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No 17

. Avril 2007

DOSSIER :
TRANSFORMATIONS
URBAINES ET
URBANISME
DURABLE
L’émergence de la référence à la durabilité dans le champ de l’urbanisme n’est pas le
fruit du hasard. Les trois dernières décennies ont été marquées par un redéploiement
généralisé des zones urbaines caractérisé par une dispersion progressive de l’habitat
et des infrastructures et la séparation de plus en plus nette des activités (habitation,
travail, commerce, loisirs, etc.). L’étalement urbain a fourni aux groupes sociaux les
plus aisés une multiplicité d’espaces, à urbanité plus ou moins complète, convenant
aux styles d’habiter et à la symbolisation de la réussite sociale. Cependant, il a
aussi amplifié l’écartement de l’espace social, renforcé la croissance du trafic
automobile et contribué à la dégradation des ressources environnementales. Le
Sommaire nouveau régime d’urbanisation remet en question la définition de la ville, son mode
de fonctionnement, son tissu de relations et ses usages quotidiens, sa relation à
l’environnement proche et lointain. La ville extensive, avec ses divisions et ses
EN VUE aménagements réticulés, semble avoir rompu l’alliance entre les hommes et les
Les quartiers durables : lieux.
entre réussite écologi-
que et (in)justice envi- L’urbanisme fonctionnaliste a amplifié ces tendances. L’effacement des échelles
ronnementale ? 2 d’aménagement de proximité face à l’emprise des grands équipements
d’agglomération, le zonage programmé, le recours aux extensions urbaines comme
solution de facilité, l’oubli de la dépendance automobile et l’insouciance de la maîtrise
DOSSIER de l’empreinte écologique des villes (gaspillage de matières premières et sources
Vers un urbanisme d’énergie fossiles, dégradation de l’air, de l’eau et du sol, volume de déchets), sont
durable 3 désormais des dimensions constitutives de la « nouvelle question urbaine ».

BONNES L’urbanisme durable exprime une prise de conscience des risques sociaux et
environnementaux qui pèsent sur l’espace urbain. On peut le définir provisoirement
comme une tentative de densification intelligente et d’agencement différencié des
PRATIQUES 7 espaces urbains procurant une qualité du cadre de vie à tous les habitants sans
compromettre la reproduction à long terme des systèmes naturel, immobilier et
PRE-VUES 8 socioéconomique. L’urbanisme durable constitue aujourd’hui un champ nécessitant
de confronter et de croiser les disciplines. Il est aussi constitutif d’un projet de
société qui cherche à intègrer les préoccupations des professionnels et des différents
acteurs de la ville dans le processus de décision. Sa mise en œuvre nous engage
à concevoir des projets urbains innovateurs, déclinés et articulés aux différentes
échelles, du quartier à l’agglomération. Sa réussite semble exiger une forte volonté
politique, l’activation des outils de la maîtrise foncière et de l’aménagement
de l’espace construit, l’engagement des investisseurs privés et de nouvelles
compétences techniques ainsi qu'une meilleure prise en compte des aspirations des
habitants dans la conception et la réalisation des projets urbains. • AC

