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Chapitre 5

Détermination de la structure des


protéines par RMN

Alexandre ARNOLD

Département de chimie – UQAM


Hiver 2020
Plan du chapitre

 Rappel sur les protéines


 Historique – RMN et structure de protéines
 Quelles protéines étudier par RMN?
 Procédure générale de détermination de structure:
• Attribution des résonances
• Attribution séquentielle
• Structures secondaires
• Contraintes de distance
• Couplages dipolaires résiduels
• Calcul de structure
• Exemples
 Progrès récents:
• Cryosondes
• TROSY
• Marquage isotopique
• Marquage paramagnétique
• TALOS

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Références
 Bibliographie
 Koolman & Röhm (2004) Atlas de Poche de Biochimie, Paris, Flammarion, 478 pages.
 Prestegard, Gougault & Kishore (2004) Residual Dipolar Couplings in Structure
Determination of Biomolecules, Chem. Rev. 104, 3519-3540.
 Fernández & Wider (2003) TROSY in NMR Studies of the Structure and Function of Large
Biological Macromolecules, Curr. Opin. Struct. Biol. 13, 570-580.
 Brunner (2001) Residual Dipolar Couplings in Protein NMR, Concepts Magn. Res. 13, 238-
259.
 Ferentz & Wagner (2000) NMR Spectroscopy: a Multifaceted Approach to Macromolecular
Structure, Q. Rev. Biophys. 33, 29-65.
 Prestegard, Al-Hashimi & Tolman (2000) NMR Structures of Biomolecules Using Field
Oriented Media and Residual Dipolar Couplins, Q. Rev. Biophys. 33, 371-424.
 Güntert (1998) Structure Calculation of Biological Macromolecules from NMR Data, Q.
Rev. Biophys. 31, 145-237.
 Wishart, Sykes & Richards (1992) The chemical shift index: a fast and simple method for
the assignment of protein secondary structure through NMR spectroscopy, Biochemistry
31, 1647-1651.
 Wishart & Sykes (1994) The 13C chemical-shift index: a simple method for the identification
of protein secondary structure using 13C chemical-shift data, J. Biomol. NMR 4, 171-180.

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Rappel – les protéines
 Les protéines sont composées d’acides aminés reliés entre eux dans une
séquence donnée par des liaisons amides aussi appelées liens peptidiques
 Voici la nomenclature des protéines:

 Les chaînes peptidiques ont un sens, donc 2 extrémités différentes:


 L’extrémité N-terminale comporte un groupement ammonium libre;
 L’extrémité C-terminale correspond au groupe carboxyle du dernier acide aminé
 Le lien peptidique est stabilisé par mésomérie. Cette liaison est plane.

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Rappel – angles dihèdres
 La liaison peptidique étant plane, il n’y a donc que deux rotations possibles:

 L’angle  décrit la rotation autour de N-Ca


 L’angle y décrit la rotation autour de Ca-C’ O R

Les angles  et y sont appelés « angles dihèdres »


R
 O y C Ca
R  Ca
N
C H
N H
Ca
Le « squelette » d’un polypeptide est constitué
H
 H
des atomes C’-N-Ca H

La nature du groupe R sur la chaîne


latérale marque la différence entre les
acides aminés.
Le carbone du groupe R directement lié
au Ca est appelé C

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Rappel – diagramme de Ramachandran
 Pour des raisons stériques, seules certaines combinaisons d’angles dihèdres
sont possibles

 Le diagramme de Ramachandran donne la relation entre les angles  et y


 Il a été développé à partir d’études de modèles moléculaires de petits peptides

 Ce diagramme montre que:


1) La plupart des combinaisons / y sont interdites
 Ex.: combinaison  = 0o/ y = 180o, ou  = 180o/ y = 0o
2) Il existe des espaces conformationnels où on retrouve la plupart des structures
secondaires des peptides et protéines
 Ces zones (vertes) sont favorisées sur le plan stérique
❑ Ex.: combinaison  = -139o/ y = 135o → feuillet- antiparallèle
❑ Ex.: combinaison  = -57o/ y = -47o → hélice-a droite
 Les conformations correspondant aux zones jaunes sont possibles mais moins
favorables sur le plan énergétique

