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Chapitre 9
Chapitre 9
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Attitudes,
changement d’attitudes
et comportement 1
Sommaire
1. L’attitude 223
2. Persuasion et changement des attitudes 229
3. Comportement, dissonance cognitive
et changement des attitudes 236
4. Agir sur les comportements et les attitudes :
la soumission librement consentie 244
5. La communication engageante 247
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L’attitude 223
1. L’attitude
Le concept d’attitude est central en psychologie sociale. Dès 1935, Allport
tenait ce concept pour indispensable et même incontournable. Aujourd’hui, on ne
relève pas moins de 50 000 articles, livres ou thèses lui étant consacrés (Visser &
Cooper, 2007). Les attitudes façonnent nos perceptions du monde social et physique et
contribuent à forger notre compréhension de la réalité sociale. L’attitude, dans sa défi-
nition la plus simple, renvoie à une évaluation d’un objet de notre environnement
social ou physique. Nous possédons des attitudes sur des choses abstraites (e.g., le
matérialisme, la consommation), concrètes (e.g., la voiture élec-
trique, le dernier film de Claude Chabrol), sur des individus (e.g
le Président des États-Unis, le Dalaï-lama) ou encore sur des
catégories d’objets (e.g., les jeux vidéo, les boissons alcoolisées).
Ces attitudes nous permettent de porter rapidement des juge-
ments, de nous adapter à la société en apprenant les comporte-
ments, croyances et affects qui y sont valorisés. Enfin, les
attitudes font partie de notre identité (Murray, Haddock, &
Zanna, 1996).
Eagly et Chaiken (1993, 2007) proposent une définition géné-
rale de l’attitude : « L’attitude est une tendance psychologique
exprimée en évaluant une entité particulière avec un certain
degré de faveur ou de défaveur. » Autrement dit, une attitude
est une tendance psychologique, ou une disposition, à évaluer
de façon favorable ou défavorable, négative ou positive un Gordon Allport (1897‑1967), de l’Université
objet particulier ou une classe d’objets (cf. Cunningham, Zelazo, Harvard, tient pour central le concept
Packer, & van Bavell, 2007). d’attitude.
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contexte ou construites dans le contexte (Conrey & Smith 2007 ; Gawronski & Boden-
hausen, 2006, 2007). Certains auteurs (e.g., Schwarz, 2007a) suggèrent de combiner
ces deux types d’approches dans un modèle plus général, celui de la force de l’attitude
(Petty & Krosnick, 1995). Une attitude forte possède des qualités de stabilité, de résis-
tance à l’influence, et d’impact à la fois sur le traitement de l’information et sur les
comportements (e.g., Bassili, 2008). Une attitude forte serait stable dans le temps quels
que soient les situations, contrairement à une attitude faible, plus malléable et donc
dépendante du contexte (Fabrigar & Wegener, 2010 ; Holland, Verplanken, & van
Knippenberg, 2002).
Une attitude forte possède trois principales caractéristiques ou dimensions :
1) l’accessibilité de l’attitude : sa mesure est opérationnalisée à l’aide de la vitesse de
réponse que prend un objet pour provoquer une évaluation favorable ou défavo-
rable. Les attitudes fortement accessibles peuvent être prédictives d’un comporte-
ment aussi socialement valorisé que le vote. L’évaluation des attitudes fut recueillie
trois mois et demi avant la période de scrutin. Les attitudes des individus ayant
répondu le plus vite s’avérèrent plus prédictives de l’issue du vote que celles des
individus ayant répondu le moins vite (Fazio & Williams, 1986 ; Fazio, Powell, &
Williams, 1989). 2) l’importance de l’attitude est mesurée en demandant aux indivi-
dus si l’objet d’attitude est important pour eux, s’ils se sentent personnellement
concernés. Les attitudes importantes sont plus stables et prédisent mieux le
c omportement (Eaton & Visser, 2008 ; Visser, Bizer, & Krosnick, 2006). 3) La cer-
titude de l’attitude fait référence à la confiance dans la validité ou la justesse de sa
propre attitude. Les individus ayant une forte certitude sont plus résistants à une
tentative d’influence (Petty, Briñol, Tormala, & Wegener, 2007 ; Tormala & Petty,
2002).
Ainsi, la force de l’attitude et ses dimensions détermineraient la stabilité ou la dépen-
dance au contexte d’une attitude. Certaines des dimensions sont liées à la structure
même de l’attitude (i.e., l’accessibilité), d’autres à la fonction de l’attitude (i.e., l’impor-
tance, la certitude ; Fabrigar & Wegener, 2010 ; Petty & Briñol, 2010b). Par ailleurs,
Ajzen, Albarracin et Hornik (2007), puis Fishbein et Ajzen (2010) ont montré que
l’attitude peut prédire l’intention comportementale, cette dernière pouvant constituer
un prédicteur du comportement (Cestac & Meyer, 2010 ; Glasman & Albarracin,
2006 ; cf. Giger, 2008 pour une revue critique).
