POLITIQUE. Une « coalition des droites » fait fantasmer le clan des Le Pen.

La déconfiture
l’Humanité

des « Républicains » aux européennes est une aubaine pour cette recomposition… P. 6

Le Rassemblement national se veut

l’organisateur de l’union des droites
Stéphane de Sakutin/AFP

MARDI 4 JUIN 2019 | N° 22693 | 2,20 € l’Humanité.fr

Arnaud Robin

TIAN’ANMEN
INÉGALITÉS EN RÉGION PARISIENNE Les 50 jours qui

Le fossé
ébranlèrent la Chine
En 1989, après une décennie de réformes,
les dissensions au sein de la direction

se creuse
du PCC se répercutent dans la rue.
La contestation est hétérogène,
la répression violente. P. 22
Belgique 2,20 € - luxemBourg 2,20 € - Antilles-réunion 2,40 € - itAlie 2,50 € - espAgne 2,50 € - mAroc 24 mAD

SNCF

LES CHEMINOTS
UNIS
CONTRE LE
MALAISE
SOCIAL
Un an après le vote du
pacte ferroviaire,
mobilisations pour
dénoncer ses
conséquences sur les

Pierrick Villette
conditions de travail. P. 8

ÉCONOMIE SOCIALE & SOLIDAIRE

L’olympisme français
vire au modèle
3’:HIKKLB=UUWWU[:?k@q@a@e@a";

entrepreneurial
M 00110 - 604 - F: 2,20 E

UNE ÉTUDE
Avec la création de l’Agence nationale du
RÉVÈLE QUE L’ÉCART sport et le désengagement de l’État, le
ENTRE LES RICHES mouvement sportif français s’en remet aux
ET LES PAUVRES modèles entrepreneuriaux de l’ESS. Cache-
AUGMENTE
ENÎLE-DE-FRANCE. misère ? Notre supplément, cahier central
UNE VÉRITABLE
GHETTOÏSATION
SOCIALE.
P. 4
 2 l’Humanité Mardi 4 juin 2019

Temps forts
Sans trop s’avancer, on peut dire que la démission La réalité, cependant, c’est qu’il y a dans le pays
ÉDITORIAL

Bruno Arbesu
de Laurent Wauquiez ne créera pas dans l’opinion
un choc émotionnel, pas plus que dans son propre
parti. Le choix de positions très conservatrices, dou-
blé d’un braconnage sur les terres du Rassemblement
national, a abouti à un échec. Peu nous importe sans
doute, mais les changements du paysage politique
qui se sont accélérés depuis quelques jours sont lourds
de conséquences.
On a pu dire déjà qu’il était dévasté, avec une oppo-
sition binaire entre Emmanuel Macron et Marine Le
Pen, réduisant les débats démocratiques à une sorte de
mano a mano, terme de corrida signifiant que deux
toréadors au style différent combattent ensemble six
taureaux. Mais laissons la métaphore. Déjà, les deux
formations tentent de se partager « les Républicains »,
Par Maurice Ulrich
En commun
ou ce qu’il en reste, tandis qu’Emmanuel Macron devient,
de fait, le véritable leader de la droite en France. Les
salariés, les gens modestes, les couches moyennes n’ont
rien de bon à attendre de l’un et de l’autre, et pas davan-
tage de la benjamine du clan Le Pen, aussitôt remise en
piste, une semaine à peine après le scrutin des euro-
péennes, comme pour mieux déporter toujours plus à
droite l’ensemble des débats de la société française.
une troisième force potentielle. Mais elle est en
miettes. La gauche représente au total un tiers des
électeurs. C’est loin d’être négligeable, à la condition
qu’elle trouve des chemins convergents et novateurs.
Y a-t-il tant de différences entre ses diverses com-
posantes que cela soit impossible ? On peut de ce
point de vue s’interroger sur le fait que Yannick
Jadot, fort du résultat d’EELV, semble vouloir à son
tour et après, disons-le franchement, la France insou-
mise, ne compter que sur celles ou ceux qui le suivront.
Les questions environnementales, dans leur lien avec
les questions sociales, ne sont pas l’affaire d’une seule
formation, elles sont aujourd’hui un bien commun à
gauche, à partager pour construire, sans caricatures,
l’alternative dont la France ne saurait se passer.

La femme du jour BONNE NOUVELLE

L’actualité sur l’Humanité.fr

ARETHA
Décédée en 2018 à l’âge Sur Instagram, les
de 76 ans, Aretha Franklin internautes malaisiens défient
restera comme l’une des entreprises qui adoptent cette tradition les conventions de beauté
plus grandes figures sexiste et bien ancrée qui provoque chez en animant un compte qui célèbre
de la musique populaire certaines femmes douleurs, saignements la pluralité des corps. Le projet
américaine. Surnommée et mal de dos. L’actrice était loin d’ima- met en partage des portraits de
la « Reine de la soul », giner l’ampleur et le rôle de ce tweet personnes handicapées, malades
la chanteuse connut dans le réveil de son pays. Des milliers ou dont l’image corporelle
un immense succès de messages ont repris son hashtag #Ku- ne colle pas avec les standards,
à la fin des années 1960 Too jouant avec les mots kutsu (chaus- et bien souvent les sublime.
en devenant numéro 1 sure) et kutsuu (douleur). L’année
Charly Triballeau/AFP

des ventes pop et R’n’B dernière, Yumi Ishikawa s’était déjà

plusieurs fois de suite fortement mobilisée lors du mouvement
grâce à des tubes qui ont de libération de la parole des femmes.
fait le tour du monde
(Respect, Think, I Never
« Depuis que j’ai proclamé MeToo au Japon,
ma carrière d’actrice est fichue alors autant
LE FIL ROUGE
Loved A Man, Baby I love YUMI ISHIKAWA parler », avait affirmé celle qui, avec filrouge@humanite.fr
you…). Des titres d’autres, avait relayé le mouvement dans
inoubliables qui ont
FÉMINISTE JAPONAISE son pays. « J’ai pris conscience du fait que Le Mans (72) Le collectif sarthois
marqué à jamais l’histoire Plus de 17 000 personnes ont signé la tant de gens avaient le même problème et Marche pour la paix 72 vous invite à
de la soul music. En 1972, pétition qui a été déposée lundi au minis- j’ai décidé de lancer cette campagne. » la projection du film la Bombe et nous.
l’enregistrement de son tère japonais de la Santé, du Travail et Elle rappelle que son but n’a jamais été Elle sera suivie d’un débat animé par
album de gospel Amazing des Affaires sociales. Lancé en février d’interdire les talons hauts dans le do- Dominique Lalanne (Abolition des
Grace fut filmé par le dernier par l’actrice Yumi Ishikawa, ce maine professionnel. Elle entend défendre armes nucléaires) et Gérard Halie
réalisateur américain texte vise à rendre illégale l’obligation la liberté pour ces femmes de choisir de (Mouvement de la paix), tous deux
Sydney Pollack. Des pour les femmes de porter des talons au les porter ou non dans un État qui peine représentants d’Ican – prix Nobel de
images exceptionnelles travail. Tout commence en janvier dernier encore à effacer les inégalités au travail la paix 2017. Ce mardi 4 juin à
qui n’avaient jamais été lorsque Yumi Ishikawa, 32 ans, s’est éle- entre les sexes. 20 heures, les Cinéastes, 42, place
dévoilées, montrées pour vée sur la toile contre ces nombreuses ENORA BIZOT des Comtes-du-Maine.
la première fois dans le
vibrant documentaire Toulouse (31) « La chance d’écrire
musical qu’Alan Elliott et de lire l’Humanité ». À l’invitation
consacre à la Reine de la
soul. Lire notre article
L’IMAGE DU JOUR des Amis de l’Huma et de la librairie
Renaissance, Charles Silvestre,
sur Humanité.fr auteur de Fils d’Humanité (le Cro-
quant) et Jean-Pierre Léonardini,
pour Qu’ils crèvent les critiques (les
Solitaires intempestifs) témoignent
de leur passion intacte après 50 an-
nées de collaboration avec le journal.
Jeudi 6 juin, à 20 h 30, bourse du
travail.

