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Cursus de Spécialisation en

Evaluation des Entreprises

Partie I : Fondamentaux
© Pierre André Préau 2008-2010
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Spécialisation en Evaluation d’entreprises – 1ère Partie – Fondamentaux 1/30


© Pierre A. Préau – 2008-2010
Sommaire
I. AVANT-PROPOS 3

II. PRESENTATION DU MODULE 4

III. LE CONTEXTE LEGAL DE L’EVALUATION EN FRANCE 5

IV. POURQUOI EVALUER UNE ENTREPRISE 6

V. DIFFERENCE ENTRE VALEUR ET PRIX 8


A. Aperçu 8

B. Principaux concepts de valeur 8

C. Les acheteurs stratégiques 11

VI. QU’EST CE QU’UNE EVALUATION ? 11

A. Quelle méthode pour quel actif ? 14

B. Quelle méthode pour quel public ? 15

C. Quelle méthode pour quel objectif et avec quels moyens ? 15

VII. LES METHODES 17

A. Préambule - Le bilan financier 17

B. Classification des méthodes 17

C. Méthodes usuelles 18

D. Les méthodes à éviter 25

E. Les fonds propres comptables sont rarement représentatifs de la valeur d’une société 25

VIII. L’EVALUATION EST UNE DISCIPLINE EN PERPETUELLE EVOLUTION 27


A. De bons vieux outils 27

B. Limites de la valeur objective ou valeur fondamentale 27

C. Quelques mots sur l’écueil conceptuel principal 28

IX. LES EVALUATEURS D’ENTREPRISES DANS LE RESTE DU MONDE 29

A. Types d’intervenants 29

B. Exemples d’instances 29

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I. Avant-propos
César, quand il donnait la recette du Picon-citron-Curaçao à César : Eh bien, pour la dixième fois, je vais te
son fils Marius, expliquait qu’il fallait : l'expliquer, le picon-citron-curaçao. (Il s'installe derrière
le comptoir.) Approche-toi ! (Marius s'avance, et va
■ Un (tout petit) tiers de Curaçao suivre de près l'opération. César prend un grand verre,
une carafe et trois bouteilles. Tout en parlant, il
■ Un tiers (un peu plus gros) de citron compose le breuvage.) Tu mets d'abord un tiers de
curaçao. Fais attention : un tout petit tiers. Bon.
■ Un (BON) tiers de Picon Maintenant, un tiers de citron. Un peu plus gros. Bon.
■ Et un (grand) tiers d’eau Ensuite, un BON tiers de Picon. Regarde la couleur.
Regarde comme c'est joli. Et à la fin, un grand tiers
d'eau. Voilà.
L’évaluation d’entreprises, c’est un peu pareil. Il vous faut :
Marius : Et ça fait quatre tiers.
■ Une bonne dose de culture générale (économique, César : Exactement. J'espère que cette fois, tu as
financière, stratégie et marketing, juridique et compris. (Il boit une gorgée du mélange)
fiscal, rapprochement d’entreprises…) Marius : Dans un verre, il n'y a que trois tiers.
César : Mais, imbécile, ça dépend de la grosseur des
■ Des informations de marché pertinentes tiers !
■ Un peu de technique Marius : Eh non, ça ne dépend pas. Même dans un
arrosoir, on ne peut mettre que trois tiers.
■ Et beaucoup de bon sens César (triomphant) : Alors, explique-moi comment j'en
ai mis quatre dans ce verre !
Marius : Ça, c'est de l'Arithmétique.

Pour les gens de la culture du chiffre que nous sommes, il est souvent de se focaliser sur la
technique. Après tout, les chiffres ne mentent pas !
Au contraire, l’expérience montre que l’évaluation d’entreprises demande 50% de bon sens, 40%
d’informations pertinentes et 10% de technique. En revanche, mettre en œuvre son bon sens n’est
pas forcément évident, d’autant plus que les parties prenantes n’apportent pas nécessairement une
main secourable, ni dans l’apport des données, ni dans l’avis (parfois biaisé ou peu informé)
qu’elles peuvent apporter. Ce qui veut dire que l’évaluateur est un paranoïaque, obligé de se
méfier des données qui lui sont présentées, des explications qui lui sont fournies, et de ses propres
intuitions !

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II. Présentation du Module
Ce module a pour objectif de vous donner une vue d’ensemble des principales problématiques et
méthodes d’évaluation d’entreprises :
■ Le contexte légal de l’évaluation en France ;
■ Les contextes d’évaluation et la différence entre valeur et prix ;
■ Le process de base d’évaluation ;
■ Les familles de méthode d’évaluation, leurs points communs et différences, mérites et
défauts ;
■ Les méthodes à éviter ;
■ La problématique des fonds propres comptables ;
■ L’évaluation est une discipline en mouvement ;
■ Quid des évaluateurs dans le reste du monde ?

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III. Le contexte légal de l’évaluation en France
L’évaluation d’entreprises, contrairement à certains domaines spécifiques d’expertise, tels
l’expertise immobilière, n’est pas encadrée en France par un cadre légal précis1. Les travaux
d’expertise sur la valeur des titres de société ne s’appuient sur un substrat légal que dans certains
cas2 :
■ L’expertise judiciaire3 ;
■ Les travaux d’expertise indépendante concernant les sociétés cotées4. Elles sont soumises
le plus souvent au contrôle de l’AMF, dans de rares cas à celui d’Euronext (certaines
procédures Alternext) ;
■ L’expertise centrale au sens des Assurances et des Mutuelles5. Elle est soumise au
contrôle de l’ACP.

On notera que la notion d’expert judiciaire permet avant tout à l’institution judiciaire de recourir à
une liste identifiée d’intervenants familiers de la procédure judiciaire et dont la compétence
technique aura été validée par des associations professionnelles, notamment d’experts judiciaires
actifs dans le domaine6. L’appareil judiciaire ne valide donc jamais la compétence des experts7.
Réciproquement, le magistrat est libre (en théorie du moins) de nommer un expert qui n’est pas
inscrit près une cour d’appel.

On peut également noter :


■ Que l’évaluateur peut-être amené à intervenir dans le domaine public :
o à la demande d’une entreprise ayant l’état à son capital ou de l’Agence des
Participations de l’Etat (APE) ;
o à la demande directe de l’état ou d’une de ses agences ;
■ que certaines missions peuvent revêtir un caractère officiel, prévu ou non au départ :
o expertise commanditée par les parties pour la résolution d’un litige (litige
d’actionnaires, divorce…) et versée au dossier juridique ;
o expertise commanditée pour déterminer le prix dans le cadre d’une opération
patrimoniale (notamment donation et succession) ou exploitée par un commissaire
aux apports.

Quelques constatations importantes sur le contexte français :


■ l’organe de contrôle n’est pas toujours enclin à agréer l’expert (deux écoles s’opposent)
■ la France n’a jusqu’ici aucun organisme public ou privé (notamment instance
professionnelle) cooptant les experts entre pairs malgré une multiplicité d’instances8. La
nécessité d’un organe est actuellement partagée (cf. position des Sfev, SFAF, APEI, A3E,
CCEF, CNCEF et la création récente de la FFEE) ;

1
Paradoxalement, la notion de responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) dans le cadre de la loi NRE de 2001 semble
prôner des pratiques nettement plus cadrées en matière de notation sociale et environnementale…
2
Les missions de commissariat aux apports et de commissariat aux comptes ne comportent pas de production
d’évaluation proprement dite
3
Se reporter au Module de 2ème année sur les aspects judiciaires et fiscaux de l’évaluation
4
Cf. Livre II Titre VI du règlement général de l’AMF
5
Cf. Code la Sécurité Sociale, Code des Assurances et Code des Mutuelles
6
Pour ce qui nous intéresse : spécialité EVALUATION D'ENTREPRISE ET DE DROITS SOCIAUX (D-02)
7
De même, AMF n’agrée plus les experts indépendants depuis septembre 2006
8
L’inscription sur les listes des experts judiciaires joue un rôle différent à rapprocher du « forensic » anglo-saxon

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■ Pourtant, le code civil accorde dans certaines circonstances un pouvoir quasi-divin à
l’expert9.