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L’attitude 225
de nos sentiments (Nisbett & Wilson, 1977), en fonction de ce que nous faisons ou
avons fait dans le passé (Albarracín & Wyer, 2000 ; Bem, 1972 ; Dolinski, 2000 ;
Hofmann, De Houwer, Perugini, Baeyens, & Crombez, 2010). Par exemple, les indi-
vidus infèrent posséder une attitude négative envers la pollution automobile s’ils se
souviennent avoir signé une pétition contre la pollution. Bien que distinctes, les
dimensions cognitives et affectives varient dans le même sens. Posséder des
croyances positives envers un objet est associé à des réponses affectives positives
sur ce même objet, posséder des croyances négatives est, à l’inverse, associé à des
réponses négatives affectives.
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Quelles que soient les échelles de mesure autorapportées, les répondants peuvent
déformer leurs réponses par souci de désirabilité sociale, c’est-à-dire de se présenter
sous un jour favorable à ses interlocuteurs (Eagly & Chaiken, 2005). Les répondants
sont aussi limités dans ce qu’ils peuvent dire ou penser d’eux-mêmes (difficultés d’ac-
cès à nos déterminants internes : Joule, 1989 ; Nisbett & Wilson, 1977 ; Wilson, 2002).
Afin d’atténuer, voire de supprimer la désirabilité sociale, certains chercheurs ont eu
recours à un faux détecteur de mensonges (bogus pipeline, Jones & Sigall, 1971). On fait
croire aux répondants qu’un appareillage apparemment sophistiqué, mais factice, per-
met de savoir ce qu’ils pensent vraiment. Vingt ans de recherches ont montré que le
faux détecteur de mensonges permet d’obtenir des réponses plus sincères (Tourangeau,
Smith, & Rasinski, 1997 ; Roese & Jamieson, 1993).
D’autres mesures indirectes de l’attitude ont été développées, au nombre desquelles le
test d’associations implicites (Implicit Association Test ou IAT, Greenwald, McGhee &
Schwartz, 1998). Il s’agit de l’outil qui a suscité le plus d’intérêt et de travaux. L’IAT est
une mesure implicite de l’attitude (cf. Blaison, Chassard, Kop, & Gana, 2006). Une atti-
tude implicite est une attitude dont l’individu n’est pas conscient et qu’il ne contrôle
donc pas (De Houwer, Teige-Mocigemba, Spruyt, & Moors, 2009 ; Fazio & Olson, 2003 ;
Gawronski & Bodenhausen, 2010 ; Petty, Fazio, & Briñol, 2009). Elle mesure l’associa-
tion automatique existant entre un objet d’attitude et son évaluation dans la mémoire.
La mesure de l’attitude implicite permet de réduire et même d’éliminer le biais de dési-
rabilité (Ferguson, Hassin, & Bargh, 2008). L’IAT a pour objectif de comparer l’écart des
temps de réaction entre des associations congruentes, d’une part, et des associations non
congruentes, d’autre part. Greenwald et al. (1998) ont montré que l’association compa-
tible débouche sur des temps de réponse plus petits que l’association incompatible.
L’écart, en temps, entre ces deux combinaisons rend compte d’une association implicite
ou de la force associative entre les concepts-cibles et les pôles évaluatifs (e.g., Hofmann,
Gawronski, Gschwendner, Le, & Schmitt, 2005 ; Greenwald, Nosek, & Banaji, 2003). La
technique de l’IAT a été utilisée dans différents domaines (e.g., ségrégation, violence,
consommation, santé). Greenwald, Poehlman, Uhlmann, & Banaji (2009) montrent, dans
une méta-analyse portant sur 184 recherches (N = 14 900), que les mesures implicites
du type IAT (r = .274) et les mesures explicites (r = .361, N = 13 068) peuvent prédire
les jugements et les comportements, essentiellement dans les domaines de la consomma-
tion et de la politique. Mais c’est dans le domaine des thématiques sociales fortement
sensibles comme la ségrégation interraciale et de la discrimination que le test s’avère le
plus intéressant : l’attitude implicite prédit mieux les jugements et croyances que l’atti-
tude explicite. Plusieurs instruments implicites ont été spécialement créés afin de
c ompléter et renforcer la mesure IAT (e.g., Extrinsic Affective Simon Task ou EAST, De
Houwer, 2003 ; Go/No go Association Task ou GNAT, Nosek & Banaji, 2001).
Les mesures physiologiques peuvent également être prises en compte dans l’évaluation
des attitudes explicites ou implicites. Par exemple, de faibles activations ou des
contractions minimes des muscles faciaux imperceptibles à l’œil nu peuvent refléter la
valence (négative ou positive) et l’intensité de l’attitude. La mesure de l’activité céré-
brale est, elle aussi, utilisée (Cunningham, Packer, Kesek, & van Bavel, 2009 ; Ito &
Cacioppo, 2007).
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L’attitude 227
Focus
Le conditionnement évaluatif2
La question de la façon dont les attitudes se forment vis-à-vis d’un objet, social ou non, comme par exemple
un produit ou une marque a fait l’objet de nombreuses recherches en psychologie cognitive et sociale
depuis des décennies. Parmi les mécanismes d’apprentissage et d’émergence des attitudes, un des plus
documentés et des plus robustes est le conditionnement évaluatif (Martin & Levey, 1978 ; Gast, Gawronski,
& De Houwer, 2012). Héritier du conditionnement pavlovien, le conditionnement évaluatif fait référence à
une famille de mécanismes mentaux par lequel l’évaluation d’un objet initialement neutre affectivement va
devenir plus positive ou négative du fait du couplage de cet objet avec un stimulus chargé émotionnelle-
ment, de manière négative ou positive. Le premier est appelé stimulus conditionné, c’est-à-dire dont la
valence affective qui lui est rattachée est neutre et/ou de faible intensité, qui ne fait donc l’objet d’aucune
préférence préalable par l’individu. Le second stimulus est appelé stimulus non conditionné, et est davan-
tage chargé affectivement que le stimulus conditionné.