ABONNEZ-VOUS
Sauvons le train
Perpignan-Rungis À L’HUMANITÉ
@LePerpiRungis
SUR SIMPLE APPEL
Depuis vendredi des
centaines de personnes 01 55 84 40 30
ont signé l’appel à sauver
le train fret, qui amène OU PAR MAIL
chaque jour plus de
L’aventure de Benoît Paire à Roland-Garros s’est cruellement arrêtée, lundi,
1 000 tonnes de fruits/ relationlecteur@humanite.fr
en huitième de finale, après qu’il a servi pour le match au 5e set face à Kei Nishikori.
légumes au cœur du MIN. Il ne reste plus aucun Français sur les courts, puisque Gaël Monfils a été brutalement NOUS VOUS RECONTACTERONS !
sorti par l’Autrichien Dominic Thiem… Kai Pfaffenbach/Reuters

« Cette culture du silence, c’est un non-sujet, un impensé, aucune statistique n’existe », explique la directrice de l’OIP. D.Charlet/AFP
D
es gifles, des insultes, des
tabassages au sol à coups de
rangers, parfois même des
viols… Le rapport inédit
publié hier par l’Observatoire
international des prisons (OIP) sur les
violences commises par des agents péni-
tentiaires sur des personnes détenues
révèle, à la fois, le silence et le tabou qui
règnent autour de ces actes, dont l’am-
pleur ne laisse pas d’inquiéter. « Les vio-
lences sont connues, personne ne nie
qu’elles existent, mais, dès lors qu’il s’agit
d’en parler publiquement, il y a une chape
de plomb, a expliqué hier, lors d’une
conférence de presse, Cécile Marcel,
directrice de l’OIP section française. Cette
culture du silence dépasse largement les
murs de la prison. C’est un non-sujet, un
impensé, aucune statistique n’existe. »
L’enquête, d’une ampleur inédite,
a duré un an
Pour tenter de documenter ce sujet, la
section française de l’Observatoire inter-
national des prisons a réalisé une enquête
d’une ampleur inédite. Pendant un an,
ses équipes ont mené une centaine d’en-
tretiens, la plupart sous couvert d’ano-
nymat, avec des ex-détenus, des
surveillants, des directeurs pénitentiaires,
des avocats, des magistrats. Deux cents
signalements de violences ont été recen-
sés sur ces deux dernières années. « C’est
deux par semaine, une récurrence inquié-
tante, poursuit Cécile Marcel. Pourquoi
en parle-t-on si peu ? Il existe une véritable
omerta sur le sujet. Dans le huis clos des
prisons, personne n’a intérêt à ce que ces
affaires sortent. »
Les premiers à se taire sont les détenus
eux-mêmes. « Ils ont beaucoup plus à
perdre à dénoncer, témoigne Maud
JUSTICE
Derrière les murs
des prisons, la
violence des matons
L’Observatoire international des prisons a publié hier
un rapport sur les brutalités commises par le personnel
pénitentiaire sur les personnes détenues.
Un sujet tabou mais des pratiques fréquentes.
Schlaffmann, avocate au barreau de
Nantes. Quand on dénonce des violences,
on s’expose à tout un tas de représailles
possibles. Je ne compte plus le nombre de
personnes détenues qui m’ont indiqué
avoir été victimes de violences, mais je
compte sur les doigts de la main le nombre
de ceux qui ont souhaité porter plainte. »
Évidemment, les surveillants eux-mêmes
cautionnent cette chape de plomb : « C’est
la règle du silence, on ne se désolidarise
pas de ses collègues, souligne Cécile Mar-
cel. C’est prendre le risque que le groupe
se retourne contre soi. »
Parmi les témoignages reçus et publiés
par l’OIP, beaucoup sont d’une violence
édifiante. « Le premier soir au QD (quar-
tier disciplinaire, le mitard – NDLR), quand
ils m’ont frappé, j’ai passé la nuit sans
vêtements, sans sweat, rien. J’étais en
caleçon sur le matelas, je n’avais ni drap
ni couverture », raconte un détenu. Un
autre : « Ce que je craignais le plus vient
d’arriver. Les gardiens sont venus me
tabasser, habillés en tenue d’intervention,
avec casques et boucliers. Je faisais la sieste,
ils sont entrés à cinq ou six dans ma cellule
pour me jeter à terre, m’écrasant la tête
au sol, le dos, les jambes, avec leurs chaus-
sures, pour me menotter dans le dos en me
tordant bras, poignets, pieds et jambes,
en me mettant des coups de poing dans les
mains, les bras et la tête. » Un directeur
de prison : « Combien de fois j’ai assisté à
une intervention où vous êtes sur un type,
il a été maîtrisé, il est au sol, on est en train
de le menotter, tout se passe bien, les
menottes et les entraves sont passées, et
là vous avez un agent qui arrive et qui lui
donne un coup dans les côtes ? »
La majorité de ces violences surgissent
à des moments de tensions de vie carcé-
Mardi 4 juin 2019 l’Humanité 3
Temps forts
« Je faisais la sieste,
ils sont entrés
à cinq ou six dans
ma cellule pour
me jeter à terre,
m’écrasant la tête
au sol, avec leurs
chaussures, pour
me menotter. »
rale, lors du placement en quartier dis-
ciplinaire, par exemple, ou lors des fouilles
à nu, souvent refusées par les détenus.
L’un d’eux raconte : « Lors de la fouille, je
me suis agenouillé intégralement puis on
m’a demandé de faire deux flexions (…).
C’est à ce moment-là qu’ils m’ont violenté,
porté des coups, abusé de leur pouvoir en
m’étranglant pendant que le deuxième
surveillant, au moment où j’étais plaqué
au sol (m’a) écarté les jambes et a introduit
ses doigts dans mon anus. (…) J’ai subi des
attouchements sexuels et un viol. »
« Tout est fait pour qu’aucun
témoignage ne puisse sortir »
Si très peu de plaintes sont déposées,
encore moins font l’objet de poursuites.
« On constate que la justice ne fait pas
son boulot dans ce type d’affaires, résume
Cécile Marcel. C’est un parcours du com-
battant pour porter plainte, plaintes qui
sont souvent classées sans suite par les
parquets. » L’avocate Maud Schlaffmann
détaille ce parcours : « La première étape
est de voir un médecin, mais quand on est
en détention, encore faut-il avoir accès à
un professionnel de santé… On a des témoi-
gnages de détenus qui attendent des jours
avant de pouvoir voir un médecin et les
traces de violence ont disparu. Certains
refusent aussi de rédiger des certificats
médicaux, alors que c’est obligatoire. La
deuxième étape est de recueillir des témoi-
gnages. Mais, en prison, lorsqu’une alarme
sonne, toutes les portes se ferment… Tout
est fait pour qu’aucun témoignage ne
puisse sortir. »
L’un des premiers facteurs d’impunité
tient donc au statut même des plaignants,
qui agit comme discriminant, explique
l’OIP qui cite des magistrats rencontrés :
« J’ai reçu plusieurs courriers de détenus
mentionnant des violences. Mais au vu de
la personnalité des intéressés, je n’y croyais
pas trop, je n’ai pas donné suite. » Un
autre : « La parole d’un détenu sera tou-
jours très dévalorisée par rapport à la
parole d’un surveillant. » Dans la trentaine
d’affaires recensées par l’Observatoire
qui ont abouti à une condamnation de-
puis dix ans, les surveillants ont en
majorité écopé de peines de prison avec
sursis.
MARIE BARBIER
4 l’Humanité Mardi 4 juin 2019

LES PAUVRES ENCORE PLUS PAUVRES

Grigny, Pierrefitte-sur-Seine, La Courneuve,
Clichy-sous-Bois, Stains, Aubervilliers, Bobigny
et Villiers-le-Bel sont les huit communes
72 %
C’est la part des familles monoparentales
parmi les 594 000 nouveaux ménages

L’événement
d’Île-de-France, déjà parmi les plus pauvres, venus grossir la population francilienne
où la pauvreté s’est encore accrue depuis 1999. entre 1999 et 2015.

PAUVRETÉ

L’Île-de-France,
une région toujours
plus riche d’inégalités
Les disparités se creusent et la ghettoïsation s’accroît sur le territoire le plus riche de France.
La gentrification des quartiers proches de la capitale s’accentue. Les prix de l’immobilier
et la répartition géographique du logement social expliquent en partie cette évolution.

