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DEVOIR 3

Auteur : Martine Baillet-Convers


Sujet
Thème : dans le cadre du thème « Ce que manger veut dire », la face cachée des régimes "sans".

CONSIGNES
Ce devoir est à réaliser après l’étude des séquences 1 et 2 du module 4.
XX
Temps conseillé : 4 heures au minimum
XX
Avertissement : afin que vous vous habituiez aux conditions de l’examen, le barème des questions

est sur 60. Toutefois, pour des raisons pratiques de gestion de dossiers scolaires, la note finale
obtenue au devoir est ramenée sur 20.

OBJECTIFS
Savoir analyser plusieurs documents et savoir extraire les idées essentielles
XX
Savoir reformuler les idées conservées dans un langage personnel, sans les déformer
XX
et en restant neutre
Savoir rédiger en totalité un développement personnel
XX
Pour cela
XX
– savoir analyser l’énoncé et dégager une problématique
– savoir élaborer un plan capable de résoudre logiquement cette problématique
– savoir argumenter et illustrer ses idées

3-0186-DV-WT-03-19 CNED Culture générale et expression - 1re année 1


Questions
Corpus de documents
Document 1 : Jacky Durand, Catherine Mallaval, « Les dessous des régimes « sans « », Libération,
� 

6 avril 2016
Document 2 : « Les produits « sans gluten « ne sont pas meilleurs pour la santé », Sud-Ouest, 26 janvier 2016
� 

Document 3 : Pascale Santi, « L’obsession du manger sain », Le Monde, 22 mars 2012
� 

Document 4 : Montage de documents. Sarah Finger, « Le véganisme, sacerdoce à ronger », Libération,
� 

16 juillet 2015 ; photographie « Menu de lapin »

Faites une lecture minutieuse des quatre documents avant de chercher à répondre aux questions
et prenez connaissance des objectifs placés ci-dessus.
Ne traitez pas les exercices sans avoir consulté l’ensemble des conseils pratiques donnés dans les
énoncés des questions et du document en ligne «Conseils pour réaliser les devoirs écrits». Toutes
vos réponses doivent être entièrement rédigées sous forme de phrases complètes contenant au
moins un verbe conjugué (pas de style télégraphique, pas de tirets, pas de phrases nominales, pas
de parenthèses pour y entasser ce qu’on ne veut pas rédiger). Il s’agit d’expression écrite, comme l’indique
l’intitulé de la matière.

1. Analyse des documents et extraction des idées à retenir


40 points
1.1. Document 1 10 pts
• Prenez le premier document et, en une seule phrase, indiquez son genre et le type auquel
il appartient. Puis, dans une seconde phrase, et toujours en une seule phrase, cernez son propos
directeur, c’est-à-dire exprimez l’essentiel de son contenu.
• Après cette présentation en deux phrases, sautez une ligne pour qu’il n’y ait aucune confusion possible
entre le propos directeur et le relevé d’idées.
• Puis relevez les idées ou informations principales du texte, c’est-à-dire toutes celles qui méritent d’être
sauvegardées pour la future synthèse. Vous devez reformuler ces idées dans un langage personnel,
ce qui exclut tout recopiage du texte initial et toute citation.

1.2. Document 2 10 pts


• Faites le même exercice que le 1.1 sur le document 2.

1.2. Document 3 10 pts


• Faites le même exercice que le 1.1 sur le document 3.

1.4. Document 4 10 pts


• Sur le document 4, faites le même exercice que le 1.1.
• Sautez une ligne.
• Au début de votre relevé, pensez à dire en une ou deux phrases en quoi la photographie complète
le texte écrit.

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2. Développement personnel 20 points
Dans nos sociétés occidentales aujourd’hui dominées par les peurs et traversées par les
communautarismes en tout genre, dégagez certaines des motivations ouvertement déclarées par
ceux qui suivent des régimes en vogue fondés essentiellement sur l’exclusion de certains aliments ;
puis analysez ce que cachent ces mêmes régimes. Vous traiterez cette problématique dans un
développement solidement argumenté et illustré. Votre exercice sera entièrement rédigé et ne comportera
ni chiffres, ni titres, ni sous-titres.
Remarque importante :
On note déjà que le thème n’est pas l’ensemble des régimes, mais bien les régimes à la mode
fondés sur l’exclusion de catégories d’aliments. Il faut donc évacuer d’emblée les considérations sur
les méthodes traditionnelles connues (basses calories, Weight Watchers, Dukan, etc). Les exemples
donnés dans les divers documents étudiés et les relevés faits dans l’exercice 1 vous aideront
à mieux cerner ce dont il est question. On ne vous demande pas de décrire ces régimes, encore moins
de les évaluer, mais de chercher ce que cette mode qui fait fureur avoue sans problèmes, mais aussi ce
qu’elle dissimule. Pensez entre autres à certains intérêts en jeu.