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Rappel – diagramme de Ramachandran

 = 0o
y = 180o

 = -139o
y = +135o

 = 180o
 = -57o y = 0o
y = -47o

a = Feuillet  antiparallèle ar = Hélice a droite


p = Feuillet  parallèle al = Hélice a gauche
C = hélice de collagène

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Rappel – structures secondaires courantes
 Des acides aminés successifs peuvent adopter une conformation /y
particulière et former une structure secondaire pouvant être stabilisée par
des ponts hydrogènes internes ou externes (entre 2 chaînes peptidiques)
 Voici les structures secondaires les plus courantes:

-80o<  < -50o  = -139oy = +135o  = -119oy = +113o


 = -57oy = -47o
+130o < y < +155o
Feuillet- antiparallèle Parallèle
Hélice a Hélice de collagène

Coude- de Type I Type II


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Rappel – différents niveaux de structures
 En résumé on distingue:
 Structure primaire
 Séquence des acides aminés

 Structure secondaire
 Partie de la chaîne peptidique possédant une conformation définie stabilisée par des
liaisons hydrogènes
❑ Hélices a, feuillets , etc.

 Structure tertiaire
 Conformation 3D d’une protéine bâtie à partir d’éléments de structure secondaire et
de fragments non ordonnés

 Structure quaternaire
 Association de protéines par des interactions non covalentes pour constituer des
complexes

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Rappel – différents niveaux de structures

 Collagène
 Protéine la plus abondante chez les mammifères qui représente environ 25% de
l’ensemble des protéines

- Composé d’une triple hélice.


- La molécule entière fait 300 nm
de longueur.

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Historique – RMN et structure de protéines
 La structure 3D des protéines est importante, afin de comprendre leur
fonction biologique

 Jusqu’à 1984, l’information structurale de résolution atomique provenait des


techniques de diffraction de rayons X à partir de cristaux de protéines

 La première détermination complète d’une structure de protéine par RMN


a été publiée en 1985 par Williamson, Havel et Wüthrich[1]

 La détermination quasi identique de structures de protéines par RMN et


cristallographie de rayons X mit fin, à la fin des années ’80, à une période de
scepticisme de la méthode

[1] Williamson, Havel et Wüthrich (1985) J. Molec. Biol. 282, 295.

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Historique – RMN et structure de protéines
 Bien que la cristallographie de rayons X soit toujours en avance, le nombre
de structures déterminées par RMN et déposées dans la Protein Data Bank
ne cesse de croître.
• https://www.rcsb.org/

Méthode Protéines

Rayons X 133756

RMN 11308

Microscopie 3241
électronique
autres 284

Multi méthodes 146

Total 148735

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Historique – RMN et structure de protéines
 Il ne faut pas oublier que certaines protéines ne cristallisent pas
 L'échantillon de RMN est plus proche des conditions natives
• solution aqueuse, température ambiante, interaction avec des
ligands ou des récepteurs, dynamique...
 Le développement d’ordinateurs puissants, de nouvelles séquences
d’impulsion et de l’instrumentation de RMN a permis à cette technique
d’occuper une place de choix en détermination de structures de protéines
• En 1984, on mettait 10 heures pour calculer 1 seul conformère
d'une protéine de 58 acides aminés (bovine pancreatic trypsine
inhibitor) - environ 900 atomes
• En 1993 une première structure est obtenue par RMN[1] qui
contredit la structure obtenue par rayons X, et qui s’avère être la
bonne (tétramère d’ADN)...

