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La conduite du changement dans le secteur public

Book · October 2005

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Aurélien Colson
ESSEC - Ecole Supérieur des Sciences Economiques et Commerciales
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LA CONDUITE DU CHANGEMENT
AU SEIN DU SECTEUR PUBLIC :
UNE CONTRIBUTION POUR L’ACTION

Aurélien Colson
Chef du groupe de projet Ariane

n° 13 – Septembre 2005
AVANT-PROPOS Depuis quelques années, la réforme dispositif. Quand nous construisons
de l’État est programmée par tous les des scénarios sur les rôles à venir de
gouvernements de notre pays. Elle a l’État, chaque groupe de projet, quel
même droit à un ministère, ce qui qu’en soit l’objet, doit intégrer la
n’était guère le cas dans notre Répu- réforme de l’État dans sa manière d’en
blique. Elle fait l’objet de déclara- concevoir les rôles.
tions résolues, d’engagements fermes
et d’approches multiples. Personne, Le groupe Ariane devait donc fournir à
ni à droite ni à gauche, ne s’oppose à chaque groupe du Plan un fil rouge
l’idée. Quelques exemples étrangers pour élaborer ses plans d’action. À
laissent penser que la France a pris cette fin, il déplaça la question coutu-
du retard. Ils sont souvent sollicités mière en la formulant autrement. Il ne
pour dénoncer telle résistance des s’agit plus de réformer l’État en géné-
syndicats attachés aux acquis sociaux ral, ni même de concevoir une réfor-
dans la fonction publique ou telle me en particulier, mais nous devons,
reculade des décideurs politiques plus modestement, comprendre com-
attachés à calmer le jeu. ment et pourquoi des changements
réussissent. Le problème pratique
Le sens du mot réforme n’est certaine- n’est pas de réformer mais de condui-
ment pas identique dans tous les cas. re le changement.
Les uns veulent améliorer le fonction-
nement du service public ; d’autres Ainsi le groupe Ariane examine-t-il le
désirent réduire le nombre de fonc- problème central de toute réforme et
tionnaires ; pour les uns, il faut décen- de tout changement, ce problème qui
traliser ; pour d’autres, seule la Répu- a réduit à néant les efforts de tous les
blique une et indivisible garantit ses utopistes, qu’ils soient les concep-
propres principes, etc. Tous sont néan- teurs constructivistes d’une société
moins troublés par les résistances idéale, ou les porteurs plus modestes
qu’ils rencontrent en voulant appli- d’un projet de société séduisant. Dans
quer une réforme localisée. La puis- la sphère politique, il ne s’agit pas
sance des syndicats dans la fonction d’avoir les meilleures idées, il
publique a souvent démontré aux convient de savoir les mettre en
décideurs publics qu’ils avaient tort œuvre, c’est-à-dire de penser le temps
d’avoir raison. de la transition entre l’état présent, cri-
tiqué ou déploré, et l’état futur
On évoque alors sans cesse, pêle- meilleur et souhaité. La pensée pri-
mêle, la peur du changement, les cor- mordiale concerne la transition entre
poratismes, la coalition des conserva- les deux états.
tismes, etc. La stabilité de ces argu-
ments et leur distribution politique Tel est le sens du travail effectué par le
convenue rendent sceptiques les ana- groupe Ariane, en étayant son appro-
lystes et découragent les réforma- che sur des analyses de cas convain-
teurs : notre pays serait impossible à cantes. Cette approche empirique per-
réformer ! met de dégager une sorte de guide
dont peuvent s’inspirer tous ceux qui
Le groupe de projet Ariane a décidé sont soucieux de réformer leur admi-
d’aborder cette question essentielle nistration sans se contenter des effets
d’une autre manière. Ce n’est pas un d’annonce. Ce n’est pas un hasard si
hasard car la nouvelle identité du Plan le temps prend une telle importance
– prospective de l’État stratège – met dans les analyses d’Ariane. Une réfor-
évidemment Ariane au cœur de notre me, un changement ne s’effectuent
que dans le temps compris avec toutes Je tiens donc particulièrement à
ses dimensions : temps de décider, remercier Aurélien Colson pour la
temps de convaincre, temps d’exécu- qualité de ces textes qui sont en phase
ter, temps d’évaluer, etc. avec la qualité du management pro-
posé à son groupe de projet.
Nous percevons bien dans ces textes
toutes les dimensions qu’implique une
réforme de l’État : le politique, le
temps, l’humain, la connaissance. Alain Etchegoyen
RÉSUMÉ OPÉRATIONNEL La réforme de l’État est une priorité pour réussir le changement ? Quels
affirmée par le gouvernement actuel, sont les blocages à surmonter, les
comme elle le fut par ses prédéces- erreurs à ne pas commettre, et com-
seurs et comme elle le sera vraisem- ment ? Quelles méthodes ont fait leur
blablement par ses successeurs. Il est preuve dans de récentes réformes
peu discutable, en effet, que “la” réfor- administratives en France ? Peut-on
me, ou plutôt “les” réformes de l’État, apprendre des expériences passées ?
forment une ambition de longue halei-
ne. Ses justifications sont aussi nom- Pour trouver des éléments de réponses
breuses qu’impérieuses : la nécessité opérationnels à ces questions, l’appro-
de proposer un meilleur service public che ne pouvait qu’être inductive : par-
aux citoyens ; l’impératif rétablisse- tir du terrain et de l’expérience des
ment des finances publiques ; tout acteurs ayant directement contribué à
comme le légitime besoin d’améliorer la mise en œuvre de changements dans
les conditions de travail et les perspec- le secteur public, pour essayer d’en
tives de carrière des agents de l’État. dégager certains principes concrets
d’action, assortis de recommandations
En matière de réforme de l’État, les plus générales susceptibles de confor-
objectifs et les contenus des multiples ter, à l’avenir, les démarches de réforme
changements en cours ou à conduire de l’État.
sont, dans l’ensemble, bien connus. En
revanche, le processus concret de mise À cet effet, sept études de cas ont été
en œuvre de ces changements reste, menées : les Douanes et la Direction
lui, moins étudié. Or le processus ne des relations économiques extérieures
va pas de soi. Une première série d’in- (DREE) au ministère de l’Économie,
dications en ce sens est donnée par des Finances et de l’Industrie ; la
notre histoire administrative. Celle-ci Délégation générale pour l’armement
ne manque pas de tentatives avortées (DGA) et la Direction des construc-
de réformes, non pas tant parce que le tions navales (DCN) au ministère de la
fond du projet était contestable – cer- Défense ; enfin, l’Agence nationale
tes, il arrive qu’il le soit – mais surtout pour l’emploi (ANPE). À titre compa-
parce que le processus de mise en ratif, afin d’avoir un aperçu de la
œuvre n’était pas à la hauteur de l’en- conduite du changement dans le sec-
jeu. Souvent, même, et c’est la secon- teur privé, deux études de cas ont été
de série d’indications, la question du ajoutées : le fabriquant de tabac
processus ne se pose pas car il n’y a Altadis, issu de l’entreprise publique
pas de passage à l’acte : nombreuses Seita, et le constructeur automobile
sont les idées de réformes, pourtant Nissan depuis son alliance avec
développées par de prestigieuses com- Renault. Ont également été consultées
(1) Ce difficile passage à l’acte trou- missions mandatées par les plus hautes des personnalités étrangères pouvant
ve en France une illustration supplé- autorités, qui n’ont jamais franchi le rendre compte de l’expérience d’au-
mentaire, dans un autre registre, cap de la mise en œuvre 1. Cela ren- tres pays en matière de conduite du
avec la forte proportion de lois qui force l’hypothèse selon laquelle les changement.
n’ont jamais été mises en vigueur, conditions de mise en œuvre des réfor-
leurs décrets d’application mes posent problème et méritent, à ce Au total, 65 personnalités ont été
n’ayant pas été rédigés. auditionnées au Plan ou interviewées
titre, d’être explorées.
lors de visites dans leurs organisations,
D’où le champ spécifique abordé par à différents niveaux hiérarchiques :
ce Cahier du Plan : comment condui- ancien ministre, directeur d’adminis-
re le changement dans le secteur tration centrale, directeur d’établisse-
public ? Quels sont les points clefs ment public, chef de service, sous-
directeur, membre de cabinet ministé- exhaustive, souligne la difficulté de la
riel, membre des états-majors des tâche) et les préconisations de métho-
armées, responsable syndical, mem- de telles qu’elles résultent des entre-
bre de la direction d’entreprise privée, tiens menés.
consultant dans des cabinets de
conseil, chercheur. La troisième contribution comprend
dix propositions de réforme que ces
Les témoignages et les analyses ainsi entretiens ont permis de faire émerger.
recueillis ne sauraient à eux seuls défi- Axées sur l’amélioration des mécanis-
nir une méthode imparable de condui- mes de réforme dans le secteur public,
te du changement. Qui le pourrait, si elles visent à l’instauration d’un cadre
tant est qu’une telle méthode existe ? stable et prévisible pour la réforme de
Mais, ancrés dans des pratiques admi- l’État. Elles corroborent souvent, mais
nistratives et managériales, forts de parfois aussi contredisent, les mouve-
changements réussis, ils concourent à ments actuels. Ces propositions sont
une réflexion tournée vers l’action, synthétisées ci-après.
dont ce Cahier tente de synthétiser les
principaux aspects, après avoir briève- • Instituer un ministre délégué auprès
ment décrit dans sa première partie les du Premier ministre, chargé de la
études de cas réalisées. Modernisation de l’État. La réforme de
l’État est un enjeu transversal, qui souf-
Cette réflexion tournée vers l’action fre de n’être porté que par un ministè-
comporte quatre contributions : re sectoriel, quel qu’il soit. Outre le
regain d’interministérialité qu’il géné-
La première, analytique, décrit les rerait, le rattachement direct au
composantes clefs de tout change- Premier ministre conférerait au dossier
ment. Les études de cas font apparaî- un surcroît de légitimité administrative
tre systématiquement six composantes et d’autorité politique.
dont la maîtrise s’avère décisive pour
la réussite du changement : un projet, • Stabiliser la structure gouvernemen-
un terrain, un moment, une volonté tale autour d’un nombre restreint de
politique, des hommes et des femmes, départements et créer, dans les minis-
enfin un pilotage. Le succès d’un tères où ce n’est pas encore le cas, un
changement réside dans la conjonc- poste de secrétaire général rassem-
tion – qui tient plus de l’alchimie que blant les fonctions transverses, notam-
de la logique pure – de ces six com- ment budgétaires et de ressources
posantes. S’il est impossible d’affecter humaines, qui sont essentielles à la
à chacune une pondération, reste que modernisation.
toutes ont leur pertinence pour éclai-
rer les mécanismes de mise en mou- • Assurer une interministérialité réelle
vement d’un changement. de la modernisation publique, en par-
ticulier le travail collectif des secrétai-
La deuxième contribution, prescripti- res généraux, réunis sous la présidence
ve, découle de la précédente. Elle pré- du ministre délégué auprès du Premier
sente, à l’attention des responsables ministre, chargé de la Modernisation
publics chargés de conduire un chan- de l’État.
gement, des facteurs d’échec et de
succès. Les encadrés qui émaillent la • Engager la réforme des corps de la
seconde partie comprennent à la fois fonction publique d’État au début de la
les erreurs typiques à ne pas commet- prochaine législature. Comme la LOLF
tre (cette liste, déjà impressionnante aujourd’hui, la réforme du système des
bien qu’elle ne prétende pas être corps constituerait non seulement une
modernisation de grande ampleur, entre praticiens, chercheurs français et
mais aussi le levier pour faciliter, experts étrangers. S’en servir pour
demain, d’autres réformes et l’instaura- développer la formation des cadres
tion d’une culture du changement. publics à la conduite du changement, à
la gestion de projet et à la négociation
• Développer la pluriannualité budgé-
dans le réseau des écoles du service
taire afin de donner à ceux qui
public, les instituts d’études politiques,
conduisent le changement la visibilité
les instituts régionaux d’administration
nécessaire, souvent supérieure à une
ainsi qu’en formation permanente.
année. Assortir cette pluriannualité de
contrats de progrès, ou équivalents, • Valoriser vraiment celles et ceux qui
permettant à l’organisation qui se conduisent le changement et contri-
réforme de récupérer une partie des buent, à tous les échelons, à son suc-
gains de productivité qu’elle génère. cès, à travers des possibilités élargies
• Instaurer, pour les nominations aux de promotion interne et d’intéresse-
postes de direction d’administration ment aux fruits de la réforme.
centrale, une procédure transparente
La dernière contribution consiste in
de dépôt de candidatures permettant
fine à éclairer certains paradoxes qui
aux intéressés de présenter, devant un
accompagnent la réforme de l’État
collège à définir, leur projet, leur pro-
dans notre pays. Elle invite à construi-
fil et leurs engagements.
re un mouvement continu de moder-
• Maîtriser et évaluer le recours à des nisation de l’État, dans lequel les réfor-
consultants extérieurs. L’évaluation ex- mes réussies aident à bâtir les réformes
post de la contribution des consultants suivantes.
doit être rendue systématique. Ces
évaluations doivent abonder une base Cela suppose une conception élargie
de données interministérielle. À l’oc- de ce qu’est un changement réussi,
casion de chaque mission confiée à lequel est considéré comme tel lors-
des cabinets extérieurs, le transfert de qu’il vérifie les dix critères suivants :
compétences vers les administrateurs
1. sur le fond, naturellement, ce chan-
en place doit être assuré ; la capitalisa-
gement satisfait les motivations pro-
tion du savoir-faire au sein de l’admi-
fondes de la réforme (contra : le nou-
nistration doit être recherchée.
veau dispositif, bien que formellement
• Encourager la constitution, au sein de mis en place, n’est pas plus efficace
l’administration, d’équipes d’appui en que le précédent) ;
conduite du changement : des “consul-
tants” internes à l’administration, 2. il aboutit à une situation d’ensemble
cumulant connaissance fine du secteur plus satisfaisante que le statu quo ex-
public et ayant capitalisé en techniques ante (contra : l’amélioration constatée
de changement, susceptibles de prêter sur les objectifs fixés se fait au détri-
main forte de façon ponctuelle. Cette ment d’autres objectifs que ne concer-
évolution ne doit pas être circonscrite nait pas la réforme, selon le principe
aux grands corps de l’État. des vases communicants) ;

• Développer une base de données sur 3. il ne s’en tient pas à une approche
les expériences de changement au sein a minima mais a su intégrer le maxi-
du secteur public, pour servir de sup- mum d’idées innovantes (contra : le
port à l’échange de bonnes pratiques. changement, défini par en haut, n’a
Créer, par exemple à l’ENA, un centre intégré aucune des idées émergeant
permettant de capitaliser l’expertise en en cours de processus, en provenance
la matière, en organisant le dialogue de tous les niveaux de la hiérarchie) ;
4. il est ancré dans des critères de légi- réalisé à la faveur d’ambiguïtés et de
timité et de justification (contra : le malentendus qui, lorsqu’ils se révéle-
changement a été mis en œuvre par la ront, nourriront blocages et conflits) ;
seule contrainte, ou en invoquant uni-
quement des pressions extérieures : 9. il a suivi un processus ayant permis
“Bruxelles”, “les déficits”, etc.) ; tout ce qui précède et qui, désormais
validé par les parties prenantes, pour-
5. il maintient, et si possible améliore,
ra être reproduit ultérieurement
les relations entre les acteurs de l’or-
(contra : le processus suivi n’a pas
ganisation (contra : traumatisée par le
donné satisfaction et ne peut servir
déroulement brutal de la réforme, l’or-
d’inspiration pour un prochain chan-
ganisation est désormais figée par des
gement) ;
relations exécrables entre les acteurs
qui la composent) ;
10. il diffuse ailleurs dans l’administra-
6. il respecte le mandat fixé par l’auto- tion des leçons et des bonnes pratiques
rité de tutelle (contra : à la faveur du (contra : il reste confiné dans un espa-
jeu d’acteurs internes, le changement a ce segmenté de l’administration).
été détourné des intentions initiales) ;

7. il tient compte des intérêts des par- Les enjeux et les difficultés propres à la
ties prenantes qui, bien qu’absentes du conduite du changement dans le sec-
champ immédiat, sont intéressées à la teur public dépassent de beaucoup les
réforme : typiquement, les usagers, les dimensions de ce Cahier du Plan. Il ne
organismes partenaires, etc. (contra : prétend pas en traiter toutes les dimen-
le changement s’est accompli sur le sions, ni surtout de façon définitive.
dos de partenaires extérieurs qui, lors- Mais il aura atteint son but s’il
qu’ils s’en rendront compte, auront les concourt, avec d’autres initiatives pas-
moyens de se faire entendre) ; sées, présentes et à venir, à souligner
que la réforme de l’État a besoin, outre
8. il est fondé sur une communication de projets solides sur le fond, de volon-
claire (contra : le changement a été té affirmée et de méthode éprouvée.
SOMMAIRE

INTRODUCTION 13

PREMIÈRE PARTIE
Partir du terrain : sept études de cas 19

1. Le choix des études de cas : éclairer l’État en mouvement 19


2. Présentation des études de cas 20
2.1. Les Douanes face à l’ouverture
des frontières intra-communautaires 20
2.2. Une décennie de changements
à la Direction des relations économiques extérieures (DREE) 22
2.3. La “réingénierie”
à la Délégation générale pour l’armement (DGA) 23
2.4. Le changement de statut
à la Direction des constructions navales (DCN) 24
2.5. La prise en compte de l’usager
à l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE) 26
2.6. Du service administratif au groupe international :
la Seita et Altadis 28
2.7. Le sauvetage de Nissan 29

SECONDE PARTIE
Tirer les leçons du terrain : six composantes clefs
pour réussir le changement 33

1. Un projet, c’est-à-dire une vision 33


2. Un terrain, à connaître et à préparer 38
3. Un moment, à saisir ou à susciter 39
4. Une volonté politique, à maintenir 44
5. Des hommes et des femmes 50
6. Un pilotage 55
CONCLUSION 61

ANNEXE 1
Liste des personnalités rencontrées 65

ANNEXE 2
Bibliographie 69
INTRODUCTION “Nous n’avons que le choix entre les changements
dans lesquels nous serons entraînés,
et ceux que nous aurons su vouloir et accomplir”.
Jean Monnet

1. État, changement et réforme accrue, de simplification, de partici-


pation des parties prenantes et de
Entre État et changement se noue, du responsabilité. Elle intéresse les
moins si l’on s’en tient au vocabulaire, citoyens aussi en tant que contribua-
une contradiction dans les termes. Le bles, d’autant plus soucieux du bon
risque serait qu’elle se noue dans les usage des deniers publics que les
faits. L’État, comme l’a souligné finances de l’État ont atteint une situa-
Georges Burdeau (1970, p. 48-49), 2 tion de déséquilibre sans précédent :
permet de construire la permanence, au sens du traité de Maastricht, la
la pérennité, la stabilité du pouvoir dette de l’État dépasse 66 % du pro-
politique. Le changement ne lui est duit intérieur brut en 2005, contre
donc pas naturel. Mais il lui est pour- 56 % il y a seulement quatre ans 3.
tant indispensable, s’il veut mieux Enfin, la réforme de l’État préoccupe
assurer ses missions dans un environ- autant qu’elle intéresse les fonction-
(2) Les références complètes de tous nement que modifient l’évolution des naires, auxquels elle doit offrir des
les ouvrages cités se trouvent
attentes des citoyens, l’accélération du conditions de travail améliorées et
dans la bibliographie, en Annexe 2.
progrès technique, la montée en puis- ouvrir des perspectives de carrière,
(3) Source : Agence France Trésor.
sance des collectivités territoriales, la bref apporter une source nouvelle de
construction européenne, laquelle motivation dans l’accomplissement de
implique notamment une meilleure la mission essentielle qui est la leur.
prise en compte des conditions de la
concurrence, enfin les enjeux de la On le voit : la réforme de l’État renvoie
nouvelle donne mondiale. directement à l’intérêt général. Il est
donc logique qu’elle figure au nombre
Pour le dire autrement, la pérennité des priorités des gouvernements suc-
du service public implique le change- cessifs. Apparue comme portefeuille
ment au sein du secteur public. ministériel dès janvier 1963 – Louis
Prendre en compte toutes ces évolu- Joxe étant nommé ministre d’État char-
tions à travers des changements gé de la Réforme administrative du gou-
concrets dans l’appareil institutionnel vernement de Georges Pompidou –,
et administratif : telle est l’ambition elle y a depuis constamment figuré,
de la réforme de l’État. hors quelques rares exceptions. Depuis
mai 1995, le champ s’intitule “la réfor-
Celle-ci est attendue par les citoyens, me de l’État”.
à plus d’un titre. D’abord comme usa-
gers des services publics, attentifs à L’expression est abusive : personne n’a
leur efficacité à remplir leur mission jamais vu et ne verra jamais la “réfor-
au cœur du lien national, de la cohé- me de l’État”, entendue comme la
sion sociale et de l’équilibre des terri- réforme unique qui, un jour, transfor-
toires. La réforme de l’État doit confor- merait l’État pour de bon. Cette réfor-
ter les services publics attendus par les me-là n’existe pas. Certes, pour une
citoyens. Elle doit réduire le décalage part, l’interdépendance des problèmes
entre les objectifs affichés par les poli- et l’ampleur des sujets exigent des
tiques publiques et les résultats qu’el- réformes d’ensemble, modifiant pro-
les atteignent. Elle doit aussi répondre fondément les structures publiques.
à de nouvelles exigences sociales à Ce fut le cas, au début des années
l’égard de l’État, faites de transparence 1980, de la décentralisation. C’est

13
Introduction

semble-t-il ce que promet également Une première série d’indications en


“la nouvelle constitution financière de ce sens est donnée par notre histoire
l’État”, c’est-à-dire la loi organique du administrative, qui ne manque pas de
1er août 2001 relative aux lois de tentatives avortées de réformes, non
finances (LOLF). C’est aussi ce que pas tant parce que le fond du projet
permettrait, si elle advenait, la refonte était contestable – certes, il arrive qu’il
du système actuel des corps dans la le soit – mais surtout parce que le pro-
fonction publique d’État. cessus de mise en œuvre n’était pas
adapté, ou pas à la hauteur de l’enjeu.
Mais, hormis ces cas, “la” réforme de
Chacun a en mémoire les échecs de la
l’État résulte de l’articulation et de la
“réforme de Bercy”, en 2000, ou les
succession permanente de change-
difficultés de bien des ministres de
ments multiples et sectoriels, plus
l’Éducation nationale à traduire leurs
modestes dans leur ampleur mais plus
projets dans les faits, ou encore, cette
décisifs, au total, dans la transforma-
fois plus loin, l’échec de la loi de
tion de notre appareil administratif.
1971 sur la fusion des communes.
Abandon de missions devenues
Que la réforme soit présentée comme
caduques au profit de nouvelles, ratio-
“difficile” voire “impossible” en
nalisation des structures, modernisa-
France est un leitmotiv, y compris, en
tion des façons de travailler, introduc-
forme de défausse, chez ceux à qui
tion des nouvelles technologies, modi-
revient la responsabilité de la mettre
fication des maillages territoriaux,
en œuvre.
changements de statuts, fusion de
deux organisations, gains de producti- Souvent, même, et c’est la seconde
vité, mesure de la qualité du service série d’indications, la question du pro-
rendu et certification, amélioration des cessus ne se pose pas car il n’y a pas
conditions de travail : voilà quelques de passage à l’acte du tout : nombreu-
exemples des changements qui for- ses sont les idées de réformes, pour-
ment le champ de ce Cahier du Plan. tant développées par de prestigieuses
commissions mandatées par les plus
2. Le pourquoi et le comment hautes autorités, qui n’ont jamais fran-
Tous ces changements comportent chi le cap d’une tentative de mise en
deux faces : le fond, c’est-à-dire les œuvre. Prenons deux exemples.
objectifs et les contenus des projets de
réforme ; et le processus, c’est-à-dire • Le premier est offert par le rapport de
les conditions concrètes de leur mise la commission présidée par Christian
en œuvre. Dans l’ensemble, les objec- Blanc, Pour un État stratège, garant de
tifs et les contenus des multiples chan- l’intérêt général, réalisé dans le cadre
gements en cours ou à conduire sont de la préparation du XIe Plan en 1993.
bien connus. Ils occupent de nom- Destiné à éclairer “l’État, l’administra-
breux comités et commissions, se tion et les services publics de l’an
trouvent précisés de rapports en rap- 2000,” il aboutit à dix propositions
ports et font l’objet de colloques aussi ayant fait consensus. Depuis la premiè-
savants que récurrents. re (1. “Le gouvernement doit compter
au plus une quinzaine de ministres,”
En revanche, le processus de mise en (...) “Le ministre des Affaires européen-
œuvre de ces changements reste, lui, nes doit être placé auprès du Premier
moins étudié. Comme si la mise en ministre”, p. 81) jusqu’à la dernière (10.
œuvre allait de soi, comme si “l’inten- “Le nombre des corps de la fonction
dance” allait forcément suivre. Tel publique doit être réduit,” p. 103), en
n’est pas le cas. Le processus ne va passant par quelques autres (3. “Il faut
pas de soi. limiter à 100 personnes les effectifs des