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DOCUMENT 1 1/2

LES DESSOUS DES RÉGIMES « SANS »


Le salon des allergiques et autres « intolérants » s’ouvre à Paris, l’occasion, pour des spécialistes,
de décrypter ce phénomène controversé.

Trois jours « sans ». Sans gluten, sans sucre, viande, sans lactose, sans cuisson (tendance « raw
»¹)… sans saliver ? C’est en tout cas le thème – restrictif – d’un salon, le premier du genre de cette
ampleur, consacré aux allergies alimentaires et donc aux produits « sans » qui s’ouvre vendredi et
jusqu’à dimanche porte de Versailles à Paris. Au menu : des conférences, des ateliers cuisine et
une centaine d’exposants qui donnent dans le « sans ».

Ça fait rêver ? Manifestement, oui. Un coup d’essai tenté l’an passé à Montpellier a vu défiler
2 500 allergiques, intolérants de tous poils, sans compter « tous ceux qui se posent de plus en plus de
questions sur ce qu’ils mangent tant du point de vue de leur santé que d’un point de vue éthique », énonce
Charlotte Ria, allergique à la caséine (la protéine du lait) et organisatrice de ce salon avec Natacha
Rivas, intolérante au gluten et allergique au soja. Bref, il y a de la demande.

En toile de fond, il est vrai que le nombre de victimes d’allergie alimentaire a doublé en dix ans en Europe,
touchant plus de 17 millions de personnes, selon les chiffres de l’Académie européenne d’allergie et
d’immunologie clinique. Mais il y a aussi un business florissant : les distributeurs qui se sont engouffrés
dans le créneau sans gluten ont vu leurs ventes s’envoler (+ 42 % en 2014 en France, selon le cabinet
d’études IRI). Et aussi de la mode (plus chic d’être vegan que d’être fan de pieds de porc).

Mais c’est grave docteur, tous ces régimes « sans » ? Avec toutes ces intolérances, est-ce la fin
du manger ensemble ? Quatre² spécialistes de l’alimentation et des allergies se mettent à table.

Olivier Assouly, philosophe


« Il y a une rationalisation de l’acte de se nourrir »
« On aura compris que l’idée d’un aliment auquel on a soustrait un ingrédient (sucre, sel, gluten)
exprime un refus, un repli, une norme par défaut. Toutefois, il serait réducteur de s’amuser de ces
régimes, qui opèrent par soustraction (« sans »), comme étant simplement des effets de mode.
Cela traduit ce rapport de défiance généralisée qui s’est installé face aux nourritures d’origine
industrielle. Prenons le pain : les intolérances au gluten ont aussi certainement un lien avec la
course au rendement, à savoir avec les types de farine obtenus par l’intensification des cultures de
blé, de même qu’avec les temps abrégés de fermentation. »
« Mais il n’y a pas que cela : il en va aussi d’une rationalisation de l’acte de se nourrir, où les nourritures
deviennent des « rations », diététiques, techniques – mesurables en calories, en protéines, etc. –
accréditant une vision techniciste de l’acte de manger et une redoutable segmentation, évidemment
marchande, des marchandises alimentaires en parts de marché et typologies de consommateurs.
Cette rationalisation donne à penser l’aliment moins comme une matière goûteuse que comme
un calcul déshumanisé, une somme de propriétés physico-chimiques qu’on pourrait selon les besoins,
les modes, plus ou moins et librement modifier. C’est une vision redoutable car elle tournera tôt ou
tard à l’avantage des industriels, qui vont déterminer des normes du « bien-manger » qui, lorsqu’elles
vont s’imposer socialement, voire juridiquement, vont se retourner contre des cultivateurs, des
artisans consciencieux, qui n’auront pas les moyens de parvenir technologiquement à ces nouveaux
standards. Par ailleurs, l’idée de soustraire un ingrédient en éradiquant la cause des maux ressemble
à une mesure d’urgence qui vise à concilier le régime en cause (consommation de pain à base de
blé) avec un régime salvateur (du pain sans farine de blé).
« Le paradoxe consiste à vouloir sauver la logique de consommation, et donc à préserver un aliment
problématique, auquel on aurait soustrait une qualité. Et pas des moindres, mais la qualité principale :  
c’est ainsi qu’on propose des pains sans farine de blé et, à un autre niveau, des produits carnés
développés, un jour ou l’autre, in vitro, qui dispenseront de la présence d’un animal dont la mise
à mort est de plus en plus ingérable pour les industriels. Ces mesures traduisent un refus de repenser
la panification et l’élevage avec un déni des effets désastreux de modèles industriels. » […]