Vues sur la ville 1


en vue
Les quartiers durables : entre
réussite écologique et (in)justice
environnementale ?
Les engagements pris à Rio et à des années 1990 en un quartier de 34’000
Aalborg exigent que des transforma- habitants, mixte socialement, où les cours
tions dans nos manières de faire nos intérieures deviennent espaces verts,
villes soient enfin entreprises. Face les bâtiments intègrent des technologies
aux multiples enjeux posés par l’étale- d’économie d’énergie, sont raccordés au Références:
ment urbain, dans un contexte global système de chauffage urbain, et permet- 1 Projets répertoriés
de changement climatique et d’épuise- tent la récupération des eaux pluviales. par l’ARENE (cf ci-des-
sous) et par Outrequin
ment des ressources, la planification La population du quartier a été associée P., Charlot Valieu, C.
urbaine ne peut désormais plus faire de manière active au projet dès la planifi- (2004) Analyse de
l’économie des questions d’utilisation cation2. Au final, les émissions de CO2 ont projets de quartiers
durables en Europe.
du sol, de maîtrise énergétique et de été réduites à 1.1 t/an/hab., soit le tiers
gestion sociale. de la production d’un Danois moyen3. Seul 2 au Danemark, la loi
impose aux habitants
bémol: le coût de la rénovation qui s'est de participer aux
élevé à 2280 euros/m2, absorbé par des projets de rénovation
Expériences exemplaires : petit tour subventions étatiques et européennes. depuis 1986. La moitié
des ménages sont
d’Europe du nord propriétaires de leur
logement.
A cet effet, des projets de quartiers Une question de sensibilité nationale
durables ont commencé à fleurir un peu 3 ARENE Ile-de-France
Derrière cette « étiquette » de quartier (Avril 2005) Quartiers
partout en Europe ces dernières années. durable se cachent cependant des expé- durables. Guide d’ex-
Malgré les divergences nationales, ces riences très diverses, influencées par les périence européennes.
expériences se rejoignent sur une volonté approches nationales de développement 4 Emelianoff Cyria.
commune de créer un cadre de vie de durable. Les pays scandinaves et de la
Les villes européennes
face au développe-
qualité, dans une optique de maîtrise des dorsale européenne ont développé des ment durable : une
ressources et de respect de l’environne- approches centrées sur les questions floraison d’initiatives
ment, en co-production avec les (futurs) énergétiques ; les uns à cause des enjeux
sur fond de désenga-
gement politique.
habitants. Densité, mixité fonctionnelle, climatiques (Scandinavie, Royaume-Uni,
constructions écologiques, utilisation Danemark, Pays-Bas) les autres de la
d’énergies renouvelables, toitures végéta- rareté du sol (pays alpins). Les pays médi-
lisées, récupération des eaux de pluie, tri terranéens accordent eux plus d’attention
sélectif des déchets, réduction de l’espace au thème de la qualité de vie; l’accent est
voué à la voiture, verdissement des rues, donc mis sur les espaces publics, le patri-
aménagements paysagers, mixité sociale moine, l’identité des lieux4.
et participation sont les caractéristiques
pratiquement communes à tous les pro-
jets. Les expériences menées en Suède Quid du territoire ordinaire ?
(Bo01 à Malmö, Hammarby Sjöstad à Or, si les expériences méditerranéennes
Stockholm), en Finlande (Viiki à Helsinki), peinent à intégrer les dimensions écologi-
en Allemagne (Vauban et Riesenfeld à ques dans la fabrication urbaine, les quar-
Freiburg, Kronsberg à Hanovre), aux Pays- tiers dits durables des pays « du nord »
Bas (Vesterbro à Copenhague, Leidsche pèchent eux souvent du côté social ; ces
Rijn à Utrecht), ou encore en Grande- quartiers tendent parfois à constituer des
Bretagne (BedZED à Beddington)1, cons- vitrines écologiques high-tech à destina-
tituent autant de projets pilotes visant à tion des classes aisées. L’émergence de
mettre en œuvre le développement durable ces quartiers pose donc la question de la
dans la (re)construction de la ville. justice environnementale au travers du
Si la plupart de ces quartiers émergent de territoire. Plus largement, alors que ces
terrains en friches – anciens sites portuai- quartiers exemplaires font, et à raison,
res, militaires et industriels, terres agrico- beaucoup d’émules en Suisse notamment,
les, polders –, quelques rares projets visent il s’agit de s’interroger sur l’intégration des
le renouvellement urbain du tissu existant. principes d’urbanisme durable non seule-
La métamorphose du quartier de Vesterbro ment dans la création de quartiers pilotes,
à Copenhague est à cet égard particuliè- utiles en tant que lieux d’apprentissage,
rement intéressant : ce quartier central de mais aussi et surtout à l’ensemble du ter-
6000 habitants logés dans des bâtiments ritoire « ordinaire ». • Mt
pour la plupart insalubres, caractérisé par
une population très précaire et fortement
touchée par le chômage, en processus
de ghettoisation, est transformé au cours

2 Vues sur la ville


dossier
VERS UN URBANISME DURABLE

Le rôle essentiel de l’urbanisme durable aller à l’encontre des objectifs économi-