L’internationalisation des pratiques comptables, juridiques et financières tend à promouvoir une


harmonie des pratiques en matière d’évaluation d’entreprise et la recherche d’une instance
professionnelle nationale d’experts en évaluation d’entreprises qui soit le correspondant naturel de
ses contreparties à l’étranger. Historiquement, les experts immobiliers ont été très actifs dans ce
domaine (RISC en particulier). L’entrée récente de M. Prada à la tête du Board of Trustees de
l’IVSC10 a ouvert une perspective nouvelle au sein de cette instance jusque là essentiellement
fréquentée par les experts immobiliers du monde financier anglo-saxon.

Suivre le cursus de spécialisation à l’évaluation d’entreprises de la CCEF s’inscrit donc cette


actualité.

IV. Pourquoi évaluer une entreprise


La financiarisation et l’ouverture internationale de nos économies a complexifié les travaux
d’évaluation qui ne peuvent plus se restreindre à un exercice mécanique d’application de formules.
Les évaluateurs d’entreprise ont en face d’eux une population grandissante de détenteurs de titres,
dirigeants ou non, qui souhaitent pouvoir s’appuyer une évaluation étayée et raisonnée de leur bien
dans des optiques diverses, en particulier fiscale, de vente ou d’acquisition.
En intervenant dans le contexte de litiges (pré- ou post-judiciaire) au cœur desquels la valeur des
titres de sociétés peut jouer un rôle clef, ils permettent également de créer un moyen de
communication entre les parties et d’expliciter leurs points fondamentaux de désaccord et
d’appréciation quant à la valeur des titres.

Les principaux contextes d’évaluation d’une entreprise sont les suivants :


■ Dans le cadre de la vie de l’entreprise :
o Pour des besoins comptables (impairment test…) ;
o Pour mettre en place un plan d’intéressement du management et/ou des employés ;
o Pour la Gestion du portefeuille d’actifs (immobilier par exemple) ;
o En support à la négociation d’un accord entre actionnaires (entrée ou sortie) ;
o Dans le cadre d’un rapprochement avec une autre entreprise ;
o Dans le cadre d’une réorganisation de l’entreprise, juridique et/ou opérationnelle ;
o Dans le cadre d’une opération de fusions/acquisitions (croissance externe, spin-off,
…) ;
o Dans le cadre d’une entrée en bourse ou d’une sortie de la cote ;
o Dans le cadre d’une action en justice de minoritaires ;
■ Dans un cadre réglementaire :
o Nécessité fiscale (exemples : calcul de plus-value, ISF, négociation avec le fisc) ;
o Test de dépréciation (ou Impairment test) dans le cadre des normes comptables
applicables11 (cf. cours IFRS année 2) ;
o Opération de bourse ;

9
Cf. les articles 1592 et 1843-4 du Code Civil, notamment l’expertise irrévocable, qui sera traitée en 2ème année
10
International Valuation Standards Council
11
En anglais : Generally Accepted Accounting Principles ou GAAP

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■ Dans un cadre judiciaire ou patrimoniale :
o Expropriation (cf. retrait obligatoire)
o Dans le cadre d’une action en justice d’un actionnaire (contre des changements
fondamentaux apportés à l’entreprise par le majoritaire, contre un abus de
majorité, expertise de minorité…) ;
o Divorce ;
o Planning patrimonial ;
o Donation ;
o Succession.

Deux éléments clefs viennent donc sous-tendre une évaluation:


■ Un standard : le contexte de l’évaluation et les règles à respecter en conséquence pour la
réaliser12 ;
■ Les principales hypothèses sur lesquelles s’appuie l’évaluation13, notamment la continuité
d’exploitation, la cession des actifs etc.

Notons que les 3 principales associations d’évaluations aux Etats-Unis partagent les règles suivantes
dans tous leurs standards :
■ Nécessité de l’indépendance de l’expert
■ Indépendance entre la rémunération de l’expert et le résultat de son expertise14
■ Mention explicite de toutes les hypothèses, limites et réserves associées à l’expertise
(ex : impact inconnu d’une procédure judiciaire mettant en cause la société évaluée)
■ Mention explicite (et signature) de toutes les personnes associées à l’évaluation et de
leurs compétences, de leur intérêt financier dans le travail effectué
■ Mention explicite de toutes les sources d’information. Les lecteurs du rapport doivent
pouvoir le reconstituer par eux-mêmes.
■ Contenu minimum requis selon le type du rapport, typiquement :
o Objectif et périmètre de la mission
o Standard mis en œuvre
o Date de référence de l’évaluation
o Identification des biens évalués
o Référentiel juridique associé
o Travaux réalisés
o Aperçu du secteur dans lequel intervient la société, de son climat actuel et de ses
perspectives
o Nature et origine de(s) l’activité(s)
o Historique financier
o Analyse financière approfondie et comparaison avec les tendances de son secteur en
termes de performance financière

12
Cf. module « Conduite de la mission »
13
Pratt, Shannon; Robert F. Reilly, Robert P. Schweihs (2000) parlent respectivement de “business value standard” et de
« premise of value » dans leur livre « Valuing a Business »
14
Directement et indirectement : l’expert ne doit, en particulier, pas être associé de près ou de loin à une rémunération
au succès pour le compte d’une des parties s’il a été l’expert indépendant des deux parties

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En France, ce type de standards n’existe pas de manière concertée. Différentes sociétés15 ou
instances créent ou ont créé des standards qui ne se sont pas affirmés sur le marché comme une
norme de facto. La multiplicité des instances ne facilite pas l’émergence d’une référence de
marché, d’autant plus que certains acteurs pratiquent dans des environnements radicalement
différents (TPE versus sociétés cotées, évaluations à usage privé du dirigeant versus attestation
d’équité etc.). Citons cependant deux initiatives illustratives :
■ Le guide (jaune) d’intervention « Diagnostic Evaluation » publié en 1989 par l’ordre des
Experts Comptables, tourné en particulier vers le dirigeant de PME ;
■ Le référentiel d’intervention de l’APEI, qui s’adresse aux praticiens de l’attestation
d’équité en bourse.

V. Différence entre valeur et prix


A. Aperçu
De manière générale, on peut déterminer la valeur d’un bien quand :
■ La propriété de celui-ci n’est pas contestée ;
■ Sa jouissance, et en particulier le droit de le céder, est libre de toute entrave ;
■ Il est possible de trouver un point de comparaison : un autre bien du même type ou qui
procure les mêmes bénéfices (en particulier, et c’est l’approche la plus largement
utilisée, qui rapporte la même chose) ;
■ Il est réaliste de penser pouvoir trouver un acquéreur dans des conditions de négociation
équilibrées.