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DOCUMENT 1 2/2

Jean-Michel Lecerf, endocrinologue


« Les croisades contre certains aliments sont sans fondement »

« Des régimes « sans » ? Il y a toujours eu des hygiénistes, depuis le début du siècle dernier, en général
peu compétents en nutrition, voire sectaires, qui cherchent dans la nourriture la raison de tous nos
maux. Et lancent des interdits. Dans les années 50-60 c’était le gras, puis le sucre, le sel, le pain…
Le fait que nous soyons omnivores est-il générateur d’angoisses ? Sans doute. Mais en ce moment,
il y a un véritable discours dramatisant qui évoque un empoisonnement collectif et répète à l’envi que
tout est pourri, trafiqué… C’est vrai qu’il y a de la transformation alimentaire, des additifs inutiles,
sans doute un peu trop de sel mais, globalement, la nourriture est plus sûre et plus variée que jamais.
Le problème, ce n’est pas le lactose (ou autre), mais la pauvreté. Ce sont les plus démunis qui n’ont
pas les moyens de se nourrir correctement qui paient un lourd tribut en termes de santé et d’obésité.
Tous les autres ne souffrent pas davantage d’allergies qu’avant. Ou alors à peine plus, car nous
introduisons des aliments nouveaux (sésame, lupin, pavot…). À chaque nouveauté, des allergies
se développent puis se stabilisent. Il y a aussi peut-être un peu plus de problèmes liés à un excès
d’hygiène et à la baisse de l’allaitement maternel, mais l’homme n’est pas en train de s’intoxiquer.
Et les croisades contre des aliments, comme il y en a eu sur le lait, sont sans fondement. Et à
terme, si de plus en plus de gens se croient allergiques, on ne pourra plus partager de repas
ensemble. » […]

Bruno Verjus, chef de table à Paris


« Les allergies sont un problème de riches »

« Je ne nie pas que des gens peuvent être allergiques, mais il y a un vrai business autour de la
peur, avec des gens vous proposant des analyses où l’on peut être allergique à tout. Si on me dit
que je suis allergique aux œufs, au lait, je voudrais savoir de quoi on me parle ! Du lait industriel
en brique ou du lait de vache rouge flamande que j’utilise dans ma cuisine ? […] L’autre jour, on a
reçu un couple qu’on a surnommé Lady and Lord Allergy. La dame me sort une liste d’aliments
auxquels elle se dit allergique trois fois plus longue que ma carte. Résultat : elle a mangé quatre
feuilles de salade. C’est un problème de riches, c’est chic de se dire allergique, de ne rien manger
et de pouvoir rentrer ainsi dans son 36. » […]

Jacky Durand, Catherine Mallaval, « Les dessous des régimes «sans» », Libération, 6 avril 2016

¹ Le régime « raw food » consiste en gros à ne manger que des aliments crus.
2 L’article initial comporte l’interview de quatre spécialistes ; nous n’en avons retenu que trois.

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DOCUMENT 2

LES PRODUITS « SANS GLUTEN » NE SONT PAS


MEILLEURS POUR LA SANTÉ
Plus de 5 millions de Français auraient pourtant adopté ce régime restrictif, pensant se faire du bien

L’intolérance au gluten – ou l’incapacité du corps à le digérer – concerne environ 1 % de la population.