14
Introduction

cabinets ministériels,” p. 85 ; 8. de mise en œuvre”. L’orientation fut


“Accentuer l’effort d’évaluation des donnée, et de façon convaincante ; les
politiques publiques,” p. 99), on a une propositions furent nombreuses et pas-
idée de la faible proportion des propo- sionnantes ; mais le calendrier fut
sitions qui ont vu le jour. absent et les modalités de mise en
œuvre ne furent qu’ébauchées.
• Dix-huit mois plus tard, sous une
majorité différente, la mission confiée Partant, on ne peut raisonnablement
à Jean Picq par le Premier ministre, exclure l’hypothèse selon laquelle le
Edouard Balladur, a donné lieu à un peu d’intérêt prêté à ces questions de
rapport intitulé L’État en France - Servir processus et le faible “taux de trans-
une nation ouverte sur le monde, qui formation” d’une idée de réforme en
a, là encore, marqué la réflexion sur la actes ont partie liée. Notre capacité à
réforme de l’État. Ce comité de neuf produire de bonnes idées de réforme
sages, fort de 700 auditions et du tra- est trop souvent associée à une inca-
vail de 30 rapporteurs à temps partiel pacité à les mettre en œuvre. Ce ne
issus de 15 corps de l’État, a produit serait donc pas tant le “quoi changer”
de très nombreuses idées de réforme. qui poserait problème que le “com-
La plupart restent d’actualité, n’ayant ment changer”. Le processus consti-
pas encore été mises en œuvre. tuerait l’angle mort de la réforme de
l’État. Certes, le travail sur la méthode
De fait, trop souvent, la réforme de n’est pas séparable de la réflexion sur
l’État reste une incantation. Pour les missions : réformer pour mieux
Nicolas Tenzer (2004), “le genre du accomplir quelles missions ? Mais le
rapport administratif est célèbre : en travail sur le fond ne suffit pas à régler
France, à la différence d’autres pays, il les questions de méthode.
sert à enterrer une question ou à diffé-
rer son traitement et non à préparer Acteurs et analystes de la réforme de
(4) Perspectives d’évolution pour le une décision rapide”. Au point l’État sont de plus en plus nombreux à
Comité d’enquête - Synthèse des qu’évoquer la “réforme de l’État” sus- le penser. Qu’on en juge, à travers les
propositions, Comité d’enquête cite de plus en plus souvent l’ironie ou quelques témoignages suivants. La
sur le coût et le rendement le sarcasme. conduite du changement a été identi-
des services publics, document fiée par le Comité d’enquête sur le
interne, 11 juillet 2005, p. 7. Un point commun de ces rapports, tous coût et le rendement des services
(5) FAUROUX (R.) et SPITZ (B.), État deux jugés excellents sur le fond, est publics comme “un enjeu majeur et
d’urgence - Réformer ou abdiquer qu’ils laissent dans l’ombre les ques- sous-évalué de la réforme de l’État” 4.
(Paris, R. Laffont, 2004), p. 302, et
tions de processus et de mise en Fins connaisseurs de l’administration
“Faire ou durer en politique,”
Le Monde, 10 juin 2004.
œuvre. Le rapport Blanc ne comportait publique, de ses forces comme de ses
qu’une page et demi, in fine, sur les travers, et promoteurs inlassables de
aspects de méthode : l’accent était sa modernisation, Roger Fauroux et
rapidement mis sur “l’écoute des Bernard Spitz l’ont récemment souli-
citoyens,” la “mobilisation des fonc- gné : “Tout Premier ministre pourrait
tionnaires” grâce au dialogue social, au avoir un panneau accroché au-dessus
“retour collectif” – c’est-à-dire le verse- de son bureau où serait écrit : ‘’Ne me
ment des “dividendes” de la réforme – dites pas ce que je dois faire. Je le sais
et à la formation, enfin l’engagement déjà. Dites-moi plutôt comment’’. Peu
du gouvernement. Pour ce qui concer- de réformes restent en effet en panne
ne le rapport Picq, la lettre de mission par ignorance. Ce qui fait plus souvent
du Premier ministre demandait “un défaut, c’est la volonté et la métho-
rapport d’orientation et de propositions de” 5. Alors ministre de la Fonction
assorti d’un calendrier et des modalités publique et de la Réforme de l’État,

15
Introduction

Renaud Dutreil déclarait de même : cette capacité à conduire le change-


“En France, il y a beaucoup d’experts ment qui semble faire défaut : tel est
pour répondre à la question : que l’objet de ce Cahier du Plan.
faire ? Il y en a très peu pour répond-
re à la question : comment faire ? Et 3. Objectifs et méthode de travail
nous, nous sommes dans l’action,
c’est-à-dire que nous nous posons la Au service de la réforme de l’État, la
question du comment faire” (Le conduite du changement constitue
Monde, 10 mai 2004). Ou enfin, de donc un enjeu de méthode fondamen-
la part d’un membre du Comité de tal. Quels sont les facteurs favorables
suivi des stratégies ministérielles de et défavorables à la mise en œuvre
réforme, le consultant Bernard d’une réforme ? Comment s’appuyer
Brunhes : “L’État, en France, ne sait sur les premiers et surmonter les
pas bien se réformer. Il manque peut- seconds ? Quelles leçons tirer des
(6) Professeur d’administration
être aux gouvernements et à la haute échecs comme des réussites récentes
publique à l’université du Québec administration le savoir-faire qui leur en la matière ? Quelles compétences
à Montréal (UQAM) et à l’École permettrait de conduire le change- et outils sont nécessaires ?
nationale d’administration publique ment en douceur, avec leurs person-
(ENAP), J. Bourgault provient d’un nels, et non malgré eux” (La Croix, Ce sont ces questions de méthode et de
État – le Canada – dont l’administra- 1er février 2005). processus que le Plan a souhaité éclai-
tion s’est profondément réformée rer à travers les travaux du groupe
depuis 1994 et d’une province Ces appréciations d’acteurs français Ariane. La question du “comment
– le Québec – qui donne au secteur
sont confirmées par les analyses des faire” est inséparable de l’action. Elle
public un rôle particulier qui n’est
observateurs étrangers. Pour Jacques implique de sortir des sentiers théo-
pas sans rappeler celui qu’il occupe
sur le continent européen, Bourgault, 6 la réforme de l’État en riques pour se pencher sur les aspects
notamment en France. France ne saurait être étudiée sans très concrets de diverses expériences
prendre en compte une caractéris- de réforme. La méthode ne pouvait
tique proprement hexagonale : “la qu’être inductive : partir du terrain et
France, c’est le droit administratif, et de l’expérience des acteurs ayant
l’on y croit trop souvent que le texte directement contribué à la conception
fait la réforme. (…) Voilà un pays où et à la mise en œuvre de changements
la prolifération de textes normatifs dans le secteur public, pour essayer
semble contraster avec la faiblesse d’en dégager certains principes conc-
des changements concrets observés” rets d’action, assortis de recommanda-
(audition au Plan). Le droit et les tex- tions plus générales susceptibles de
tes seraient la voie que nous privilé- conforter, à l’avenir, les démarches de
gions pour conduire le changement : réforme de l’État.
mais on ne change pas par décret ni
par circulaire, ou en tout cas cela ne C’est pourquoi la source principale de
suffit pas sans la mise en œuvre de ce Cahier du Plan sont les témoigna-
méthodes managériales et d’outils de ges d’acteurs. 65 entretiens ont été
conduite de projet ou de gestion des réalisés, soit sous forme d’auditions au
ressources humaines. Plan, soit lors de visites au sein des
administrations concernées, et ce à
Contrairement à une analyse souvent différents échelons de responsabilités
complaisante, l’échec de bien des (cf. Annexe 1). Toutes les personnalités
réformes n’est pas forcément dû au sollicitées ont répondu positivement à
conservatisme supposé de certains ces demandes et se sont prêtées au jeu
syndicats. Il doit aussi beaucoup à des questions-réponses avec d’autant
l’archaïsme avéré de certaines plus d’allant que le thème de travail
méthodes managériales. Explorer renvoyait immédiatement à des préoc-

16
Introduction

cupations, des questionnements et des pays étrangers, la Suède, le Japon et


réflexions qui avaient été les leurs lors les États-Unis. D’intéressantes remar-
de la réforme concernée. Qu’elles ques en résultent quant aux condi-
soient ici à nouveau remerciées pour tions de réussite du changement ;
le temps qu’elles nous ont accordé et elles sont toujours d’actualité. Citons
pour la qualité et la franchise de leur aussi le tonique et très accessible
contribution. Le contenu de ce Cahier ouvrage que Jean-Jacques François a
reste cependant de la seule responsa- tiré de son expérience, 7 la comparai-
bilité de son rédacteur. son avec la Grande-Bretagne et
l’Australie réalisée par Sylvie Trosa 8 et
Ces entretiens ont nourri sept études un bref mais passionnant dossier diri-
de cas, menées avec des membres du gé par Elisabeth Lulin 9.
Commissariat général du Plan, et que
décrit la première partie de ce Cahier.
Les informations recueillies lors de
ces entretiens, mêmes complétées par
Pourquoi avoir intitulé le groupe des travaux bibliographiques, restent
“Ariane” ? – Dans la mythologie forcément fragmentaires et ne peu-
grecque, Ariane, fille du roi Minos, sou- vent prétendre aboutir, sur un sujet de
haitant trouver le moyen de guider ce type, à des conclusions définitives.
Thésée vers la sortie du Labyrinthe, Mais elles aident à explorer les
consulta le concepteur de ce dernier, méthodes, comprendre les écueils et
Dédale, et imagina le fameux “fil comment ils ont été contournés, ana-
d’Ariane”. La figure d’Ariane renvoie ainsi lyser les jeux d’acteurs et repérer les
à la mission du groupe, qui consiste à “bonnes pratiques”. Il n’y a pas, bien
consulter des acteurs de terrain pour sûr, un meilleur chemin unique ; mais
éclairer le cheminement permettant, il y a des outils et des approches qui
aujourd’hui et demain, de surmonter les semblent mieux fonctionner que
obstacles dans la conduite du change- d’autres. À bien des endroits, cela
ment au sein du secteur public. pourra tenir du simple rappel de pré-
cautions élémentaires et l’on voudra
bien pardonner ces évidences, mais
Ces études de cas sont issues du sec-
ce sont précisément elles qui n’ont
teur public, sauf deux, permettant une
pas été prises en compte lors de mul-
approche comparatiste. Toutes décri-
tiples tentatives et en ont précipité
vent des changements menés à bien,
l’échec. Ce sont bien la simplicité, le
et non des tentatives avortées. Dans
bon sens et du pragmatisme qui font
un champ prompt à ce que les échecs
trop souvent défaut. Même des per-
soient soulignés et les acteurs en pré-
sonnes très compétentes peuvent
sence stigmatisés, il a semblé préféra-
faire des erreurs, lesquelles ont vite
ble de mettre en lumière la capacité
(7) FRANÇOIS (J.-J.), Des services fait de mettre un terme à la tentative
de l’État à changer.
publics performants, c’est possible ! de changement.
(Paris, First, 2004) ; trésorier-payeur En outre, ce Cahier fait référence à
général, Jean-Jacques François dirige certains travaux antérieurs sur le sujet, L’objectif de ce Cahier du Plan n’est
l’Agence comptable centrale
rares mais de qualité. Citons en parti- pas de porter un jugement sur l’effec-
du Trésor.
culier le rapport dirigé par Michel tivité, le succès ou l’échec supposés
(8) TROSA (S.), Moderniser l’adminis-
Crozier en 1988, à la demande du de telle ou telle réforme. Les motiva-
tration - Comment font les autres ?
ministre de la Fonction publique. tions de ces changements tout comme
(Paris, Les Éditions d’Organisation,
1995). Intitulé Comment réformer l’État ? – et les objectifs qu’ils visent sur le fond
(9) LULIN (E.), dir., “Comment fait-on visant à “accélérer le processus de ont été – autant que possible – tenus
pour réformer ?”, Sociétal, changement” –, ce travail analysait les à l’écart. La réflexion se concentre
2001, n° 34. stratégies distinctes suivies par trois donc à dessein sur l’analyse des

17
Introduction

méthodes employées et les processus


concrets utilisés pour concevoir, faire
accepter puis mettre en œuvre les
changements.

Bâtissant sur l’expertise réunie au sein


du Service de la modernisation de l’É-
tat du Plan, ce Cahier se veut une
contribution à la réflexion, mais tour-
née vers l’action et ancrée dans des
témoignages de terrain. Puisse cette
enquête contribuer à repérer les
meilleurs processus permettant de
faire aboutir les réformes dans le sec-
teur public.

La première partie de ce Cahier part


du terrain et présente chaque étude
de cas en une brève synthèse. Le
décor étant planté, la seconde partie
tâche de tirer les leçons de ces études
de cas et des entretiens qui les ont
éclairées.

18
PREMIÈRE PARTIE Pour analyser la conduite du change- l’extension du marché à travers l’im-
ment dans le secteur public, ses pact grandissant des règles de concur-
Partir du terrain : écueils comme les facteurs qui favori- rence, l’ouverture sur le monde et en
sent sa réussite, la méthode fut induc- particulier à l’Europe communautaire.
sept études de cas tive : partir du terrain afin de dégager La pression budgétaire et les attentes
certains principes concrets d’action. des usagers constituent les deux autres
principaux facteurs de changement.
Dans cet esprit, sept études de cas ont
été menées à bien : les Douanes et la Le second critère fut d’avoir une diver-
Direction des relations économiques sité de terrains à étudier. L’échantillon
extérieures (DREE) au ministère de d’études de cas, s’il ne prétend bien
l’Économie, des Finances et de l’Indus- sûr pas être représentatif au sens statis-
trie, la Délégation générale pour tique, propose une diversité suffisante
l’armement (DGA) et la Direction des pour illustrer une large proportion des
constructions navales (DCN) au minis- situations possibles au sein de l’État.
tère de la Défense ; enfin, l’Agence Les études de cas rassemblent à la fois
nationale pour l’emploi (ANPE). À titre des administrations très anciennes (les
comparatif, afin d’avoir un aperçu de Douanes) ou au contraire récentes
la conduite du changement dans le (ANPE) ; des administrations centrales
secteur privé, deux études ont été ajou- (DGA) comme des établissements plus
tées : le fabriquant de tabac Altadis, autonomes (ANPE) ; des structures de
issu de l’entreprise publique Seita, et le taille réduite (la DREE) ou plus impor-
constructeur automobile Nissan depuis tante (Seita) ; comptant (DREE) ou non
son alliance avec Renault. (DCN) une proportion forte de
contractuels ; des structures franco-
Après avoir brièvement rappelé les rai- françaises (DCN) comme d’autres
sons pour lesquelles ces choix ont été disposant d’un réseau à l’étranger
faits, une synthèse présente les princi- (DREE) ou d’un important maillage en
paux traits de chaque étude de cas. régions (ANPE) ; des activités adminis-
tratives et de services (DREE) face à des
1. Le choix des études de cas : activités à dominante industrielle
éclairer l’État en mouvement (DCN, Seita) ; des administrations en
contact direct avec le public (ANPE)
Deux critères principaux ont été utili- ou non (DGA) ; sans compter le cas,
sés. volontairement à part, de Nissan.

Le premier fut le souhait d’éclairer Cette dernière étude de cas est justifiée
l’État en mouvement. Partant du car la conduite du changement forme
constat, un peu déprimant, que les un champ exploré de longue date dans
réformes réussies sont toujours moins le secteur privé. Elle n’est pas spéci-
connues que les réformes avortées, ce fique à l’administration et les questions
sont des changements menés à bien de processus sont inhérentes à toute
qui ont en priorité été étudiés, afin de organisation. Il faut naturellement évi-
souligner la capacité effective du sec- ter la confusion des genres, mais sans
teur public à se transformer. L’État s’interdire l’échange de bonnes pra-
semble changer le plus à ses frontiè- tiques. Une entreprise qui fusionne
res. Il voit son périmètre évoluer et en deux de ses établissements ou en
tout cas ses missions être modifiées déplace un de Paris en région fait face
sous l’influence de trois dynamiques : à des problématiques de pilotage du
la décentralisation et la territorialisa- changement qui restent proches de cel-
tion accrue des politiques publiques, les à l’œuvre dans le secteur public

19
Première partie

pour des réformes similaires. Des outils Affaires étrangères et de la Coopé-


de gestion des ressources humaines, de ration, fusions réalisées sous le gouver-
négociation et de communication sont nement de Lionel Jospin) ou des direc-
pareillement mis en œuvre. Parmi ces tions centrales (par exemple la
pratiques, lesquelles pourraient être Direction du Trésor formant avec deux
une source d’inspiration pour les autres la nouvelle Direction générale
responsables administratifs en charge du Trésor et de la politique écono-
d’une réforme ? De même, le secteur mique). D’autres modifications de
privé ne manque pas d’échecs en structure peuvent impliquer un chan-
matière de conduite du changement, gement de statut juridique, pour trans-
échecs dont les leçons peuvent être former un service en établissement ou
d’intérêt aussi pour le secteur public. créer une agence. À structure constan-
Le choix s’est porté sur le redressement te, il s’agit en général de changer des
de Nissan au lendemain de son allian- méthodes de travail et des façons de
ce avec Renault. Plusieurs critères ont faire, par exemple en introduisant les
guidé ce choix : le changement animé nouvelles technologies de l’informa-
par Carlos Ghosn est spectaculaire ; il tion, des mesures de qualité du service
intervient dans une organisation façon- rendu et de performance ; cela peut
née par des principes (emploi à vie, passer par une certification ISO. Des
avancement à l’ancienneté, absence services déconcentrés peuvent être fer-
de rémunération au mérite) qui ne sont més ou regroupés (cas des bases de la
pas si exotiques que cela du point de Défense nationale ou des succursales
vue de l’administration française ; de la Banque de France). Un service
enfin, Carlos Ghosn a explicitement complet peut-être délocalisé, comme
réfléchi à la façon dont il a conduit ce ce fut le cas avec l’École nationale
changement. d’administration, dont l’essentiel des
activités se tient désormais à Stras-
Ces cas ont aussi l’avantage de pré- bourg.
senter des réformes aussi ciblées que
possible dans le temps et dans l’espa- Cette diversité, pour importante qu’elle
ce administratif, ce qui aide à appré- soit, n’empêche pas que les probléma-
hender de façon concrète et précise tiques managériales à l’œuvre dans la
des processus de changement. conduite de ces changements restent
semblables. Les entretiens réalisés ont
Des coups de sonde ponctuels ont en souligné que si les contextes diffèrent,
outre été jetés vers d’autres espaces les questionnements sont dans l’en-
de changement, par exemple le semble comparables et les méthodes
ministère de l’Équipement, départe- susceptibles d’être transposées d’un
ment connaissant “une réforme conti- cas à l’autre, en tout cas de servir
nue” (Serge Vallemont) depuis les lois d’inspiration.
de décentralisation de 1982 et 1983,
ou encore la réforme des implantations 2. Présentation des études de cas
de la Marine nationale.
2.1. Les Douanes face
On le voit, le terrain du changement à l’ouverture des frontières
dans le secteur public est protéiforme. intra-communautaires
Conduire le changement peut signifier
réunir deux structures administratives, La Direction générale des Douanes et
comme deux ministères (ce fut le cas des droits indirects (DGDDI) relève du
de ceux de la Défense et des Anciens ministère de l’Économie, des Finances
combattants, ou des ministères des et de l’Industrie (MINEFI). L’échec de

20
Partir du terrain : sept études de cas

“la réforme de Bercy” en 1999-2000 vantes,” selon l’expression de François


ayant longtemps servi de repoussoir, il Mongin, DGDDI. Le bouleversement
a semblé opportun de souligner, par de 1993 ne s’est donc pas limité au
contraste, des changements réussis au seul redéploiement des agents en poste
sein de ce ministère qui occupe une aux frontières. Quatre grandes réfor-
place fondamentale dans notre appa- mes peuvent être distinguées.
reil administratif.
1. Anticipé dès 1988, le redéploiement
Les Douanes offrent en outre l’exem- consécutif à l’ouverture des frontières
ple type d’une administration antici- a constitué à lui seul un des change-
pant un événement extérieur, suscep- ments administratifs les plus impor-
tible de menacer son existence même : tants des dernières décennies : la
l’ouverture des frontières intra-com- modification des implantations doua-
munautaires au 1er janvier 1993. Cette nières a entraîné le redéploiement de
étape historique dans la construction 3.000 agents (soit un tiers des effectifs)
européenne donna une réalité au prin- dont 500 ont été mis en détachement
cipe de libre circulation des personnes dans d’autres administrations. Si, pour
prévu par les accords de Schengen. de nombreux personnels de la “Sur-
Cela constituait pour l’administration veillance,” le passage “du terrain aux
des Douanes, chargée depuis deux siè- bureaux” n’a pas été sans difficulté
cles du contrôle des flux aux frontières d’adaptation, ces redéploiements ont
nationales, un enjeu considérable, été effectués en moins de dix-huit mois
auquel on peut dire – avec une décen- et sans déclencher de mouvements
nie de recul – qu’elle a largement su sociaux massifs.
faire face. L’exemple d’une administra-
tion ancienne, déployée sur l’ensem- 2. La DGDDI a également modifié ses
ble du territoire et caractérisée par une missions fiscales. En se séparant du
forte culture professionnelle, qui voit traitement de la TVA intra-communau-
disparaître du jour au lendemain son taire au profit de la Direction générale
cœur de mission, la contrainte tempo- des impôts en 1992, elle a hérité en
relle forte, ou encore l’enjeu européen contrepartie de la gestion des contri-
sous-jacent, tout cela fait de la réforme butions indirectes (CI), qu’elle a pro-
des Douanes un sujet d’étude riche en fondément modernisée. Grâce à la
matière de conduite du changement simplification des procédures, seuls
dans le secteur public. deux documents de déclaration subsis-
tent parmi les dizaines qui existaient
Derrière l’apparence d’une échéance auparavant, soit la disparition de plu-
précise et d’un enjeu unique, la réfor- sieurs millions de formulaires chaque
me conduite à la DGDDI recouvre en année. Cette simplification au bénéfice
réalité des transformations multiples et des usagers s’est accompagnée d’une
enchevêtrées. Cette complexité est en rationalisation du maillage territorial :
partie liée à l’ampleur des missions fermeture de 230 recettes locales, libé-
dont la DGDDI a la charge et qui la rant 600 postes. Sur les mille sites de la
distingue des autres institutions doua- DGI et les 4.500 correspondants
nières européennes. Ses trois champs locaux chargés des déclarations des
de compétence (fiscalité, économie, CI, il ne reste aujourd’hui que 200 sites
contrôle) se déclinent en effet en plus et 300 correspondants.
de 400 missions en évolution perma-
nente. Le périmètre des réformes n’est 3. Avec l’ouverture des frontières, la
donc jamais constant pour les nécessité d’impliquer davantage les
Douanes : “on agit sur des cibles mou- douanes dans la lutte contre les frau-