L
’Île-de-France est la région que la pauvreté et l’entre-soi urbain pour lutter contre les
de tous les excès. Si elle plus marqué dans les espaces ghettos, « les politiques de
produit 30,5 % des richesses aisés », précise le rapport. « SEULS LE PARC mixité qui s’appuient sur des
nationales pour seulement À elles seules, 26 com- SOCIAL ET LA LOI SRU efforts de construction n’ont
22,3 % de la population, elle munes, dont 17 arrondisse- RESTENT LES GARANTS d’effet qu’à la marge dans
est aussi le lieu où se ments de Paris, regroupent DE L’ACCUEIL DES les quartiers en pleine réno-
concentrent les habitants la moitié des ménages les MÉNAGES MODESTES. » vation », estime Mariette
les plus riches et les plus pauvres du pays. plus riches. MARTIN OMHOVÈRE, IAU Sagot, une des autrices.
Un sommet d’inégalités. Le niveau de vie À l’inverse, des quartiers
des ménages en haut de l’échelle y est Des îlots embourgeoisés autrefois pauvres et proches
supérieur de 23 % à la moyenne nationale au sein des communes de la capitale sont, eux, touchés
de cette catégorie, tandis que celui des Pis, cette concentration des extrêmes par la gentrification : les arrondisse-
Franciliens les plus modestes y est plus n’a fait que s’accroître ces dernières années. ments du nord-est de Paris et certaines
faible de 4,7 %. Ce constat sans appel est Surtout dans la partie la plus pauvre du communes de banlieue ou le long de la
au cœur d’un rapport retentissant, rendu territoire. En 2001, le tiers le moins riche Marne (Les Lilas, Colombes, Malakoff,
public hier par l’agence régionale d’urba- des habitants y représentait 56,3 % de la Maisons-Alfort, etc.). Dans ces zones, « la
nisme et de l’environnement d’Île-de- population, contre 62 % en 2015. La part part des cadres parmi les nouveaux arrivants
France (IAU). « Depuis le début des des cadres, en revanche, y stagne (alors est nettement plus élevée que celle des rési- Dans 44 communes parmi les plus pauvres, où vivent
années 2000, souligne l’organisme, tous qu’elle augmente de 6,7 points à l’échelle dents », note le rapport. Elle est même
les indicateurs attestent d’une hausse des régionale). Dans 44 communes parmi les supérieure à son niveau régional. Cette
inégalités dans la région. » plus pauvres, où vivent 15 % des Franciliens, évolution se traduit par une hausse des prix proches de la campagne qui abritent aussi
Les disparités territoriales sont frappantes.
le revenu médian a encore reculé durant de l’immobilier, et surtout des loyers, un grand nombre de retraités.
L’IAU évoque « une forte polarisation entre cette période. Le poids grandissant des accentuant l’exclusion des catégories mo- La composition du parc immobilier ex-
espaces très aisés et très pauvres ». D’un familles monoparentales et des jeunes destes et, in fine, la disparité entre quartiers. plique en grande partie ces disparités ter-
côté, Paris et le département des Hauts- – surreprésentés parmi les plus dému- On voit ainsi apparaître au sein d’une même ritoriales. « L’évolution de la propriété entre
de-Seine, mais aussi les Yvelines et une nis – accroît encore la paupérisation de ces commune des îlots embourgeoisés aux prix 2001 et 2015 participe d’une accentuation
partie de l’Essonne, qui regroupent cadres quartiers. La population récemment immi- élevés, dont les nouveaux habitants appar- des disparités sociales puisque la part de
et hauts revenus. De l’autre, la Seine-Saint-grée y est également beaucoup plus nom- tiennent aux classes supérieures, jouxtant propriétaires augmente davantage dans les
Denis, département le plus pauvre de la breuse. « Six ménages sur dix nouvellement des quartiers de logements sociaux où se secteurs aisés », note l’IAU. Sans surprise,
région, mais aussi des communes à l’ouest installés ont une personne de référence née concentre une population très précaire. Ce avec des prix de l’immobilier qui ont triplé
du Val-de-Marne et au nord-est de l’Es- à l’étranger », souligne le rapport. Au total, phénomène peut faire reculer le niveau entre 1999 et 2018, l’écart de revenus s’est
sonne. « La richesse apparaît plus concentréeaprès des années de plans de renouvellement moyen de pauvreté dans ces communes, accru entre ménages propriétaire et loca-
sauf dans celles qui possèdent un vaste parc taires, notamment des HLM. La part des
social (Pantin, Bagnolet, Montreuil ou Saint- ménages logés dans le parc social a aussi
Ouen, etc.). augmenté dans les secteurs plus aisés d’Île-
L’ACCÈS AU LOCATIF PRIVÉ SE DÉGRADE Les régions périphériques constituent une de-France. Pour autant, il ne s’agit pas
zone refuge pour les classes moyennes. nécessairement de familles modestes. Dans
Dans les secteurs les plus Il a été en grande partie inférieur à celui des Dans ces territoires périurbains, on observe la région, 47 % des logements sociaux mis
riches d’Île-de-France, remplacé par des baux habitants des HLM, une baisse du nombre de ménages modestes, en service entre 2000 et 2016 appartiennent
à savoir Paris et les meublés (+ 68 800), s’est concentrée dans notamment en raison de la diminution de aux deux catégories les plus chères des
Hauts-de-Seine, on assiste révocables au bout les secteurs géographiques l’offre HLM, mais aussi du nombre de cadres HLM, celles qui proposent des tarifs à peine
à une érosion du secteur d’un an et fiscalement les plus défavorisés de la qui peinent à y trouver des logements en moins onéreux que ceux du privé. Une
locatif privé, observe plus avantageux pour région. Les inégalités entre accession à la propriété. Grosso modo, dans technique largement utilisée par les com-
le rapport de l’IAU. le bailleur. Parallèlement, locataires se sont creusées, cette partie plus éloignée du centre urbain munes riches pour contourner les obliga-
Le nombre de logements la partie la plus dégradée leurs revenus moyens dans de l’Île-de-France, la situation des ménages tions de construction de logements sociaux
offerts en location du parc privé, celle qui les zones riches étant tend à s’améliorer, contrairement à ce contenues dans la loi SRU, dont l’objectif
classique y a baissé de abrite une population dont 4,8 fois plus élevés que qu’aurait pu laisser croire l’implantation est, justement, de rééquilibrer les inégalités
75 000, entre 1999 et 2015. le niveau de vie est dans les secteurs pauvres. du mouvement des gilets jaunes. La pro- territoriales…
priété est majoritaire dans ces régions CAMILLE BAUER

NOUVELLES POPULATIONS
« Les prix ont monté de 14 % en un an
dans le 19e arrondissement, cela ne
signifie pas que le salaire de ceux qui y
habitent a bondi. » Bertrand Savouré
Président des notaires du Grand Paris
15 % des Franciliens, le revenu médian a reculé entre 2001 et 2015. Bruno Levesque/IP3 PRESS/MAXPPP
« Le grand soir des quartiers et de la lutte contre la pauvreté n’a pas lieu »
Dénonçant l’aggravation des inégalités dans la région
Île-de-France, Christian Favier, à la tête du départe-
ment du Val-de-Marne, pointe la « réduction des
champs d’intervention de l’État et des budgets ».
L
e rapport évoque « une paupérisation absolue de
secteurs urbains entiers ». À quoi est dû, selon vous,
ce phénomène ?
CHRISTIAN FAVIER Les déséquilibres de la région sont
anciens et ils perdurent. Dans de nombreux do-
maines, ils s’aggravent, à l’image des autorisations de
construction de bureaux qui continuent de renforcer
l’Ouest parisien, La Défense, les beaux quartiers… Ce n’est
pas en arrosant les mêmes secteurs que l’on traite la
question de la pauvreté ailleurs. Là où la pauvreté pro-
gresse, il faut davantage de solidarité, de péréquation et
de moyens. Investir dans l’habitat digne, désenclaver
grâce aux transports publics, accompagner les habitants
vers l’emploi, favoriser la mixité emplois-logements,
aider les associations et les commerces… les besoins sont
connus, contenus dans tant de schémas restés lettres
mortes ou sans financement. Malgré les intentions, l’État
réduit ses champs d’intervention et les budgets. Le grand
soir des quartiers comme de la lutte contre la pauvreté
n’a pas lieu. Au cœur des secteurs les plus paupérisés, au
lieu d’investir, les services publics reculent. Les collec-
Mardi 4 juin 2019 l’Humanité 5
L’événement
tivités, appelées à l’aide, agissent pour la plupart, part et affiche un nombre record de livraisons
mais leurs moyens ne cessent d’être contraints. de logements neufs et sociaux. Or, l’effort doit
être équitablement réparti sur le territoire fran-
L’an passé, vous vous alarmiez de la forte hausse cilien, et cette étude confirme qu’il reste énor-
du nombre de bénéficiaires du RSA dans le Val- mément de chemin à parcourir.
de-Marne, signe que la pauvreté, déjà forte dans
Patrick Nussbaum
le département, augmente… Les réformes territoriales à venir risquent-elles
CHRISTIAN FAVIER Et elle se poursuit en 2019 ! Malgré de creuser un peu plus ces inégalités ?
nos politiques d’insertion, le nombre d’allocataires CHRISTIAN FAVIER La réforme territoriale fran-
grimpe et avec lui le reste à charge pour le dépar- cilienne est devenue l’arlésienne. Les projets
tement. Lorsque la CAF verse le RSA, 50 % sont Christian Favier de fusion départements-métropoles semblent
pris en charge par l’État et 50 % par le département.Président PCF enterrés. En Île-de-France, le projet précédant,
Le financement de la solidarité nationale repose du conseil qui tentait de supprimer les départements de
donc sur les départements, alors même que l’État départemental la petite couronne, a été mis en échec sur la
songe à leur retirer toute autonomie fiscale. du Val-de- question des inégalités. Je crois que les dépar-
Marne tements peuvent aider sensiblement à les résor-
La « ghettoïsation des riches » est surtout liée au ber, car ils constituent le meilleur échelon de
prix exorbitant des loyers. Comment y remédier ? péréquation, c’est-à-dire de redistribution des
CHRISTIAN FAVIER Je crois à l’encadrement des loyers. La richesses entre les communes. C’est une véritable force
parution récente du nouveau décret – après deux années que la prochaine réforme devra exploiter. À défaut, toute
supplémentaires d’attente – constitue une opportunité à usine à gaz technocratique viendra, au mieux, ralentir les
saisir. De nombreux maires de gauche du Val-de-Marne se dynamiques territoriales, au pire, casser un peu plus encore
sont portés volontaires. Toutefois, face au nombre vertigi- les services publics de proximité et la volonté de changer
neux de demandeurs de logements et des montants des le quotidien de millions d’habitants.
loyers, la construction de logements reste la seule solution ENTRETIEN RÉALISÉ PAR
durable. Dans ce chantier, le Val-de-Marne prend toute sa AUDREY LOUSSOUARN
6 l’Humanité Mardi 4 juin 2019

