Vous êtes sur la page 1sur 8

Deuxième partie : l’appréciation globale de l’œuvre évangélique de Saint Jean

Présentation

1. Le 4ème Evangile est un des plus beaux textes sinon le plus …. Du Nouveau
Testament. Sa fascination vient du poids de son contenu dense, incisif et palpitant de
vie. Aussi l’Evangile johannique est-il qualifié d’ »EVANGILE SPIRITUELLE » et
caractérisé sous le symbolisme de l’AIGLE. Aussi pour découvrir les immenses
richesses de l’édifice et pour pouvoir en tirer le meilleur profit possible, faut-il avant
tout pénétrer l’œuvre du dedans. Alfred LOISY n’a pas hésité de qualifier le
quatrième Evangile d’être « le premier et le plus grand des mystiques des
chrétiens, non le dernier des historiens de Jésus ».
2. Le 4ème Evangile est un texte très élaboré. C’est en raison de cette qualité que la
lecture et l’étude de l’Evangile johannique suscitent tant d’intérêt et de fascination
mais aussi tant de points de discussions.
Tout cela tend à mettre en relief les interrogations suivantes et à essayer d’y répondre :
- un tel texte n’est-il pas davantage une réflexion théologique qu’un aperçu
historique ?
- Quel est le milieu d’origine de l’œuvre et quelle est la culture qui traduit cette œuvre
et dont le texte est tributaire sur le plan littéraire et thématique ?
- Quelle est l’origine doctrinale du 4ème Evangile par rapport aux Synoptiques et aux
autres écrits du Nouveau Testament ?
- Enfin, qui a donc écrit le 4ème Evangile et à quelle époque situer la composition de
l’œuvre ?

Les horizons de la lecture et de l’étude du 4ème Evangile

Les horizons qui s’ouvrent devant l’approche du 4ème Evangile sont de deux ordres :
- d’abord, le constat qui s’établit avec l’œuvre ;
- et ensuite, les perspectives qui s’ouvrent face à l’œuvre.

Chapitre 1. Le constat

Les éléments du constat de la réalité de l’Evangile apparaissent de trois manières :


- le tissus des événements ;
- le début du ministère de Jésus ;
- les matériaux utilisés par l’auteur.

Section 1. Le tissu des événements évoqués

Le caractère singulier du 4ème Evangile apparaît dans l’ordonnancement des


événements sur lesquels repose l’œuvre. Sans doute, le même schéma fondamental marque le
4ème Evangile en ce qui concerne l’exercice du ministère public de Jésus annoncé par Jean
Baptiste. Ce ministère se déroule en Galilée et en Judée pour se conclure à Jérusalem par la
passion, la mort, la résurrection et les apparitions de Jésus.

D’une part, ceci est remarquable par l’affrontement répété de vives controverses de
Jésus à Jérusalem avec les Juifs (Jn 2, 13-22 ; [3, 1-12] ; 5, 19-47 ; 8,13-59 ; 9, 1-41 ; 10, 1-
39 ; etc…). Et d’autre part, trois mentions de la montée de Jésus à Jérusalem pour la
célébration de la fête de Pâque donne un total d’au moins deux ans et demi de ministère
public de Jésus (Jn 2,13 ; 6,4 ; 11,55). Et c’est à la veille de la dernière Pâque que mourra
Jésus (Jn 13,1 ; 19,31). D’après le 4ème Evangile, Jésus n’aura pas célébré apparemment le
repas pascal.

Section 2. Le début du ministère de Jésus.

En ce qui concerne le commencement du ministère public de Jésus, l’Evangile


johannique situe ce début et le fixe avec l’épisode de la purification du Temple (Jn 2, 13-22),
tandis que chez les Synoptiques, cet épisode a lieu au moment de l’unique montée de Jésus à
Jérusalem (Mc 11,15), c’est-à-dire à la fin de la vie de Jésus.

D’après les Synoptiques, l’action de Jésus constitue un affront qui va précipiter son
arrestation. Par contre, chez Jean, les affirmations de Jésus donnent à croire que Jésus est le
Temple nouveau destiné à remplacer le Temple ancien ainsi que les sacrifices qui s’y
célébraient selon la Loi de Moïse, où brebis, bœufs et vendeurs sont chassés et les tables des
opérations renversées (Jn 2,15).