21
Première partie

des et les nouvelles formes de crimina- vre en fait une évolution constante
lité s’est traduite par la création d’une faite de multiples modifications. En
Douane judiciaire, exercée par des outre, le cas de la DREE est pertinent
officiers de douane judiciaire (ODJ). dans la mesure où il rassemble, parmi
Ses compétences en matière d’enquête les facteurs qui “poussent à la réfor-
se sont également élargies avec la créa- me,” beaucoup de ceux qui concer-
tion du TRACFIN (traitement du rensei- nent d’autres administrations de l’État.
gnement et action contre les circuits
financiers clandestins), soumis à l’au- La question budgétaire, tout d’abord :
torité du DGDDI. la diminution des budgets disponibles
imposait une rationalisation des outils
4. D’une manière générale, la DGDDI et des moyens. La perspective de la
a rationalisé son fonctionnement : mise en place de la LOLF, ensuite,
modernisation du fret et de la garantie encourageait l’identification des mis-
des métaux précieux, fusion du labo- sions, des moyens afférents et des
ratoire des Douanes et de celui de la résultats attendus.
Direction générale de la concurrence,
Autre facteur poussant au changement,
de la consommation et de la répres-
la mise en concurrence de la DREE
sion des fraudes (DGCCRF), etc.
avec d’autres acteurs, tant publics que
Pour consolider leur avenir, les privés. En effet, les trois métiers de la
Douanes ont su faire évoluer leurs mis- DREE pouvaient être exercés – et de
sions (lutte contre le terrorisme, rôle fait l’étaient de plus en plus – par d’au-
lors des crises sanitaires comme celle tres acteurs : l’information économi-
de la “vache folle”). Au total, pour que (par les chambres de commerce et
Michel Charasse, ancien ministre du d’industrie, voire par des entreprises
spécialisées), le soutien financier aux
Budget, les réformes des Douanes ont
entreprises (par le Trésor et la Coface)
permis à “la plus vieille administration
et les négociations commerciales mul-
du monde” d’être “également aujourd’-
tilatérales (par la Commission de
hui la plus jeune et la plus dynamique,
Bruxelles). En particulier, le développe-
à la pointe au niveau mondial” ; de fait,
ment de l’expertise économique dans
les Douanes jouent un rôle clef à l’é-
les grandes entreprises et d’une offre
chelle internationale, au sein de
de consultants spécialisés obligeait la
l’Organisation mondiale des douanes.
DREE à évoluer vers une véritable
Les Douanes illustrent en outre le “entreprise de production de services”
caractère continu du changement, en direction des entreprises, d’où l’im-
portance nouvelle accordée à la factu-
puisque cette administration est désor-
ration, aux délais de traitement des
mais engagée dans le programme
demandes et à l’évaluation des servi-
“Douanes 2010”.
ces fournis.
2.2. Une décennie
Enfin, là comme ailleurs, l’introduc-
de changements à la Direction tion des nouvelles technologies de
des relations économiques l’information, en transformant les
extérieures (DREE) métiers, appelait à une refonte des
façons de travailler, à la suppression
Le processus de réforme à la DREE a des tâches répétitives et à la réorgani-
démarré en 1992 et s’est poursuivi jus- sation des structures.
qu’à ce jour : c’est ce changement
continu qui est analysé, soulignant Ces changements ont été menés selon
bien que “la” réforme de l’État recou- les grandes étapes suivantes. Dans un

22
Partir du terrain : sept études de cas

premier temps, des groupes de travail 2.3. La “réingénierie”


internes ont permis d’identifier les à la Délégation générale
attentes à l’égard de la DREE ; cette pour l’armement (DGA)
phase de consultation a été limitée
aux cadres, y compris le réseau régio- Le champ de la Défense nationale est
nal et mondial, mais en prenant soin riche d’importants changements inter-
de dépasser la hiérarchie habituelle. venus au cours de la dernière décen-
Cette concertation a donné lieu à une nie. Outre la chute du mur de Berlin,
réflexion sur les métiers de la DREE : souvent citée, la première guerre du
un métier financier d’aide aux entre- Golfe (1990) a joué un rôle détermi-
prises, un métier multilatéral en matiè- nant dans la prise de conscience de la
re de négociation internationale, un nécessaire réforme des armées françai-
métier de l’information économique ses. Les difficultés pour constituer un
au service de l’entreprise. Sachant les corps expéditionnaire, l’équiper et le
exigences nouvelles de ces métiers, projeter sur un théâtre éloigné, apparu-
deux outils ont été mis en place pour rent alors au grand jour. La France avait
mieux les servir : un système d’infor- perdu du temps par comparaison avec
mation et un processus qualité, abou- ses principaux alliés, États-Unis et
tissant à une certification ISO 9001 de Grande-Bretagne, lesquels avaient déjà
l’ensemble du réseau. En parallèle, la engagé la reconfiguration de leur outil
contractualisation des objectifs et des de défense.
moyens de la DREE avec la Direction
du Budget lui a permis de réinvestir les Suivirent, à l’initiative du ministre de la
économies qu’elle avait réalisées, et Défense de l’époque, Pierre Joxe
ce au bénéfice des ressources humai- (1991-93), une douzaine de rapports
nes, avec le recrutement de nouvelles faisant le point sur les réflexions. Trois
compétences (juridiques et tech- logiques étaient présentes : engager
niques), et des moyens informatiques. une diminution inéluctable (mais non-
Le processus de réforme a nécessité un dite) des dépenses militaires, et y faire
pilotage stratégique pour faire partager face ; densifier l’appareil de défense
les orientations à l’ensemble du réseau autour de quelques grandes plates-for-
de la DREE. mes, à rebours de la logique antérieure
qui consistait à quadriller le territoire
Plusieurs éléments ont témoigné du pour prévenir une invasion terrestre ;
succès de ces changements : les rap- engager une refonte organique et opé-
ports favorables du Parlement, les rationnelle pour tirer les leçons de la
enquêtes de satisfaction auprès des guerre du Golfe. Ces objectifs avaient
entreprises, le fait que la DREE ait été pour toile de fond la suppression du
retenue pour concourir en 2004 au service national et la professionnalisa-
“Prix de l’Organisation des Nations tion des armées, décidées en 1996. Six
unies en matière de service public”. ans plus tard, les effectifs des armées
avaient diminué de 40 %, des garni-
Depuis mai 2002, un rapprochement sons avaient été supprimées dans des
entre les réseaux internationaux de la dizaines de villes, des dizaines de
DREE et du Trésor avait été entrepris. milliers de contractuels avaient été
Le 16 novembre 2004, la DREE a recrutés, etc.
rejoint la Direction du Trésor et la
Direction de la Prévision pour former Dans ce secteur en plein bouleverse-
un ensemble plus vaste, la nouvelle ment, deux cas particuliers ont été
Direction générale du Trésor et de la analysés : la Délégation générale pour
politique économique (DGTPE). l’Armement (DGA) et la Direction des

23
Première partie

constructions navales (DCN). Contrai- autour de responsables affectés à la


rement à l’idée reçue, ces cas n’ont pas conduite d’un projet, des équipes
de “spécificité militaire” : les agents de mobilisant des spécialistes et des
l’État y sont en majorité des civils experts qui sont affiliés à des entités
(85 % à la DGA). Ils mettent en lumiè- construites selon des logiques “mé-
re des problématiques semblables à tiers” (technique de base, méthodes,
celles identifiées ailleurs. expertise qualité, achat, contrôle de
gestion, etc.). L’organisation d’ensem-
À la DGA, le principal facteur poussant ble de la DGA croise des directions de
à la réforme était budgétaire : pour production et de projets auxquelles
tenir compte de la diminution des apportent leur concours des directions
dépenses militaires, il s’agissait de faire de services et de prestations et des
aussi bien, voire mieux, avec moins de directions fonctionnelles.
moyens. L’objectif était donc de gagner
en productivité. L’approche a consisté 3. Allouer aux activités des moyens
à appliquer à la DGA les méthodes dimensionnés au plus juste : mise en
inspirées de restructurations utilisées œuvre d’une gestion très fine des res-
dans le secteur industriel privé : ce sources nécessaires à la conduite des
reenginering fut conduit par un nou- activités, développement d’outils
veau Délégué, Jean-Yves Helmer, issu constitutifs d’une véritable gestion
de l’industrie automobile. Une appro- prévisionnelle des emplois et des
che classique dont on espérait qu’elle compétences.
produirait des résultats similaires : des
gains de productivité d’environ 5 % 4. Instaurer un contrôle de gestion per-
par an, d’où un objectif de 30 % sur mettant la vérification active des diffé-
cinq ans, fixé par le ministre de la rents paramètres qui caractérisent un
Défense en 1996. Cette réingénierie a projet tout au long de son avance-
comporté quatre grandes modalités. ment.

1. Définir des objectifs clairs. Au La réforme fut lancée en avril 1996 à


niveau de l’institution dans son ensem- travers douze chantiers qui déclinaient
ble, recentrer les missions de la DGA ces quatre modalités. Six ans plus tard,
sur son “cœur de métier,” c’est-à-dire la DGA fonctionnait avec un quart de
sur ses activités de préparation de personnel en moins et avait obtenu la
l’avenir, d’architecture et de maîtrise certification ISO 9001.
d’ouvrage des programmes d’arme-
ment, et en sortir ce qui restait d’activi- 2.4. Le changement de statut
tés industrielles ; au niveau des direc- de la Direction des constructions
tions et des services qui composent la navales (DCN)
DGA, élaborer chaque année des
documents d’orientation précisant les La réforme de la DCN devait mettre un
objectifs que ceux-ci doivent poursui- terme à une confusion des genres dans
vre, d’une part dans une perspective de les missions qui lui étaient dévolues :
moyen terme (quatre ans), d’autre part depuis ses origines (création des pre-
pour l’année qui s’ouvre ; enfin, décli- miers arsenaux par Richelieu en 1631)
ner des objectifs collectifs en objectifs jusqu’aux années 1970, la construc-
individuels pour l’année à venir. tion navale militaire a été organisée en
une structure unique assumant à la
2. Concevoir les activités comme des fois des responsabilités “étatiques”
projets pilotés par un responsable dési- (spécification des bâtiments, évalua-
gné à cet effet. Ont été constituées, tion et mise en place du budget néces-

24
Partir du terrain : sept études de cas

saire, choix de l’industriel) et “indus- tait une impossibilité permanente de


trielles” (réalisation proprement dite). satisfaire les besoins de production et
Cette confusion des genres dont souf- une absence de motivation (“le senti-
frait la DCN, qui jouait à la fois le rôle ment général était que, efficace ou pas
de donneur d’ordres et de prestataire, efficace, on avance quand même”).
était dénoncée depuis longtemps, de Surtout, la DCN souffrait de sureffectifs
rapports en rapports. La DCN était un qui se conjuguaient à un sous-encadre-
outil industriel peu contrôlé et modé- ment. La structure de l’emploi du per-
rément efficace. Cette situation, si elle sonnel montre qu’il y avait un agent
était gérable en période de vaches dans les tâches de soutien pour un
grasses, est vite devenue probléma- agent affecté à la production. Les char-
tique avec la réduction du budget de ges de personnel étaient élevées par
la Défense. rapport au chiffre d’affaires au regard
des standards industriels usuels. En
Le statut s’avérait incompatible avec 1998-2000, le ministère de la Défense
les contraintes d’une activité indus- a contraint la DCN à réduire ses coûts
trielle. Parmi les facteurs ayant poussé d’intervention, et donc ses effectifs. Le
à la réforme, le secrétaire général de statut des ouvriers d’État interdisant
DCN cite des éléments que d’autres que l’on procède à des licenciements,
perçoivent comme des freins à la sauf à modifier les statuts, ce qui était
réforme. Le paradoxe n’est qu’appa- politiquement inconcevable, c’est dans
rent : c’est précisément parce que ces un premier temps le nombre de cadres
éléments sont des freins à l’action qu’il que l’on a réduit, aggravant encore le
était impératif de réformer la DCN. sous-encadrement.

– Les achats : la gestion de la DCN était – Enfin, l’impossibilité de construire


caractérisée par une politique d’achats des alliances avec des industriels étran-
inefficiente : la valeur moyenne des gers à capitaux privés, réticents à l’idée
achats était inférieure à 7 000 F. et le de s’engager avec l’État-actionnaire
“coût de production moyen” de ces public.
achats était de 2 000 F. Le code des
marchés était jugé incompatible avec Compte tenu du caractère stratégique
l’exercice d’une activité industrielle, du champ, le processus de réflexion
incompatibilité renforcée par la judi- pour définir la réforme fut un temps
ciarisation de tous les actes administra- mené en secret, “avec des excroissan-
tifs qui l’accompagne. Pourquoi devoir ces visibles” : rapports Poimboeuf,
lancer un appel d’offre chaque fois que groupe de travail Conze. Ces premières
l’on veut commander une hélice dont réflexions se concentrèrent sur l’intérêt
on sait qu’un seul fournisseur est capa- et la possibilité de séparer la fonction
ble d’en respecter les spécifications industrielle (réalisation) de la fonction
techniques ? Alors qu’une frégate et “étatique” (maîtrise d’ouvrage). À
son équipage attendent une réparation, mesure de l’avancée du projet, les par-
pourquoi consacrer plusieurs mois à la tenaires ont été de plus en plus asso-
procédure d’appel d’offres avant de ciés : ministère de la Défense, MINEFI.
pouvoir louer un bassin de cale sèche
qu’une société de droit privé pourrait, L’évolution vers le changement de sta-
elle, obtenir dans l’heure ? tut s’est accomplie en plusieurs temps.
En 1997, deux entités distinctes furent
– La gestion des ressources humaines : chargées, au sein de la DGA, de
la DCN comprenait 27 corps, chacun conduire et réaliser les activités de
avec son effectif budgétaire. Il en résul- construction navale : le Service des

25
Première partie

programmes navals (SPN) et la la transformation de la DCN (réparti-


Direction des constructions navales tion des actifs immobiliers entre la
(DCN) chargée des seules activités Marine et la DCN, contrats de mise à
industrielles. disposition de matériel, etc.).

En 2000, la DCN fut transformée en Le 26 mai 2003 fut signé le traité d’ap-
service à compétence nationale, déta- port, qui détermine les actifs apportés
chée de la DGA et placée sous l’auto- par l’État à la société DCN. Les pre-
rité directe du ministère de la Défense. miers clients de DCN restent la Marine
La séparation de la DCN de la DGA nationale et la DGA. Depuis le 30 mai
fut un début de solution au problème 2003, DCN est une société de droit
mais ne résolvait pas tout. Le Rapport privé à capitaux publics. Les effectifs
sur l’avenir de DCN réalisé par Marcel sont passés de 21.700 agents en 1995
Roulet – qui avait connu le change- à 17.500 agents fin 1998 puis à
ment de statut de France Telecom en 15.600 fin 2000, grâce surtout à des
1992 – acheva de convaincre le gou- mesures d’âge concernant les ouvriers
vernement. sous statut dont le départ en retraite a
été autorisé, jusqu’à la fin de 2000,
Le 6 juillet 2001, l’État prit publique- dès l’âge de 52 ans. Ses effectifs sont
ment la décision de modifier le statut en 2005 de 12 200 salariés.
de DCN. La transformation de la DCN
en société anonyme permettait d’em- 2.5. La prise en compte
baucher du personnel avec des contrats de l’usager à l’Agence nationale
de droit privé, nettement plus adaptés à pour l’emploi (ANPE)
une activité industrielle. En contrepar-
tie, les personnels présents pouvaient À la fin des années 1980, l’organisa-
conserver leur statut, et l’État garantis- tion et le fonctionnement de l’ANPE
sait à la DCN qu’il continuerait de lui n’avaient que peu changé depuis sa
confier l’entretien de la Marine, création par l’ordonnance du 13 juillet
moyennant des gains de productivité. 1967, alors même que ses attributions
n’avaient cessé d’augmenter et que le
Une société dédiée, DCN Dévelop- contexte économique et social s’était
pement, fut alors mise en place afin profondément transformé. L’Agence
que la conduite de la réforme soit faci- fonctionnait selon un modèle d’organi-
litée par les règles des sociétés de droit sation très hiérarchisée et spécialisée,
privé (“ne serait-ce que pour l’achat avec un rapport lointain entre les diffé-
des ordinateurs des membres de l’équi- rents échelons. En 1990, ce fonction-
pe”). Cette structure ad hoc permit de nement était devenu inadapté pour
fédérer des compétences indispensa- répondre aux attentes des demandeurs
bles (notamment juridiques, financiè- d’emploi comme aux besoins des
res, de management) que l’administra- entreprises.
tion ne pouvait pas fournir dans les
temps. DCN Développement s’est La satisfaction des usagers, deman-
appuyée sur des moyens internes à deurs d’emploi et entreprises, a consti-
DCN (siège) et sur des consultants exté- tué une pression extérieure essentielle
rieurs d’Accenture (aujourd’hui pour déclencher et mener les réfor-
BearingPoint). La société est aujourd’- mes. Côté demandeurs d’emploi, les
hui dissoute et intégrée à la société files d’attente s’étaient considérable-
anonyme DCN. Mais elle a réalisé un ment allongées en raison de la hausse
considérable travail juridique et finan- brutale du taux de chômage. Dans
cier pour traiter des conséquences de certaines agences, les premières mani-

26
Partir du terrain : sept études de cas

festations de violence avaient fait leur ont été supprimés et remplacés par un
apparition. Le personnel de l’ANPE espace ouvert, réunissant l’ensemble
put prendre conscience par lui-même du personnel de l’agence. Désormais
de la nécessité d’une réforme en étant les demandeurs d’emploi seraient
confronté quotidiennement à une reçus dans un espace public et ouvert,
situation devenue intenable. L’orga- afin d’établir un nouveau rapport
nisation des agences n’était plus adap- direct avec eux.
tée pour accueillir et prendre en char-
ge ces flux massifs de demandeurs Une fois l’impulsion donnée en 1990,
d’emploi. De leur côté, les entreprises, encore a-t-il fallu la maintenir pour
n’étant pas obligées de déposer leurs poursuivre durablement le mouvement
offres à l’Agence, imposaient à celle-ci engagé. La nécessité de réformer
de sans cesse démontrer son efficacité. l’Agence a été entretenue par la pers-
pective de l’ouverture à la concurren-
Les différentes réformes ont été orien- ce. Celle-ci apparaît depuis longtemps
tées vers la satisfaction de l’usager, dés- pour l’Agence comme un horizon
ormais considéré comme un “client”. incontournable, notamment sous l’in-
Derrière ce changement de vocabulai- fluence du droit communautaire de la
re, c’est toute l’organisation de l’Agen- concurrence (l’arrêt Höffner de la CJCE
ce et sa manière de travailler qui ont en 1991, considérant l’ANPE alleman-
été bouleversées. “L’approche client” a de comme une entreprise, l’oblige à se
impliqué des transformations radi- soumettre aux règles de la concurren-
cales : “ce n’est plus l’Agence qui déci- ce). Le placement est en réalité ouvert
de ce qui est bon pour l’usager, mais le de longue date à certaines formes de
client qui fait valoir ce qui est bon pour concurrence, dans le cadre ou en
lui” (Michel Bernard). marge des textes en vigueur (par exem-
ple l’Association pour l’emploi des
Les réformes ont commencé avec la cadres-APEC, les cabinets de recrute-
signature du premier contrat de pro- ment privés et de “chasseurs de têtes”).
grès en 1990, dans lequel les grandes L’abolition du monopole, qui existe
lignes étaient fixées (satisfaire davan- déjà dans les faits et qui est program-
tage d’offres d’emploi dans des délais mée depuis plusieurs années, a ainsi
raccourcis, instaurer de nouvelles exercé une pression sensible sur
méthodes pour lutter contre la sélecti- l’Agence, l’amenant à prouver son effi-
vité du marché du travail...). Le cœur cacité tout en conservant les exigences
du changement a reposé sur deux de service public.
bouleversements très concrets du
métier des agents et du cadre dans L’enjeu européen, intégré par les
lequel il est exercé : l’instauration de ministères successifs, a joué un rôle
la pluricompétence des agents et l’ou- dans la poursuite du changement. Lors
verture de l’espace dans les agences du sommet de Luxembourg, en 1997,
locales. En instaurant la pluricompé- des lignes directrices pour l’emploi
tence des agents, les différentes fonc- ont été adoptées et traduites en objec-
tions ont été décloisonnées. L’ensem- tifs quantifiables. Leur application fait
ble du personnel devait être capable l’objet d’une surveillance par la
de s’occuper des relations avec les Commission européenne, sur la base
entreprises comme de faire face à l’af- de rapports annuels des États memb-
flux croissant des demandeurs d’em- res. Dès lors, les réformes menées par
ploi. En matière d’organisation spatia- l’ANPE depuis 1997 ont été en partie
le, les bureaux, où étaient reçus orientées par les dispositions euro-
jusque-là les demandeurs d’emploi, péennes en matière de politique de

27
Première partie

l’emploi. Depuis le sommet de monopole a pris le nom de SEIT


Luxembourg, des échanges de bonnes (Service d’exploitation industrielle des
pratiques entre les différents établisse- tabacs) en 1926, puis de SEITA en
ments de placement des pays mem- 1935, quand la gestion du monopole
bres de l’Union se sont multipliés et de la fabrication des allumettes lui a été
des comparaisons ont été régulière- confiée. En 1962, le SEITA est passé du
ment menées. Une convergence des statut de “service du ministère de l’Éco-
services publics de l’emploi euro- nomie, des Finances et de l’Industrie” à
péens est donc à l’œuvre depuis les celui d’établissement public à caractè-
engagements communautaires. re industriel et commercial (ÉPIC). Le
personnel n’était alors plus soumis au
Le changement conduit à l’ANPE statut général de la fonction publique,
depuis 1990 recouvre nombre de mais à un statut particulier. Le SEITA a
mesures, chapeautées par quatre conservé jusqu’aux années 1970 la
contrats de progrès successifs. Le suc- totalité de ses monopoles (culture, pro-
cès des réformes tient néanmoins à duction, distribution). Plusieurs fac-
l’existence d’un projet clairement défi- teurs sont alors venus modifier cette
ni pour l’Agence. La continuité straté- situation. D’une part, la construction
gique a joué un rôle décisif pour mener européenne a remis en cause les
à bien le projet de l’ANPE : passer grands monopoles étatiques. Dès
d’une administration à une “entreprise 1976, les monopoles sur la distribution
de service, qui ne doit son existence et l’importation de tabac et de cigaret-
qu’au service rendu aux clients”. C’est tes sont tombés. D’autre part, les pre-
ce projet qui a guidé l’ensemble des mières difficultés financières sont
changements entrepris et qui n’ont été apparues à cette période. En raison des
que des outils ou des objectifs intermé- prix administrés, volontairement main-
diaires pour atteindre cette fin. tenus en dessous de la moyenne euro-
péenne pour lutter contre l’inflation,
2.6. Du service administratif les déficits se sont creusés. De 1976 à
au groupe international : 1986, l’entreprise a ainsi enregistré 11
la Seita et Altadis exercices déficitaires. Le SEITA produi-
sait des cigarettes à perte et s’endettait.
Outre l’intéressante interaction entre
le siège central et les établissements En 1980, l’ÉPIC est devenu une socié-
en région qu’il présente, ce cas a été té nationale – la SEITA – dont 30 % du
retenu en raison de l’ampleur des capital appartenait au privé. Ce chan-
changements réalisés dans cette gement s’est apparenté à une première
entreprise issue du cœur du secteur tentative de privatisation partielle. À
public, en constante transformation cette occasion, le statut du personnel,
depuis quarante ans. qui datait de 1962, a été abandonné et
remplacé par des conventions collecti-
Enracinée dans le paysage français ves. Cette date représente a posteriori
depuis le XVIIe siècle, la Seita était une étape cruciale de la conduite du
devenue une véritable institution. Son changement en ayant réglé l’épineuse
origine remonte au règne de Louis XIV, question du régime de retraite, bien en
et plus précisément à 1674, date à amont de la privatisation. Le régime
laquelle fut créée une Ferme des spécial de retraite a été supprimé pour
Tabacs. Colbert a étendu le monopole les salariés qui rejoignaient l’entrepri-
à la fabrication en 1681 et se à partir de 1980. Ce compromis fut
Napoléon Ier, en 1810, à la culture avec une condition préalable essentielle à
la création d’une régie d’État. Ce la privatisation de 1995.

