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L’Acte additionnel n°16 du 17 janvier 2010 qui établit la règle de la rotation des
postes par ordre alphabétique, prescrit également le respect du critère de la bonne
gouvernance dans la gestion des institutions concernées. Pour confirmer cette
volonté des Chefs d’Etat de la CEMAC, il avait été aussi été décidé à la même date,
entre autres, « d’’instituer un audit annuel de l’ensemble des institutions, organes et
institutions spécialisées de la CEMAC sous la supervision du Président dédié aux
réformes institutionnelles ». Ce document assez laconique, a été complété
seulement en juillet 2012 sur le point des durées des mandats et leur caractère non
renouvelable. Mais les modalités pratiques de son application ne semblent pas avoir
été élaborées jusqu’à présent, dont les critères de nomination des dirigeants,
élément essentiel pour assurer la bonne conduite et l’efficacité des institutions
visées, laissé à l’appréciation de chaque institution.
Au regard de l’importance des budgets qui leurs sont alloués, dans un contexte
global d’insuffisance des ressources financières, et des moyens humains nécessaires
au développement des pays de la CEMAC, les opérations et les performances de
toutes les entités sous-régionales devraient être mieux scrutées pour permettre
d’évaluer leur pertinence et d’identifier les ajustements à opérer pour améliorer leur
efficacité dans le futur. Pour ce faire, les organes compétents de la CEMAC devraient
rapidement, entre autres, déterminer les conditions d’accès à tous les postes de
responsabilité des institutions sous-régionales et se prononcer sur le caractère de
l’unicité du mandat retenu en janvier 2010. Ici, tous les Etats devraient appliquer à
l’ensemble de leurs ressortissants l’exigence d’équité posée entre eux et ne pas
réserver ces fonctions sur la seule base « géopolitique » nationale, à l’instar de la
BEAC où une procédure ouverte à tous les candidats internes, remplissant les
critères définis, existe depuis 2019 pour les Directeurs centraux. Au-delà, il est
urgent de définir ou de réaffirmer les principes et les modalités générales de la
gouvernance des institutions et les moyens de les faire respecter. Il en est ainsi du
principe de la collégialité, avec particulièrement son exigence du consensus,
primordial pour le fonctionnement harmonieux des entités sous-régionales.
Assurément les dysfonctionnements des institutions, dont certains trouvent
leur cause directe dans les modalités du choix de leurs premiers
responsables, expliquent en partie que, malgré des déclarations volontaristes
et d’autosatisfaction, les pays de la CEMAC continuent à figurer aux derniers
rangs de la plupart des classements mondiaux alors que, notamment, cinq
d’entre eux sont producteurs de pétrole. Ainsi, d’après le Fonds Monétaire
International (FMI)[2][3], entre la période 2010-2017 et l’année 2020, la
croissance moyenne du PIB est devenue négative, passant de +2,8% à -2,5
%, contre respectivement 5,5 % et 1,8 % dans l’UEMOA ; le ratio masse
monétaire sur PIB, indice de la liquidité d’une économie, a évolué de 20,5 %
à 26,2 %, en-dessous des chiffres de 22,1 % et 29,1 % dans la zone ouest-
africaine ; et les réserves en devises, en mois d’importations de biens et
services, a diminué de 4,5 mois à 3,1 mois au lieu d’une progression de 5
mois à 5,8 mois pour l’UEMOA. En outre, le commerce intra régional ne
dépasse pas 4 % dans la CEMAC tandis qu’il est d’environ 13% dans
l’UEMOA. Enfin, l’indice de développement humain, calculé par les Nations
Unies, est en 2019 en moyenne de 0,432 contre 0,547 pour l’ensemble de
l’Afrique subsaharienne, 0,716 en Afrique du Nord, 0,641 en Asie du Sud et
0,747 en Asie de l’Est et du Pacifique. Ces piètres performances sont à
mettre en regard du classement mondial peu élogieux des pays de la CEMAC
en matière de corruption.
Ces mauvais résultats globaux, malgré des salaires aspirés vers le haut par celui
des dirigeants de la BEAC qui excédent par exemple ceux du Directeur Général du
FMI, du Gouverneur de la Banque de France et de leurs homologues de l’UEMOA,
prouvent à suffisance l’échec patent des institutions de la CEMAC à atteindre les
objectifs à eux assignés. Un sursaut d’orgueil, de la part des gouvernements de la
sous-région champions de la démocratisation du Conseil de Sécurité de l’ONU, de la
Banque Mondiale, du FMI, etc., est impérieux afin de s’attaquer résolument à cette
gangrène. A défaut, une frange importante de la population de la sous-région
continuera à s’enfoncer un peu plus dans la misère, facteur générateur de
frustrations et de troubles pouvant déboucher sur des révoltes extrémistes.
N’attendons surtout pas que, comme en 2009-2010, après les scandales
éclaboussant la BEAC, l’impulsion du redressement des institutions sous-régionales
soit donnée par le FMI qui inscrit de plus en plus les problèmes de bonne
gouvernance, y compris de la corruption, dans son agenda de coopération avec les
pays qui recourent à ses ressources.