[1] Gehring, Leroy and Guéron (1993) Nature 363:561-565


13
Historique – RMN et structure de protéines
Cristallographie aux rayons X: RMN des solutions:
- pas de limite de taille - limité en taille
- haute ou basse résolution - haute résolution... ou rien!
- nécessité d'obtenir des cristaux - nécessité d'être soluble
- protéines membranaires: - protéine membranaire:
sans membrane sans membrane
- hydratation, température: - hydratation, température: libre
non libre - accès à la dynamique
- dynamique figée - non invasif
- invasif - 12.000 structures
- 120.000 structures - dont 250 membranaires
- dont 750 membranaires - principalement pour < 30 kDa
- principalement entre 10 RMN des solides:
et 60 kDa - pas de limite de taille
- haute résolution... ou rien!
- pas besoin d'être soluble ou cristallisable
- protéine membranaire: avec la membrane
- hydratation, température: libre
- accès à la dynamique
- non invasif
- 100 structures
- dont 40 membranaires 14
Quelles protéines étudier par RMN?

Effet de la taille:

15
Quelles protéines étudier par RMN?

à 500 > s
MHz :

RMN
des
solides
(...)

16
Quelles protéines étudier par RMN?

Quelle taille de protéine étudier?

Plus la protéine est grosse:


-Moins il y aura de protéines par unité de volume: problème de sensibilité
-Plus il y aura des résonances sur le spectre: problèmes de résolution
-Moins elle bouge vite et les raies s’élargissent comme on l’a vu:
problèmes de résolution et de sensibilité.

"solide" 10
c (s) 5

"gros"
20
c (ns) 10
"petit" 0
0 20 40 60 80
masse molaire (kDa)
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Structure – procédure générale
Comment on détermine la structure d’une protéine par RMN?

(1) On attribue les signaux RMN d’un maximum d’acides aminés de la protéine
(2) On détermine un maximum de contraintes entre noyaux, de préférence au
moins 3 par acide aminé:
-D’abord à travers les liaisons chimiques pour retrouver la
séquence primaire
-Ensuite, on déduit des éléments de structure secondaire
(hélice a, feuillet ...)
-Enfin par des contraintes à travers l’espace, on en déduit
des éléments de structure tertiaire
En l'absence d'information structurale, on peut mesurer des dynamiques locales
(3) On en déduit la structure tridimensionnelle, en général à l’aide de
programmes de modélisation

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Structure – procédure générale
Comment on détermine la structure d’une protéine par RMN?

Moins de 100 résidus on peut s'en sortir avec la RMN des


1H :

Pas de marquage isotopique


Identification des acides aminés
Attribution séquentielle
Structures secondaires
Structure tertiaire, y compris les chaînes latérales

Plus de 100 résidus il faut la RMN des 1H, 13C, 15N :

Marquage isotopique 13C, 15N et 2H


Identification des acides aminés
Attribution séquentielle
Structures secondaires
Structure du squelette peptidique
Attribution des chaînes latérales
Structure tertiaire 19
Structure – attribution des résonances

Idéalement, le proton amide de chaque acide aminé donne un pic isolé sur un
spectre 1H-15N HSQC, grace à sa très bonne dispersion des pics. Mais on ne
sait pas lequel ! On cherche donc à en faire l'attribution...

HSQC

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Structure – attribution des résonances

On commence par chercher les groupements chimiques dans la zone de


déplacement chimique attendue

1H :

13C :

21
Structure – attribution des résonances

Puis on cherche les acides aminés en fonction de leurs déplacements chimiques

22
Structure – attribution des résonances

On reconnaît ensuite le motif d’un acide aminé sur un spectre 2D en le


comparant à des spectres disponibles dans des tables

TOCSY COSY, TOCSY

Glycine Valine Valine

23
Structure – attribution séquentielle

On détermine ensuite un maximum de contraintes entre noyaux, pour retrouver la


séquence primaire (attribution séquentielle):

couplage scalaire couplage dipolaire

COSY TOCSY NOESY


HN HA HB

HN HA HB HG HG’ HN HA HB HG HG’ HN HA HB HG HG’

