aux dispositions
de l’article L.641-9, III, le débiteur en liquidation judiciaire n’exerce plus
d’activité professionnelle indépendante, comme le requiert en principe l’article
L.526-3, alinéa 1er, par renvoi à l’article L.526-1 (du moins pour l’activité
agricole ou libérale, le commerçant ou l’artisan restant généralement quant à lui
immatriculé) ; l’admission du remploi, sans doute conforme à l’intention du
législateur, suppose une lecture souple du texte, décidant par exemple que
l’exercice de la profession considérée s’apprécie au jour du jugement
d’ouverture…
30
Com. 4 mai 2017, n° 15-18348, FD ; Com. 5 avril 2016, 14-24640, FSPB, D. 2016, p. 1296, n.
N. Borga et p. 1894, n. P.-M. Le Corre, et A. Lienhard, actu 12 avril ; BJE juill. 2016, p. 257, n. V.
Legrand ; Gaz. pal. 28 juin 2016, p. 54, n. P.-M. Le Corre ; R. soc. 2016, p. 393, n. L.-C. Henry ; RJC
2016, p. 268, n. Ph. Roussel Galle ; APC 2016-9, n° 120, n. J. Leprovaux ; JCP E 2016, 1442, n.
Ch. Lebel et 1465, n° 6, obs. Ph. Pétel ; JCP N 2016, 1218, n. F. Vauvillé ; RPC 2016, n° 119, n.
F. Macorig-Venier, et n° 186, p. 53, n. F. Reille.
31
Si l’on transpose la solution classiquement retenue pour les créanciers de l’indivision admis à saisir le
bien indivis pendant la procédure collective, même si la créance est éteinte, faute d’avoir été déclarée :
Com. 7 févr. 2012, n° 11-12787, B. ; BJE mai 2012, p. 137, n° 62 obs. M. SÉNÉCHAL ; DPDE, mars
2012, p. 5, obs. M. Dizel.
32
Définir l’intérêt collectif par l’intérêt de tous les créanciers en constitue la négation même, puisque, à
la suivre, le liquidateur qui ne peut pas représenter 100 % des créanciers ne devrait représenter personne,
résultat contre-productif (pour d’autres critiques, v. M. Sénéchal, op. cit., et BJE mars 2014, p. 65 ; F.
Pérochon, Entreprises en difficulté, L.G.D.J., 10è édition, 2014, n° 526, Rev. proc. coll. 2013-4, dossier
25, p. 55, et L'intérêt collectif n'est pas l'intérêt de tous les créanciers sans exception, BJE mai 2016, p.
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LES INTÉRÊTS DES CRÉANCIERS : QUELLE ÉVOLUTION DEPUIS 30 ANS ?
l’immeuble dans leur gage, libérés grâce à elle des contraintes de la procédure
collective. Elle l’est également pour les rares débiteurs qui parviendront grâce à
elle à éviter la vente de la résidence principale pendant la liquidation judiciaire,
par exemple parce que le conjoint pourra régler les dernières échéances restant à
payer, et satisfaire ainsi le créancier. En revanche, elle aboutit à une restriction
considérable des actions relevant de l’intérêt collectif, comme le soulignait
récemment le professeur Sautonie-Laguionie à propos de l’une d’elles : « Depuis
un arrêt rendu en 201333, l’exercice de l’action paulienne dans l’intérêt collectif
des créanciers a vu son périmètre considérablement réduit, puisque la Cour
avait subordonné la recevabilité de l’action du liquidateur à la condition qu’il
représente uniquement des créanciers ayant un intérêt à ce que la déclaration
d’insaisissabilité leur soit déclarée inopposable »34.
218 ; Ph. Pétel, n. JCP E 2017. 1164, n° 10, JCP E 2013, 1380 (Irrecevabilité de l’action paulienne du
liquidateur contre une déclaration notariée d’insaisissabilité) et JCP E 2012, 1508 ; N. Borga,
Déclaration d'insaisissabilité : la Cour de cassation avance à pas comptés, D. 2015, p. 1302, n° 9,
L'insaisissabilité légale de la résidence principale, BJE nov. 2015, p. 429, et Vente d'un immeuble
déclaré insaisissable : requiem pour la déclaration notariée d'insaisissabilité, D. 2016, 1296.
33
Cass. com., 23 avril 2013, n° 12-16.035 : Bull. civ. IV, n° 68 ; BJE 2013, 217, n. L. Camensuli-
Feuillard ; Rev. Proc. coll. 2013, n° 113, note Fl. Reille ; JCP E 2013, 1380, note Ph. Pétel.
34
L. Sautonie-Laguionie, n. préc., BJE mai 2017, p. 210 (arrêt qui, écrit-elle, « ne se prononce que sur le
bien-fondé de l’action, et admet une fraude par anticipation ».
35
« Double peine » discutable…
36
L. Sautonie-Laguionie, in n. préc., BJE mai 2017, p. 210.
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17. Selon cette jurisprudence heureusement nuancée, il n’est pas besoin qu’une
action soit exercée dans l’intérêt de tous les créanciers pour qu’elle relève de
l’intérêt collectif… C’est donc que le gage commun n’est pas forcément celui de
tous les créanciers, mais simplement le gage de droit commun, le gage par
principe, a priori accessible à tous39, c'est-à-dire au créancier quelconque, celui
qui n’est pas (forcément) doté de prérogatives spéciales, sauf exceptions.
19. En quelques mots et pour finir, j’évoquerai l’évolution intervenue quant aux
intérêts individuels des créanciers en distinguant le fond, la substance du droit
du créancier, de son exercice.
37
V. Cass. civ. 1ère, 29 mai 2013, n° 12-16541 : BJE sept. 2013, p. 298, n. L. Sautonie-Laguionie :
« alors que le droit conféré aux créanciers par l’article 1167 précité peut également être exercé, en leur
nom et dans l’intérêt collectif des créanciers, par leur représentant et que la recevabilité de son action
n’est pas subordonnée à la condition que plusieurs créanciers puissent exercer l’action paulienne, .
38
Cass. civ. 1ère, 29 mai 2013, n° 12-16541, BJE sept. 2013, p. 298, n. L. Sautonie-Laguionie.
39
C. civ., art. 2284 et 2285.
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23.2 du Règlement révisé du 20 mai 201545, qui tend à éviter que la pluralité de
procédures principale et secondaire(s) susceptibles de s’appliquer à un même
débiteur soit à l’origine d’une rupture d’égalité entre les créanciers.
22. En premier lieu, les sûretés réelles, affaiblies en 1985 par leur soumission
générale à la discipline collective (supra, n° 2), ont repris depuis du poil de la
bête, d’abord en 1994 avec la rétrogradation, en matière immobilière, du
privilège des créances postérieures dans la liquidation judiciaire, puis au fil du
temps, au fur et à mesure du développement de nouvelles garanties, plus
résistantes à cette discipline collective que les sûretés « purement
préférentielles » auxquelles elles sont donc fréquemment substituées.
23. Il s’agit essentiellement des sûretés fondées sur la propriété, dont la plus
efficace est certainement la cession Dailly, fiducie atypique que la jurisprudence
surprotège à mon avis46. La clause de réserve de propriété est également très
45
Art. 23.2, du Règlement (UE) 2015/848 du 20 mai 2015 révisant le règlement 1346/2000, JOUE 5
juin 2015, n° L141, p. 19 « Afin d’assurer un traitement égal des créanciers, un créancier qui a obtenu,
dans une procédure d’insolvabilité, un dividende sur sa créance ne participe aux répartitions ouvertes
dans une autre procédure que lorsque les créanciers de même rang ou de même catégorie ont obtenu,
dans cette autre procédure, un dividende équivalent ».
46
En ce sens, J.-E. Kuntz et J. Cavelier, Notification d'une cession Dailly ou d'un nantissement de
créances et exécution du plan de sauvegarde ou de redressement, BJE mars 2015, p. 123 ; J.-E. Kuntz et
V. Nurit, La cession de créances Dailly à titre de garantie à l'épreuve du plan de sauvegarde, BJE janv.
2014, p. 58. La jurisprudence renforce sans cesse cette impression de faveur excessive : Com. 22 mars
2017, n° 15-15361, FSPBI, BJE mai 2017, p. 201, n. Bonhomme ; Com. 1er mars 2016, 14-20275, FD,
rejet, BJE mai 2016, p. 179, n. R. Bonhomme ; Com. 30 juin 2015, n° 14-13784, FSPB, LPA 11 sept.
2015, p. 15, n. R. Bonhomme ; LEDEN 2015-8, n° 116, n. Borga ; CA Versailles, ch. 13, 28 févr. 2013,
12/06573, Hold, LEDEN 2013-4, n° 061, obs. Lucas ; D. 2013, p. 829, obs. R. Dammann et G. Podeur,
et 1716, chron. Crocq ; BJE juill. 2013, p. 235, n. N. Borga (Quand la cession Dailly se joue des
procédures collectives) ; D. 2013, 2895, note R. Dammann et M. Boché-Robinet ; BJS mai 2013,
comm. 167, note M. Laroche.
Pour un exemple inverse de rigueur étonnante à l’égard du cessionnaire Dailly, v. Com. 19 mai 2015, n° 14-
11215, FPB, DPDE juin 2015, bull. n° 371, p. 11, obs. Ph. Roussel Galle (et Gaz. pal. 19 juil. 2015, pp. 23) ;
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efficace parfois, pouvant (et devant) être mise en œuvre lorsque s’ouvre la
procédure collective, mais avec un résultat qui demeure assez aléatoire. Plus
lourde à constituer mais polyvalente, la fiducie-sûreté, toujours efficace face à
un constituant en liquidation judiciaire (ou soumis à un plan de cession), est
également très sûre en cas de sauvegarde ou de redressement judiciaire
lorsqu’elle entraîne dépossession du constituant47, soustrayant de surcroît le
bénéficiaire au piège des comités de créanciers…
24. Par ailleurs, les sûretés assorties d’un droit de rétention effectif, notamment
le gage mobilier ou, selon les textes, immobilier, sont elles-mêmes
potentiellement efficaces, à la mesure de la gêne créée chez le débiteur ; le gage
l’est plus encore en cas de liquidation judiciaire du constituant, puisque le
gagiste peut alors exiger l’attribution judiciaire (article L.642-20-1, alinéa 2 C.
com.). Le droit de rétention fictif lui-même peut également permettre le
paiement du créancier, dans la liquidation judiciaire… C’est dire que l’arsenal
des sûretés n’a pas été démantelé, bien au contraire, restreignant d’autant la
place laissée au jeu du principe d’égalité des créanciers.
25. Hors le cadre des comités (v. supra, n° 6 s.), l’élaboration des plans a
longtemps reposé sur l’obligation faite au tribunal d’imposer des délais de
paiement uniformes et réglementés aux créanciers n’ayant pas accepté les
propositions de règlement transmises par le mandataire judiciaire, cette
uniformité – quasi-absolue puisqu’elle ne réservait au départ que les délais
contractuels plus longs – étant à certains égards tout au moins48 une expression
du principe d’égalité et en tout cas voulue et considérée comme telle.
26. C’est pourquoi les possibilités croissantes de traitement différencié entre les
créanciers, y compris dans les plans adoptés sans comités et bien que ceux-ci
BJE nov. 2015, p. 378, n. C. Lisanti ; RTD com. 2015, 588, obs. A. Martin-Serf ; RD bancaire et fin. 2015, n°
167, obs. C. Houin-Bressand ; Droit et procédure janv. 2016, p. 20, obs. Crocq ; JCP E 2015, 1504, n. S.
Moreil.
47
Et même en l’absence de dépossession, dès lors que l’assiette n’est pas un bien utile à la continuation
de l’activité du constituant.
48
A certains égards, seulement : v. sur les approximations de cette égalité légale F. Pérochon,
Entreprises en difficulté, n° 1000 et 1007 ; C. Saint-Alary-Houin, Droit des entreprises en difficulté,
n° 1032.
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relèvent de textes qui, à la différence des articles L.626-30-2, alinéa 2 (pour les
comités de créanciers stricto sensu) et L.626-32, alinéa 2 (pour l’assemblée des
obligataires), n’en font pas clairement mention49, manifestent à mon avis un
autre recul du principe d’égalité50. Avec l’approbation de la meilleure doctrine51,
la pratique, sensible notamment au souci d’élaboration rapide du plan, avait
d’ailleurs admis des solutions différenciées en l’absence même de texte le lui
permettant : par exemple, depuis 2005, s’il avait fallu attendre d’avoir pu
consulter tous les titulaires de créances postérieures non privilégiées (dont,
précisément pour des raisons de rapidité, il n’est pas tenu compte dans les
comités de créanciers : supra, n° 6), on aurait fortement retardé l’adoption du
plan, et il en serait de même si l’on voulait consulter les créanciers déclarant
tardivement leur créance, après avoir été relevés de la forclusion…52. D’où la
solution pragmatique préconisée notamment par le professeur François-Xavier
Lucas consistant à ne pas les consulter et à les traiter par principe comme des
récalcitrants, parmi les autres créanciers visés par l’article L.626-18, alinéa 4
(« Dans les autres cas… »), puisque par hypothèse ils n’ont pas accepté ces
propositions à eux non soumises53.
49
V. contre le raisonnement a contrario, F. Pérochon et Ph. Pétel, Les délais du plan… préc., Mél. Le
Cannu, p. 611, n° 6.
50
En ce sens, C. Saint-Alary-Houin, Droit des entreprises en difficulté, n° 1032, et Com. 20 mars 2012,
n° 11-23812 (QPC non transmise), RPC 2013, comm. 20, n. J.-J. Fraimout ; BJE mai 2012, p. 146, n.
N. Tagliarino-Vignal. Comp., y voyant un renforcement de l’égalité vraie : M. SENECHAL et
G. COUTURIER, Créanciers antérieurs : l’égalité a-t-elle vécu ?, BJE sept. 2012, p. 328, spéc. p. 330
s. ; N. Ghalimi, Le traitement différencié des créanciers dans les plans de sauvegarde et de redressement,
LPA 19 déc. 2014, p. 4 ; F.-X. Lucas, Manuel de droit de la faillite, n° 322.
51
F. DERRIDA et J.-P. SORTAIS, avec la collaboration de A. HONORAT, Redressement et
liquidation judiciaires des entreprises. Cinq années d'application de la loi du 25 janvier 1985, Dalloz, 3e
éd., 1991, note 690 ; F.-X. LUCAS, in La crise du crédit, Lamy Axe droit, p. 282 s., n° 410 et LE PLAN
DE SAUVEGARDE APPRÊTÉ OU LE PREPACKAGED PLAN À LA FRANÇAISE, CDE 2009-5,
sept. 2009, art. 28 ; P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, 2017/2018, n° 512.31 ;
N. Ghalimi, op. cit., LPA 19 déc. 2014, p. 4 ; F. Pérochon et Ph. Pétel, Les délais du plan préc., Mél. Le
Cannu, p. 611, n° 4 s. ; H. Poujade, Le plan de restructuration en droit des entreprises en difficulté, déc.
2014, Toulouse, dir. C. Saint-Alary Houin, n° 110 et 126 s. qui évoque l’atomisation de l’intérêt
collectif des créanciers.
52
V. la démonstration de F.-X. LUCAS, in La crise du crédit, Lamy Axe droit, p. 282 s., n° 410 et CDE
2009-5, sept. 2009, art. 28.
53
F.-X. Lucas, in La crise du crédit, Lamy Axe droit, p. 282 s., n° 410 et CDE 2009-5, sept. 2009, art.
28, et Observations sur le volet règlementaire de la SFA, éclairage BJE mai 2011, p. 102 ; P.-M. Le
Corre, Droit et pratique des procédures collectives, n° 512. 44.
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54
Pour la négative, F.-X. Lucas, Observations sur le volet réglementaire de la SFA, éclairage BJE mai
2011, p. 102, spéc. 103.
55
F. Pérochon et Ph. Pétel, Les délais du plan préc., Mél. Le Cannu, p. 611, n° 25 ; F. Pérochon,
Entreprises en difficulté, n° 872 ; H. Poujade, Le plan de restructuration en droit des entreprises en
difficulté, n° 129 suggère ainsi pour le passif obligataire (même hors comités) des remises plutôt que des
délais de paiement, v. également n° 271-2 pour les prêts in fine.
56
M. SENECHAL et G. COUTURIER, op. cit., BJE sept. 2012, p. 331 : « le tribunal… doit désormais
procéder à un contrôle de l’égalité poussé, et ce au regard de la valeur de l’entreprise, les efforts les
plus importants devant être supportés par les créanciers dont les créances ne sont que partiellement,
voire aucunement, couvertes par la valeur de l’entreprise au moment où il examine l’opportunité
d’arrêter le plan » ; H. Poujade, Le plan de restructuration en droit des entreprises en difficulté, n° 265
s. sur le contrôle de la « différenciation proportionnée ».
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29. 1985, année de la loi sur le redressement judiciaire des entreprises, était
aussi l’année du film Brazil de Terri Gillian, dont l’univers glauque et kafkaïen
glace durablement le spectateur en décrivant par le menu le parcours du
combattant désespérément suivi par le héros pour faire reconnaître, non pas sa
créance dans la procédure collective de son débiteur, mais l’erreur d’une
monstrueuse machinerie administrative … Que d’analogies pourtant entre ces
combats, tous deux absurdes et sanglants, pouvant aller jusqu’à la mort, pour la
créance, éteinte au bout d’un an en cas de forclusion, selon la loi de 1985… !
En 32 ans, les obstacles du parcours dressé devant le créancier désireux de
faire valoir sa créance dans la procédure collective ont certes changé, le
législateur et la jurisprudence veillant à les compliquer régulièrement, en
renouvelant certains58, en allégeant exceptionnellement d’autres. Mais en 2017,
la déclaration de la créance est encore et toujours un parcours du combattant,
impraticable par la plupart des créanciers, y inclus même les professionnels du
crédit, voire leurs avocats, parfois même spécialisés… Moi qui ne suis
qu’universitaire, après plus de 30 ans de travail en la matière, après avoir lu les
centaines de pages écrites par les meilleurs spécialistes et parcouru un nombre
incalculable de décisions sans doute très subtiles, mais souvent passablement
obscures et décourageantes pour le créancier59, je serais encore, et même de plus
en plus, en grande difficulté pour déclarer la plupart des créances et obtenir
ensuite une décision sur le fond…
57
L’espoir ici encore viendra-t-il de l’Europe ? L’exposé des motifs de la Proposition de directive, p. 23,
ne fait mention expresse que des droits fondamentaux du débiteur et des travailleurs. Mais ceux des
créanciers sont peut-être en filigrane dans les garde-fous visés ci-après : « Droit de propriété et droit à
un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial (articles 17 et 47 de la charte): bien que
certaines parties de la procédure puissent porter atteinte à ces droits, elles sont nécessaires et
proportionnées pour faciliter une mise en œuvre rapide de plans de restructuration de nature à rétablir
la viabilité des débiteurs. Des garde-fous appropriés ont été prévus dans chaque cas pour garantir la
protection des intérêts légitimes des parties contre les abus. »
58
Or il faut du temps pour être sûr de bien comprendre les nouvelles mesures, et plus encore pour
connaître et comprendre la vision qu’en retient la Cour de cassation. Qui peut affirmer en 2017 maîtriser
parfaitement la déclaration par le débiteur pour le compte du créancier instituée par l’ordonnance du 12
mars 2014 ?
59
En matière de déclaration, vérification et admission ; v. pour quelques exemples Com. 4 mai 2017, n°
15-25919, FD ; Com. 4 mai 2017, 15-23493, FD ; Com. 27 sept. 2016, n° 14-21231 et 14-18998,
FSPB ; adde¸ favorable au créancier mais complexe, Com. 31 janv. 2017, n° 15-17296, FPBI, JCP E
2017, 1164, n° 6, obs. Pétel…
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DEUXIÈME PARTIE
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« PROCÈS » ÉCONOMIQUE
Les règles dérogatoires à la procédure
Julien THÉRON
Professeur à l’Université Toulouse Capitole,
Centre de Droit des Affaires (CDA)
1
P. Théry, « La notion de lien d’instance depuis 40 ans », 6ème rencontres de procédure civile, IRJS,
2016.
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LES RÈGLES DÉROGATOIRES À LA PROCÉDURE
Le danger d’une telle position peut alors être rapidement perçu. Parce
qu’aucune règle ne s’impose naturellement dans cette procédure, le législateur,
le gouvernement ou la jurisprudence pourraient à leur guise supprimer telle ou
telle garantie de procédure. Tel ne semble pourtant pas être le cas. On a même
plutôt le sentiment que les garanties deviennent de plus en plus présentes.
2
H. Solus et R. Perrot, Droit judiciaire privé, T.1, Sirey 1961, n° 482 ; S. Guinchard, M. Bandrac, C. S.
Delicostopoulos, I. S. Delicostopoulos, M. Douchy, F. Ferrand, X. Lagarde, V. Magnier, H. Ruiz Fabri,
L. Sinopoli, J.-M. Sorel, Droit processuel, Droit commun et comparé, 3ème éd. 2005, n° 752 ; G.
Couchez, Procédure civile, Armand Colin 13ème éd. 2004, n° 216 ; M. Bandrac, « De l’acte
juridictionnel, et de ceux qui ne le sont pas », in Le juge entre deux millénaires, Mélanges offerts à P.
Drai, Dalloz 2000, p. 171.
3
G. Wiederkehr, « Le rôle de la volonté dans la qualification des actes judiciaires », Justice, 1996/4, 266
4
R. Martin, « La saisine d’office du juge », JCP G 1973, IV, 6316 ; J. Héron et Th. Le Bars, Droit
judiciaire privé, 5ème éd., n° 333.
5
P. Cagnoli, Essai d’analyse processuelle du droit des entreprises en difficulté, LGDJ, n° 161 et s.
6
id, n° 330.
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JULIEN THÉRON
A titre d’illustration, bien que la célérité soit un des objectifs du droit des
entreprises en difficultés, personne ne songe à fermer les voies de recours… La
seule difficulté en la matière est d’en déterminer les titulaires.
Surtout, au fond si le juge ne remplit pas ici l’office qui lui est propre,
qu’on lui retire le droit des entreprises en difficultés. S’il s’agit simplement de
recourir à eux en raison de leur expérience (tribunal de commerce) ou de leur
sagesse, on pourrait tout à fait réunir ce type de compétences dans le cadre
d’autres institutions… Pourtant personne n’y songe sérieusement. Surtout, le
Conseil constitutionnel à propos de la saisine d’office a qualifié la procédure de
juridictionnelle7.
7
CC 7 déc. 2012, n° 2012-286, QPC et CC 6 juin 2012, n° 2014-399, QPC.
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LES RÈGLES DÉROGATOIRES À LA PROCÉDURE
dans lesquelles il est saisi le juge tranche en effet une contestation. Encore faut-
il tout d’abord s’entendre sur la notion de contestation (A), pour pouvoir le
démontrer ensuite (B).
8
Voir J. Théron, L’intervention du juge dans les transmissions de biens, LGDJ 2008, spéc. n° 198.
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JULIEN THÉRON
L’admission ou le rejet d’une créance9. Il n’y a pas de litige ici parce que
la créance n’est formellement contestée par personne. Cependant, la loi jette un
doute quant à la réalité de la créance déclarée, puisqu’elle impose sa vérification
et son admission pour qu’elle puisse être réglée. Tant que les créances ne sont
pas vérifiées et admises, la loi les présume douteuses et les exclut. Le créancier
déclarant sa créance demande ainsi à la justice à ce que ce doute soit levé.
Les exemples pourraient être multipliés. Dans la mesure où le juge est saisi
pour juger, les procédures qui mènent à sa décision revêtent un caractère
juridictionnel. Simplement le contexte dont il est saisi n’étant pas assimilable au
litige, il importe que la procédure ait une figure propre, originale.
9
J. Théron, « Réflexions sur la nature et l’autorité des décisions rendues en matière d’admission de
créances au sein d’une procédure collective », RTD com. 2010, p. 635.
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LES RÈGLES DÉROGATOIRES À LA PROCÉDURE
10
P. Théry, op. cit. p. 19.
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LES RÈGLES DÉROGATOIRES À LA PROCÉDURE
déséquilibre tranché par le tribunal, que ces personnes vont bénéficier ou subir
ses effets.
• Cela est évident pour le débiteur. Pour mettre un terme au déséquilibre, le
tribunal devra en effet décider soit de le laisser à la tête de son entreprise,
soit de l’exproprier. L’évidence est telle que sa qualité de partie n’est plus
aujourd’hui sujette à caution.
• Il en va de même pour les créanciers16 à l’évidence victimes du déséquilibre
dénoncé. Pareillement les salariés doivent être considérés comme parties à
ce déséquilibre.
• Enfin, dans la mesure où l’intérêt général est concerné, il est logique que le
ministère public soit considéré comme partie. Logiquement chacune de ces
parties, liées au déséquilibre doit pouvoir exercer une voie de recours dans
la mesure où elle estime que le tribunal n’a pas rétabli l’équilibre de la
meilleure manière possible17.
16
Représentés par le mandataire liquidateur une fois la procédure ouverte.
17
Art. L. 661-1 C. com.
18
Ce qui explique qu’ils n’aient pas la faculté d’exercer de voies de recours contre le jugement ne
retenant pas leur offre (L. 661-6 III C. com.). Seul le cessionnaire choisi peut faire appel du jugement
qui met à sa charge des obligations qui n’étaient pas contenues dans son offre (L. 661-6 III C. com.).
Mais il ne faut pas en déduire qu’il acquiert pour autant la qualité de partie. S’il peut agir contre ce
jugement c’est tout simplement qu’il lui fait grief. En somme, ce recours répond plus à la philosophie de
la tierce opposition qu’à celle de l’appel à proprement parlé.
19
Cass. com. 31 mai 2011, n° 17-774, Gaz. Pal. 8 oct. 2011, n° 281, p. 28, obs. J. Théron.
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1) Le déclenchement
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quelque sorte placées dans la même situation que le défendeur dans le cadre du
litige. Elles deviennent parties à l’instance sans l’avoir désiré. Mais à la
différence du litige, elles ne sont pas placées en position de défense. Au
contraire, chacune de ces parties est en quelque sorte créancière du jugement
attendu. Elle espère que ses intérêts seront le moins lésés possible en
conséquence des difficultés de l’entreprise. Si elles peuvent être parties à
l’instance sans l’avoir voulu, c’est tout simplement parce que la matière soumise
au juge n’est pas la leur. Dans un litige si la partie lésée décide de ne pas agir,
cela ne regarde qu’elle. Au contraire, en droit des procédures collectives, ce
n’est pas parce que le débiteur, ou les créanciers ne saisissent pas le tribunal
qu’il n’y a pas de risque de trouble à la paix sociale. Il importe dans cette mesure
de pouvoir ouvrir ce type de procédure au plus tôt pour que les intérêts en cause
subissent le moins de lésions possibles21.
2) La conduite
Dans le même sens, les parties n’étant pas en ce domaine maîtresses des
intérêts en cause, le raisonnement pour résoudre la contestation et la recherche
des preuves doit leur être retiré. En ce domaine comme en matière pénale, la
solution doit en effet être rendue de la manière la plus objective possible22. Si
dans le cadre d’un conflit intersubjectif ne mettant en cause que les droits des
parties ces dernières doivent assumer la responsabilité de leur succès ou échec,
cela ne peut être ici le cas. Le règlement de la contestation dépasse la
satisfaction directe de l’intérêt des victimes du déséquilibre. Le tribunal a
nécessairement un rôle beaucoup plus actif. Il doit disposer de tous les moyens
nécessaires dans le but de rendre la décision la plus proche de la vérité objective
sans être limité par les seuls éléments avancés par les parties. Ces dernières ont
donc nécessairement un rôle beaucoup moins important dans la conduite de
21
Il y avait là la justification de la possibilité pour le tribunal de se saisir d’office en matière de
redressement et de liquidation. Si une telle faculté a aujourd’hui disparu et avait été censurée en matière
de redressement pour violation du principe d’impartialité, il ne faut pas pour autant en déduire qu’elle
faisait du tribunal une partie. Le tribunal, non partie au déséquilibre, ne peut être considéré comme une
partie à la contestation. Il n’attend rien du jugement qui sera rendu. Dans cette mesure l’autosaisine ne
viole pas le principe selon lequel « nul ne peut être juge et partie ». Cons. const., 7 déc. 2012,. n° 2012-
286 QPC: JO 8 déc. 2012 ; D. 2012, p. 2886, obs. A. Lienhard ; D. 2013, p. 28, note M.-A. Frison-
Roche ; BJED 2013, n° 1, p. 10, note T. Favario ; JCP G 2013, 50, note N. Gerbay ; JCP E 2013, 1048,
note N. Fricero ; JCP E 2013, 48, note C. Lebel ; Gaz. Pal. 18 déc. 2012, p. 9, J1959, note G. Teboul ;
Gaz. Pal. 09 mars 2013 n° 68, p. 29, comm. J. Théron.