Section 3. Les matériaux utilisés par l’auteur.

Le troisième niveau de constat est fait des différences notables du 4ème Evangile par
rapport aux Synoptiques. Ceci se découvre dans la matière utilisée par l’Evangéliste.
a) D’une part, il y a des épisodes carrément inconnus des Synoptiques et dont parle
l’auteur du 4ème Evangile. Tel est le cas du miracle de Cana ou le cas de la résurrection
de Lazare.
b) Et d’autre part, dans les matériaux communs aux quatre Evangiles, Jean y développe
une dimension de portée doctrinale toute particulière concernant la foi et stigmatisant
l’incrédulité des Juifs, qu’il s’agisse de la multiplication des pains (Jn 6,1-15 ; Mt
14,13-21 ; Lc 9,10-17), la marche sur les eaux (Jn 6,16-21 ; Mt 14,22-33 ; Mc 6,45-
52), la guérison du fils du fonctionnaire royal (Jn 4,46-53 ; Mt 8,5ss ; Lc 7,1ss).
Ainsi l’originalité du 4ème Evangile consiste moins en la nouveauté des éléments qu’en
la signification dégagée et devenant par le fait même nouvelle .
c) De même, dans le 4ème Evangile, discours et scènes dialoguées revêtent une
importance toute particulière en rapport avec la mission du Christ Révélateur du Père
et Sauveur des hommes. De là, les thèmes de lumière, vie, vérité, etc… et le jeu du
symbolisme qui les accompagne souvent.

Chapitre 2. Les perspectives du constat de l’œuvre.

L’éventail des problèmes qui se dégagent du constat de l’œuvre du 4ème Evangile


peuvent être ramenés sous quatre formes :
- les problèmes d’ordre littéraire ;
- les problèmes historiques ;
- les problèmes herméneutiques ;
- les problèmes théologiques.

Section 1. Les problèmes littéraires du 4ème Evangile.

En ce qui concerne l’aspect littéraire de l’œuvre, la critique qui s’est exercée


concernant l’originalité quant à l’expression, on met en avant le problème de la composition ?
la structure et les caractéristiques du style.
Que faut-il retenir de cette forêt d’analyses avec toutes les divergences qui s’imposent
à chaque niveau ?