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Structure – attribution séquentielle
 Les 6 expériences 3D suivantes conduisent à l’attribution complète et non
ambigüe de la plupart des protéines
 La fréquence des noyaux rouges est détectée
 Les noyaux blancs relaient seulement l’info
 HNCA et HN(CO)CA
HNCA

 HN(CA)CB et HN(COCA)CB

HN(CO)CA

 HNCO et HN(CA)CO
45 46 47 48 49 50 51 52 53 54

25
Structure – attribution séquentielle
 Expériences de RMN pour
l’attribution des chaînes
latérales des protéines

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Structure – structure secondaire

Les déplacements chimiques des acides aminés dépendent, en partie, de leur


place dans une structure secondaire:

1H:

13C:
Ca BMRB
(Ile): (all
AAs):

80 70 60 50 ppm

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Structure – structure secondaire
 On utilise la valeur de la constante de couplage scalaire 3J reliée à l’angle de torsion
dans la relation de Karplus: 3J = A + B cos + C cos2
 (chap.1)
On trouve ces constantes de couplage en mesurant la séparation des structures fines des pics
croisés
 Contrairement aux NOEs, les constantes 3J n’informent que sur la conformation locale d’une
chaîne polypeptidique

Relation de Karplus pour une protéine entre la constante de couplage 3J et l’angle de torsion
 correspondant défini par 3 liens covalents entre 2 atomes couplés.

O R

 R
O y C Ca
C  Ca
N
H  C
N
H
Ca H
H
y 1 (Ha-H) H
H
1  (HN-Ha)

 Les paramètres A, B et C ont été déterminés avec des structures de protéines connues

28
Structure – structure secondaire

Par la mesure précise de valeurs de couplages scalaires, on déduit des


informations concernant les angles dièdres du squelette peptidique, et
donc des informations de structure secondaire:

J(HNi - Hai) J(HNi+1 - Hai)


feuillet 
hélice ag
feuillet
hélice ad 
hélice
ad
phi psi

29
Structure – structure secondaire

La mesure se fait sur des spectres COSY ou J-HMQC:

Hélice a
Feuillet 

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Structure – structure secondaire

Il existe également des distances NOESY typiques d’une structure secondaire:

3.2 Å
2.8 Å
2.2 Å
hélice feuillet feuillet anti 3.5 Å
NHi-NHi+1 2.8 Å 4Å 3.2 Å
Hi-NHi+1 3.5 Å 2.2 Å 2.2 Å 3.4 Å
Hi-NHi+2 4.4 Å > >
Hi-NHi+3 3.4 Å >> >>

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Structure – contraintes de distance
Contraintes de distance
 Pour calculer la structure d’une protéine par RMN, on doit obtenir des
contraintes géométriques dérivant de paramètres de RMN qui en dépendent
 Ces contraintes doivent être facilement utilisables par les logiciels de calcul de
structure
 Les NOEs sont essentiels pour définir la structure secondaire et tertiaire
d’une protéine
 Ils relient des 1H séparés par 5 Å ou moins dans des acides aminés éloignés dans la
séquence mais proches dans l’espace
 L’intensité d’un NOE (volume V ou intégrale) du pic croisé entre 2 noyaux
couplés sur le spectre NOESY dépend théoriquement de la distance r entre
ces spins
 V = <r6>f(c)
 On calibre le volume à l’aide d’une distance connue et fixe, comme la distance
entre deux 1H sur un cycle aromatique
 Ex.: distance entre deux 1H sur le cycle de la tyrosine est de 2.48 Å

32
Structure – contraintes de distance
 Dans le calcul, les distances obtenues par NOEs peuvent être traitées de 2
façons différentes:
 (1) Les valeurs de distance sont utilisées comme « limite supérieure »;
 On peut aussi dire au programme de considérer un certain % d’erreur sur la valeur de la
distance
 (2) Les valeurs de distance sont classées
selon leur volume. Le plus souvent: NOESY-HSQC
• NOEs forts = 2.7 Å
• NOEs moyens = 3.3 Å
• NOEs faibles = 5 Å
 On peut aussi obtenir des contraintes de
distance via d’autres expériences
intégrant la NOESY telles que
13C-NOESY-HSQC et 15N-NOESY-HSQC

75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 33
Structure – contraintes de distance

Attention, les distances courtes proviennent également des


noyaux liés chimiquement.