22
R. Martin, Théorie générale du procès, Editions juridiques et techniques, 1984, n° 87.
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JULIEN THÉRON
l’instance qu’en matière de litige. Cette nécessité est accrue du fait que le
tribunal doit ici prendre en considération l’intérêt de l’entreprise. Cet intérêt tiers
à celui des parties, n’est représenté par aucune d’entre elles. Pour l’apprécier, le
tribunal ne peut donc s’en tenir à ce qu’elles apportent. Le traitement des
entreprises en difficulté est incompatible avec le principe par essence
individualiste et subjectif qu’est le dispositif23. Il doit disposer de tous les
moyens nécessaires dans le but de rendre sa décision la plus proche de la réalité
objective. Ici, le juge doit pouvoir modifier l’objet des demandes et retenir des
faits qui ne sont pas dans les éléments du débat24.
23
O. Staes, op. cit., n° 150.
24
D. Briand, Nature du droit des entreprises en difficulté et systèmes de droit, th. Rennes, 1992, p. 361.
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Enfin, le déséquilibre tranché par le juge étant objectif, l’identité des parties
n’a pas d’incidence quant à l’étendue de l’autorité de chose jugée. Dans le cadre
d’un litige, la chose jugée dépend inextricablement de l’identité des parties. La
juridiction va en effet se prononcer sur le point de savoir si une personne a plus
que son dû au détriment d’une autre. Lorsque le tribunal se prononce sur le point
de savoir si l’entreprise peut être sauvée, ou encore sur la modalité de ce
sauvetage, l’autorité de chose jugée ne peut alors être relative qu’à la cause du
jugement –les difficultés de l’entreprise– et à son objet –la solution arrêtée pour
y remédier. Nul ne pourra contester une fois ce type de jugement rendu que la
solution arrêtée constituait le meilleur moyen de redresser l’entreprise.
25
L. 626-14 du Code de commerce.
26
L. 621-92 C. com.
27
C. Saint-Alary-Houin, Droit des entreprises en difficulté, op. cit., n° 960 ; CA Aix-en-Provence, 9
décembre 1988, D. 1990, som. 3, obs. F. Derrida.
28
L. 642-18 du code de commerce.
29
L. 642-19 du code de commerce.
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JULIEN THÉRON
30
Ass. pl. 10 avril 2009, n° 08-10154.
31
Aujourd’hui la loi indique qu’en cas de résolution d’un plan les créances admises dans une première
procédure sont admises de plein droit dans la procédure de liquidation (L. 626-27 C. com.). En revanche
la question reste entière en cas de rejet.
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LES RÈGLES DÉROGATOIRES À LA PROCÉDURE
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« PROCÈS » ÉCONOMIQUE
Les limites au caractère dérogatoire
Olivier STAES
Maître de conférences à l’Université Toulouse Capitole,
Membre du Centre de Droit des Affaires (CDA)
1° Les règles du code de procédure civile sont applicables dans les matières
régies par le livre VI de la partie législative du présent code ; (…) ».
1
Intervention Julien Théron, Les règles dérogatoires à la procédure, V. supra, p. 133.
2
Pour une illustration : Cass. avis. N° 16003 du 4 avril 2016 (demande n° 16-70.001).
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LES LIMITES AU CARACTÈRE DÉROGATOIRE
Bien que le tribunal ne tranche pas un litige mais exerce une magistrature
économique, les principes fondamentaux de la procédure s’imposent au
traitement des entreprises en difficulté Dès lors le législateur doit garantir
l’impartialité du juge (A) ainsi que l’accès au juge des personnes dont les
intérêts et les droits sont affectés par le traitement économique de l’entreprise
(B).
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OLIVIER STAES
3
Rossi : Le pouvoir d’initiative du juge en matière de procédures collectives : BJE janv.-févr. 2015, p.
44.
4
Redressement judiciaire : Cons. Const., décision n° 2012-286 QPC du 07 déc. 2012 : Rev. sociétés
2013, p. 177, note Henry ; liquidation judicaire Cons. const., décision n° 2013-368 QPC, 7 mars 2014 :
LEDEN avr. 2014, n° 57, obs. Favario. A aussi été déclarée inconstitutionnelle, la saisine d’office en
résolution du plan et, en cas de cessation des paiements, en ouverture d’un redressement ou d’une
liquidation : Cons. const., décision n° 2013-372 QPC du 7 mars 2014.
5
C. com., art. L. 631-3-1 et L. 640-3-1.
6
Cons. const., décision n° 2014-399 QPC du 6 juin 2014 : Act. proc. coll. 2014/11, comm. 210,
Cagnoli.
Le droit des entreprises en difficulté après 30 ans : droit dérogatoire, précurseur ou révélateur ? | 149
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LES LIMITES AU CARACTÈRE DÉROGATOIRE
collective a pris fin par le jugement d’ouverture qui met en place le traitement
économique de l’entreprise.
7
C. com., art. L. 662-7, 3°.
8
C. com., art. L. 662-7, 2°, 3°et 4°.
9
C. com., art. L. 662-7, 1°. (mandat ad hoc et conciliation).
10
C. com., art. L. 621-4, al. 1er et C. com., art. L. 641-I, II.
11
Conformément au XVI de l'article 114 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, ces dispositions
ne sont pas applicables aux procédures en cours au jour de la publication de ladite loi.
12
Outre les restrictions légales et judiciaires de son droit d’agir en justice, l’effectivité du droit d’accès
au juge du débiteur en liquidation judiciaire pose problème en matière d’arbitrage lorsque le liquidateur
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OLIVIER STAES
« Nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée ». Ce
principe directeur du procès énoncé à l’article 14 du code procédure civile et
consacré par l’article 6, 1° de la Convention européenne des droits de l’homme
concerne au premier chef le débiteur qui, selon la Cour de cassation, ne saurait
être qualifié de tiers au motif qu’il n’a pas été entendu ou appelé à la procédure
ouverte contre lui13. La violation de ce principe est sanctionnée par la nullité du
jugement. De même, en matière de réalisation des actifs, la Cour de cassation
annule, au visa de l’article 14 du code de procédure civile, les ordonnances du
juge-commissaire rendues sans que le débiteur ait été entendu ou appelé14.
ne dispose pas des fonds suffisants pour payer les coûts de l’arbitrage (Cass. 1re civ., 13 juill. 2016, n°
15-19.389 : LEDEN oct. 2016, n° 146, obs. Staes).
13
Cass. com., 17 juin 1975 (deux arrêts), n° 73-14.660 et n° 73-14.661: D. 1976, 67, obs. Julien ; RTD
com. 1976, 1012, n° 21, obs. Houin ; Bull. civ. 1012, IV, 168 et 169 ; RTD civ. 1976, 404, obs. Perrot.
14
R. 642-36-1 et R. 642-37-2 : Cass. com., 8 janv. 2013, n° 11-26.059 : Bull. civ. IV, n° 2 ; Cass. com.,
8 mars 2011, n° 10-30.629.
15
Cass. com., 1er mars 2016, n° 14-21.997, P. : Leden avr. 2016, n° 66, ,obs. Staes
16
En matière de réalisation des actifs : Cass. com., 16 juin 2009, n° 08-13.565 : LEDEN sept. 2009, p.
6, obs. Staes ; Act. proc. coll. 2009, n° 209, obs. Vallansan et Cagnoli ; Rev. proc. coll. 2010, n° 1, p. 25,
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LES LIMITES AU CARACTÈRE DÉROGATOIRE
A l’égard des tiers, la protection de leurs droits affectés par les décisions
rendues en matière de procédures collectives est assurée par la tierce-opposition.
2) La protection des tiers dont les droits peuvent être affectés par la
décision du juge de la procédure collective
L’accès au juge des tiers implique qu’ils disposent d’un délai raisonnable
pour contester la décision qui leur fait grief. Or en matière de procédures
comm. 5, note Gorrias et Manié ; Rev. proc. coll. 2010, n° 2, étude 8, p. 28, Rolland ; D. 2009, p. 1756,
obs. Lienhard et p. 2521, note Théron ; Cass. com., 8 mars 2011, n° 10-30.629 ; Cass. com. 8 janvier
2013, n° 11-26.059 : Bull. civ. IV, n° 2 ; Act. proc. coll. 2013, n° 55.
17
Cass. ch. mixte, 28 janv. 2005, n° 02-19.153 : Bull. civ. ch. Mixte, n° 1 ; Procédures 2005, n° 87, obs.
Perrot.
18
Cass. com. 17 févr. 2015, n° 14-10100 14-10109 : Act. proc. coll. 2015/7, n° 112 ; BJE mai 2015, p.
156, note Théron.
19
Cass. com. 17 févr. 2015, n° 14-10.279 : Bull. civ. IV, n° 36 ; Act. proc. coll. 2015/6, n° 81, obs.
Staes ; BJE juill-août 2015, p. 245, note Lajarte-Moukoko.
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Cette solution, qui préserve le droit d’accès au juge des tiers, a été
consacrée par le décret n° 2005-1677 du 28 décembre 2005 pour les
ordonnances du juge-commissaire22 mais non pour la tierce opposition qui court
à compter du prononcé des décisions non soumises à publicité. Aussi, pour
garantir l’accès au juge aux tiers dont les droits sont affectés par le jugement, la
Cour de cassation a appliqué à la tierce opposition la solution qu’elle avait
imposée pour les ordonnances du juge-commissaire : la tierce opposition ne
court qu’à compter de la notification de la décision23.
20
C. com., art. R. 661-2.
21
Cass. com., 11 mars 1997, n° 94-14.437 : JurisData n° 1997-001072 ; Bull. civ. 1997, IV, n° 68 ; JCP
E 1997, I, 681, n° 6, obs. Cabrillac ; D. affaires 1997, p. 483 ; Cass. com., 30 mars 1999, n° 96-10.828 :
JurisData n° 1999-001498 ; Act. proc. coll. 1999, comm. 126 ; Cass. com., 4 janv. 2000, n° 97-10.333 :
Rev. proc. coll. 2000, p. 202, obs. Soinne ; Cass. com., 26 avr. 2000, n° 97-12.720 : JurisData n° 2000-
001785 ; Act. proc. coll. 2000, comm. 142.
22
C. com., art. R. 621-21.
23
Cass. com., 12 janv. 2012, n° 08-14.971 : LEDEN mars 2010, p. 7, obs. Staes.
24
Cass. com. 30 juin 2009, n° 08-11.902 : D. 2009, p. 137, obs. Lienhard ; LEDEN n° 5, p. 1, obs. note
Lucas ; Act. proc. coll. 2009/15, n° 224, obs. Dom ; Rev. proc. coll. 2009/4, p. 1, note Menjucq ; Rev.
proc. coll. 2009.4, p. 10, no 4, concl. Av. gén., Bonhomme .
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LES LIMITES AU CARACTÈRE DÉROGATOIRE
25
Cass. com., 19 déc. 2006, n° 05-14.816 : Bull. civ. II, n° 254 ; D. 2007, AJ, 157, obs. Lienhard ; JCP
E 2007, 1186, note Cholet ; Bull. Joly 2007, 466, note Cagnoli et Vallansan. La tierce opposition des
associés tenus indéfiniment du passif social a aussi été ouverte à l’encontre du jugement fixant une
créance au passif à l’issue d’une instance en cours interrompue par le jugement de liquidation (Cass.
com., 26 mai 2010, n° 09-14.241).
26
Cass. 3e civ., 6 oct. 2010, n° 08-20.959 : Bull. civ. III, n° 180.
27
Cass. com., 5 mai 2015, n° 14-16.644 : D. act. 18 mai 2015, obs. Avena-Robardet.
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28
Cass. com., 1er oct. 1997, n° 94-16.612 : Rev. proc. coll. 1998-4, p. 340, n° 10, obs. Soinne.
29
Cass. com., 12 oct. 1993, n° 89-17.509 : Bull. civ., IV, n° 334.
30
Cass. com., 22 mars 1988, nos 87-15.901 et 87-15.902 : Bull. civ., IV, n° 113.
31
Cass. com., 12 janv. 2016, n° 13-24.058, P : LEDEN févr. 2016, com. 18, obs. Pelletier ; Act. proc.
coll. 2016/3, n° 43, obs. Cagnoli ; JCP 2016, p. 227, obs. Legrand ; BJE mai-juin 2016, p. 184, obs.
Staes.
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L’absence de maîtrise des parties sur l’objet des instances statuant sur le
traitement économique de l’entreprise a pour corollaire le pouvoir reconnu au
juge de modifier l’objet de certaines demandes.
32
Cass. com., 24 mars 2009, n° 07-18.927 : Act. proc. coll. 2009, n° 124, obs. Vallansan.
33
Cass. com., 27 janv. 2015, n° 13-20.463 : Bull. civ. IV, n° 9 ; Act. proc. coll. 2015-5, repère 66, obs.
Théron ; LEDEN 2015-4, p. 2, 51, obs. Rubellin ; JCP E 2015, 1204, no 9, obs. Pétel.
34
Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 portant
réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives : JORF n° 0062 du
14 mars 2014 page 5243, II 1. Dans un arrêt postérieur au colloque rendu le 27 septembre 2017, la Cour
de cassation a reconnu au juge-commissaire le pouvoir de se prononcer sur la demande
reconventionnelle du débiteur en responsabilité et compensation avec la créance déclarée (Cass. com.,
27 sept. 2017, n° 16-16.414).
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OLIVIER STAES
La question s’était aussi posée de savoir si la cour d’appel qui constate que
la situation de l’entreprise en état de cessation des paiements n’est pas
irrémédiable compromise peut, après avoir infirmé ou annulé la liquidation
judiciaire, ouvrir un redressement. En 2008, la cour d’appel de Paris a répondu
par la négative, considérant qu’elle n’avait pas le pouvoir de modifier l’objet de
la demande36. Ultérieurement la Cour de cassation a autorisé les juges d’appel à
passer du redressement à la liquidation judiciaire en l’absence de demande des
parties37. Cette jurisprudence a été consacrée par le décret n° 2009-160 du 12
février 2009 aux articles R. 631-6 et R. 640-2 du Code de commerce.
35
C. com., art. L. 631-7, al 2 et L. 641-1, I, al. 2.
36
CA Paris, 3e ch. set. A, 26 févr. 2008 : Act. proc. coll. 2008, n° 142, obs. Cagnoli ; D. 2008, p. 2606,
obs. Gourdain.
37
Cass. com., 27 mai 2008, n° 07-13.131 : Bull. civ. IV, n° 107 ; JCP E 2008, 2062, 1, Pétel.
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LES LIMITES AU CARACTÈRE DÉROGATOIRE
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« PROCÈS » ÉCONOMIQUE
Le rôle particulier du ministère public, droit
dérogatoire, précurseur, révélateur ? 1
Jocelyne VALLANSAN
Professeur, Conseiller à la Cour de cassation
1
Cette contribution est largement inspirée des travaux de MM. Christophe Delattre (Vice Procureur
Lille) : Fin de la saisine d’office : un nouveau rôle pour le ministère public ? Rev.proc.coll. 2013-4, Et
29.- Les avis du ministère public : Rev.proc.coll. 2014-5, Et.22.- L’intervention du ministère public dans
la loi de sauvegarde : Rev.proc.Coll 2014-6, fiche pratique 2, et Laurent Le-Mesle (Premier avocat
général à la Cour de cassation) : Quelques éléments d’actualité à propos de l’avis du ministère public en
matière de procédures collectives : Cahier de droit de l’entreprise 2015, dossier 38. V. aussi N. Fricéro,
Le ministère public, partie principale, partie jointe : CDE 2015, dossier 37.
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LE RÔLE PARTICULIER DU MINISTÈRE PUBLIC, DROIT DÉROGATOIRE, PRÉCURSEUR, RÉVÉLATEUR ?
A-t-il donc un rôle si dérogatoire à celui que lui confère le droit commun ?
A tout le moins, sa place dans une procédure judiciaire est- il révélateur, voire
précurseur ? Nous verrons qu’à des degrés différents, ces trois qualificatifs
correspondent au rôle du parquet.
• Il agit d’office dans les cas que la loi détermine (CPC, art 422) : en
procédure collective, plusieurs dispositions l’autorisent à agir d’office.
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JOCELYNE VALLANSAN
A. Les saisines
1) La demande d’ouverture
2
Cons. constit. QPC n° 2012-286, du 7 décembre 2012 : JO 8 déc. 2012, p. 19279.
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LE RÔLE PARTICULIER DU MINISTÈRE PUBLIC, DROIT DÉROGATOIRE, PRÉCURSEUR, RÉVÉLATEUR ?
tribunal, c’est le parquet qui le fera. L’article L.631-3-1 nouveau3 organise donc
une transmission d’informations via le greffe entre le président qui a
connaissance d’éléments faisant apparaître qu’un débiteur est en état de
cessation des paiements et le parquet. Celui-ci disposant d’éléments pourra
compléter ses recherches par d’autres informations en particulier auprès de la
banque de France (sous réserve des informations confidentielles acquises au
cours d’une éventuelle procédure préventive).
Et c’est avec toutes les preuves à l’appui qu’il pourra assigner tel débiteur
en redressement ou liquidation judiciaire. Par souci de transparence, la note du
président est jointe à l'assignation (c.com., art.R.662-3-1).
3
Introduit par l’ordonnance n° 2014-3 du 12 mars 2014.
4
TGI Valenciennes, 23 sept. 2009, RG n° 08/03316 : Act. proc. Coll. 2009, n° 242 ; JCP E 2016, 1663,
obs. C. Delattre.
5
P. Cagnoli, Essai d’analyse processuelle du droit des entreprises en difficulté, bibliothèque de droit
privé, t. 368, LGDJ, 2002, n° 163, p. 127.
6
O. Staes, Procédures collectives et droit judiciaire privé, th. Toulouse 1995, n° 148.
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C’est, bien entendu, dans le domaine des sanctions qu’on attend le plus et
de façon évidente le parquet : poursuites pénales, cela va sans dire, mais aussi
sanctions professionnelles (interdiction de gérer ou faillite personnelle). Ce qui
est pourtant tout à fait original et sans doute peut-on dire cette fois-ci
dérogatoire, c’est que le parquet peut agir en responsabilité financière contre les
dirigeants. On imagine mal un parquet autorisé à assigner en responsabilité
civile une personne responsable. D’ailleurs, si la victime d’une infraction ne
participe pas au procès pénal, le parquet ne peut de son propre chef réclamer une
indemnisation au délinquant au bénéfice de la victime. Or, en procédure
collective, c’est bien ce qui se passe puisque l’article L.651-3 donne qualité au
ministère public en concurrence avec le liquidateur pour agir contre le dirigeant
en responsabilité pour insuffisance d’actif. Or le produit de l’action sera
distribué entre les créanciers. Dans la pratique, on remarque que le parquet
laisse au liquidateur le soin d’agir en responsabilité pour insuffisance d’actif,
alors qu’il prend plus facilement l’initiative pour les sanctions professionnelles.
7
Cass. com. 11 oct. 2016, n° 14-360.
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Pour être complet, il faut ajouter que certains arrêts rendus sur appel de
quelques décisions (art. L.661-6-III, IV, V) ne peuvent faire l’objet d’un pourvoi
en cassation que de la part du ministère public.
8
Cass. com. 8 mars 2017, n° 15-22987.
9
V. J. Vallansan, Fonds de commerce et plan de cession ( à propos d’une ordonnance inédite du juge
commissaire du tribunal de commerce de Quimper du 23 juin 2012 : BJE 2013-1, p. 1.
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10
E. Houlette, le rôle du ministère public dans la loi de sauvegarde : JCP E 2005, 1514, expression
reprise par C. Delattre : Les avis du ministère public Rev. proc. coll. 2016-5, ét. 22.
11
V. le tableau très complet de M. Delattre, l’intervention du ministère public dans la loi de sauvegarde :
Rev.proc.coll. 2014-6, Fiches pratiques 2.
12
Art. L. 728-2 al. 2. – V. les autres cas dans le tableau de M. Delattre précité Rev. proc. Coll 2014-6,
fiche pratique 2.
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Lorsque la loi impose au parquet de donner un avis, elle exige de lui qu’il
examine le dossier. L’accusé de réception de la communication du dossier ne
suffit pas : visa n’est pas avis13. Toutefois la Cour de cassation n’est pas si
exigeante puisque le terme “s’en rapporte” est suffisant pour constituer un avis14.
Mérite également d’être signalé un arrêt de la cour d’appel de Caen qui exige
qu’en cas de renvoi à des audiences successives, l’avis du parquet soit
renouvelé15. En effet, sur plusieurs mois, la situation de l’entreprise peut avoir
changé.
La sanction. Dès lors que le texte rend l’avis (ou la présence à l’audience)
obligatoire, le non-respect de la règle est sanctionné par la nullité de la décision.
13
Cass. com., 8 janvier 2013, n° 11-23.664 - 24 juin 2014, n° 13-14.690 : Bull. civ. IV, n° 111. - 24
mars 2015, n° 13-26.209 et 13-28.458.
14
Cass. com. 16 déc. 2008, n° 07-16.130 : Bull. civ. IV, n° 211.
15
CA Caen, 15 nov. 2015 : JCP E 2016-1001, note C. Delattre.
16
Cass. com. 18 décembre 2008, n° 07-17.130.
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Le mandataire lui oppose que le moyen est irrecevable car l’article L.661-8
du code de commerce ne permet qu’au seul ministère public de se pourvoir en
cassation pour défaut de communication. L’idée est de dire qu’il appartient au
ministère public de reprocher à la cour d’appel d’avoir pris une décision sans
son avis. Or, en l’espèce, c’est le débiteur qui invoque la règle à son profit.
3°.- Lorsque l’avis n’apparaît pas dans l’arrêt, la Cour de cassation peut
aller vérifier dans le dossier s’il a ou non été donné (en pratique, le conseiller
rapporteur réclame le dossier au greffe de la cour d’appel).18 . L’arrêt de la cour
de cassation précise donc qu’il résulte (ou ne résulte pas selon le cas) des pièces
de la procédure, que l’avis a été donné (ou pas).
17
Cass. com., 22 septembre 2015, n° 14-15.452. - 29 septembre 2015, n° 14-15.639. - Cass. com., 1er
décembre 2015, n° 14-16.825. Cass. com., 11 décembre 2012, n° 11-22.459 et 11-26.555.
18
Cass. com., 5 novembre 2013, n° 12-20.134 et 11-21.716.
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B. Le sort de l’avis
19
Cass. com., 27 janv. 2009, n° 08-10.482 : Bull. IV, n° 10. - 28 janv. 2014, n° 13-10.453. - 7 nov.
2015, n° 14-22.222 : Bull. civ. IV, n° - 27 sept. 2016, n° 14-29.620.
20
Parmi les arrêts que la Cour de cassation, toutes chambres confondues a dû rendre ces dernières
années : Cass. com., 26 novembre 2014, n° 13-22.684 ; Cass 2ème civ, 25 septembre 2014, n° 13-
23.214 ; Cass. com., 28 janvier 2014, n° 13-10.453 ; Cass. com., 24 mars 2015, n° 14-11.765, Cass.
com., 22 septembre 2015, n° 14-15.452 ; Cass com., 17 novembre 2015, n° 14-17.607 et 14-22.222.-
Cass. com., 31 mai 2016, n° 14-20.447 - Cass. com., 27 septembre 2016, n° 14-29.620.
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21
Cass. com., 10 février 2015, n° 13-25.221. - Cass. civ. 3, 18 février 2015, n° 13-24.114. - Cass. com.,
18 mai 2016, n° 14-16.895.
22
Cass. com., 1er avril 2014, n° 13-13.474 : Bull. civ. IV, n° 66. - 16 juin 2015, n° 14-13.810.
23
Cass. com., 3 déc. 2013, n° 12-29.334 : Bull. civ. IV, n°.- 28 juin 2016, n° 14-19.160.
24
Cass. com., 28 juin 2017, n° 16-11.691 : JCP E 2017, n° 1517, note C. Delattre.
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« PROCÈS » ÉCONOMIQUE
La « déjudiciarisation » du traitement des difficultés
Laura SAUTONIE-LAGUIONIE
Professeur à l’Université de Bordeaux,
Responsable du pôle droit de l'insolvabilité de Trans Europe Experts
1
V. nouvel article 229-1 C. civ. tel qu’issu de la loi n° 2016-1547 du 18 nov. 2016.
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LA « DÉJUDICIARISATION » DU TRAITEMENT DES DIFFICULTÉS
contentieux, pourraient se concentrer sur les dossiers censés constituer leur cœur
de métier. Cela permettrait de raccourcir les délais des procédures et de faire
traiter plus de demandes par des magistrats sans création de postes2.
Répondant à un objectif qui lui est donc propre, il reste à apprécier cette
déjudiciarisation du traitement des difficultés. Dans une première approche
générale, il apparaît que le mouvement de déjudiciarisation reste mesuré. En
effet, depuis la loi du 26 juillet 2005, le traitement des difficultés des entreprises
oscille entre judiciarisation et déjudiciarisation. Mais, par une seconde approche,
fondée sur les réformes les plus récentes et à venir, il semble que la
déjudiciarisation soit encouragée par le législateur, qui y voit une clé pour
accroitre l’efficacité du traitement des difficultés des entreprises.
2
Sur les différents sens de la déjudiciarisation et l’évolution en matière d’administration de la justice, V.
L. Mayer, Les déjudiciarisations opérées par la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice
du XXIe siècle, Gaz. Pal. 2017, n° 5, p. 59. - V. aussi S. Amrani-Mekki, La déjudiciarisation, Gaz. Pal.
2008, n° 156, p. 2 s.
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LAURA SAUTONIE-LAGUIONIE
A. La judiciarisation
3
V. A. Jeammaud, V° Judiciarisation / Déjudiciarisation , in L. Cadiet (dir.), Dictionnaire de la justice,
PUF, 2004.
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LA « DÉJUDICIARISATION » DU TRAITEMENT DES DIFFICULTÉS
B. La déjudiciarisation
4
V. Rapport. S. Guinchard, L’ambition raisonnée d’une justice apaisée, 2009, p. 41.
5
V. M.H. Monsèrié-Bon, Mandat ad hoc – conciliation, Rép. dr. Com. Dalloz, 2012, n° 14.
6
Art. L. 611-4 C. com.
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LAURA SAUTONIE-LAGUIONIE
7
Art. L. 611-6 C. com.
8
Art. L. 611-15 C. com.
9
C. Saint-Alary-Houin, Droit des entreprises en difficulté : 10ème éd., Domat-Montchrestien, 2016, n°
254.
10
La distinction entre le rôle du conciliateur et le rôle du médiateur manque de clarté en droit commun,
certains auteurs considérant qu’il y a davantage une différence de degré que de nature entre la
conciliation et la médiation. V. not. S. Guinchard, G. Montagnier, A. Varinard et T. Debard, Institutions
judiciaires, 12e éd., Précis Dalloz, 2015, n° 44.
11
Sauf pour le règlement amiable agricole où les créanciers peuvent également saisir le juge : V. art. L.
351-2 C. rural et de la pêche maritime.
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LA « DÉJUDICIARISATION » DU TRAITEMENT DES DIFFICULTÉS
Autre différence encore, alors que le tiers menant les négociations est
appelé mandataire ad hoc ou conciliateur, il se rapproche en pratique davantage
du médiateur que du conciliateur de justice, puisqu’à l’instar du premier, il est
rémunéré. Plus largement, et s’agissant de la conciliation du code de commerce,
un régime précis est prévu s’agissant des effets de l’accord auquel les parties
parviendront en cas d’issue positive des négociations. Tandis qu’en droit
commun, l’homologation a vocation à donner seulement un caractère exécutoire
à l’accord des parties, en droit des entreprises en difficulté, c’est la simple
constatation par le président du tribunal de l’accord amiable qui a cet effet
réduit. L’homologation a une portée plus vaste et surtout repose sur un contrôle
au fond, par une formation collégiale, dont l’article L. 611-8 C. com. détaille
l’objet. En droit commun, les textes sont muets et les interrogations nombreuses
en doctrine pour déterminer si, lorsqu’il homologue l’accord des parties suite à
une conciliation ou une médiation, le juge opère ou non un contrôle au fond14.