Le fait est qu’on ne peut en donner qu’une présentation sommaire de l’état actuel des
choses. Le point de départ est un constat à partir duquel la dimension des observations
s’approfondit.
1) De l’avis unanime de tous les exégètes, la conclusion est claire que Jn 21 est bel et bien
une addition. En effet, la première forme que l’on considère comme originale se
terminerait avec la conclusion qui se lit actuellement en Jn 20,30-31. Ce qui contribue à
renforcer la conviction que Jn 21 relève d’une autre main que celle du premier rédacteur.
C’est entre autres remarques la différence de style et du vocabulaire, de même que Jn
21,21 attribue l’œuvre « au disciple que Jésus aimait ».
Par ailleurs, la mention de « Nous savons » semble bien relever de la signature de la
communauté qui a recueilli l’Evangile, l’a complété. La communauté déclare ainsi se
rattacher aux témoignage du disciple en question.
2) L’analyse du texte évangélique de Jean va plus loin à l’intérieur de l’œuvre elle-même
pour y déceler nombre de remaniements manifestes.
On relève des passages entiers où l’ordre de la succession des éléments est mal assuré et
laisse supposer des interventions ou des insertions. C’est ainsi que, au jugement de
nombre de critiques, la présentation de ce qu’on pourrait appeler la « logique
géographique » serait bien meilleure si Jn 6 venait avant Jn 5.
De même, en Jn 3,33, il est dit que Jésus va en Judée, alors qu’il était déjà à Jérusalem. Le
passage de Jn 7,15-24 (discours sur Moïse et le sabbat) viendrait bien après Jn 5 qui traite
de Moïse et d’une guérison le jour de sabbat.
En Jn 12,36, Jésus quitte la scène et s’en va, alors qu’en Jn 12,44, il reprend brusquement
la parole. Bien plus, plusieurs hypothèses ont été proposées, les unes plus heureuses que
les autres. Tel est le cas du déplacement des feuillets selon Bultmann. Mais toujours est-il
qu’on ne peut pas s’empêcher de constater que tout converge vers une conclusion : soit
des additions, soit des compilations.
Ces deux formes sont intervenues par l’action d’un rédacteur qui a recueilli d’intéressants
fragments intégrés dans la suite dans une perspective d’ensemble. Ainsi le cas du petit
discours de Jn 12,45-50, littéralement mal soudé, peut être considéré comme un résumé
sur l’enseignement de Jésus et le sens de sa mission. C’est une proclamation (« Jésus
s’écria » qui conclut le ministère de Jésus, avant le grand ensemble Passion Ŕ Mort Ŕ
Résurrection (Jn 13 Ŕ 20).
On pourrait multiplier les exemples. Mais une chose doit être rappelée : le 4ème Evangile a
été prêché et proclamé avant d’être mis par écrit. Ainsi tout un matériel de prédication, de
liturgie et de catéchèse a préexisté à la composition de l’Evangile. Cela a continué
d’exister, d’alimenter et de se transmettre pendant que le texte de l’Evangile s’élaborait.
Au départ, un tel matériel présente une unité de style et d’images qui couvre l’oeuvre
entière. Les passages les plus mal soudés à leur contexte (ceux signalés plus haut)
apparaissent de la même veine que l’ensemble.
La conclusion qu’on en retire pourrait être formulée dans cette double forme : le matériel
de prédication serait attribué
- soit à un même auteur (qui aurait lui-même complété son œuvre) ;
- soit à un même milieu (appelé milieu ou Ecole johannique).
Ainsi, tout le monde tombe d’accord pour retenir comme une conclusion plus que
probable : le 4ème Evangile a connu des étapes successives. Mais l’unanimité cesse de
s’affirmer quand il s’agit de préciser le contenu exact de ces étapes rédactionnelles. Quel
profil, dès lors, retenir du 4ème Evangile en fin de compte ?