Ces hypothèses sont typiques de celles faites dans le cadre de l’évaluation d’entreprises. Elles
contribuent à différencier la valeur déterminée par l’expert qui fait un certain nombre
d’hypothèses, certaines simplificatrices, et la réalité d’un prix qui ne peut qu’être observé sur le
marché dans le cadre de la cession ou de l’acquisition effective des titres.
Cette différence entre valeur et prix est souvent illustré par un axe représentant la valeur de
l’entreprise, avec une zone basse « acheteur », un point d’équilibre que l’on pourra appeler
« valeur objective », et une zone haute « vendeur ». Le schéma de la page suivante illustre les
différences possibles entre la valeur objective et la valeur réalisable sur le marché à un instant
donné.

Plus un secteur est concentré, international, plus les acteurs y sont importants, plus le nombre de
combinaisons de transactions possibles se raréfient et moins il est réaliste de déterminer une valeur
objective dans un marché notionnel.

Avant de parler des synergies, nous abordons les principaux termes et concepts séparant valeur et
prix.

B. Principaux concepts de valeur


1. La valeur réelle de marché à un instant donné (Open market
transactions)
On se place dans la perspective de la réalisation d’une transaction réelle. Souvent, les parties en
présence sont chacune accompagnées par leurs experts qui contribuent à la formation d’un prix.
Ce processus s’inscrit à un instant donné pour un contexte transactionnel précis et n’a qu’une
valeur limitée en dehors de ce contexte précis.

15
Et réseaux de sociétés

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Valeur "Objective"
Zone "acheteur" Zone "vendeur"

Influence du contexte transactionnel Influence du contexte transactionnel


- secteur peu acheteur - secteur acheteur
ex: les principaux acquéreurs potentiels digèrent ex: mouvement de consolidation, course à la taille
des acquisitions récentes - secteur à la mode
- secteur pas en vogue - synergies évidentes

Mise en exergue Mise en exergue


- des incertitudes conjoncturelles + du potentiel de croissance
- de la dépendance aux hommes clefs + de la qualité de la marque, du portefeuille
- des investissements humains et matériels clients, de l'équipe…
pour concrétiser la croissance

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2. La valeur de marché estimée (Notional market valuations)
C’est le contexte usuel de l’évaluateur. Il utilise les références de marché accessibles pour
déterminer la valeur de réalisation d’un actif la plus probable dans un contexte de transaction dans
lequel acheteur et vendeur seraient tous deux à armes égales, sans contrainte de temps ni pouvoir
de négociation spécifiques de part et d’autre, en suivant des comportements rationnels et prudents.

Cet exercice peut être réalisé à un instant donné ou rétroactivement, notamment pour le besoin de
dossiers judiciaires.

3. La juste valeur de marché


Ce concept sera étudié plus en détail dans le module IFRS en 2e année. Toutefois, quelques
remarques s’imposent en relation avec les notions de valeurs de marché réelle et estimée évoquées
plus haut. La notion de juste valeur fait couler beaucoup d’encre depuis son arrivée dans le champ
comptable au travers des normes IFRS et la crise des subprimes. Paradoxalement, cette notion qui
se voulait universelle se heurte, d’un point de vue comptable, à des contingences législatives,
conceptuelles et pratiques :
■ Elle doit se conformer aux dispositions en vigueur dans les pays concernés ;
■ Il reste très difficile de trouver un juste milieu satisfaisant entre le dirigisme
réglementaire (historiquement plus dans la lignée des US GAAP) qui ne peut capter toute
la richesse des contextes économiques réels existants et à venir et une liberté
d’interprétation (ce qui se voulait une grande force des IFRS) qui laisse le champ libre à
des virtuosités calculatoires éloignées du principe de l’image fidèle ;
■ Sa mise en œuvre doit rester accessible aux équipes comptables et intelligibles pour les
usagers de la comptabilité.

Après 5 ans de discussion entre l’IASB et le FASB, de nombreuses avancées ont été réalisées dans le
domaine en termes de convergence mais la juste valeur comptable ne peut être considérée comme
une valeur de marché d’une manière fiable et la valeur de marché estimée par l’expert, qui peut
s’affranchir des contraintes réglementaires de la comptabilité pour prendre en compte certaines
réalités économiques, reste incontournable. Cette conclusion souligne également à quel point le
travail d’évaluation ne peut être systématisé ou codifié. La difficulté des logiciels dits d’évaluation
à fournir des résultats exploitables en est la meilleure preuve.

La prise en compte du contexte transactionnel est un sujet complexe qui sera traité dans le Module
3 – Evaluation avancée. A ce stade, on pourra retenir les bases suivantes :
■ L’évaluation s’appuie le plus souvent sur l’hypothèse d’un contexte « normal » de
transactions, à savoir :
o une relation équilibrée entre acheteur et vendeur, en particulier l’absence de
contraintes particulières du côté du vendeur, notamment de calendrier, qui le
forcerait à vendre dans des conditions défavorables ;
o l’existence d’un marché ;
■ Lorsque la situation transactionnelle ne peut être supposée « normale », elle doit être
prise en compte. Un exemple classique correspond aux opérations de retrait obligatoire
en bourse (OPR-RO) qui sont des situations d’éviction de l’actionnaire minoritaire donnant
lieu à une prime « d’expropriation ».

Voir également : Damodaran – Finance d’Entreprise – 1ère Partie – Chapitre 5 – p177 à 217

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C. Les acheteurs stratégiques
Le terme « acheteur stratégique » désigne un acteur du marché qui attend de l’acquisition de la
cible étudiée une création de valeur spécifique à l’association des deux entités. Cette création de
valeur peut être d’ordre :
■ Commercial
o Meilleure maillage géographique
o Complémentarité des réseaux (direct/indirect…)
o Un concurrent de moins
o Complémentarité de l’offre ; capacité à offrir une offre complète pour diminuer le
nombre d’interlocuteurs des clients etc.
o Economies d’échelle dans les achats
o …
■ Industriel
o Economies d’échelle dans la production
o Rationalisation de sites
o Savoir faire
o Meilleure répartition pour diminuer les coûts logistiques
o
■ Administratif
o Un seul service support pour servir l’ensemble
o Economies d’échelle dans les systèmes, les achats etc.

Du fait de cette création de valeur potentielle spécifique, l’acheteur stratégique est donc prêt à
payer une prime par rapport au prix qu’il pourrait donner aux seuls revenus attendus de la cible,
prime que l’on appelle usuellement « prime stratégique ».

L’existence des acheteurs stratégiques est profondément associée aux phénomènes de consolidation
et de buildup sectoriels, phénomènes qui ont été particulièrement incontournables sur les grands
marchés ces dernières années et avant la crise des subprimes.

VI. Qu’est ce qu’une évaluation ?


L’évaluation est un processus ex-ante ou ex-post visant à estimer une valeur qui ne peut pas être
mesurée. Elle est donc imparfaite par nature. Le terme est particulièrement bien adapté à la
notion de valeur d’une entreprise dans la mesure où la valeur réelle ne peut être observée qu’à
l’issue d’une transaction sur les titres16. Et encore, car cette transaction correspondra à un
contexte de réalisation particulier, en particulier du point de vue de la part du capital cédée
(majorité ?) et de l’identité de l’acquéreur (apportera-t-il une contribution opérationnelle à
l’entreprise ?).

Reste qu’il est souvent nécessaire de réaliser une évaluation d’une entreprise :

16
Les physiciens pourront faire le parallèle avec les problèmes rencontrés en physique quantique pour mesurer une grandeur,
l’observation apportant une perturbation qui limite la précision.