« Notre sens de est de garantir la qualité urbaine. Depuis ques et sociaux. L’urbanisme durable offre
l’harmonie nous
au moins vingt ans, beaucoup de notions aux différents acteurs de l’aménagement
vient de la nature.
Si nous sommes importantes pour le développement urbain et de la ville une base de réflexion solide
sensibles à ses durable font partie de la formation des urba- pour l’intégration des dimensions du déve-
oeuvres, c'est que
nistes et gestionnaires de l’aménagement loppement durable aux différentes échelles
nous appartenons à
son système" urbain. La multiplication des éco-quartiers de l’action collective et dans les différentes
Le Corbusier (1924) en Europe témoigne de la nouvelle préoc- phases du projet urbain.
cupation écologique. Mais l’urbanisme dura-
ble est avant tout un processus participatif 2. Une approche multiscalaire des
intégrant les critères environnementaux, enjeux d’aménagement urbain :
sociaux et économiques à la prise de déci- articuler les échelles d’urbanité
sion relative à la gestion et à l’édification
de la ville. Récusant le mirage des mots, La transformation du régime urbain, le
nous voulons tenter de définir ici une série changement d’échelle de l’urbanisation
de dix énoncés schématiques (et ideaux- contemporaine, le maillage des réseaux
types) permettant de préciser les diffé- d’équipements urbains par les grands sys-
rentes dimensions du concept d’urbanisme tèmes de circulation et les artères à grand
durable. Il est indispensable d’inventer de trafic de la ville étalée tendent à occulter
nouvelles modalités d’aménagement capa- la nécessité d’un aménagement de proxi-
bles de garantir la valeur anthropologique mité. L’urbanité durable est précisément
des espaces urbains, la reproduction des le résultat de l’articulation des échelles et
ressources sur le long terme et d’orienter de l’ajustement réciproque des formes des
l’économie générale des projets urbains aux tissus urbains aux exigences de la repro-
différentes échelles d’urbanisme. duction du lien social et de la qualification
des cadres de vie. La maîtrise du cadre
1. Une démarche de projet : un mode spatial de la ville étalée engage un disposi-
d’action global et transversal axé sur la tif d’aménagement articulant trois échelles
qualité urbaine complémentaires de conception et de mise
en oeuvre du projet urbain durable :
L’urbanisme durable s’inscrit dans les a. l’échelle territoriale de « l’urba-
démarches de projet. Il se définit comme nisme cinétique » permet de penser l’orga-
une approche opérationnelle, de program- nisation urbaine en termes de fluidité des
mation ouverte et participative, applicable déplacements, d’accessibilité aux grands
à toutes les étapes clefs des projets d’amé- réseaux de mobilité, de tracés, de maillage
nagement et d’urbanisme : identification des grands équipements reliés entre eux
des enjeux de développement urbain, réa- et à la région urbaine et métropolitaine par
lisation d’études préalables et diagnostic, des transports publics performants ; c’est
choix d’orientations stratégiques, définition l’échelle du projet d’agglomération et des
du projet, établissement du programme des schémas directeurs d’urbanisme.
actions et phase opérationnelle. L’urbanisme
durable œuvre pour une démarche de b. l’échelle intermédiaire se décline
haute qualité environnementale, qualité dans des opérations d’urbanisme concerté
qui se concrétise par : une gestion foncière qui peuvent être engagées dans l’aména-
active et un travail sur les formes urbaines gement d’espaces publics et des réseaux
(densifications différenciées, restructura- structurants au niveau d’un secteur, d’une
tion polycentrique des noyaux d’urbanité, ou de plusieurs communes.
rénovations et requalifications, nouvelles c. l’échelle locale, de la trame des
typologies d’habitat, etc.) ; la maîtrise du quartiers, de l’îlot et de la rue, intègre
trafic automobile grâce à une politique de la nécessité d’un « urbanisme de proxi-
déplacements et de stationnement qui redé- mité ». Il comprend des dispositifs d’ha-
finit la voirie et privilégie les transports en bitat écologiques, porteur d’ambiances
commun ; la maîtrise des nuisances (pollu- urbaines, d’espaces publics de qualité,
tion de l’eau, nuisances sonores et pollution d’un cadre de vie dispensateur de services
atmosphérique) et la gestion des déchets ; de proximité (écoles, garderies, arrêts de
l’offre diversifiée d’énergie ; la valorisation bus, espaces verts, ludiques, etc.) mais
des paysages urbains et de la gestion éco- aussi de sens et de sociabilité.
logique du patrimoine végétal urbain. La
haute qualité environnementale ne doit pas