1 2 3

6 5 4

7 8 9
COSY NOESY

Ce sont les distances longues, donc les pics de basse intensité


qui sont les plus intéressants...

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Structure – contraintes de distance
 Les liaisons Hydrogène sont généralement contenues dans les NOEs ou utilisés en
tant qu’hypothèse de calcul
 Doivent être utilisés avec vigilance
 Les ponts H peuvent être introduits dans les calculs préliminaires de structure de
grosses protéines en tant que contraintes de distances, en particulier lorsqu’un
nombre insuffisant de NOEs est disponible
 On fixe la distance accepteur-hydrogène à 1.8-2.0 Å;
 On fixe à 2.7-3.0 Å la distance entre l’accepteur et l’atome auquel le H est lié de façon
covalente.
 Les ponts H améliorent la régularité des éléments de structure secondaire
 Les hélices et les feuillets  peuvent être
définis par les contraintes de ponts H
seules, sans celles de NOEs!
 Mais il faut s’en méfier car on peut
passer à côté d’éléments structuraux
plus subtils...

feuillet- hélice-a

35
Structure – couplages dipolaires résiduels

Hormis les contraintes NOE, il existe une nouvelle approche: la mesure de


couplages dipolaires résiduels.

On l’a vu, le couplage dipolaire est moyenné à zéro par les mouvements
moléculaires rapides et isotropes en solution.

Mais si notre molécule n’est pas dans une


solution isotrope, dans un cristal liquide par
exemple, alors le couplage dipolaire est moyenné
à une valeur non nulle (RDC pour Residual Dipolar
Couplings) que l’on peut mesurer.

On en déduit l’orientation d’une liaison par rapport au champ magnétique et,


finalement, des orientations relatives entre paires de noyaux.

36
Structure – couplages dipolaires résiduels
 Les RDCs se manisfestent en petits changements des éclatements normalement dus
aux couplages scalaires entre des noyaux directement liés

 Le couplage résiduel est donné par la somme du couplage scalaire et d’un terme DIS
:

 L’information structurale est contenue dans l’angle  entre le lien covalent reliant les
2 atomes J couplés et le champ magnétique

 La mesure doit souvent être répétée à différents champs ou orientations (surtout)

 Exemple de milieux orientant: bicelles, rod-shaped viruses, purple membranes, gel de


polyacrylamide…

37
Structure – couplages dipolaires résiduels
 Exemple de mesure de constante de couplage résiduel[13]:
non orienté partiellement

Région du spectre 1H-15N-HSQC de la protéine CspTm


mesuré à 328 K en solution isotrope et en présence de
bicelles DIODPC/CHAPSO 7.5 wt%.
La constante de couplage 1JHN dans le squelette pour les
groupements amides est de -94 ± 2 Hz.

 Les RDCs sont utilisés soit pour raffiner la structure des protéines déterminée par
NOE, soit en remplacement des NOE

[13] Brunner (2001) Concepts Magn. Res. 13, 238. 38


Structure – calcul
A partir de toutes les contraintes obtenues, on déduit la structure
tridimensionnelle, à l’aide de programmes de modélisation, avec plusieurs
types de paramètres:

1) Paramètres RMN: intensités des pics NOE (distances), couplages J (angles


dièdres), RDC (orientations).