On part d’un constat irréfutable :la présence du nombre d’additions rédactionnelles qui
supposent au préalable l’existence d’une composition plus ancienne. Mais celle-ci
représentait quelle configuration ? Et cet Evangile primitif ne reposait-il pas sur une
catéchèse plus ancienne qui sera développée dans la suite ?
Le responsable de la rédaction de ce corps de l’Evangile portera le nom
d’EVANGELISTE. C’est en outre à lui qu’il faut attribuer la responsabilité d’avoir
imposé à ce dossier un schéma d’ensemble et à ses sources l’unité de ton et de style. La
question se pose donc de savoir si c’est l’évangéliste lui-même ou est-ce des disciples qui
auraient intégré d’autres fragments transmis par la tradition ?
Un fait est clair : le chapitre 21 et des gloses évidentes du genre de celles-ci Jn 4,2 (cf Jn
3,22), Jn 11,2 (cf Jn 12,3), Jn 17,3 semblent devoir relever de la responsabilité d’un
ultime rédacteur.
Parallèle au coup d’œil précédent, il faut tenir compte pour les étapes rédactionnelles du
4ème évangile de divers courants de pensée dont on peut discerner l’influence dans l’œuvre
johannique. Mais par ailleurs, il apparaît certain qu’il faut reconnaître dans le 4ème
Evangile des affinités culturelles d’ordre philosophique, littéraire et religieux. En effet,
ces éléments sont précieux pour permettre de déterminer le milieu d’origine et de
diffusion du 4ème Evangile. Car autant il est clair que l’œuvre est tributaire des origines de
son auteur avec la gamme des influences avant joué sur lui, en l’occurrence prédicateur,
autant il est également clair que cette même œuvre est en quelque sorte également
façonnée par les origines des destinataires avec tout le bagage qui les marque
collectivement et individuellement. Tant il est vrai que l’œuvre adopte dans une certaine
mesure la « langue » des lecteurs-destinataires. Il y a une corrélation entre l’auteur et le
destinataire.
C’est ainsi que sur le chemin de la recherche de la détermination des différentes affinités
culturelles, on se trouve devant un éventail de propositions et des grilles de solutions.
Présentement, on peut relever trois strates ou étapes rédactionnelles :
1. Le matériel provenant de la tradition commune apostolique (Jean le Baptiste, miracles
+ discours de Jésus, Passion + Mort + Résurrection + Apparitions) dans une forme
particulière de l’Apôtre Jean ; ce matériel ainsi revivifié est mis à la disposition des
communautés pour le même Apôtre avec ses actions particulières et les communautés
en témoignent elles-mêmes marquées par leurs particularités culturelles, religieuses
(prégnose).
2. Le matériel ainsi constitué est mis par écrit par un écrivain-rédacteur (évangéliste).
L’Evangéliste n’est pas forcément l’Apôtre. C’est un disciple ayant bien assimilé la
tradition apostolique, un écrivain original avec une parfaite culture littéraire et
théologique sinon parfaite du moins remarquable ; bref, un chrétien à la personnalité
connue, de formation et de culture hellénistique ouverte à la structure et mentalité
juives.
3. Des retouches postérieures complémentaires.
La forme définitive n’envisage plus l’Apôtre Jean en tant que tel ni l’évangéliste (qui
peut être un disciple anonyme) mais le rédacteur ultime. Celui-ci peut être issu d’un
groupe de disciples ou d’un cercle ou Ecole johannique (cf pour cela Jn 20,30-31 ;
21,24).
C’est ce rédacteur ultime qui
- a intercalé des compléments (Jn 3,16-21 et 3,31-36) ;
- a déplacé les chapitres 5 et 6 qu’il faudrait lire 6 et 5 ;
- a ajouté le chapitre 21, le style notablement différent (Jn 12, 44-50) et les gloses (Jn
4,2 ; 4,44 ; 6,22ss ; 7,39b ; 11,2 ; etc…).
A l’Apôtre Jean appartient le matériel de fond, où l’Apôtre a imposé sa vision et ses
options théologiques, actualisées dans le contexte des communautés johanniques.
Toutes choses qui impriment au 4ème Evangile son caractère propre, dans un regard
original du ministère du Christ glorieux, dans un langage et une terminologie
extrachrétiens : Qûmran, le rabbinisme, la prégnose hellénistique pour actualiser le
message chrétien.

Tel est le schéma fondamental des étapes réactionnel du 4 ème Evangile. Mais à
l’intérieur du schéma, il y a des différences notables à des degrés divers de proba bilité parmi
les derniers commentateurs catholiques et quelques protestants du 4ème Evangile :
- R. Schanackenburg (1965/1973),
- R.E. Brown (1970),
- M.E. Boismard (1977), Synopse III,
- G. Dantzenberg (1969),
- X. Léon-Dufour (1990/1991).

La génération antérieure des exégètes catholiques et un bon nombre d’auteurs


protestants continuaient à attribuer la paternité du 4ème Evangile à l’Apôtre Jean, après le
témoignage classique d’Irenée de Lyon (+ 202), disciple de Polycarpe (156) d’après Eusèbe.

Il s’agit des auteurs suivants :


a) Du côté catholique :
Ŕ F. M. Braun (1959),
Ŕ A. Feuillet (1959),
Ŕ D. Mollat (1953),
Ŕ A. Wikenhauser (1953),
Ŕ I. de la Pottere (1961),
Ŕ B. Vawter (1961).

b) Du côté protestant :
- R.H. Strachan (1941),
- E. Hoskyns (1947),
- H. Strathmann (1951),
- Ph. Menoud (1947),
- W.F. Albright (1956),
- R.H. Lightfoot (1956); etc.

A côté de ces auteurs, il y a d’autres surtout du côté protestant qui nient avec
persistance toute relation du 4ème Evangile avec l’Apôtre Jean :
- A. Loisy (1921),
- W. Bauer (1933),
- Plus tard R. Bultmann (1941) dont le radicalisme a manqué jusqu’à ce jour beaucoup
d’esprits.