Vues sur la ville 3


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Cette échelle se décline dans les plans de loisirs et d’affaires bien distincts dans le
L'Urbanisme d’affectation, les règlements de construc- territoire. Celui-ci impose par effet inducteur
durable est le tion, les opérations de réamén gement des l’amplification des circulations automobiles et
développement
qui procure des
quartiers. la partition sociale de ces étendues.
services économi- L’urbanisme durable est un principe actif de
ques, sociaux et 3. Densifier, édifier des noyaux territorialisation qui insiste sur les processus
environnementaux
fondamentaux à d’urbanité: le polycentrisme en à activer pour sortir de la fabrication d’es-
tous les habitants réseau comme structure générative et paces monofonctionnels. Densification et
sans compromet-
tre la viabilité des instrument de lisibilité spatiale hétérogenèse constituent un couple étroite-
systèmes naturels, ment lié. La mixité des fonctions, mais aussi
immobilier et social L’urbanisation dispersée, fragmentée, a des microformes urbaines et des groupes
dont dépend la mis en crise les échelles intermédiaires de socio-culturels dépend de la densité et de
fourniture de ces
services.
l’aménagement urbain. À l’asservissement l’échelle concernée : îlot, quartier, ville, etc.
des centres à la circulation automobile Cependant, l’objectif visé est toujours identi-
s’ajoutent le mitage périurbain et le sau- que : rechercher la qualité urbaine et l’émer-
poudrage des infrastructures suburbaines. gence du lien social, réduire les demandes de
Il est indiscutable que « l’urbain n’est déplacements et les risques de ségrégation
pas synonyme d’urbanité ». L’urbanisme résidentielle par une hétérogenèse des mor-
durable est à rechercher dans une politi- phologies, des ambiances et des activités
que de « reconstruction de la ville sur la urbaines permettant de faciliter l’accès de
ville », dans l’optimisation des contraintes tous les citadins aux aménités de la ville.
de déplacement et dans l’invention de
formes urbaines polycentrées, généra-
5. L’urbanisme durable comme vecteur
trices d’une densification différenciée et
de maîtrise des flux urbains
qualifiée, moins consommatrice d'espace.
La densification dépasse la dimension L’urbanisme durable implique une nouvelle
quantitative de valorisation économique manière de penser la ville. Il s’agit non seu-
et écologique du sol. Il faut travailler les lement de maîtriser l’occupation des sols et
densités de manière positive : proximité la localisation des activités et des fonctions
des transports publics et des services, urbaines, mais aussi de gérer la dynamique
maîtrise de la dépendance énergétique et des flux urbains. La gestion des réseaux
des émissions polluantes, préservation de techniques constitue une base essentielle de
la valeur paysagère des espaces agricoles la régulation des métabolismes urbains. Il
et des zones vertes à proximité (green s’agit de disposer d’eau de qualité en volume
belts, doigts de gant, etc.). Densifier un suffisant, d’énergies diversifiées, de collecter
espace, c’est aussi lui conférer une capa- et de traiter les déchets, d’échanger des
cité évolutive, générative de polarisations informations, de transporter des biens et des
maîtrisées. Un consensus émerge sur des marchandises et de se déplacer.
formes de densification polycentrées, for-
Les réseaux techniques permettent l’articu-
mes qui réorganisent la grande ville et le
lation de « l’urbanisme cinétique » à « l’ur-
paysage des zones suburbaines et périur-
banisme de proximité ». A titre d'exemple,
baines par l’affirmation verticale de noyaux
l’urbanisme durable attribue au réseau de
d’urbanité et de centralités périphériques
transports un effet structurant sur des affec-
différenciées. Le modèle polycentrique en
tations très dynamiques. Réciproquement,
réseau vise un objectif de densification
il est communément admis que la morpho-
accessible, dans lequel les fonctions du
logie urbaine, c’est-à-dire les modalités de
centre principal peuvent être dispersées en
densification des aménagements, influe sur
plusieurs centres, éventuellement spéciali-
les modalités de déplacement. L’expérience
sés et reliés par des transports publics aux
montre que les investissements en faveur
différentes couronnes urbaines. La densi-
des transports publics sont inefficaces tant
fication polycentrée est un moyen d’offrir
qu’ils ne se combinent pas avec des mesu-
une alternative à l’extension des villes et à
res d’aménagement spatial (par exemple:
la compacité à outrance.
renforcement du réseau de boulevards péri-
phériques, redéfinition de la voirie, parkings
4. Des noyaux d’urbanité aux
de dissuasion). L’objectif est de construire
mixité(s) : l’urbanisme durable un lien systématique entre la densification,
comme hétérogenèse l’implantation d’un pôle et les pratiques
de mobilité à privilégier. Les enjeux de la
Bien que tout le monde semble convaincu
mise en cohérence entre l’urbanisme et les
qu’il faut abandonner le zonage urbain
déplacements sont à la fois sociaux, envi-
monofonctionnel, l’urbanisation continue
ronnementaux et sanitaires (ADEME, 2006 ;
à produire des lotissements pavillonnaires,
p. 205).
des centres commerciaux et des parcs

4 Vues sur la ville


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6. Quartiers durables, densité et haute Dans ce domaine, l’enjeu de l’urbanisme