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■ soit parce que ses titres sont détenus par des personnes morales qui ont des engagements
d’information sur la valeur de marché de leurs investissements (fonds de pension, sociétés
d’assurance, sociétés cotées…),
■ soit parce que certains actionnaires envisagent de céder leurs titres à leurs proches
(donation, par exemple),
■ soit, enfin, dans le cadre d’un contentieux, d’un divorce etc.

Dans le cadre de ce cours, on s’attachera donc à définir les approches qui permettent de cerner le
mieux possible la valeur d’une entreprise en gardant en permanence à l’esprit que cette notion de
valeur est par essence différente d’un prix qui ne peut être que constaté. En revanche, on essaie,
dans la pratique, d’utiliser au maximum des éléments de prix observés dans d’autres contextes
qu’on essaie de trouver aussi ressemblant que possible pour étayer la valorisation effectuée, ou au
moins la conforter et/ou la tester.

Les principales sources d’imperfection résultent :


■ De l’incapacité à recueillir (et exploiter) toutes les informations et donc du choix sélectif
de l’information utilisée ;
■ De la qualité de l’information utilisée, transmise ou recueillie ;
■ Des étapes incontournables faisant intervenir le jugement de l’évaluateur.

Le diagramme ci-dessous met en exergue ces difficultés :

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Les personnes associées au processus d'évaluation

Acteur de l'entreprise
(actionnaire, dirigeant, Evaluateur
Réalité
salarié…)

Acteur extérieur
(institut d'étude, presse,
conseil…)

Données réelles Prisme de l'observateur

Prisme de l'observateur

Données Observées

Données Observées

Le processus d'évaluation
Biais éventuel

Contrôle des données


Données transmises (véracité, cohérence,
vraisemblance…)

Formulation Hypothèses
explicites ou implicites

Modélisation

Evaluation

L’introduction inévitable du biais dans le processus d’évaluation

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L’évaluateur se sachant « condamné » à l’incertitude, il lui reste à optimiser la qualité de son
évaluation en fonction du contexte de l’évaluation :
■ L’objet de l’évaluation ;
■ Ses destinataires ;
■ Le contexte de l’évaluation ;
■ Les informations, le temps et les ressources dont il dispose.

Sur cette base, il choisit alors la ou les approches d’évaluation qui lui paraissent les plus adaptées.

A. Quelle méthode pour quel actif ?


La problématique d’évaluation est universelle ; elle est assez intuitive pour l’efficacité d’un
procédé, la productivité d’une machine, assez sujette à controverse dès que l’on parle d’humain

En termes d’actif ou d’entreprise, on peut simplifier la problématique en considérant que la valeur


d’une entreprise repose :
■ Sur sa capacité à générer (et si possible faire croître) des revenus (profits) pour ses
actionnaires ;
■ Sur la détention d’actifs valorisables sur le marché.

Ces deux facteurs suffisent car les autres en découlent assez logiquement, par exemple :
■ La capacité à détecter, attirer (inventeurs, managers…) ou prendre possession d’actifs de
valeur ;
■ La capacité à arbitrer l’usage de ses ressources pour échanger un actif pour un autre
présentant un meilleur potentiel ;
■ La notion de croissance de chiffre d’affaires et de marge n’est qu’une résultante d’une
capacité d’usage intelligent des ressources et d’organisation des actifs matériels et
immatériels, ceux-ci incluant l’ensemble de l’interaction relationnelle avec les acteurs
internes et externes (états, lobbys, instances, grand public…).

On remarquera cependant que la détention d’actifs valorisables n’est pas nécessairement


équivalente à la capacité de génération de revenus ; si la détention d’un actif immobilier permet
usuellement d’en tirer un revenu locatif, l’entreprise étudiée n’a pas nécessairement les capacités
de l’optimiser mais peut cependant identifier le potentiel de valeur associé. De même, un certain
nombre de marques disposant d’une notoriété forte ne sont pas exploitées ou pas d’une manière
économiquement optimale, sachant qu’il ne s’agit souvent pas d’une problématique d’ajustement
marginal mais plutôt d’une redéfinition des domaines de pertinence et des opportunités
marchés/produits de rencontres consommateurs associées.

Les approches par les revenus sont souvent privilégiées, les approches par les actifs étant plutôt
adaptées aux holdings et aux sociétés immobilières.

On peut se reporter à la classification inspirée à Arnaud THAUVRON17 par KIENAST. L’entreprise


peut représenter avant tout :
■ Un appareil de production ;
■ Un réseau commercial de distribution ou d’achat ;
■ Des parts de marché ;

17
Arnaud THAUVRON, Evaluation d’entreprise, Economica, p14

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■ Des actifs corporels spécifiques (immobilier en particulier) ;
■ Des actifs incorporels spécifiques (R&D, marques et brevets en particulier) ;
■ Des actifs financiers (portefeuille d’investissements par exemple).

Le plus souvent, une entreprise comporte plusieurs de ces composantes.

B. Quelle méthode pour quel public ?


Avant d’identifier les différentes méthodes d’évaluation, il est nécessaire de savoir à qui s’adresse
le résultat de l’évaluation. A ce titre, il faut noter que les méthodes d’évaluation couramment
mises en œuvre ne correspondent pas aux méthodes les plus sophistiquées de valorisation
financières et cela pour plusieurs raisons :
■ Elles doivent rester
o faciles à mettre en œuvre dans des contextes où l’information est limitée ;
o compréhensibles par le maximum d’acteurs ;
o acceptées consensuellement par les mêmes acteurs (on pourra revenir à la position
de l’administration fiscale au sujet de la méthode DCF).

On voit donc que les méthodes d’évaluation sont avant tout un outil de communication, en
particulier :
■ entre actionnaires et plus généralement entre propriétaires et investisseurs ;
■ entre la sphère privée et l’état (cf. litige, donation, succession, ISF…) ;
■ …

Ce constat fait ressortir une question de fond : une bonne méthode d’évaluation peut elle être la
plus performante en termes d’exactitude et la plus lisible ? C’est le premier compromis que doit
faire l’évaluateur, dont l’objectif de construire une évaluation objective et compréhensible.

C. Quelle méthode pour quel objectif et avec quels moyens ?


On ne peut pas séparer la méthode d’évaluation utilisée du contexte dans lequel elle sera mise en
œuvre ; plus le cadre est formel, plus il est nécessaire d’affiner et d’étayer l’analyse. A contrario,
deux amis discutant de l’entrée de l’un au capital de l’autre peuvent parfaitement s’accorder sur
des repères de valorisation très succincts (voire surprenants) pour peu qu’ils ne lèsent pas de
minoritaires. L’autre paramètre, qui a son importance dans la pratique, est de savoir quels sont les
moyens, en termes de délai et de budget, que l’on peut consacrer à l’évaluation.
Un investisseur qui regarde un dossier appliquera systématiquement un panel de mécanismes
calculatoires pour jauger la valeur potentielle de la cible en regard de sa qualité stratégique. Pour
un investissement industriel, il regardera, par exemple, le socle de résultat opérationnel qui semble
sécurisé et le niveau de croissance potentiel de la société. Il appliquera un multiple correspondant
à la combinaison des facteurs de croissance et de risque, la taille critique en termes de volume
d’activité nécessaire sur le secteur, la dispersion du risque en termes de clientèle, l’exposition à
certaines incertitudes, notamment dans l’environnement actuel, tels les effets de change, de cours
de matières premières et de l’énergie etc.
Ce type de valorisation par les multiples, basée sur l’expérience, est systématique, rapide, et
permet de se faire une première idée de l’entreprise considérée sans pouvoir toutefois se substituer
à une analyse plus étayée de ces différents éléments.
Dans le cadre d’une attestation d’équité sur une opération ayant un impact significatif sur le
marché, comme l’OPA d’un grand acteur sur le capital d’un autre, les enjeux nécessitent une
analyse très rigoureuse de la valeur et celle-ci est impactée par la taille et la complexité de