28
Partir du terrain : sept études de cas

De 1980 à 1984, l’entreprise a traver- cigarettes a été d’autant plus délicate à


sé une période très tendue, ponctuée mener que la manufacture, vieille de
de grèves houleuses (un mois et demi trois siècles, était située au cœur de la
de grève continue en 1984) et sur fond ville et profondément inscrite dans le
d’âpres négociations portant sur l’ou- tissu local : sur les 9 000 habitants, l’u-
verture du capital, le statut du person- sine a employé jusqu’à 1 000 salariés,
nel et la question du régime de retrai- si bien que toutes les familles étaient
te. En 1984, si le régime de retraite plus ou moins directement concernées
défini quatre années plus tôt a été pré- par sa fermeture.
servé, l’État est redevenu l’unique
actionnaire de la SEITA et le statut de Les changements qui ont soulevé le
1962 a été presque intégralement plus d’opposition sont ceux qui remet-
repris. Une clause autorisant les licen- taient en cause cette culture fortement
ciements dans des cas particuliers a enracinée dans l’entreprise. Les repré-
toutefois été insérée. sentants syndicaux rencontrés, tout
comme le directeur d’usine, soulignent
En 1993, le scandale des cigarettes en effet que la réforme la plus difficile
Chevignon fit apparaître le tiraille- à vivre n’a pas été la privatisation, ni la
ment, au sein de l’État, entre les pro- fusion avec Tabacalera, mais “la fémi-
blématiques de santé publique et les nisation du SEITA,” c’est-à-dire le pas-
rentrées fiscales (“la Santé freine, sage, en 1980, du statut d’ÉPIC à celui
Bercy encourage”). Cette contradiction de société anonyme. Cette réforme a
au sein de l’État acheva de convaincre touché l’ensemble du personnel, des
le gouvernement de privatiser la SEITA. ateliers à la direction. Elle a constitué
Compte tenu de tous les changements une transformation radicale pour l’en-
précédents, “le contexte était mûr, les treprise, mais a été également vécue
pratiques déjà initiées et les jalons comme un “ébranlement personnel,”
posés de longue date”. Au final, la pri- car “chacun a été individuellement
vatisation a entraîné 46 000 heures de atteint dans son statut et dans la per-
grève, soit le quart seulement des ception de son métier” : fin de la garan-
conflits de 1980 ou de 1984. La SEITA tie de l’emploi, avancement à l’appré-
a finalement été privatisée le 22 ciation et non plus à l’ancienneté, le
décembre 1995 avant de fusionner “service” est devenu une “société”.
avec l’espagnol Tabacalera en 1999
pour donner naissance au groupe 2.7. Le sauvetage de Nissan
Altadis, un des leaders mondiaux.
En 1999, le troisième constructeur
L’ancrage de l’entreprise dans l’histoire automobile japonais, Nissan, fut en
et le paysage français devait entrer en partie racheté par Renault – dont l’État
ligne de compte pour conduire le détenait encore 44 % du capital.
changement, compte tenu de l’atta- Fleuron de l’industrie japonaise,
chement à cette “institution” non seu- Nissan était alors au bord de la faillite.
lement des salariés, mais aussi des Accumulant les déficits, l’entreprise
populations des villes où elle est n’avait évité les pertes qu’une année
implantée et de leurs élus locaux. Tel au cours des huit précédentes ; sa
est notamment le cas pour les fermetu- dette s’élevait à 20 milliards d’euros.
res d’usines, anciennes manufactures Louis Schweitzer, président de
établies de longue date en centres- Renault, nomma son bras droit, Carlos
villes. A Tonneins, par exemple, com- Ghosn, au poste de directeur général
munément appelée “la capitale de la opérationnel de Nissan, avec pour
Gauloise,” la fermeture de l’usine de mission de redresser l’entreprise.

29
Première partie

Le 18 octobre 1999, C. Ghosn présen- précise et sans concession de l’entre-


ta le Nissan Revival Plan (plan de prise, qu’il résume ainsi : “Chacun tirait
renaissance de Nissan, NRP), avec trois de son côté. Pas de vision, pas de stra-
objectifs majeurs : le retour à l’équi- tégie, pas de priorités, pas d’instru-
libre financier dès 2000, la réduction ments de mesure. Des territoires, des
de moitié de la dette et une marge opé- baronnies, un corps désarticulé”.
rationnelle de 4,5 % du chiffre d’affai-
res d’ici trois ans. Les changements L’enjeu a été de réussir le diagnostic de
exigés par ces objectifs étaient très ce terrain et de changer – uniquement,
importants : rationaliser les achats, mais radicalement – ce qui devait
mettre un terme au système tradition- l’être : l’idée fut de s’attacher à des
nel de fournisseurs – le Keiretsu – fer- priorités stratégiques sans bouleverser
mer cinq usines, supprimer 21 000 le reste. Premier trait caractéristique de
emplois (soit 14 % des effectifs), renou- la culture Nissan, la dilution des
veler la gamme de produits, reconstrui- responsabilités, le recours constant au
re l’image de l’entreprise. “ce n’est pas moi, c’est l’autre”. Autre
trait, le système d’avancement à l’an-
Tous les observateurs jugèrent la mis- cienneté, qui décourageait les initiati-
sion impossible et sans précédent au ves, nourrissait une subordination hié-
Japon. C. Ghosn prit en public l’enga- rarchique aveugle et favorisait des jeux
gement de démissionner s’il n’y parve- de clans. Un changement fort a été
nait pas. opéré pour lier la promotion et les salai-
res à la satisfaction d’objectifs fixés en
Les objectifs ont été atteints, et même amont. L’avancement à l’ancienneté a
plus tôt que prévu. Le 9 mai 2001, été abandonné en expliquant pourquoi,
moins de deux ans après le lancement comment, et pour quel nouveau systè-
du NRP, C. Ghosn put annoncer que me. Autre pratique très chère à Nissan :
la dette était tombée à 4 milliards l’emploi à vie. Pour C. Ghosn, l’emploi
d’euros ; la marge opérationnelle était à vie signifie une loyauté réciproque de
de 7,9 % et le bénéfice d’exploitation l’entreprise et du salarié ; mais lorsqu’il
pour 2001 de 4,5 milliards d’euros. est érigé en dogme mettant en péril la
Nissan, promis à la faillite, est ainsi survie de l’organisation et faisant peser
devenu le constructeur automobile des coûts de plus en plus lourds sur les
généraliste le plus rentable du générations suivantes d’employés, il
monde. Le changement est positif, n’est plus justifiable.
massif et rapide.
Tirant les leçons de son expérience, C.
Le NRP n’était pas fixé d’avance, ne Ghosn estime que les principales clefs
comportait pas d’idées préconçues, à retenir sont “rigueur et franchise dans
mais a été le fruit d’un long travail l’analyse d’une situation ; respect des
d’analyse du terrain, d’écoute du per- hommes et des femmes qui fabriquent
sonnel et de diagnostic de la situation. et vendent le produit ; connaissance du
Pour le réussir, C. Ghosn s’est immergé terrain et souci de l’échange ; transpa-
dans une entreprise japonaise aux tra- rence dans les comptes et dans la com-
ditions profondément ancrées. Outre la munication ; et par-dessus tout engage-
barrière de la langue, il a dû faire face ment à long terme et sans compromis
à des différences colossales en matière des dirigeants”. Il estime que “les
d’organisation, de pratiques et de cul- moyens du changement sont partout
ture d’entreprise. La phase d’ausculta- les mêmes” : une attitude pragmatique,
tion a pris fin en juin 1999, date à faite d’écoute, d’ouverture et de
laquelle C. Ghosn s’était fait une image respect, tout en ayant un objectif très

30
Partir du terrain : sept études de cas

précis et en se fixant une obligation de Les changements décrits à travers ces


résultat. Pour le dire autrement, être sept études de cas diffèrent les uns des
ferme sur l’objectif, souple sur sa mise autres. Ils n’en présentent pas moins
en œuvre. Et non l’inverse, si fréquent : des problématiques communes, appa-
être inflexible sur un processus au rues lors des entretiens et des audi-
point de devoir in fine abandonner tions. Ce sont ces problématiques,
l’objectif. À cette attitude générale, ainsi que les façons de les appréhen-
Carlos Ghosn ajoute quatre ingrédients der avec le meilleur des succès, que
clefs : la lucidité sur la situation, la tâche de présenter la seconde partie
volonté de changement, la transparen- de ce Cahier.
ce quant à la destination et le courage
dans la mise en œuvre.

31
32
SECONDE PARTIE Les études de cas et les entretiens ont missions, ses façons de les accomplir
permis d’identifier six composantes et l’environnement dans lequel elles
Tirer les leçons récurrentes et déterminantes pour la s’insèrent.
du terrain : conduite d’un changement : un projet,
six composantes clefs un terrain, un moment, une volonté Mais le projet de changement, aussi
politique, des hommes et des femmes, solide soit-il dans son contenu, ne
pour réussir enfin un pilotage. Le succès de tout peut pas être qu’une affaire de tech-
le changement changement semble résider dans la niques, de procédures, de mécanis-
conjonction – qui tient plus de l’alchi- mes. Il doit être porté par une vision,
mie que de la logique pure – de ces six qui fondera sa légitimité et lui donne-
composantes. S’il est impossible d’af- ra sa force. La vision est d’autant plus
fecter à chacune une pondération, nécessaire que “la réforme de l’État,”
reste que toutes ont leur pertinence en tant que telle, se heurte à une
pour éclairer les mécanismes de mise forme de désillusion.
en mouvement d’un changement.
L’absence de vision, condition réso-
À chacune de ces six composantes
clefs correspondent des écueils et des lutoire de l’échec selon Michel
facteurs d’échec, mais aussi des outils Rocard – “Trop souvent des minis-
et des préconisations qui forment tres, sur une pression indéterminée
autant de facteurs de réussite. Cette (…), sont embarqués dans des inten-
partie entreprend de présenter les uns tions réformatrices qui n’ont d’autre
et les autres, toujours en s’appuyant origine que l’air du temps, sans que
sur les entretiens réalisés. l’objectif précis, délimité et fonda-
mental de la réforme à laquelle il faut
parvenir dans ce secteur de l’adminis-
1. Un projet,
tration publique, soit clair. C’est évi-
c’est-à-dire une vision demment une condition résolutoire
de l’échec programmé” (Michel
Sur le fond, et d’évidence, un projet Rocard, “Oser la réforme de l’État,”
de réforme doit remplir certaines Lettre du Management public, mai-
conditions incontournables : il doit juin 2002).
être au point dans ses différentes
dimensions, techniques, juridiques,
financières, etc. (a contrario, la ques- De l’avis de toutes les personnes inter-
tion de la mise en œuvre d’un projet rogées, on ne réussit pas le change-
qui ne tient pas debout ne se pose ment si l’on ne sait pas où l’on va, ni
même pas). Ces dimensions sont d’or- pourquoi, et si l’on ne sait pas com-
dinaire les mieux approfondies : les muniquer à toutes les parties prenan-
projets de réforme sont, sur le fond, tes le sens de cette direction. Les
travaillés et mûris au fil des rapports et échecs soulignent en général l’incapa-
des commissions. cité des responsables à construire une
vision compréhensible et à la partager.
C’est dire l’importance de la prépara- Pour le dire autrement, on ne change
tion, laquelle requiert du temps, ingré- pas des habitudes, on ne heurte pas
dient qui fera l’objet d’un développe- des traditions, on ne déplace pas des
ment infra. L’anticipation est une hommes et des femmes, sans le
façon de se garantir ce temps de pré- moteur qu’offre une vision motivée et
paration : toute organisation publique motivante (1.1.), laquelle doit être par-
devrait périodiquement consacrer un tagée aussi largement que possible
moment à un exercice collégial de (1.2.), voire coproduite (1.3.) et en tout
réflexion prospective, portant sur ses cas adossée au dialogue social (1.4.).

33
Seconde partie

1.1. Un changement communautaires au 1er janvier 1993 a


doit être porté par une vision été appréhendée par les Douanes
comme “une fenêtre d’opportunités”.
Les entretiens recueillis tracent quatre Les Douanes ont su se saisir de cette
attributs souhaitables pour cette occasion, ainsi que des différentes
vision. Elle doit être substantielle, questions soulevées progressivement
positive, claire et complète. par l’ouverture des frontières (premiè-
res crises sanitaires, extension du
– Substantielle, c’est-à-dire porter sur risque terroriste, essor du coût écono-
le fond. Un changement qui n’est mique de la contrefaçon, évolutions
décrit qu’en termes procéduraux, tech- des missions de la police, etc.), pour
niques, échoue en général à emporter mettre à jour leur raison d’être et inté-
l’adhésion : “On a partout conscience grer de nouvelles missions d’intérêt
que la réforme technocratique de l’État général. Une fois les enjeux anticipés
aboutit nécessairement à l’échec,” et cette vision définie, il ne s’agissait
écrivait Michel Crozier en 1988 ; ce plus de subir une transformation
constat-là n’a fait que se conforter imposée de l’extérieur, mais d’utiliser
depuis. Seule une vision substantielle les différents contextes qui ont précé-
peut donner son sens à un ensemble dé et suivi l’ouverture des frontières
de mesures et de directives qui, prises pour “faire avancer ses pions”.
séparément, n’en auraient guère. Elle
doit décrire un point d’arrivée concret,
– Claire, c’est-à-dire permettant une
faisant directement écho à des mis-
formulation immédiatement compré-
sions, à des contenus, à des résultats.
hensible par chacun, à tous les
Elle doit invoquer des principes qui
niveaux de l’organisation concernée,
aident à la justifier, notamment les
et limitant au maximum les risques
valeurs fondatrices du service public et
d’interprétations erronées ou de mal-
les règles fondamentales de la légitimi-
entendus. Si une bonne vision doit
té : la justice, l’efficacité. Les change-
aller au-delà des chiffres, ceux-ci peu-
ments qui réussissent le mieux sont
vent aider à clarifier les enjeux.
ceux qui utilisent pleinement comme
un levier le sens du service public.
Le plan “Nissan 180” – Carlos Ghosn
– Positive, c’est-à-dire se garder de pré- a intitulé “Nissan 180” un important
senter le changement comme la consé- plan de changement chez le
quence inéluctable d’une pression exté- constructeur automobile : son titre
rieure. Même lorsque celle-ci est pré- ramasse en trois chiffres ses trois
sente, et même lorsqu’elle s’annonce objectifs fondamentaux : “1” million
déterminante, le changement ne peut de véhicules en plus, “8 %” de marge
seulement résulter d’une contrainte, opérationnelle atteinte, “0” de dette.
d’une pression. Il doit participer d’une
vision constructive, d’une perspective,
– Complète, c’est-à-dire ne laissant
aider à saisir des opportunités, à poser
aucun point dans l’ombre. Si, au
des actes positifs. La réforme des
contraire, cette vision comprend “des
Douanes est exemplaire à cet égard.
inconnues,” le changement à venir est
menacé par des rumeurs ou des
Transformer les menaces en opportu- inquiétudes infondées. L’incertitude
nités : le cas des Douanes – Loin de nourrit l’inquiétude. Mieux vaut clari-
constituer un enjeu unique et mena- fier et stabiliser les anticipations des
çant, l’ouverture des frontières intra- parties prenantes.

34
Tirer les leçons du terrain : six composantes clefs

1.2. Cette vision doit être partagée des dirigeants, et surtout être décen-
tralisé à tous les échelons de l’organi-
Une vision ne porte ses effets favora- sation.
bles au changement que si elle est par-
tagée avec toutes les parties prenantes.
Communication en direction des sala-
Cette aptitude de la vision à être diffu- riés : le cas d’Altadis – Selon des son-
sée et comprise marque d’ailleurs sa dages effectués dans l’entreprise, 3
qualité. Un changement dont on ne salariés sur 4 s’informaient en priorité
peut, en quelques minutes, exposer la auprès des syndicats plutôt qu’auprès
vision qui le justifie est déjà mal parti. de la hiérarchie ; 4 sur 5 jugeaient
cette information plus crédible que
Le défaut de communication interne celle de la direction ; les tracts de la
– Selon Bernard Brunhes, “les réfor- CGT faisaient de facto office de note
mes pensées en haut ne sont pas de service. Pour répondre à cette
appropriées par le terrain parce que situation, l’encadrement de l’usine de
les hauts fonctionnaires, brillants Riom a cherché à améliorer les
concepteurs de la réforme, n’ont pas moyens de communiquer directement
assez de considération à l’égard des avec les salariés. Un mensuel (Riom-
cadres qui vont la traduire et la réali- point-com) a été créé. La direction
ser sur le terrain, pour accepter de entretient un dialogue régulier avec
passer des heures et des jours à tra- les représentants syndicaux. Comités
vailler avec eux, à les écouter, à leur d’établissement et réunions de la
faire partager les projets, à adapter les direction donnent lieu à un compte
idées aux réalités qu’eux seuls rendu à destination du personnel
connaissent” (in Futuribles, juin d’encadrement, y compris les chefs
2003). d’atelier. Les UEP (unités élémentaires
de production) sont des organisations
de travail autonomes réunissant des
Les enjeux de la réforme doivent donc cadres, des agents de maîtrise et des
faire l’objet d’une pédagogie, laquelle ouvriers. Elles constituent des encein-
passe par une communication en tes de dialogue entre l’encadrement et
interne. Communiquer, ce n’est pas la base. Lors de la privatisation, des
réformer : mais réformer sans com- groupes d’information d’une trentaine
muniquer, c’est courir à l’échec. de personnes ont été réunis pour
expliquer la réforme et se faire enten-
L’expérience des personnes interro- dre ainsi directement par la base.
gées le souligne : la diffusion de l’in-
formation relative à un changement
est systématiquement surestimée. Un 1.3. Cette vision gagne
chercheur américain a calculé que le à être “coproduite”
discours d’un chef d’entreprise consa-
cré à un plan de réforme représente… La définition du changement à condui-
0,005 % du flot d’informations que re ne gagne pas à rester un exercice
(10) KOTTER (J. P.), “Leading traite chaque année un de ses d’état-major. Le choix d’en “co-pro-
Change : Why Transformation Efforts employés 10. Le contexte a beau être duire” une partie au moins, selon des
Fail,” Harvard Business Review, différent, le problème n’en est pas méthodes participatives, apporte un
mars-avril 1995, p. 59-67. moins semblable dans le secteur bon retour sur investissement. Non
public. Le souci de communiquer la seulement des idées nouvelles appa-
vision doit donc être constant, utiliser raissent, mais cette “co-production”
tous les canaux possibles, bénéficier favorise l’appropriation du change-
de l’engagement direct et personnel ment à venir et donc son acceptation.

35
Seconde partie

l’entreprise. Mais les modalités pour


La co-production des réformes insti- l’atteindre ont fait l’objet d’une appro-
tutionnelles en Italie – Pour Franco che participative : le plan “TOP”
Bassanini, ancien ministre de la devait faire appel à l’expérience de
Fonction publique et de la Réforme tous les salariés. De larges initiatives
de l’État (1996-2001), tirant les ont été laissées aux directions d’usine
leçons de son expérience à la tête de pour sa mise en œuvre ; le personnel
la plus importante réforme depuis d’encadrement a animé des groupes
1865, “la participation d’une grande de “brain storming” qui ont réuni l’en-
variété d’acteurs institutionnels et semble du personnel par service, afin
sociaux élargit le consensus et facilite de proposer des améliorations per-
la mise en place de la réforme. Plus le mettant de réduire les coûts. Les pro-
leadership est fort, plus il est facile positions furent ensuite soumises à un
d’obtenir la participation d’un grand comité d’évaluation. Parmi les effets
nombre d’acteurs sans que le projet positifs du plan TOP, MM. Codron et
de réforme perde en cohérence” (in Machabert, responsables de l’usine de
Lacasse et Verrier, 2005, p. 65). Riom, évoquent surtout l’écoute du
personnel en direct : malgré les réti-
Cette approche participative peut cences initiales, 90 % du personnel
prendre différentes modalités. Elle doit s’est exprimé et les opérateurs ont pu
être authentique, sous peine de se faire part des dysfonctionnements
retourner contre ses auteurs. concrets dans leur travail quotidien
(les étiquettes coincées dans la machi-
ne, etc.). Cette méthode participative a
Le club du management à la DGA – aussi été l’occasion de sensibiliser le
En complément de leurs activités de personnel sur la nécessité de réaliser
formation et de conférence, les cer- des économies, chacun devant prend-
cles du management proposent une re ses responsabilités pour y parvenir ;
formule originale à toute personne de des comparaisons avec les entreprises
la DGA souhaitant réfléchir et faire concurrentes (“benchmarking”) avaient
des propositions pour le progrès du été faites. L’aspect négatif tient au fait
management dans son environne- que finalement l’essentiel des réduc-
ment : le “Club de management”. Cet tions de coûts a été décidé par le siège
espace rassemble des agents animés et s’est surtout soldé par une contrac-
par la volonté de participer active- tion du personnel. Dans l’esprit des
ment aux changements en cours. Le salariés, la démarche TOP a par consé-
choix des sujets traités est libre. Cette quent “frôlé la manipulation”.
formule ne concerne pas la seule Lorsqu’on est participatif, il faut l’être
population des cadres dirigeants mais jusqu’au bout.
se veut très ouverte. Depuis la créa-
tion du projet, une soixantaine de
clubs de management ont vu le jour à 1.4. Cette vision doit en tout cas
la DGA. Ces clubs ont proposé des être adossée au dialogue social
recommandations dont beaucoup ont
“Partout en Europe, la réforme a été
été reprises et ont permis d’améliorer
conduite avec les syndicats et non mal-
les pratiques managériales au quoti-
gré les syndicats,” souligne Bernard
dien.
Brunhes. Sur ce point, la situation fran-
Le plan TOP chez Altadis – Dans le çaise présente deux difficultés pro-
cadre du programme “Performance pres : d’une part, la représentation syn-
2001,”, un objectif – réduire les coûts dicale est éclatée en de nombreuses
de 40 % – était fixé par la direction de organisations, entre lesquelles les phé-

36
Tirer les leçons du terrain : six composantes clefs

nomènes de surenchère sont courants. des responsables) et, réciproquement,


D’autre part, souligne Franco de l’administration par les organisa-
Bassanini, “il est plus facile d’obtenir tions syndicales (interventions auprès
l’appui des syndicats pour des réfor- des parlementaires, communiqués,
mes administratives rigoureuses et cou- évolutions de leurs structures, saisine
rageuses lorsqu’ils représentent en systématique de l’administration avant
même temps les travailleurs du secteur tout déclenchement de conflit social).
public et du secteur privé, car ils repré-
sentent ainsi tant les acteurs que les
bénéficiaires de la réforme” (in Lacasse Facteurs d’échec
et Verrier, 2005, p. 61) : or, en France, • Présenter le changement comme une
les fédérations syndicales représentant simple mesure “technique” ; croire
les fonctionnaires sont traditionnelle- qu’être techniquement au point suffira.
ment très autonomes par rapport au
reste du mouvement syndical. • Concevoir le changement comme un
exercice d’état-major, maîtrisé de bout
Dans ce contexte, tout ce qui dans le en bout en comité restreint.
projet peut concourir à solliciter ou • Surestimer le degré d’information
améliorer les instances du dialogue des parties prenantes de la réforme.
social est le bienvenu. La réforme de Croire qu’un discours ou une lettre
la DGA, bien qu’axée en priorité sur la interne suffit à informer.
réduction des coûts et les gains de pro-
ductivité, fut aussi l’occasion d’y déve- • Laisser perdurer des situations
contraires à l’esprit de la réforme en
lopper le dialogue social, ce qui cons-
cours.
titua alors à la fois un objectif et un
moyen de la réforme. • Jouer uniquement de la contrainte
extérieure et ne pas avoir de “grain à
moudre” en contrepartie.
Le développement du dialogue social
à la DGA – Dès 1997, un bureau de la
Facteurs de succès
Direction des ressources humaines a
été chargé du développement du dia- • Anticiper les enjeux, pour pouvoir
logue social. À été créée la mieux préparer le changement.
Commission d’information et de • Être techniquement au point.
concertation des personnels civils de
la DGA. Placées sous la présidence du • Proposer une vision de ce que signi-
DGA, les séances de la commission fie le changement à venir : une vision
ont lieu deux fois par an et l’ensemble substantielle, positive, claire et com-
de la direction y participe. La premiè- plète. Etre capable d’expliquer cette
re édition du bilan social de la DGA vision en quelques minutes à tout type
est parue fin 2001. Enfin, une charte d’interlocuteur, et en suscitant au
sociale DGA-syndicats fut élaborée et moins son intérêt.
signée. Par ailleurs, a été lancé le • Favoriser la co-production du projet
développement de procédures élar- de réforme via des dispositifs participa-
gies d’information des organisations tifs.
syndicales par l’administration (bilan
• Faire partager cette vision et lever les
social, enquête annuelle sur le climat
incertitudes : donner des repères, faire
social, résultats détaillés des élections
une pédagogie de la réforme.
aux comités hygiène, sécurité et
conditions de travail et aux comités • Utiliser tous les vecteurs existants de
sociaux, organigrammes et affectation communication, de façon constante,