qualité environnementale : réhabiliter durable consiste à construire des cadres
l’urbanisme de proximité d’action opératoires permettant de requali-
fier les bâtiments et les espaces publics en
La mise en œuvre d’opérations aux « échelles améliorant à la fois leur fonctionnement,
mineures » de l’aménagement est un horizon leur esthétique et leur valeur d’usage.
incontournable de la qualité urbaine. Le quar-
La qualité de l’espace public (fonctionna-
tier est le principal cadre de vie de la popula-
lité, naturalité, propreté, sécurité, intensité
tion. La notion désigne généralement le lieu
et flexibilité des usages, ludicité, esthé-
d’habitation, c’est-à-dire le logement et les
tique, etc.) est le premier service public
espaces qui lui sont immédiatement contigus.
de la ville. L’espace public de l’urbanisme
Au-delà des déterminants taxonomiques, la
durable est continu, accessible, différen-
notion de quartier renvoie à l’idée d’une valo-
cié, varié et partagé. En revendiquant la
risation de l’espace du voisinage. Cependant,
mixité fonctionnelle et sociale comme un
rien ne permet, a priori, d’indiquer que les
atout pour favoriser l’urbanité, les relations
pratiques de sociabilité se fassent « élective-
sociales et limiter l’impact environnemen-
ment » dans l’espace proche en articulation
tal du fonctionnement urbain, l’urbanisme
avec le reste de l’espace urbain. Pas plus
durable s’oppose à la contradiction avec la
qu’on ne peut supposer que la multiplication
volonté d’établir des espaces aux limites
des mobilités d’agglomération soit un obsta-
claires et aux usages précis. La conception
cle à l’investissement de voisinages et à la
et la mise en oeuvre de l’urbanisme dura-
construction de liens forts dans une échelle
ble doit s’accompagner de compensations
de proximité.
qualitatives pouvant contribuer à rendre
L’urbanisme durable doit intégrer des noyaux acceptable une certaine compacité des for-
ou des fragments de ville anciens et de mes urbaines et la pluralité des usages de
nouveaux quartiers à inventer. Cependant, l’espace public.
ils doivent être référables à une échelle de
proximité soucieuse de la qualité résidentiel- 8. Les espaces verts en réseau :
le, de la qualité des relations de voisinage, élément structurant du paysage
de l’aménagement d’équipements d’espaces urbain
publics accueillants, de l’intégration des cons-
tructions dans les sites et de la perméabilité L’urbanisme durable attribue une fonction
des espaces internes et externes. centrale à la nature en milieu urbain. Du
point de vue écosystémique, celle-ci forme
L’essor et la multiplication des éco-quartiers
en premier lieu un habitat pour la faune.
en Europe, souligne l’effort de la transposition
Elle a un effet filtrant sur les particules pol-
de la notion de durabilité dans le domaine de
luantes et agit comme régulateur microcli-
l’urbanisme de proximité et de l’architecture
matique. Les espaces verts jouent aussi
écologique. On constate en Europe de plus
un rôle cristallisateur, d’un point de vue
en plus d’opérations de construction affichant
sociologique, en termes de diversification
la volonté d’offrir le maximum de confort aux
et de mixité des usages sur le territoire
usagers tout en préservant les ressources
urbain. Ils constituent pour les citadins un
naturelles.
support privilégié pour la pratique d’acti-
vités de loisir et de délassement. Enfin, et
7. Qualifier l’espace urbain à travers la c’est peut-être leur rôle le plus important,
valorisation différenciée des espaces les infrastructures vertes, en tant qu’élé-
publics ments de composition paysagère, forment
une respiration visuelle dans un contexte
Contrairement aux espaces privatifs, indivi-
essentiellement minéral. La végétation est,
duels ou collectifs, les espaces publics sont
de ce triple point de vue, une composante
les espaces du « visible » définis comme
essentielle de la qualité de vie en ville.
des lieux accessibles à des pratiques de
Penser et aménager la nature en milieu
co-présence. A l’échelle de la ville et de
urbain, c’est reconstruire en fin de compte
l’agglomération, l’espace public est en partie
un lien entre nos implantations humaines
structuré par le réseau hiérarchisé de voiries
et le contexte bioclimatique dans lequel
et une armature de bâtiments qui abritent
elles s’inscrivent.
des services collectifs (Bassand et al., 2001 ;
Toussaint et Zimmermann, 2001). A l’échelle L’urbanisme durable plaide pour une vérita-
des quartiers, il peut être analysé comme un ble articulation en réseau de tous les espa-
ensemble d’espaces intermédiaires assurant ces de nature en ville : des parcs prestigieux
les transitions entre le logements et les spa- aux plantes pionnières des friches urbaines,
tialités de voisinage. des haies bordant les lotissements de villas
aux bosquets résiduels. Cette articulation

Vues sur la ville 5


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doit être valorisée et pensée en terme de de mentalités. A ce titre, un partenariat