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l’entreprise. Lorsqu’un acteur représente une part de marché significative de certains marchés, ou
qu’il détient des actifs particulièrement sensibles, on ne peut le plus souvent plus considérer le
marché post-acquisition de la même manière et l’on doit prendre en compte les impacts de
l’opération sur le marché. Par exemple, la fusion de deux grands acteurs d’un secteur engendre la
disparition de la compétition entre eux et peut aboutir à des conséquences oligopolistiques voire
monopolistiques qui amènent les autorités de la concurrence des pays concernés à s’intéresser de
près au sujet.
La taille induit donc une complexité de fait, ne serait-ce que par la multitude des marchés
produits/pays et canaux sur laquelle peut être positionnée l’entreprise étudiée.
Cependant, les entreprises de petite taille (TPE…) sont souvent également difficiles à évaluer du
fait de l’importance des hommes clefs, des spécificités locales (voire au niveau d’une rue !), et du
manque d’informations analytiques auquel on est souvent confronté.

En conclusion, le deuxième compromis de l’évaluateur est de déterminer le meilleur résultat qu’il


peut produire compte tenu du temps et des ressources dont il dispose. Il faut, à ce titre, savoir
renoncer, lorsqu’il est demandé une analyse incompatible avec les paramètres budgétaires et de
calendrier imposés.

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VII. Les Méthodes
A. Préambule - Le bilan financier
L’usage, en évaluation, est de reconstruire le bilan financier d’une manière simplifiée en
distinguant :
■ L’actif économique, constitué des immobilisations et du BFR ;
■ Les actifs et passifs hors exploitation (non operating assets & liabilities) ;
■ Les Fonds propres ;
■ L’endettement ;
■ La trésorerie (positive ou négative).

Une fois l’évaluation réalisée, on peut compléter ce bilan pour mettre en évidence les good- ou
bad-wills, comme dans l’exemple suivant :

B. Classification des méthodes


On classe usuellement les méthodes d’évaluation en deux groupes :
■ Les méthodes intrinsèques, qui s’intéressent directement aux caractéristiques de la
société étudiée
■ Les méthodes analogiques, qui valorisent la société par comparaison avec des éléments de
référence de marché extérieurs

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C. Méthodes usuelles
Le tableau suivant inventorie les méthodes le plus souvent utilisées :

Type Méthode Contextes typiques Facilité de Principaux Point de vigilance


mise en paramètres
œuvre
Méthodes intrinsèques
Patrimoniales Actif net réévalué Holdings Simple Bilan Qualité des valeurs de
Immobilier Valeurs à jour des marché utilisées
Actifs à forte liquidité actifs (valeur vénale…) Actifs non comptabilisés,
et passifs Fiscalité et Passifs latents…
Primes et décotes
applicables

Par les flux Valeur de Société ou branche Simple Flux de référence Représentativité du flux de
futurs rendement opérationnelle Taux de capitalisation référence
en régime de croisière Croissance long terme Choix du taux et de
l'hypothèse de croissance

DCF Société ou branche Complexe Diagnostic stratégique Valeur terminale


(avec WACC, opérationnelle Business Plan Prime de risque
LBO, APV…) Projet / Start-up Taux d'actualisation Hypothèses d'endettement,
Croissance long terme d'investissement…
des cash flows

Approche par les Valeur de rendement à Moyenne Dividendes futurs Dépend de la politique de
dividendes forte visibilité/récurrence Taux d'actualisation distribution
(modèle ad hoc, Participation minoritaire Croissance long terme
Bates…) des dividendes

Cours de Société cotée Simple Cours de bourse Taille du flottant


bourse Volumes Effets de rumeurs et
Répartition du capital d'annonce
Fanchissements de Mouvements stratégiques et
seuil opportunistes

Méthodes analogiques
Multiples Secteur bien représenté Simple Echantillon de Comparabilité
boursiers en bourse comparables Taille de l'échantillon
Données boursières Représentativité des
agrégats passés/futurs

Multiples de Secteur visible en termes Simple Echantillon de Accès aux transactions


Transactions de transaction comparables Comparabilité
Données de Taille de l'échantillonQualité
transaction et représentativité des
données de transactions

Multiples Usage sectoriel Simple Echantillon de Comparabilité


spécifiques comparables Taille de l'échantillon
Représentativité des
agrégats passés/futurs

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1. Rappels
a) Notion de flux

On s’intéresse usuellement au flux de trésorerie disponible (ou cash flow libre) qui est calculé
comme suit18 :

Flux _ de _ trésorerie _ disponible = CAF − ∆BFR − invest

Ce calcul correspond à un flux pour les actionnaires à actualiser au coût des fonds propres (voir plus
loin le calcul du coût du capital). Dans la pratique, on s’intéresse plutôt au flux disponible pour
l’ensemble des apporteurs de financement, actionnaires et prêteurs, qui est calculé hors coût de
l’endettement. Ce flux est à actualiser au coût pondéré du capital (CMPC ou WACC), en supposant
une structure de financement constante19, qui se calcule comme suit :
E D
CMPC = WACC = k e × + (1 − TIS ) × k d ×
D+E D+E
Où ke est le coût des fonds propres et kd le coût de la dette avant IS, D la valeur de marché de la
dette20 et E celle des fonds propres. On prendra garde à la nécessité de vérifier la cohérence entre
la valeur de fonds propres E calculée et le CMPC résultant dans la formule ci-dessus21.

b) Valeur d’Entreprise et Valeur de Fonds Propres

Les calculs de flux actualisés peuvent donner, selon le type de flux, une valeur de fonds propres ou
une valeur d’entreprise.
Les approches par les dividendes considèrent l’entreprise comme une boîte noire qui ne génère
qu’un flux positif qui tient compte des actifs éventuellement réalisables et passifs à couvrir. Elles
génèrent donc une valeur de fonds propres.
Les sommes de flux de trésorerie actualisés sont à ajuster différemment selon qu’il s’agit de flux
aux actionnaires ou de flux aux apporteurs de financement. Dans le premier cas, l’endettement est
pris en compte et seuls restent à traiter les autres actifs et passifs hors exploitation. Dans le
deuxième cas, le résultat est à ajuster également de l’endettement22. La valeur d’entreprise
correspond à la somme des flux aux apporteurs de financement actualisés en prenant en compte
tous les flux d’exploitation. Il peut donc y avoir quelques ajustements à effectuer si les flux ne
prennent pas en compte, par exemple, les décaissements probables liés à des litiges identifiés et
chiffrés, la valeur actualisée des indemnités de fin de carrière si elles ne sont pas externalisées
chez un assureur, les coûts actualisés de dépollution etc.

c) Détermination du coût du capital

C’est une des parties essentielles des méthodes de flux car les résultats sont extrêmement sensibles
aux hypothèses (ainsi qu’au taux de croissance long terme retenu que l’on prendra soin de ne pas
confondre avec la croissance du chiffre d’affaires ou l’inflation).

18 Dans les tableaux de trésorerie anglo-saxons (cash flow statement), il correspond à Free Cash Flow = Operating cash
flow + Investing cash flow
19 D’autre approches (ex : APV) permettent de prendre en compte des structures de financement mouvantes. Voir
Module 2
20 Qui n’est pas forcément la valeur comptable
21 On procède souvent par itération
22 Qui inclut les dettes hors bilan type crédit bail, Dailly etc.