La procédure de conditionnement évaluatif consiste donc à coupler de manière itérative un stimulus condi-
tionné (e.g., une image neutre, par exemple un logo de marque) avec un stimulus non conditionné (e.g., une
image fortement chargée affectivement, par exemple un acteur ou sportif célèbre) ce qui aboutira au fait
que l’image initialement neutre sera jugée comme plus positive ou négative, en fonction de la valence du
stimulus non conditionné). Afin de s’assurer que l’on dispose bien des stimuli neutres et positifs ou négatifs,
ces derniers sont prétestés auprès d’un échantillon indépendant d’individus avant la procédure, ou tirés de
bases de données de stimuli dont la valence est connue (e.g., IAPS). On observe alors un transfert affectif
d’un stimulus à l’autre résultant de l’association en mémoire de ces deux stimuli. De nombreux facteurs
viennent moduler cette relation entre exposition répétée d’une paire de stimuli et le changement évaluatif.
Par exemple, plus les stimuli seront proches d’un point de vue perceptif, plus ils seront catégorisés comme
étant similaires et plus le processus de conditionnement sera fort (Davey, 1994). Également, plus le nombre
d’occurrences où les deux stimuli sont présentés ensemble est élevé, plus le conditionnement sera impor-
tant. Il n’est pas non plus nécessaire que le stimulus conditionné soit systématiquement couplé avec le sti-
mulus non conditionné pour qu’un conditionnement ait lieu : même si leur probabilité d’apparition
conjointe est faible, cela n’influence que très peu le transfert affectif (Baeyens, Crombez, Van den Bergh, &
Eelen, 1988). De plus, lorsque le stimulus conditionné est présenté seul après le processus de conditionne-
ment, l’intensité du conditionnement diminue et le stimulus conditionné est jugé moins négativement (ou
positivement).
Établir que le conditionnement évaluatif peut se produire de manière non consciente (ou automatique,
pour une revue des composantes de l’automaticité, voir Moors et De Houwer, 2010) reste un sujet
débattu en dépit d’avancées importantes cours de la dernière décennie (De Houwer, 2007 ; Jones, Fazio,
& Olson, 2009). Ainsi, les méta-analyses ont montré que le fait d’être conscient que les stimuli présentés
dans une tâche de conditionnement sont associés (conscience de la contingence) est le modulateur le
plus important du conditionnement évaluatif (Lovibond & Shanks, 2002 ; Hofmann et al., 2010 ; Mitchell,
De Houwer, & Lovibond, 2009), même si certaines études rapportent des occurrences de conditionne-
ment évaluatif en l’absence de conscience (Baeyens, Eelen, & Van der Bergh, 1990 ; De Houwer, Baeyens,
& Eelen, 1994). En effet, dans la majorité des études sur le conditionnement évaluatif, les participants
reportant une connaissance des associations entre les stimuli conditionnés et non conditionnés mon-
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trent systématiquement un conditionnement plus important lorsqu’ils sont conscients que les stimuli
sont associés, cet effet ne pouvant être attribué à un biais de demande (i.e., la représentation que le
participant se fait des hypothèses expérimentales, et sa volonté de les confirmer ; Pleyers, Corneille,
Luminet, & Yzerbyt, 2007). De plus, de nombreuses études rapportent des effets plus faibles du condi-
tionnement évaluatif chez les enfants, ce qui peut être expliqué par le fait que les enfants sont en
moyenne moins conscients du fait que les stimuli que l’on leur présente sont supposés être associés
(pour une méta-analyse : voir Hofmann et al., 2010). Les modèles propositionnels stipulant que les
associations entre stimuli se font grâce à un des mécanismes liant les stimuli de manière consciente et
raisonnée semblaient donc être les plus susceptibles de rendre compte des phénomènes de condition-
nement (De Houwer, 2009).
Néanmoins, s’il semble que la conscience de l’association soit une condition importante pour que le condi-
tionnement évaluatif ait lieu, cela ne signifie pas nécessairement que l’on puisse conclure à l’absence de
conditionnement non conscient. Si les tailles d’effet sont systématiquement plus importantes lorsqu’il y a
conscience que les stimuli sont associés, les cas de conditionnement non conscient existent. En parallèle
aux modèles propositionnels, des modèles associatifs ont pour objectif de rendre compte des processus de
conditionnement non conscient. Ainsi, si le conditionnement non conscient est possible, il obéit à des
mécanismes différents de celui du conditionnement conscient, notamment par le biais de fausses attribu-
tions affectives où l’individu, ne sachant pas déterminer la source des affects déclenchés par l’exposition au
stimulus non conditionné, attribuerait faussement ces affects au stimulus conditionné (Jones, Fazio, &
Olson, 2009). Ce modèle est plus proche de la conception d’origine de Martin et Levey (1978), qui considère
que le lien entre les stimuli se fait de manière non consciente. Ce processus de fausse attribution affective
serait un processus implicite, de bas niveau cognitif et perceptuel, ce qui le rendrait insensible aux modula-
tions de processus propositionnels, explicites et de haut niveau. Le conditionnement non conscient aurait
alors plus de chance de se produire lorsque la source des affects est opaque pour l’individu, par exemple
lorsque les affects provoqués par le stimulus non conditionné sont peu intenses ou que le stimulus non
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conditionné dispose d’une valence parfaitement neutre ou n’a pas de sens d’un point de vue sémantique
(e.g., non-mot). Par conséquent, tous les facteurs qui viendraient augmenter l’ambiguïté de la source des
affects sont susceptibles de maximiser le processus de fausse attribution. La plausibilité de ces modèles a
été renforcée par des avancées méthodologiques récentes concernant la mesure de la conscience de la
contingence (Hutter et al., 2011, 2012).