PARIS : UN CANDIDAT LAREM DE PLUS

Hugues Renson, vice-président de
l’Assemblée nationale et député de Paris,
67 %
C’est la part, sur l’ensemble
a officialisé sa candidature pour les des actions de lobbying en

Politique&Citoyenneté
municipales de 2020 dans la capitale. France, qui vise directement
Cinq membres de LaREM sont en lice. le Parlement, selon la HATVP.

EXTRÊME DROITE

Rassemblement national :
l’œil rivé sur l’union des droites
La déconfiture des « Républicains » aux élections européennes laisse le champ libre aux théoriciens d’une grande
« coalition des droites » pour travailler à une recomposition politique… au bénéfice du parti des Le Pen.

J
usqu’ici, le Front national avait
la main tendue trop haut pour
que la droite dite républicaine
la saisisse. Mais les
circonstances ont changé, qui
permettent à son successeur,
le Rassemblement national, de
pousser les feux de la recomposition. Car
jamais la droite n’avait enregistré un score
aussi bas aux élections européennes : avec
8,48 % (1,9 million de voix), il faut
remonter aux 12,82 % (2,2 millions de voix)
de Nicolas Sarkozy au nom du RPR en 1999
pour se figurer à quel point elle est mal en
point. Au grand bénéfice du RN, qui entend
profiter de ses fractures.
Il n’aura même pas fallu attendre la
démission de Laurent Wauquiez de la pré-
sidence des « Républicains » (lire page
ci-contre) pour que les cadres du Rassem-
blement national se frottent les mains. Dès
le 26 mai au soir, depuis la salle parisienne
où le parti d’extrême droite fêtait sa pre-
mière place, Philippe Olivier, « conseiller
spécial » de Marine Le Pen, jubilait.
« Moi qui ai quarante ans de
militantisme, j’ai connu Dreux. SELON
Je peux dire que ça va secouer LE POLITOLOGUE
GILLES IVALDI, IL Y A
à droite », lâchait-il à l’Opi-
« UNE CONJONCTION
nion. L’allusion à la « prise », ASTRALE FAVORABLE
en 1983, de la ville d’Eure- À UN RAPPROCHEMENT Le RN a recueilli 23,34 % des suffrages aux européennes (5,3 millions de voix). F. Pétry/Hanslucas
et-Loir aux socialistes par DU RN AVEC
une liste RPR-FN validée au L’ÉLECTORAT LR ».
plus haut sommet de la dimanche. « En revanche, tank de droite dure qu’il avait créé en 2010. de sa nièce qui a fait le plus de bruit. Lon-
droite (1) n’est pas anodine. Pour des élus de base vont nous On imagine les débats à venir quand on guement interrogée dimanche sur LCI,
le RN, l’effondrement des « Répu- rejoindre car, dans leur ville, ils lit ce qu’il analyse de la situation actuelle : Marion Maréchal a pris note de « l’archipé-
blicains », dimanche, donne le feu vert pressentent un raz-de-marée d’En « On ne sait même plus pourquoi il y a une lisation » de la droite, de ses « fractures »,
à une stratégie qui s’écrit depuis longtemps marche ou du RN, et ils savent que leurs ligne rouge entre certains du RN et certains de son « incapacité à reconstruire une France
et pourrait s’appliquer dès les prochaines chances de survie sont nulles s’ils restent de LR. » pour tous ». Autant de failles sur lesquelles
élections municipales. à LR. » Le parti de Marine Le Pen a d’ail- la « grande alliance des droites », autre nom
leurs chargé ses prises récentes de jouer Marion Maréchal sort de « l’union » que l’ex-députée Front natio-
Le RN charge ses prises récentes les émissaires auprès de leurs anciens de son silence médiatique nal prône depuis des années, pourrait
de jouer les émissaires camarades de droite. Ainsi l’ancien député Plus que les cadres, c’est à l’électorat LR prospérer.
Même dans des villes où il frôle les 50 % LR de Gironde Jean-Paul Garraud, nou- que l’extrême droite notabilisée des Le Pen « Le Rassemblement national ne peut pas
à l’élection présidentielle, le parti d’ex- vellement élu sur la liste conduite par veut s’adresser. Selon Ipsos-Steria, 18 % capter à lui seul l’ensemble des personnalités
trême droite a besoin d’appuis. Il lui faut Jordan Bardella aux européennes, veut-il de ces électeurs ont glissé un bulletin bleu politiques, des élus ou même des électeurs »,
retourner des cadres de la droite dure en s’« attacher à faire comprendre à (ses) amis marine dans l’urne le 26 mai : le terreau est a déclaré Marion Maréchal à LCI. Elle
sa faveur, pour structurer des listes com- des “Républicains” que le RN n’est pas ce prometteur. Ainsi, en lançant son appel « espère » voir « émerger » de cette « débâcle
munes, ou au moins passer des accords qu’ils croient : je m’y sens comme au RPR aux cadres des « Républicains » dès la des “Républicains” ce courant de droite qui
en vue du second tour. « On a déjà des d’antan ». L’ancien ministre sarkozyste démission de leur président connue, Marine se structure, qui puisse demain accepter le
contacts, il faut concrétiser », affirmait Thierry Mariani, lui aussi élu avec le Ras- Le Pen a-t-elle également convié les « élec- principe d’une grande coalition avec le RN ».
ainsi le député RN Louis Aliot dans l’Opi- semblement national, va s’atteler à la teurs LR patriotes, attachés à la défense de Ce qu’elle met en avant pour dépasser les
nion. « Les ténors comme Wauquiez ou même tâche de « réunir tous ceux qui notre identité, à la fin du matraquage fiscal différences, sur l’économie notamment,
Larcher, on ne les fera pas bouger », expli- veulent ce rapprochement » entre LR et RN, et à la restauration de la grandeur française ». avec une partie des électeurs frontistes
quait Philippe Olivier dans le Journal du en relançant la Droite populaire, un think Mais c’est la sortie du silence médiatique pour qui il y a persistance rétinienne du
 Mardi 4 juin 2019 l’Humanité 7