Pour ces personnes, un régime sans gluten est absolument indispensable pour être en bonne santé.
Mais depuis quelques années, surfant sur la vague du « mieux manger » et porté par de nombreuses
stars hollywoodiennes, le régime sans gluten attire de nombreux consommateurs, intolérants ou pas
à cette protéine issue des céréales. En France, pas moins de cinq millions de personnes se seraient
laissées séduire par les promesses de meilleures santé du « sans gluten ».
Les industriels de l’agroalimentaire ont bien compris qu’il y avait là un nouveau marché à occuper :
en quelques années, des centaines de produits contenant naturellement du gluten (le pain, les pâtes,
les biscuits, mais aussi le chocolat, les plats préparés, ou plus surprenant, le jambon) ont été déclinés
en plusieurs équivalents «sans gluten».
Vendues entre deux et quatre fois plus cher que les produits « avec gluten », ces nouvelles gammes
d’aliments ne sont pourtant pas si saines qu’elles le laissent penser... L’association 60 millions
de consommateurs a analysé la composition de plusieurs produits en version « classique » et en version
« sans gluten ». Les résultats sont sans appel.

De nombreux additifs
Supprimer le gluten d’un aliment, c’est supprimer l’ingrédient qui en contient. En ce qui concerne
le pain, les biscuits ou les pâtes, il s’agit donc de dire adieu à la farine de blé. Mais pas si simple
d’obtenir un goût et une texture équivalente lorsque l’on supprime la matière première essentielle d’un
produit. Pour coller au plus près à l’aspect du produit d’origine, les industriels utilisent de nombreux
additifs, épaississants, émulsifiants...
Par exemple, selon 60 millions de consommateurs, une pâte brisée sans gluten contiendrait pas moins
de 15 ingrédients, dont de nombreux additifs, contre seulement six pour une pâte brisée classique.
Une différence de taille, à l’heure où les exigences des consommateurs se tournent plutôt vers le naturel.

Moins de protéines
Bourrés d’additifs, certes, mais les produits sans gluten sont-ils meilleurs pour la santé d’un point
de vue nutritionnel ? Là encore, 60 millions de consommateurs est affirmatif : la réponse est non.
« Pire, ils sont même moins riches en protéines », explique le magazine.
Pas forcément une bonne nouvelle quand on sait que de nombreux adeptes du sans gluten
sont également végétariens et/ou végétaliens, et ne bénéficient donc pas des protéines présentes
dans la viande, le poisson, les œufs ou les produits laitiers.

Tendance à faire grossir ? Une sensation de fringale qui fait manger plus
Plusieurs nutritionnistes se montrent très sceptiques quant à la promesse du sans gluten
d’une alimentation « plus équilibrée » et donc meilleure pour la ligne.
Dans les produits sans gluten, remplacer cette protéine par des additifs, notamment des sucres ou
des dérivés du maïs aurait même tendance à faire davantage grossir. En effet, contrairement aux
protéines, les sucres font monter la glycémie très rapidement dans l’organisme. Lorsqu’elle redescend,
tout aussi rapidement, cette glycémie crée alors une sensation de fringale, qui incite à manger plus.
Par ailleurs, supprimer le gluten de son alimentation, c’est prendre le risque de déshabituer
son organisme à le digérer, et donc de le stocker immédiatement dans ses graisses dès que l’on
en remange, même en petite quantité.

« Les produits «sans gluten» ne sont pas meilleurs pour la santé », Sud-Ouest, 26 janvier 2016

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DOCUMENT 3

L’OBSESSION DU MANGER SAIN


Les orthorexiques passent des heures à penser à leur alimentation, croient que certains produits
sont des « poisons »... Ce comportement alimentaire reste encore peu étudié.