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Il se décompose usuellement de la manière suivante :

Coût des fonds propres = Taux sans risque + Prime spécifique

Le taux sans risque (pour peu qu’il existe…) est calé usuellement sur les rendements des obligations
d’état, le TEC10 par exemple en France.
La prime de risque spécifique peut être affinée et/ou décomposée en prime sectorielle, prime de
taille, prime spécifique…23
La détermination de la prime spécifique (en restant au schéma le plus simple) est souvent fondée
sur l’approche MEDAF :

Prime spécifique = Prime Actions x β sectoriel sans dette

La prime Actions représente le rendement supplémentaire du marché Actions de référence par


rapport au marché obligataire. Elle peut être historique ou prospective. Le marché Actions de
référence doit être cohérent avec la société étudiée et les sociétés de référence utilisées pour le
calcul du β.

Le coefficient β mesure la corrélation entre les variations du cours de sociétés cotées considérées
comparables et un indice de référence :

cov(rendement action, rendement indice)


β=
var(rendement indice)

Les rendements sont calculés à intervalles réguliers, souvent mensuellement, sur une période assez
longue. Il est intéressant de constater le coefficient de corrélation pour jauger la qualité des β
calculés. Les β observés doivent être corrigés de l’influence de l’endettement, usuellement par la
formule d’Hamada :
β avec s det te
β sans det te =
D
(1 + (1 − TIS ) ×
E
Le β sectoriel retenu au final est déterminé sur la base de l’échantillon retenu (moyenne ou médiane,
chacune ayant ses mérites). On notera qu’il s’agit là d’un coût des fonds propres sans dette, la
formule d’Hamada pouvant être utilisée également pour déterminer l’impact de l’endettement sur le
coût des fonds propres.

D’autres approches de détermination du coût du capital peuvent être utilisées et notamment :


■ L’utilisation de transactions réelles pour déduire le coût du capital associé au prix
constaté ;
■ Les approches composites (voir les travaux de la CCEF à ce sujet).

23 Voir par exemple l’approche de Fama et French (3-factor model)

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2. Méthodes intrinsèques
a) L’Actif Net Réévalué (ANR)
C’est une méthode simple qui consiste à partir d’un bilan24 d’une entreprise et de l’amender ou de
le compléter avec les valeurs d’actifs ou de passifs qui n’y apparaissent pas ou avec des valeurs que
l’on juge plus représentatives de la réalité. En revanche, comme elle souvent appliquée à des
sociétés holding (et des SCI, SNC…), il convient de prendre en compte les éventuelles primes
(enjeux stratégiques de certaines participations) et décotes applicables (perte d’efficacité dans la
gestion, illiquidité manifeste par rapport aux valeurs unitaires des actifs…)25.

Exemple :
Valeur
Bilan VNC Vénale

Marques 5K frais de dépôts et renouvellement 500 K sur la base des contrats de licence

Terrain nu 20 K valeur d'acquisition 80 K valeur constructible


Foncier bâti 1 750 K valeur d'acquisition 2 300 K

Participation 350 K valeur d'acquisition 600 K entreprise en difficulté

BFR 20 K 20 K
VMP 1 200 K Titres cotés en valeur d'acquisition 800 K Valeur en bourse
Cash 300 K 300 K

3 645 K 4 600 K

Fonds Propres 2 000 K 2 455 K ANR

Dette 1 645 K 1 645 K


Litige fiscal non provisionné 500 K Impact estimé à la date d'évaluation

b) Valeur de rendement

Elle consiste à capitaliser un « flux de référence » à « un certain taux » dit taux de capitalisation :

Flux _ de _ référence
Valeur =
Taux _ de _ capitalisation

Exemple :

Flux de référence 300 K


Taux de capitalisation 15,00%
Valeur de Rendement 2 000 K

24 On supposera ici être en comptabilité sociale française ; l’application des normes IFRS peut avoir un impact significatif.
25 Le sujet des primes et décotes sera traité dans le module 3. Voir les travaux récents de la Sfev à ce sujet.

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En fait, c’est un raccourci de la méthode DCF qui suppose un flux constant. Il est d’ailleurs
équivalent des approches par les multiples :

Cash Flow sans det te REX (1 − TIS ) CA × taux de REX × (1 − TIS )


≈ ≈ REX × multiple REX ≈ ≈ CA × multiple CA
Taux _ de _ capitalisa tion K−g K−g

Comme pour le DCF, le résultat doit être ajusté pour obtenir une valeur de fonds propres.

Dans la pratique, le flux de référence est souvent remplacé par le résultat net ce qui suppose qu’il
est assimilable à un flux aux actionnaires et donc que :
■ Les amortissements sont représentatifs des investissements ;
■ Le BFR est stable ;
■ Le résultat exceptionnel, s’il n’est pas retraité, est jugé récurrent (ex : activité de
loueurs de véhicules) ;
■ Le résultat financier est représentatif du coût de l’endettement net.

En fait, l’approximation essentielle de la valeur de rendement est la stabilité de l’évolution de la


société, à la hausse comme à la baisse. On peut même travailler en structure endettée en
supposant le résultat opérationnel, la variation de BFR et les investissements constants. On a
alors :

(1 - T IS ) x REX + amort - ∆BFR - invest = (1 - T IS ) x (REX - k d x D) + amort - ∆BFR - invest


WACC - g ke - g

Avec ke le coût des fonds propres, WACC le coût moyen pondéré du capital ou CMPC, kd le coût de la
dette avant IS et TIS le taux d’IS.

Et :
1
WACC = avec F = (1 − TIS ) × REX + amort − ∆BFR − invest
1 D kd D
+ − (1 − TIS )
ke F k e F

Exemple :

Données de l'exemple Approche 1 - Par le résultat Net


EBE 550 K Flux de trésorerie net 293 K pour les actionnaires
Amortissements 50 K Coût des fonds propres 15,00%
REX 500 K Croissance long terme 0,00%
IS 33,33% Valeur des Fonds Propres 1 1 956 K
Dette pérenne 1 000 K Valeur d'entreprise 1 induite 2 956 K = Fonds Propres + Dette
Coût de la dette avant IS 6,00%
Coût de la dette avant IS 60 K Approche 2 - Par le REX et l'endettement
Résultat avant IS 440 K Coût pondéré du capital 11,28%
RN 293 K REX net d'IS 333 K
Variation de BFR - Flux de trésorerie net 333 K pour les prêteurs et les actionnaires
Investissements 50 K Valeur d'entreprise 2 2 956 K
Valeur des Fonds Propres 2 1 956 K après soustraction de la dette

c) Approche DCF
C’est une méthode essentielle à maîtriser même s’il est indispensable de la tester en comparaison
d’autres approches. Elle consiste à projeter les flux de trésorerie futurs de l’entreprise en tenant
compte de son profil de risque et de financement pour déterminer la valeur actuelle de ces flux.
Ces flux sont calculés sur un horizon de T années dans un business plan (ou plan d’affaires). Le
calcul est le suivant :

Spécialisation en Evaluation d’entreprises – 1ère Partie – Fondamentaux 22/30


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t =T
FTD VE T
DCF = ∑ (1 +
t =1 K
t

)
t
+
(1 + K )
T

K est le taux d’actualisation qui permet de refléter la décote (ou discount en anglais) à appliquer
aux flux année après année. Comme nous l’avons évoqué, il peut s’agit d’un coût des fonds propres
si l’on fait le calcul à partir de flux aux actionnaires, mais le plus souvent il s’agira d’un CMPC en
considérant des flux aux apporteurs de financement.
VET est la valeur terminale calculée en sortie de business plan. On la calcule usuellement de deux
manières :
■ Soit par une formule type Gordon Shapiro sur la base d’un flux de référence pour les
années T+1 et au-delà :
Flux de référence T +1
VE T =
(K − g )
■ Soit en appliquant un multiple de référence sur un des agrégats de référence,
usuellement le REX ou l’EBE (ou l’EBIT ou l’EBITDA).