Les arguments en faveur de leur thèse : Impossible qu’un pêcheur de Galilée reflète
un tel niveau de culture comme ce qui se remarque dans l’Evangile de Jean. Il aura pu utiliser
des écrits non chrétiens.
D’après l’opinion traditionnel très ancienne ? le 4ème Evangile a été composé vers la
fin du premier siècle, plus ou moins entre des années 90 et 100. Cette date n’est plus guerre
contestée depuis qu’on a découvert en Egypte un fragment de papyrus (Papyrus Rylands 457 :
p. 51) qui remonte à l’année 120-150 environ a été publié en 1935 (C. ROBERTS, An
Unpublished Fragment of the Fourth Gospel in the John Reymands Library, Manchester,
1935).

Il s’agit de Jn 18, 31-33. 37-38. On se rend compte, d’une part, de la Tradition qui
situe le lieu d’origine du 4ème Evangile à Ephèse ; et d’autre part, du temps qu’on aura mis la
circulation et la copie du papyrus jusqu’en Egypte, il faut supposer que la rédaction du texte
évangélique dont le fragment était extrait remonterait facilement au deuxième siècle.

D’après la Tradition, le 4ème Evangile est l’œuvre de Jean l’Apôtre, le fils de Zébédée,
le frère de Jacques le Majeur. Il était « le disciple que Jésus aimait, ayant rédigé l’œuvre à un
âge avancé, puisant à ses souvenirs personnels après avoir dûment médité pendant des
décades les paroles et les gestes de Jésus.

Cet auteur a relevé spécialement l’aspect spirituel à la différence avec la présentation


des Synoptiques, insistant presque exclusivement sur l’aspect humain et terrestre du ministère
de Jésus (Clément d’Alexandrie, H.E., VI, 14, 7).

Cet auteur est un témoin oculaire qualifié, préoccupé de donner une information et de
réaliser une œuvre éminemment historique.

Section 2. Problèmes historiques.

Le 4ème Evangile est-il une œuvre de pleine valeur informative ? S’agit-il d’une
information limitée ? Le double problème se pose surtout dans la confrontation du 4ème
Evangile avec les Synoptiques compte tenu des différences profondes en ce qui concerne la
référence au théâtre du ministère de Jésus, au rapport de ses miracles, de sa thématique et
du style de sa prédication, à l’image personnelle du Christ, bref à l’ensemble des thèmes
théologiques et christologiques.

1. En ce qui concerne les miracles et les discours de Jésus, il n’y a aucune difficulté
à admettre que Jean accentue , illumine et magnifie les gestes de Jésus, pour faire découvrir
davantage la physionomie transcendante de Jésus ; les signes de Dieu qui se manifestent en
Jésus, dans un contexte amplifié homilétique, liturgique, polémique, tout en référence aux
attentes des communautés johanniques confrontées aux problèmes de leur temps et de leur
milieu spécifiques.

2. Jean ne reproduit pas à la lettre ce qui a été prononcé par Jésus. Il en a fait une
sélection, il a opéré des omissions, des condensés. Tout est donc repensé, coloré de modalités
personnelles quant à la conception et quant à l’expression des dits du Maître.

Il y a approfondissement et actualisation en référence avec le niveau christologique et


ecclésiologique des communautés. Jean paraît avoir donné la forme directe à l’énoncé que le
Maître aura prononcé à la forme indirecte, passant à la formulation explicite à une pensée
originellement implicite.
En résumé : les paroles et les gestes de Jésus revêtent chez Jean une signification plus
profonde. Cela est possible à la lumière post-pascale, une relecture par l’évangéliste de la
révélation communiquée par l’Esprit, selon la promesse du Seigneur (Jn 16,12-14 ; 14,26 ;
15,26).

Section 3. Les problèmes herméneutiques.

L’interprétation du 4ème Evangile avec ses caractéristiques littéraires (vocabulaire,


phraséologie, style, conceptions). Il y a une orientation propre du 4ème Evangile.
a) Dans un contexte d’actualisation (communauté…).
b) L’optique universaliste souvent exprimée dans la forme du pluriel (Jn 1,14.16 ;
3,5.7.11 ; 4,13.14 ; etc…)
c) La typologie des personnages et des groupes : (symbolisme).
- les « Juifs),
- Nicodème, la Samaritaine, l’aveugle-né, les premiers disciples, Thomas, le disciple
bien-aimé, Pierre, etc.