Politique&Citoyenneté

mirage social ? Le « grand compromis RPR, la droite populaire de l’époque ». Ce

patriotique autour de cette idée de défense qui s’est traduit, analyse-t-elle, par un
de la nation », qui pourrait « aboutir à des mouvement avec « des élus plutôt centristes,
coalitions gouvernementales » ou à « des donc plutôt proches de la République en
alliances de circonstance à des élections ». marche aujourd’hui » et « un électorat plus
Mais, contrairement à ce qu’elle laisse proche du Front national », qui pendant très
entendre, Marion Maréchal et ses réseaux, longtemps, et « encore aujourd’hui pour une
structurés par son Institut des sciences grande partie d’entre eux, plaidaient pour
sociales et économiques de Lyon, ne se une alliance avec le FN ». Pour rappel, selon
contentent pas d’« espérer ». Pour « contrer l’enquête « Fractures françaises » de 2018
le grand projet progressiste qu’est en train du Cevipof, 87 % des électeurs LR consi-
de mettre en place Emmanuel Macron », ils déraient qu’il y a « trop d’étrangers en
veulent agir au sein même France » (87 % pour les élec-
de la droite. Durant la cam-
pagne des élections euro-
18 % des teurs RN), 86 % qu’ils ne
faisaient « aucun effort pour
péennes, la directrice électeurs de s’intégrer » (91 % au RN),
d’école s’est bien gardée 99 % qu’il fallait « un vrai
d’intervenir. Selon RTL, qui droite ont glissé chef en France », devant le
a interrogé anonymement
ses proches, si elle a refusé
un bulletin bleu RN (96 %) ! Une base de
travail idéologiquement
de faire le moindre tweet de marine dans compatible pour « recons-
soutien à la liste RN de Jor- truire la France » autour
dan Bardella, c’est pour se l’urne le 26 mai. d’un « compromis patrio-
placer « au-dessus des par- tique ». Pourquoi pas, de-
tis » et en même temps « soigner l’électorat main, avec l’Alliance pour la France, créée Jean-Yves Le Drian à l’Assemblée nationale, le 26 mars. Éric Feferberg/AFP
conservateur de Bellamy ». Aujourd’hui, par son père, Samuel Maréchal (ex-res-
elle compte sur des relais comme Mariani, ponsable du Front national de la jeunesse
ou sur l’action de proches pour participer dans les années 1990), et son ancien conseil-
aux « états généraux de la droite » imaginés ler parlementaire (et cocréateur du maga- L’hémisphère gauche
par Wauquiez avant son départ. Voire les zine l’Incorrect), qui travaillent en vue de
orienter en pointant les failles et incohé- la présidentielle de 2022.
rences de cette droite-là. Car « Les Répu- GRÉGORY MARIN
de la Macronie se réveille
blicains », a-t-elle déclaré sur LCI, « paient Alors que les européennes ont acté Côté Assemblée, le député Aurélien
une ambivalence de longue date qui est la (1) Le chef naturel de la droite, Jacques Chirac, l’ancrage à droite de LaREM, les ex- Taché a publié le 3 juin le « manifeste
création de l’UMP, en réalité née d’une grande disait trouver « tout à fait naturel » de voter PS s’organisent en espérant peser d’Hypérion », du nom – pompeux – du
fusion du centre, l’UDF à l’époque, et du pour une telle liste. au sein du parti présidentiel. nouveau laboratoire d’idées qu’il a

L
cofondé en avril avec l’avocat Jean-
es élections européennes ont eu Pierre Mignard. Même schéma : tous
un mérite : acter la prédominance deux sont d’anciens socialistes ou

Laurent Wauquiez part d e L a R E M s u r l ’ é l e c t o r a t apparentés et veulent faire vivre la

b o u r g e o i s t r a d i t i o n n e l d e s « gauche démocrate » (comprendre la

sans avoir pu desserrer l’étau « Républicains ». Un siphonnage de gauche Macron-compatible). Aurélien

L’ex-président de LR laisse un parti sous
tension, coincé entre le RN et la majorité
présidentielle.
Pour le sénateur LR Roger Karoutchi, proche
de Valérie Pécresse, la démission de Laurent
Wauquiez « met tout le monde au pied du
voix en règle, mais au prix du sacrifice Taché en résume l’esprit dans un tweet :
du « en même temps » de la campagne « l’électorat de gauche du premier tour
p r é s i d e n t i e l l e , e t d o n c d ’ u n e de 2017 est divisé. Il faut le rassembler
déperdition de l’électorat social- dans un grand bloc démocrate que nous
démocrate qui avait largement essayons de construire. » Cible prioritaire :

N
icolas Sarkozy avait mis vingt-
quatre heures à démissionner de
ses fonctions de président par inté-
rim du RPR après son échec aux euro-
péennes de 1999. Laurent Wauquiez aura,
lui, mis une semaine, en annonçant son
retrait de la présidence des « Républi-
cains », dimanche soir. « Les victoires
sont collectives, les défaites sont soli-
taires », a lancé Wauquiez, se repliant
désormais sur la région Auvergne-Rhône-
Alpes qu’il préside.
Fin janvier, il avait désigné, dans un
scepticisme général, François-Xavier
Bellamy, enseignant en philosophie de
33 ans, pour conduire la liste LR aux
élections européennes. Le maire de Nice,
Christian Estrosi, a ainsi réclamé de
« tourner enfin le dos à cette période de
sectarisme catastrophique pour la droite et
le centre ». Après la lourde défaite du 26 mai
(8,48 % des voix, le pire score de son
histoire, tous scrutins confondus), et face
aux critiques sur sa ligne conservatrice et
droitière et un exercice solitaire du pouvoir
à la tête du parti, Laurent Wauquiez part
sur la suggestion que la droite tienne des
« états généraux ». Mais à la rentrée de
septembre seulement, pour « tout remettre
à plat ». Pas suffisant pour sauver sa tête.
mur : sommes-nous capables de refonder un
parti de droite rassembleur et populaire ?
L’espace politique existe-t-il encore ?
Réponse très vite ».
Sa démission, plutôt que de clarifier, ouvre
d’abord le bal des prétendants. Gérard
Larcher a, lui, initié une « démarche » pour
construire « un projet rassemblant la droite
et le centre », conviant aujourd’hui à Paris
les présidents LR de groupes parlementaires
ainsi que les présidents de régions, dont
Valérie Pécresse (Île-de-France) ou encore
Renaud Muselier (Paca). La droite est aussi
sous la pression de Macron. « Un maire qui
sera réélu avec l’apport de la République en
marche et du MoDem, ce sera un allié du
président pour 2022 », ou « un ennemi du
président pour 2022 », a prévenu
l’eurodéputé Gilles Boyer.
Les couteaux, quoi qu’il en soit, sont de
sortie. En témoigne l’échange sur Twitter
entre Maël de Calan, ex-candidat
malheureux à la présidence LR, et Bernard
Carayon, candidat aux européennes sur la
liste Bellamy. Quand le premier brocarde
en Wauquiez « le Benoît Hamon de la droite
(qui) aura entraîné dans sa chute notre famille
politique », le second lui rétorque que « ta
famille politique ne savait même plus que tu
existais ». Ambiance.
LIONEL VENTURINI
accompagné l’élection l’électorat écologiste sauce
d’Emmanuel Macron
en 2017. De quoi in-
Jean-Yves Le Jadot, qui apparaît assimi-
lable au logiciel libéral de
q u i é t e r « l ’ a i l e Drian s’apprête la majorité.
gauche » macroniste, Et le président de la Répu-
qui pourrait voir son à fonder son blique dans tout ça ? Difficile
influence diminuer au
sein du parti. Chez les
mouvement avec de croire que les initiatives
de Jean-Yves Le Drian ou
ex-PS, l’heure est à la l’appui d’autres d’Aurélien Taché se soient
structuration. faites sans son consente-
Côté exécutif, le mi- ministres du ment. « Emmanuel Macron
nistre des Affaires est parfaitement informé de
étrangères Jean-Yves gouvernement. notre démarche et n’y a
Le Drian s’apprête à apporté aucune objection »,
fonder son mouvement avec l’appui assure même le député. Pour cause, il a
d’autres ministres du gouvernement. tout à y gagner.
Les noms cités fleurent bon le « revival » Certes, l’électorat LR lui a permis de
du Parti socialiste : Didier Guillaume, se maintenir à un score élevé aux
Stéphane Travert, Olivier Dussopt, tous européennes. Mais il n’a pas intérêt, à
transfuges de l’ancienne force au terme, à être identifié comme le candidat
pouvoir. Cette structure n’a pas encore de la droite et doit donner un coup de
dévoilé de nom, mais doit permettre barre à bâbord, au risque de voir
de peser davantage au sein de la réémerger des forces concurrentielles
majorité, face au « pack » des ministres à gauche. C’est à cette condition qu’il
venus de LR – Édouard Philippe, Gérald assurera la poursuite de sa grande OPA
Darmanin, Bruno Le Maire, Sébastien sur les forces de centre-gauche et de
Lecornu. Comme si le bipartisme PS-LR centre-droit, avec pour objectif, en 2022,
se donnait une seconde vie au sein de rejouer ad nauseam la carte du
même de LaREM, alors que tous sont nouveau clivage entre les progressistes
d’accord avec les préceptes du et les populistes.
« nouveau monde » macronien. CYPRIEN CADDEO
8 l’Humanité Mardi 4 juin 2019

LANCEMENT DE OUPS.GOUV.FR
Le gouvernement lance aujourd’hui sa plateforme Oups,
dédiée au droit à l’erreur lors des déclarations. Le site
600 000
C’est le nombre de pots de Nutella bloqués chaque
a pour but de lister les erreurs les plus fréquentes. Prévoir jour à Villers-Écalles. La plus grande usine de pâte

Capital/travail
un « oups, j’ai déclaré tous mes bénéfices dans ma filiale à tartiner est bloquée depuis lundi dernier par
en Irlande » à destination des entreprises du numérique. 160 salariés, qui demandent de meilleurs salaires.