Enfin, les modèles les plus récents cherchent à concilier les deux approches propositionnelles et associatives,
où les attitudes implicites et explicites sont des réponses distinctes d’un système intégrant des mécanismes
propositionnels interagissant avec des attitudes implicites fonctionnant sur le principe du réseau associatif
(e.g., modèle APE ; Gawronski & Bodenhausen, 2006). Ces approches permettent de réconcilier les résultats
issus d’études ayant montré que des changements d’attitudes explicites pouvaient n’avoir aucun effet sur les
attitudes implicites liées à un même objet (Gawronski & Strack, 2004), et qu’à l’inverse, un changement d’atti-
tude implicite pouvait n’avoir aucun effet sur les attitudes explicites (Dasgupta & Greenwald, 2001 ; Karpinski
& Hilton, 2001 ; Blair, 2002 ; Olson & Fazio, 2006 ; Gawronski & LeBel, 2008).
Ainsi, plutôt que de savoir si la conscience de la contingence est une condition centrale du conditionnement
évaluatif, la recherche s’oriente davantage vers des modèles dits « meta-conditionnels », dont l’objet est de
déterminer quelles sont les conditions dans lesquelles la conscience de la contingence est nécessaire pour
que le conditionnement ait lieu, et dans quelles conditions un conditionnement non conscient pourrait se
produire.
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t roisième (années 1980 à 1990) porte sur la connaissance de la structure des attitudes
et les modèles duels du traitement de l’information (Chaiken, 1987 ; Petty & Cacioppo,
1986). Enfin, la quatrième génération (années 2000) se focalise pour l’essentiel sur les
mesures implicites de l’attitude.
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que de la crédibilité de la source. Le contraire est observé lorsque les individus ne sont
pas motivés à traiter ou à évaluer les arguments (faible implication). Le traitement de
l’information est, selon Petty et Cacioppo, relativement objectif. Toutefois, il peut s’avé-
rer biaisé dans certaines circonstances. Par exemple, des individus ayant une bonne
connaissance du thème traité sont plus facilement aptes à réfuter certains arguments,
que ceux n’en ayant qu’une faible connaissance. Ce traitement biaisé, plutôt partial,
dépendrait aussi des buts que se fixent les individus : parvenir à une conclusion plutôt
qu’à une autre, réagir contre une tentative d’influence, etc. (cf. Girandola, 2003, pour
une revue).
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plus défavorable envers le produit lorsque la source est fortement crédible que lorsqu’elle
est faiblement crédible. La source fortement crédible a renforcé la nature négative des
réponses cognitives émises pendant la lecture du message de mauvaise qualité. Ici, la source
fortement crédible valide les réponses cognitives négatives : les sujets ont davantage
confiance en leurs pensées négatives.
Tormala, Briñol et Petty (2007) ont identifié
deux conditions produisant les effets d’au-
tovalidation cognitive : 1) ces effets ont plus
de chances de se produire lorsque les parti-
cipants réfléchissent activement au contenu
du message ; 2) la crédibilité de la source ne
modifie la confiance des individus que
lorsque l’information sur la source suit le
traitement du message (cf. aussi l’autovali-
dation affective, Briñol, Petty, & Barden,
2007). Dans le cadre de l’autovalidation, on
intervient après le traitement du message.
Lorsque l’argumentation est de mauvaise qualité, une source La place d’une variable dans la succession
fortement crédible produit moins de changement d’attitude des stimuli peut donc exercer une influence
qu’une source faiblement crédible. sur la persuasion.
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& Maheswaran, 1994). Cette cooccurrence des traitements peut produire divers effets
sur les attitudes : a) un plus fort impact (ou additivité) lorsque les conclusions issues de
ces deux traitements ne sont pas contradictoires ; b) une atténuation lorsque les
conclusions issues du traitement systématique contredisent celles issues du traitement
heuristique ; c) des biais dans la mesure où des arguments peuvent être jugés de
meilleure qualité lorsqu’une source experte les expose. De même, la perception de la
source peut être influencée par la qualité des arguments présentés : une source paraît
d’autant plus experte que ses arguments sont jugés de bonne qualité.