2) Paramètres chimiques: séquence des acides aminés, longueur et angles des


liaisons, chiralité des acides aminés, géométrie covalente standard, rayons
de Van der Waals, rayons de répulsion en fonction du type d’atome
(0.95 Å pour HN et 1.0 Å pour les autres 1H, 1.35 Å pour les C aromatiques et 1.40 Å pour les
autres, 1.3 Å pour N, 1.2 Å pour O et 1.6 Å pour S et P...)

La première étape est donc la modélisation (ou « calcul de géométrie de


distance ») : exploration de l’espace conformationnel

39
Structure – calcul
 Cette étape est généralement suivie d’une minimisation de l’énergie de
conformation via une technique de dynamique moléculaire restreinte qui
permet de trouver l’énergie potentielle minimale pour la structure

 Cette minimisation d’énergie peut conduire à de faux minima, et on


l’améliore en utilisant l’algorithme du recuit simulé (simulated annealing)
 Cette méthode simule un chauffage rapide puis un lent refroidissement, pour
trouver un ensemble de structures globalement minimalisé en énergie

40
Structure – calcul

15 à 20 structures seront conservées en fonction des critères suivant:


– faible nombre de violations de contraintes de distance
– faible RMSD (Root Mean Square Deviation) entre les différentes
structures conservées
–  et  ne doivent pas trop s'écarter des zones permises
– les structures obtenues doivent être en accord avec la
géométrie covalente standard.

On peut ensuite utiliser les structures obtenues pour prédire les cartes NOE
et les comparer aux cartes obtenues

Une fois des paramètres raffinés, on peut effectuer de nouvelles


modélisations, etc...

41
Structure – Exemple 1 : la BPTI
Un exemple: la BPTI (Bovine Trypsin Inhibitor), une protéine de 58 acides aminés:
Wüthrich et al. depuis Biochim. Biophys. Acta 577:177 (1979)
jusqu'à J. Mol. Biol. 227:757 (1992) :

642 contraintes de distances NOE et


115 contraintes d’angles J,
soit 13 contraintes par résidu!

20 conformères après modélisation


RMSD final: 0.43 Å

12 000 structures de protéines ont été


déterminées en utilisant cette technique...

42
Structure – Exemple 2 : peptides amyloides

La fonction de la protéine APP (Amyloid Precursor Protein) n'est


pas connue. Sous l'effet de protéolyse, elle forme des
peptides appelés -amyloides, d'une quarantaine d'acides
aminés, et qui ne cristallisent pas.

La RMN des solutions a permis de déterminer la structure du -


amyloide...

Toutefois... ce peptide n'est pas toxique sous cette forme soluble, mais
uniquement sous la forme de plaques ou de fibres qu'on trouve dans le cerveau
de patients atteints de la maladie d'Alzheimer. Ces fibres semblent être des
peptides auto-associés, qui ne cristallisent pas, mais qui ne sont pas solubles
non plus… il faudra donc les étudier par RMN solide (prochain cours)

Il en est de même pour les protéines du Prion (Sup35, Ure2p, HET-s...)


responsable de la maladie de la vache folle, de l'a-synucléine responsable de la
maladie de Parkinson, de la Huntingtin pour la maladie de Huntington...
43
Structure – Exemple 3 : protéines membranaires
Il faut d'abord pouvoir maintenir ces protéines en solutions:
Plusieurs solutions existent : il faut que le complexe soit le plus petit possible, de
préférence avec un temps de corrélation inférieur à 50 ns (soit à peu près 100
kDa): détergents, bicelles, amphipols, nanodisques...
Warschawski et al. Biochim. Biophys. Acta 1808:1957-1974 (2011)

Exemple avec une protéine membranaire sortie de sa membrane et maintenue


en solution grâce à des micelles de détergents:

VDAC (Voltage Dependent Anion Channel), une protéine


membranaire de 283 acides aminés en LDAO:
Hiller et al. Science 321:1206 (2008)
612 contraintes de distances NOE et
316 contraintes d’angles J,
soit 3.3 contraintes par résidu