TRANSPORT

Les cheminots font le bilan

de la réforme dans la rue
Un an après le vote du pacte ferroviaire, les salariés de la SNCF manifestent aujourd’hui à Paris pour dénoncer
ses conséquences sur leur travail et le service public ainsi que les mensonges du gouvernement.

I
ls devraient à nouveau déferler
en masse dans les rues de Paris.
Un an après le vote de la réforme
ferroviaire, les cheminots se sont
donné rendez-vous, aujourd’hui,
à l’appel de toutes les organisations
syndicales (CGT, SUD, Unsa et
CFDT). Un combat unitaire, dans la foulée
d’une des plus grandes mobilisations so-
ciales à la SNCF, au printemps 2018, contre
le pacte ferroviaire porté par un exécutif
coutumier du passage en force. « Cette
réforme était mauvaise », expliquent les
syndicats, sa mise en application est pire.
« Les objectifs fixés par le gouvernement
l’année dernière, en matière de développe-
ment du service public et de simplification
du système n’ont tout simplement pas été
suivis d’effet », explique Erik Meyer, secré-
taire fédéral SUD rail. Pour le syndicaliste,
le bilan est alarmant : « Aucune des garanties
sociales mises sur la table pour faire passer
la pilule de la réforme n’est à l’ordre du jour.
Cette loi est dogmatique et a simplement
servi au gouvernement à faire passer ses
trois marqueurs politiques : concurrence,
privatisation et casse du statut des
cheminots. »
Évolutions de carrières empêchées,
mobilités forcées...
Si la réforme de 2014 avait déjà scindé le
système ferroviaire en trois établissements
publics distincts, celle de 2018 consacre
« l’atomisation du rail », accuse Laurent
Brun, secrétaire général de la CGT chemi-
nots. Ainsi, la séparation par activités et
par produits, renforcée par la transformation
juridique de la SNCF en différentes sociétés
anonymes et filiales, isole les cheminots
qui « perdent le sens de leur travail ». Évo-
lutions de carrières empêchées, mobilités
forcées, compétition entre activités, le
cloisonnement à l’œuvre « menace le groupe
de dislocation », insiste Laurent Brun.
« L’ambition de Guillaume Pepy (président
de la SNCF – NDLR), c’est que chaque société
anonyme gagne en autonomie et devienne
totalement indépendante l’une de l’autre,
jusqu’à gérer sa propre politique salariale,
son organisation du travail, etc. », poursuit
Erik Meyer, qui dénonce une SNCF « gérée
comme une multinationale classique ».
Ouvertes en parallèle sur trois fronts,
dans l’entreprise, au niveau de la branche
Manifestation des cheminots contre la réforme de la SNCF à Lyon, le 12 juin 2018. E. Foudrot/Reuters
et au niveau national en amont de la publi-
cation des décrets d’application de la
réforme, les négociations censées fixer
des garanties sociales à la transformation
du système, elles, patinent. « Le gouver-
nement n’a toujours pas pris l’ensemble des
mesures prévues par cette loi », rappellent
les syndicats, qui taclent les promesses de
concertation non tenues et des engage-
ments financiers non respectés. Résultat,
dénoncent les organisations, « des lignes
ferment par manque de moyens pour les
régénérer ». « Et ce que le gouvernement
n’a pas pu faire rentrer dans sa réforme, il
l’a imposé dans la LOM (la loi d’orientation
des mobilités actuellement en débat au
Parlement – NDLR), en ouvrant, par
SELON UNE ÉTUDE
INTERNE À LA SNCF,
90 % DES CHEMINOTS
ONT PARTICIPÉ À AU
MOINS UNE SÉQUENCE
DE GRÈVE AU
PRINTEMPS 2018.
LA FONCTION
PUBLIQUE REJOINT
LES CHEMINOTS
Alors que la loi
sur la fonction publique,
« élaborée de manière
totalement autoritaire (et)
rejetée par l’ensemble des
organisations syndicales
représentatives (…)
constitue une offensive
majeure contre les
fondements statutaires
et donc contre la
démocratie », la CGT
services publics appelle
les agents à se mettre
en grève et à rejoindre la
manifestation parisienne
des cheminots.
exemple, la possibilité de confier la gestion être rattachés à celles du bâtiment, des
de l’infrastructure à un opérateur privé », travaux publics, de l’informatique, et même,
explique Laurent Brun. des remontées mécaniques », note Didier
Pour ce qui est de la branche, « aucune Aubert, secrétaire général de la CFDT
des promesses n’est tenue », affirme le cheminots.
secrétaire général de la CGT cheminots. Quant à l’accord d’entreprise, « les négo-
Le patronat du rail fait blocage et la ciations sont au point mort », déplorent les
convention collective de haut niveau vantée syndicats. Le dialogue social à la SNCF est
par le gouvernement ne verra pas le jour. « impossible », selon la CFDT, et l’ambiance
Preuve en est, « le gouvernement a anticipé dans l’entreprise « détestable », dénonce
l’échec de la négociation en préparant un la CGT. Les syndicats actionnent l’alarme
décret qui lui permettra de fixer lui-même sociale : « Le malaise est grand et profond.
le contenu de la convention collective natio- Le corps social est heurté et les protections
nale », poursuit Laurent Brun. Sans comp- disparaissent. L’inquiétude est là, palpable
ter que « des pans entiers de métiers, (…) et le mépris est pour l’instant la seule
aujourd’hui cheminots, pourraient être réponse de la direction. »
sortis de cette convention collective pour MARION D’ALLARD
 Mardi 4 juin 2019 l’Humanité 9

Capital/travail

MÉDIAS

Télérama ébranlé par des

accusations de harcèlements
Une enquête interne au groupe le Monde a entraîné
le licenciement de deux journalistes reconnus du magazine.

C
’est une enquête menée par Médiapart
qui fait la lumière sur des faits de
harcèlements perpétrés par deux
journalistes éminents de la rédaction de
Rencontre, hier, entre Bruno Le Maire (au centre), la direction Télérama. Aurélien Ferenczi, chef de service,
et les représentants du personnel. Patrick Hertzog/AFP et Emmanuel Tellier, grand reporter, se
sont vu notifier leur licenciement lundi
dernier, respectivement pour faute grave
INDUSTRIE et faute.
L’affaire a commencé avec l’ouverture
L’enquête s’est soldée par une procédure
disciplinaire, pour « agissements sexistes,
harcèlement sexuel et harcèlement moral »,
selon les mots de Catherine Sueur. Dans
des communiqués, les accusés ont contesté
les faits et envisagé de saisir la justice. Der-
rière cette sanction, certains journalistes
de la rédaction ont blâmé le manque
d’écoute de la direction, et certains ont
même dénoncé une omerta au sein du

Bruno Le Maire tance d’une cellule d’écoute, confiée au cabinet

Egae. Plusieurs salariés de Télérama ont
magazine culturel. Plusieurs y ont vu une
volonté de minimiser ou d’ignorer les faits.

General Electric
effectué des signalements visant les deux
journalistes. Les témoignages ont ensuite
été rapportés à Caroline Sueur, présidente
du directoire du magazine. Cette dernière
Le ministre de l’Économie a appelé le groupe a ouvert une enquête, qui a permis à une
américain à revoir à la baisse le nombre trentaine de salariés de venir témoigner.
de licenciements prévus à Belfort. « Il m’a fait des avances tout de suite. Mais
dès que je me suis opposée à lui, il s’est mis
à faire des réflexions sexistes dégradantes
Fabienne Pascaud, directrice de la rédaction,
a reconnu « n’avoir pas pris la mesure de
l’ampleur de ces dysfonctionnements ».
Avant de se rattraper ces derniers mois,
Télérama avait peu couvert les affaires de
harcèlement, à la suite du mouvement
#Metoo. Le magazine n’avait d’ailleurs pas
consacré une ligne à l’affaire Luc Besson
qui, au début de l’été 2018, avait secoué le