Il est toujours utile de faire l’un et l’autre pour vérifier la cohérence du multiple apparent dans la
valeur terminale. L’autre point de vigilance essentielle dans le calcul du flux de référence est la
détermination d’un niveau d’investissement crédible (et d’amortissements correspondant).

Exemple :

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Réel Prévisions
2008 2009 2010 2011

CA 10 249 8 199 9 019 9 921


Marge brute 5 124 4 099 4 509 4 960
Amortissements 260 280 300 320
Contribution 2 762 2 126 2 350 2 600
Charges de structure 1 158 1 216 1 276 1 340
REX 1 604 910 1 074 1 260
REX / CA 15,7% 11,1% 11,9% 12,7%
Résultat Financier ( 21 ) 7 19 27
Résultat avant IS et participation 1 582 917 1 093 1 287
IS (34%) 538 311 371 437
Résultat net 1 044 606 722 850

REX net d'IS 1 059 601 709 831


-Variation de BFR 237 876 ( 1 189 ) 230
+Amortissements 260 280 300 320
-Investissements 200 200 200 200
Flux de trésorerie distribuable
(aux apporteurs de financement) 881 ( 195 ) 1 998 722
Flux normatif 722
Valeur terminale 4 247

Taux d'actualisation 17%


Croissance long terme 0%
Indice d'actualisation 1,00 2,00 3,00
Facteur d'actualisation 1,17 1,37 1,60

Flux actualisés ( 167 ) 1 459 451 2 651

Somme des flux actualisés 4 395


Dette nette (non pérenne) 23
Valeur des Fonds propres 4 372

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3. Méthodes analogiques
Elle consiste dans les deux cas évoqués (comparables boursiers ou transactions de comparables) à
lire dans un échantillon les multiples applicables (CA, EBIT ou REX, EBITDA ou EBE sont les plus
courants). Les calculs doivent être effectués en valeur d’entreprise pour ne pas être pollués par
l’endettement net.
Le calcul de la valeur d’entreprise de la cible est très simple :

valeur d'entreprise = agrégat cible x multiple échantillon

La difficulté réside dans la capacité à trouver de bons comparables, à retraiter les données de
l’échantillon quand cela s’avère nécessaire et l’agrégat de référence de la cible utilisé.

D. Les méthodes à éviter


De manière générale, il s’agit de méthodes hybrides mélangeant valeurs patrimoniales et valeurs de
flux. Les deux exemples couramment rencontrés sont :
■ La rente du goodwill = ANR + capitalisation du superprofit sur une période finie ;
■ La méthode des praticiens = moyenne de la valeur de rendement et de l’actif net
comptable.

Les moyennes de méthodes sont à éviter. L’évaluateur doit se prononcer sur les méthodes qui lui
paraissent la ou les mieux adaptées, quitte à produire une fourchette de valeurs. Produire une
moyenne d’une multitude de méthodes conduit davantage à prendre en compte des méthodes
inadaptées plutôt qu’à renforcer la qualité du résultat obtenu.

E. Les fonds propres comptables sont rarement représentatifs de la


valeur d’une société
Les fonds propres ne reflètent que le cumul du capital social et de la portion des bénéfices
comptables qui a été conservée dans l’entreprise. Il s’agit d’une mesure de capitaux engagés ou
investis dans l’entreprise, non pas du bénéfice que l’on peut en retirer. Si les choix ont été bons,
il est vraisemblable que les investissements réalisés généreront un rendement significatif et auront
plus de valeur actuelle que les fonds investis. Inversement, si les choix d’investissement ont été
hasardeux ou si la conjoncture s’est retournée, la valeur de recouvrement des actifs investis peut
être inférieure à leur VNC. En particulier, une entreprise industrielle dont les marges sont en
érosion peut avoir investi ses bénéfices dans de nouveaux équipements qui ne lui permettent pas de
modifier sa position concurrentielle. Dans ce cas de figure, il est vraisemblable que les fonds
propres soient supérieurs à la valeur de l’activité et des actifs.
Les activités immatérielles, en particulier, posent un autre type de problème, puisqu’elles associent
souvent un faible besoin en capital et un apport en actifs immatériels non comptabilisé (notamment
savoir-faire des collaborateurs). Les flux d’expertise ne sont pas comptabilisés et les capitaux
propres ne peuvent donc refléter la valeur de l’activité.

Deux exemples types pour vous en convaincre :


■ Dans le domaine des services, les actifs comptabilisés sont souvent réduits à la portion
congrue (mobilier, ordinateurs) ; une société qui distribue régulièrement un fort
dividende avec une bonne rentabilité récurrente peut avoir, comme dans l’exemple
suivant, une valeur de marché bien supérieure à la valeur des fonds propres :

Spécialisation en Evaluation d’entreprises – 1ère Partie – Fondamentaux 25/30


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CA 3 000 K
Actif immobilisé net 250 K
BFR 600 K
RN 500 K
Dividende 400 K
Fonds Propres au bilan 250 K
Dette Nette Nulle
Taux de capitalisation 20%
Croissance long terme 0%
Valeur de rendement 2 500 K

■ Inversement, dans le domaine industriel, une société qui réinvestit systématiquement une
part élevée de son résultat net sans arriver à dégager une rentabilité significative peut
présenter des fonds propres comptables élevés notamment du fait d’un actif immobilisé
important mais avec une valeur de marché très inférieure (il est dans ce cas souvent plus
logique d’envisager des scénarios de rupture : restructuration, liquidation, …) :

CA 20 000 K
Actif immobilisé net 10 000 K
BFR 6 000 K
RN 500 K
Dividende -
Fonds Propres au bilan 11 000 K
Dette Nette 5 000 K
Taux de capitalisation 17%
Croissance long terme 0%
Valeur de rendement 2 941 K

Explication : les fonds propres comptables (en comptabilité sociale) ne peuvent représenter la
valeur réelle de l’entreprise qu’en supposant :
■ Que tous les actifs et passifs significatifs sont comptabilisés (c’est le problème pour les
activités de services ; le savoir-faire et la valeur de l’équipe ne sont pas au bilan) ;
■ Que la valeur comptable des immobilisations est représentative de leur valeur de marché
ce que l’on peut approximativement ramener à :
o La durée et la méthode d’amortissement sont représentatives de leur durée de vie ;
o Le coût de renouvellement sera approximativement le même (donc pas de rupture
technologique en particulier) ;
o Mais surtout, le rendement net26 attendu de l’actif est cohérent avec sa valeur
comptable27, comme dans l’exemple suivant :

26
Des coûts complets associés à l’utilisation de l’actif considéré
27
A la différence près du cadencement dans le temps et des montants des économies fiscales liées à l’amortissement
comparés à ceux des fiscalisations de profit

Spécialisation en Evaluation d’entreprises – 1ère Partie – Fondamentaux 26/30


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Valeur d'acquisition de l'actif 1 000 K
Durée de vie 10
Age 3
Reste à courrir 7
VNC 700 K
Rendement net attendu 16,63%
Soit 166 K
Taux d'actualisation 17,00%
Valeur des flux générés par l'actif 700 K

La conclusion de cet exercice est également qu’il faudra toujours considérer la valeur de marché
des fonds propres et non leur valeur comptable pour tout ce qui a trait au ratio d’endettement, au
coût du capital etc. C’est une erreur classique et dont l’impact est très important.