Le code de commerce commande au tribunal d’apprécier la légalité et la
pertinence de l’accord amiable à l’occasion de l’homologation, ce qui s’explique
par une protection nécessaire des intérêts en présence et des droits des tiers15.
12
Sur l’ensemble de la question, V. La prévention des difficultés des entreprises, Entretien avec A.
Barriés, G. Berthelot, E. Bertrand, A. Casteu, G. Couturier, G. Delorme, D. Jabouley, B. Lacoste, G.
Réquin, P. Rubellin, P. Sabatier, M. Sénéchal, M. Thomas, et P. Veyret : Cahiers droit de l’entreprise
2016, entretien 6.
13
Art. 131-3 CPC, délai qui peut être prorogé pour la même durée, une fois, par le juge.
14
V. not. G. Deharo, Rep. Proc. civ. Dalloz, V° Contrat judiciaire, n° 63 s. et les références citées. –
Adde F. Eudier et N. Gerbay, Rep. Proc. civ. Dalloz, V° Jugement, n° 14 s. et les références citées.
15
Ce contrôle judiciaire tranche encore assez nettement avec les solutions du surendettement, pour
lesquelles la loi du 18 novembre 2016, sur la justice du 21è siècle a opéré une déjudiciarisation en ne
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rendant plus nécessaire l’homologation des propositions de la commission de surendettement pour les
mesures touchant au capital (V. not. S. Piédelièvre, Droit du surendettement dans la loi de
modernisation de la justice du XXI siècle – Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 : JCP G 2016
1329).
16
V. J. Théron, Les règles dérogatoires à la procédure, p. 133.
17
G. Bouté, La médiation préventive ou d'accompagnement – L'exemple du droit de l'entreprise en
difficulté : Cahiers droit de l’entreprise, 2016, dossier 20.
18
Source : Etude altares Deloitte, mars 2015 et mars 2017. 2467 procédures amiables en 2016, dont
65% de mandats ad hoc, pour 664 procédures amiables en 2011. Le nombre de conciliations a augmenté
de 30 % sur cette période.
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LA « DÉJUDICIARISATION » DU TRAITEMENT DES DIFFICULTÉS
Une seconde approche, centrée sur les réformes les plus récentes, fait
apparaître un encouragement de la déjudiciarisation tant en droit interne qu’en
droit européen.
A. En droit interne
Outre les prepack plans, auxquels on aurait pu ajouter les prepack cessions,
un second encouragement de la conciliation résulte de la réforme du 18
novembre 2016. L’article L. 621-1 C. com. dispose désormais dans son
troisième alinéa, au titre de l’ouverture de la sauvegarde, que « Lorsque la
situation du débiteur ne fait pas apparaître de difficultés que le débiteur ne
serait pas en mesure de surmonter, le tribunal invite celui-ci à demander
l'ouverture d'une procédure de conciliation au président du tribunal. Il statue
ensuite sur la seule demande de sauvegarde. » Le critère d’ouverture de la
sauvegarde étant que le débiteur justifie de difficultés qu’il n’est pas en mesure
19
V. art. L. 628-1 C. com.
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20
art. L. 611-4 C. com.
21
Art. L. 630-5 et L. 640-5 C. com.
22
Comp. Art. 56 CPC, tel qu’issu du décret du 11 mars 2015, qui prévoit que « Sauf justification d'un
motif légitime tenant à l'urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu'elle intéresse l'ordre
public, l'assignation précise également les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution
amiable du litige » (nous soulignons). V. aussi, l’article 58 CPC qui prévoit la même règle pour la
requête.
23
Art. L. 611-7 C. com. dernier alinéa.
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LA « DÉJUDICIARISATION » DU TRAITEMENT DES DIFFICULTÉS
B. En droit européen
Tout d’abord, le texte prévoit que, pendant les négociations, le débiteur doit
pouvoir bénéficier d’une suspension des poursuites individuelles, qui peut être
ou non générale, et dont la durée, à fixer par les textes nationaux, peut aller
jusqu’à quatre mois. La proposition prévoit aussi une prolongation de ce délai
sur décision de l’autorité administrative ou judiciaire. Actuellement, depuis
l’abrogation du dispositif de la loi du 10 juin 1994, et réserve faite du règlement
amiable agricole27, seul l’octroi de délais de grâce, dans les conditions du droit
commun, permet au débiteur d’avoir un répit ponctuel contre les poursuites dont
il est l’objet pendant les négociations. L’adoption de la directive pourrait
renforcer l’attractivité de la conciliation, si elle était assortie d’une suspension
24
Proposal for a directive on “ preventive restructuring frameworks, second chance and measures to
increase the efficiency of restructuring, insolvency and discharge procedures and amending Directive
2012/30/EU”.
25
V. art. 4. « Les États membres mettent en place des dispositions limitant l’intervention d’une autorité
judiciaire ou administrative aux cas où cette intervention est nécessaire et proportionnée, de façon à
sauvegarder les droits de toute partie concernée ».
26
V. art. 5.2 « La désignation d’une autorité judiciaire ou administrative d’un praticien dans le domaine
des restructurations n’est pas obligatoire dans chaque cas ».
27
V. déjà pour le règlement amiable agricole, art. L. 351-5 c. rural, qui prévoit une suspension des
poursuites individuelles de deux mois, et de deux mois supplémentaires sur prorogation.
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LAURA SAUTONIE-LAGUIONIE
28
Rappr. En droit interne, CA Douai, 29 nov. 2012, n° 12/00803 : Rev. Proc. coll. 2013, com. 28, obs.
Ch. Delattre, sur la responsabilité du dirigeant pour défaut de recours à la prévention.
29
L’article 10 relatif à la « validation des plans de restructuration », dans son 1°, paraît laisser place à
une adoption de l’accord hors la validation d’une autorité judiciaire, puisqu’il est prévu que cette
validation ne soit impérative que dans les deux cas énumérés par le texte. L’ambiguïté persiste au 4° de
l’article. L’exposé des motifs indique dans son (28) que « bien qu’un plan de restructuration devrait
toujours être réputé adopté s’il récolte la majorité requise dans chaque classe concernée, un plan de
restructuration qui ne récolte pas cette majorité peut quand même être validé par une autorité judiciaire
ou administrative pour autant qu’il soit soutenu par au moins une classe de créanciers […] ». Le
paragraphe (30) paraît au contraire viser une validation générale des plans de restructuration par une
autorité judiciaire ou administrative.
30
Rappr. La prévention des difficultés des entreprises, entretien précité supra note 12.
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Au regard des règles d’exécution
Pierre CAGNOLI
Professeur à l’Université de Haute-Alsace,
Membre du CERDACC
L’évidence est ici bien moindre car on est en présence de deux matières aux
philosophies et aux techniques bien différentes. Les finalités du droit des
entreprises en difficulté sont suffisamment connues pour n’être que brièvement
rappelées. Par ordre de priorité, le législateur essaie d’assurer la poursuite de
l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif2.
1
Sur l’évolution des terminologies, comme reflet de l’évolution des préoccupations du législateur, v. C.
Saint-Alary-Houin, Le droit des entreprises en difficulté, Lextenso, 10è éd., 2016, n° 2 et s.
2
C. com., art. L. 620-1 et L. 631-1.
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AU REGARD DES RÈGLES D’EXÉCUTION
L’apurement du passif, dernier des objectifs affichés, est réalisé dans un cadre
collectif, censé assurer une égalité de traitement entre les différents créanciers. A
l’inverse, les procédures civiles d’exécution sont volontiers présentées comme
au service de l’intérêt personnel, égoïste, dit-on parfois, du créancier qui les
utilise. De plus, les deux matières semblent a priori inconciliables puisque, dès
lors qu’une procédure collective est ouverte, les créanciers antérieurs se voient
appliquer la règle de l’arrêt des poursuites individuelles et, notamment, sa
déclinaison que constitue la règle de l’arrêt des procédures d’exécution3. Dans
ces conditions, comment le droit des entreprises en difficulté pourrait-il inspirer
les procédures civiles d’exécution ?
Tel est pourtant bien le cas. Il en va peut-être ainsi, d’abord, parce que le
livre VI du Code de commerce se réfère expressément à la notion de
« procédures d’exécution ». L’article L. 622-21 du code de commerce y
renvoie… pour les arrêter en cas d’ouverture d’une procédure collective à
l’encontre du débiteur. La jurisprudence rendue sur le fondement de ce texte
peut nous renseigner sur ce qu’est une procédure d’exécution, lorsqu’il s’agit de
savoir si un mécanisme, dont la nature n’est pas clairement déterminée, doit ou
non être arrêté. Une fois la qualification retenue, elle peut naturellement être
réutilisée pour résoudre d’autres problématiques4. Toutefois, une certaine
prudence est ici de mise car la réponse fournie, au regard d’une règle
déterminée, peut parfaitement ne l’être que pour les besoins de la cause5.
3
C. com., art. L. 622-21.
4
Par exemple, pour déterminer si la partie générale du Code des procédures civiles d’exécution est
applicable audit mécanisme ; soulignant cet enjeu dès la loi du 9 juillet 1991, v. P. Delebecque, « Les
nouvelles procédures d’exécution », RTD civ. 1993, p. 15, spéc. n° 36 et s.
5
Le paiement direct des pensions alimentaires a ainsi pu être qualifié d’action directe par la Cour de
cassation, pour permettre au créancier alimentaire d’échapper à la règle de l’arrêt des voies d’exécution
(Cass. com. 15 juil. 1986, Bull. civ. IV, n° 158). A juste titre, la qualification a ensuite été abandonnée.
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n’ont pas initié la saisie, de se joindre à la procédure6. Ce qui est dit dans l’une
des matières ne peut laisser indifférent les spécialistes de l’autre.
Enfin, il faut observer que les procédures d’exécution ne sont pas absentes
dans le contexte du droit des entreprises en difficulté. Il suffit de songer aux
créanciers postérieurs privilégiés, qui peuvent pratiquer des mesures d’exécution
sur les biens du débiteur, s’ils ne sont pas payés à l’échéance7. Il faut encore
penser encore aux créanciers alimentaires qui, quelle que soit la date de
naissance de leur créance, pourront mener certaines mesures d’exécution forcée
contre le débiteur sous procédure collective. On peut encore songer aux
créanciers antérieurs, titulaires d’une sûreté réelle spéciale, dans le contexte
d’une liquidation judiciaire ; en cas d’inaction prolongée du liquidateur, ils
pourront reprendre leurs poursuites individuelles8. Le droit des entreprises en
difficulté est ainsi un terrain d’élection possible des procédures civiles
d’exécution. La jurisprudence nous rappelle ainsi, à propos de l’insaisissabilité
des fonds déposés à la caisse des dépôts et consignations, qu’une insaisissabilité
doit être édictée par le législateur et non par le pouvoir réglementaire9.
6
Par exemple, le créancier qui n’aura pas initié la saisie-vente pourra s’y associer par la technique d’une
opposition ; sur cette question, v. L. Camensulli-Feuillard, La dimension collective des procédures
civiles d’exécution - contribution à la définition de la notion de procédure collective, Dalloz, 2008, t. 73.
7
M.-H. Monsèrié-Bon, « Les créanciers postérieurs méritants et l’exécution », in Mesures d’exécution
et procédures collectives, Bruylant, 2012, p. 29.
8
C. com., art. L. 643-2.
9
CE, 9 févr. 2000, n° 192271 ; JCP éd. G. 2000, II, 10314, note H. Croze et T. Moussa ; sur l’historique
de l’actuel article L. 662-1 du Code de commerce, v. J. Vallansan et alii ; Difficultés des entreprises,
LexisNexis 6ème éd. 2012, obs. sous l’article.
Le droit des entreprises en difficulté après 30 ans : droit dérogatoire, précurseur ou révélateur ? | 185
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AU REGARD DES RÈGLES D’EXÉCUTION
Les modes de réalisation des actifs, tels qu’on les connaît aujourd’hui dans
le livre VI du Code de commerce, datent de la loi du 25 janvier 1985. Pour les
immeubles, le juge-commissaire choisit entre l’adjudication judiciaire,
l’adjudication dite amiable, c’est-à-dire devant notaire ou la vente de gré à gré10.
Sous l’empire de législation de 1967, il n’existait que l’adjudication judiciaire,
ou presque ; la vente amiable n’était qu’une faculté tout-à-fait exceptionnelle11.
Quant à la réalisation des meubles, le choix existait déjà entre la vente amiable
ou la vente aux enchères publiques mais il était effectué par le syndic, sans
l’autorisation du juge-commissaire. Depuis 1985, la décision du juge-
commissaire est une nécessité, du moins dans le régime général de la liquidation
judiciaire12.
10
C. com., art. L. 642-18.
11
Décr. 67-1120 du 22 déc. 1967 art. 82, al. 2. La faculté n’existait qu’en cas de carence d'enchères, et à
défaut d’organisation d’une nouvelle adjudication après baisse de la mise à prix.
12
C. com., art. L. 642-19 ; pour les liquidations judiciaires simplifiées, apparues avec la loi de
sauvegarde des entreprises, v. C. com., art. L. 644-2.
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13
L. 91-650 du 9 juil. 1991 et décr. 92-755 du 31 juil. 1992 ; la vente amiable est même la règle,
puisque le débiteur dispose, par principe, d’un mois pour y procéder, v. CPCE, art. L. 221-3, R. 221-30 ;
R. 233-3 et R. 233-5.
14
M. Donnier et J.-B. Donnier, Voies d’exécution et procédures de distribution, LexisNexis, 8ème éd.,
2008, n° 807.
15
N. Catala, rapport Ass. nat. 1202, 9ème législature, p. 67.
16
CPCE, art. L. 322-1.
17
CPCE, art. L. 322-14.
18
C. com., art. R. 643-3.
19
CPCE, L. 112-2, 5°.
20
CPCE, art. R. 112-2, 16°.
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et d’un décret du 18 mars 197721. Il est également acquis, depuis ces textes, que
l’insaisissabilité de ces biens cesse dans un certain nombre de cas, notamment
lorsque ces biens « constituent les éléments corporels du fonds de commerce »22.
Une question se pose alors : pourquoi le commerçant est-il potentiellement privé
de son outil de travail23, alors que le salarié, qui serait propriétaire de ces mêmes
outils, ne peut en être privé ?
B. Un modèle possible
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invoquées : celle de la saisie-vente effectuée sur un bien, objet d’un gage sans
dépossession (1) et celle des mesures conservatoires (2).
25
La situation du gagiste qui désire réaliser sa sûreté a, elle, été prévue, v. CPCE, art. R. 222-6.
26
CPCE, art. L. 221-5.
27
CPCE, art. R. 221-15 et R. 221-21.
28
A l’inverse, lorsque l’huissier pratique l’une des saisies spécifiques aux VTAM, son réflexe naturel
est de vérifier si le véhicule est l’objet d’un gage sans dépossession ; l’habitude ne semble pas avoir été
prise, s’agissant des gages sans dépossession de droit commun.
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29
C. com., art. L. 641-3 et L. 642-20-1.
30
C. com., art. L. 622-24, al. 1er et L. 641-3, al. 4.
31
M.-P. Dumont-Lefrand et C. Lisanti, Le législateur des cas particuliers, Act. proc. coll. 2012, comm.
96 ; P. Roussel Galle, La loi du 12 mars 2012 : Halte au pillage des entreprises en difficulté, JCP E.
2012, act. 192 ; F. Pérochon, De la mesure dite conservatoire à l’exécution sommaire anticipée ? BJE
2012, p. 73, n° 72.
32
C. com., art. L. 651-4, al. 2.
33
C. com., art. L. 631-10-1.
34
C. com., art. L. 621-2, al. 4.
35
F. Pérochon, art. préc.
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les biens soumis à dépérissement36, pour peu que soient posés les garde-fous
adéquats. La consignation des fonds dégagés par la vente est l’un de ces garde-
fous. De même, l’ordonnance du 12 mars 2014 a opportunément supprimé la
possibilité d’utilisation de ces fonds, aussi longtemps que l’on est pas fixé sur le
sort de l’action, au service de laquelle ces mesures sont prises. L’autorisation du
juge-commissaire est une autre précaution utile et on peut en imaginer encore
d’autres37.
36
Comme cela a été relevé, la catégorie des biens dont la conservation ou la détention génère de frais est
au contraire trop floue ; tout bien, si on veut l’assurer, génère des frais…
37
Des garanties de restitution, ou des actions à ouvrir au saisi, en cas de vente à prix médiocre.
38
Sur les conditions d’obtention des mesures conservatoires, v. infra n°.
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39
CPCE, art. L.111-2.
40
Cass. com. 5 avril 2016, n° 14-24.640 ; Act. proc. Coll. 2016, comm. 120, obs. J. Leprovaux ; D.
2016, p. 835, obs. A. Lienhard ; LEDEN mai 2016, p. 3, obs. P. Rubellin ; Cass com., 12 juillet 2016, n°
15-17.321 ; Act. proc. coll. 2016-15, comm. 203, obs. L. Camensuli-Feuillard ; Rev. proc. coll. 2016-6,
comm. 187, note F. Reille ; JCP E 2016, 1661, n° 22, obs. P. Pétel ; D. 2016, p. 1894, obs. P.-M. Le
Corre.
41
L.-C. Henry, intervention préc.
42
En ce sens, P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz action, 2017-2018, n°
562-13-3.
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43
Si on entre dans cette voie, il faudra bien fixer la mesure de ce qui peut être attribué au créancier
saisissant, ce qui ne va pas sans difficulté : quid si le créancier souhaite déclarer sa créance pour
participer aux répartitions sur les autres biens ? C’est bien le juge-commissaire qui, seul, a compétence
pour apprécier une telle demande…
44
C. Bléry, L’efficacité substantielle des jugements civils, LGDJ, 2000, n° 261 et s. ; H. Péroz, La
réception des jugements étrangers dans l’ordre juridique français, LGDJ, 2005, n° 257 et s. Pour les
décisions de justice, cela se traduit notamment par la nécessité de les notifier au débiteur, préalablement
à l’exécution forcée (CPC, art. 503). Seules les ordonnances sur requête dérogent à ce schéma, parce
que le législateur l’a précisé mais, même en cette hypothèse, un ordre d’exécution est bien délivré (sans
choix).
45
Interdiction des paiements (C. com., art. L. 622-7 et L. 641-3), dessaisissement du débiteur sur les
fonds qui permettraient le paiement (C. com., art. L. 641-9).
46
Sur le caractère limitatif des titres exécutoires, v. infra.
47
Cass. com., 31 mai 2011, n° 10-18.472 : Bull. civ. 2011, IV, n° 89 ; Act. proc. coll. 2011-13, comm.
194, obs. C. Delattre ; D. 2011, p. 1613, obs. A. Lienhard ; Rev. sociétés 2011, p. 522, obs. P. Roussel-
Galle.
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La liste des titres exécutoires est fixée de façon limitative par l’article L.
111-3 du Code des procédures civiles d’exécution. En réalité, on sait qu’il en
existe d’autres. Le droit des entreprises en difficulté en fournit précisément une
illustration, avec le titre délivré par le président du tribunal, suite à une
liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d’actif. Un tel titre peut être
sollicité par le créancier admis au passif, qui n’a pas été intégralement
désintéressé et qui souhaite reprendre ses poursuites individuelles, dans le cas où
cela est possible49. Par ailleurs, la matière fourmille d’autres décisions, pour
lesquelles on se demande si elles constituent ou non de tels titres. Le cas de la
saisie des rémunérations peut ici être rappelé. Si le liquidateur souhaite capter
les rémunérations du débiteur liquidé, qui a retrouvé un emploi salarié, il doit
recourir à la procédure de saisie des rémunérations. L’effet réel de la procédure
collective, récemment retenu par la Cour de cassation, ne suffit pas ! Encore
faudra-t-il, pour le liquidateur, justifier d’un titre exécutoire, ce que ni le
jugement d’ouverture50 ni l’état des créances51 ne constituent, selon la Haute
juridiction.
On le voit, le droit des entreprises en difficulté met régulièrement à
l’épreuve les raisonnements et principes des procédures civiles d’exécution ; on
48
P. Cagnoli, La loi Pétroplus a son décret d’application, Act. proc. coll. 2012-18, n° 227.
49
C. com., art. L. 643-11, V.
50
Cass. civ. 2ème, 7 janv. 2016, n° 14-24.508 ; Act. proc. coll. 2016, comm. 38, obs. L. Fin-Langer ;
Rev. Proc. coll. 2016, comm. 31, obs. P. Cagnoli.
51
Cass. com., 2 mai 2001, n° 97-19536 ; Bull. civ., n° 82 ; RTD com. 2001, p. 773, obs. J.-L. Vallens.
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52
CPCE, art. L. 211-2, al. 2.
53
CPCE, art. R. 211-14 et s.
54
Cass. mixte, 22 nov. 2002, n° ; Bull. mixte n° ; RTD civ. 2003, obs. R. Perrot ; RTD com. 2003, p.
367, obs. A. Martin-Serf.
55
C. com., art. L. 632-2. Les mêmes règles existent pour l’avis à tiers détenteur et pour les oppositions
que peuvent pratiquer certains créanciers publics ou assimilés.
Le droit des entreprises en difficulté après 30 ans : droit dérogatoire, précurseur ou révélateur ? | 195
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AU REGARD DES RÈGLES D’EXÉCUTION
56
L. Lauvergnat, L’annulation de la saisie-attribution pratiquée en période suspecte, Dr. et proc. 2007,
254 ; R. Perrot et P. Théry, L’épée de Damoclès à propos des mesures d’exécution pratiquées en
période suspecte, D. 2005, 1842.
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II. Au regard des règles du droit civil :
Droit dérogatoire puis devenu aussi droit précurseur
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DROIT DES OBLIGATIONS
L'influence du droit des entreprises en difficulté
sur le droit des obligations :
Droit dérogatoire puis droit précurseur
Nicolas BORGA
Professeur à l’Université Jean Moulin - Lyon
Le droit des entreprises en difficulté après 30 ans : droit dérogatoire, précurseur ou révélateur ? | 199
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DROIT DES OBLIGATIONS
3. Une approche tout en nuance serait donc de mise. Mais si l’on envisage le
droit des contrats, domaine auquel nous nous cantonnerons compte tenu du
caractère limité de cette contribution, la dimension dérogatoire du droit des
entreprises en difficulté est ancrée plus profondément encore dans les esprits. On
le comprend, puisqu’il suffit de songer, entre autres exemples, au régime des
contrats en cours, à la transmission forcée de certains contrats en cas de cession
4
Loi n° 2016-1691.
5
Cons. const., 22 juill. 2005, no 2005-522 : JO 27 juill. 2005, p. 12225.
6
Françoise Pérochon, Entreprises en difficulté, 10ème éd., LGDJ, n° 1708.
7
V. not. F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Droit civil, Les obligations, 10ème éd., 2009, Précis Dalloz,
n° 864.
8
Sur laquelle, v. not. C. Quézel-Ambrunaz, « La fiction de la causalité alternative », D. 2010, 1162.
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NICOLAS BORGA
4. Ici, il ne s’agit toutefois pas d’examiner dans quels cas le droit des
entreprises en difficulté et le droit commun convergent ou s’éloignent l’un de
l’autre, mais d’envisager en quoi le premier a pu jouer un rôle précurseur à
l’égard du second. Le sujet est donc très différent et invite à nouveau à se
pencher sur le jeu d’influences qui peut s’exercer entre droit commun et droit
spécial13.
9
M.-H. Monsèrié, Les contrats dans le redressement et la liquidation judiciaires des entreprises, Litec,
1994 préf. C. Saint-Alary-Houin.
10
M.-H. Monsèrié, thèse préc., p. 595 et s.
11
M.-H. Monsèrié, thèse préc., p. 443 et s.
12
M.-H. Monsèrié, thèse préc., p. 280 et s.
13
Sur ce thème, v. not. N. Balat, Essai sur le droit commun, LGDJ, 2016, préf. M. Grimaldi ; C. Goldie-
Genicon, Contribution à l’étude des rapports entre le droit commun et le droit spécial des contrats,
LGDJ, 2009, préf. Y. Lequette.
14
C. Goldie-Génicon, thèse préc. n° 228 « L’interaction des deux droits, leur influence respective,
s’effectuent souvent au détriment du premier et au bénéfice du second ».
15
B. Oppetit, « L’apparition de tendances régressives », in Droit et modernité , PUF, 1998, p. 113 s.,
spéc. p. 116.
Le droit des entreprises en difficulté après 30 ans : droit dérogatoire, précurseur ou révélateur ? | 201
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DROIT DES OBLIGATIONS
miettes » pour reprendre les mots de Tunc16. L’émergence de droits spéciaux est
toutefois inéluctable et peut constituer un progrès. Et si l’on sait que le droit
commun peut jouer un rôle à l’égard des droits spéciaux, l’inverse est tout aussi
vrai17. Comme le soulignait Charlotte Goldie-Génicon dans sa thèse, « il existe
un mouvement naturel de réception du droit spécial par le droit commun »18, le
droit spécial servant en quelque sorte de « laboratoire d’expérimentation
juridique »19. Qui niera, par exemple, que le droit de la distribution ou le droit de
la consommation ont considérablement influencé le droit commun des contrats ?
7. Il est peu d’hypothèses dans lesquelles on peut considérer que le droit des
obligations a purement et simplement reproduit une solution s’étant auparavant
imposée sur le terrain du droit des entreprises en difficulté. On peut néanmoins
citer le cas de la compensation des créances connexes. Depuis l’ordonnance du
10 février 2016, elle est consacrée à l’article 1348-1 du Code civil, texte qui
l’envisage comme une variété de compensation judiciaire. Le droit spécial a ici
indiscutablement devancé le droit commun puisque cette forme de compensation
y est connue depuis longtemps et consacrée à l’article L. 622-7, I, du Code de
16
A. Tunc, « Le droit en miettes », APD 1977, t. 22, La responsabilité, p. 31 et s., reprod. in Jalons -
Dits et écrits d’André Tunc, SLC, 1991, p. 205 et s.
17
V. C. Goldie-Génicon, thèse préc., p. 281 et s. ; D. Mazeaud, « L’imbrication du droit commun
et des droits spéciaux », in Forces subversives et forces créatrices en droit des obligations, Dalloz,
2005, p. 73 s.
18
C. Goldie-Genicon, thèse préc. n° 259.
19
C. Goldie-Génicon, thèse préc. n° 260.
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8. Nul n’est surpris à l’idée que le jeu classique des rapports contractuels soit
altéré sous l’effet de l’ouverture d’une procédure collective, alors que la volonté
contractuelle est en principe préservée en droit commun. Ainsi, alors que la
rescision des contrats lésionnaires est supposée exceptionnelle20, l’article L. 632-
1, 2° du Code de commerce répute nul, lorsqu’il a été conclu en période
suspecte, « Tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur
excèdent notablement celles de l'autre partie »21. Si le concept de lésion
qualifiée n’a pas été repris à son compte par le législateur pour appréhender un
déséquilibre économique au sein du contrat22, le droit commun s’est néanmoins
rapproché du droit des entreprises en difficulté. L’article 1143 dispose en effet
qu’il « y a également violence lorsqu'une partie, abusant de l'état de
dépendance dans lequel se trouve son cocontractant, obtient de lui un
engagement qu'il n'aurait pas souscrit en l'absence d'une telle contrainte et en
tire un avantage manifestement excessif ». Loin de nous l’idée que le droit des
entreprises en difficulté a ici servi de source d’inspiration. Mais soulignons tout
de même la proximité potentielle des situations visées. Si les articles L. 632-1 et
L. 632-2 du Code de commerce permettent d’appréhender des actes tout à fait
volontaires du débiteur, ils sont également susceptibles de fonder l’annulation de
gestes inconsidérés qu’il n’aura effectués qu’en raison d’une situation de
dépendance vis-à-vis de tel ou tel créancier. On peut d’ailleurs penser que
certains plaideurs pourraient être tentés de mobiliser l’article 1143 du Code civil
20
V. l’art. 1168 C. civ.
21
Art. 1143 C. civ. Le législateur a certes consacré à l’article 1171 un dispositif de lutte contre les
clauses créant un « déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat », mais
son inspiration est à l’évidence consumériste et le texte ne permet pas de contrôler l’adéquation du prix à
la prestation fournie.
22
Sur ce concept, v. not. J.-P. Chazal, « Théorie de la cause et justice contractuelle », JCP G, 1998, n° 29,
doctr. 152. Sur cette question v. également A. Maymont, « La violence économique : une réalité
consacrée ? » RLDC nov. 2014, n° 5597, p. 8 et s.
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DROIT DES OBLIGATIONS
pour remettre en cause des actes accomplis lors de la négociation d’un accord
amiable.