G
et humiliantes », a alors confié une monde du cinéma.
E doit revoir sa copie » : pour augmenter sa rentabilité », journaliste.
«
ÉMILE BENECH
face au tollé suscité ces dénonce Grégory Pastor, secrétaire
derniers jours par l’an- CGT du comité de groupe européen.
nonce des 1 044 suppressions d’em- « À l’horizon 2020, les prévisions
plois par l’énergéticien à Belfort sont à une reprise du marché du gaz,
(territoire de Belfort), le ministre et à un doublement de la demande
de l’Économie a tapé du poing sur en 2040 », souligne-t-il.
la table hier, à l’occasion d’une Et ce ne sont pas les promesses de
visite dans l’usine de fabrication non-fermeture de site ou de
de turbines à gaz. « Le plan social réindustrialisation avancées de
en l’état ne va pas. 1 050 emplois concert par Bruno Le Maire et par
supprimés, c’est trop, le directeur général Recevez chez vous vos bons de soutien*
et je pense que GE « Ce qu’on veut, de GE France, Hugh
peut et doit faire Bailey, par ailleurs
mieux et que c’est une c’est zéro ancien conseiller
Nom/Prénom
Adresse
condition préalable
pour que les choses
licenciement d’Emmanuel Macron
lorsqu’il était ministre
s’apaisent sur le pour conserver de l’Économie, qui
site », a déclaré rassurent les salariés.
Code postal Ville
Bruno Le Maire, qui le savoir-faire. » « On sait bien que le Tél.
a rencontré la direc- site de Belfort ne doit Mail
tion et les représentants du per- pas fermer aujourd’hui, ce qu’on veut,
sonnel. « Je ne sais pas de combien c’est zéro licenciement pour conserver
nous pourrons descendre – je ne vais le savoir-faire, des investissements Je souhaite recevoir bon(s) de soutien x 29€ = €
pas prendre d’engagement chiffré », pour adapter nos gammes de produits, (frais de port inclus)
a toutefois tempéré le locataire de et une maîtrise de la production
Bercy, présentant en outre les énergétique française, car Emmanuel
investissements dans l’aéronautique Macron est en train d’externaliser la Veuillez bien remplir ce bon, toutes les informations sont nécessaires.
comme la piste de diversification production énergétique », poursuit
* Ce bon de soutien à l’Humanité donne droit à l’entrée gratuite
la plus « prometteuse ». le syndicaliste. « Pour le moment et les 3 jours de la Fête.
pour de nombreuses années à venir, Remplissez ce bulletin et envoyez-le accompagné de votre règlement
Des promesses qui ne les énergies renouvelables sont (chèque à l’ordre de L’Humanité) à l’Humanité - Service diffusion
3, rue du Pont de l’Arche - 37550 Saint-Avertin
rassurent pas les salariés fluctuantes. La technologie turbine à
Représentants des salariés et élus gaz est celle qui peut se substituer le
locaux en ont profité pour redire plus rapidement à une baisse de
HQ 22693/2019

leur inquiétude face à ce projet qui production des énergies renou-

revient à amputer l’ensemble du velables », fait valoir Karine François,
site d’un quart de ses effectifs, et qui rencontrait Bruno Le Maire avec
de la moitié des salariés affectés à la double casquette d’élue suppléante
l’activité turbines à gaz. « Sous cou- au CSE Solidaires et de conseillère
vert d’un creux cyclique, GE est en régionale EELV en Bourgogne-
train de rationaliser sa production, Franche-Comté. Retrouvez-nous sur fete.humanite.fr
en préparant des transferts d’activité LOAN NGUYEN
10 l’Humanité Mardi 4 juin 2019

AFFAIRE LEGAY : VERS LE DÉPAYSEMENT ?

Le procureur général de la cour d’appel d’Aix rejoint
la demande d’Attac et des avocats de Geneviève Legay
en demandant à la Cour de cassation le dépaysement de
3
C’est le nombre de membres de Génération
identitaire qui seront jugés à Gap

Société&Solidarités
l’instruction. La septuagénaire avait été blessée le 23 mars le 11 juillet pour les opérations
à Nice, en marge d’un rassemblement des gilets jaunes. anti-migrants du printemps 2018.

L
a peine de mort pour tous,
par pendaison. Voilà le ver-
dict infligé par la justice ira-
kienne aux onze Français
jugés depuis une semaine,
après leur transfert de Syrie,
pour « appartenance au
groupe “État islamique” » (EI). « Je ne peux
pas vous donner le chiffre précis mais on
(en) aura d’autres », avait assuré dimanche
Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès
du ministre de l’Intérieur, alors que
450 Français liés à l’EI environ seraient
encore retenus en Syrie. Si le gouvernement
dit intervenir « au plus haut niveau » pour
éviter que ces hommes soient pendus, il
défend aussi l’indépendance de la justice
irakienne, assurant que les prévenus avaient
bénéficié de « procès équitables ». Pas l’avis
de Human Rights Watch, qui dénonce des
procédures avec « de graves lacunes »,
autorisant le recours à de la « torture ».
Hier, 45 avocats français ont publié sur
franceinfo.fr une tribune fustigeant l’inac-
tion de l’État dans ce dossier. Président
d’honneur de la Ligue des droits de
l’homme, Me Henri Leclerc s’explique.

Laisser condamner à mort des Français en

Irak serait un « immense déshonneur »,
écrivez-vous. Pourquoi ? Salle d’audience de la cour d’appel de Bagdad. Ce lundi, deux nouveaux Français ont été condamnés à la mort par pendaison,
HENRI LECLERC L’honneur de la France, c’est portant à onze le nombre de peines capitales prononcées depuis le 26 mai. Sabah Arar/AFP
d’être le pays des droits de l’homme. Un
pays qui, comme toutes les nations du monde,
protège ses ressortissants. L’interdiction de
la peine de mort est par ailleurs un principe
JUSTICE

« L’horreur d’un crime

fondamental de notre droit, au cœur de la
Constitution, avec l’article 66-1, comme de
la Convention européenne des droits de
l’homme. Dans une telle situation, la France
ne peut pas se contenter de protestations de

ne justifie pas tout »

principe, encore moins d’une absence de
protestations. Dire « on préférerait qu’il n’y
ait pas d’exécution» ne suffit pas.

Une grande partie de l’opinion considère qu’il

est normal que ces Français partis faire le
djihad en Syrie ou en Irak soient jugés là-bas.
Pourquoi refusez-vous cette logique ?
Dans une tribune publiée hier, 45 avocats protestent contre l’inaction coupable de l’État,
HENRI LECLERC L’opinion n’est pas la seule après la condamnation à mort de djihadistes français en Irak. Entretien avec Me Leclerc.
boussole en matière de principes fonda-
mentaux. En 1981, quand le Parlement a
abrogé la peine de mort à l’ini-
tiative de Robert Badinter, 63 % Le gouvernement assure que les Si la réponse qui lui est donnée est le mépris,
des Français étaient hostiles à procès ont été « équitables ». Cela elle doit montrer sa détermination. « J’ÉTAIS SUPER BÊTE »
cette réforme. Personne ne ne vous convainc pas ?
conteste aujourd’hui que, ce jour- HENRI LECLERC Pas tout à fait. Des Cette attitude serait le paroxysme d’un affai- Ce lundi, deux nouveaux Français ont été
là, la France a fait un pas en avant confrères avocats, comme des blissement plus général de notre droit. Quelles condamnés à la mort par pendaison,
Michel Spingler/AP Photo

considérable. Par ailleurs, quelle journalistes ou des associations, en ont été les précédentes manifestations ? portant à onze le nombre de peines
que soit l’horreur d’un crime, son assurent que la justice irakienne HENRI LECLERC On l’a vu en matière d’anti- capitales prononcées depuis le 26 mai.
auteur n’est pas destitué de la est expéditive, que les procès terrorisme, mais pas seulement. Notre pays Défendus par des avocats commis d’office,
nationalité française automati- ne se déroulent pas toujours a voté une succession de lois sécuritaires, qui ne les ont pas rencontrés et n’ont
quement. Donc ces personnes dans des conditions qui res- qui ont développé l’action de la police, en consulté leur dossier que quelques minutes
restent françaises. Certes, leurs Henri Leclerc pectent les droits de l’homme. rognant parfois de manière inquiétante avant l’audience, ces prévenus ont tenté
crimes sont parmi les plus lourds Avocat on parle même de tortures… sur les libertés. Tout récemment, on peut eux-mêmes de s’expliquer maladroitement.
qui existent. Mais l’horreur d’un citer l’interdiction préventive de mani- Mourad Delhomme, 41 ans, a ainsi raconté
crime ne justifie pas l’abandon Vous évoquez dans la tribune la fester, finalement censurée par le Conseil avec moult détails être entré en Syrie pour
d’un principe fondamental : notre opposition « résignation coupable » et même le « cynisme constitutionnel, ou la création du délit sauver la femme d’un ami. Bilel Kabaoui,
à la peine de mort. La France est déjà inter- d’État » du gouvernement dans cette affaire. « collectif de participation à un groupe 32 ans, a, lui, plaidé l’erreur de jeunesse :
venue, avec vigueur, pour des Français Quelle est sa responsabilité ? violent ». Cela fait des années que nous « Il y a cinq ans, j’étais super bête, j’étais
condamnés à mort pour trafic de stupéfiants HENRI LECLERC Sa responsabilité serait d’in- tirons la sonnette d’alarme sur cet affai- convaincu que je pourrais ressortir de Syrie
en Indonésie, ou au Mexique. Quand de tels tervenir. Lorsqu’un pays comme la France blissement de notre droit. quand je le voudrais. » Tous ont trente jours
principes sont en jeu, elle ne peut pas donner veut quelque chose sur le plan diploma- ENTRETIEN RÉALISÉ PAR pour faire appel.
l’impression de regarder ailleurs. tique, elle a des arguments à faire valoir. ALEXANDRE FACHE
 Mardi 4 juin 2019 l’Humanité 11

CAMIONS À LA DÎME
« Il faut mettre fin aux exonérations
fiscales dont bénéficie le transport
routier. (…) Une telle iniquité fiscale
vis-à-vis des automobilistes n’est plus
acceptable. » Réseau Action Climat
50,6
En degrés Celsius, c’est le niveau qu’ont atteint les
températures au Rajasthan, État du nord de l’Inde.
Une planète et des hommes
Pas très loin du record de 51 °C (123,8 °Fahrenheit),
enregistré dans la même zone en 2016.