37
Seconde partie

avec l’engagement personnel des diri- à caractère industriel et commercial


geants, et de façon décentralisée à en 1959, le Seita est devenu société
tous les échelons de l’organisation. nationale et donc la Seita en 1980 ;
en 1984 intervenait un changement
Le projet de réforme et la vision qui le dans le statut du personnel. Dans le
porte doivent en particulier tenir même temps, l’idée d’une privatisa-
compte des contraintes du terrain. tion – dénouant la schizophrénie en-
tre l’État producteur de tabac et l’État
2. Un terrain, à connaître défenseur de la santé publique –
et à préparer gagnait peu à peu les esprits. La déci-
sion de privatiser la Seita ne fut prise
Établissement public, direction centra- qu’en 1993, mais ces changements
le, ministère tout entier : la réforme successifs avaient permis de lever la
s’opère sur un terrain dont l’histoire, la quasi-totalité des difficultés et de
culture et d’autres caractères constitu- créer un relatif consensus. Les princi-
tifs de son identité importent, du point paux chantiers – retraites et statut des
de vue de la conduite de changement. personnels – avaient déjà progressé
lors des transformations précédentes.
Ainsi, on ne change pas des structures Seule la dimension symbolique de la
comme les Douanes, la Seita ou la privatisation subsistait, et même dans
DCN sans prendre en compte leur l’esprit des représentants syndicaux,
profondeur historique. Cette ancien- “le contexte était mûr, les pratiques
neté a sédimenté une identité culturel- déjà initiées et les jalons posés de
le d’une extraordinaire densité. Il est longue date”. Au final, la privatisation
faux de croire que cette identité a entraîné le quart seulement du
condamne à l’immobilisme ; il est illu- nombre d’heures de grève enregis-
soire de ne pas en tenir compte ; il est trées en 1980 ou 1984.
en revanche possible de s’en servir
comme d’un levier. Aux Douanes, par
exemple, la fierté des douaniers d’ap- Préparer le terrain : exemple et contre-
partenir à leur corps fut explicitement exemple chez Altadis – Les usines de la
transformée en énergie au service du Seita étaient classés en deux catégo-
changement. ries : les anciennes manufactures (“à
conception verticale”) vouées à être fer-
Plus un terrain est ancré dans une iden-
mées, et les usines modernes (“à
tité, plus il est nécessaire de le préparer
conception horizontale”). En règle
aux changements à venir. Soit en
générale, une fermeture était précédée
décomposant un changement fonda-
d’une longue période de ralentisse-
mental en étapes successives – ce fut le
ment de la production et de décrue
cas pour la privatisation de la Seita –,
lente des effectifs. Ainsi, à l’heure de la
soit en préparant les esprits en amont
fermeture, il ne restait que très peu de
du changement ; la fermeture de l’usi-
salariés en dessous de l’âge de la
ne Altadis de Lille en offre un contre-
retraite et, le plus souvent, ceux-ci
exemple.
pouvaient être mutés vers un autre éta-
blissement. Lors de la fermeture de
Préparer le terrain par étapes : la pri- l’usine de Nice, par exemple, seule
vatisation de la Seita – Intervenue en une personne ne pouvait bénéficier
1995, la privatisation a été préparée d’une retraite anticipée. La dernière
par plusieurs changements anté- fermeture en date, celle de l’usine de
rieurs : d’abord établissement public Lille, n’a pas suivi ce travail de prépa-

38
Tirer les leçons du terrain : six composantes clefs

ration du terrain ; elle a au contraire sur- Les précédents influent également :


pris et désemparé tout le monde. Une l’exemple de la DREE ou des Douanes
fois toutes les anciennes usines fermées, souligne combien un changement réussi
il ne restait que trois établissements peut préparer le terrain pour un nouveau
modernes : Lille, Nantes et Riom. Les changement, en un cercle vertueux favo-
informations disponibles ont d’abord rable à la réforme. À l’inverse, l’échec
semblé désigner l’usine de Riom, avant d’une tentative précédente risque de ren-
de menacer celle de Nantes. Contre dre le terrain plus rétif à un prochain essai.
toute attente, c’est la fermeture de l’usi-
ne de Lille qui a été annoncée, alors Facteurs d’échec
même que ce site avait continué à • Surestimer la capacité d’une démons-
embaucher, à investir en matériel et en tration technique à l’emporter sur des
formations jusqu’au dernier moment. symboles, des perceptions et une iden-
La direction de l’entreprise elle-même tité ancrés dans une histoire.
reconnaît que ce revirement de stratégie
contribue aux difficultés rencontrées • S’en tenir au “one size fits all” pour
dans la suite de ce dossier, insuffisam- l’ensemble d’une organisation, alors
ment préparé aux yeux des personnels. qu’elle comprend des sous-ensembles
distincts.

D’autres caractères sont pertinents. La • Ne pas tirer les leçons des tentatives
taille compte : la complexité semble pro- précédentes.
portionnelle à la taille de l’organisme
considéré et du nombre de ses agents. Facteurs de succès
Cela plaide pour la décomposition d’une • Connaître intimement son terrain, ce
réforme globale en système de réformes qui exige de s’y rendre et d’en rencont-
sectorielles. Par exemple, la DGA et la rer personnellement les acteurs.
DREE constituent des sous-ensembles de
• Préparer le terrain et accepter de pren-
taille réduite au sein de leur ministère
dre le temps de le faire.
respectif. Lorsqu’un changement est
nécessairement global, cela invite en • Appliquer le principe de subsidiarité
tout cas à instiller une forte dose de sub- et scinder un changement en sous-
sidiarité dans sa mise en œuvre. Dans ensembles adaptés à des organisations
cet esprit, à l’ANPE, si un cadre de réfor- de tailles plus réduites.
me fut défini au niveau national, sa mise
en œuvre a reposé sur la responsabilisa- Ce terrain n’est pas immuable : il chan-
tion personnelle des directeurs régio- ge en fonction des moments. C’est le
naux et sur l’engagement de tous les moment le plus favorable au change-
échelons jusqu’au directeur d’agence. ment qu’il faut savoir saisir – ou susciter.

La proportion de personnels contractuels 3. Un moment, à saisir


importe, puisque ces agents répondent à ou à susciter
des règles de mutation, de mobilité voire
de licenciement plus souples que celles De même qu’il doit intégrer la configu-
résultant du statut général de la fonction ration du terrain, un projet de change-
publique et de l’interprétation qui en est ment doit tenir compte des caractères
faite. De ce point de vue, réformer la d’un moment. Il en est de plus favora-
DREE posait moins de difficultés que la bles que d’autres. Qu’une réforme soit
DCN ; reste que les réformes de la DREE proposée au début, au milieu ou à la fin
ont eu l’habileté de prendre en compte d’une législature n’est pas sans consé-
la situation des agents contractuels et de quence : de l’avis de tous, la première
l’améliorer sur plusieurs points. année d’une législature est le moment

39
Seconde partie

le plus propice, à ne pas laisser passer. Plusieurs travaux de réflexion et d’an-


Qu’une réforme soit lancée après une ticipation ont préparé les décisions
reculade sur un autre projet compte ultérieures : le Groupe prospective-
également : cela envoie un signal action mis en place aux Douanes en
auprès des acteurs concernés. 1985, un groupe de travail du
Commissariat général du Plan en
L’enjeu est de réussir à saisir le 1988, enfin la mission Consigny en
moment le plus favorable – mais, si 1991. Cette capacité à voir loin
celui-ci ne survient pas, à le susciter. remonte à plus haut encore : dès
1957, un administrateur des Douanes
3.1. Saisir le moment favorable écrivait : “il ne faut pas se faire de la
frontière extérieure commune une
La capacité à saisir le moment propi- représentation géographique à la
ce, celui qui favorise le basculement manière d’un mur périphérique au
vers l’action, dépend de l’attitude face pied duquel les Douanes monteraient
au temps en amont du changement. une garde vigilante. (…) Si, à l’inté-
Quatre attitudes-types sont possibles : rieur de l’Union, les frontières doivent
la passivité (attendre en subissant), la disparaître un jour, la Douane exerce-
réactivité (attendre puis réagir), la pré- ra son activité sur l’ensemble du terri-
activité (anticiper pour s’adapter) et la toire”. Ce qui est devenu le cas.
proactivité (agir en amont pour orien-
ter le changement). Une succession de changements
incrémentaux constitue une autre
Les cas étudiés soulignent que la capa- forme d’anticipation. Elle prépare le
cité des acteurs à anticiper et si possi- terrain au point que le moment oppor-
ble à se montrer proactifs est détermi- tun pour le basculement final devient
nante. Plus le changement aura pu être plus aisé à trouver. L’exemple déjà cité
anticipé et mieux les objectifs fixés de la privatisation de la Seita illustre
pour la réforme auront pu se fonder cette approche.
sur un diagnostic approfondi de la
situation, plus les conflits potentiels Il faut enfin considérer le cas dans
auront pu être désamorcés, meilleure lequel l’anticipation n’est guère possi-
enfin aura été la préparation des ble, lorsque les circonstances rendent le
esprits, laquelle exige un temps suffi- changement tant imminent qu’inélucta-
samment long pour comprendre, ble. C’est la situation de crise, dans
accepter et mûrir les projets de réfor- laquelle il faut transformer l’urgence en
me. Cela plaide, en soi, pour une dif- levier. Un exemple en est donné par le
fusion des approches prospectives. plan de renaissance de Nissan mis au
point par Carlos Ghosn en 1999. Dans
Anticipation : l’exemple des Douanes le secteur public, le Canada ou d’Italie
– La réforme des Douanes fut calée offrent de bons exemples.
sur une date butoir claire, incontesta-
ble et indépendante des acteurs en De la crise à la réforme budgétaire
présence : l’ouverture au 1er janvier au Canada – De 1970 à 1996, 27
1993 des frontières intracommunau- budgets fédéraux déficitaires avaient
taires. Cette échéance a favorisé un gonflé une dette proche de 70 % du
processus d’anticipation qui a permis PIB. Le déficit annuel dépassa 6 % du
aux Douanes d’établir, dans les délais, PIB durant plusieurs exercices. Le ser-
un projet définissant une ambition vice de la dette représentait alors un
propre et des missions renouvelées. tiers du budget, soit le premier poste.

40
Tirer les leçons du terrain : six composantes clefs

Entre 1984 et 1993, douze plans suc- gers concernant la qualité des servi-
cessifs de lutte contre les déficits ces publics remontaient de 38 % à
avaient échoué. Mais, en 1994, la 59 %. Et Franco Bassanini de
crise devint imminente – le FMI pré- conclure : “Plus un État est délabré,
parait une intervention – et les atten- plus il est facile de trouver le consen-
tes du public basculèrent au point sus social nécessaire pour une réfor-
que le gouvernement de Jean me radicale”…
Chrétien put engager une exigeante
“revue des programmes budgétai-
“Quand il est urgent, c’est déjà trop
res”. Encore fallait-il avoir la lucidité
tard,” prévenait Talleyrand. La condui-
de reconnaître la crise et le courage
te du changement semble lui donner
politique d’y répondre. Un plan de
tort : l’urgence est un moteur fonda-
réforme fut animé par le plus haut mental du changement ; mais tort en
fonctionnaire fédéral, Mme Jocelyne partie seulement : le changement
Bourgon. Trois ans plus tard, un pre- conduit sous le seul aiguillon de l’ur-
mier budget équilibré était voté. gence, sans vision ni moyens, ne tien-
Depuis, le Canada n’a connu que dra pas sur le long terme.
des budgets excédentaires et le
débat consiste à savoir à quels pro- Ce dernier type de cas souligne le
grammes consacrer ces surplus. risque qui accompagne la recherche
Et en Italie – Au milieu des années du moment le plus propice : celui de
1990, la situation de l’administration toujours remettre à demain les chan-
italienne était, selon Franco gements qui s’imposent. Mais on ne
Bassanini, ancien ministre de la peut pas toujours se permettre d’at-
Fonction publique et de la réforme tendre une crise ou le délabrement
de l’État (1996-2001) “tout à fait dés- général. Et sans doute ne peut-on plus
astreuse : un État délabré, bureau- se permettre de changer à la faveur de
cratique, interventionniste, centrali- crises, toujours coûteuses. Aussi faut-
sé, et une administration obsolète, il convaincre que le moment est venu.
inefficace et coûteuse” (in Lacasse et
3.2. Susciter le moment favorable
Verrier, 2003). En quatorze ans, la
dette publique était passée de 58 % Cela ne va pas de soi. À cela, une
à 125 % du PIB. Convaincue que explication revient : “Au sein des
l’on avait touché le fond, la coalition structures publiques, la pression en
de l’Olivier (centre gauche) a engagé faveur du changement n’existe pas, ou
en 1996 une réforme globale de l’É- du moins est bien distincte de ce
tat italien, conjuguant modernisa- qu’elle signifie dans le privé : la failli-
tion des structures gouvernementa- te ou la disparition. Dans le public, si
les, décentralisation, réorganisation une structure ne se réforme pas, elle
des services déconcentrés, bascule- fonctionnera un peu moins bien et en
ment de 85 % des fonctionnaires coûtant un peu plus cher, mais conti-
vers le régime normal du droit du nuera de fonctionner”. Pour le dire
travail, simplifications administrati- autrement : “dans le public, on vit
ves massives, certification de la qua- dans l’éternité”.
lité du service rendu, administration
électronique, etc. En moins de dix Sur quels leviers peut-on compter ?
ans, pour ne prendre que deux indi- Les entretiens réalisés mettent l’accent
cateurs, la dette publique a décru de sur trois en particulier : la force d’un
125 % à 106 % du PIB, tandis que diagnostic objectif, l’appel aux usa-
les appréciations positives des usa- gers et l’existence d’une date-butoir.

41
Seconde partie

Le diagnostic objectif Le diagnostic permet de mettre en


exergue et de faire partager les fac-
Un diagnostic lucide et sans détour de
teurs qui “poussent à la réforme” : ce
la situation d’une organisation aide à
peut être la situation budgétaire, la
convaincre que le moment du chan-
concurrence de l’administration
gement est venu. Les espaces organi-
concernée par d’autres acteurs privés
sationnels qui changent le moins sont
(cas de la DCN par d’autres indus-
d’ailleurs ceux qui évitent d’étudier
triels) ou publics (cas de la DREE par
leur situation et leur avenir possible. À
la Commission européenne ou le
l’inverse, le changement démarre lors-
Trésor) et l’émergence de nouvelles
qu’on décide de mener une réflexion
exigences chez les usagers.
lucide sur certains faits menaçants, ou
au contraire sur des éléments promet- L’expérience souligne que l’on gagne à
teurs à condition de les saisir. Un dia- distinguer les fonctions de diagnostic et
gnostic sur les possibilités qu’offrirait d’impulsion du changement. Le déci-
tel changement, ou sur les risques sionnaire peut ainsi s’appuyer sur un
qu’il permettrait d’éviter, peut suffire à tiers pour construire le diagnostic. Ce
créer ce moment de basculement où dernier peut, le cas échéant, y gagner
le changement, parce qu’il apparaît en objectivité et son récipiendaire
souhaitable, devient possible. La force conserver une indépendance. Dans cet
d’un tel diagnostic est de faire appa- esprit, des audits sont parfois confiés à
raître le statu quo comme moins inté- des cabinets de conseil – cf. infra, sec-
ressant que le changement, même si tion 6. Le diagnostic peut aussi être
celui-ci, à ce stade, peut encore inté- confié à des fonctionnaires issus d’au-
grer beaucoup d’inconnu. tres administrations, éventuellement
avec la contribution d’autres parties
Un diagnostic déclenche le change- prenantes, en particulier les usagers.
ment chez Nissan – Le constructeur
japonais venait d’enregistrer neuf La pression des usagers
exercices déficitaires en dix ans.
L’entreprise, proche de la cessation de Les attentes de l’usager sont un levier
paiement, connaissait une situation essentiel pour enclencher le change-
d’urgence absolue, mais encore fal- ment. Deux des cas étudiés en témoi-
lait-il accepter de le dire sans détour : gnent particulièrement.
“Nissan avait atteint un point de non-
retour”. C’est ce qu’il s’agissait de Le rôle des usagers dans la réforme
faire comprendre et admettre à l’en- de l’ANPE – Le premier élément sur
semble des parties prenantes. Cela se lequel Michel Bon (directeur général
révéla la meilleure façon de déclen- de 1993 à 1995) s’est appuyé pour
cher les changements nécessaires. justifier la réforme fut l’insatisfaction
L’annonce officielle du plan fut le des usagers, tant les demandeurs
moment d’un diagnostic sans fard de d’emploi que les entreprises. Lors de
la situation de l’entreprise (alors sa nomination, un sondage sur l’ima-
endettée de 20 milliards d’euros). Le ge des services publics plaçait l’ANPE
choc de l’annonce faisait partie de la au dernier rang, avec 2 % d’avis favo-
thérapie : pour Carlos Ghosn, “si vous rable. “Ce chiffre constitua pour moi
ne criez pas au feu, mais si vous vous un baromètre essentiel,” explique M.
contentez de dire : tiens, il fait très Bon, qui encadra ce sondage dans
chaud et peut-être qu’il y a des flam- son bureau et y faisait référence avec
mes quelque part, cela ne peut pas ses interlocuteurs chaque fois que
marcher”. nécessaire. À la fois objectif et indica-

42
Tirer les leçons du terrain : six composantes clefs

teur concret de l’avancée des réfor- déclenchement du changement. Mais


mes, la satisfaction des usagers de le cas de la réforme des Douanes, ren-
l’ANPE a été à la base de l’ensemble due incontournable par une échéance
des mesures prises, qu’il s’agisse de la extérieure, reste rare.
réorganisation spatiale des agences,
du changement de statut des agents ou C’est pourquoi, lorsque cette date
encore du processus de qualification butoir n’existe pas, conviendrait-il de
des agences. Par exemple, l’ouverture se la donner, avec les dispositifs
en continu des agences locales consti- opportuns en l’espèce – budgétaires,
tuait un “bouleversement des habitu- réglementaires, politiques ou média-
des administrative qui empoisonnait tiques. Une date éminemment symbo-
tout le monde ; tout le monde, sauf le lique peut aussi aider à “borner l’hori-
client” (Michel Bernard, directeur zon”. Ce fut le cas pour la conduite
général de 1995 à 2005). des travaux sur le site de La Villette à
Paris : l’inauguration de la Cité des
À la DCN, l’usager, c’est l’État – Si le sciences et de l’industrie devait impé-
changement a pu s’appuyer sur un rativement avoir lieu le jour du passa-
groupe de personnes convaincues que ge de la comète de Halley, soit le 13
la survie de la structure dépendait de sa mars 1986. Là encore, la prospective
réforme, la majorité du personnel ne peut aider à anticiper les faits porteurs
l’entendit d’abord pas ainsi. Mais en d’avenir et potentiellement lourds
1998, la Marine nationale, principal d’une échéance qu’il faudrait alors,
client de la DCN, décida, pour la répa- selon une sorte de principe de pré-
ration d’un pétrolier ravitailleur, de caution, considérer comme telle.
mettre la DCN en concurrence avec
une société privée de Marseille. Cet Choisir le moment opportun ne signi-
événement provoqua une grève des fie donc nullement qu’il faut l’atten-
personnels de l’arsenal de Toulon ; le dre ad vitam aeternam. On peut le
ministre de la Défense, Alain Richard, créer, en réunir les conditions. Et,
profita de l’épisode pour donner “une lorsque cela s’avère impossible pour
leçon de choses” à ses interlocuteurs l’heure, s’abstenir plutôt que de courir
de la DCN sur le mode : “attention, à un échec qui gèlera pour longtemps
vous n’êtes pas irremplaçables”. les possibilités de changement.

Cet aspect va au-delà du désormais tra- Facteurs d’échec


ditionnel thème selon lequel l’adminis- • Ne pas se donner les moyens d’anti-
tration doit traiter aussi bien ceux qui ciper.
font appel à elle qu’une entreprise ses
clients. En effet, l’usager de l’adminis- • Attendre ad vitam aeternam le
tration n’est pas un client dans la mesu- moment le plus opportun.
re où, contrairement à ce dernier, il n’a • Ne pas suffisamment faire ressentir
pas le choix de son prestataire. l’urgence du changement.
L’exigence est donc distincte du marke-
ting : il ne s’agit pas de satisfaire l’usa- Facteurs de succès
ger parce que il serait un client, mais
• Soigner le diagnostic ; y consacrer
parce que la satisfaction de l’usager est
du temps ; le faire établir par un
une raison d’être du service public.
acteur tiers, neutre ; y faire réagir cha-
Une date butoir cun.
L’existence d’une date butoir constitue • Élargir le cercle des parties prenan-
un troisième facteur décisif dans le tes : agents, élus, “sages,” grand

43
Seconde partie

public ; faire en particulier entrer dans


Volonté politique et commissions de
le jeu les usagers et leurs attentes.
sages : l’exemple du Rincho au Japon
• Fixer ou faire fixer une date-butoir – De 1981 à 1983, au Japon, un puis-
susceptible de s’imposer à tous. sant mouvement de réformes est né
des travaux d’une commission de
Un projet solide, répondant aux haut niveau, le Rincho, composée de
caractéristiques du terrain comme aux neuf personnalités indépendantes
enjeux du moment, ne suffit pas s’il (universitaires, anciens hauts fonc-
n’est pas porté par une volonté poli- tionnaires, industriels, syndicalistes),
tique. choisies intuitu personae, et dispo-
sant d’un puissant secrétariat. La for-
4. Une volonté politique, mule de la “commission de sages” est
à maintenir fréquente en France, depuis la mis-
sion Picq en 1994 jusqu’au rapport
De l’avis unanime des personnes ren- Camdessus de 2004. Mais la ré-
contrées, le changement dans le sec- flexion et la concertation qui résul-
teur public a besoin d’être porté par tent de ces travaux, pour intéressan-
une volonté politique. Celle-ci se tra- tes qu’elles soient, risquent de rester
duit par l’engagement de personnali- lettre morte si la commission ne
tés politiques et par le lien de confian- bénéficie, dès sa formation, de l’en-
ce qu’elles entretiennent avec les gagement public et solennel d’une
responsables administratifs chargés de haute autorité politique. En l’espèce,
mener le changement (4.1.) ; mais grâce à la médiatisation continue des
cette volonté politique gagnerait à travaux du Rincho vers le grand pu-
s’institutionnaliser de façon stable blic, le Japon tout entier savait que
dans l’appareil gouvernemental (4.2.). cette commission bénéficiait de l’ap-
pui personnel du Premier ministre
4.1. L’engagement Nakasone et que la réforme adminis-
trative serait la tâche essentielle de
de l’autorité politique
son gouvernement, lequel dura en
outre cinq années. De fait, le Rincho
Un facteur indubitable de succès est
a permis de réels résultats (réorgani-
l’engagement résolu, public et cons-
sation profonde d’une dizaine de
tant de l’autorité politique concernée.
ministères, création d’une agence
Cela apporte un surcroît de légitimité
centrale de management, plans de
au changement projeté, surtout si celui-
réduction du personnel, blocage des
ci résulte d’un engagement pris devant
dépenses budgétaires).
la représentation nationale. Cet appui
permet une meilleure position lors des
négociations budgétaires internes à En France, sans doute depuis Michel
l’administration. Il offre une garantie Rocard et son action en faveur du
supplémentaire contre les remises en “renouveau du secteur public,”,
cause du changement, en interne ou en aucun Premier ministre n’a choisi de
externe. Il offre une plus grande visibi- s’engager personnellement, publique-
lité au changement et à l’organisation ment et obstinément sur le dossier de
qui l’entreprend, ce qui est en soi sour- la modernisation publique au point
ce de motivation et de mouvement. En d’en faire un des tout premiers enjeux
amont, il donne sa crédibilité aux tra- pour l’ensemble de son gouverne-
vaux préparatoires qui sinon resteraient ment. C’est pourtant essentiel, et en
lettre morte, comme en témoigne témoignent les exemples évoqués par
l’exemple du Rincho au Japon. les experts étrangers rencontrés :