Selon le H.S.M, la motivation à traiter l’information varie selon les buts que se donnent les
individus (e.g., détenir de l’information correcte et précise, résister à une tentative d’in-
fluence, faire plaisir à autrui). Des niveaux de motivation sont aussi définis, par exemple,
la motivation défensive préserverait le Soi (e.g., valeurs, identités, croyances) de toute
menace le remettant en cause. Ce type de motivation biaise le traitement de l’information
systématique et heuristique et, au-delà, prépare à contre-argumenter et résister à une
tentative de persuasion ultérieure (e.g., « si cette information va dans le sens de mon opinion,
alors je la considère comme vraie. Si elle s’y oppose, alors je ne la prends pas en compte »).
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d’argent »). Il n’est donc guère possible de développer des critères permettant de dis-
tinguer objectivement indices forts et arguments forts, d’une part, et indices faibles et
arguments faibles, d’autre part. L’interprétation de ces indices ou des arguments
dépend des croyances des individus sur tel ou tel objet (Lay Epistemic Theory,
Kruglanski, Dechesne, Orehek, & Pierro, 2009). Par ailleurs, les indices contenus dans
le message sont utilisables dans une règle courte du type « si X alors Y » ou « si c’est
un expert alors il a raison ». Cette règle ou heuristique serait préférentiellement
construite et/ou utilisée par des individus ayant un fort besoin de clôture cognitive
(« Need for Closure »), besoin défini comme « le désir d’obtenir une réponse sur un sujet
donné, n’importe quelle réponse, plutôt que la confusion ou l’ambiguïté » (Klein &
Webster, 2000 ; Kruglanski & Webster, 1996 ; Webster & Kruglanski, 1994).
Les trois modèles (ELM, HSM, Unimodel) partagent deux idées importantes.
D’abord, les ressources cognitives limitées ne permettent pas un traitement en
profondeur des messages. Ensuite, l’effort alloué au traitement est déterminé par
la motivation et la capacité de l’individu. Les modèles duels (ELM et HSM) font état
d’un processus asymétrique : seuls les indices périphériques ou les heuristiques,
présentés avant le message, sont en mesure de biaiser le traitement de ce message.
Pour l’Unimodel, les indices peuvent biaiser le traitement des arguments au même
titre que les arguments peuvent biaiser le traitement des indices (i.e., équivalence
entre indices et arguments). D’autres modèles de la persuasion insistent sur les
différentes étapes ou séquences dans le processus de persuasion (Albarracín,
2002 ; Albarracín, Cohen, & Kumkale, 2003 ; Albarracín, McNatt, Findley-Klein,
Ho, Mitchell, & Kumkale, 2003).
Les recherches dans le cadre de ces modèles bénéficient, depuis peu, de différentes
méthodologies et théorisations permettant la prise en compte des attitudes implicites
(Petty, Fazio, & Briñol, 2009 ; Wittenbrick et Schwartz, 2007). Les recherches fon-
damentales, mais aussi appliquées, devraient rapidement tirer profit de ce nouveau
champ d’étude (cf. Bohner et Dickel, 2011) dans différents domaines (e.g., la persua-
sion par la peur, De Hoog, Stroebe, & de Wit, 2007, 2008 ; Girandola, 2000a ; ou
encore la prédiction des comportements, Perugini, Richetin, & Zogmaister, 2010).
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Focus
L’éveil et l’affect négatif liés à la dissonance pendant
un comportement problématique3
Festinger (1957) conceptualise l’état de dissonance comme un état motivationnel, ayant donc des pro-
priétés énergisantes ou éveillantes. En outre, pour Festinger, la dissonance créée un inconfort psycholo-
gique qui se traduit par un état émotionnel négatif (cf. Martinie, Milland, & Olive, sous presse). Les
propriétés motivationnelles conduisent alors les individus à réduire leur inconfort psychologique et,
dans le paradigme de la soumission induite, le changement d’attitude permettrait de réduire l’affect
négatif.
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Les propriétés énergisantes de la dissonance ont été mises en évidence en analysant la performance à des
tâches après l’induction de la dissonance. Ainsi, il a été constaté que la dissonance facilite la performance à des
tâches simples et entrave celle-ci à des tâches complexes (Pallak & Pittman, 1972 ; Waterman, 1969 ; Waterman
& Katkin, 1967). Ces résultats sont en accord avec ceux obtenus par les théoriciens de l’apprentissage (Spence,
Faber, & McFann, 1956 ; Spielberg & Goodstein, 1958 ; Sanders & Baron, 1975). Selon nous, la performance à des
tâches simples serait facilitée parce que ces dernières impliquent l’émission de réponses dominantes (i.e., une
seule réponse possible) récupérées ou produites de façon quasi automatique et peu coûteuses pour l’individu
(cf. infra pour exemple). En revanche, la performance à des tâches complexes serait entravée en situation de
dissonance, parce que ces dernières impliquent la production de réponses non dominantes, qui sollicitent
donc la mémoire de travail. En effet, lorsque l’individu est confronté à une situation dans laquelle plusieurs
réponses sont possibles (i.e., réponses non dominantes), il doit sélectionner une réponse parmi plusieurs et
inhiber les réponses non choisies. Selon nous, l’implication de la mémoire de travail pour produire une réponse
non dominante annulerait les bénéfices des propriétés énergisantes de la dissonance. Nous avons mis à
l’épreuve cette hypothèse dans deux expériences, dans lesquelles les participants réalisaient un essai contre-
attitudinel (i.e., tâche principale) en condition de dissonance ou de non-dissonance (Martinie, Olive, & Milland,
2010). Dans ces deux expériences, l’attitude envers le thème de l’essai était mesurée à l’issue de sa production.