Bibliographie continuité : trames, coulées et pénétran- avec les acteurs privés s’avèrent essentiel.
ADEME. 2006. tes vertes permettent de relier la ville à sa L’urbanisme durable implique donc une véri-
« Réussir un projet
campagne, offrant des couloirs biologiques table « planification énergétique urbaine du-
d'urbansime durable
: méthode en 100 pour une diversité d’espèces vivantes, rable et transversale ».
fiches pour une mais aussi des itinéraires de déplacement
approche environ-
et de promenade privilégiés pour les habi- 10. La gouvernance comme outil
nementale de l'ur-
banisme (AEU) », tants. De tels itinéraires offrent une mise indispensable à la mise en œuvre
Paris : Les Editions en scène du paysage urbain et donnent à d’une action publique équitable et
du Moniteur.
voir la diversité qui la caractérise et en fait
démocratique
Bassand et al., sa richesse.
2001. « Vivre et L’urbanisme durable invoque une nouvelle
créer l'espace
public», Lausanne :
9. La maîtrise énergétique : un forme de gestion de la ville qui se veut à
Presses polytechni- urbanisme soucieux de la gestion des l’écoute de ceux qui « font la ville ». Le
ques et universitai-
ressources principe de gouvernance urbaine se caracté-
res romandes.
rise par une négociation avec les différents
Gauzin Müller Outre les industries, les bâtiments sont acteurs et par l’intégration transversale des
Dominique. 2001. aujourd’hui de grands consommateurs politiques et des services de la Ville, au con-
« L’architecture d’énergie et de déchets, et cela tout au
écologique », Paris :
traire d’une approche - encore aujourd’hui
les Editions du long de leur cycle de vie : construction, - trop sectorielle. L’urbanisme durable, dans
Moniteur. fonctionnement et démolition. Les expé- sa gestion, doit pouvoir faire appel aux diffé-
riences montrent que plusieurs modalités rentes compétences des professionnels, mais
Haughton Graham.
1994. « Sustainable peuvent avoir un impact positif sur cette également permettre et encourager la par-
cities », Londres : consommation énergétique : densité, ticipation active des habitants. Cette « par-
Regional Studies choix de l’implantation et de l’orientation
Association.
ticipation » ne doit pas rester une formule
des bâtiments, alimentation en énergie creuse qui, sur papier, légitimerait la mise en
Liébard Alain, De rationnelle, choix des matériaux, renfor- place d’un projet ou offrirait une validation à
Herde André. 2005. cement de l’isolation thermique, double
« Traité d'architec-
l’obtention de subventions ou de crédits. De
ture et d'urbanisme vitrage, appareils de chauffage perfor- même, pouvoirs publics, maîtres d’ouvrage et
bioclimatique », mant, recyclage, etc. L’urbanisme durable professionnels doivent être prudents quant
Paris: les Editions souhiate prendre en compte ces critères,
du Moniteur.
à la formulation de leurs engagements :
notamment par la création d’écoquartiers, consultation n’équivaut pas à participation.
Outrequin P., l’introduction de normes de construction, Enfin, une participation durable est celle qui
Charlot-Valieu C. de nouvelles gestions des chantiers et
2004. « Analyse de
ne tombe pas dans l’écueil de n’être l’apa-
projets de quartiers de politiques incitatives (en matière de nage que d’une minorité mais celle qui, dans
durables en transport par exemple). Il encourage la mesure du possible, vise l’ouverture ainsi
Europe », Vol 3. l’utilisation d’énergies vertes (bioéthanol,
Valbonne: Les
qu’une représentativité équitable.
Editions de la biomasse, éolienne, énergie solaire, etc.)
L’urbanisme durable implique également
Calade. afin de réduire les énergies fossiles et leurs
que les pouvoirs publiques composent avec
émissions polluantes.
Toussaint Yves, les acteurs privés dans le cadre de projets
Zimmermann Il en va de même aujourd’hui pour l’ali- urbains. Au delà de l’apport financier, une
Monique. « User,
observer, program-
mentation en eau potable des villes : cette collaboration avec les acteurs privés permet
mer et fabriquer ressource naturelle se fait de plus en plus d’associer ceux-ci à la logique durabiliste de
l'espace public », rare. Sa consommation est donc soumise la qualité environnementale. La décision, fruit
Lausanne : Presses
polytechniques
à une réduction sous peine de pénurie. d’une négociation entre tous les acteurs, est
et universitaires L’urbanisme durable implique une meilleu- donc une construction collective pour une
romandes. re maîtrise du cycle de l’eau (récupération gestion urbaine intégrée, équitable et dura-
des eaux de pluie, recyclage de l’eau pour ble. • Ac, Sg, Yb
l’arrosage et le nettoyage, traitement éco-
logique des eaux usées). Il propose cer-
taines solutions quant aux risques d’inon-
dations: limitation de l’imperméabilisation
des sols par une meilleure répartition
des espaces minéral et végétal, planifi-
cation plus judicieuse quant aux espaces
naturels, protection des cours d’eau, des
nappes phréatiques et des zones naturelles
sensibles.
Ces changements ne peuvent se réaliser
que sous couvert d’une volonté forte
de la part des pouvoirs publics d’opé-
rer un changement de référentiels et