44
Tirer les leçons du terrain : six composantes clefs

depuis Yasuhiro Nakasone au Japon


jusqu’à Jean Chrétien au Canada en Volonté et continuité politique en
passant par le vice-président Al Gore Italie – La réforme profonde et globale
aux États-Unis – au moment de la engagée au milieu des années 1990
National Performance Review – ou s’est heurtée à de fortes résistances. Au
Göran Persson en Suède. Ce dernier, nombre des facteurs ayant permis le
au pouvoir depuis neuf ans, tend à succès, Franco Bassanini souligne “le
démontrer que contrairement au rôle fondamental [joué] par le Premier
choix cornélien présenté par Roger ministre. Les trois Premiers ministres,
(11) Le Monde, 11 juin 2004. Fauroux et Bernard Spitz – “faire ou au cours de ces années [de 1996 à
(12) Michel Rocard souligne avec durer en politique” 11 –, l’enjeu est 2001] (Romano Prodi, Massimo
ironie : “je ne connais point D’Alema et Giuliano Amato), ont tou-
bien de faire pour durer.
de réforme sérieuse qui soit capable jours montré un strong commitment,
de donner des résultats électorale- un grand intérêt pour la réforme et un
ment enregistrables avant l’élection Au quotidien, cet appui politique
trouve sa traduction dans la proximité très fort engagement personnel :
prochaine” (Oser la réforme, op. cit.).
qu’entretient l’acteur clef de la réfor- l’énergique appui qu’ils ont donné au
(13) De là provient aussi la schizo-
phrénie suivante, remarquable chez me avec sa tutelle politique. Par ministre de l’Administration publique
bien des élus : députés, ils exigent à exemple, Jean-Dominique Comolli, et de la Réforme de l’État a constitué
Paris des changements radicaux… directeur général des Douanes, avait un facteur décisif de succès” (in
dont ils sont les premiers à refuser été directeur de cabinet de Michel Lacasse et Verrier, p. 63).
les conséquences dans les villes
Charasse, ministre du Budget et char-
ou les départements dont ils sont
également les élus.
gé de cette même administration ; de Une voie privilégiée pour garantir
même, Jean-François Stoll à la DREE a cette continuité consiste à rechercher
pu compter sur le soutien du ministre dès le départ un soutien bipartisan.
de l’Économie de l’époque, Domini- Ce fut le cas pour la LOLF, portée par
que Strauss-Kahn. Reste que le sou- le tandem Migaud-Lambert, et votée à
tien ne doit pas se transformer en l’unanimité des parlementaires ; les
“marquage” politique, qui pourrait opposants à la réforme ne pouvaient
alors conduire à sa remise en cause plus parier sur une remise en cause
en fonction des alternances poli- lors de la prochaine alternance. Une
tiques. éventuelle réforme des corps de la
fonction publique d’État, compte tenu
La continuité dans la volonté est de son importance, mériterait que le
essentielle. Pour Francis Mer, “l’hori- même appui bipartisan soit recherché
zon de temps à se fixer est long, car et obtenu.
on ne sait pas bouger vite. Il faut bou-
ger tout de suite, mais de façon conti- Cette continuité reste difficile à main-
nue”. En témoignent notamment les tenir, tant la réforme et la politique ont
réformes intervenues dans le périmè- chacune leur temporalité et suivent
tre de la Défense à partir des années des logiques différentes, parfois incom-
1990, en dépit des alternances poli- patibles 12. En bref, la vie politique est
tiques rapprochées. Alain Oudot de trop souvent soumise à un horizon de
Dainville, major général de la Marine, court terme ; elle est dominée par l’ur-
souligne que la réussite de la réforme gence, rythmée par les enjeux électo-
de la DCN tient en partie à “la conti- raux et médiatiques, donc par la néces-
nuité politique de Pierre Joxe à sité de faire valoir des résultats rapi-
Michèle Alliot-Marie en passant par des. 13 Au contraire, la temporalité de
Alain Richard, lequel a pu compter la réforme se déploie sur le long terme
sur la durée” (cinq ans), Francis Mer et dans la continuité : “Changer vrai-
ayant également apporté son appui en ment impose de changer la psycholo-
tant que ministre des Finances. gie des gens, ce qui requiert du temps,”

45
Seconde partie

note Michel Bernard. Le changement cette même “réforme de l’État”. Celle-ci


est un processus long qui implique un a besoin, avant tout, de continuité d’ac-
engagement dans la durée, même si les tion. On ne peut que rejoindre le cons-
gains sont incertains à court terme, ce tat, déjà fait maintes fois ailleurs, de la
qui peut être coûteux politiquement. nécessaire stabilisation du nombre et
Le jeu se complique encore si on y du périmètre des ministères.
ajoute la temporalité médiatique et ses
exigences simplificatrices.
La valse des dispositifs sous la
IVe République – L’échec de la réfor-
Face aux médias, mettre le temps de me de l’État sous la IVe République
son côté – Pour Michel Rocard, “les tient pour beaucoup à l’instabilité des
médias appellent réforme un acte dispositifs chargés de l’analyser et de
public parlementaire, longuement la mettre en œuvre. Des politiques
disputé, brutalement conflictuel et volontaristes se sont succédé mais sont
hautement symbolique, destiné à restées à l’état de projet en raison de
changer l’avenir. Quelque acte qui ne l’absence de suivi. Chaque gouverne-
répond pas à ces conditions et qui ne ment entreprit son propre programme
prétend pas à une intention aussi de réformes et mit en place une struc-
vaste, ne mérite pas l’appellation de ture pour l’animer, d’où d’innombra-
réforme. Ce rétrécissement du champ bles comités et commissions : le
est d’autant plus stupide que l’essen- Comité de la réforme administrative et
tiel de ce qui se réforme le fait lente- le Comité central d’enquête sur le coût
ment : il n’y a de réforme que si on et le rendement des services publics
met le temps de son côté” (Oser la en 1946, l’Institut technique des admi-
réforme, op. cit.). nistrations publiques en 1947, la
Commission nationale d’économie en
Tout cela concourt à souhaiter l’ancra- 1950, le Groupe d’études pour la
ge de la modernisation de l’État dans réforme administrative en 1952, le
un dispositif institutionnel stable. Comité exécutif de la réforme admi-
nistrative en 1953, le Commissariat
4.2. La question général à la productivité en 1954,
remplacé en 1959 par le Service cen-
du rattachement institutionnel
tral d’organisation et de méthodes, le
de la réforme de l’État
Comité de déconcentration en 1955,
le Conseil supérieur de la réforme
Cette question ne doit être ni suresti-
administrative en 1956, etc.
mée, ni sous-estimée. Certains objec-
teront qu’elle n’est pas essentielle ; on
soulignera au contraire qu’elle a son Le dispositif actuel
importance, au même titre que les au- Le dispositif actuel, complexe, est en
tres composantes étudiées ici, et qu’il évolution en raison de deux décisions
serait contre-productif d’ignorer l’une importantes prises par le gouverne-
ou l’autre. C’est un faisceau qu’il faut ment.
construire.
La plus récente a consisté à annoncer,
Une chose est sûre, et forme un para- le 27 juillet 2005, la création d’une
doxe qui n’est qu’apparent : le change- Direction générale de la modernisa-
ment a besoin de stabilité. Il ne faudrait tion de l’État. Placée sous l’autorité
pas que la seule “réforme de l’État” directe du ministre délégué au Budget
consiste à modifier tous les dix-huit et à la Réforme de l’État, elle reprend
mois les structures supposées porter les attributions de la Direction de la

46
Tirer les leçons du terrain : six composantes clefs

réforme budgétaire et réunit en outre tère de l’Économie, des Finances et de


trois agences : la Délégation de la l’Industrie, dont la puissance tradition-
modernisation de la gestion publique nelle au sein du système gouverne-
et des structures de l’État (DMGPSE), mental pourrait profiter à l’impulsion
la Délégation aux usagers et aux sim- réformatrice.
plifications administratives (DUSA) et
l’Agence pour le développement de Ces avantages ne semblent cependant
l’administration électronique (ADAE). pas devoir l’emporter sur les inconvé-
nients associés à cette formule. Tout
Il est bienvenu de réunir dans un seul d’abord, la modernisation de l’État est
système des acteurs travaillant dans un une question de première importance,
même champ, même si cela ne s’ap- dont les chantiers sont nombreux, et à
parente qu’à un aller-retour : les trois laquelle doit par conséquent se consa-
agences désormais regroupées résul- crer un ministre à part entière. À
taient d’un découpage, effectué par le l’heure actuelle, force est de constater
gouvernement Raffarin, de missions qu’une seule personne est à la fois
dévolues à l’ancien Commissariat à la ministre du Budget – et ce au moment
réforme de l’État, créé par le gouver- où la LOLF se met en place –, ministre
nement Juppé en 1995, et auquel avait de la Réforme de l’État et porte-parole
succédé la Délégation interministé- du gouvernement, ce qui représente
rielle à la réforme de l’État (DIRE). trois fonctions importantes ; d’autant
L’autre décision, lors de la nomina- que s’y ajoutent, en l’espèce, un man-
tion des membres du gouvernement dat de maire-adjoint d’une ville de
actuel et de la signature de leurs déc- 50 000 habitants et un mandat de
rets d’attribution, a consisté à ratta- conseiller régional.
cher au ministère du Budget la réfor-
me de l’État, précédemment associée En second lieu, de même qu’il était
au ministère de la Fonction publique. anormal que la modernisation de l’État
soit confondue avec les questions rela-
Ce choix présente deux avantages et tives à la seule fonction publique, de
deux inconvénients. Du côté des même il serait contre-productif qu’elle
avantages, la réforme de l’État ne se se confonde avec une approche pure-
confond plus avec les questions de la ment budgétaire.
Fonction publique : rattacher la pre-
mière aux secondes, c’était réduire Ce même choix a déjà été fait à
une ambition transversale à un seul l’étranger, en particulier au début des
champ. La fonction publique – son années 1980 aux États-Unis, où la
organisation, ses règles, la répartition fonction de réforme de l’État et de sti-
de ses forces – est le terrain privilégié mulation du management public avait
de la réforme de l’État, mais elle n’en été confiée à une puissante direction
est pas la finalité. Concrètement, le du Budget. L’analyse qu’a faite Michel
ministre chargé à la fois de la réforme Crozier (1988, p. 17-20), avec d’au-
de l’État et de la fonction publique tres, de ce choix est sans appel : “au
semble en porte-à-faux, constamment sein du Budget, les fonctions de
partagé entre des fonctions de gestion, management qui sont d’ordre qualita-
dont l’expérience prouve qu’elles l’ac- tif et à moyen ou long terme semblent
caparent en général, et des fonctions complètement étouffées par les fonc-
de conception et d’impulsion. Surtout, tions budgétaires à court terme qui
son autorité au niveau interministériel sont en fait purement quantitatives
est insuffisante. Désormais, la réforme (…) Après une quinzaine d’années
de l’État rejoint le périmètre du minis- d’expérience, l’échec paraît flagrant

47
Seconde partie

pour tous les observateurs”. Et de Delmas, qui nomme en juin 1969


conclure : “on peut écarter de façon Philippe Malaud secrétaire d’État
générale la solution qui consiste à auprès du Premier ministre, chargé de
fusionner l’agence de management la Fonction publique et des Réformes
avec le Budget”. C’est pourtant le administratives, puis, en janvier 1971,
choix qui vient d’être fait en France. Roger Frey, ministre d’État, ministre
chargé des Réformes administratives,
Chaque contexte étant spécifique, on jusqu’en juillet 1972. À une brève
ne peut exclure que cette formule exception près, le sujet n’apparaît plus
connaisse un succès ; mais la probabi- dans les intitulés ministériels jusqu’en
lité est forte que les préoccupations octobre 1980 : Jean-François Deniau
quantitatives et privilégiant le court est alors nommé ministre délégué
terme chassent les préoccupations auprès du Premier ministre (Raymond
qualitatives et managériales indispen- Barre), chargé des Réformes adminis-
sables à la modernisation de l’État sur tratives. À partir de juin 1981, Anicet
le long terme. Sous la pression des Le Pors occupe le même positionne-
déficits publics, le risque est accru que ment, la Fonction publique en plus.
ce ministère privilégie les économies De 1986 à 1988, Camille Cabana est
de court terme là où il faudrait recher- ministre délégué auprès du Premier
cher des améliorations durables, y ministre, chargé de la Réforme admi-
compris au prix d’un investissement à nistrative. Depuis 1988, le sujet a
court terme. Enfin, son travail pourrait connu des appellations diverses :
être en partie déconnecté d’autres “réformes administratives,” “moderni-
champs pourtant essentiels de la réfor- sation de l’administration,” la “réforme
me de l’État : la décentralisation, la de l’État” étant de mise depuis 1995.
déconcentration, l’innovation, l’éva- Le sujet est porté par des ministres de
luation des politiques publiques, la différents niveaux (ministre d’État de
réforme de l’emploi public, etc. 1988 à 1993, puis ministre, secondé
d’un secrétaire d’État entre 2002 et
Quel serait, alors, un dispositif préfé- juin 2005). Depuis 1995, neuf minist-
rable ? res ont eu en charge le sujet : MM.
Claude Goasguen, Dominique
Pour un ministre délégué auprès du
Perben, Emile Zucarelli, Michel Sapin,
Premier ministre, chargé de la
Jean-Paul Delevoye et Henri Plagnol
Modernisation de l’État
(secrétaire d’État), Renaud Dutreil et
Un rappel du rattachement institution- Eric Woerth (secrétaire d’État), enfin
nel de la réforme de l’État depuis 1958 Jean-François Copé (source : DGAFP).
peut utilement éclairer le sujet.
Trois remarques peuvent être faites. La
Le rattachement institutionnel de la réforme de l’État a été placée à plusieurs
réforme de l’État sous la Ve Répu- reprises directement auprès du Premier
blique – Le sujet apparaît explicite- ministre, mais cela n’a plus jamais été le
ment en janvier 1963, sous le gouver- cas depuis 1988. Depuis 1986, le sujet
nement de Georges Pompidou, Louis n’a plus jamais constitué un portefeuille
Joxe étant nommé ministre d’État, ministériel à part entière, étant relié à la
ministre de la Réforme administrative, fonction publique ainsi, de mai 1995 à
jusqu’en avril 1967 ; Edmond avril 2000 et de mai 2002 à mars 2004,
Michelet lui succède au même rang qu’à la décentralisation ou à l’aménage-
avec en outre la fonction publique. Le ment du territoire. Enfin, au cours des
sujet disparaît en mai 1968 pour refai- dix dernières années, pas moins de neuf
re surface avec Jacques Chaban- ministres ont eu en charge le sujet.

48
Tirer les leçons du terrain : six composantes clefs

Morcelée parmi d’autres champs alors – dans le travail gouvernemental, la


qu’elle est une exigence transversale, réforme de l’État bénéficierait d’un
portée par des ministres n’apparaissant surcroît d’autorité politique ;
plus aux premiers rangs du gouverne-
– la continuité de l’effort pourrait être
ment et se succédant à un rythme trop
mieux assurée ;
rapide, la réforme de l’État ne bénéfi-
cie plus d’un ancrage favorable au – l’affichage politique serait meilleur,
sein de l’appareil gouvernemental. à destination du Parlement et des
citoyens ;
Sans trancher le débat, il est intéressant
– un ministre s’y consacrerait à part
aussi d’observer le rattachement insti-
entière.
tutionnel chez nos voisins européens.
Si l’on s’en tient aux quinze États mem-
Ce ministre délégué disposerait pour
bres que comptait l’Union européenne
son action de l’ensemble des agences
avant son élargissement du 1er mai
intervenant dans le champ. Pour les
2004, cinq modes de rattachement
questions de réforme de l’État, il serait
apparaissent :
le “chef de file” de l’équipe formée
– le rattachement direct au Premier avec ses collègues chargés du Budget
ministre : Autriche, Belgique, Irlande, et de la Fonction publique.
Portugal, Royaume-Uni ;
Pour assurer la continuité de l’action
– le rattachement au ministère de
dans sa dimension technique et admi-
l’Intérieur : Allemagne, Grèce, Pays-
nistrative – en deçà du politique –, il
Bas ;
faut “placer, aux côtés des ministres
– le rattachement au ministère des politiques, des ministres administra-
Finances : Danemark, Finlande, France tifs, c’est-à-dire des secrétaires géné-
(depuis juin 2005) ; raux, dotés d’un vrai pouvoir et pour
longtemps,” comme cela se fait de
– le rattachement au ministère de la
longue date en Grande-Bretagne, en
Fonction publique : Espagne, Italie,
Suède ou au Canada (avec le titre de
Luxembourg ;
“sous-ministres”). Ce mouvement,
– une agence spécialisée en Suède. amorcé avec la création des postes de
secrétaire général dans les ministères,
Compte tenu de tout ce qui précède, il doit s’achever. Dans chaque ministè-
conviendrait d’instituer un ministre re, un secrétaire général, assisté d’un
délégué auprès du Premier ministre, adjoint spécialement chargé de la
chargé de la Modernisation de l’État. modernisation, et ayant autorité sur les
Du point de vue sémantique, et les directions, doit pouvoir s’appuyer sur
mots ont leur importance, la “moder- une équipe projet dédiée.
nisation de l’État” gagnerait à se sub-
stituer à la “réforme de l’État” : on Le travail interministériel des secré-
réforme un matériel devenu inutilisa- taires généraux doit être amplifié,
ble, tandis que la modernisation tra- sous l’impulsion du ministre délégué
duit mieux le mouvement continu qui auprès du Premier ministre, chargé de
doit animer l’État. Du point de vue la Modernisation de l’État.
institutionnel, cette configuration pré-
senterait plusieurs avantages : Facteurs d’échec
– le caractère transversal et interminis- • L’absence de volonté politique et
tériel de la réforme de l’État serait d’engagement personnel de l’autorité
mieux assuré ; politique compétente.

49
Seconde partie

• Le manque de contact entre l’autori- me, en légitimité ou en autorité – élé-


té politique et les responsables admi- ments impossibles à quantifier, mais
nistratifs chargés d’animer le change- qui n’en sont pas moins déterminants.
ment, notamment si un cabinet fait Il s’agit de celui ou celle à qui revient
écran entre un ministre et un directeur la responsabilité de conduire le chan-
d’administration centrale. gement, et avec qui celui-ci finit sou-
vent par s’identifier. L’équation per-
• La faible longévité – et parfois la fai-
sonnelle est clef ; d’ailleurs, bien des
ble disponibilité – des titulaires du
changements ne commencent qu’avec
portefeuille de la réforme de l’État.
la nomination d’une nouvelle person-
Facteurs de succès ne à la tête d’une organisation. Les
nominations aux postes de direction
• Un engagement fort, public, constant devraient d’ailleurs se faire au terme
et personnel au plus haut niveau poli- d’une procédure permettant aux can-
tique possible. didats de se déclarer publiquement et
• Un appui politique bi-partisan au de présenter, devant un collège à défi-
Parlement. nir, leur projet pour le service en ques-
tion.
Propositions
Dans l’esprit de ceux qui les ont vécus,
• Instituer un ministre délégué auprès les changements intervenus à la DREE,
du Premier ministre, chargé de la chez Nissan, à la DCN ou à la DGA
Modernisation de l’État. Le ministre sont inséparables, respectivement, des
exerce cette mission à plein temps, personnalités de Jean-François Stoll,
sans cumul. Carlos Ghosn, Jean-Marie Poimboeuf
• Lui confier la responsabilité d’animer, et Jean-Yves Helmer.
pour ce qui concerne la modernisation
publique, le travail interministériel de Le choix de Louis Schweitzer pour
tous les secrétaires généraux des minis- changer Nissan – Avant de signer l’al-
tères. liance avec Nissan, le président-direc-
teur général de Renault, Louis
5. Des hommes et des femmes Schweitzer, s’est adressé à Carlos
Ghosn en ces termes : “Je n’ai qu’un
La cinquième composante semble la candidat pour ce travail. Ce qui veut
plus décisive et la plus délicate à maî- dire que si vous n’y allez pas, je ne
triser : les hommes et les femmes par signe pas”. Carlos Ghosn était pour
qui le changement se réalise. Il s’agit, Louis Schweitzer la condition sine qua
de façon schématique, de celui ou non de l’opération. D’origine libanai-
celle qui donne l’impulsion du chan- se et né au Brésil, Carlos Ghosn a fait
gement et qui l’incarne (5.1.), de son ses études en France avant de travailler
équipe rapprochée (5.2.) et, naturelle- au Brésil et aux États-Unis. Au-delà de
ment, de tous les agents appelés à cette expérience multiculturelle essen-
mettre en œuvre la réforme (5.3). tielle pour “passer d’une culture à
l’autre,” il avait déjà mené avec succès
5.1. Choisir un leader des projets de restructuration, notam-
pour porter le changement ment le “Plan 20 milliards” chez
Renault. Enfin, il avait compté parmi
Pour le meilleur ou pour le pire, un les premiers à apporter son soutien au
changement tend à s’incarner dans une projet, alors très controversé, d’allian-
figure, plus ou moins dotée en charis- ce avec Nissan.

50
Tirer les leçons du terrain : six composantes clefs

Or tout changement de direction


Un leadership d’un nouveau style à
n’implique pas forcément une nouvel-
la DGA – En 1996 fut nommé à la
le réforme. Et les cas étudiés le souli-
tête de la DGA Jean-Yves Helmer.
gnent : le bon leader ne reste pas un
Celui-ci, ingénieur, disposant d’une
homme (ou une femme) seul(e).
expérience de 25 ans dans l’industrie
automobile et maîtrisant les proces- 5.2. Réunir une équipe rapprochée
sus de restructuration qui y ont per-
mis les augmentations de productivi- Réussir un changement, c’est d’abord
té que l’on connaît, est arrivé seul à construire la bonne équipe. Cette
la DGA, dans une maison tradition- “garde rapprochée” peut être réunie
nellement dirigée par les ingénieurs en interne ou en faisant appel à des
de l’armement. Il a modifié la struc- personnes d’autres administrations. La
ture de direction, instauré le vouvoie- mobilité inter-administrative est à cet
ment (c’est-à-dire “la distance qui égard nécessaire mais se heurte sou-
permet de commander”), déménagé vent à la gestion des effectifs et au sys-
tous les directeurs pour les avoir à tème des corps. Elle peut aussi faire
côté de lui, au même étage, et ainsi appel à des équipes de consultants,
“s’imposer aux barons de la DGA”. comme ce fut le cas à la DCN.