23
Cass. civ. 6 mars 1876, commenté in H. Capitant, F. terré, Y. Lequette, F. Chénedé, Les grands arrêts
de la jurisprudence civile, Dalloz, 13ème éd. 2015, p. 172 et s.
24
V. not. les arrêts Huard (Cass. com. 3 nov. 1992, n° 90-18547, JCP G 1993, II, 22164, note G.
Virassamy) ou Chevassus Marche (Cass. com. 24 nov. 1998, n° 96-18357, Defrénois 1999, p. 371, obs.
D. Mazeaud).
25
J. Mestre, « Au cœur de la défense … de la révision des contrats », RLDC avril 2011, p. 3.
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NICOLAS BORGA
11. Le droit des entreprises en difficulté a donc précédé le droit commun dans
le sens d’une altération des rapports contractuels, mais il a surtout été le fer de
lance d’une nouvelle façon d’envisager le rapport contractuel, beaucoup plus
objective, dans laquelle les liens interpersonnels perdent de leur importance.
12. Le droit des entreprises en difficulté tend à percevoir le contrat comme une
valeur plutôt qu’un lien d’obligation entre deux individus, cette dimension,
classique étant reléguée au second plan. Si le contrat ne saurait être envisagé
comme un bien au sens technique, la valeur patrimoniale qu'il peut représenter
en certains cas est indiscutable. Le meilleur exemple à cet égard résulte bien sûr
de l’article L. 642-7 du Code de commerce, qui rend possible une cession forcée
de certains contrats en cas de cession de l’entreprise. Dans le même esprit, la
continuation des contrats en cours obéit à une approche objective du contrat,
largement détachée des considérations personnelles. Peu importe les
26
Cass. com. 8 mars 2011, n° 10-13988, 10-13989, 10-13990 : JCP E 2011, 1263, n° 1, obs. Ph. Pétel ;
BJS 2010, p. 211, obs. F.-X. Lucas ; BJE mai 2011, p. 97, obs. R. Dammann et G. Podeur.
Le droit des entreprises en difficulté après 30 ans : droit dérogatoire, précurseur ou révélateur ? | 205
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inexécutions passées, le contrat sera poursuivi s’il est considéré comme utile et
important pour le redressement de l’entreprise. Au sujet de la loi du 25 janvier
1985, Marie-Hélène Monsèrié-Bon évoquait en ce sens une vision
« renouvelée » du contrat « par la prééminence accordée à sa fonction
économique sur sa fonction juridique classique de création des obligations »27.
Elle évoquait même un « instrument au service du redressement », assumant
« une véritable mission qualifiée « d’intérêt général » supplantant les intérêts
particuliers des cocontractants et les règles qui les protègent »28.
14. Surtout, après bien des hésitations, le droit français admet désormais
pleinement la cession de contrat. Certes, cette cession de contrat n’est encore en
rien comparable à celle organisée par le droit des entreprises en difficulté.
L’accord du cédé est indispensable dans un cas31, indifférent dans l’autre. Mais
27
M.-H. Monsèrié, thèse préc. n° 147.
28
Ibid.
29
V. clairement en ce sens le rapport au Président de la République.
30
N. Molfessis, « Le rôle du juge en cas d’imprévision dans la réforme du droit des contrats » : JCP G
2015, 1415 : « Lorsque le juge se voit accorder un pouvoir de révision qui vise à restaurer l’équilibre
voulu par les parties, que des circonstances extérieures ont remis en cause, il contribue à servir le
contrat. Il en assure également la pérennité, là où la résiliation n’a assurément pas d’intérêt
économique ». V. aussi, Principes du droit européen du contrat, art. 8 : 117 ; Principes Unidroit relatifs
aux contrats du commerce international, art. 6.2, 1, 2, 3.
31
Sur la portée de l’accord, v. L. Aynès, « La cession de contrat », Dr. & Patr., juillet-août 2016,
n° 260.
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qui doute que l’article L. 642-7 du Code de commerce a préparé les esprits à une
telle évolution ? Soulignons d’ailleurs que le rapport au Président de la
République souligne bien que la cession de contrat ne se résume pas à l’addition
d’une cession de créances et d’une cession de dettes. C’est ainsi la conception
moniste de cette opération qui l’a emporté et, comme le souligne Laurent Aynès,
la cession de contrat est donc ramenée à l’aptitude du contrat « à perdurer en
dépit du changement de l’une des parties »32. On relèvera d’ailleurs qu'elle prend
place au sein de la section dévolue aux effets du contrat, entre les dispositions
relatives à sa durée et celles relatives à son inexécution, puisqu'elle a justement
pour objet de permettre le maintien du contrat, voire d'en prévenir l'inexécution.
C’est le droit des entreprises en difficulté qui nous semble avoir accoutumé les
esprits à une approche plus objective du contrat, son axe de gravité se déplaçant
de l’accord de volontés vers son utilité économique.
15. D’un autre côté, l’essor de l’unilatéralisme en droit commun des contrats
est fréquemment souligné, mouvement dont l’ordonnance du 10 février 2016
témoigne assurément. Désormais, la volonté d’un seul est parfois apte à produire
des effets que seule la volonté commune pouvait autrefois engendrer. Cela
surprend toutefois peu les spécialistes du droit des entreprises en difficulté,
l’option offerte à l’administrateur judiciaire de poursuivre ou non l’exécution
des contrats en cours en étant le meilleur exemple. Ce développement de
l’unilatéralisme ne s’oppose pas au mouvement d’objectivation du contrat, bien
au contraire. Les deux tendances vont de pair et correspondent toutes deux à une
recherche d’efficacité économique en droit des contrats33. On doit pouvoir se
libérer d’un contrat inutile pour l’entreprise (continuation ou non d’un contrat en
cours) ; mais on doit également pouvoir se libérer d’un contrat dont on peut
présumer qu’il ne sera pas exécuté par son partenaire et donc qu’il est devenu
inutile (avec notamment l’exception d’inexécution anticipée34 ou la résolution
par notification35). Des différences subsistent malgré tout entre le droit commun
et le droit des entreprises en difficulté. L’appréciation de l’utilité du contrat est
offerte aux parties dans le premier cas alors qu’elle est le fait d’un tiers dans le
second. Par ailleurs, le droit des entreprises en difficulté va beaucoup plus loin
32
L. Aynès, « La cession de contrat », Dr. & Patr., juillet-août 2015, n° 249, p. 73.
33
V. not. S. Bros, RDC 1/10/2012, p. 1452 : « Le développement de l'unilatéralisme apparaît comme
une conséquence logique de la recherche de l'amélioration de l'efficacité économique du droit et en
particulier du contrat. L'unilatéralisme facilite l'élaboration du contrat et surtout sa destruction ».
34
Art. 1220 C. civ.
35
Art. 1226 C. civ.
Le droit des entreprises en difficulté après 30 ans : droit dérogatoire, précurseur ou révélateur ? | 207
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DROIT DES OBLIGATIONS
17. Le droit des entreprises en difficulté paraît bien exercer une influence plus
ou moins diffuse sur certaines notions emblématiques du droit commun même si
son rôle exact, comparativement à d’autres facteurs, est difficile à mesurer. Mais
un autre phénomène, très différent, est à l'œuvre. Le droit des entreprises en
difficulté conduit en effet les opérateurs à modifier leurs pratiques
contractuelles. Il donne donc à observer de nouvelles pratiques et joue donc, là
encore, un rôle précurseur.
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A. L'anticipation
36
T. Favario, « Les covenants bancaires, un bref aperçu sur une pratique », Mélanges Blanche Sousi.
37
Th. Favario, art. préc. n° 8.
38
R. Marty, « Les clauses d'événements défavorables et de déchéance du terme dans les contrats de
financement », JCP E, 24 mars 2011, n° 12, 1250, spéc. n° 1.
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sociétés. Les clauses de défaut croisé vont donc conduire à la mise en place d’un
ensemble contractuel indivisible permettant au prêteur de se prévaloir de la
rupture anticipée d’un contrat pourtant convenablement exécuté. La validité de
ces clauses est parfois discutée39, et il est fort probable que le nouvel article 1171
du Code civil introduisant en droit commun un dispositif de lutte contre les
clauses créant « un déséquilibre significatif » soit mobilisé à leur encontre.
Indiquons au sujet de ces clauses que la Cour de cassation a récemment eu à en
connaître en droit des entreprises en difficulté et cela sous un angle quelque peu
inattendu. Elle a en effet considéré que « l’existence d’une clause de défaut
croisé dans un protocole transactionnel unique conclu entre deux sociétés et un
créancier commun participe à un ensemble concordant d’indices caractérisant
l’existence de relations financières anormales constitutives d’une confusion des
patrimoines entre les deux sociétés »40.
21. A priori, les clauses MAC ou de défaut croisé ne visent pas la renégociation
du contrat mais bel et bien sa rupture anticipée, sachant que ces stipulations
n’ont de sens que si elles s’accompagnent de garanties efficaces face à la
perspective d’une procédure collective. Le créancier pourrait préférer profiter de
la menace planant ainsi sur le débiteur pour lui imposer une rémunération du
crédit supérieure ou l’octroi de nouvelles garanties, mais on peut penser qu’une
telle attitude est susceptible de tomber sous le coup du nouvel article 1143 du
Code civil. Par ailleurs, si ces clauses sont nées pour anticiper l’ouverture d’une
procédure de redressement ou de liquidation judiciaires, elles sont mises à mal
par la facilité qu’a le débiteur d'obtenir l’ouverture d’une procédure de
sauvegarde. L’arrêt Cœur défense l’a parfaitement illustré. On comprend donc
que certains soient parfois tentés d’aménager le contrat afin qu’il résiste à
l’ouverture de la procédure collective.
39
Sur leur caractère abusif en droit de la consommation, v. Cass. 1re civ., 27 nov. 2008, n° 07-15226 :
RTD com. 2009, p. 190, obs. D. Legeais ; RTD civ. 2009, p. 116, obs. B. Fages. La validité de ces
clauses pourrait également être discutée sur le terrain de L. 442-6, I, 2°, C. com., v. B. Fages, obs. sous
Cass. 1re civ., 27 nov. 2008, n° 07-15226 : RTD civ. 2009, p. 116. Comp. Cass. com., 22 mars 2005,
n° 01-01677, qui ne voit pas dans l’application d’une telle clause une rupture fautive de crédit ; dans le
même sens, Cass. com., 24 janv. 2006, n° 02-11989.
40
Cass. com. 2 nov. 2016, n° 15-10727, BJS 2017 p. 43, note J. Heinich ; BJE mars 2017, p. 96 note T.
Favario.
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B. La résistance
22. La loi, on le sait, interdit toute stipulation ayant pour effet de mettre fin à un
contrat en cours à raison de l’ouverture d’une procédure collective41 ou dont
l’objet serait de rendre exigibles les créances non échues à la date de ladite
ouverture42. L’ordonnance du 12 mars 2014 a complété le dispositif en réputant
non écrite toute clause qui modifie les conditions de poursuite d’un contrat en
cours en diminuant les droits ou en aggravant les obligations du débiteur du seul
fait de la désignation d’un mandataire ad hoc ou de l’ouverture d’une
conciliation ou d’une demande formée à cette fin43. Ces règles doivent bien sûr
être présentes à l’esprit lorsque l’on songe aux clauses évoquées précédemment.
23. Le créancier s’en trouve-t-il pour autant démuni ? Il cherchera parfois dans
le droit des obligations de quoi résister aux effets de la procédure collective, par
exemple en agissant sur le moment du transfert de propriété afin qu’il
n’intervienne pas au jour de la conclusion du contrat. A cet égard, c’est le droit
des entreprises en difficulté qui a révélé tout l’intérêt de la clause de réserve de
propriété. Elle a d’ailleurs été règlementée par le Code de commerce bien avant
que le Code civil ne s’en saisisse à l’occasion de l’ordonnance du 23 mars 2006.
Désormais, le nouvel article 1196 du Code civil prévoit de manière générale que
le transfert de propriété peut être différé par la volonté des parties.
41
Art. L. 622-13 al. 1er C. com.
42
Art. L. 622-29 C. com. (sauvegarde) et par renvoi : art. L. 631-14 al. 1er C. com. (redressement
judiciaire).
43
Art. L. 611-16 C. com.
44
Cass. com. 11 mai 1960, D. 1960, jur. 573.
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DROIT DES OBLIGATIONS
25. Des doutes sont parfois exprimés quant à l’efficacité de ces accords
destinés à organiser la compensation, et l’on a évoqué que les clauses de défaut
croisé ne résisteront peut-être pas au nouvel article 1171 du Code civil. Mais
l’essentiel est ailleurs, dans le constat indéniable d’une évolution des pratiques -
et indirectement du droit commun - sous l’effet du droit des entreprises en
difficultés, quand bien même toutes les tentatives ne sont pas couronnées de
succès.
45
Voir : Cass. com. 5 avr. 1994, D. 1995, Somm., p. 215, obs. A. Honorat ; JCP éd. E, 1994, I,
397, no 20, obs. M. Cabrillac et Ph. Pétel ; Cass. com. 9 mai 1995, D. 1996, Jur., p. 322, note G.
Loiseau ; JCP éd. E, 1995, I, 487, no 14, obs. M. Cabrillac ; Cass. com. 15 mars 2005, D. 2005,
AJ, p. 1025, obs. A. Lienhard. V. plus récemment, Cass. com. 9 avril 2013, n° 12-14356, BJE
sept. 2013, p. 293 et nos obs.
46
G. Duboc, La compensation et les droits des tiers, LGDJ, 1989, Bibl. dr. privé, T. 202, préf. J.-L.
Mouralis, n° 345.
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DROIT DES SÛRETÉS
L’évolution du droit des sûretés dans sa
confrontation au droit des entreprises en difficulté
Pierre-Michel LE CORRE
Professeur à l’Université Côte d’Azur,
Membre du CERDP
Pour traiter le sujet qui nous a été donné par nos savants organisateurs
toulousains, il semble cependant qu’il faille dépasser cette distinction des sûretés
réelle et des sûretés personnelles. Le parti a été pris de se mettre dans la peau des
créanciers titulaires de sûretés, afin de voir comment ils se positionnent face au
droit des entreprises et comment ils peuvent bien ressentir cette matière
effrayante pour le créancier lambda.
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DROIT DES SÛRETÉS
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PIERRE-MICHEL LE CORRE
Pour modérer les ardeurs du droit des sûretés, le droit des entreprises en
difficulté a parfois démontré un certain dogmatisme. La remarque se vérifie sous
l’empire de la loi du 25 janvier 1985. Mais, force est d’admettre aujourd’hui
que, dans sa réaction face aux dangers potentiels induits par le droit des sûretés,
le droit moderne des entreprises en difficulté a su faire preuve de beaucoup de
pragmatisme. C’est, nous semble-t-il, sa marque de fabrique, depuis une
vingtaine d’années, qui tranche de manière nette avec le dogmatisme de la loi du
25 janvier 1985.
Le droit des entreprises en difficulté, s’il reste muet face au droit des
sûretés, le respecte. C’est le lot d’un droit spécial face au droit commun. Mais
souvent, notre droit des entreprises s’exprime et trouve à redire face au droit des
sûretés. Alors, il hypnotise, façonne en déformant ou en uniformisant, met à mal
et même écrase les sûretés.
Ces observations pourront être vérifiées tant à propos du créancier non exposé à
la discipline collective (I) qu’au sujet du créancier titulaire d’une sûreté lui
conférant une situation d’exclusivité (II).
S’il y parvient, la situation d’un tel créancier apparaît confortable. Cela est vrai
en principe, mais la réalité du droit des entreprises en difficulté nous offre un
tout autre paysage. C’est ce que nous pourrons observer en envisageant
successivement la question des sûretés personnelles (A), puis celle des sûretés
réelles reposant sur l’exclusivité (B).
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DROIT DES SÛRETÉS
Il existe deux types de sûretés réelles qui confèrent à leur titulaire une
situation d ‘exclusivité : le droit de propriété et le droit de rétention.
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PIERRE-MICHEL LE CORRE
Les créanciers dont la sûreté repose sur l’attribution d’un droit de préférence
sont nécessairement dans une situation compliquée lorsque s’ouvre une
procédure collective, pour deux raisons essentielles : la première tient à la
multiplication des privilèges généraux du droit des entreprises en difficulté (A).
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DROIT DES SÛRETÉS
La seconde a trait au fait que le droit des entreprises en difficulté connaît des
mécanismes d’écrasement du droit des sûretés (B).
Il existe ensuite depuis 1985 un privilège des façonniers (C. trav., art.
L. 3253-5), que quasiment personne n’a rencontré dans les procédures
collectives, car il est des privilégiés qui s’ignorent.
La loi J 21 du 18 novembre 2016 a créé le privilège des producteurs agricoles,
qui est prévu à l’article 2332-4 du code civil. Ce privilège s’exerce au profit des
producteurs agricoles dans la procédure collective de leurs acheteurs, pour les
sommes dues par ces derniers, à due concurrence du montant total des produits
livrés par le producteur agricole, au cours des quatre-vingt-dix jours précédant
l’ouverture de la procédure.
Il faut encore faire état du privilège des créanciers postérieurs méritants des
articles L 622-17 et L 641-13 du code de commerce, privilège dont le périmètre
avait été réduit par le législateur en 2005, mais qui a été ensuite progressivement
élargi. Précisons que, au sein de ce privilège, les frais de justice utiles au
déroulement de la procédure connaissent un surclassent, pour être positionnés
juste après les privilèges du façonnier et du producteur agricole
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PIERRE-MICHEL LE CORRE
Tous ces privilèges, qui n’ont jamais aussi été nombreux que depuis la nuit
du 4 août 1789, qui raconte-t-on dans les livres d’histoire, a décidé de les abolir,
impression que ne partagent pas nécessairement les spécialistes du droit des
sûretés, contribuent à placer le créancier titulaire d’une sûreté spéciale ne
conférant qu’un droit de préférence dans une situation délicate ; il y aura
toujours quelques créanciers mieux placés.
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III. Au regard des autres droits :
Droit inféodé aux autres droits
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DROIT DE LA CONCURRENCE
Un droit inféodé aux autres droits
Droit de la concurrence
Gérard JAZOTTES
Professeur à l'Université Toulouse Capitole,
Centre de Droit des Affaires (CDA)
Les finalités différentes, voire contradictoires1, de ces deux droits ont été
souvent relevées. Le droit des entreprises en difficulté cherche à préserver
l’entreprise, en dépit et en raison de ses difficultés, alors que le droit de la
concurrence a pour but la protection du libre jeu de la concurrence, « d’une
concurrence par les mérites dans l’intérêt du consommateur »2, laissant jouer « le
processus de sélection naturelle, sorte de Darwinisme économique, qui s’opère
1
L. Arcelin, L’entreprise en difficulté face au droit de la concurrence, Rev. Lamy de la concurrence,
2004, n° 1 ; J.-Ph. Kovar, Droit de la concurrence et droit de l’insolvabilté, Rev. Lamy Droit des
affaires, 2010, n° 45.
2
J.-Ph. Kovar, op. cit..
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DROIT DE LA CONCURRENCE
3
L. Arcelin, op. cit..
4
C.Champaud, Rapport de synthèse, Colloque Entreprises en difficulté et concurrence, RIDE 1995-2, p.
343.
5
Pour Y. Chaput, le droit de la faillite pourrait être présenté comme « le prolongement naturel de la
concurrence », « le constat, l’acte de décès, de l’entreprise vaincue par « la loi du marché » …», L’ordre
concurrentiel et le désordre du droit des défaillances d’entreprises », dans L’ordre concurrentiel,
Mélanges en l’honneur d’Antoine Pirovano, Ed. Frison-Roche, 2003, p. 269.
6
En ce sens, C. Saint-Alary Houin, La prise en compte de la concurrence par le droit des procédures
collectives, DGCCRF, Atelier de la concurrence, 23 juin 2004, Rev. conc. consom., n° 143, juill-sept.
2005, p ; Entreprises en difficulté et concurrence, RIDE 1995-2, p. 176 et s.
7
Communication de la Commission relative à la notion d’aide d’Etat visées à l’article 107, paragraphe
1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, JOUE n° 262/1 du 19.07.2016, §° 7 : « Les
procédures d’insolvabilité peuvent aussi se solder par le retour d’une entreprise viable sur le marché, à la
faveur de l’acquisition, par des tiers, soit de l’entreprise en question poursuivant normalement ses
activités, soit des divers biens de production».
8
C.Champaud ; op. cit., p. 354.
9
Sur ce point voir : C.Saint-Alary Houin, La prise en compte de la concurrence par le droit des
procédures collectives, DGCCRF, Atelier de la concurrence, 23 juin 2004, Rev. conc. consom., n° 143,
juill-sept. 2005, p. 3, spéc. p. 3 où l’auteur montre que le droit des procédures collectives rétablit la
concurrence et exerce une fonction de concurrence.
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GERARD JAZOTTES
10
Sur le concept d’ordre concurrentiel, voir : L. Boy, L’ordre concurrentiel : essai de définition d’un
concept, dans L’ordre concurrentiel, Mélanges en l’honneur d’Antoine Pirovano, Ed. Frison-Roche,
2003, p.23 et s. Pour l’auteur, l’ordre est concurrentiel « en ce qu’il implique une rationalité, un
paradigme … et une logique fondée sur les préceptes de la concurrence. Nous sommes confrontés à un
ordre invasif, expansionniste qui imprègne les actions et structure les pensées ainsi que le contenu du
droit positif », op. cit. ; p. 23.
11
L’étranger, éd. Gallimard.
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DROIT DE LA CONCURRENCE
12
CJCE, 1er décembre 1998, aff. C-200/97, Rec. I-7926.
13
Arrêt précité, pt. 36.
14
Arrêt précité, pt. 36.
15
En ce sens : L. Idot, La prise en compte de la procédure collective dans la mise en œuvre des règles de
concurrence : l’articulation des procédures, dans Entreprises en difficulté et application du droit de la
concurrence, DGCCRF, Atelier de la concurrence, 23 juin 2004, Rev. conc. consom., n° 143, juill-sept.
2005, p. 18. Pour relever du régime des aides d’Etat l’aide doit favoriser certaines entreprises ou
certaines productions. Voir : Communication de la Commission relative à la notion d’aide d’Etat visées
à l’article 107, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, JOUE n° 262/1 du
19.07.2016, § 117 et s..
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En second lieu, le soutien de l’Etat, par des remises de dettes ou des aides à
la restructuration, est susceptible de relever de la qualification d’aide. Cette
qualification d’aide (il n’est pas encore question de leur compatibilité, qui peut
être appréciée au regard des lignes directrices concernant les aides d’Etat au
sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté18) est indépendante
16
En ce sens Y. Chaput, L’office du juge dans le traitement précoce des difficultés, dans Le nouveau
droit des défaillances d’entreprises, Coll. Thèmes et Commentaires, Dalloz, 1995, p. 100.
17
L’article L. 611-8 du Code de commerce vise l’absence de cessation des paiements, la pérennité de
l’activité de l’entreprise et l’absence d’atteinte aux intérêts des créanciers.
18
Lignes directrices concernant les aides d’Etat au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en
difficulté autres que les établissements financiers, communication précitée.
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La distinction n’est pas toujours aisée à effectuer, étant précisé que, pour la
Cour de justice de l’Union européenne, « l’applicabilité du critère de
l’investisseur privé à une intervention publique dépend non pas de la forme sous
laquelle l’avantage a été octroyé, mais de la qualification de ladite intervention
en tant que décision prise par un actionnaire de l’entreprise en question »21. Si le
critère s’applique, il convient alors de rechercher si un investisseur privé d’une
taille comparable opérant dans des conditions normales de marché aurait pu être
amené à réaliser l’investissement en cause22. Dans son comportement,
l’investisseur privé vise « à maximiser la rentabilité des fonds qu’il peut investir
où il le souhaite »23. A titre d’exemple, ne répond pas à cette finalité une
recapitalisation qui, bien que prévue dans un plan de développement
stratégique24, avait pour objectif d’éviter l’insolvabilité de l’entreprise
bénéficiaire en couvrant le manque de liquidité et les pertes de cette entreprise,
alors qu’aucun associé privé n’avait collaboré à cette recapitalisation25.
19
« Seul l’effet de la mesure sur l’entreprise est pertinent, non la raison ni l’objectif de l’intervention de
l’Etat », Communication de la Commission européenne précitée, § 67.
20
Article L. 626-6 du Code de commerce. Condition applicable aux remises de dettes réalisées dans la
procédure de conciliation par renvoi de l’article L.611-7, alinéa 3, du même code.
21
CJUE, 3 avril 2014, aff. C-224/12, Commission c/ Pays-Bas et ING Groep, pt. 31.
22
Communication de la Commission relative à la notion d’aide d’Etat … , précitée, § 74.
23
Trib. UE 15 sept. 2016, aff. T-386/14, pt. 64 ; H.Aubry, Aides d’Etat : critère du créancier privé en
économie de marché, D.2017, 42 et s.
24
Etait en cause une aide de 10 M. € accordée par des entreprises publiques actionnaires de la société
en difficulté.
25
Trib. UE, 28 janv. 2016, aff. T-507/12, Slovénie c/ Commission, pt. 40 et svts ; L.Idot, observation,
Rev. Europe, 2016-3, comm. 115.
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26
Trib. UE, 16 mars 2016, aff. T-103/14, Frucona, pt. 251 ; .G.Decocq, Contrats, conc. ; consomm.
2016-5 comm. 123.
27
Trib. UE, 16 mars 2016, aff. T-103/14, Frucona. G.Decocq, Contrats, conc. ; consomm. 2016-5
comm. 123. Voir également, H.Aubry, Aides d’Etat : critère du créancier privé en économie de marché,
note sous Trib. UE 15 sept. 2016, aff. T-386/14.
28
L.Idot, La prise en compte de la procédure collective dans la mise en œuvre des règles de
concurrence : l’articulation des procédures, op. cit., p. 18.
29
Lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations
(10/07/2013), pt 680 : « le fait qu’une opération de concentration se déroule dans le cadre d’une décision
de justice, telle que l’adoption d’un plan de reprise, ne fait pas obstacle aux compétences respectives de
la Commission européenne et l’Autorité de la concurrence de se prononcer sur la compatibilité d’une
telle reprise avec le droit de la concurrence ».
30
Ibid, pt. 682.
31
Ibid, pt. 683.
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32
L. Idot, op.cit., p. 19
33
Pour un rappel de ces solutions par l’Autorité de la concurrence, voir : décision Aut. conc. n° 14-D-
20 du 22 déc. 2014, pt 201 et décision Aut. conc n° 16-D-14 du 23 juin 2016. Sur l’imputabilité dans
l’hypothèse d’une entreprise en difficulté voir : L. Idot, Reprise d’entreprises en difficulté et droit de la
concurrence, Rev.proc.coll. 2015-6, dossier 57, § 30 et s. Sur l’ensemble de la question : L. Vogel,
Traité de droit économique, T1, Droit de la concurrence, Droits européens et français, LawLex,
Bruylant, 2015, p. 463 et s.
34
Article L. 626-10 du Code de commerce, applicable à la procédure de redressement par renvoi de
l’article L. 631-19. En liquidation judiciaire, le même principe doit s’appliquer, les engagements du
débiteur trouvant ses limites dans l’offre retenue et dans le prix de cession.
35
Décision Aut. conc. n° 16-D-14 du 23 juin 2016, pt. 935.
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36
Lignes directrices concernant les aides d’Etat au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en
difficulté précitées.
37
Lignes directrices précitées, § 20.
3838
Ibid., point c). D’autres hypothèses sont visées.
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droit des entreprises en difficulté n’est que ponctuelle et très partielle, la notion
d’entreprise en difficulté n’étant utilisée, avec une acception plus large, que pour
délimiter le champ d’application des lignes directrices. Les conditions de
compatibilité de l’aide vont au-delà des finalités poursuivies par le droit des
entreprises en difficulté, même si des points communs peuvent être décelés.
39
Ibid, § 43.
40
Ibid, § 45 et s.
41
Ibid, § 8.
42
Sur l’ensemble de la question, voir : L.Idot, Reprise d’entreprises en difficulté et droit de la
concurrence, Rev.proc.coll. 2015-6, dossier 57.
43
L.Idot, op. cit., § 12 et s.
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B. A l’occasion de la sanction
44
L. 430-4 C. com. al. 1.
45
Pt. 686.
46
Ibid.
47
Lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, précitée, §
561.
48
Ibid, §° 561 et s.