Pendant cette production, les participants réalisaient une tâche secondaire. Dans l’expérience 1, cette dernière
impliquait l’émission d’une réponse dominante et engageait donc peu la mémoire de travail. Plus précisément,
les participants devaient, tout en rédigeant l’essai, détecter le plus rapidement possible un signal sonore simple
en appuyant sur un bouton dès qu’ils le percevaient. Les résultats montrent que les individus détectent plus
rapidement le signal en condition de dissonance qu’en condition de non-dissonance. Par ailleurs, en condition
de dissonance, la détection du signal est plus rapide en début d’essai qu’en fin. Ces résultats mettent en évi-
dence les propriétés énergisantes de la dissonance, ces dernières étant plus importantes en début d’essai qu’en
fin. Dans l’expérience 2, la tâche secondaire impliquait la production de réponses non dominantes. Les partici-
pants devaient, tout en rédigeant l’essai, mémoriser et rappeler des séries de chiffres dont nous manipulions
la complexité afin de faire varier la charge cognitive. Ainsi, la série de chiffres à mémoriser était soit composée
de 3 chiffres (charge cognitive faible) soit de 5 chiffres (charge cognitive forte)4. Le facteur « charge » (forte
versus faible) était manipulé en intra-sujet, le facteur « condition » (dissonance versus non-dissonance) l’était
en inter-sujet. Contrairement à l’expérience 1, nous nous attendions à observer une détérioration de la perfor-
mance à la tâche de mémorisation de chiffres, particulièrement avec une série de chiffres provoquant une
forte charge cognitive. En effet, cette performance ne dépend pas directement du niveau d’éveil des individus,
mais de la capacité de leur mémoire de travail. Les résultats confirment nos attentes : les performances ne
diffèrent pas en condition de dissonance et de non-dissonance lorsque la charge de la tâche de mémorisation
est faible. En revanche, lorsque la charge de cette tâche est forte (séries de 5 chiffres), la performance des
individus est dégradée en condition de dissonance comparativement à celle observée en condition de non-
dissonance. Ce résultat suggère que la dissonance consomme des ressources en mémoire de travail. Néan-
moins, la réalisation de l’essai contre-attitudinel en condition de dissonance ne semble pas nécessiter un grand
effort cognitif, puisque la performance n’est affectée que si la charge de la tâche secondaire est élevée.
Concernant la composante émotionnelle (Elkin & Leippe, 1986 ; Harmon-Jones, Brehm, Greenberg, Simon,
& Nelson, 1996) négative (Elliot & Devine, 1994 ; van Veen, Krug, Schooler, & Carter, 2009), malgré les divers
travaux en attestant, une question demeure. Selon Cooper et Fazio (1984), l’état de dissonance serait au
départ indifférencié puis négatif, alors que pour Elliot et Devine (1994), il serait spécifiquement aversif (et
donc négatif dès le départ). Nous avons récemment (Martinie, Olive, Milland, Joule, & Capa, 2013) testé la
4. Une charge de trois éléments est en dessous de la capacité de la mémoire de travail et une charge
de cinq éléments dépasse la capacité de la mémoire de travail (Cowan, 2005).
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nature de l’état de dissonance en utilisant l’électromyographie du visage, qui fournit des informations sur
le déroulement temporel des états émotionnels ressentis par les individus (Cacioppo, Petty, Losch, & Kim,
1986). Dans cette expérience, les participants étaient appareillés de deux électrodes placées au niveau des
corrugateurs supercilii dont l’activité musculaire traduit un état émotionnel négatif, et de deux autres au
niveau des zygomatiques dont l’activité indique un état émotionnel positif. Après une phase de familiarisa-
tion avec le matériel, les participants réalisaient un essai contre-attitudinel en condition de dissonance ou
de non-dissonance. Nous avons constaté que l’affect négatif (activité des corrugateurs supercilii) lié à la
dissonance n’apparaît pas au début de la réalisation de l’essai, mais, plus tard au cours de sa production. Ces
résultats plaident donc en faveur de la position défendue par Cooper et Fazio (1984) : l’état de dissonance
est au départ indifférencié, puis il devient négatif. Par ailleurs, nous avons observé que l’intensité de l’affect
négatif prédit le changement d’attitude des individus. Ce résultat suggère donc que le changement d’atti-
tude serait directement lié à l’inconfort psychologique. Afin de déterminer le devenir de l’affect négatif
après le changement d’attitude, nous avons mesuré l’activité faciale des participants en condition de disso-
nance pendant la réalisation de l’essai et après la mesure de l’attitude envers le thème de l’essai (Martinie,
Joule, Milland, & Capa, 2011). L’attitude était également mesurée sept jours avant la réalisation de l’essai
(attitude pré-expérimentale). Les résultats de cette dernière expérience sont identiques à la précédente. De
plus, ils montrent que l’affect négatif diminue dans sa totalité après le changement d’attitude.