Le célèbre message d’Hippocrate – « que l’alimentation soit ta première médecine » – est aujourd’hui
omniprésent. Les injonctions incitant à manger sain se multiplient. Parfois, le contenu de son assiette
tourne à l’obsession ; les spécialistes parlent alors d’« orthorexie », du grec orthos, « correct », et
orexis, « appétit ». Ce concept a été inventé en 1997 par le docteur américain Steve Bratman qui a
proposé un test comprenant une dizaine de questions (Orthorexia.com) pour détecter les personnes
orthorexiques.
« Ce trouble du comportement alimentaire (TCA) – qui n’en est pas un du point de vue psychiatrique –
se définit comme une obsession de l’alimentation saine, l’individu passant plus de trois heures par jour
à penser à son alimentation », explique le psychiatre Gérard Apfeldorfer, président d’honneur du Groupe
de réflexion sur l’obésité et le surpoids (GROS). Ce n’est pas la quantité, mais la qualité qui importe.
La personne réfléchit à ne pas manger de viande, de graisses, de produits chimiques ou tout
autre mets jugé « mauvais pour la santé ». Elle passe des heures à penser à ce qu’elle va manger.
«  Son idée de base est qu’une alimentation parfaitement saine la préservera de la maladie, de la vieillesse,
voire de la mort », constate le docteur Apfeldorfer. Un aliment est soit parfaitement sain, soit un poison.
Les orthorexiques éliminent les produits jugés « toxiques », écartent additifs, conservateurs et
autres colorants présents dans ces « objets comestibles non identifiés », selon la formule de Claude
Fischler, membre du comité scientifique de l’Observatoire des habitudes alimentaires (OCHA). Ils
deviennent rapidement végétariens, végétaliens, macrobiotiques, etc. Ils soupçonnent l’industrie
agroalimentaire d’être un empoisonneur, dans une approche paranoïaque.
Combien sont-ils ? Peu d’études ont mesuré ce phénomène. Une enquête italienne de 2004 rapportait
un taux de prévalence de 6,9 %. « La délimitation précise de l’orthorexie reste complexe », a reconnu
Camille Adamiec, sociologue au laboratoire du CNRS cultures et sociétés en Europe, de l’université
de Strasbourg, lors d’un colloque de l’OCHA consacré aux « alimentations particulières », qui s’est
tenu en janvier à Paris. Cette chercheuse a fait de l’orthorexie un sujet de recherche en 2010.
« Les gens se sont emparés de cette notion, de ce terme, mais est-ce que je ne joue pas leur jeu en venant
ici, en popularisant ce phénomène ? » se demande Camille Adamiec. N’est-ce pas la préoccupation
de tous, de manger sainement ?

Isolement social
L’orthorexie n’est pas reconnue comme un TCA selon les critères officiels des troubles mentaux
(Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, DSM) définis par les psychiatres. « L’orthorexie
reste pour le moment un phénomène extrêmement flou et versatile à l’intersection du médical et du sociétal
», souligne Mme Adamiec. À quel moment parle-t-on de pathologie ? Cette quête du bien-manger
confine à l’isolement social, car il devient difficile de manger hors de chez soi, chez des amis, dans
la famille. « La cuisine se transforme en un sanctuaire », explique Camille Adamiec.
« Les obsessions alimentaires sont fréquentes, les gens finissent par avoir peur de manger », constate
le docteur Jean-Michel Lecerf, chef du service de nutrition de l’Institut Pasteur de Lille. Une enquête
du Credoc a montré en 2007 que 10 % des Français considèrent l’alimentation comme un problème.
« L’individualisme alimentaire va-t-il avoir raison de notre patrimoine culturel de convivialité, qui fait de
l’acte de manger, au-delà de ses fonctions nutritive et hédonique, un acte relationnel majeur, un acte
social ? », s’interroge le docteur Lecerf.

Pascale Santi, « L’obsession du manger sain », Le Monde, 22 mars 2012

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DOCUMENT 4 1/2
LE VÉGANISME, SACERDOCE À RONGER

« Menu de lapin »

En s’interdisant l’utilisation de tout produit lié à la maltraitance animale, les militants de ce