La faculté laissée au dirigeant de choi-


En la matière, la notion de leadership
sir son équipe est essentielle, y compris
semble aussi importante que délicate
en dehors des hiérarchies habituelles.
à définir : elle rassemble une capacité
Carlos Ghosn s’est entouré d’une équi-
à faire partager une vision, à assurer la
pe restreinte, qu’il a pu constituer selon
cohésion d’une équipe, à impulser un
ses vœux, grâce à l’appui de Louis
rythme, à écouter, à décider, à délé-
Schweitzer : “C’est vous qui choisirez
guer, à motiver des individus, etc. Il
votre équipe. C’est tellement important
n’est pas anodin que la question du
qu’il est indispensable que vous vous
leadership, outre qu’elle n’a pas de
sentiez en confiance avec ceux et cel-
traduction satisfaisante en français,
les qui vous accompagneront”.
soit absente des cursus de formation
dans les écoles d’application de l’État.
Dans d’autres pays européens ou Carlos Ghosn forme son équipe – Un
occidentaux, le leadership est un petit groupe a été sélectionné de mars
champ académique à part entière, à juillet 1999 : 17 noms sur la pre-
sujet de recherche et d’enseignement, mière liste qui deviendront une tren-
donc de transmission. En Suède, le taine au fil des mois. “Trente hommes
rôle du leadership dans la conduite du et femmes pour faire changer de cap à
changement est particulièrement un colosse employant 140 000 per-
reconnu (Crozier, p. 25-27). Aux États- sonnes dans le monde”. Ces person-
Unis, pour ne donner qu’un exemple, nes ont été choisies intuitu personae
un professeur aussi important que en fonction de quatre critères : la
James March a, des années durant, compétence (pour répondre aux dys-
réfléchi avec ses élèves de l’université fonctionnements majeurs repérés
de Stanford sur le sens du leadership, chez Nissan), l’enthousiasme (“quand
(14) MARCH (J.) et WEIL (T.), à travers les œuvres de Shakespeare, ils étaient hésitants, j’abandonnais
Le leadership dans les organisations, Cervantès ou Tolstoï .
14
tout de suite”), l’ouverture (“quelles
préface de J.-C. THOENIG, Paris, que soient la compétence de la per-
Presses de l’École des Mines En retour, le risque de cette personna- sonne et sa motivation, si j’avais le
de Paris, 2003. lisation est que tout nouveau respon- moindre soupçon d’une fermeture
sable veuille conduire “sa” réforme. d’esprit sur le plan culturel (…) elle

51
Seconde partie

était écartée d’office”) et venir de chez moins bien à une notation “scolaire,”
Renault (“il était indispensable que les impliqueraient que l’ENA soit libérée
gens qui venaient chez Nissan de la contrainte du classement. Afin
connaissent bien Renault”). Une fois d’en dédramatiser l’importance, le
la liste arrêtée, l’équipe a suivi un recrutement dans les grands corps
séminaire intensif de 48 heures consa- gagnerait à n’intervenir que dans un
cré à la découverte du Japon et desti- second temps, par exemple au retour
né à souder ses membres. Une fois sur de la mobilité, et sous la forme d’un
place, l’adaptation de chacun n’a pas concours interne.
été facile, d’autant moins qu’il fallait
La constitution de l’équipe soulève
éviter de créer un “clan de Français,”
aussi la question de son lien avec l’or-
distinct des autres salariés. Carlos
ganigramme habituel de l’organisa-
Ghosn réunissait son équipe deux fois
tion à transformer. Il n’y a pas de règle
par an dans un endroit discret pour
absolue, mais le fonctionnement “en
“soutenir le moral des troupes”.
mode projet,” pour gagner en rapidité
d’exécution, semble privilégié.
La constitution de l’équipe pose la
question de la formation intellectuelle
Des structures ad hoc pour conduire
de ses membres. En dépit de lieux d’ex-
le changement – En 1995, la SEITA a
cellence, la conduite du changement
mis en place des “task forces” pour
dans le secteur public ne bénéficie pas
préparer la privatisation dans trois
en France d’un réseau suffisamment
domaines précis : la communication,
étoffé où échangeraient chercheurs et
les ressources humaines et les ques-
praticiens. Un modèle abouti est celui
tions financières. Les trois cellules se
de la Kennedy School of Governement
réunissaient pour traiter des sujets
de l’université de Harvard, aux États- transversaux. Il s’agissait de petites
Unis. Cette institution remplit simulta- équipes (pour éviter “la tour de
nément les fonctions d’institut de Babel”), composées de membres de la
recherches – avec des publications –, direction et de leurs proches collabo-
de centre de formation initiale et sur- rateurs. Ces personnes ont été choisies
tout permanente, enfin de fondation pour leur expérience dans l’entreprise
disposant de moyens financier permet- (carrière longue à différents postes, y
tant d’encourager directement des compris dans les usines). Elles s’étaient
innovations sur le terrain. imprégnées des réactions et des atten-
tes des personnels sur le terrain. Ces
La réforme de l’ENA est à cet égard
groupes avaient toute liberté pour faire
prometteuse. Sous la houlette de son
appel à des consultants extérieurs ou
directeur, Antoine Durlemann, le nou-
interroger le personnel de l’entreprise.
veau cursus, inauguré par la promo-
tion 2006-2008, établit un lien plus Pour préparer les Douanes à l’ouvertu-
fort entre pratiques administratives et re des frontières en 1993, une équipe
enseignements, au sein desquels l’ap- interne ad hoc fut montée à la
proche théorique et magistrale clas- DGDDI, composée de personnes
sique recule au profit des mises en dédiées à la réforme, avec un mandat
situation et des études de cas. Sans clair fixé par le directeur général. Cette
doute faut-il aller plus loin pour déve- équipe “projet” ne dépendait pas d’un
lopper la part, dans le cursus, des service, mais était rattachée auprès de
outils de management public et des la direction.
techniques de GRH, de négociation,
de communication, de gestion de pro- La continuité de ces équipes s’avère
jet ; mais ces enseignements, se prêtant essentielle à la constance de l’action,

52
Tirer les leçons du terrain : six composantes clefs

évoquée supra. C’est là un des princi- “Donner envie” de changer : cela peut
paux facteurs de réussite du change- renvoyer aux opposants à la réforme,
ment. Or, remaniements ministériels qui sont en fait moins nombreux
et alternances politiques se traduisent qu’on ne le pense. Ils sont d’ailleurs
souvent par des changements de divisés en groupes aux motivations
direction, rompant la continuité des distinctes : (a) ceux qui estiment que
équipes et des réformes en cours. Il est le changement n’est pas nécessaire,
légitime qu’un nouveau pouvoir sou- (b) ceux qui se sentent menacés par le
haite imprimer sa marque et choisir sa changement prévu et (c) ceux qui crai-
direction. Mais trop de changements gnent de ne pas être capables de met-
engagés et bénéficiant d’un soutien tre en œuvre ce que leur confie le pro-
non partisan souffrent de ces ruptures. gramme de changement. Il faut surtout
C’est vrai en particulier en France, donner envie de changer aux scep-
estiment les experts étrangers interro- tiques, finalement les plus nombreux :
gés, en raison d’une part de la faible agents de la fonction publique et
longévité des gouvernements depuis citoyens devant lesquels on brandit de
1981 (hormis la période 1997-2002) façon récurrente le talisman de la
et, d’autre part, du rôle que les cabi- réforme de l’État, mais qui tardent à
nets ministériels occupent au détri- voir celle-ci se traduire dans les faits.
ment des directions permanentes des Le scepticisme est proportionnel à la
ministères. quantité de discours rabâchés sur “la
(15) Ce travers n’est d'ailleurs pas réforme de l’État” 15.
nouveau : André Tardieu, auteur 5.3. Motiver tous les agents
en 1934 d’un ouvrage remarqué
appelés à mettre en œuvre En amont, comment motiver, et ce
sur la réforme des institutions de la
Troisième République, L’heure de la la réforme dans les deux sens du terme ? Motiver
décision, le reconnaissait lui-même : la réforme : en faire partager les motifs,
quand un ministre veut être applaudi “Il faut donner aux gens envie de chan- mais aussi motiver concrètement ceux
à bon compte, il lui suffit d’annoncer ger, et maintenir cette envie” : tel est un qui devront la traduire en actes. Il a
“la réforme administrative”. des leitmotiv des entretiens. La ques- déjà été souligné combien il est impor-
tion centrale est celle de la motivation. tant de partager la vision qui justifie le
Sans motivation à tous les niveaux de la changement à venir. Cela se fait, rap-
structure, le changement sera très diffi- pelle un ancien ministre, “en mouillant
cile. Le problème est plus compliqué sa chemise : il faut parler aux direc-
encore : le changement prend du teurs, parler aussi aux troupes, et mon-
temps, mais il est difficile de maintenir trer l’exemple, car vous nettoyez un
un niveau élevé de motivation sur le escalier en commençant par la marche
long terme. C’est pourtant ce qu’il faut du haut”. De ce point de vue, il “faut
réussir, en amont, pendant puis en aval faire prendre conscience aux gens que
du changement. le changement ne signifie pas qu’avant,
‘ce n’était pas bien’”. Le changement
doit regarder de l’avant, non attribuer
La motivation et ses conditions –
des responsabilités sur ce qui ne fonc-
“Partout, si le cap, la destination, est
tionne pas bien.
simple, si les objectifs sont précis et
quantifiés, si la reconnaissance des
résultats obtenus est réelle, les gens “Donner constamment du positif et
vous croiront, et vous donneront un des perspectives aux agents” : le cas
de vos meilleurs atouts : leur motiva- des Douanes – En 1985, le Livre
tion” ; Carlos Ghosn, conférence à Blanc de la Commission européenne
l’IFRI, 5 mars 2004. sur l’achèvement du marché intérieur
s’opposait sans nuance à la présence

53
Seconde partie

douanière aux frontières, considérée


comme “la manifestation la plus Comment démotiver en quelques
éclatante de la division persistante mots – “Nous sommes à l’an I de la
de la Communauté” (Commissariat réforme de l’État” : cette formule
général du Plan, La France dans n’est pas seulement fausse, elle est
l’Europe de 1992). La presse relayait contre-productive. Fausse, car l’État
alors volontiers l’idée selon laquelle s’est déjà transformé à de multiples
“plus de frontière, donc plus de reprises et que la réforme de l’État
douaniers” (M. Charasse). J.-D. constitue un processus continu qui a
Comolli, alors DGDDI, se souvient déjà connu, par le passé, des temps
de “la pesanteur de l’atmosphère forts. Elle est aussi contre-productive,
extérieure” et du “sentiment d’aban- car elle envoie un signal démotivant
don” qui poussaient les douaniers à à tous ceux qui ont porté, ou portent
“rentrer la tête dans les épaules”. aujourd’hui, des projets de réformes
et s’entendent implicitement dire que
L’intuition, qui s’est révélée juste,
tout cela ne compte pour rien.
était que l’on ne pouvait conduire un
tel changement dans un contexte si
déprimé. L’espoir devait être ranimé En aval, comment valoriser une réfor-
puis constamment entretenu à tra- me réussie et ceux qui y ont pris part ?
vers un projet stratégique, donnant Se pose en particulier la question de la
aux agents la certitude que l’institu- promotion, comme récompense
tion se forgeait un avenir cohérent en concrète des agents ayant joué un rôle
se réformant. Cela a constitué un décisif dans un changement. On se
facteur de succès. La méthode heurte là à deux problèmes.
consistait notamment à communi-
quer à l’extérieur sur les succès des – Le premier renvoie à la place émi-
Douanes dans leurs nouvelles mis- nente du concours interne dans les
sions (en matière de saisie de stupé- mécanismes de promotion au sein de
fiants, de lutte contre les trafics), afin l’administration. Trop d’agents se
de valoriser aux yeux des douaniers voient renvoyés devant une copie
leur propre métier dans ses orienta- d’examen, alors que leur contribution
tions nouvelles et leur redonner un justifierait de l’avis de leur chef de ser-
“sentiment d’utilité”. vice une promotion directe, laquelle
est rarement possible. Une difficulté
similaire apparaît pour l’attribution de
Pendant la conduite du changement, il primes, compte tenu des mécanismes
faut prévenir “les chutes de moral”. À indiciaires et des grilles de rémunéra-
cet effet , il faut “pouvoir faire mesurer tion.
le changement aux personnels de
façon tangible et positive, et ce le plus – Le second problème se rencontre
vite possible” (Michel Scialom). Il faut aux échelons plus élevés de l’adminis-
pour cela organiser le processus de tration. Il concerne les conditions
changement de façon à ce qu’il fasse d’accès aux postes de responsabilité
apparaître, rapidement, de premiers (chef de service, directeur et directeur
résultats. Il ne suffit pas d’espérer l’ap- général). Des personnels d’encadre-
parition de premiers signes ; il faut, ment, ayant accompli la majeure par-
d’entrée de jeu, fixer certains objectifs tie de leur carrière dans un départe-
simples et vraisemblablement à portée ment ministériel et ayant positivement
lors des premiers mois. Le meilleur car- contribué à sa modernisation, ne peu-
burant du changement sont ses pre- vent pour autant accéder aux postes
miers résultats. de direction de ce même ministère

54
Tirer les leçons du terrain : six composantes clefs

auxquels leur expérience et leur com- changement, notamment en valorisant


pétence les destinent. En effet, ces les premiers résultats.
postes sont pourvus par décret en
conseil des ministres, sans procédure Propositions
préalable et transparente de dépôt de
• Introduire dans le cursus des écoles
candidature, donc sans audition et
du service public une réflexion, nour-
sans évaluation possible des projets de
rie de témoignages, sur le leadership,
service et des qualités personnelles
ses composantes et ses effets.
des candidats. Une forte proportion de
ces postes revient aux membres des • Inclure la conduite du changement
(16) Par exemple, un tiers des
conseillers d’État et la moitié grands corps de l’État (Conseil d’État, dans les cursus des écoles du service
des maîtres des requêtes sont Inspection générale des Finances, public. Amplifier l’échange d’expé-
actuellement en service à l’extérieur Cour des comptes) 16. Cette pratique, rience à la faveur de séminaires de
du Conseil d’État qui a peu d’équivalent à l’étranger, formation continue.
(source : www.conseil-etat.fr). n’est pas sans conséquence sur les
• Modifier les conditions de nomina-
perspectives de carrière des person-
tions aux postes de direction d’admi-
nels auxquels il vient d’être fait réfé-
nistration centrale, par une procédure
rence et, partant, sur leur motivation.
permettant aux intéressés de faire acte
Facteurs d’échec de candidature et de présenter leur
projet. Repérer, via les secrétaires
• Sous-estimer la personnalisation d’un généraux des ministères, de façon
changement, laquelle tend à rejeter les coordonnée et interministérielle, les
questions de fond à l’arrière-plan. cadres susceptibles de se voir confier
• Sous-estimer les effets dynamiques des missions de direction.
d’entraînement ou au contraire de
répulsion que peut provoquer celui ou 6. Un pilotage
celle dans lequel s’incarne le change-
ment. Piloter, c’est maintenir le cap dans la
• Croire que le changement est l’affai- durée jusqu’à ce que les objectifs
re d’un seul responsable. soient atteints. Cette sixième compo-
sante dans la conduite du changement
• Croire que la cohésion d’une équipe est celle qui permet de lier ensemble
de direction va de soi. les précédentes. Les acteurs interrogés
ont soulevé notamment trois aspects
Facteurs de succès
principaux : gérer le rythme du chan-
• Choisir les responsables appelés à gement (6.1.), bénéficier d’un cadre
conduire un changement non seule- budgétaire offrant une visibilité suffi-
ment en fonction de leurs compéten- sante (6.2.) et faire appel, ou non, à
ces techniques, mais aussi de leur des consultants extérieurs (6.3).
expérience managériale et de leur lea-
dership personnel. 6.1. Gérer le rythme
• S’entourer d’une équipe dont les du changement
membres sont choisis intuitu perso-
nae. Créer le niveau le plus élevé pos- Le temps constitue un ingrédient clef
sible de cohésion et de confiance au de la conduite du changement. Il
sein de cette équipe (séminaires, représente tant une ressource sur
retraites, etc.). En assurer la continuité. laquelle compter qu’une contrainte
avec laquelle il faut composer. Gérer
• Observer et maintenir la motivation le rythme du changement est donc
de tous les acteurs tout au long du essentiel, depuis la conception de la

55
Seconde partie

réforme jusqu’à la vérification de sa leçons que je tire de ma propre expé-


mise en œuvre et l’évaluation de ses rience, c’est que j’étais allé trop vite,”
premiers résultats. a reconnu Alain Juppé.

À chaque étape du changement, son L’exécution gagne, à l’inverse, à suivre


rythme : autant la préparation du un rythme rapide.
changement requiert de la circonspec-
tion, autant son exécution plaide pour – D’abord parce que le changement
des délais serrés. La conduite du occasionne forcément une transition
changement connaît donc un rythme perturbante : des méthodes ou des
discontinu, fait d’accélérations et de structures sont abandonnées avant
ralentissements, de temps de matura- que d’autres ne soient instaurées et
tion et de moments d’action décisifs. validées. L’incertitude n’instaure pas
un climat favorable ; d’où la nécessité
La préparation requiert du temps, non de ne pas prolonger cette transition.
seulement pour définir le changement
lui-même, mais aussi pour s’assurer – Ensuite, on l’a vu, parce que le
qu’il est partagé par la plus grande pro- meilleur combustible pour alimenter le
portion possible de parties prenantes. changement, ce sont ses premiers
Pour C. Ghosn, “la méthode d’éla- résultats tangibles. C. Ghosn considère
boration du plan devait être le gage de ainsi la rapidité d’exécution comme
son futur succès” : le peu de temps “un paramètre d’une importance capi-
dont il disposait, C. Ghosn l’a d’abord tale,” car si les premiers résultats du
consacré à l’analyse du terrain et à changement arrivent dans un délai
l’écoute du personnel, à travers des court, ils aident à générer un “cercle
réunions à tous les niveaux de l’entre- vertueux de la réforme” en suscitant
prise, avec les fournisseurs et les “une confiance grandissante dans le
clients, au Japon comme dans le reste projet et en motivant les troupes”.
du monde, rencontrant plus de mille Cette exigence de rapidité était d’au-
personnes en trois mois. Pour M. tant plus forte que les salariés de
Bernard, s’il y a eu “de vraies révolu- Nissan avaient fait l’expérience de
tions” à l’ANPE, elles ont toujours été plans de redressement successifs qui
précédées d’un délai conséquent pour avaient tous échoué. Si les premiers
expliquer les réformes, laisser mûrir les résultats tardent à venir, les remises en
esprits, “porter le changement sur le question de la réforme apparaissent
terrain, face aux agents”. Avant de lan- vite et la motivation à poursuivre les
cer le changement de statut par exem- efforts s’essouffle. J.-F. Stoll confirme
ple, “six mois de négociations infor- qu’il faut pouvoir présenter rapidement
melles, de brainstorming et d’appro- de réelles avancées, non seulement
priation de la problématique” ont été pour nourrir l’intérêt et “la fierté des
nécessaires. Cette préparation a comp- agents” à participer au changement,
té dans la réussite de cette réforme, qui mais aussi pour conforter le soutien
n’a déclenché que deux journées de accordé par l’autorité politique.
grèves : les approches brutales sont
vaines, car “si l’on arrive à piéger les Cette rapidité dans l’exécution n’est
gens une fois, on ne peut pas le faire pas pour autant toujours souhaitable.
deux fois”. L’exécution sur une longue durée peut
aider à atténuer l’intensité d’un chan-
Sauter des étapes ne donne qu’une gement et contribuer à son accepta-
illusion de rapidité et n’aboutit jamais tion. Par exemple, la restructuration
à des résultats satisfaisants. “Une des des forces armées sur une longue

56
Tirer les leçons du terrain : six composantes clefs

durée (plus de dix ans) a permis d’évi- instauré une fongibilité des crédits et
ter le recours à des lois de dégage- de mettre en regard objectifs et
ment des cadres. Au total, la réforme a moyens, ce qui était en quelque sorte
été coûteuse car longue, mais le fait une préfiguration de la LOLF.
de la conduire dans la durée a permis
de la rendre moins brutale qu’ailleurs. Les contrats de progrès passés entre
D’où un dilemme dont il faut peser l’État et l’ANPE – Ils ont servi d’outil
chaque branche avec soin, précisé- de négociation avec le ministère des
ment dans la phase de préparation. Finances et contribué à garantir la
continuité des réformes. En contre-
Au moins faut-il que cette longue partie des engagements pris par
durée ne se mue pas en horizon incer- l’Agence pour se réformer et prendre
tain : elle doit être balisée, rythmée, en charge de nouvelles prestations,
d’échéances intermédiaires. Certains l’État assurait son soutien financier,
cabinets de conseil, sollicités par des au-delà du principe de l’annualité
administrations en réforme, ont mis au budgétaire, pour des périodes de
point des systèmes de planification de quatre ans. Les contrats ont été “sour-
la conduite du changement, étape par ces de stabilité” (S. Clément) en assu-
étape (“time boxing”). rant un cadre fixe au changement. Ils
n’ont pas seulement bénéficié à
6.2. Un cadre budgétaire l’ANPE, mais ont représenté un inté-
offrant une visibilité suffisante rêt pour toutes les parties prenantes
de la réforme : Bercy a pu suivre l’u-
Pour gérer cette durée, il faut disposer sage qui était fait des augmentations
d’une visibilité suffisante, souvent de crédits et, en tenant la DGEFP
supérieure à une année. C’est ce que informée des évolutions de l’Agence,
doit offrir le cadre budgétaire, notam- ils lui ont permis de jouer réellement
ment à travers les contrats de perfor- son rôle de tutelle. Par ailleurs, les
mance ou de progrès. Ceux-ci per- engagements pris de part et d’autre
mettent d’organiser une visibilité sur ont été soumis à des comités d’éva-
les moyens à venir pour la structure en luation, dont la composition garantit
phase de changement et d’assurer l’objectivité.
celle-ci de bénéficier d’une partie des
gains de productivité obtenus. Tout
effort de réforme est profondément La même visibilité doit être accordée
dissuadé si ses résultats sont accaparés aux acteurs clefs de la réforme, mieux
par le Budget ; il est indispensable assurés de la durée de leur mandat.
qu’un contrat négocié en amont fixe le On pourrait imaginer, comme en
partage des gains de productivité entre Suède, que les directeurs d’adminis-
la structure qui les réalise et le Budget tration centrale ou les préfets soient
qui les reversera au “pot commun”. nommés pour une durée déterminée,
correspondant à un contrat fixant leurs
La pluriannualité budgétaire est souli- objectifs et leurs moyens.
gnée par tous les acteurs comme
indispensable. La DREE a négocié une Le pilotage des réformes en Suède :
contractualisation budgétaire sur trois priorité au temps long – Les direc-
ans qui lui permettait de conserver les teurs généraux d’administrations cen-
mêmes moyens sous réserve d’une trales, d’ailleurs choisis selon une
réduction d’effectifs, et de bénéficier procédure assurant une grande sélec-
des gains de productivité obtenus. Ces tivité, disposent en général d’un
contrats triennaux de performance ont contrat d’emploi de six ans renouve-

57
Seconde partie

lables, assortis d’objectifs également gnement des systèmes d’information


contractualisés. Le président de constituent le gros des besoins (envi-
l’Agence centrale fiscale, nommé par ron 1,5 milliard d’euros), suivis par la
le ministre des Finances pour une formation (500 millions d’euros) et le
durée déterminée, traverse par consé- conseil en organisation et stratégie
quent les alternances. Les budgétisa- (200 millions d’euros). Si les établis-
tions se font sur des périodes longues sements et les entreprises publics
– trois ans –, permettant une plus gran- sont les premiers clients (environ
de souplesse dans l’emploi des fonds 50 %), l’État représente 30 % de l’ac-
et offrant une meilleure visibilité. tivité, suivi des collectivités locales
(source : Syntec).
6.3. La question du recours
à des consultants extérieurs La tendance est à la hausse, encoura-
gée par la refonte du code des marchés
Que ce soit à la DCN, à la DREE ou à publics, qui facilite l’achat de presta-
l’ANPE, l’appel à des consultants exté- tions intellectuelles. Au niveau euro-
rieurs pour contribuer à la définition péen, le secteur public et les associa-
d’un changement et/ou à son pilotage tions représentent désormais le premier
apparaît fréquent. Sur l’utilité de ce client des cabinets de conseil. La plu-
recours, les avis restent partagés. Pour part des cabinets ont créé des équipes
les uns, une aide extérieure lors de la dévolues au secteur public. Il faut noter
conception du changement est indis- qu’une proportion importante de ces
pensable pour éviter de garder “le nez équipes dédiées est composée… d’an-
dans le guidon” et pour “connaître ciens fonctionnaires ; par exemple,
d’autres expériences et s’en inspirer” c’est le cas de la moitié de la centaine
(benchmarking). Pour d’autres, “le de personnes du pôle secteur public
changement doit émaner de l’intérieur chez Ineum Consulting (Le Monde, 1er
et les aides extérieures demeurer ponc- février 2005). Cela appelle réflexion,
tuelles”. Pour ce qui concerne le pilo- pour expliquer que des hauts fonction-
tage du changement, les avis sont plus naires rejoignent le secteur privé afin
homogènes : “on ne peut conduire le d’y conseiller les structures qu’ils vien-
changement avec des personnes exté- nent de quitter. Quelle information cela
rieures à l’institution,” leur rôle devant donne-t-il sur l’attractivité du secteur
se limiter à celui de témoins ou d’ex- public ? A-t-on idée du coût caché que
perts sur des points très précis. Le cela représente ?
risque est de donner l’impression d’une
défaillance de l’encadrement, qui serait De l’avis de la plupart des personnes
ressentie comme telle par les agents. interrogées, l’administration a suffisam-
ment de ressources pour pouvoir orga-
Le rôle des consultants dans le sec- niser, en son sein, des équipes de
teur public est en croissance – “consultants internes,” administrateurs
Depuis 2002, le secteur public ayant déjà conduit des changements et
compte en France parmi les quatre pouvant venir aider une autre entité à
plus importants clients des cabinets préparer puis éventuellement mener un
de conseil, après la banque, l’indus- changement. Cela suppose de capitali-
trie et les services. Il représentait ser le savoir-faire, de valoriser vraiment
12 % du chiffre d’affaires des cabi- ceux qui le détiennent et de se donner
nets de conseil en 2003, soit un mar- la flexibilité nécessaire pour organiser,
ché d’environ 2,5 milliards d’euros au sein de l’administration, des déta-
par an. L’informatique et l’accompa- chements de courte durée.