20 conformères après modélisation


RMSD final: 2.9 Å
44
Progrès récents – Cryosondes
 Cryosondes
 Le bruit est réduit significativement en refroidissant la bobine à 25 K, ce qui
augmente le rapport S/B d’un facteur 4
 Ainsi, les expériences 3D qui prennent normalement 3-4 jours peuvent
maintenant être complétées en une journée
 On peut donc espérer obtenir toutes les données nécessaires à l’attribution
complète d’une protéine en moins de 2 semaines

www.bruker.com

45
Progrès récents – Cryosondes
 Comparaison de sensibilité
 RMN 800 MHz avec cryosonde vs RMN 400 MHz avec sonde large bande
 Spectres de RMN 13C de la strychnine (1.7 mg/mL) dans CDCl3
 1024 scans (~40 min) et NOE enhancement, délais de recyclage, temps d’acquisition et
longueurs d’impuslions identiques

http://nmr.chem.ucsb.edu/cryoprobe/

46
Progrès récents – TROSY
 Grosses protéines:
1) Un nombre important de résonances pouvant se chevaucher
2) Les raies sont larges à cause de la relaxation transverse rapide

 Le marquage isotopique approprié permet de diminuer le nombre de résonances


sur le spectre, donc de réduire le chevauchement des pics

 La limitation due à la relaxation transverse présente un défi technique plus


important:
 Substituer tout ou partie (typiquement 70%) des 1H par des 2H (mais perte d’information
et de sensibilité)
 Le TROSY (Transverse Relaxation-Optimized SpectroscopY)[16]...

[16] Pervushin et al. (1997) Proc. Natl. Acad. Sci. 94, 12366. 47
Progrès récents – TROSY

Exemple avec la gyrase, une protéine de 45 kDa, à 750 MHz:

HSQC TROSY

48
Progrès récents – TROSY
 Considérons un système hétéronucléaire tel que 15N-1H ou 13C-1H:

 Leurs signaux en 2D sont séparés en 4 composantes séparées par les couplages


scalaires. Ces 4 composantes ont des T2 différents, donc des largeurs différentes

 Les largeurs sont différentes parce qu’elles


proviennent de l’interférence de 2 mécanismes
de relaxation pour chaque noyau:
– La relaxation dipôle-dipôle (indépendante du champ magnétique)
– La relaxation via l’anisotropie de déplacement chimique
(qui augmente avec le champ magnétique)

• C’est ce qu’on appelle l’effet TROSY, et il est donc


plus grand à champ plus élevé

49
Progrès récents – TROSY
 Première solution (habituelle) : en utilisant le découplage
on réduit le spectre à une résonance située au centre des
multiplets

 Deuxième solution : le multiplet n’est pas découplé, mais


on sélectionne la résonance la plus fine des 4

Pics croisés 15N-1H pour différentes expériences de corrélation pour


le groupement indole du tryptophane[18]. (a) [15N-1H] COSY
conventionnel avec découplage large bande. (b) Idem, sans
découplage pendant les périodes d’évolution et de détection.
(c) [15N-1H] TROSY.
[18] Wider & Wüthrich (1999) Curr. Opin. Struct. Biol. 9, 594.
• On perd un peu en sensibilité due à la sélection d’une seuls
composante du multiplet

• Mais on gagne en résolution, ce qui permet de détecter des


couplages plus faibles, y compris à travers des liaisons H (de
l’ordre de 0.25-0.90 Hz)

50
Progrès récents – Marquage isotopique
Les petites protéines peuvent être synthétisées chimiquement mais la plupart des
protéines sont biosynthétisées, c’est à dire produites par des organismes
génétiquement modifiés, tels que des bactéries, des levures, des algues, des
virus, des cellules d’insectes ou d’ovaires d’hamsters chinois... Une troisième
voie intermédiaire mais pas encore de routine est la synthèse in vitro.