49
Sur la question, voir : Olivier BILLARD, Les mesures de soutien public aux entreprises en difficulté
au regard de la prohibition des aides d’Etat, Rev. Lamy Concurrence, n° 38, 1er/01/2014.
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En droit européen, dans ses lignes directrices pour le calcul des amendes50,
la Commission indique vouloir, « dans des circonstances exceptionnelles »,
« tenir compte de l’absence de capacité contributive d’une entreprise, dans un
contexte social et économique particulier »51. Mais une « situation financière
défavorable ou déficitaire » est insuffisante à caractériser l’absence de capacité
contributive. Un état de cessation des paiements n’est donc pas suffisant, de
même qu’un risque de faillite52. Le demandeur doit établir que l’amende
« mettrait irrémédiablement en danger la viabilité économique de l’entreprise et
conduirait à priver ses actifs de toute valeur »53.
50
JOUE n° 210/2 du 01/09/2006.
51
Ibid., §° 35.
52
L.Vogel, op. cit. p. 500 et note 2366.
53
Ibid.
54
Communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires, §
62 et s.
55
Communiqué précité.
56
Communiqué précité, §° 65.
57
Questionnaire relatif à la capacité contributive des entreprises et des organismes consultable sur le site
de l’Autorité de la concurrence.
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GERARD JAZOTTES
58
Décision Aut. conc. n° 16-D-09 du 12 mai 2016, pt. 555.
59
Cass.com. 22 oct. 2013, n° 12-23486 et Cass. com. 18 février 2014, n° 12-27643. Pour une
application : Décision Aut. conc.n° 15-D-04 du 26 mars 2015.
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DROIT DE L’ENVIRONNEMENT
Le droit de l’entreprise en difficulté : un droit inféodé
au droit de l’environnement ?
Denis VOINOT
Professeur à l’Université de Lille 2
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DROIT DE L’ENVIRONNEMENT
Le contexte juridique, ensuite, n’est pas moins éprouvant. Cela tient à une
caractéristique commune aux deux branches du droit. Le droit des entreprises en
difficulté et le droit de l’environnement sont des matières d’ordre public ce qui
impose de respecter des obligations diverses pour répondre à des objectifs
distincts. Or, comment concilier l’ordre public écologique avec l’ordre public
économique lorsque des règles impératives contradictoires existent ? Faut-il
hiérarchiser les intérêts en présence, par exemple en faisant primer un ordre
public sur un autre ? Et si cet arbitrage se fait au profit de la protection de
l’environnement ne peut-on considérer, en effet, que le droit des entreprises en
difficulté est inféodé au droit de l’environnement ?
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DENIS VOINOT
dans l’usine »1. Derrière une telle motivation se cache un argument plus général,
parfois exprimé, selon lequel le droit de l’environnement mettrait à la charge des
professionnels des obligations contraires « aux dispositions du code de
commerce »2. La réalité est plus nuancée. Si à l’ouverture d’une procédure
collective le droit de l’environnement doit bien sûr être respecté (A.), il est plus
délicat de déterminer les personnes qui devront respecter les obligations
environnementales pendant le déroulement de la procédure (B. ).
1
TGI Béthune, ord., 15 oct. 1997, inédite ; pour la suite réservée à cette ordonnance, V. TGI Béthune,
13 mai 1998 : Rev. proc. coll. 5/1999, n° 6, obs. C. Saint-Alary-Houin ; Act. proc. coll. 7/1999, n° 95,
obs. D. Voinot.
2
CE 28 septembre 2016, 384315, Act. Proc. Coll. 2016, obs. D. Voinot.
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DROIT DE L’ENVIRONNEMENT
3
CE 28 septembre 2016, 384315, Act. Proc. Coll. 2016, obs. D. Voinot ; AJDA 2016. 1839 ; Dr. envir.
2016. 331; Énergie-Env.-Infrastr. 2016, no 83, note Fichet ; BDEI déc. 2016, no 2152, concl. de
Lesquen. ; CE 29 septembre 2003 240938.
4
CA Grenoble, 31 mai 2012, RG 2011JC1854.
5
Cass. 3 civ. 8 juillet 2015, 13-25223.
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DENIS VOINOT
6
v. art. L. 511-1 et s. c. envir et la nomenclature des ICPE correspondante.
7
Pour une application en cas de confusion de patrimoine, v. TA Versailles, 22 juin 1999, SCI Essonne
c/ Préfet de l'Essonne: Mon. TP 3 déc. 1999, p. 111; RJ envir. 3/2000, p. 498. Seul le débiteur
exploitant peut être tenu de l’obligation de remise en état, v. CE 23 mars 2011, SA Progalva: req. no
325618 ; CE 8 sept. 1997, SARL Serachrom: Dr. adm. 1997, no 347; RJ envir. 1998. 416.
8
Art. L. 541-1-1 c. env.
9
Art. L. 541-2 c. env.
10
Civ. 3e, 11 juill. 2012, pourvoi n° 11-10.478, RTDI 2012, no 3, p. 29, obs. Billet ; AJDA 2012. 1436,
obs. Grand; D. 2012. 2182, obs. Parance; D. 2012. 2208, obs. Boutonnet; Envir. 2012. Fiche pratique 1,
par Herrnberger; Dr. envir. 2013. 60, note Borel; BDEI nov. 2013, no 1674, obs. Boutonnet. V. aussi,
CE 26 juill. 2011, Cne de Palais-sur-Vienne, req. no 328651: Envir. 2011, no 131, note Billet; AJDI
2012. 362, obs. Wertenschlag et Geib; RJEP 2012, no 26, p. 18, concl. Guyomar; RJ envir. 2012. 133,
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obs. Jayat ; CE 25 sept. 2013, Sté Wattelez et a., req. no 358923 : AJDA 2013. 1887, note Poupeau ;
Envir. 2013, no 81, note Guérin; Dr. envir. 2014. 145, note Hedary; BDEI nov. 2013, no 1666 ; ibid.
févr. 2014, no 1712, concl. de Lesquen; ibid. févr. 2014, no 1713, note Le Roy-Gleizes ; CE 24 oct.
2014, Sté Unibail-Rodamco, req. no 361231: BDEI nov. 2014, no 1839 ; BDEI févr. 2015, no 1866,
concl. de Lesquen ; AJDA 2014. 2093 ; Dr. envir. 2014. 428 ; Énergie-Env.-Infrastr. 2015, no 19, note
Boda ; RJ envir. 2015. 506, note Audrain-Demey.
11
CE 28 septembre 2016, 384315, précit.
12
Art. L. 641-9 c. com.
13
Cass. com., 19 nov. 2003, n° 00-16.802 : D. 2004, p. 629, note D. Voinot.
14
CAA Bordeaux, 16 juin 2008, n° 06BX02039, qui annule un arrêté de consignation pour violation de
l’article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations
avec les administrations, texte qui organise une procédure contradictoire entre l’administration et
l’administré visé par une décision administrative individuelle.
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15
CAA Douai, 17 mars 2005, req. no 03DA00214 : Envir. 2005, no 60, obs. Gillig; JCP E 2006, no
1257, chron. Trébulle.
16
CAA Paris, 22 mars 2007, SCP Laureau-Jeannerot: Envir. juin 2007, no 125, obs. Gillig ; RJ envir.
2008. 476, chron. Schneider.
17
Cass. 3 civ. 23 février 2017 15-26101.
18
Cass. com., 30 novembre 2010, n° 09-71.954.
19
CAA Paris, 23 sept. 1999, Delestrade : Mon. TP 17 mars 2000, p. 87. Le mandataire liquidateur, mis
en demeure ès qualités de remettre un site en état, ne peut pas invoquer le caractère insuffisant de l'actif
de la liquidation pour supporter le coût de cette remise en état. V. cependant, CA Paris, 28 mars 2006,
RG 05/12523, « si le liquidateur était bien tenu du respect des dispositions du Code de l'environnement
lui imposant d'éliminer les déchets entreposés et de répondre à l'injonction préfectorale de remise en état
du site, son abstention ne peut être qualifiée de fautive, quand bien même il n'aurait pas satisfait à des
injonctions de l'administration, dès lors que cette abstention s'explique par la totale impécuniosité de la
procédure (…) ».
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applicable au recouvrement des créances »20. Cette position montre ainsi que le
droit des entreprises en difficulté n’est pas inféodé au droit de l’environnement.
En revanche l'ampleur des conséquences financières de cette opposabilité a
conduit à repenser le droit des entreprises en difficulté à la lumière du droit de
l’environnement montrant ainsi que le premier, loin d’être inféodé au second,
s’est plutôt révélé novateur.
20
CE 29 septembre 2003, 240938, précit.
21
C. Saint-Alary-Houin, La nature juridique de la créance environnementale : Rev. proc. coll. 2004,
p. 146. – D. Voinot, Le sort des créances dans la procédure collective, l’exemple de la créance
environnementale : RTD com. 2001, p. 581.
22
M. Boutonnet, Le contrat et le droit de l’environnement : RTD civ. 1/2008, p. 1.
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par exemple, un dirigeant n’a pas pris les mesures préventives nécessaires et
cause un dommage à autrui, créance de nature légale lorsque la loi exige du
dernier exploitant d’un site qu’il procède à la remise en état23. On aura bien
compris que si la créance environnementale a pour objet les atteintes à
l’environnement, ces sources sont diversifiées. C’est donc une certaine variété
qui caractérise cette créance même si, la plupart du temps, c’est l’administration
chargée de faire respecter le droit de l’environnement qui tente de faire valoir
ses droits en cours de la procédure collective. Ses demandes connaîtront des
issues variables selon que l’activité de l’entreprise en difficulté a cessé ou se
poursuit.
23
« La charge de la dépollution d’un site industriel incombant au dernier exploitant et non au
propriétaire d’un bien pollué, la remise en état d’un site résultant d’une obligation légale particulière
dont la finalité est la protection de l’environnement et de la santé publique, est à la charge de la
locataire », Cass. 3e civ., 2 avr. 2008, n° 07-12.155 : Bull. civ. III, n° 63 ; D. 2008, p. 2472, obs. F.-
G. Trébulle. – V. Vidalens, Droit des affaires et développement durable : Rev. Lamy dr. aff. 11/2008,
repère 32-72.
24
Cass. com., 17 sept. 2002 : D. 2002, p. 2735, obs. A. Lienhard ; LPA 6 août 2003, p. 15, note
B. Rolland ; Act. proc. coll. 2002, comm. 221, obs. J. Vallansan ; JCP E 2003, n° 5, 197, note
D. Voinot. – Cass. com., 28 sept. 2004, n° 02-19348 : Environnement 2005, comm. 5, obs. D. Gillig.
25
Art. 40 L. 25 janv. 1985.
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26
Pour la liquidation judiciaire, v. art. L. 641-13 c. com.
27
Pour une admission généralisée du privilège, V. L. Neyret et N. Reboul, Déclaration pour la
sauvegarde et la protection juridique de l'environnement : LPA 21 juin 2008, n° 168, p. 10. – Art. 8 :
« En cas de procédure collective, toute créance environnementale est assimilée à une créance postérieure
privilégiée et bénéficie donc d’un paiement prioritaire ».
28
F. Pérochon, Les créanciers postérieurs et la réforme du 26 juillet 2005 : Gaz. Pal. 8 sept. 2005,
n° 251, p. 57 ; v. égal. G. Jazotte, Le privilège des créanciers postérieurs. Quel périmètre ?, RLDA
suppl. mars 2005, p. 136 ; cpr. C. Saint-Alary Houin, Droit des entreprises en difficulté, 10ème éd. LGDJ,
2016, p. 417.
29
T. Soleihac et G. Legrand, Entreprises en difficulté et droit de l’environnement : une délicate
articulation : Rev. Lamy dr. aff. 3/2009, n° 36.
30
G. Jazotte, Le privilège des créanciers postérieurs. Quel périmètre ?, op. cit. p. 136.
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DENIS VOINOT
31
Cass. com., 16 sept. 2008, n° 07-13713.
32
B. Rolland, Procédures collectives et sites contaminés : Environnement oct. 2006, n° 10, 16.
33
D. Voinot, Colloque « Droit des entreprises en difficulté et protection de l'environnement », Univ.
Lyon II, 24 oct. 2003 : Rev. proc. coll. 2004, p. 141.
34
CA Grenoble, 31 mai 2012, RG n° 11/02571, Gaz. Pal. 12-13 oct. 2012, p. 24, obs. L. C. Henry.
35
C. Saint-Alary Houin, op. cit. n° 658, p. 401.
36
Cass. com., 22 oct. 1996 : D. 1997, somm. 5, obs. F. Derrida.
37
Cass. 3e civ., 18 juin 2008, n° 07-12.966, FS-P+B, arrêt n° 672, FS-P+B : D. 2008, act. jurispr. 1822,
obs. G. Forest, et chron. C. cass. 2742, spéc. 2746, obs. F. Nési ; RTD com. 2008, obs. C. Saint-Alary-
Houin ; Gaz. proc. coll. 2008, n° 3, p. 39, obs. D. Voinot.
Le droit des entreprises en difficulté après 30 ans : droit dérogatoire, précurseur ou révélateur ? | 249
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DROIT DE L’ENVIRONNEMENT
Le droit des procédures collectives est une branche du droit volontariste qui
a su évoluer en tenant compte des nouveaux impératifs liés à la protection de
l’environnement et ceci de deux manières.
38
Sur l’application de ce texte, v. D. Voinot, Cession de sites pollués, Rev. Proc. coll. 2015, p. 56.
V. cependant, CA Dijon, 22 avr. 2008, EURL Dex et SARL Sté Tancarville Sté Nouvelle et Didier
X., no 07-01552. AJDI 2009. 566, obs. Trébulle.
39
Puisque l’exploitation est en cours : V. Cass. 3e civ., 9 avr. 2008, n° 07-10795. L'alinéa 1er de
l'article L. 514-20, qui dispose que lorsqu'une installation classée soumise à autorisation a été exploitée
sur un terrain, le vendeur est tenu d'en informer par écrit l'acheteur, ne s'applique pas à la vente d'un
terrain sur lequel l'exploitation est en cours.
40
V. art. 2324 c. civ.
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DENIS VOINOT
41
Ce guide a été réédité en 2012. Il comporte en annexe 2 un questionnaire à remplir en cas de
procédure collective. Une nouvelle version est en voie de finalisation.
42
B. Rolland, Les nouvelles incidences du droit de I'environnement sur le droit commercial (après la loi
n° 2003-699 du 30 juillet 2003) : JCP E 2004, 333. – D. Voinot, Le bilan environnemental dans la
procédure collective : Dr. env. déc. 2004, p. 280.
43
Art. L. 623-1 et L. 631-18 c. com ; Art. R. 623-2 et R. 631-18 c. com.
44
Art. L. 626-2 et L. 631-19 c. com.
45
Art. L. 621-2 c. com.
46
Art. L. 631-10-1 c. com.
47
Art. L. 651-4 c. com.
Le droit des entreprises en difficulté après 30 ans : droit dérogatoire, précurseur ou révélateur ? | 251
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DROIT DE L’ENVIRONNEMENT
48
Art. L. 663-1-1 c. com.
49
Art. L. 233-5-1 c. com.
50
Art. L. 512-17 c. env.
51
Art. L. 643-9, c. com. Sur cette question, v. D. Voinot, Cession de sites pollués, précit.
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DROIT DU TRAVAIL
Le droit des entreprises en difficulté, droit
inféodé au droit du travail
Eugénie FABRIÈS-LECEA
Maître de conférences à l'Université Toulouse Capitole,
Centre de Droit des Affaires (CDA)
1. Une fois n’est pas coutume, le droit des entreprises en difficulté subit la loi
d’autres branches du droit. Il en va tout particulièrement ainsi du droit du travail
qui impose, depuis plus de trente ans, dans sa rencontre avec les entreprises en
difficulté, toute l’autorité de sa règlementation.
2. Pour comprendre la relation qui s’est tissée ces dernières années entre le
droit du travail et le droit des entreprises en difficulté, il faut remonter à la loi n°
85-98 du 25 janvier 1985. Le législateur de l’époque a souhaité intégrer à la
procédure collective tous ceux qui sont intéressés à son déroulement, et tout
particulièrement les salariés, rompant de la sorte avec une perception purement
financière de la faillite. Ce renouveau est présent dès le premier article de la loi
qui énonçait, dans sa rédaction d’origine, qu’ « il est institué une procédure de
redressement judiciaire destinée à permettre la sauvegarde de l’entreprise, le
maintien de l’activité et de l’emploi et l’apurement du passif ». La disposition
est importante car non seulement elle officialise la rencontre du droit des
entreprises en difficulté avec le droit du travail, mais fait du maintien de
Le droit des entreprises en difficulté après 30 ans : droit dérogatoire, précurseur ou révélateur ? | 253
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LE DROIT DU TRAVAIL
1
R. Houin, Rapp. Introductif, « Les innovations », RTD com. 1986, p. 11.- J. Cl. May, « La triple
finalité de la loi sur le redressement judiciaire », LPA 1987, n° 141, p. 18.- A. Lyon-Caen, Rapp.
Introductif, Toulouse, 1986, p. 1, fasc. J. Cl., n° 2710-3.
2
Envisagés comme une composante de l’entreprise, et intéressés à son maintien, la prise en compte des
intérêts des salariés est présente à tous les stades de la procédure collective : un représentant des salariés
est institué, un système de consultation et d’information des représentants du personnel est organisé, les
créances salariales sont privilégiées et super-privilégiées, et leur paiement est garanti par l’AGS, le
ministère public est, par son rôle accru, un défenseur des intérêts des salariés, et puis les salariés peuvent
se présenter en qualité de repreneur de l’entreprise en difficulté.
3
L. Driguez, « Licenciements économiques et procédures collectives : une nouvelle articulation gage de
sécurisation ? », Dr. soc. 2013, p. 995.
4
Op. cit.
5
Pour ces partisans, se placer « sous-main de justice » ne doit pas être vécu comme un moyen
d’échapper à ses obligations sociales, et notamment aux exigences de la procédure de grand
licenciement économique. Sur les aspects anticoncurrentiels de l’entreprise en difficulté, v. D. Fasquelle,
« L’incidence des difficultés des entreprises sur l’application des règles de concurrence », in Mélanges
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EUGENIE FABRIES-LECEA
7. Pourtant, l’enjeu est de taille. D’une part, l’application de la loi sociale sans
prise en compte de l’état de santé de l’entreprise, porte atteinte à l’effectivité
même du droit du travail. Pour s’en convaincre, il suffit de rappeler les délais
imposés au liquidateur qui doit essayer de reclasser les salariés avant de les
licencier dans les quinze jours, ou vingt et un jours lorsqu’un plan de sauvegarde
Y. Serra, Dalloz, 2006, p. 159 ; J. Paillusseau, « Les effets anticoncurrentiels de la dette », RDIID éco.
1995, p. 237.
6
Lorsqu'une entreprise connaît des difficultés, l'expérience montre qu'elle dispose toujours d'un effectif
surdimensionné, avec bien souvent des salariés aux qualifications obsolètes. Les licenciements
deviennent alors inévitables, voire impératifs, pour permettre le redressement.
7
Table ronde « Les procédures collectives et les droits des salariés », Rev. proc. coll. 2011, n° 5,
Entretien 3.
8
V. « Droit social et procédures collectives », Actes du colloque organisé par l’AJDE le 14 octobre
2011, Rev. proc. coll. 2012, n° 1 ; C. Saint-Alary-Houin, « Le droit social dans les procédures
collectives : entre inadaptation, idéalisme et dévoiement ! », in « Droit social et procédures collectives »,
op. cit. ; A. Donnette, « Un pas de plus en faveur d’un droit du travail des entreprises en difficulté »,
Rev. proc. coll. 2013, étude 21.
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LE DROIT DU TRAVAIL
9
C. trav., art. L. 3253-8.
10
V. « Droit social et procédures collectives », op. cit., sp. A. Arseguel, « Droit du travail, droit
décapant : à propos du co-employeur », n° 6 ; E. Gall-Heng, « Une « subtilité complémentaire » dans
l’analyse de l’obligation de reclassement : la théorie du co-employeur », n° 8.
11
V. les différentes contributions in « Droit social et procédures collectives », op. cit. ; A. Donnette, « Un
pas de plus en faveur d’un droit du travail des entreprises en difficulté », Rev. proc. coll. 2013, étude 21 ;
D. Jacotot et L. Fin-Langer, « La naissance d’un droit social des entreprises en difficulté ? », Rev. proc.
coll. 2014, n° 2, dossier 24.
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11. Depuis plus de trente ans, le droit des entreprises en difficulté subit
l’autorité de la loi sociale. Cette approche n’est pas remise en cause par le
législateur contemporain qui continue d’affirmer, au fur et à mesure de ses
réformes, l’aliénation du droit des entreprises en difficulté (A). Cette rigueur
législative n’est pas sans susciter parfois une réaction du droit des entreprises en
difficulté, qui face aux distorsions de procédures engendrées, cherche à
s’émanciper (B).
12. De tout temps, le droit du travail s’est imposé à l’entreprise, sans distinguer
selon sa situation économique ou financière. Cette ignorance de l’état de santé
de l’entreprise a pour effet de soumettre celle-ci au respect des exigences
sociales de droit commun. Il en va ainsi notamment de la procédure des
licenciements économiques, voire des grands licenciements, qui s’appliquent au
cours d’une procédure de sauvegarde12. Il en va également de la compétence du
Conseil des prud’hommes qui est maintenue, malgré l’ouverture d’une
procédure collective, en cas de contestation par le salarié du relevé des créances
salariales établi par le mandataire judiciaire13, du non-paiement par l’AGS des
sommes dues, des critères d’ordre, du reclassement, de l’indemnisation ou de la
motivation de la lettre de licenciement14. Il en va aussi du sort des créances
12
La loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005 n'avance aucun traitement dérogatoire.
13
C. com., art. L. 625-1. C'est une différence majeure par rapport aux autres créanciers qui, lorsqu'ils
souhaitent contester la décision rendue par le juge-commissaire, doivent exercer la voie de recours
ordinaire que constitue l'appel devant la cour d'appel (C. com., art. L. 624-3).
14
La Cour de cassation juge que le Conseil des prud'hommes reste compétent en application de l’article
L. 1411-1 du Code du travail, pour les demandes formées par les salariés contre leur employeur, fût-il en
redressement ou en liquidation judiciaire, au regard de leur situation individuelle (Cass. soc., 3 oct.
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LE DROIT DU TRAVAIL
13. Cette vision unique du droit du travail, que l’entreprise soit in bonis ou non,
est encore aujourd’hui partagée par le législateur contemporain. En effet, la loi
du 8 août 2016, dite « loi Travail », ainsi que nombre de réformes avec elle, ont
été élaborées sur le seul paradigme de l’entreprise in bonis, sans se préoccuper
de l’entreprise en difficulté. Ainsi, la définition du motif économique ignore
toujours l’état de cessation des paiements de l’entreprise en procédure collective,
et les mesures sur la fermeture d’entreprise oublient l’éventuelle existence d’une
procédure collective16. Au-delà, la « loi Travail » fournit de nouveaux outils
pour les entreprises in bonis tels les accords de préservation ou de
développement de l’emploi17 qui viennent compléter les accords de maintien de
l’emploi, instaurés par la loi Sapin du 13 juin 2013, qui ne disparaissent pas. Or,
bien qu’ils ne soient pas destinés à l’entreprise en difficulté, ces nouveaux
accords offrent des perspectives intéressantes en matière de prévention ou de
traitement amiable des difficultés de l’entreprise. Ils permettent, en contrepartie
de l’engagement de l’employeur de ne pas licencier, de modifier non seulement
le salaire et la durée du travail, mais aussi les conditions de travail. L’intérêt de
ces accords est qu’ils peuvent être conclus en période de mandat ad hoc, de
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14. Si la plupart des mesures sociales adoptées pour l’entreprise in bonis sont
viables lorsque l’entreprise connaît des difficultés, un certain nombre d’entre
elles sont en revanche inadaptées aux finalités des procédures collectives, et aux
impératifs de temps imposés par de telles procédures. Le droit des entreprises en
difficulté laisse alors parfois nombre d’exigences sociales inappliquées. Aussi,
ponctuellement, le droit des entreprises en difficulté s’émancipe de l’autorité de
la loi sociale.
15. Le choix législatif de ne pas tenir compte des difficultés des entreprises
pour édicter la loi sociale, conduit souvent à des distorsions de procédures
dénoncées par les praticiens et la doctrine21. Il en résulte que, dans ces cas-là, les
mesures sociales sont malmenées, soit qu’elles sont en pratique peu respectées,
faute de pouvoir être correctement mises en œuvre, soit qu’elles sont
expressément écartées par une mesure législative.
18
La loi exige un écrit, sans fixer de délai, ce qui ne manquera pas de soulever des difficultés en
pratique.
19
Cette précision évacue le contentieux de la cause réelle et sérieuse, la loi posant son existence.
20
De plus, lors de l'entretien, l'employeur doit proposer le dispositif d'accompagnement personnalisé, et
non le congé reclassement.
21
Sur ces dysfonctionnements, v. « Droit social et procédures collectives », op. cit. ; Table ronde « Les
procédures collectives et les droits des salariés », op. cit.
Le droit des entreprises en difficulté après 30 ans : droit dérogatoire, précurseur ou révélateur ? | 259
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LE DROIT DU TRAVAIL
16. C’est ainsi, d’abord, qu’en pratique, la loi sociale reste parfois inappliquée.
Il suffit de songer à la situation du liquidateur qui doit procéder aux
licenciements dans les quinze jours suivant le jugement d’ouverture de la
liquidation judiciaire22. L’une des difficultés consiste alors à respecter, dans ce
délai, les délais légaux de convocation et l’obligation de reclassement23, ce qui
se révèle dans les faits presque impossible. Une autre difficulté est de
déterminer, dans le même temps, l’effectif présent dans l’entreprise24 pour
permettre une prise en charge des salariés licenciés par l’AGS. Là encore les
professionnels se heurtent au bref délai imparti, et exposent fréquemment leur
responsabilité en cas de non-respect. Dans le même sens, il est possible de
rappeler la situation du repreneur qui se manifesterait tardivement, soit en
période de liquidation judiciaire, à la fin de la poursuite de l’activité. Ici, la
reprise d’entreprise sera soumise aux dispositions légales de la vente de gré à
gré, et, dans ce cas, le repreneur devra reprendre tout le personnel, toute
dérogation à l’article L. 1224-1 du Code du travail sur le maintien de plein droit
des contrats de travail au profit de l’acquéreur de l’entreprise, devenant alors
impossible25. De telles obligations risquent fort de décourager le repreneur, et
resteront à n’en pas douter lettres mortes.
17. C’est ainsi, ensuite, que la loi sociale est parfois expressément écartée. A
cet égard, il est possible de mentionner la mise à l’écart, dans les plans de
cession organisés par le Code de commerce, de l’article L. 1224-1 du Code du
travail, ce qui permet au repreneur de choisir le nombre de salariés repris, selon
les qualifications, en respectant la procédure d’ordre. De même, peut être
évoquée l’exclusion pour les grandes entreprises en redressement ou liquidation
judiciaire, de l’obligation de proposer à chaque salarié dont le licenciement
22
C. trav., art. L. 3253-8. En présence d’un PSE, le délai est porté à 21 jours.
23
Dans le prolongement, la loi Macron du 6 août 2015, qui aménage la règle relative au reclassement à
l'étranger, ne distingue pas selon la santé économique de l’entreprise, la difficulté résidant alors dans la
recherche de reclassement dans des délais contraints.
24
Parfois le dirigeant est persuadé d’avoir rompu un contrat de travail par le fait d’avoir indiqué au
salarié qu’il ne faisait plus partie de l’entreprise, mais juridiquement il est toujours lié à l’entreprise
même s'il ne se présente plus au travail. Parfois encore le dirigeant n’a pas pensé aux salariés qui ne sont
pas présents physiquement, mais qui font partie de l'effectif, soit qu’ils sont en congé parental ou en
disponibilité.
25
La situation est ici différente de celle prévue dans le cadre des plans de cession.
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26
C. trav., art. L. 1233-75. Sont visées les entreprises employant au moins 1 000 salariés ou qui
appartiennent à un groupe soumis à l'obligation de mettre en place un comité de groupe ou un comité de
groupe européen.
27
C. trav., art. L. 1235-10. Faute de pouvoir demander leur réintégration, les salariés ne percevront que
des dommages-intérêts pour défaut de cause réelle et sérieuse.
28
C. trav., art. L. 1235-7.
29
V. Leloup-Thomas et D. Jacotot, « Le droit social des entreprises en difficulté ? », Rev. proc. coll.
2014, n° 4, dossier 38.