VIII. L’évaluation est une discipline en perpétuelle


évolution
A. De bons vieux outils
La plupart de nos outils ont plus de quarante ans :
■ 1930’s : suite à la crise de 1929 notamment, la notion de flux futurs actualisés se
popularise
■ 1950’s – 1960’s : théorie de la gestion des portefeuilles, diversification, lien risque/return
et équilibre des marchés, MEDAF
■ 1960’s – 1970’s : efficience du marché, arbitrage, évaluation de dérivés, théorie de la
structure financière
■ 1980’s : théorie des organisations & des jeux en finance, asymétrie de l’information,
théorie de l’agence, analyse du signal en finance
■ 1990’s et après : usage intensif des ordinateurs dans les modèles prédictifs, finance
comportementale

Il y a 30 ans, le DCF était une quasi révolution en France… On parlait avant tout de valeur
patrimoniale et de PER28.

B. Limites de la valeur objective ou valeur fondamentale


Eric Brian et Christian Walter ont donné une analyse intéressante des assertions qui se sont succédé
au sujet de l’existence et de la définition d’une valeur fondamentale des sociétés :
■ 1ère assertion : la Valeur Fondamentale d’une société existe = Somme des Cash Flows
actualisés
■ 2ème assertion : Le marché « traite » efficacement toute l’information disponible donc le
marché (boursier ou non) Stock) donne la Valeur Fondamentale
■ 3ème assertion : Il y a des raisons rationnelles de déterminer différentes valeurs d’un
même actif qui expliquent l’écart entre la valeur de marché et la valeur fondamentale
Valeur de marché = Valeur Fondamentale + bulles rationnelles

28
Cf. Brilman et Maire

Spécialisation en Evaluation d’entreprises – 1ère Partie – Fondamentaux 27/30


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■ 4ème assertion : L’asymétrie de l’information et différents signaux aléatoires (rumeurs,
acteurs n’intervenant pas sur le marché sur la base de la Valeur Fondamentale) génèrent
un bruit qui peut rendre la Valeur Fondamentale difficile à percevoir Valeur de Marché =
Valeur Fondamentale + Noise
■ 5ème assertion : La seule Valeur Fondamentale est celle qui résulte de la combinaison des
croyances/convictions de tous les acteurs du marché à un instant t. Dans ce cas, le
marché tient compte efficacement de la masse des opinions et comportements collectifs:
Valeur Fondamentale = Combinaison des Convictions Collectives
■ 6ème assertion : Les outils mathématiques (ex: lois de Pareto) permettent de déterminer
une frontière entre l’incertitude normale et excessive (cf. également volatilité
« normale » et « spéculative »). Ils permettent de constater une relation simple entre
valeur fondamentale et cours de bourse: Valeur Fondamentale = Cours de Bourse x
Multiple

Quelle conclusion en tirer ? D’abord, la mise à l’épreuve du marché d’une nouvelle approche
demande du temps. Cette mise à l’épreuve se fait d’abord dans les labos de recherche, et de plus
en plus à grand renfort de mathématiques (mais Markowicz n’était pas en reste de ce point de vue).
Il faut donc le temps que les conclusions de ces tests s’affinent puis se confirment, qu’ils puissent
enfin être communiqués sous une forme actionnable par le plus grand nombre. Nous avons donc
encore quelques années pour utiliser le DCF. Mais cela ne nous dispense pas de regarder ce qui se
passe devant nous !

C. Quelques mots sur l’écueil conceptuel principal


L’essentiel des méthodes d’évaluation repose sur le principe de généraliser une loi souvent
empirique aussi loin que possible. La capitalisation à l’infini est un exemple typique.
De même, les modèles de Black & Scholes donnaient à grand renfort d’hypothèses simplificatrices
une solution valable « localement » c'est-à-dire en supposant que pour l’essentiel « toutes choses
restent égales par ailleurs ».
Les cherches en finance se sont beaucoup intéressés depuis ces 30 dernières années à
l’imprédictibilité des données financières pour redonner notamment sa juste place aux valeurs
extrêmes. Et une fois que cela est pris en compte, il devient indispensable de considérer le
comportement des acteurs face à ces situations extrêmes et notamment l’asymétrie de leurs
réactions face aux extrêmes négatifs (inacceptables) et positifs (toujours plus !).
Dans le même ordre d’idée, il est bon de réfléchir à l’asymétrie de l’évaluateur sur sa tolérance à
sa propre erreur en fonction de sa position : un commissaire aux apports, par exemple, doit d’abord
s’assurer que l’apport n’est pas surévalué et sera donc nettement plus tolérant à une décote qu’à
une prime !

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IX. Les évaluateurs d’entreprises dans le reste du monde
A. Types d’intervenants
L’évaluation des entreprises est usuellement un domaine dans lequel interviennent :
■ Les experts comptables (Chartered Accountants ou équivalents) ;
■ Les analystes financiers (cf. CFA) ;
■ Les experts immobiliers.

Les populations qui prédominent varient en fonction des pays et des tailles de sociétés. De manière
générale, les analystes financiers au sein des banques d’affaires ou des firmes spécialisées tendent
à traiter l’essentiel des évaluations concernant les grandes sociétés.

B. Exemples d’instances
1. France
CCEF
CNCEF
APEI
A3E
Sfev
Fédération Française des Experts en Evaluation (en création)
SFAF

2. Allemagne
German American Business Association (GABA)

3. UK
The Society of Share and Business Valuers (SSBV 1996)

4. Canada
Canadian Institute of Chartered Business Valuators (CICBV depuis 1971)

Institut Canadien des Evaluateurs / Appraisal Institute of Canada (1938) ; prédominance immobilière

5. USA
National Association of Certified Valuation Analysts (1991 NACVA / proche CPA)
CVA - Certified Valuation Analyst
AVA - Accredited Valuation Analyst

American Society of Appraisers (ASA = fusion de la Society of Technical Appraiser 1936 + Technical
Valuation Society 1939)
ASA - Accredited Senior Appraiser
AM - Accredited Member
FASA - Fellow of the American Society of Appraisers

Institute of Business Appraisers (IBA 1978 ex IRS valuation program head / spécialisé en formation et
certification)
CBA - Certified Business Appraiser
MCBA - Master Certified Business Appraiser

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AIBA - Accredited by Institute of Business Appraisers
BVAL - Business Valuator Accredited for Litigation

American Institute of Certified Public Accountants (AICPA)


ABV - Accredited in Business Valuation

Business Valuation Association (BVA 1980’s)

6. Australia
Chartered Accountants - The National Business Valuation Committee / Business Valuation Special
Interest Group (BVSIG)

7. Malaysia
The Board of Valuers, Appraisers and Estate Agents

8. Europe
TEGoVA, The European Group of Valuers' Associations (essentiellement immobilier)

9. Mondial
International Association of Consultants, Valuers and Analysts (IACVA 2000 pays représentés: China,
Germany, Ghana, South Korea, Taiwan, Lebanon (the Middle East) and the United States)

Royal Institute of Chartered Surveyors (RICS) Prédominance immobilière

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