L’organisme le plus courant est la bactérie E. Coli. Même quand la protéine est
naturellement produite par un autre organisme (y compris l’humain),
on essaye de créer des « protéines recombinantes » équivalentes
mais produites par E. Coli, dont la génétique est bien connue et maîtrisée
et dont les taux de production sont importants (on cherche à obtenir
plusieurs mg de protéine par litre de culture), mais qui pose quelques
problèmes si la protéine requière des modifications post-traductionnelles
qui ne s’effectuent pas en bactéries

Une étape importante, en particulier dans le cas des


protéines membranaires est la purification de
la protéine d’intérêt au sein de la bactérie, et
parfois sa renaturation, mais de nombreux
protocoles ont été mis au point depuis quelques
années 51
Progrès récents – Marquage isotopique
E. Coli est adaptée au marquage isotopique uniforme:
-Le marquage 15N est assuré en nourrissant la bactérie avec du 15NH4Cl
-Le marquage 13C est assuré en nourrissant la bactérie avec
du 13C-glucose ou du 13C-glycérol
-Le marquage 2H est assuré en nourrissant la bactérie avec du D2O

Pour le marquage isotopique spécifique:


On peut nourrir la bactérie avec des acides
aminés spécifiquement marqués.
Ces derniers sont synthétisés chimiquement
et disponibles commercialement,
mais ils sont assez onéreux.
De plus, certaines voies métaboliques
mélangent les acides aminés et
la spécificité n’est pas toujours
assurée à 100%.
Progrès récents – Marquage isotopique
E. Coli est aussi adaptée au marquage isotopique extensif mais non uniforme:
- Le marquage 13C est assuré en nourrissant la bactérie avec 13C-glycérol
marqué en C2 ou alors marqué en C1 et C3

Castellani et al.,
Nature 2002

E. Coli est aussi adaptée au marquage isotopique inverse :


- Par exemple 13C-glucose, 15NH4Cl et des acides aminés froids
(par exemple: glutamine, glutamate, asparagine et aspartate pour éviter le
mélange des acides aminés; ou alors les acides aminés les plus abondants...)
Progrès récents – Marquage paramagnétique
 Marquage de spins (spin labelling)
 On ajoute une espèce paramagnétique à la protéine (métaux, NO) qui induit un
élargissement des raies dépend de la distance avec cette espèce
 Utile pour les grosses protéines pour lesquelles un nombre limité de NOEs
peuvent être attribués
 On prend un spectre (15N-HSQC par ex.) avec et sans la sonde
 Certains spins relaxent différemment en présence de la sonde
 L’analyse de la relaxation dans les 2 spectres informe sur la distance entre un
noyau (les 1H par ex.) et la sonde
 Cette contrainte de distance peut être utilisée dans les calculs de structure

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Progrès récents – Marquage paramagnétique
 Ex.: Dérivé de la barnase enrichi au 15N en présence de la sonde
paramagnétique MTSSL[19]

1H-15N HSQC
A) 1HN et 15N dont le T1 est très
affecté par la présence de la
sonde
B) Neutralisation de la sonde et
réapparition des résonances

[19] Gopanenko et al. (2000) Prot. Sci. 9, 302. 55


Progrès récents – TALOS
 Programme TALOS
 Torsion Angle Likelihood Obtained from a Shift and sequence similarity
 Permet de prédire les angles dihèdres à partir des déplacements chimiques des
noyaux du squelette
 Constitué d’une banque de données de protéines dont les déplacements
chimiques et les structures haute-résolution sont connues
 En utilisant les déplacements chimiques des Ca, C, C’, Ha et N et sur la base de
similarité de séquence, le programme cherche des correspondances avec la
protéine étudiée
 Si les résidus centraux des 10 résultats les plus en accord ont des angles  et y
similaires, ces valeurs peuvent être utilisées comme contraintes d’angles dihèdres
dans le calcul de la structure
 Bien que 3% des prédictions faites par TALOS soient fausses, les erreurs sont
identifiables par l’incohérence d’une contrainte par rapport à d’autres types de
données (ex.: NOEs)

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