mouvement peu répandu en France s’imposent de nombreux sacrifices.
Ils ne consomment aucun aliment d’origine animale. N’achètent ni cuir, ni laine, ni soie, ni fourrure.
Choisissent des cosmétiques non testés sur les bêtes. Ne fréquentent ni les cirques ni les zoos. Jeunes
précaires ou cadres quadras, retraités ou étudiants, le petit peuple végan est hétérogène mais soudé
par une même cause : la lutte contre l’exploitation animale sous toutes ses formes. Un credo qui,
au quotidien, change la vie. Et surtout, le contenu de l’assiette : « Au restaurant, c’est compliqué,
raconte Olkan Elijah, 42 ans, végan depuis cinq ans. « Lorsqu’il n’y a aucun plat végétalien sur la carte,
ce qui est le cas le plus fréquent, je demande gentiment au serveur s’il peut m’aider. Souvent, on me rétorque :
" Y a rien sans viande." Parfois, en cuisine, on me bricole un truc, genre menu de lapin : carottes et salade
sans assaisonnement, sans épices… C’est pas grave, je m’adapte. Ailleurs, comme dans les buffets de
gare, lorsque je cherche désespérément un sandwich sans animal, on m’en propose au thon ou au poulet.
Car le thon et le poulet poussent dans les arbres, c’est bien connu. »
Si une offre destinée aux consommateurs végans existe déjà dans les pays anglo-saxons, ainsi qu’en
Israël, la France ignore encore presque tout de ce mouvement né en Angleterre dans les années
50. Alors, dans les hypermarchés, les végans doivent chausser leurs lunettes pour décrypter les
étiquettes : « Je choisis des produits sans aucun additif d’origine animale, mais la liste de ces additifs est
longue, et la mention "arômes" est elle aussi suspecte », détaille Olkan. […]
« Barbecue ou paella »
[…] « Face à ces contraintes, certains végans ont fini par se couper de toute vie sociale, regrette Olkan.
Je refuse absolument d’en arriver là : je déteste les ghettos, les communautés. Se définir comme végan,
végétarien ou omnivore, ça sépare les hommes. J’aime l’idée de les rassembler en toute convivialité.
Quand j’invite des amis carnivores, je leur prépare une paella, un barbecue ou un couscous avec des produits
simili-carnés [de la " viande " végétale, ndlr]. Ils découvrent que notre alimentation n’est pas fade, qu’elle
est variée. »
Au-delà de ce strict régime végétalien, les végans boycottent les produits industriels testés sur
les animaux, notamment les produits ménagers (également accusés d’être nocifs pour l’environnement).
Là, pas de problème : ils sont remplacés par des méthodes « à l’ancienne » (bicarbonate, savon noir,
vinaigre blanc…). Pour les vêtements, c’est la même chose : les végans choisissent coton, lin ou
synthétique et privilégient les marques éthiques recensées par les associations véganes. « Le plus
compliqué, c’est de trouver des chaussures sans cuir, regrette Joëlle. Celles en synthétique ne durent pas
et, pour les jeunes, renoncer aux chaussures à la mode ou aux jolis sacs en cuir, c’est pas simple. »

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DOCUMENT 4 2/2

Même en faisant ce sacrifice, la déception surgit parfois au tournant. Ainsi, Clara, 27 ans, regarde
ses sandales synthétiques d’un air dépité : « J’ai appris qu’on utilisait de la colle à base de poisson
pour fixer les lanières… Les industriels mettent de l’animal partout, tout le temps ! […] Pourtant, elle
affirme que « choisir cette voie n’a rien d’un sacrifice ». Un optimisme partagé par Olkan : « Être végan,
c’est la plus belle chose que je vis et celle dont je suis le plus fier. Quand on a des convictions, toute cette
organisation est un plaisir. »
Les militants rencontrés lors de la dernière Vegan Wow, à Montpellier, témoignent d’un même
cheminement. Tous ont visionné sur Internet des reportages et des documentaires décrivant
les conditions d’élevage, d’abattage ou de transport des animaux, détaillant les rouages de cette
gigantesque industrie de la viande. Après, impossible d’oublier, de faire machine arrière […].

« Sorties de secours »
Dans l’entourage des végans, les réactions sont parfois peu enthousiastes. […] Olkan dit lui aussi
avoir été confronté à des réactions violentes de la part de ses proches : « Les gens qui me demandent
d’expliquer mes choix sont souvent agressifs dès que je leur parle de souffrance animale.
Au fond, je pense que mes explications les dérangent et les culpabilisent. Tout le monde se doute
de ce qu’il se passe, mais la plupart des gens trouvent des sorties de secours pour ne pas affronter
la réalité. »
Autrefois hippie, aujourd’hui militante, Joëlle, entrevoit quant à elle de multiples signes d’espoir dans
les comportements de ses contemporains : « Depuis dix ans, les progrès sont énormes. Des personnalités
osent dire qu’elles sont végétariennes, des intellectuels prennent position, les mouvements végans se
multiplient. Les journaux parlent enfin de la viande, des livres d’enquête sortent… La prise de conscience
est exponentielle. » Et un nombre croissant de jeunes viendrait rejoindre les rangs des végans :
«  La diffusion par Internet d’informations et de vidéos sur la condition animale les interpelle.
Le seul bémol, c’est que les jeunes qui veulent militer à nos côtés sont parfois moins tenaces
que les plus anciens : ils veulent que tout change tout de suite. Et quand ils s’aperçoivent que l’évolution
des comportements prendra du temps, certains se découragent… »

Sarah Finger, « Le véganisme, sacerdoce à ronger », Libération, 16 juillet 2015


Photographie « Menu de lapin »

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