Section 4. Les problèmes théologiques

L’ensemble des problèmes johanniques s’impliquent les uns dans les autres dans un
double horizon :
- les options contextuelles ;
- les articulations thématiques.

Art. 1. Les options contextuelles :

Trois dimensions sont à souligner :


1) L’Evangile de Jean se déploie dans la dimension ecclésiale sans que mention soit faite
matériellement du vocabulaire traditionnel chez les Synoptiques :
Il s’agit bel et bien de la réponse aux problèmes et situation des communautés chrétiennes
ou Eglise du temps de l’auteur. L’évocation de l’emploi PLURIEL (etheasametha : nous
croyons, nous témoignons, etc…) tout comme les titres personnels de Jesus-berger, Jésus-
sarment et comme les titres de « mes amis », « mes disciples », « mes frères », etc
renvoient immanquablement à la réalité ecclésiale communautaire.
2) L’histoire de Jésus signifie la manifestation incarnée du Messie, Parole ou Logos. FD et
Sauveur (Vie, Lumière, Chemin, Vérité, etc). Tout cela est proclamé par le témoignage de
la foi : voir Ŕ croire.
3) L’Evangile est un Evangile sacramentel et cultuel
- par le symbolisme
- et le témoignage.

Art. 2. Les articulations thématiques

Le dessein de Dieu se trouve en Jésus Christ dont toute la vie est la révélation du Père.
1) La préexistence de Jésus-Logos s’enracine dans l’éternité : en archè. Cette
préexistence trouve son expression dans les milieux de vie des communautés
chrétiennes issues du judaïsme et du paganisme, rendant ainsi le FD homme au milieu
des hommes.
2) Le mystère de l’identité de Jésus se découvre de deux manières la fois :
- d’un côté, dans ce que les hommes disent à son sujet quand à son origine, son être,
et sa mission (Jn 1,4-5.9.14.19.29.34.36.41.45.49 ; 3,2 ; 4,19.42 ; 6,14.69 ; 7,40ss ;
8,25 ; 9,35 ; 10,24.33ss ; 11,27 ; 12,34 ; 20,30ss). Et à cet effet, l’emploi des deux
verbes est significatif : savoir et connaître, apprendre à savoir ainsi que l’on peut
s’en rendre compte (Jn 3,2.3b ; 6,42.45.69 ; 7,27.28.29 ; 8,13.19 ; 9,30.24.30 ;
16.30).
- de l’autre côté le mystère de Jésus se découvre dans ce que Jésus dit de lui-même
(Jn 4,26 ; 6.20.35.41.48.51 ; 8,12.24.28.58 ; 9,5 ; 10,7.9.11.14 ; 11,25 ; 13,19 ; 14,6 ;
15,1.5 ; 18,5.6.8).

3) Cette identité de Jésus, d’une part, c’est la révélation du Père t du Fils, du Père en le
Fils. Et c’est par sa résurrection, c’est-à-dire à l’accomplissement de la mission reçu
du Père, que le Fils donne l’Esprit Saint à toute créature et à tout croyant (Jn 7,38 ;
14,26, 16,4-11 ; 19,30 ; 20,22). D’autre part, une telle révélation du Père par le Fils en
l’Esprit Saint est faite en faveur des hommes et des croyants (Jn 1,4-5.9-14.16-18 ;
2,13-21 ; 5,21.26.30 ; 6.57 ; 8,28 ; 10,14ss ; 12,30 ; 14,31 ; 15,10 ;
17,2.11.16.18.21.23 ; 20,21).
4) L’Evangile de Jean conclut l’histoire du salut et singulièrement le ministère de Jésus
comme une tension permanente entre deux mondes : céleste et terrestre. La tension
revêtira sa forme tragique, sa glorification et la victoire de l’Esprit. Ainsi le mystère
de la personne de Jésus révélateur du Père s’affirme dès le début (les
FONDEMENTS) ; il s’exprime sans cesse (SIGNES et ŒUVRES) et s’accomplit à la
perfection (HEURE).

Il nous reste à passer maintenant au programme de lecture de l’Evangile à la lumière


d’une telle structure.

Vous aimerez peut-être aussi