En somme, pris dans leur ensemble ces expériences montrent d’une part que l’éveil lié à l’état de dissonance
apparaît très tôt lors de la réalisation de l’essai et qu’il est plus important en début d’essai qu’en fin. D’autre
part, ils attestent que l’affect négatif lié à la dissonance n’émerge pas au début l’essai, mais apparaît plus
tardivement dans sa réalisation. Ainsi, la composante « affect négatif » intervient après la composante
« éveil ». Qui plus est, le changement d’attitude est d’autant plus important que l’intensité de l’affect néga-
tif est élevée. Enfin, l’état de dissonance consomme des ressources en mémoire de travail, sans toutefois
développer un effort mental particulièrement important.
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Les révisions de la théorie peuvent finalement, être regroupées en deux grandes caté-
gories, celles qui rompent avec le noyau dur de 1957 et celles qui, au contraire, le
revendiquent. Les révisions ayant trait au soi du sujet (« self-concept ») sont nom-
breuses (Aronson, 1992 ; Steele, 1988).
En accordant au soi une place centrale dans la dynamique cognitive, ces révisions rompent
avec la théorie originale de Festinger. Festinger évoque des relations binaires entre les
cognitions (e.g., « X implique Y » ou « X implique le contraire de Y ») alors que les révi-
sions impliquant le soi font intervenir des relations ternaires (du type : « X implique Y
ou implique le contraire de Y quand Z »). Elles postulent que la nature cohérente ou
incohérente de la relation entre deux cognitions dépend d’une troisième cognition : le
soi du sujet. D’autres révisions, au contraire, revendiquent peu ou prou le noyau dur
de la théorie originale de Festinger (Harmon-Jones, Amodio, & Harmon-Jones, 2010 ;
Harmon-Jones, Harmon-Jones, Serra, & Gable, 2011). C’est le cas de la version radicale
de la théorie de la dissonance (Beauvois & Joule, 1996), dont les principales proposi-
tions peuvent être résumées ainsi :
1) L’état de dissonance est un état motivationnel
2) Le taux de dissonance se définit à partir d’une seule cognition : la cognition
génératrice (cf. Festinger & Carlsmith, 1959) qui est la représentation d’un
comportement du participant. Cette option a conduit à l’étude de deux
paradigmes originaux de la dissonance cognitive : 1) la double soumission
forcée dans lesquelles le participant est amené à réaliser, non plus seule-
ment un, mais deux comportements dont au moins un est contraire aux
attitudes ou aux motivations du sujet (Azdia, Girandola, & Andraud,
2002 ; Azdia & Joule, 2001 ; Joule, 1991a,b, 1993b ; Joule & Azdia, 2003,
2004 ; Joule & Girandola, 1995 ; Joule & Lefeuvre, 2003 ; Lefeuvre &
Joule, 2002 ; Pittau-Aillaud & Joule, 2004 ; Renard, Bonardi, Roussiau, &
Girandola, 2007) ; 2) la rationalisation en acte : un acte problématique peut
être rationalisé par la réalisation d’un nouveau comportement plus coû-
teux allant dans le même sens, par exemple une privation inopinée de tabac
de 18 heures peut être rationalisée par un engagement dans une privation
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Agir sur les comportements et les attitudes : la soumission librement consentie 245
n’auraient pas réalisé de leur propre chef, mais à se soumettre dans un contexte de liberté.
Le comportement occupe une place centrale dans ce paradigme qui répond ainsi aux
attentes de certains chercheurs (e.g., Agnew, Carlston, Graziano, & Kelly, 2010 ; Baumeister,
Vohs, & Funder, 2010 ; Toniolo, 2009) ayant constaté un déficit de recherches en psycho-
logie sociale dans lesquelles le comportement social a un statut de variables dépendantes.
Les chercheurs travaillant dans le paradigme de la soumission librement consentie étudient
différentes techniques d’influence sociale (Pratkanis, 2007) dont les plus connus sont le
pied-dans-la-porte (obtenir un peu avant de demander davantage, Freedman & Fraser,
1966) et ses derniers développements (Fennis, Janssen, & Vohs, 2009), notamment en lien
avec la théorie des représentations sociales (Eyssartier, Joule, & Guimelli, 2007, 2009 ;
Souchet & Girandola, 2013), la porte-au-nez (refuser une première requête excessive avant
d’en accepter une seconde qui l’est moins), Cialdini et al. 1975 ; Sénémeaud, Somat, Terrier,
& Noël, 2008 ; Terrier & Joule, 2008), l’amorçage (prendre une décision sans en connaître
les inconvénients ou sur la base d’avantages fictifs, Cialdini et al. 1978), le toucher (toucher
quelques instants l’avant-bras d’une personne, Guéguen & Joule, 2008 ; Marchand, Halimi-
Falkowicz, & Joule, 2009), le « vous êtes libres de… » (demander un service à quelqu’un en le
déclarant explicitement libre d’accepter ou de refuser, Pascual & Guéguen, 2002), le leurre
(annoncer l’impossibilité de la concrétisation d’une décision avantageuse avant d’offrir la
possibilité d’une autre moins avantageuse, Guéguen, Joule, & Marchand, accepté ; Joule,
Gouilloux, & Weber, 1989), l’implémentation des intentions (faire préciser le lieu, le
moment et le comment de l’action ; Ajzen, Czasch, & Flood, 2009 ; Gollwitzer, 1999 ;
Gollwitzer, Wieber, Meyers, & McCrea, 2010 ; Prestwich & Kellar, sous presse) afin de
casser les habitudes (Andriaanse, Gollwitzer, De Ridder, de Wit, & Kroese, 2011 ; Neal &
Wood, 2009), l’influence par les normes (e.g., Cialdini & Griskevicius, 2010 ; Goldstein,
Cialdini, & Griskevicius, 2008 ; Nolan, Schultz, Cialdini, Goldstein, & Griskevicius, 2008)
ou encore la technique « perturbation-puis-recadrage » (Carpenter, 2009 ; Kardes, Fennis,
Hirt, Tormala, & Bullington, 2007), etc.