58
Tirer les leçons du terrain : six composantes clefs

Sans doute faut-il évaluer, pour mieux Facteurs d’échec


le maîtriser, le recours à des consul-
• Précipiter la phase de préparation.
tants extérieurs. L’appel à des cabi-
nets de conseil constitue souvent une • L’état de “sur-confiance” des promo-
pratique indispensable, mais on ne teurs du changement.
peut exclure qu’il soit parfois une • Faire faire (sous-traiter à des consul-
solution de facilité. Il est une option tants) par crainte d’échouer soi.
en général coûteuse. C’est pourquoi Oublier que l’on ne sous-traite que ce
une évaluation ex-post de la contribu- que l’on ne sait pas faire (qualitative-
tion des consultants devrait être ren- ment) ou ce que l’on ne peut pas faire
due systématique. Ces évaluations (quantitativement).
devraient abonder une base de don-
nées interministérielle. À l’occasion • Déclarer victoire trop tôt.
de chaque mission confiée à des cabi-
nets extérieurs, le transfert de compé- Facteurs de succès
tences vers les administrateurs en • Avoir un calendrier clarifiant les éta-
place doit être assuré ; la capitalisa- pes et le rendre public.
tion des savoir-faire au sein de l’admi-
nistration doit être recherchée. • Planifier la possibilité de réussites
visibles à court terme.
Un risque final, en terme de pilotage, • Ouvrir des horizons temporels plus
est de déclarer victoire trop tôt. Si long que le budget annuel, notam-
l’objectif du changement est déclaré ment grâce à des contrats de progrès.
“atteint,” alors les forces du mouve-
ment font relâche et les tropismes habi- Propositions
tuels reprennent. Le changement, avant
• Établir un bilan quantitatif et qualita-
d’avoir pu s’enraciner, est déjà remis
tif des interventions de consultants
en cause, ou détourné. Ce risque sem-
extérieurs pour des missions de straté-
ble réel concernant la LOLF, par exem-
gie et de réorganisation dans le sec-
ple ; cette réforme est d’une ampleur si
teur public.
importante qu’elle a déjà donné lieu, à
juste titre, à de nombreux commentai- • Faciliter la mise en place, au sein de
res positifs. Mais certains frôlent les l’administration, d’équipes de “consul-
communiqués de victoire : or rien n’est tants internes” susceptibles d’être déta-
joué tant que n’auront été évalués les chées pour des missions de courte
impacts réels de la LOLF. durée.

59
60
CONCLUSION “Il n’est pas vrai que les Français soient plus difficiles à gouverner que d’autres
– à condition qu’ils soient loyalement informés, qu’on les associe à l’action et que leur
volonté ne soit pas continuellement ignorée ou bafouée par ceux qui les gouvernent”.
Pierre Mendès France

Cette affirmation, extraite de l’ouvra- de nature à éclairer le champ de la


ge publié par Pierre Mendès France réforme de l’État.
en 1962, La République moderne,
demeure juste aujourd’hui. Il en va du 1.1. Le paradoxe budgétaire
gouvernement comme de la moderni-
sation de l’État, celle-là étant insépa- Il faut réformer pour économiser,
rable de celui-ci. Et l’on voudrait écri- mais il faut dépenser pour réformer.
re, paraphrasant l’ancien président du La situation des finances publiques
Conseil, qu’il n’est pas vrai que les n’est pas bonne. Aucun gouvernement
réformes soient plus difficiles à n’a encore réussi à retourner profondé-
conduire en France qu’ailleurs, à ment et durablement la part de la dette
condition qu’elles participent d’une publique dans le produit intérieur brut.
vision légitime, qu’elles prennent en Cette proportion augmente à nouveau
compte les caractéristiques de leur rapidement depuis quatre ans.
terrain comme les enjeux du moment,
qu’elles s’appuient sur des équipes La rigueur budgétaire est donc un des
compétentes et motivées, associant à principaux facteurs déclenchant le
l’action les parties prenantes, et que changement, au point qu’économiser
leur mise en œuvre avec méthode soit les deniers publics s’impose parfois
portée par une volonté politique comme le but dominant de la réforme,
constante. au détriment d’autres objectifs, notam-
ment l’amélioration du service public
Sur chacun de ces points, partant du rendu à l’usager ou les conditions de
terrain grâce à plusieurs études de cas, travail des agents. Mais bien réformer
ce Cahier s’est efforcé de souligner les exige des moyens budgétaires, permet-
facteurs d’échecs et de réussite pour tant d’accompagner le changement,
conduire le changement. L’approche par exemple pour faciliter le reclasse-
s’est voulue opérationnelle. Elle n’in- ment ou une nouvelle implantation
terdit pas, in fine, quelques réflexions géographique des agents.
plus larges ; d’une part pour éclairer
quelques paradoxes qui accompa- L’état actuel des finances publiques a
gnent la réforme de l’État, d’autre part donc un effet ambivalent. Aiguillon en
pour exposer les conditions auxquel- faveur du changement, il limite par
les pourrait s’instaurer un cercle ver- ailleurs les moyens qui lui sont pour-
tueux du changement au sein du sec- tant nécessaires. Or une réforme diffé-
teur public. rée ou mal menée finit par coûter cher.
Pour plusieurs des acteurs interrogés,
l’état des finances publiques devient
1. Paradoxes tel que celles-ci n’offrent plus les
de la réforme de l’État moyens suffisants pour conduire le
changement de façon pertinente et sur-
Analyser la conduite du changement tout durable. “L’impasse” budgétaire se
au sein du secteur public offre un point double d’une impasse managériale.
de vue intéressant pour observer l’État
aujourd’hui : ses atouts, ses défis, ses Aussi est-il indispensable de concevoir
contradictions. Au fil des entretiens la réforme de l’État comme un investis-
sont peu à peu apparus trois paradoxes sement. Tout chef de projet, lorsqu’il

61
Conclusion

réussit à réaliser des économies, doit l’opinion publique la reconnaissance


pouvoir en conserver une proportion, attendue. À l’instar des trains qui arri-
définie à l’avance, pour la redistribuer vent à l’heure, il semble qu’une réfor-
en interne, soit sous la forme d’inves- me réussie connaisse une moindre
tissement bénéficiant à la structure, renommée que les réformes avortées.
soit sous la forme de récompenses Il faut valoriser les réformes réussies,
individuelles. ceux qui les portent, et encourager
tout ce qui peut “disséminer” les
1.2. Changer leçons de réformes récentes ou en
sans changer de système cours, afin d’assurer une sorte d’ap-
prentissage collectif de l’État en matiè-
Plusieurs acteurs interrogés soulignent
re de conduite du changement.
qu’il leur faut conduire des change-
ments au sein d’un système qui
En deuxième lieu, loin d’être récom-
demeure, lui, inchangé et dont des
pensé, le changement mené à bien
cadres fondamentaux sont de puis-
peut s’avérer pénalisant. D’une part,
sants freins au changement.
les gains d’efficacité et de productivité
Des progrès sont en cours. La LOLF a se traduisent – du point de vue des
vocation à améliorer la fongibilité des acteurs – par une perte de pouvoir
crédits et à augmenter l’autonomie – dans le système global. À la DGA par
mais aussi la responsabilité – des ges- exemple, le sentiment domine que
tionnaires. La réforme du code des cette réforme, “qui devrait être citée en
marchés publics peut, là encore, facili- exemple,” semble in fine lui porter
ter l’action. tort : son poids au sein du ministère de
la Défense ayant diminué avec ses
Malgré les progrès enregistrés, la ges- effectifs, la DGA est en situation de fai-
tion des ressources humaines reste le blesse lors des arbitrages. Le sentiment
principal obstacle, notamment en rai- est similaire aux Douanes : les gains de
son de l’éclatement de la fonction productivité réalisés, avance-t-on, sont
publique en nombreux corps et de la supérieurs à ceux enregistrés dans les
difficulté à promouvoir ou récompen- “grandes” directions du ministère de
ser les agents contribuant au change- l’Économie, des Finances et de
ment. Avec plus de 900 corps en pré- l’Industrie. Mais pesant moins lourd
sence, la fonction publique d’État est que celles-ci, les Douanes y gagnent
en miettes. Une réforme du système une moindre reconnaissance.
actuel apporterait une grande facilité
dans la conduite des multiples change- D’autre part, il semble que des efforts
ments à venir au cœur de l’appareil supplémentaires soient en priorité
administratif. demandés aux administrations qui ont
déjà apporté la démonstration qu’elles
1.3. Le paradoxe savaient se réformer ; c’est l’impression
de la réforme réussie au ministère de l’Équipement, réputé
Il arrive qu’un changement réussi se “efficient” et vers lequel on se tourne
retourne contre l’administration donc volontiers lorsqu’il s’agit de geler
concernée. Bien des acteurs interrogés des crédits. Il en est de même pour la
reconnaissent un risque en la matière. DGA, qui est mise à contribution plus
Ce paradoxe revêt différentes manifes- que d’autres dans les réductions bud-
tations. gétaires : “on est parti pour payer deux
fois”. Au contraire, ailleurs dans l’État,
En premier lieu, une réforme réussie des administrations réputées “irréfor-
ne rencontre pas toujours auprès de mables” restent à l’écart des efforts.

62
Conclusion

En dernier lieu, il arrive qu’une admi- guant nettement les étapes et en amé-
nistration se soit tellement bien réfor- nageant des temps de pause ou de “di-
mée… qu’elle disparaisse, happée ou gestion” entre les réformes successives.
récupérée par d’autres : ce fut le cas de
la DREE, désormais fondue dans la Pour y parvenir, il faut que chaque
nouvelle direction générale du Trésor changement réussi rende le change-
et de la politique économique. Une ment suivant moins difficile à condui-
manifestation plus extrême de ce para- re. Encore faut-il dépasser une appro-
doxe serait que les services de l’État che formaliste et évoluer vers une
qui se réforment le mieux soient voués conception élargie de ce que signifie
à quitter le périmètre public. un changement réussi. Dans cette
optique, le changement n’est pas réus-
Il y a là un obstacle diffus mais poten- si s’il se contente d’atteindre les objec-
tiellement puissant face à la dyna- tifs qui, sur le fond, étaient fixés (par
mique de changement, qu’il convient exemple améliorer la qualité du servi-
au contraire de rendre perpétuelle. ce rendu d’un facteur X, ou réduire les
coûts d’un facteur Y). Car cet objectif
2. Du changement ponctuel est peut-être atteint au détriment d’un
au mouvement continu autre aspect, ou au prix de la margina-
lisation d’un acteur.
(17) Ces dix points sont inspirés Annoncer sans fin “la réforme de
d’une typologie devenue classique l’État,” l’ériger en moment drama- Selon cette conception élargie, un
dans les théories de la négociation ; tique, en proclamer “l’an I” tous les changement est réussi lorsqu’il vérifie
cf. PEKAR LEMPEREUR (A.) dix-huit mois, ce n’est pas la servir. les dix critères suivants 17 :
et COLSON (A.), Méthode de négo- Ce qu’il faut, au contraire, c’est
ciation, Paris, Dunod, 2004. dédramatiser et “routiniser” le chan- 1. sur le fond, naturellement, il satisfait
gement, l’installer en quelque sorte les motivations profondes de la réfor-
dans le logiciel permanent de l’État. me (contra : le nouveau dispositif, bien
Les seuls modèles d’organisations que formellement mis en place, n’est
pérennes sont ceux capables de remi- pas plus efficace que le précédent) ;
ses en cause permanentes, spontané-
ment ouverts à de nouvelles formes 2. il aboutit à une situation d’ensemble
d’action et d’administration, capables plus satisfaisante que le statu quo ex-
de détecter les meilleures pratiques et ante si le changement n’avait pas été
de les diffuser largement. opéré (contra : l’amélioration constatée
sur les objectifs fixés se fait au détri-
Tous les acteurs rencontrés évoquent ment d’autres objectifs que ne concer-
ainsi “un cercle vertueux du change- nait pas la réforme, selon le principe
ment” dans lequel les réformes réus- des vases communicants) ;
sies aident à conduire les suivantes. Le
changement ne s’apparente donc pas à 3. il ne s’en tient pas à une approche a
un moment, borné dans le temps par minima mais a su intégrer le maximum
un début et une fin. Il a vocation à d’idées innovantes (contra : le change-
devenir un processus permanent. ment, défini par en haut, n’a intégré
Plutôt qu’une fin, c’est un point d’irré- aucune des idées émergeant en cours
versibilité qu’il faudrait atteindre afin de processus, en provenance de tous
d’enclencher une dynamique d’amé- les niveaux de la hiérarchie) ;
lioration continue, à la condition de
veiller à la cohérence d’ensemble du 4. il est ancré dans des critères de légi-
processus de changement, en distin- timité et de justification (contra : le

63
Conclusion

changement a été mis en œuvre par la 8. il est fondé sur une communication
seule contrainte, ou en invoquant uni- claire, exempte de malentendus
quement des pressions extérieures : (contra : le changement a été réalisé à
“Bruxelles,” “les déficits,” etc.) ; la faveur d’ambiguïtés et de malenten-
dus qui, lorsqu’ils se révéleront, nour-
5. il maintient, et si possible améliore, riront blocages et conflits) ;
les relations entre les acteurs de l’orga-
9. il a suivi un processus ayant permis
nisation (contra : traumatisée par le
tout ce qui précède et qui, désormais
déroulement brutal de la réforme, l’or-
validé par les parties prenantes, pour-
ganisation est désormais plombée par
ra être reproduit ultérieurement
des relations exécrables entre les
(contra : le processus suivi n’a pas
acteurs qui la composent : par exemple
donné satisfaction et ne peut servir de
entre dirigeants / dirigés, centre / servi-
feuille de route pour un prochain
ces déconcentrés, directions opé-
changement) ;
rationnelles / services communs, etc.) ;
10. il diffuse ailleurs dans l’administra-
6. il respecte le mandat fixé par l’auto- tion des leçons et des bonnes pratiques
rité de tutelle (contra : à la faveur du (contra : il reste confiné dans un espa-
jeu d’acteurs internes, le changement a ce segmenté de l’administration).
été détourné des intentions initiales) ;
C’est en tâchant de respecter ces dix
7. il tient compte des intérêts des par- critères qu’une conduite raisonnée
ties prenantes qui, bien qu’absentes du du changement permettra de faire
champ immédiat, sont intéressées à la vivre, en lui rendant sa modernité, le
réforme : typiquement, les usagers, les principe d’adaptabilité qui est au fon-
organismes partenaires, etc. (contra : le dement du service public. Avec l’éga-
changement s’est accompli sur le dos lité et la continuité, l’adaptabilité – ou
de partenaires extérieurs qui, lorsqu’ils mutabilité – restent plus que jamais
s’en rendront compte, auront les trois principes essentiels à conforter
moyens de se faire entendre) ; dans les faits.

64
ANNEXE 1 Direction générale des douanes et des Jean-François Stoll, trésorier-payeur
droits indirects (DGDDI) général, ancien directeur de la DREE
Liste des personnalités Francis Bonnet, sous-directeur des François Villeroy de Galhau, ancien
rencontrées Ressources humaines, des Relations directeur général des Impôts, prési-
sociales et de l’Organisation, DGDDI dent-directeur général de CETELEM
Le titre indiqué est celui en vigueur
Michel Boudet, chef du bureau Orga-
lors de l’entretien ou de l’audition ; Défense nationale, Direction des
nisation, DGDDI
est ajoutée, le cas échéant, une constructions navales (DCN) et Délé-
responsabilité passée au titre de Michel Charasse, ancien ministre du gation générale pour l’Armement
laquelle la personnalité était sollici- Budget, sénateur du Puy-de-Dôme (DGA)
tée. Le contenu de ce Cahier du
Plan n’engage aucunement la Jean-Dominique Comolli, ancien Louis Gautier, conseiller-maître à la
responsabilité des personnes inter- directeur général des Douanes et des Cour des comptes, ancien conseiller
rogées. Droits indirects du Premier ministre pour la Défense
Anne Kletzen, chercheuse, Centre de Philippe Magnien, secrétaire général,
recherches sociologiques sur le droit DCN
et les institutions pénales (CESDIP,
Vice-amiral d’escadre Alain Oudot de
CNRS)
Dainville, major général de la Marine
François Mongin, directeur général
Yves Reymondet, commissaire-colonel
des Douanes et des Droits indirects
de l’armée de l’Air, conseiller au
Jean-Claude Saffache, ancien chef de Cabinet militaire du Premier ministre,
service à la DGDDI, trésorier-payeur puis à l’état-major de l’armée de l’Air
général de la région Nord–Pas-de-
Alain Richard, ancien ministre de la
Calais
Défense
Direction des relations économiques Capitaine de vaisseau Anne-François
extérieures (DREE) de Saint-Salvy, adjoint au sous-chef
d’état-major Programmes de la Marine
François Benaroya, conseiller tech-
nique au Cabinet du ministre des Michel Scialom, conseiller pour les
Affaires européennes, ancien conseiller Affaires industrielles auprès du chef
économique à la Direction, DREE d’état-major de la Marine
Philippe Delleur, chef de service, DREE Jacques Tournier, délégué général
adjoint pour l’Armement
Jean-Marie Demange, sous-directeur
Analyse financière et Information, Hughes Verdier, directeur exécutif,
DREE responsable du Secteur public, Bearing
Point
Jean-Daniel Gardère, ancien directeur
général du CFCE, conseiller écono-
Agence nationale pour l’emploi (ANPE)
mique à Bruxelles
Evelyne Antonio, ancienne directrice
Clara Gaymard, présidente de l’Agen-
d’agence, à la Direction de l’audit,
ce française pour les investissements
Direction nationale de l’ANPE
internationaux
Michel Bernard, directeur général de
Christophe Lecourtier, directeur de
l’ANPE
cabinet adjoint du ministre délégué au
Commerce extérieur Michel Bon, ancien directeur général
de l’ANPE
Philippe Moraillon, directeur de la
DREE Françoise Bouygard, chef de service à

65
Annexe 1

la Délégation générale à l’emploi et à (UQAM) et École nationale d’adminis-


la formation professionnelle du minis- tration publique (ENAP)
tère de l’Emploi, du Travail et de la
S. E. Jocelyne Bourgon (Canada), repré-
Cohésion sociale
sentante permanente du Canada
Stéphane Clément, délégué adjoint, auprès de l’OCDE, greffière du Conseil
Délégation générale à l’emploi et à la privé, secrétaire du Cabinet du gouver-
formation professionnelle nement du Canada de 1994 à 1999
Jean-Louis Daguerre, directeur général Yann Duzert (Brésil), professeur,
adjoint, ANPE Fondation Getulio Vargas, animateur
auprès de la Présidence brésilienne
Raymond Lagré, directeur régional,
d’un programme de formation destiné
Direction régionale Midi-Pyrénées,
à accompagner le mouvement de
ANPE
réformes au Brésil
Seita et Altadis Jean-Louis Hérivault (Canada), chef du
Frédérique Bartlett, secrétaire généra- Bureau du Québec, Ottawa
le, CGT-Tabac Gary Matthews (États-Unis), directeur
Gérard Blanc, directeur des Ressour- des Affaires internationales, Académie
ces humaines - France et Cigarettes nationale d’administration publique

Michel Charasse, ancien ministre du Geoff Mulgan (Royaume-Uni), direc-


Budget, sénateur du Puy-de-Dôme teur de la Prime Minister’s Strategy Unit

Christian Codron, directeur de l’usine Wolfgang Nowak (Allemagne), ancien


des tabacs de Riom conseiller du Chancelier Schröder,
porte-parole de l’Alfred Herrausen
Jean-Dominique Comolli, ancien direc- Gesellschaft
teur de Cabinet du ministre du Budget,
co-président du groupe Altadis Dr. David Osborne (États-Unis), ancien
conseiller auprès du Vice-Président
Gérard Davion, secrétaire général de Gore, animateur de la “National
l’UNSA / FSAS Performance Review”, collaborateur du
Antoine Filippi, directeur des Rela- Public Strategies Group
tions sociales Jamie Rentoul (Royaume-Uni), direc-
Christian Geffroy, secrétaire de la teur adjoint de la Prime Minister’s
CGT-Tabac Strategy Unit

Bernard Machabert, responsable Adriaan Schout (Pays-Bas), professeur


Ressources humaines de l’usine des associé, Institut européen d’adminis-
tabacs de Riom tration publique

Gilbert Montant, secrétaire de la CGT- Dr. Wendy Thomson (Royaume-Uni),


Tabac conseillère du Premier ministre britan-
nique pour la Réforme de l’État
Experts étrangers
Barry White (États-Unis), Council for
David Albright (Royaume-Uni), chef Excellence in Government, après une
de projet au sein de la Prime Minister’s carrière de trente ans au sein de
Strategy Unit et du Prime Minister’s l’Office of Management and Budget
Office of Public Services Reform
David Willets MP (Royaume-Uni),
Jacques Bourgault (Canada), profes- député, ancien conseiller pour les étu-
seur d’administration publique, uni- des de Margaret Thatcher et Shadow
versité du Québec à Montréal Secretary for Pensions et Social Security

66
Liste des personnalités rencontrées

Janice Wykes (Australie), secrétaire Ont apporté leur contribution aux


adjointe chargée de la Réforme de travaux du groupe Ariane
l’État au sein du Cabinet Implementa-
tion Unit, Bureau du Premier ministre Aurélien Colson, chef de projet,
rédacteur de ce Cahier du Plan, char-
Autres personnalités rencontrées gé de mission, Commissariat général
du Plan
Marc Benayoun, vice-président, The
Boston Consulting Group, Paris Les études de cas ont pu compter sur les
Renaud Dorandeu, professeur des contributions des membres suivants du
Universités, directeur des études, Commissariat général du Plan :
École nationale d’administration
Sylvie Bénard, chargée de mission,
Renaud Dutreil, ministre de la chef de projet du groupe Cosmos
Fonction publique et de la Réforme de
l’État Pierre-Yves Cusset, chargé de mission

Vincent Léna, conseiller référendaire à Nathalie Guichard, assistante


la Cour des comptes, secrétaire géné-
ral du Comité d’enquête sur le coût et Bruno Hérault, chargé de mission,
le rendement des services publics chef de projet du groupe transversal
Aleph
Elisabeth Lulin, inspectrice générale
des Finances, présidente-directrice Cécile Jolly, chargée de mission, chef
générale de Paradigmes etc. de projet du groupe Isis
Claude Martinand, vice-président du Lucile Schmid, chef du Service de la
Conseil général des Ponts et Chaussées modernisation de l’État, chef de projet
Francis Mer, ancien ministre de l’Éco- du groupe Sigma
nomie, des Finances et de l’Industrie,
président du Comité d’évaluation des Marguerite Lebrec, chargée d’études
stratégies ministérielles de réforme (du 08.03. au 08.10. 2004)

François-Daniel Migeon, conseiller de François Géraud, stagiaire (du 02.10.


M. Éric Woerth, secrétaire d’État à la 2003 au 09.07. 2004)
Réforme de l’État
Mounir Corm, stagiaire (du 07.07. au
Serge Vallemont, directeur honoraire 20.09. 2004)
du Personnel et des Services, ministè-
re de l’Équipement, ingénieur général Chantal Quinquies, stagiaire (du
des Ponts et Chaussées 13.12. 2004 au 11.03. 2005)

67
68
ANNEXE 2 Sur la conduite du changement et la HUREAUX (R.), “Le bêtisier de la réfor-
réforme de l’État en général me de l’État,” Commentaire, n° 107,
Bibliographie ADAM (G.), REYNAUD (J.-D.), Conflits du
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69
Annexe 2

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État / ANPE (1990-1993) ; Deuxième
impossible en France ?, Plon, 2002
contrat de progrès État / ANPE (1994-
1998) ; Troisième Contrat de progrès SIWEK-POUYDESSEAU (J.), “Les syndicats
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Travail et de la Solidarité, La tion par la performance”, Esprit,
Documentation française, 2004 décembre 2002, p. 192-200

71
Annexe 2

Défense, DGA, DCN L’ARMEMENT, Réforme de la DGA,


CONZE (H.) (éd.), rapport du groupe de numéro spécial, décembre 1996-jan-
travail sur l’avenir de la DCN, ministè- vier 1997
re de la Défense, Paris, 1996
L’ARMEMENT, La DGA et la réforme de
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pour l’armement, Centre des hautes MAGÉE (D.), Comment Carlos Ghosn a
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