6 Vues sur la ville


bonnes pratiques

Labellisation énergétique des bâtiments Dongtan , Chine : création d’une cité


publics à la ville de Lausanne durable
Lausanne s’est lancée dans la Campagne La Chine sera confrontée à un exode rural
européenne Display dont le but est de respon- massif ces prochaines années ; les prévi-
sabiliser les citoyens sur ses consommations sions annoncent le besoins de construire
énergétiques. Cette action vise à adapter aux 400 villes nouvelles ces quinze prochaines
bâtiments publics l’étiquette des appareils années. Consciente de la nécessité d’orien-
électroménagers, des lampes et des voitures, ter cette croissance de manière écologique,
permettant ainsi d’évaluer la consommation Shangaï à souhaité créer une cité exem-
d’énergie, l de l’eau et les émissions de CO2. plaire dans l’île de Chongming, qui devrait
Depuis décembre 2005, la Ville de Lausanne compter 50’000 à 80’000 habitants dans un
a analysé quelques 150 bâtiments et affi- premier temps, pour atteindre le demi mil-
ché l’étiquette Display dans 19 écoles ainsi lion en 2050. La ville de Dongtan, prévue
qu’à l’hôtel Guesthouse et au tribunal de pour 2010 dans le cadre de l’Exposition uni-
Montbenon. Elle a également mis en place des verselle de Shangaï, sera autonome énergé-
programmes de sensibilisation d'élèves en leur tiquement et sa consommation entièrement
faisant prendre conscience qu’ils peuvent agir basée sur les énergies renouvelables ; 80%
sur la consommation d’eau ou d’énergie d’un des déchets seront recyclés, les voitures
bâtiment. A ce jour, plus de 2500 élèves ont rouleront à l’hydrogène, les motos seront
participé à ce programme. Les concierges des interdites au profit des scooters électri-
bâtiments et le personnel travaillant dans les ques et du vélo. Une surface six fois plus
cuisines scolaires ont également été associés importante qu’à Copenhague sera dévo-
à la réflexion. Parallèlement, d’autres actions lue au piéton, les routes dessinées pour
ont été entreprises pour promouvoir Display, décourager l’utilisation de la voiture. Les
telles qu’une exposition devant le tribunal can- immeubles ne feront pas plus de 8 étages
tonal à Montbenon, un tour en vélo pour visiter et leurs toitures seront végétalisées pour
l’hôtel Guesthouse, le collège de Boissonnet et favoriser l’isolation et la récolte des eaux
le tribunal de Montbenon, des stands dans de pluie. Au total, l’empreinte écologique
des foires commerciales et des articles de devrait être divisée par trois par rapport à
presse. Enfin, des échanges ont eu lieu avec celle des habitants de la plupart des pays
des municipalités d’Europe de l’Est autour de occidentaux aujourd’hui pour atteindre ainsi
ces actions. 2ha/personne. La mixité sociale, des loge-
ments abordables et la création d’emplois
et de services sont également prévus.
Des logements durables Lausanne : la Reste à savoir comment les habitants et
méthode SMEO usagers de la ville de Dongtan s’approprie-
Issu de Quartiers 21, un préavis a été adopté ront cette ville écologique ; mais ce projet
en novembre 2005 visant la création de 3000 démontre que la Chine tente de se donner
nouveaux logements conçus selon des critères les moyens de répondre aux problèmes de
de construction écologique et mixtes sociale- croissance urbaine et environnementaux
ment. A cet effet, la Ville a élaboré en partena- posés par son décollage économique.
riat avec l’EPFL une méthode de construction
qui sera appliquée à l’ensemble des nouveaux
logements. Cette méthode repose sur sept Le courant vert
critères : économie du sol, concept construc- On appelle courant vert l’électricité produite
tif, choix des matériaux, gestion du chantier, par les technologies utilisant des sources
utilisation du bâtiment, entretien et formation d’énergie renouvelable et ne portant pas
et démolition en fin de vie. Ces critères sont atteinte à l’environnement. En Suisse, de
appliqués tout au long du cycle de vie des plus en plus de distributeurs d'électricité
bâtiments, soit, dès la phase de concours et offrent à leurs clients la possibilité d'ache-
jusqu’à la démolition, en passant par le pro- ter ce courant. A titre d'exemple, les foyers
jet, l’exécution, et l’exploitation. La méthode et les entreprises de Neuchâtel, Genève et
SMEO – sol, matériaux, énergies, eaux – vise Lausanne peuvent souscrire des abonne-
ainsi à systématiser les exigences du dévelop- ments de courant vert provenant principa-
pement durable dans les projets issus du préa- lement de technologies utilisant le rayonne-
vis 3000 logements. Quatre projets appliquant ment solaire ou la force des vents auprès
cette méthode sont actuellement en cours : de leurs distributeurs respectifs. Ces offres
64 logements Minergie éco à Victor Ruffy, 8 permettent à leur tour de financer des cen-
immeubles Minergie destinés aux aînés à Pra trales solaires ou des éoliennes. • Mt, Sg
Roman, 8 villas Minergie P au Communet, ainsi
que 12 logements chauffés à 100% par des
énergies renouv lables à Pra Bernard.