30
C'est un vœu qui rejoint la demande des employeurs exprimée lors du Pacte de
responsabilité : « Assouplissons notre Code du travail dont la lourdeur et la complexité sont devenues
des obstacles à la mobilité sociale et à la croissance d'une société innovante, sécurisons enfin la vie des
entreprises, apportons des mesures de simplifications concrètes ».
Le droit des entreprises en difficulté après 30 ans : droit dérogatoire, précurseur ou révélateur ? | 261
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21. D’une part, la loi sociale a été adaptée aux impératifs de temps dictés par la
procédure collective. C’est ainsi que certains délais ont été raccourcis, d’autres
instaurés. De la sorte, la procédure d'information et de consultation des
institutions représentatives du personnel a été adaptée pour s'inscrire dans le
calendrier fixé par le tribunal de la procédure collective. Ainsi, l'avis du comité
d'entreprise et, le cas échéant, du CHSCT est rendu au plus tard le jour ouvré
avant l'audience qui statue sur le plan de redressement ou de cession incluant des
licenciements31. En liquidation judiciaire, la consultation doit être menée dans
les douze jours du jugement de liquidation32. De plus, en redressement ou
31
C. com., art. L. 631-19, III, et art. L. 642-5.
32
C. com., L. 641-4.
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EUGENIE FABRIES-LECEA
liquidation judiciaire, l’exigence de deux réunions des IRP passe à une seule33.
Au-delà, le délai dont dispose la DIRECCTE pour notifier à l’employeur sa
décision34 - soit quinze jours pour la validation de l’accord collectif et vingt et un
jours pour l’homologation de l’acte unilatéral de l’employeur- est ramené à huit
jours dans le cadre d’un plan de sauvegarde ou de redressement35, et à quatre
jours lors d’un plan de cession ou d’une liquidation judiciaire36. Il est regrettable
que les brefs délais retenus soient identiques qu’il s’agisse d’examiner un accord
collectif ou un document unilatéral, alors même que le contrôle est plus
substantiel dans ce dernier cas37. En outre, un délai de 1 mois pour licencier,
inexistant en droit commun, est instauré en procédure collective, lequel
correspond à celui de la garantie de l'AGS38. Enfin, une disposition spécifique a
été insérée permettant non seulement à l’employeur de modifier le contrat de
travail pour motif économique lorsque l’entreprise est en redressement ou
liquidation judiciaire, mais surtout de réduire le temps imparti laissé au salarié
pour se prononcer qui passe de 1 mois à 15 jours39.
22. D’autre part, la loi sociale a été adaptée aux finalités des procédures
collectives, et aux impératifs de sécurité qu’elles imposent. C’est ainsi
notamment que la rupture du contrat d’apprentissage a été modifiée.
Auparavant, celle-ci ne pouvait, une fois les 2 premiers mois écoulés, qu’être
judiciaire et pour certains motifs énumérés par la loi, ce qui en période de
liquidation judiciaire sans poursuite d'activité, contraignait le mandataire à
désobéir à la loi. Désormais, le législateur autorise une rupture anticipée du
contrat et le versement pour l’apprenti de dommages-intérêts d’un montant au
33
C. trav., art. L. 1233-58. Mais, si ce dernier entend être assisté par un expert, deux réunions devront
être organisées.
34
La décision de la DIRECCTE doit intervenir avant la notification des licenciements, sinon ces
derniers sont irréguliers, et non nuls ; le salarié a droit à une indemnité au moins égale aux six derniers
mois de salaires et ne peut demander sa réintégration.
35
C. com., art. L. 626-1 et art. L. 631-19. Contrairement au droit commun, ce délai ne commence à
courir qu’à compter de la réception de la demande qui est postérieure au jugement arrêtant le plan de
sauvegarde (L. 1233-58, III, du Code du travail et L. 631-19 du Code de commerce) ou de cession (C.
com., art. L. 642-5).
36
C. com., art. L. 642-5, et C. trav., art. L. 1233-58, II.
37
Egalement en ce sens, L. Driguez, « Licenciements économiques et procédures collectives : une
nouvelle articulation gage de sécurisation ? », op. cit.
38
C. trav., art. L. 3253-8. Le délai court à compter du jugement.
39
C. trav., art. L. 1233-60-1.
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LE DROIT DU TRAVAIL
moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat40.
C’est ainsi encore que la récente obligation d’information des IRP en procédures
préventives41 s’infléchit à l’aune de l’impératif de confidentialité qu’impose la
réussite de ces procédures. En effet, en procédure de conciliation, l’information
sur le contenu de l’accord ne s’impose qu’au moment où le débiteur demande
l’homologation de l’accord, soit lorsqu’il est en passe de sortir de la
confidentialité42. Et récemment, la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de
la justice du XXIe siècle, précise que le débiteur n’est pas tenu d’informer les
IRP de la désignation d’un mandataire ad hoc ou de l’ouverture de la procédure
de conciliation. Bien que soucieuses des finalités des procédures amiables, ces
restrictions n’en demeurent pas moins imparfaites. Ainsi, eu égard aux missions
du conciliateur, une information du comité d’entreprise sur sa désignation
devrait s’imposer43. Plus largement, en présence d’un accord simple ou constaté,
ou d’un mandat ad hoc, l’exigence d’information du comité d’entreprise issue
du Code du travail devrait pouvoir être assurée au moyen de l’obligation de
confidentialité imposée à toute personne appelée à la procédure de conciliation
ou à un mandat ad hoc44, et de l’obligation de discrétion qui s’impose à lui pour
toutes informations revêtant un caractère confidentiel, et présentées comme
telles par le chef d’entreprise45. Ainsi, seulement, pourrait être atteinte une
association permanente des salariés au sort de l’entreprise, et une protection
accrue de leurs droits.
23. Malgré les interventions législatives qui placent les mesures sociales sous le
temps de la procédure collective, et en adaptent les mesures, les contours d'un
véritable droit social de l’entreprise en difficulté sont encore mal dessinés. Au-
delà, leur insertion tantôt dans le Code de commerce, tantôt dans le Code du
travail, voire dans les deux corpus, nuit à leur accessibilité et intelligibilité.
Aussi, la question se pose de savoir si ces quelques mesures sociales, souvent
40
C. trav., art. L. 6222-18. Le domaine de cette disposition spéciale est néanmoins source
d'interrogations : pourquoi ne s'applique-t-elle qu'en liquidation judiciaire ? Pourquoi des « dommages-
intérêts » (qui traditionnellement réparent un manquement ayant causé des préjudices) alors que la
rupture est légalement autorisée ?
41
C. com., art. L. 611-8-1.
42
Cette mesure devrait permettre aux IRP de formuler toutes remarques sur le contenu de l’accord lors
de leur audition par le tribunal en vue de l’homologation.
43
E. Fabriès-Lecea, « Quels nouveaux droits pour les salariés ? », Droit et Patrimoine 2014.
44
C. com., art. L. 611-15.
45
C. trav., art. L. 2325-5.
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EUGENIE FABRIES-LECEA
24. Alors que certaines réformes ont ouvert la voie à l’élaboration d’un droit
social de l’entreprise en difficulté, d’autres l’ont refermée. Pourtant, un tel droit
pourrait prendre appui sur la position unanime de la Cour de cassation et du
Conseil constitutionnel, propices à son développement. Surtout, il serait
l’occasion de penser l’adoption de mesures sociales spécifiques à chaque stade
des difficultés de l’entreprise.
46
Cass. soc., 6 oct. 2011, n° 11-40.057 ; Cass. soc., 19 avr. 2013, n° 13-40.006.
47
Cons. const., 28 mars 2013, n° 2013-299 QPC, D. 2013, p. 925 ; Constitutions 2013, p. 238, obs.
C. Radé et P. Gervier.
Le droit des entreprises en difficulté après 30 ans : droit dérogatoire, précurseur ou révélateur ? | 265
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LE DROIT DU TRAVAIL
48
Il s’agit d’une procédure simplifiée qui repose sur l’autorisation du juge-commissaire.
49
L’entreprise en sauvegarde est celle qui « sans être en cessation des paiements, justifie de difficultés
qu’elle n’est pas en mesure de surmonter » (C. com., L. 620-1).
50
Le contrôle de l'inspecteur du travail demeure ici nécessaire pour éviter des "règlements de comptes"
au sein de l'entreprise, dès lors qu’une partie des salariés va être conservée et une partie va être licenciée.
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EUGENIE FABRIES-LECEA
prétendre doit demeurer à la hausse, ici sans doute plus qu’ailleurs, elles sont,
peut-être, annonciatrices d’une nouvelle ère sociale pour les entreprises
défaillantes économiquement. Il en va de la finalité même du droit du travail
appliqué à l’entreprise.
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CONTRIBUTIONS
ADDITIONNELLES
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L’essor de la prévention
Hélène POUJADE
Maître de conférences à l'Université Toulouse Capitole,
Centre de Droit des Affaires (CDA)
Le droit des entreprises en difficulté après 30 ans : droit dérogatoire, précurseur ou révélateur ? | 271
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L’ESSOR DE LA PRÉVENTION
Or, si l’émergence d’un concept en droit est dictée par un besoin, c’est à la
fonction de la prévention qu’il convient de s’intéresser.
5
J. PAILLUSSEAU, « Le droit est aussi une science d’organisation », RTD com. 1989, n° 1, p.5.
6
Ibid., « Du droit des faillites au droit des entreprises en difficulté (ou quelques réflexions sur la
renaissance (?)... d’un droit en dérive) », in Études offertes à R. HOUIN, D. Sirey, 1985, p.109.
7
Sur la mise en place de cellules de détection des difficultés des entreprises, voir : P.-M. LE CORRE,
Droit et pratique des procédures collectives, D. Action, 2017-2018, spéc. n° 120.09.
8
Ph. PETEL, Procédures collectives, Dalloz, 8ème éd., 2014, p.11 et s.
9
F. PEROCHON, Entreprises en difficulté, LGDJ, 10ème éd., n° 38, spéc. n° 41.
10
J. ERNST DEGENHARDT, « Le droit français est-il conforme à la proposition de directive
européenne du 22 nov. 2016 visant à harmoniser le droit des procédures collectives ? », BJE 1er mars
2017, n° 2, p.153, I. A. Sur les exemples étrangers, voir not. : le « company voluntary arrangement », le
« scheme of arrangement » au Royaume-Uni, le « concurso » en Espagne, l’« administrazione
controllata » en Italie.
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HELENE POUJADE
11
Sur les précédents, voir not. : J.-L. VALLENS, Lamy droit commercial, L’entreprise en difficulté, éd.
Lamy, 2017, spéc. n° 2722.
12
(art. 14) A. MARTIN-SERF, « L’évolution législative et les conflits », Gaz. pal. mai-juin 2008,
p.1696.
13
F. PEROCHON, op. cit. spéc. p.23 ; C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté,
LGDJ, coll. Domat, 10ème éd., spéc. n° 36, p.34.
Le droit des entreprises en difficulté après 30 ans : droit dérogatoire, précurseur ou révélateur ? | 273
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L’ESSOR DE LA PRÉVENTION
I. L’expansion de la prévention
Le bornage. Malgré des intitulés riches de sens, aucune des réformes qui se
sont succédées depuis la loi n°84-148 du 1er mars 1984 « relative à la prévention
et au règlement amiable des difficultés des entreprises »14 n’a pris soin de définir
la prévention. C’est donc admettre que, par elle-même, la prévention ne produit
aucun effet. Elle caractérise seulement certaines techniques pouvant être mises
en œuvre afin de prévenir, organiser, sécuriser la situation juridique des
entreprises en difficulté. Or, ces techniques n’ont cessé de se diversifier,
notamment depuis qu’elles accueillent la procédure de sauvegarde autour de
laquelle se cristallise la plupart des préoccupations, y compris européennes15.
Pour autant, les espoirs que porte la prévention en tant qu’« horizon à
atteindre »16 ne doivent pas conduire à son hypertrophie. De même que la nature
a horreur du vide, le juriste doit légitimement se méfier des trop-pleins. Dans ce
but, « il faut tâcher de lui poser d’avance des bornes extrêmes, qu’on ne lui
permettra jamais de franchir ; mais on doit se garder de trop gêner son essor
dans l’intérieur des limites permises »17. Car définir avec précision les critères de
son accessibilité, en plus de rassurer un chef d’entreprise peu enclin à solliciter
l’aide du tribunal, répond en outre au souci européen d’harmonisation des
procédures préventives18 afin de rendre les droits nationaux plus prévisibles pour
les créanciers et investisseurs.
14
Ordonnance n° 2014-1088 du 26 septembre 2014 ; Ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 ;
Décret n° 2005-747 du 1er juillet 2005 ; Circulaire du 26 novembre 2004 ; Loi n° 94-475 du 10 juin
1994 ; Loi n° 84-148 du 1 mars 1984.
15
Elle semble conforme aux mesures de « restructuration préventive » avancées dans la proposition de
directive (Prop. Dir. (UE), 22 nov. 2016, COM (2016) 723 final – art. 4 et s.), comme aux mesures de
« pré-insolvabilité » (Recommandation du 12 mars 2014 relative à une nouvelle approche en matière de
défaillances et d’insolvabilité des entreprises C (2014) 1500 final) et reprises par le Règlement UE
2015/848 du 20 mai 2015 relatif aux procédures d'insolvabilité.
16
M. MENJUCQ, « L’instrumentalisation de la procédure de sauvegarde est-elle frauduleuse », BJE
2016, n° 3, p.201, spéc. I.
17
A. de TOCQUEVILLE, De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, T. 4, spéc. p.173.
18
J. ERNST DEGENHARDT, « Le droit français est-il conforme à la proposition de directive
européenne du 22 novembre 2016 visant à harmoniser le droit des procédures collectives ? », BJE 1er
mars 2017, n° 2, p.153, spéc. I. A.
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19
M.-H. MONSÈRIÉ-BON, Entreprises en difficulté (Mandat ad hoc - Conciliation), Rep. soc., Dalloz,
spéc. n° 2.
20
C. SAINT-ALARY-HOUIN, op. cit. spéc. n° 129.
21
M.-H. MONSÈRIÉ-BON, op. cit., spéc. n° 2.
22
Sur la prévention par l’information comptable, voir : P.-M. LE CORRE, Droit et pratique des
procédures collectives, D. Action, 2017-2018, spéc. n° 121.00 et s. Sur le développement d’une
« information économique », voir : C. SAINT-ALARY-HOUIN, op. cit., spéc. n° 131.
23
J.-L. VALLENS, Lamy droit commercial, L’entreprise en difficulté, éd. Lamy, 2017, spéc. n° 2739.
24
Prop. Dir. (UE), 22 nov. 2016, COM (2016), 723, art. 3 : 1.
25
Sur « l’alerte » confiée au groupement de prévention agréé et les « indices de difficultés » (C.com.,
art. L. 611-1 voir : F. PEROCHON, Entreprises en difficulté, LGDJ, 10e éd., spéc. n° 67.
26
C.com., art. L. 234-1, al. 2 et 4 (Mod. par Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 - art. 99 (V)).
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L’ESSOR DE LA PRÉVENTION
27
C.com, art. L. 611-2, II.
28
Dès lors qu’elle est justifiée par le constat, de nature purement objective, de l’absence de dépôt des
comptes par la société : CE, 6e et 1re ch., 22 févr. 2017, n° 396364 : Gaz. pal. 2017, n° 11, p.41, obs. Ph.
GRAVELEAU (Cons. const. 1er juill. 2016, n° 2016-548 QPC).
29
C.com, art. L. 611-2-1.
30
Cons. const. 7 déc. 2012, n° 2012-286 QPC, Sté Pyrénées services et a. (JO 8 déc. 2012, p.19279).
31
Ibid. L. ROBERT, « Incidence de la disparition de la saisine d’office sur l’implication du ministère
public dans la prévention des entreprises en difficulté », Gaz. pal. 27 déc. 2012, n° 362, p.14.
32
Sur ce point, voir : F. MACORIG-VENIER, « La réforme de la prévention par l'ordonnance n° 2014-
326 du 12 mars 2014 », RTD com. 2014, p. 395, spéc. I.A.
33
Prop. Dir. (EU), 22 nov. 2016, COM (2016) 723, (16).
34
C. SAINT-ALARY-HOUIN, op. cit., spéc. n° 254.
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hâtivement les solutions de droit commun. Pour faire face aux difficultés, le
débiteur peut ainsi décider de négocier un accord avec l’ensemble de ses
créanciers, sinon avec certains d’entre eux, en vertu duquel ceux-ci consentiront
des délais de paiement ou l’abandon de toute ou partie de leurs créances. Cette
solution, déconnectée de toute intervention judiciaire souffre cependant de
nombreuses imperfections et prête le flanc aux agissements frauduleux35. Au-
delà, la situation des créanciers, déjà peu enviable au plan économique et
financier, se révèle en outre juridiquement risquée en cas d’ouverture ultérieure
d’une procédure collective : soutien abusif, action en responsabilité, annulation
des garanties prises en période suspecte sont autant de risques à considérer36.
Aussi, est-il apparu nécessaire de placer le déroulement de cette
négociation sous la surveillance discrète de la justice, alors appelée à intervenir
en tant que tiers impartial. Tel était l’enjeu poursuivi par la loi du 1er mars 1984
qui, ayant déplacé le lieu de la prévention devant les juridictions consulaires, a
consacré le « règlement amiable » des difficultés37, lequel a par ailleurs permis
de coordonner l’effort des créanciers avec l’aide apportée par les différents
organismes institutionnels38. Sur ce modèle ont été bâtis, d’une part, le règlement
amiable agricole, institué par la loi du 30 décembre 198839 et dont l’originalité
persiste malgré les efforts du droit contemporain pour en gommer les
spécificités40 et, d’autre part, celui introduit par la loi du 31 décembre 1989 dans
le cadre du surendettement des particuliers. Ce n’est en effet que dans un second
temps que la loi de 199441, mais surtout celle de 2005 ont assis, en se contentant
de l’évoquer, le mandat ad hoc42.
35
B. SOINNE, Traité des procédures collectives, Litec, 2e éd., spéc. p.85, spéc. 97-102.
36
Ph. PETEL, Procédures collectives, Dalloz, 8ème éd., p.15, spéc. n° 32.
37
Y. CHAPUT, « Le règlement amiable. À propos de la loi n° 84-148 du 1er mars 1984 et du décret n°
85-295 du 1er mars 1985 », JCP E 1985. II. 14455.
38
Sur le traitement administratif des difficultés, voir : C. SAINT-ALARY-HOUIN, op. cit., n° 255 et s.
39
Art. 22 à 28. Comp. : D. n° 89-339 du 29 mai 1989.
40
Voir infra II. B.
41
Loi n° 94-475 du 10 juin 1994 - art. 4.
42
C.com., art. L. 611-3 (créé par Loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 – art. 5).
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L’ESSOR DE LA PRÉVENTION
43
Loi n° 84-148 du 1er mars 1984 (art. 34).
44
Loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 (art. 1er, al. 2 : Mod. Loi n° 94-475 du 10 juin 1994 – art. 11).
45
Y. CHAPUT, « Une nouvelle architecture du droit français des procédures collectives », JCP 2005.
I. 184.
46
G. TEBOUL, « La cessation des paiements, convergence des intérêts contraires ?», Gaz. pal. mai-juin
2008, p. 1703 et s.
47
Sur la question, voir not. : F. MACORIG-VENIER, « Du règlement amiable à la conciliation », rev.
proc. coll. 2005, p.352 ; C. SAINT-ALARY-HOUIN, « La conciliation », in Droit des procédures
collectives, les dernières réformes, Rev. proc. coll. 2006, p.169.
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dernier pour se mettre à l’abri des sanctions en déposant son bilan48, cette
acclimatation de la prévention amiable à la cessation des paiements vise
seulement à le rassurer tout en offrant aux praticiens une certaine souplesse.
48
C.com., art. L. 631-4 (en redressement) ; L. 640-4 (en liquidation).
49
G. TEBOUL, op. cit.., spéc. pp.1703-1704 ; « Un critère malmené mais vivace », Rev. proc. coll.
2015/1, p.13.
50
B. GRELON, « Prévention et cessation des paiements », in Mélanges D. Tricot, D 2011, p.422.
51
C.com., art. L. 631-1. Comp. Cass. com., 17 juin 1997, Bull. civ. IV, n° 193 : D. Aff. 1997, p.903.
52
Doit ainsi être écartée du « passif exigible » toute dette contestée puisqu’au-delà de son caractère
échu, encore faut-il que la créance soit certaine. De même, la « disponibilité » de l’actif doit être
appréciée avec souplesse dès lors que les circonstances conduisent à y inclure les sommes dont on est
certain d’un « encaissement à très court terme » (Com., 29 nov. 2016, n° 15-19474, Sté Léo Niel : Gaz.
pal. 2017, n° 13, p.57, obs. F. REILLE).
53
Ph. ROUSSEL-GALLE, « Prévention, dynamique de l’anticipation : le mandat ad hoc et la
conciliation après le décret du 28 décembre 2005 », LPA 12 juill. 2006, n° 138, p.10 et s.
54
F. PEROCHON, Entreprises en difficulté, LGDJ, 10e éd., p.31, spéc. n° 25.
55
Ph. PETEL, Procédures collectives, Dalloz, 8ème éd., p.11, spéc. n° 23.
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Ce même espoir anime ses deux variantes que sont, d’une part, la
sauvegarde accélérée et, d’autre part, la sauvegarde financière accélérée59. Avec
elles, le législateur tire les enseignements des arbitrages précédents. De la
conciliation, sur laquelle l’une et l’autre de ces procédures reposent, il affirme
leur compatibilité avec l’état de cessation des paiements, pourvu qu’il soit
récent. De la sauvegarde, dont elles sont issues, il confirme que la prévention
peut aussi être de nature judiciaire.
C’est dire si la prévention s’est renouvelée ! Alors qu’un à un, ses attributs
classiques cédaient, celui tenant à son initiative devenait déterminant.
Nonobstant sa nature amiable ou judiciaire, la prévention reste animée par une
philosophie volontariste qui transcende chacun des outils façonnés par un
législateur soucieux de l’encourager. Mandat ad hoc, conciliation, sauvegarde de
droit commun, comme ses variantes, reposent tous sur l’hypothèse d’un débiteur
in bonis, resté « maître de ses biens »60. C’est d’ailleurs ce critère qui permet de
tenir à l’écart l’hypothèse visée à l’article L. 622-10 §3 du Code de commerce
d’un redressement judiciaire ouvert en l’absence de cessation des paiements...
De surcroît, cet exemple démontre encore l’imperfection du critère de la
cessation des paiements à définir la prévention puisqu’ici, bien qu’absente, il ne
saurait pour autant en être question !
56
C. SAINT-ALARY-HOUIN, « Entreprises en difficulté : un droit enfin arrivé à maturité », Dr. et
patrimoine 1er mars 2009, n° 179, spéc. I.
57
C.com., art. L. 620-1 (Mod. Ord n° 2008-1345 du 18 déc. 2008).
58
Voir not. : Com., 26 juin 2007, n° 06-17.821, Photo service (sur la date d’appréciation des
difficultés) ; Com., 26 juin 2007, n° 06-20.820, Schlumberger : (sur les modalités d’appréciation des
difficultés au sein d’un groupe) ; Com., 8 mars 2011, Cœur Défense, n°s10-13.988 / 10-13.989 / 10-
13.990, (sur l’appréciation stricte des conditions légales). Comp. : CA Lyon, 3e ch. civ., 31 mai 2006 :
RG n° 06/02245. Ph. DELEBECQUE, « Le risque de détournement de la procédure de sauvegarde »,
BJE 2016, n° 3, p.209 et s.
59
C.com., art. L. 628-1, in fine (sauvegarde accélérée) ; L. 628-9 (sauvegarde financière accélérée).
60
F. PEROCHON, Entreprises en difficulté, op.cit., spéc. n° 268.
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A. L’antichambre de la prévention
61
M. MENJUCQ, op. cit., p. 201 et s.
62
C.com., art. L. 611-16 (Créé par Ord. n° 2014-326 du 12 mars 2014 - art. 14).
63
Même si la négligence n’est plus suffisante pour engager sa responsabilité : C.com., art. L. 651-2
(Mod. Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 - art. 146).
64
Ph. PETEL, « Les dispositions relatives aux entreprises en difficulté de la loi de modernisation de la
justice du XXIe siècle », JCP E 19 janv. 2017, n° 3, act. 46 - C. com., art. L. 626-30-2 mod.
65
C.com., art. L. 611-7, alinéa 5 (Mod. par Ord. n° 2014-326 du 12 mars 2014 - art. 14).
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Ainsi, s’il est acquis de longue date que les procédures collectives peuvent être
l’objet d’un « chantage »66 à même de vaincre les résistances exprimées dans le
cadre amiable, lorsqu’est notamment brandie la menace de la sauvegarde, il
convient de rendre compte du phénomène inverse.
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72
C. com., art. L. 642-2, I, mod. L. n° 2016-1547, art. 99, VI, 2°.
73
Voir supra : I.B.
74
Civ. 6 mars 1876 : DP 1876, I, 193, note GIBOULOT.
75
A. DIESBECQ et Ph. ROUSSEL GALLE, « La prévision et le droit des entreprises en difficulté »,
Gaz. pal. 30 déc. 2010, n° 364, p.8 et s.
76
C.civ., art. 1195 (Créé par Ord. n° 2016-131 du 10 février 2016 - art. 2).
77
Ph. DELEBECQUE, op. cit., loc. cit.
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L’ESSOR DE LA PRÉVENTION
78
Ibidem.
79
C.com., art. L. 620-1.
80
Com., 4 mai 2017, n° 15-25046 : D. Actualités, 9 mai 2017, obs. A. LIENHARD ; BJE 2017, n° 4, p.
258, obs. H. POUJADE.
81
C.com., art. L. 622-1 et s.
82
C.rur., art. L. 351-4 et 6 (Mod. par Loi n° 2016-1547 - art. 99 (V)).
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Certes, l’agriculteur peut parfois devenir une notion à géométrie variable83. Pour
autant, en l’état actuel du droit de la prévention des difficultés, la clé de
répartition émerge au croisement des articles L. 351-1 du Code rural et L. 611-5
du Code de commerce.
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L’ESSOR DE LA PRÉVENTION
entre les procédures préventives, selon leur nature amiable ou judiciaire, doit
être respecté89. En plus d’en finir avec cette confusion des genres, ce texte
consacre le caractère subsidiaire de la procédure judiciaire préventive, car ce
n’est qu’ « ensuite » que le tribunal statuera sur la demande de
sauvegarde90. Une nouvelle fois, la conciliation en sort renforcée !
89
En ce sens : F. MACORIG-VENIER, « Loi de modernisation de la justice du XXIe siècle : incidence
sur le dispositif de prévention des difficultés des entreprises », RTD com. 2017. 175, spéc. I. B.
90
Ibid.
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L’intérêt collectif des créanciers
Mathilde DOLS-MAGNEVILLE
Maître de conférences à l’Université de Montpellier,
Labex Entreprendre, Chaire d'excellence Prévention et
traitement des difficultés des entreprises
« Il n’y avait plus de destins individuels, mais une histoire collective »1.
1
Albert Camus, La peste, 1947.
2
Voir respectivement sous chacun des mots « intérêt » et « collectif », Dictionnaire Le robert, 2014
3
Hassler (T.), L’intérêt commun, RTDCom. 1984, p. 581, p. 594.
4
C.civ Art. 1832 ; Le Cannu (P.), Donderro (B.), Droit des sociétés, Domat, LGDJ, 6° éd. 2015, n°
279 ; Cozian (M.), Viandier, Deboissy (F.), Droit des sociétés, Litec, 2016, n° 490.
5
C.civ Art. 815-6 ; Leroy (M.), Intérêt commun de l’indivision, in Lamy Droit des régimes
matrimoniaux, successions et libéralités, 2016, n° 246-21.
6
C.Cons. Art. L.621-1 et L.621-9.
7
C.Trav. Art L. 2132-3 Cass. Ch. Réunies, 5 avril 1913, Syndicat national de défense de la viticulture
française c. Perreau.
8
C.com Art. L. 622-20.
9
Cass. Com. 7 janv. 1976, n° 72-14029, Bull. Civ. IV, n° 6.
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L’INTÉRÊT COLLECTIF DES CRÉANCIERS
position11, elle a offert à l’intérêt collectif des créanciers une certaine autonomie,
l’abandon de la masse et sa personnalité juridique apparaissant comme
indifférente à l’existence et la défense de cet intérêt12. Enfin, la loi de
Sauvegarde des entreprises du 26 juillet 200513 a consacré cette notion14.