Le pied-dans-la-porte est la procédure ayant donné lieu au plus grand nombre de
recherches (e.g., Burger, 1999 ; Cialdini, 2009 ; Guéguen, 2002 ; Goldstein, Martin, &
Cialdini, 2008 ; Guéguen & Triffaut, 2003 ; Joule, 2006). Son principe revient à deman-
der peu (acte préparatoire) avant de demander davantage (comportement attendu). Dans
une de leurs expérimentations, Freedman et Fraser (1966) demandent d’abord à des
jeunes femmes au foyer de répondre, sous couvert d’une enquête téléphonique, à
quelques questions anodines, sur leurs habitudes de consommation (acte préparatoire).
Quelques jours plus tard, les ménagères reçoivent un nouvel appel téléphonique. On leur
demande, cette fois, de bien vouloir recevoir chez elles, deux heures durant, une équipe
de plusieurs enquêteurs (comportement attendu). En procédant ainsi, Freedman et Fra-
ser constatèrent que leurs chances de voir accepter cette requête particulièrement coû-
teuse étaient significativement plus fortes (52 % d’acceptation) que dans la condition
contrôle dans laquelle les ménagères n’avaient pas été préalablement sollicitées pour
participer à l’enquête téléphonique (22 % d’acceptation).
La théorie de l’engagement est, notamment, avancée pour rendre compte des effets
observés. Les chercheurs manipulent la variable engagement en jouant sur différents
facteurs situationnels. Ces facteurs peuvent être regroupés, selon Joule et Beauvois
(1998), en deux catégories :
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Procédure de soumission
librement consentie
(ex : pied dans la porte)
Les effets de l’engagement au niveau attitudinel se traduisent par une stabilisation des
attitudes initiales, voire dans certains cas par une extrémisation de celles-ci, lorsqu’il
s’agit d’actes non problématiques, c’est-à-dire conformes aux attitudes et/ou aux
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motivations des individus (Kiesler, Mathog, Pool, & Howenstine, cité par Kiesler,
1971). Ils se traduisent par un changement d’attitude dans le sens de la rationalisation,
lorsqu’il s’agit d’actes problématiques, c’est-à-dire non conformes aux attitudes et/ou
aux motivations des individus (Joule & Beauvois, 1998, 2002).
5. La communication engageante
Récemment des auteurs (Joule, Girandola, & Bernard, 2007 ; Joule, Bernard, &
Halimi-Falkowicz, 2008) ont proposé un rapprochement entre deux champs d’études
traditionnellement disjoints dans la littérature en psychologie sociale : celui de l’engage-
ment par les actes (Kiesler, 1971, et plus récemment, les travaux sur la soumission
librement consentie, Joule & Beauvois, 1998) et celui de la persuasion (e.g., Girandola,
2003 ; Chabrol & Radu, 2008). Les variables dépendantes prises en compte dans le pre-
mier champ d’études concernent essentiellement les comportements effectifs (e.g.,
Guéguen & Joule, 2010 ; Priolo & Milhabet, 2008 ; Joule & Beauvois, 1998, 2002). Celles
prises en compte dans le second champ concernent essentiellement l’attitude (e.g., Petty
& Krosnick, 1995 ; Briñol & Petty, 2009a ; Girandola, 2003 ; cf. Webb & Sheeran, 2006),
même si les intentions comportementales ne sont pas totalement négligées. Ce rappro-
chement a débouché sur un nouveau paradigme : la communication engageante.
Lewin (1947) a montré tout l’intérêt qu’il y a à obtenir des actes de la part de celles et de
ceux dont on souhaite obtenir de nouveaux comportements. Le principe de la communi-
cation engageante consiste à faire précéder la diffusion d’un message persuasif de la
réalisation d’un acte préparatoire. Cet acte doit, d’une part, relever de la même identifi-
cation de l’action que le comportement attendu (Vallacher & Wegner, 1985 ; Joule &
Beauvois, 1998) et, d’autre part, être réalisé dans un contexte d’engagement (libre choix,
absence de promesse de récompense ou de menace de punition). Une démarche de com-
munication engageante se différencie à la fois d’une démarche de persuasion et d’une
démarche d’engagement. Elle se différencie d’une démarche de persuasion dans la
mesure où cette dernière n’implique pas la réalisation d’un acte préparatoire. Elle se
différencie d’une démarche d’engagement dans la mesure où celle-ci n’implique pas la
diffusion d’un message à visée persuasive. D’un point de vue pratique, recourir à la com-
munication engageante revient à amener les personnes-cibles à réaliser des actes prépa-
ratoires cohérents avec les influences ultérieures auxquelles on souhaite qu’elles soient
sensibles (Joule, Girandola, & Bernard, 2007 ; Michelik, Girandola, Joule, Zbinden, &
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