Vues sur la ville 7


pré-vues

Mise à jour de l’Agenda 21 d’Yverdon- Etat des lieux de la commune de Sion


les-Bains
La notion d’aménagement du territoire,
Initié en 2001, l’Agenda 21 d’Yverdon- quel que soit le niveau géographique dont il
les-Bains visait à jouer un rôle de guide relève, procède de la nécessité d’une vision
de référence pour la mise en place, la de l’organisation de l’espace orientée vers
coordination et l’évaluation d’actions publi- l’avenir. Cependant pour percevoir le futur, il
ques communales dans une perspective de faut comprendre le présent et faire un retour
développement durable. sur le passé. Réviser un plan d’affectation,
comme l’envisage la commune de Sion, ne
Même si toutes les actions prévues dans
peut, en conséquence, se faire efficacement
l’Agenda 21 n’ont pas été mises en œuvre,
qu’à la condition que les décideurs dispo-
pour des raisons liées aux contraintes
sent au préalable d’un “état des lieux” de
budgétaires, au manque de personnel ou
leur commune recensant, selon les données
à leur complexité, l’essentiel des projets a
disponibles, ses forces et ses faiblesses. Une
été réalisé ou est en cours de réalisation.
telle recherche permet de dégager les ten-
La mise en œuvre de l’Agenda 21 d’Yver-
dances principales, de signaler les principaux
don-les-Bains ne s’est toutefois pas faite
problèmes et de saisir les enjeux – à gagner
sans difficultés, que l’on peut résumer
ou à perdre – d’une action d’aménagement.
ainsi: manque d’ancrage politique ; faible
Elle fournit également quelques réflexions
implication de la société civile ; informa-
pouvant nourrir une discussion sur les oppor-
tion déficiente (visibilité et monitoring
tunités et les menaces risquant d’affecter à
des actions relevant de l’Agenda 21).
terme la politique d’aménagement.
Compte tenu de ce déficit d’information,
la Commission Agenda 21 de la commune Ces analyses préliminaires n’ont toutefois de
d’Yverdon-les-Bains a souhaité qu’une mise sens qu’à la condition de les inscrire dans un
à jour de l’Agenda 21 soit faite par l’Obser- cadre de référence explicite, permettant de
vatoire de la Ville et du Développement juger qualitativement des mesures obtenues.
durable, constituée par une évaluation de Parce qu’il est un principe d’action visant à
la situation de la commune et une réflexion concilier le développement économique, la
quant aux thématiques et actions futures à cohésion sociale, les impératifs écologiques
privilégier pour favoriser le développement et la qualité des cadres de vie à travers un
urbain durable de la commune. La mise à ensemble d’objectifs de long terme et de
jour de l’Agenda 21 a été fournie à la com- processus de prise de décision concertée,
mune d’Yverdon-les-Bains fin mars 2007 et le développement durable est un référen-
sera communiquée aux élus et à la popula- tiel adapté. L’Observatoire de la Ville et du
tion dans les mois qui viennent. Développement durable a été mandaté pour
faire cet état des lieux et répondre aux ques-
tions suivantes : Qu’en est-il de la durabilité
de la commune de Sion et de son agglomé-
ration? Comment l’évaluer? Quels indicateurs
faut-il privilégier? Que dire de son ‘état des
lieux’ comparée à d’autres communes valai-
sannes? Quels sont les enjeux auxquels elle
est confrontée et dont les autorités politiques
devront tenir compte lors de la révision du
plan d’affectation? Le rapport final est prévu
pour fin mai 2007. • Cm

Toute correspondance est à adresser à


l’Observatoire universitaire de la Ville
et du Développement durable, Institut
Editeur : IRIS-Ecologie Observatoire universitaire
de la Ville et du Développement durable
de Géographie, Université de Lausanne,
Dorigny-Anthropole, CH-1015 Lausanne
Ont collaboré à la rédaction de ce numéro : Antonio Da Cunha Téléphone : ++41 21/692 30 70
(Ac), Béatrice Bochet (Bb) Yves Bonard (Yb), Jean-Philippe Dind Fax : ++41 21/692 30 75
(Jd), Sandra Guinand (Sg), Christophe Mager (Cm), Marianne
Thomann (Mt) Courriel : Marcia.Curchod@unil.ch

Impression : Institut de Géographie, Université de Lausanne


Tirage: 1’300 ex.

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