3. Depuis les années 1970, la jurisprudence n’a cessé de bâtir cette notion
centrale du droit des entreprises en difficultés15. Parfois décrite comme une
notion atomisée ou moribonde16, elle demeure au cœur d’un contentieux
dynamique et foisonnant. En outre, la loi continue d’en confier la défense à une
personne déterminée.
L’intérêt collectif des créanciers est profondément lié au principe d’égalité des
créanciers. Au fil des réformes, ce dernier a évolué. Il ne réside plus aujourd’hui
en une égalité mathématique17 mais en une discipline collective18, imposant aux
créanciers l’interdiction des poursuites et des paiements ainsi que l’arrêt du
cours des intérêts19. Bien que cette discipline collective cède de plus en plus de
terrain20, elle perdure. Ainsi, face à ce traitement collectif des créanciers, il
apparaît nécessaire de préserver leur intérêt collectif.
10
Cass. Com. 31 mars 1978, n° 78-15067, Bull Civ. IV, n° 100.
11
Cass. Com, 16 nov. 1993 n° 90-20188, Bull Civ. IV, n° 106 décision rendue sous l’empire de la loi de
1985. L’article 46 ne qualifiait pas de collectif l’intérêt des créanciers.
12
Crit. Martin-Serf (A.), L’intérêt collectif des créanciers ou l’impossible adieu à la masse, Mélanges
Honorat, éd. Frison Roche, 2000, p. 143 ; Cabrillac (M.), L’impertinente réapparition d’un condamné à
mort ou la métempsychose de la masse des créanciers, Propos impertinents de droit des affaires,
Mélanges en l’honneur de Christian Gavalda, Dalloz 2001, p. 69.
13
Loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises – Ccom. Art.L.622-20.
14
Pour une présentation de l’évolution de la notion et de la représentation voir : Martin-Serf (A.),
L’intérêt collectif des créanciers ou l’impossible adieu à la masse, Mélanges Honorat, éd. Frison Roche,
2000, p. 143, spéc. p. 145 ; Texier, Rapp sous Cass. Avis, 3 juin 2013, n° 13-70003, RPC 2013-4 étude
18.
15
Le Corre (P.-M.), La notion d’action tendant à la défense de l’intérêt collectif des créanciers, BJE
2015, n° 5, p. 269.
16
Poujade (H.), op.cit, n° 123 ; Frison-Roche (M.-A.), Le caractère collectif des procédures collectives,
RJCom. 1996, p. 298 n° 31 et s.
17
Poujade (H.), Le plan de restructuration en droit des entreprises en difficultés, Th. Toulouse 2014, n°
123.
18
Leguevaques (C.), L’égalité des créanciers dans les procédures collectives, flux et reflux, Gaz. Pal.
2002, n° 218, p. 2.
19
Delmotte (P.), L’égalité des créanciers dans les procédures collectives, Rap. annuel de la Cour de
cassation Etudes, 2003, p. 106 ; Pérochon (F.), Entreprises en difficulté, 10e éd. 2015, n° 512.
20
Elle s'efface notamment lorsque l'insaisissabilité de l'immeuble est inopposable au créancier. La Cour
de cassation a accordé à ce créancier la faculté de poursuivre l'exécution forcée de sa créance sur le bien
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4. Et, alors que la loi de 1985 a fêté ses trente ans, il semble pertinent de
dresser un bilan des évolutions de cette notion.
La notion d’intérêt collectif des créanciers nécessite donc d’être explicitée (I) et
la défense de cet intérêt, précisée (II).
mais aussi d’agir contre le débiteur en vue de l'obtention d'un titre exécutoire dont il ne disposait pas
avant l'ouverture de la procédure (Cass. Com. 13 sept. 2017, n° 16-10.206).
21
Calais-Auloy (J.), Temple (H.), Droit de la consommation, Dalloz, Précis, 9° éd. 2015, n° 556.
22
Au sujet de l’action collective du syndicat professionnel voir not :Cass. Ch. Réunies, 5 avril 1913, D.
P. 1914, 1. 65, Rec. Sirey, 1920. 1. 49, note Mestre ; Dupeyron (H.), L’action collective, D. 1952. 2.
Chron.p.153, spéc. p.155 ; sur l’action collective des consommateurs, voir not : Cass. Crim., 20 mai
1985, Bull. Crim. p. 485 ; Franck (J.), Pour une véritable réparation du préjudice causé à l’intérêt
collectif des consommateurs, Etudes Calay-Auloy, Dalloz, 2003 ; Bore (L.), La défense des intérêts
collectifs des associations, Th. LGDJ, 1997.
23
Cabrillac (M.), op.cit,. n° 9, Sénéchal (M.), L’effet réel de la procédure collective, Th., Litec, 2002,
spéc. n° 67.
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6. L’étude des divers intérêts collectifs précités montre que l’intérêt collectif
est rarement l’intérêt commun, à savoir la somme de leurs intérêts individuels24
voire « qu’il gomme les conflits d’intérêts »25. Par exemple, l’article 815-6 du
code civil permet au tribunal d’autoriser l’un des indivisaires à agir seul et à
outrepasser le refus de l’un de ses coindivisaires, au nom de l’intérêt commun de
l’indivision26. De même, lorsqu’une décision sociale est adoptée par les associés
à la majorité, cela montre leur divergence d’intérêts tout en les atténuant. La
sanction de l’abus de majorité ou de minorité permet de rejeter une décision qui
nuit à l’intérêt collectif, à l’intérêt social27. L’association de consommateurs,
quant à elle, peut agir pour la défense des intérêts individuels des
consommateurs sous la forme de l’action de groupe, ou agir pour la défense de
l’intérêt commun des consommateurs, la satisfaction individuelle des
consommateurs étant alors indifférente28.
L’intérêt collectif peut même aller à l’encontre de l’intérêt de chacun des
membres du groupe. Ainsi, à l’occasion d’une affaire portant sur le travail
dominical, malgré l’accord de l’ensemble des salariés, la Cour de cassation a
admis que le syndicat professionnel puisse se prévaloir d’un préjudice porté à
l’intérêt collectif de la profession29.
24
Sur la définition de l’intérêt commun, voir Hassler (T.), op.cit. p. 637.
25
Cabrillac (M)., op.cit. , spéc. n° 9.
26
Cass. Civ. 1er, 6 novembre 1990, n° 89-13.220 en cas de refus de vente d’un bien indivis ; Cass. Civ.
er
1 , 21 mars 2000, n° 99-14.069 au sujet de la résiliation d’un bail pour défaut de paiement des loyers.
27
Le Cannu (P.), Donderro (B.), Droit des sociétés, Domat, LGDJ, 6° éd. 2015, n° 279 ; Cozian (M.),
Viandier, Deboissy (F.), Droit des sociétés, Litec, 2016, n° 490.
28
C.cons. Art. L. 423-1 ; Douchez (G.), Lagarde (X.), procédure civile, Dalloz, 17° éd. 2013.
29
Cass. Soc., 22 janv. 2014, n° 12-27.478, Bull. n° 237.
30
Not. Derrida (F.), Godé (P.), Sortais (J.-P.), Redressement et liquidation judiciaires des entreprises, D.
n° spéc. hors série, 1986, p. 119 ; Soinne (B.), Traité des procédures collectives, Litec 2° ed. n° 1008 ;
Pérochon (F.), L’intérêt collectif n’est pas l’intérêt de tous les créanciers sans exception, BJE 2016, n° 3,
p. 218, n° 1.
31
Théron (J.), L’intérêt collectif des créanciers enfin défini !, Gaz. Pal. - 22/09/2015 – n° 265 – p. 19.
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32
Com. 31 mars 1978, n° 75-16.067, Bull. Civ. IV, n° 100 ; Cass. Com. 14 déc. 1999, n° 97-14500,
Bull. Civ IV, n° 230 ; Cass. Com. 13 mars 2012, n° 11-15438, Bull. Civ. IV.
33
Cass. Com. 7 janv. 1976, n° 72-14029, Bull. Civ IV, n° 6 ; Cass. Ass Plen. 9 juil. 1993, n° 89-19211.
34
Com. 31 mars 1978, n° 75-16.067, Bull. Civ. IV, n° 100.
35
Cass. Com. 2 juin 2015, n° 13-24714. Cass. Com. 28 juin 2016, n° 14-20118 au sujet du préjudice
collectif, Cass. Com. 15 nov. 2016 au sujet de l’action en inopposabilité d’une déclaration notariée
d’insaisissabilité ;
36
Cabrillac (M.), op.cit, n° 9.
37
Le Roy (M.), Intérêt commun de l’indivision, in Lamy droit des régimes matrimoniaux, successions
et libéralités, 2016, n° 246-21.
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38
Contra voir note 22.
39
Le Corre (P.-M.), L’intérêt collectif est-il l’intérêt de tous les créanciers ?, BJE 2016, n° 3, p. 214 ;
Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz Action, 8 éd. 2015/2016, n° 611.36.
40
Sénéchal (M.), L'effet réel de la procédure collective : Litec, 2002, n° 67.
41
Pérochon (F.), L'intérêt collectif n'est pas l'intérêt de tous les créanciers sans exception, BJE 2016, n°
3, p. 218 ; Borga (N.), obs sous Cass. com., 15 nov. 2016, n° 14-26287, BJE mars 2017 p. 107.
42
Cass. Com. 7 janv. 1976, n° 72-14029, Bull. Civ. IV, n° 6.
43
Cass. Com. 23 juin 2015, n° 14-4001, Cass. Com. 31 mars 1978, n° 76-15067, Bull. Civ. IV, n° 100,
Com. 2 juin 1997, n° 95-18844, Bull. Civ. IV, n° 163; Cass. Ass Plén, n° 89-19211; Saint Alary-Houin
(C.), Droit des entreprises en difficultés, 10° éd. 2016, Domat, n° 860.
44
Cass. Ass. Plén, 9 juil. 1993, n° 89-19211, Bull. A. P. n° 13.
45
par exemple : Cass. Com. 14 déc. 1999, n° 97-14500, Bull. Civ. IV, n° 230 ; Cass. Com. 29 sept.
2015, n° 13-27.87.
46
Cass. Com., 18 janvier 2017, n° 15-13392, 15-14661, inédit.
47
Cass. Ass. Plén 9 juillet 1993, n° 89-19211.
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domaine des préjudices individuels distincts48. Les salariés souffrant d’une perte
de chance de ne pas avoir pu faire valoir leur droit à la formation ou d’avoir
perdu leur emploi49 ou le dirigeant subissant la perte d’une rémunération future50
souffrent de préjudices individuels distincts.
Cependant, ce nouveau critère de distinction ne semble pas avoir suffi à trancher
toutes les situations. Par exemple, la nature du préjudice que subit un associé du
fait de la perte de ses futurs dividendes reste en suspens. Constitue-t-il un
préjudice individuel distinct ou une fraction du préjudice collectif ?51. La
distinction entre l’intérêt collectif des créanciers et l'intérêt individuel distinct
montre ici ses limites52.
12. Définir l’intérêt collectif comme le gage commun des créanciers, c’est en
adopter une conception unitaire large qui montre que l’intérêt collectif ne
s’exprime pas seulement dans les actions en paiement. Il irradie toute la
procédure collective et il constitue le guide de l’ensemble des actions effectuées
par les organes chargés de sa défense53.
48
Jacotot (D.) note sous Cass. Com. 2 juin 2015, RPC 2016, n° 2, comm. 73, pour une critique du
domaine large du préjudice collectif. Pérochon (F.) Entreprises en difficulté, 10e éd. 2015, n° 515.
49
Cass. Com., 2 juin 2015, n° 13-24714.
50
Ex : Cass. Com. 29 sept. 2015, n° 13-27.87.
51
Théron (J.), note sous Cass. Com. 29 sept 2015, n° 13-27.87, Gaz. Pal. 22 dec. 2015, n° 356, p. 17 ;
Pagnucco (J.-C.), Les doutes sur le préjudice personnel du dirigeant-associé d’une société en liquidation
judiciaire victime d’actes de concurrence déloyale, Act. Proc. Coll. 2015, n° 287.
52
Perruchot-Triboulet (V.), obs. sous Cass. Com. 21 juin 2016, n° 15-10028, BJE 2016, n° 6, p. 421 ;
Parachkevova (I.), note sous Cass. Com. 29 sept 2015, n° 13-27.87, BJE 2015, n° 12, p. 661. Cet auteur
propose l’abandon de la distinction.
53
Bonhomme (R.) conl. Sur Cass. Avis. 3 juin 2013, n° 13-70002, RPC 2013-4 étude 18 , n° 55 ;
Honnorat (A.),obs. sous Cass. Com. 16 mars 1999, D. 1999, p. 349.
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Sous l’empire de la loi de 1967, cette défense était assurée par le syndic,
représentant de la masse des créanciers. Toutefois, la loi et la jurisprudence
admettaient l’exercice, par les créanciers, de l’action ut singuli. La loi de 1985
en supprimant la masse des créanciers et sa personnalité juridique a procédé à un
grand bouleversement. Si la loi a maintenu le monopole du « représentant des
créanciers » dans la défense de l’intérêt des créanciers, la jurisprudence a refusé
aux créanciers d’agir ut singuli54.
Lors de l’adoption de la loi de sauvegarde, le législateur a fait œuvre de
compromis55. Tout en maintenant le monopole du mandataire judiciaire dans la
défense de l’intérêt collectif (A), il a ouvert une action ut singuli subsidiaire aux
créanciers contrôleurs (B).
54
Cass. Ass. Plén, 9 juil. 1993, n° 89-19211, Bull. A. P. n° 13.
55
Lienhard (A.), Code des entreprises en difficultés, 2017, sous article L. 622-20 C.com.
56
« L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention,
sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie
pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. ».
57
C.com. art. 631-14.
58
C.com. art. 641-4.
59
Cass. Ass. Plén, 9 juil. 1993, n° 89-19211, Bull. A. P. n° 13.
60
Cass. Com. 5 janv. 1999, n° 96-20591, Bull. Civ. IV, n° 3.
61
Cass. Com. 16 mars 1993, n° 90-20188.
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62
Delmotte (P.), op. cit, p.106.
63
Com. 7 janvier 2003, n° 99-10781, Bull. Civ. IV n° 1.
64
Cass. com., 4 nov. 2004, n° 02-13685 – Cass. com., 13 déc. 2005, n° 04-18567.
65
Cass. Com. 28 juin 2011, n° 10-15482, Bull. Civ Iv, n° 109 ; Cass. Com. 22 mars 2016, n° 14-21267.
66
Bonhomme (R.) conl. Sur Cass. Avis. 3 juin 2013, n° 13-70002, RPC 2013-4 étude 18 , n° 55 ;
Honnorat (A.),obs. sous Cass. Com. 16 mars 1999, D. 1999, p. 349.
67
C.Com. Art. L. 651-3, L. 653-7, L. 654-17.
68
Par exemple une action en responsabilité pour rupture abusive de concours financier Cass. com., 18
janv. 2017, n° 15-13392.
69
C.com. art. L. 622-20.
70
Bonhomme (R.) conl. Sur Cass. Avis. 3 juin 2013, n° 13-70002, RPC 2013-4 étude 18 , n° 43 et s. ;
Pérochon (F.), Entreprises en difficulté, 10e éd. 2015, n° 329.
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L’INTÉRÊT COLLECTIF DES CRÉANCIERS
71
Cass. Com. 15 nov. 2016, n° 14-24287, Bull. Civ. IV, n° 53.
72
Cass. Com. 3 avril 2001, Bull. Civ., n° 71.
73
Cass. Civ. 1, 29 mai 2013, n° 12-16541; Martin-Serf (A), op. cit. p. 148.
74
Décision de refus : Cass. Com.23 avril 2013, n° 12-16035, Bull. Civ. IV, n° 68.
75
Bonhomme (R.) op.cit. , n° 39.
76
Cass. Crim. 30 mai 1994, n° 93-83933.
77
Si le mandataire judiciaire est maintenu dans ses fonctions, sa mission se cantonne aux opérations de
vérification du passif et d’établissement de l’actif, si bien qu’il ne dispose plus du monopole à agir dans
l’intérêt collectif des créanciers.
78
Houin-Bressand (C.), Saint Alary-Houin (C.), J-Cl. Fasc. 2238, Sauvegarde et redressement judiciaire
– Organes- Commissaire à l’exécution du plan , n° 37.
79
C.com. art. 626-27 et L. 626-25.
80
C.com. art. 626-25 ; Houin-Bressand (C.), Saint Alary-Houin (C.), op. cit, n° 37.
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81
Cass. com., 20 mai 1997, n° 93-20.861 et 93-20.862.
82
Cass. crim., 28 mai 2008, n° 07-87.350 ; Houin-Bressand (C.), Saint Alary-Houin (C.), op.cit, n° 39.
83
Cette faculté lui a été déniée par la jurisprudence : Cass. Com. 12 oct. 2004, n° 02-16762, Bull. Civ
IV, n° 184 ; RTDCom. 2005, p. 592, note Saint Alary-Houin (C.).
84
Par exemple, Cass. Com. 4 juin 2013, n° 12-16366.
85
Lucas (F.-X.), obs sous Cass. Com. 4 juin 2013, D. 2013, p. 2263. ; l'Auteur propose de retenir que le
commissaire à l’exécution du plan dispose de la qualité à agir en matière délictuelle mais pas en matière
contractuelle ; celle-ci étant réservée au débiteur. Poujade (H.), op.cit, n° 145-146.
86
Poujade (H.), op.cit. , n° 145-146.
87
Ccom. Art. L. 626-27 I.
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pour avantage d’éviter une dilution des recours et peut apparaître en ce sens
comme une mesure de bonne administration de la justice88.
B. Le monopole partagé
La loi de sauvegarde a fait œuvre de synthèse entre les lois de 1967 et 1985 en
maintenant le monopole de l’action au bénéfice du mandataire judiciaire et en
réintroduisant une action ut singuli subsidiaire89 réservée aux créanciers
contrôleurs90.
88
Vinckel (F.), l’exécution forcée du plan de sauvegarde, RPC 2009-3, p. 26, n° 3 ; Pérochon (F.),
Entreprises en difficulté, 10e éd. 2015, n° 1034.
89
Staes (O.), Aspects procéduraux de la réforme, Dr et Patr. Mars 2006-60,spéc. 70 ; Vallens (J-L.),
Voies de recours et procédure de sauvegarde, RTDCom. 2006, p. 219.
90
Sous l’empire de la loi de 1967, le créancier pouvait exercer l’action ut singuli et obtenir réparation du
préjudice qu’il subissait.
91
Jazottes (G.), Les innovations de la procédure de sauvegarde et de redressement judiciaire, RPC. Déc.
2005, n° 4, p. 358.
92
De Roux (X.), Rapp. N° 1035, au nom de la commission des lois du Sénat, p. 200 ; Montebourg (A),
2° séance, AN, 3 mars 2005, JO Débats, p. 1652.
93
Pour not : Roussel-Galle (P.), Les contrôleurs, gardiens de l’intérê collectif, Gaz.Pal. 10 sept. 2005,
n° 253, n° 5 et 26 ; Jeantin (M.), Le Cannu (P.), Droit commercial, Dalloz, Précis, 7° éd. 2006, n° 456 ;
Bonhomme (R.)conl. Sur Cass. Avis. 3 juin 2013, n° 13-70002, RPC 2013-4 étude 18 ; Contra : Lucas
(F.-X.) obs. sous Cass. Avis. 3 juin 2013, n° 13-70002, D. 2013, p. 2366.
94
Maréchal (C.), L'intérêt collectif des créanciers, RPC n° 3, Mai 2014, étude 10, n° 11, 12.
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MATHILDE DOLS-MAGNEVILLE
19. Les actions des contrôleurs sont soumises à la caractérisation d’une carence
du mandataire ou du liquidateur. Ainsi, en échos aux propositions doctrinales99,
l’article R. 622-18 du code de commerce prévoit que le contrôleur n’a qualité à
agir qu’après avoir mis en demeure le mandataire judiciaire d’agir, restée
infructueuse pendant au moins deux mois. A cause semble-t-il d’un oubli,
aucune disposition applicable à la liquidation judiciaire ne revoie à ce texte. Or,
afin que le régime de l’action subsidiaire des contrôleurs soit uniforme, il
convient de considérer ce texte applicable en liquidation judiciaire100 comme en
redressement ou en sauvegarde.
95
Le Corre (P.-M.), Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz Action, 8 éd. 2015/2016, n°
611.31, Pérochon (F.), Entreprises en difficulté, 10e éd. 2015, n° 511.
96
Cass. Avis. 3 juin 2013, n° 13-70002, rapp Teixier, concl. Bonhomme (R.), RPC 2013-4 étude 18.
97
Le Corre (P.-M.), op. cit. , n° 611.31.
98
Pérochon (F.), op. cit. , n° 1034.
99
Montéran (T.), Observations sur l'avant-projet de loi de sauvegarde des entreprises, Gaz. Pal. 10-11
déc. 2003, p. 2 préconisait une mise en demeure demeurée infructueuse pendant quatre mois.
100
Lienhard (A.), op. cit.
101
Dans ce sens voir Dammann (R)., Réforme de la loi de sauvegarde : vers un renforcement du rôle
des contrôleurs ?, BJE mars 2014, p. 75, Reille (F.), JCL procédures collectives, fasc. 2236, n° 36.
102
Le Corre (P.-M.) Droit et pratique des Procédures collectives, Dalloz action, 2015-2016, n° 612-23,
p. 1182.
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L’INTÉRÊT COLLECTIF DES CRÉANCIERS
103
CA Comar, Ch 1, s A, 8 nov. 2011, 10/05697, jurisdata 2011-025082.
104
Vallens (J-L.), Voies de recours et procédure de sauvegarde RTDCom. 2006, p. 219.
105
Lienhard A., code des entreprises en difficultés, Dalloz,2017, sous article L. 622-20 du Code de
commerce, Vallens (J-.L.), op.cit.
106
CA. Lyon, Ch. 3 (A), 10 déc. 2015, n° 15/06668 ; CA Paris Pole 5, Ch. 9, 18 sept. 2014, n° 13/11596.
107
Conformément aux dispositions de l’article 126 du CPC. Lienhard (A.), op. cit.
108
C.com. Art. L. 651-3.
109
C.com. Art. L. 653-8.
110
C.com. Art. L. 654-17.
111
CA Colmar, Ch. 1, 26 oct 2016, n° 15/05558 ; CA Paris, Pole 5. Ch. 8, 17 juin 2014, n° 13/24177.
112
Cagnoli (P.), La qualité pour agir, questions procédurales, Rev. proc. coll. 2006. 209, spéc. 210.
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MATHILDE DOLS-MAGNEVILLE
22. Pour conclure, l’intérêt collectif des créanciers pris dans une acception
large qui transcende leurs intérêts individuels, loin de disparaître, continue de
susciter des interrogations. Il appartient désormais à la jurisprudence de
continuer à écrire l’histoire collective des créanciers.
"Ce travail a bénéficié d'une aide de l'Etat gérée par l'Agence nationale de la
recherche au titre du programme "investissements d'Avenir", portant la
référence ANR-10-LABX-11-10".
113
Pérochon (F.), Entreprises en difficulté, 10e éd. 2015, n° 511.
114
Dammann (R)., Réforme de la loi de sauvegarde : vers un renforcement du rôle des contrôleurs ?,
BJE mars 2014, p. 75.
115
C.com Art. L. 651-3.
116
Roussel Galle (P.)., Les contrôleurs, gardiens de l'intérêt collectif, préc., p. 3, no 27.
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Contrats bancaires et
droit des entreprises en difficulté
Sophie SABATHIER
Maître de conférences à l’Université Toulouse Capitole,
Centre de Droit des Affaires (CDA)
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CONTRATS BANCAIRES ET DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ
1
Ch. Gavalda, J. Stoufflet, Droit bancaire : Litec, 8e éd. 2010, n° 523. - Th. Bonneau, Droit
bancaire : Montchrestien, 9e éd. 2011, n° 16. - V. également, N. Mathey, Par le contrat mais
au-delà du contrat. Le particularisme de la relation bancaire au fondement d'un nouveau droit
commun : Les concepts émergents en droit des affaires : LGDJ, 2010, E. Le Dolley (dir.), p. 336, n° 13
et s.) ; J-cl. Contrat-distribution, Fasc. 200 : Contrat- Intuitu personae ", par Ph. le Tourneau et D.
Krajeski.
2
Pour un exemple récent : Cass. Com. 15 mars 2011, n° 10-11.650.
3
Revue des procédures collectives n° 2, Mars 2014, dossier 18 « Qu'est-ce qui change pour les
partenaires de l'entreprise en difficulté ? », Etude par F. Legrand, M-N. Legrand et M- H. Monsèrié-
Bon.
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SOPHIE SABATHIER
4
En ce sens, Ph. Roussel-Galle, « les nouveaux régimes des contrats en cours et du bail », RPC 2009, n°
1, dossier 7, n° 12, qui souligne qu’avant l’ordonnance de 2008 le contrat ne pouvait être résilié sans une
volonté directe ou indirecte du contractant.
5
Cass. Com. 8 déc. 1987, D. 1988. 52, note Derrida ; JCP 1988. II. 20927, note Jeantin ; Banque 1988.
96, obs. Rives-Lange ; RD bancaire 1988. 60, obs. Crédot et Gérard et 69, obs. Dekeuwer-Défossez ;
cette Revue 1988. 97.
6
M-H.Monsérié-Bon, M.-H. Monserié-Bon, Les contrats dans le redressement et la liquidation
judiciaires des entreprises, Litec, 1994, préface de C. Saint-Alary-Houin.
n° 177 ; B. Soinne, n° 1329, p. 1001.
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CONTRATS BANCAIRES ET DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ
7
Pour la jurisprudence des juges du fond qui tendent à assurer l’efficacité de la règle de maintien des
conventions de compte : Ch. Delattre, le maintien des relations bancaires en cours, de gré ou de force,
Bull. Joly Entreprises en difficulté -01/05/2012 - n° 03 - page 198.
8
Cass. Com. 1er juillet 1997, n° 95-15.440, Bull. Civ. IV, n° 214 ; Rev. proc. coll. 1998, 277, n° 1, obs.
J. Mestre et A. Laude ; Cass. Com. 4 juin 2013, n° 12-17203, Rev. sociétés 2013, 523 L-C.Henry ; Bull.
Joly Entreprises en difficulté 2013, p. 278, note S. Benilsi ; Gaz. pal. 29 sept. 2013, p. 18, obs. Ch.
Bidan; Chr. Lebel, Étendue de la mission de l'administrateur et fonctionnement des comptes en banque,
Rev. proc. coll. n° 3, Mai 2014, comm. 57 : la banque ne peut opposer à l’administrateur qui entend
poursuivre la convention d’ouverture de compte des prétextes tirés d’une impossibilité
organisationnelle, liée à l’intervention de la double signature de l’administrateur et de la société
débitrice, dissimulant la volonté de la banque de cesser tout concours avec une entreprise en
redressement judiciaire.
9
Pour l’inefficacité d'une clause résolutoire de plein droit en cas de cessation des paiements, Cass. Com.
2 mars 1993, Bull. Civ. IV, n° 87 D. 1993. 77 ; pour l’interdiction de la clause de déchéance du terme
fondée sur la cessation des paiements, Cass. Com., 21 févr. 2012, n° 11-33077, D. 2012. 607, obs. A.
Lienhard ; Rev. sociétés 2012. 399, obs. L.-C. Henry I. Parachkevova, LEDEN 2012, n° 65 ; Fx.Lucas,
D. 2012, 2196.
10
Cf. Sur ce point, C. Saint-Alary-Houin, Droit des entreprises en difficulté, Montchrestien, 10e ed. , n°
618.
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CONTRATS BANCAIRES ET DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ
compte courant est clôturé par l’effet de la liquidation judiciaire, pour décider
que le solde du compte est exigible immédiatement à l’égard de la caution15 mais
la solution est rendue sous l’empire du droit antérieur à 2014. Et il n’en reste pas
moins que la liquidation judiciaire n’est plus synonyme de cessation d’activité et
que le principe de continuation des contrats pourrait ici avoir les mêmes
conséquences que dans le redressement judiciaire ou la sauvegarde. La poursuite
de l’activité en vue d’un plan de cession pourrait conduire à différer cette
exigibilité… et la clôture automatique du compte pourrait être remise en cause16,
marquant un certain recul des effets de l’intuitus personae.
15
Cass. Com. 13 décembre 2016, n° 14-16037 ; Gaz. Pal 21 févr. 2017, p. 32, obs. M-P. Dumont-
Lefrand ; RTDCiv 2017, note P. Crocq ; Act. Proc.coll. 2017, comm. 30, obs. F. Petit ; Ch. Gijsbers,
RPC n° 2 mars 2017, comm. 27. « Clôture automatique du compte courant en cas de liquidation
judiciaire : la caution doit payer immediatement ».
16
En ce sens, Ph. Roussel-Gall, le nouveau régime des contrats en cours et le bail, Rev. Proc.coll., n°
1, janv 2009, dossier 7.
17
Renforcé par une loi de lutte contre les exclusions de 1998, puis par une loi de 2008 mettant l’accent
sur l’accessibilité bancaire et enfin par une Charte de l’accessibilité bancaire, cf. A-C. Dufour, La
charte d’accessibilité pour renforcer l’effectivité du droit au compte, RDSS 2017, p. 24.
18
C. Husson-Rochongar, Le droit au compte, un instrument de régulation, RDSS 2017, p. 39, qui
identifie un impératif social, faciliter l’inclusion bancaire et un impératif économique, améliorer la
bancarisation et le fonctionnement du marché intérieur.
19
Le pouvoir discrétionnaire du banquier de consentir ou non un crédit (Cass. ass. plén., 9 oct. 2006, n°
06-11.056 : JurisData n° 2006-035300 ; Bull. civ. ass. plén., n° 11 ; JCP E 2006, act. 440 ; JCP E 2006,
2618 ; JCP G 2006, II, 10175, note Th. Bonneau ; D. 2006, p. 2933, note D. Houtcieff ; RTD civ. 2007,
p. 115, obs. J. Mestre et B. Fages et p. 145, obs. P.-Y. Gautier.
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20
Cass. Com. 8 déc. 1987 préc. ; Cass. Com. 1er oct. 1991, n° 89-13127 ; D. 1993 somm. 10, obs F.
Derrida ; JCP 1992, II, 21854, note Jeantin ; 2 mars 1993, n° 91-10.181, Rev.proc. coll. 1993, 532, obs.
J. Mestre et A. Laude.
21
V. Th. Bonneau, Droit bancaire : Lextenso, 11e éd., 2015, n° 852 ; A. Albarian, Le droit de rupture
unilatéral des contrats bancaires pour cause de perte de confiance, l’exemple de l’ouverture de crédit
LPA 30 déc. 2010, n° 260 , p. 3.
22
P-M. Le Corre et E. Le Corre-Broly, Droit des entreprises en difficulté, n° 159.
23
M-H. Monsèrié-Bon, Thèse préc. n° 147.
24
A. Martin-Serf, RJ com. n° spé. 1992, p. 9.
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CONTRATS BANCAIRES ET DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ
25
Devésa, Dalloz 1993, p. 572 sous Cass. Com. 2 mars 1993.
26
Cass. Civ. 1re, 28 mars 2000, n° 97-21.422, Bull. civ. IV, n° 105 ; D. 2000. 482, note S. Piedelièvre,
239, obs. J. Faddoul, 358, obs. P. Delebecque, 2001. 1615, obs. M.-N. Jobard-Bachellier, et 2002. 640,
obs. D. R. Martin ; RTD com. 2000. 991, obs. M. Cabrillac ; JCP E 2000. 898, concl. M. Sainte-Rose, et
1383, note L. Leveneur.
27
F. Grua, Le prêt d’argent consensuel, D. 2003, Chron. p. 1492.
28
Cass. Civ. 1re, 7 mars 2006, n° 02-20.374, Bull. Civ. I, n° 138 ; D. 2006, 753, note D.R. Martin ; JCP
éd. E, 2006, 2195, note S. Piedelièvre.
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29
Com. 16 juin 2004, n° 01-17.030.
30
Com. 21 janv. 2004, n° 01-01.129, JurisData n° 2004-022000 ; D. 2004. 1149, note C. Jamin ; ibid.
498, obs. V. Avena-Robardet ; RDI 2004. 367, obs. H. Heugas-Darraspen ; RTD com. 2004. 352, obs.
D. Legeais ; Act. proc. coll. 2004, n° 74, obs. C. Regnaut-Moutier ; JCP E 2004. 649, note O. Salvat ;
adde déjà F. Derrida, La notion de contrat en cours à l'ouverture de la procédure de redressement
judiciaire, RJDA 1993/6, chron. p. 399, spéc. n° 27.
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CONTRATS BANCAIRES ET DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ
31
Cass. Com. 9 févr. 2016, n° 14-23219, D. 2016, 423, obs. A. Lienhard.
32
Cass. Com. 16 juin 2004, n° 01-17030.
33
Cass., avis, n° 16011, 28 nov. 2016, n° 16-70.009, RTDCiv. 2017, D. 2016. 2516 ; AJ Contrat 2017.
29, obs. J. Lasserre Capdeville ; Gaz. Pal. 31 janv. 2017, p. 15, note G. Poissonnier et 21 févr. 2017, p.
68, obs. M. Bourassin ; D. 2017. 419, note E. Le Corre-Broly (il s’agissait ici de sanctionner des clauses
abusives relatives à la réserve de propriété insérée dans un contrat de crédit).
34
P. Crocq, préc ; M. Latina, « L’instant du transfert de propriété dans le prêt d’argent consensuel », AJ
contrat 2017, p. 209.
35
D. Deroussin, les contrats réels, Rev. Des contrats, 1er sept. 2015, n° 3, p. 734 ; F. Chénédé, la
classification des contrats, Rev. Droit et pat. 1er mai 2016, n° 258, p. 480.
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Les relations du droit des entreprises en
difficulté et du droit du surendettement
Sophie ATSARIAS
Maître de conférences à l’Université de Corte
1
Cagnoli P. et Salhi K., « La répartition des procédures de surendettement et des procédures collectives
d’entreprises », Rev. proc. coll. juill.-août 2009, p. 16, spéc. 10 et s.
2
Loi n° 85-99 du 25 janvier 1985, JORF du 26 janvier 1985 p.1097.
3
Loi n° 89-1010 du 31 décembre 1989, JORF n° 1 du 2 janvier 1990 p.18.
Le droit des entreprises en difficulté après 30 ans : droit dérogatoire, précurseur ou révélateur ? | 313
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LES RELATIONS DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ ET DU DROIT DU SURENDETTEMENT
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SOPHIE ATSARIAS
9
Rép. min. n° 622494, JOAN Q 6 avr. 2010.
10
Dont les dettes liées à sa vie privée peuvent venir s’ajouter aux dettes professionnelles.
Le droit des entreprises en difficulté après 30 ans : droit dérogatoire, précurseur ou révélateur ? | 315
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LES RELATIONS DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ ET DU DROIT DU SURENDETTEMENT
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SOPHIE ATSARIAS
fondant sur la hiérarchie posée par les textes, avant de rappeler les conditions
objectives d’ouverture du redressement judiciaire. Cet arrêt, pourtant non publié
au bulletin, apporte un éclairage quant à la position de la Cour de cassation sur
la question. En effet, la deuxième chambre civile, compétente en matière de
surendettement, énonce ici la primauté des procédures commerciales, en
précisant qu’il n’y pas lieu de distinguer « suivant la nature de l'endettement
invoqué »15.
Cette relation hiérarchique ne règle pas non plus le sort de certains acteurs
de la vie économique, inéligibles a priori aux procédures commerciales, et qui
peinent à trouver leur place sous la protection du Code de la consommation, tels
les dirigeants et certains associés. Il n’est d’ailleurs pas rare qu’une seule et
même personne physique cumule ces deux qualités, comme ce fut le cas dans
une espèce datant du 13 octobre 2016, dont la solution résume assez bien les
propos à venir. La Cour de cassation a considéré, dans l’exacte conformité des
textes, que « la seule qualité d'associé unique et de gérant d'une entreprise
unipersonnelle à responsabilité limitée ne suffit pas à faire relever la personne
concernée du régime des procédures collectives et à l'exclure du champ
d'application des dispositions du Code de la consommation relatives au
surendettement des particuliers ».
15
Le recours à l’EIRL, qui conjugue les deux procédures, pourrait être conseillé à l’entrepreneur qui
veut lancer son activité.
16
Au sens des articles L. 620-2, L. 631-2 ou L. 640-2 du Code de commerce.
17
Cass. civ. 2e, 12 nov. 2008, n° 07-16.998 ; Cass. 2e civ., 21 janv. 2010, n° 08-19.984.
18
Sur l’associé unique d’une EURL, V. Cass. civ. 2e, 18 févr. 2016, préc. Les associés professionnels
libéraux sont exclus des procédures du livre VI, sauf si le passif professionnel était antérieur à
l’association, V. Cass. com., 9 févr. 2010, n° 08-15191 ; Cass. com., 9 févr. 2010, n° 08-17144, Bull.
2010, IV, n° 36 ; Cass. com., 9 févr. 2010, n° 08-17.670.
Le droit des entreprises en difficulté après 30 ans : droit dérogatoire, précurseur ou révélateur ? | 317
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LES RELATIONS DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ ET DU DROIT DU SURENDETTEMENT
livre VI, dès lors qu’ils ne justifient pas de l’exercice d’une activité
indépendante parallèle19.
Mais ce n’est pas pour autant que ces deux acteurs sont accueillis
chaleureusement par le droit du surendettement. Le dirigeant (ou l’associé) ne
remplit pas toujours les critères d’application des procédures de surendettement,
en raison de la nature des dettes contractées. En effet, il peut avoir accumulé un
passif professionnel important en lien avec l’exercice de sa profession, sans pour
autant que la société qu’il dirige subisse des difficultés justifiant l’ouverture
d’une procédure collective.
19
Cass. com., 20 sept. 2017, n° 15-24.644 ; Cass. com., 15 novembre 2016, n° 14-29.043 ; ou si aucune
procédure collective n'a été ouverte à leur égard ou s’ils n’ont fait l'objet d'aucune mesure de faillite
personnelle, V. Cass. civ. 2e, 8 juillet 2004, n° 02-04.212. Depuis la loi du 26 juillet 2005 sur la
sauvegarde, les hypothèses d’extension de procédure à l’encontre du dirigeant sont devenues
extrêmement limitées.
20
Cass. civ. 2e, 5 déc. 2013, n° 11-28.092.
21
La solution a vocation à s’étendre ratione personae aux associés commandités, également
commerçants.
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22
Ils n’ont pas seulement pour but d’apurer le passif mais aussi de redresser la situation du débiteur, et,
plus récemment, de lui permettre un nouveau « rebond ».
23
Ord. n° 2014-326 du 12 mars 2014, JORF n° 0160 du 12 juillet 2014 p.11650.
24
En droit du surendettement, la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 a renforcé les pouvoirs de la
Commission, instance compétente en matière de surendettement, au détriment de ceux du juge. Pour
une étude en droit des entreprises en difficulté, V. Sautonie-Laguionie L., « La « déjudiciarisation » du
traitement des difficultés », in colloque Le droit des entreprises en difficulté après 30 ans, le 16 mars
2017, Toulouse.
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LES RELATIONS DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ ET DU DROIT DU SURENDETTEMENT
25
Saint-Alary-Houin C., « Propos introductifs », in colloque Le périmètre de la défaillance économique,
Rev. proc. coll, n° 1, janvier 2011, dossier 1, 2010.
26
V. rapport remis au Président de la république relatif à l’ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014.
27
V. l’intervention de Madame Francine Macorig-Venier et de Me Brenac, mandataire judiciaire, à
l’occasion du colloque sur « L’ordonnance du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des
difficultés des entreprises et des procédures collectives », tenu à Toulouse le 22 mai 2014.
28
V. Monsérié-Bon M.-H., « L’effacement des dettes dans le droit des entreprises en difficulté », Dr. et
patr. 2009, n° 184, dossier.
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29
Sander E., « Surendettement et droit des entreprises en difficulté », in l’ouvrage Entreprises en
difficulté, sous la direction de P. Roussel-Galle, Lexis Nexis, 2012.
30
V. aussi, Borga N., « Livre VI du Code de commerce et surendettement des particuliers : concurrence
ou complémentarité », BJE, 1er sept. 2012, n° 5.
31
L. n° 2008-776 du 4 août 2008, JORF n° 0232 du 4 octobre 2008 p.15306.
32
Si les juges du fond sont confrontés à des difficultés d’appréciation du surendettement, la Haute-
Juridiction fait désormais une application stricte des nouvelles solutions en vigueur en validant
l’ouverture de la procédure à l’égard des cautions de dettes professionnelles, cf. Cass. 2e civ., 5 janv.
2017, n° 15-27.909 ; Cass. 2e civ., 27 sept. 2012, n° 11-23.285.
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A. Un besoin de clarification
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33
Regnaut-Moutier C. et Vallansan J., art.préc. in Mélanges dédiés à la mémoire du Doyen J. Héron,
LGDJ, 2008, p. 443 et s. ; Borga N., art. préc.
34
Cela revient à se demander « s’il est légitime de traiter distinctement les particuliers surendettés et les
entreprises en difficulté », cf. colloque éponyme, Gaz. pal. 26 févr. 2003, n° 57, p. 51.
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LES RELATIONS DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ ET DU DROIT DU SURENDETTEMENT
des mécanismes ne semble pas être encore à l’ordre du jour, tant à l’échelle
nationale qu’européenne.
35
Tel l’exemple du droit américain des faillites. Cependant, les législations américaine et française sont
bien différentes sur le plan philosophique, cf. Steff A., « La philosophie des procédures de
surendettement des particuliers : l'exemple américain », RDBF mai 2012, dossier n° 25.
36
Regnaut-Moutier C. et Vallansan J., « Faillite des entreprises et surendettement des particuliers –
Etude comparative et prospective », in Mélanges dédiés à la mémoire du Doyen J. Héron, LGDJ, 2008,
p. 443 et s.
37
Regnaut-Moutier C. et Vallansan J., art. préc.
38
Cette option avait déjà été amorcée par la proposition d’un élargissement de la notion du
surendettement et de son domaine d’application ratione personae , V. Regnaut-Moutier C. et Vallansan
J., art. préc.
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39
Madame Françoise Pérochon suggère l’application simultanée du droit du surendettement pour le
patrimoine personnel et le droit des entreprises en difficulté pour le patrimoine professionnel.
40
Voire internationale, V. Jobard-Bachelier, M.-N., « Les procédures de surendettement et de faillite
internationales ouvertes dans la Communauté européenne », Rev. crit. DIP, 2002, p. 491.
41
Comme la Belgique ou l’Allemagne.
42
Cass. civ., 2e, 17 mars 2016, n° 14-26.868, obs. Mouial-Bassilana E. et Lasserre-Capdeville J. LPA
2016, n° 17.
43
Cass. 1re civ., 30 janv. 2002, n° 01-04.064.
44
Au contraire, en l’espèce, les créanciers sont en droit de poursuivre le consommateur endetté, tant
qu’une décision d’exéquatur n’a pas été prononcée en Allemagne. En effet, le débiteur ne peut pas se
fonder sur le règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000 dit « Bruxelles I » qui exclut la
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LES RELATIONS DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ ET DU DROIT DU SURENDETTEMENT
Il est regrettable que la France n’ait pas saisi l’occasion de l’harmonisation avec
le nouveau règlement (UE) n°2015/848 du 20 mai 2015, qui est entré en vigueur
le 26 juin 201745.
reconnaissance des décisions relatives aux faillites, aux concordats et aux autres procédures analogues,
V. Kessler G., « Le surendettement en droit international privé », RDBF 2012, dossier 26.
45
Gjidara-Decaix S., « Procédures de surendettement et règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000
relatif aux procédures d'insolvabilité », Revue des procédures collectives, n° 4, juillet 2016, comm. 102 ;
Legrand V., La procédure de surendettement n’est pas visée par le règlement (CE) n° 1346/2000 du
Conseil du 29 mai 2000 relatif aux procédures d’insolvabilité, Act. Proc. coll. 2016-8, alerte 99.
46
V. aussi, Borga N., art. préc.
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Variations sur les rapports entre le droit des
entreprises en difficulté et le droit fiscal
Gilles DEDEURWAERDER
Maître de conférences à l’Université Toulouse Capitole,
Centre de Droit des Affaires (CDA)
1
Pour le droit des entreprises en difficulté, v. p. ex. : Cass., 1ère civ., 28 septembre 2011, n° 10-18.320 :
Bull. civ. I, n° 152. – Pour le droit fiscal, v. not. : Cass., 1ère civ., 7 octobre 1998, n° 96-14.359 : Bull.
civ. I, n° 285 ; Dalloz 1998, p. 563, concl. J. Sainte-Rose.
2
G. Cornu [sous la dir.], Vocabulaire juridique, PUF, coll. « Quadrige », 11e édit., 2016, v° Ordre
public, p. 720.
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VARIATIONS SUR LES RAPPORTS ENTRE LE DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ ET LE DROIT FISCAL
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GILLES DEDEURWAERDER
art. 1908 ancien) »3. On mesure ainsi le chemin parcouru, le Trésor public ayant
vu, au fil des réformes, sa situation se banaliser, à telle enseigne qu’un auteur
pouvait écrire à l’aube de notre siècle que « les principes généraux du droit des
procédures collectives ont rabaissé le Trésor au rang […] de créancier comme
les autres. Le Trésor est, comme les autres créanciers, sacrifié sur l’autel du
redressement des entreprises »4, tandis qu’un autre s’exclamait quelques années
plus tard : « Les administrations financières : des créanciers enfin comme tous
les autres ! »5.
3
G. AMLON, « Conciliation, sauvegarde, redressement et liquidation judiciaires. – Trésor public. –
Droits, privilèges et hypothèque légale », JurisClasseur Procédures collectives, Fasc. 2384, sept. 2016, §
2.
4
P. SERLOOTEN, « Le Trésor public, créancier de l’entreprise en difficulté », JCP E 2000, n° 1, p. 24
et s.
5
B. LAGARDE, « Les administrations financières : des créanciers enfin comme tous les autres », Gaz.
Pal. 19 mars 2009, p. 5.
6
V. not. : Cass. com. 28 avr. 2004, n° 01-01.649, Bull. civ. IV, n° 77 ; RJF 8-9/2004, n° 947.
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VARIATIONS SUR LES RAPPORTS ENTRE LE DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ ET LE DROIT FISCAL
7
Cf. notre étude, « Le traitement des créances fiscales », BJE 1/2017, p. 57 et s.
8
Sur d’autres mesures en ce sens introduites par l’Ordonnance du 12 mars 2014, cf. p. ex. notre étude,
« L’ordonnance du 12 mars 2014 et le Trésor public », BJE 3/2014, p. 189 et s.
9
Cass. com., 22 février 2017, n° 15-17.166 F-P+B+I : Act. proc. coll. 2017, n° 99, obs. R. VABRES ;
Journ. sociétés avr. 2017. 68, obs. A. Cerati-Gauthier; BJE 2017. 204, avec nos obs. – V. déjà, à propos
de prélèvements obligatoires non fiscaux : Cass. 2e civ., 16 sept. 2010, n° 09-16182 : JCP E 2011, 1030
(n° 11), obs. P. PETEL – Cass. com., 15 juin 2011, n° 10-18726, FS-PB : D. 2011, p. 1677, obs. A.
LIENHARD ; BJE nov. 2011, n° 143, p. 312, note S. BENILSI.
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10
Selon la grille de lecture proposée par F. Pérochon, Entreprises en difficulté, 10e édit. LGDJ, 2014,
§ 799. – D’après Le Petit Robert, inhérent signifie « qui appartient essentiellement à un être, à une
chose, qui lui est joint inséparablement (essentiel, immanent, inséparable, intrinsèque) ».
11
Même si la créance fiscale en cause a été soumise aux dispositions du plan de continuation : Cass.
com., 14 novembre 2000, n° 97-19.798, RJDA 2/2001, n° 183.
12
Cass. com., 8 juillet 2003, n° 00-13.309, Bull. civ. IV, n° 132 ; Act. Proc. Coll. 2003, comm. 185, obs.
C. REGNAUT-MOUTIER ; RD banc. et fin. 2003, comm. 234, obs. F.-X. LUCAS ; RTD com. 2004,
p. 371, obs. A. MARTIN-SERF.
13
Même si, comme le précise cet auteur, « hors liquidation judiciaire, [l]es coobligés bénéficient
désormais de la suspension des poursuites tout au moins pendant une partie de la procédure » : G.
AMLON, « Sauvegarde, redressement et liquidation judiciaires – Trésor public – Actions en
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VARIATIONS SUR LES RAPPORTS ENTRE LE DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ ET LE DROIT FISCAL
recouvrement et obligations légales », JurisClasseur Procédures collectives, Fasc. 2385, janv. 2017,
point-clé n° 2.
14
CE 14 nov. 1924, 7e esp., Lebon T. 1253. - CAA Paris, 23 avr. 1991, req. n° 89-2842, Rochas, Dr.
fisc. 1994, n° 11, comm. 518. – CAA Lyon, 10 mars 1999, req. n° 96-717, Chanut : RJF 11/1999, n°
1358).
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15
Cf. not. Cass. com., 11 mars 2008, Sté Art Finance Ltd : Act. Proc. Coll. 10/2008, n° 153, obs. P.
Serlooten : jugeant qu’une société étrangère en liquidation judiciaire demeure redevable de la taxe de
3% sur les immeubles possédés par certaines sociétés (CGI, art. 990 D).
16
CE Plén., 18 juin 1984, req. n° 10.548 et 22.019, Darrousez : Dr. fisc. 1984, n° 45-46, comm. 2004 ;
RJF 8-9/1984, n° 1005, concl. P. BISSARA, p. 460. – CE 18 mars 2005, req. n° 242.640, Bettex : Dr.
fisc. 2005, n° 25, comm. 482 ; RJF 2005, n° 523.
17
CE 31 juill. 2009, n° 301.191, M. Salas : Dr. fisc. 2009, n° 43, comm. 510, concl. J. BURGUBURU ;
RJF 11/2009, n° 905 ; Bull. Joly sociétés 1/2010, p. 93, note A. DE BISSY : le dirigeant est également
imposable à raison des sommes qu’il laisse à la disposition de la société, dans la mesure où la situation
de trésorerie de cette dernière n’empêche pas le dirigeant de les prélever.
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VARIATIONS SUR LES RAPPORTS ENTRE LE DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ ET LE DROIT FISCAL
18
P. ex. : CE 26 juin 1992, req. n° 68.646, SA Bisch-Marley : RJF 8-9/1992, n° 1116. – CAA
Versailles, 4 novembre 2014, JCP E 2015. 1202, note R. VABRES.
19
Pour une illustration : CAA Versailles, 29 juin 2010, Société Générale : RJF 4/2011, n° 284.
20
CE 30 mai 2007, n° 285.575, SA Peronnet (1re esp.) et n° 285573, SARL Peronnet et a. (2e esp.) :
Dr. fisc. 2007, n° 46, comm. 958, concl. F. SENERS, note A. BONNET ; RJF 10/2007, n° 1012 ; RJF
4/2008, p. 331, chron. J. BURGUBURU.
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VARIATIONS SUR LES RAPPORTS ENTRE LE DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ ET LE DROIT FISCAL
(CGI, art. 209, al. 4, mod. loi de finances pour 2017, n° 2016-1917 du 29
décembre 2016, art. 17) : n’eût-il pas été plus judicieux d’inciter en amont ses
partenaires à lui accorder lesdits abandons de créances ?
21
V. notre étude, « Les habits neufs du régime fiscal de la reprise d'une entreprise en difficulté », Rev.
Proc. Coll. 6/2015, p. 76-79 ; Dr. fisc. 2015, n° 49, p. 31-34.
22
V. BOI-BIC-BASE-50-20-10, §§ 30 et 63.
23
V., s’inscrivant dans cette perspective : CAA Lyon, 7 mai 2013, n° 12LY02242, SARL Sobral : BJE
1/2014, p. 13, avec nos obs.
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Fonctionnement de l’AGS depuis 1974 :
Bilan et projection
Albert ARSEGUEL
Professeur à l'Université Toulouse Capitole
Thierry MÉTEYÉ
Directeur de l’AGS
Son originalité par rapport aux structures existantes dans les autres Etats de
l’Union européenne est qu’elle émane de la solidarité des employeurs. En effet,
ce sont les principales organisations d’employeurs (MEDEF, CPME,
CNMCCA) qui ont en charge l’exercice de cette mission.
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FONCTIONNEMENT DE L’AGS DEPUIS 1974 : BILAN ET PROJECTION
Jusque-là les mandataires de justice ne pouvaient compter que sur les fonds
de l’entreprise pour indemniser les salariés. Deux difficultés principales se
posaient alors : l’insuffisance des disponibilités et les délais de réalisation des
actifs appréhendés.
Depuis lors, le contexte des faillites s’est heureusement modifié. L’AGS est
en capacité de répondre aux attentes des professionnels en vue de procéder le
plus rapidement possible au versement des sommes dues aux salariés.
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ALBERT ARSEGUEL ET THIERRY MÉTEYÉ
Ce n’est qu’au prix d’une maîtrise permanente de ses charges que l’AGS
pourra conserver sa remarquable efficacité et sa contribution au redressement
des entreprises en difficulté.
Il convient également de souligner que les textes de 1973 n’ont pas bougé
en ce qui concerne la définition du champ des créances garanties par l’AGS. Il
s’agit des seules créances résultant de l’exécution du contrat de travail.
Nous savons d’expérience que cette définition légale a été fortement interprétée
et sans doute dévoyée par la jurisprudence sociale au profit de la notion plus
floue de créance née à l’occasion du contrat de travail.
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FONCTIONNEMENT DE L’AGS DEPUIS 1974 : BILAN ET PROJECTION
Ce point est aussi la démonstration que l’AGS n’est pas une assurance,
mais un régime de garantie institué par la loi. Il en résulte que les conditions
d’intervention de l’AGS sont définies dans le code du travail, l’AGS pouvant
légalement décider de rejeter tout ou partie des créances pour quelque motif que
ce soit.
Dans tous les cas, il s’agissait de solutions ne figurant pas dans le texte de
loi.
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ALBERT ARSEGUEL ET THIERRY MÉTEYÉ
C’est ainsi que la garantie de l’AGS s’est appliquée dans les redressements
et liquidations judiciaires non seulement au profit des sommes dues à la date du
jugement d’ouverture, mais également aux indemnités de rupture résultant des
licenciements pour motif économique prononcés pendant la période
d’observation qui s’ouvre à la date du jugement d’ouverture.
Il faut également citer le cas du représentant des salariés instauré par la loi
du 25 Janvier 1985. Comme il s’agit d’un salarié protégé, la garantie des
indemnités de rupture a été allongée à 30 jours pour permettre au mandataire
judiciaire de solliciter l’autorisation de licencier le représentant des salariés
auprès de l’Inspection du Travail. Dès lors que ce délai est respecté, la garantie
des indemnités de rupture est maintenue jusqu’à la décision de l’Inspection du
Travail d’autoriser le licenciement du représentant des salariés.
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FONCTIONNEMENT DE L’AGS DEPUIS 1974 : BILAN ET PROJECTION
Dans cette organisation, l’AGS occupe une place centrale puisque la loi
fixe le cadre dans lequel les créances du salarié peuvent être garanties.
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ALBERT ARSEGUEL ET THIERRY MÉTEYÉ
Le droit des entreprises en difficulté après 30 ans : droit dérogatoire, précurseur ou révélateur ? | 343
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FONCTIONNEMENT DE L’AGS DEPUIS 1974 : BILAN ET PROJECTION
jours et ils sont en moyenne plus courts, surtout s’il existe une urgence sociale
dans un dossier à fort enjeu. L’AGS sait mobiliser ses moyens pour répondre
aux circonstances exceptionnelles qui peuvent survenir.
Des textes de loi sont ainsi entrés en vigueur qui donnent de nouvelles
prérogatives à l’AGS dans les domaines suivants :
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ALBERT ARSEGUEL ET THIERRY MÉTEYÉ
Cette force et cette reconnaissance de l’AGS sont un atout majeur qui doit
être préservé à tout prix.
Ces mêmes spécialistes appellent de leurs vœux la création d’un droit social
dérogatoire répondant mieux aux spécificités des entreprises en liquidation
judiciaire.
Le droit des entreprises en difficulté après 30 ans : droit dérogatoire, précurseur ou révélateur ? | 345
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FONCTIONNEMENT DE L’AGS DEPUIS 1974 : BILAN ET PROJECTION
Dans tous les cas, il est essentiel de ne pas se tromper de cible. En effet, la
solidarité des employeurs a un coût et elle n’est pas sans limites.
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