SERVICES PUBLICS

De l’énergie à
revendre, mais
pas au privé
Depuis un mois, la fédération des mines et de l’énergie CGT
sillonne la France à la rencontre des usagers. Après avoir traversé 15 autres villes, le FNME-CGT Tour faisait étape à Chalon-sur-Saône,
Objectif : propager la bataille contre la privatisation d’EDF. mercredi dernier. CGT mines énergies

P
Chalon-sur-Saône, envoyé spécial.
our la dernière étape du
FNME-CGT Tour, ciel bleu
et nuages épars annoncent
un bel après-midi sur
Chalon-sur-Saône. Place de
Beaune, le barnum de la
fédération mines et énergie
CGT vient de faire son entrée. Quatre
camionnettes siglées et badgées pour un
service de l’énergie « 100 % public » prennent
distincts, avec une maison mère publique,
qui garderait sous sa coupe tout le secteur
nucléaire et une ou des filiales qui pourraient
être placées en Bourse. Une aberration, selon
Laurent, l’un des syndicalistes présents place
de Beaune. « C’est simple, explique-t-il, la
dette restera dans le public, et tout ce qui
rapporte de l’argent ira au privé. »
Depuis, le syndicat se bat pour garder un
statut unique à l’ensemble des salariés du
secteur ou encore faire tomber la TVA de
20,6 % à 5,5 % sur les factures des ménages.
duquel on attend des plombes. » Ou alors
Internet, dont il ne dispose pas.
« Moi, je veux avoir le choix de prendre ou
pas ce compteur Linky », explique, plus
loin, une dame âgée. « Il n’y a pas
d’obligation, madame », rassure Régis, de
la FNME. Plus loin, un couple jette un œil
de
LES VOYAGES
intrigué sur le prospectus. « Merci pour
l’info, on ne savait pas tout cela », lâche-t-il
en partant. « Les gens oublient qu’ils sont
acteurs et décideurs, glisse Régis. Il faut
qu’on leur redonne cette conscience. »
L’union fait la force, ne dit-on pas…
ÉRIC SERRES
En partenariat avec Touristra

place. Les tentes se montent et les

syndicalistes s’activent. Tables, prospectus
Contre le dumping social, aussi, qu’insuffle
l’ouverture à la concurrence.
l’Humanité

Algérie
et petits livrets, tout se met en branle. « Il
ne reste plus qu’à expliquer pourquoi il est « Les gens oublient qu’ils sont
nécessaire que l’énergie reste du domaine du acteurs et décideurs »
public, de même que bon nombre de secteurs Le temps presse. Le projet de la direction
comme l’hospitalier ou la SNCF… », explique sera présenté le 20 juin et l’augmentation
Alain Gaillard, secrétaire départemental CGT de 6 % du prix de l’électricité a déjà été DU M’ZAB À ALGER
de Saône-et-Loire. C’est dans ce but que, actée. « Cette initiative réveille notre
depuis le jeudi 9 mai, 16 villes ont été visitéesfédération, suscite l’intérêt du public. Les
et 3 400 kilomètres inscrits au compteur. gens ne comprennent plus trop pourquoi on
manifeste, continue Laurent. Là, on leur
Le syndicat se bat pour garder parle, on leur explique, ils nous écoutent,
un statut unique posent des questions. »
« Sur la route, nos quatre véhicules ne sont Dès le matin, plusieurs agents se sont
pas passés inaperçus. Nous avons souvent été retrouvés dans la cour du centre Enedis afin Ave󰈛󰈛
salués, même klaxonnés », raconte Romain, de partager leurs points de vue. « Depuis la 󰇴󰇴󰇴󰇴󰇴󰇴󰇴󰇴󰇴󰈛󰈛󰇴󰇴󰇴󰇴󰇴󰇴󰇴󰇴󰇴󰇴󰇴
ravi d’avoir été de ces trois semaines. Mais quelques années, nous subissons des d’un 󰈅󰈅󰈅󰈅󰈅󰈅󰇴󰇴na󰈅󰈅󰈅󰈅󰈅󰈅󰇴󰈅󰈅
au-delà du côté chaleureux de réductions d’effectifs, s’inquiète de L’Hum󰇴󰇴󰇴󰇴󰇴󰇴󰇧󰇧󰇧
l’aventure reste l’initiative. « La Laurence, secrétaire générale de
nationalisation d’un pan de
l’activité énergie est une
35 % la FNME sur le site. De plus
en plus de services sont
C’EST LE TAUX
m a u va i s e i d é e . No u s D’AUGMENTATION mutualisés, ce qui entraîne
défendons une entreprise DES TARIFS EDF une perte de sens et de
intégrée au service du public DEPUIS L’OUVERTURE reconnaissance de notre
* Base 20 personnes minimum + 128 de taxes aériennes

et des salariés. Voilà pourquoi
nous voulons aller en région
au-devant des agents, pour
les informer des risques qui
pèsent sur leurs statuts, mais aussi
des usagers, également concernés par
DU CAPITAL travail. Aujourd’hui, nous DU 12 AU 19 OCTOBRE 2019 RENSEIGNEMENTS
DE L’ÉNERGÉTICIEN nous battons non plus pour À PARTIR DE 2 190 €* ET INSCRIPTIONS
EN 2004. gagner des choses, mais pour
Après une brève escale à Alger et un vol
ne plus en perdre. » LVJ-VOYAGES
Place de Beaune, quelques heures vers Ghardaïa, vous découvrirez la région
du M’zab connue pour sa culture et ses
01 49 70 86 94
plus tard, les premiers badauds contact@lvj-voyages.com
coutumes si particulières. Ensuite, au départ
+ 105 de visa (à ce jour).

ces changements », expliquait quelques jours s’arrêtent. Coût des factures, compteur Linky,
de Ghardaïa, la route vers le Nord traverse
avant le départ, Sébastien Menesplier, précarité énergétique, manque de lieux
secrétaire général de la FNME-CGT. d’accueil… tout passe en revue. « Il n’y a plus les oasis Ouargla, Touggourt, El Oued l’Humanité
et Biskra et le magnifique site des Balcons voyages.humanite.fr
L’État, actionnaire à 84 % d’EDF, a en effet d’accueil physique dans notre ville, explique
de Ghoufi, avant d’arriver à Alger. voyages@humanite.fr
demandé, il y a un an, à la direction de se un retraité. L’agence a été fermée, il y a deux
réorganiser et de créer deux pôles bien ans. Il ne nous reste que le téléphone, au bout
 12 l’Humanité Mardi 4 juin 2019
Débats&Controverses
POLITIQUE
Quels chantiers pour reconstruire
à gauche ?
SERVICES PUBLICS,
TRANSITION ÉCOLOGIQUE
ET DÉMOCRATIE
Julien Jaulin/Hanslucas
Alain Obadia
Président de la Fondation
Gabriel-Péri
Conjurer les scénarios catastrophiques qui menacent et
ouvrir une issue positive à la crise d’une extrême gravité
que traverse notre pays sont des impératifs majeurs et
urgents. Cela passe par le rassemblement de toutes les
énergies qui aspirent à construire un avenir de progrès
humain respectueux de la planète. Cela ne pourra advenir
que par la recherche d’objectifs communs ouvrant sur des
batailles rassembleuses marquées par les préoccupations
de progrès social, de lutte contre toutes les discriminations,
de nouvelles conquêtes démocratiques et écologiques. Ce
processus inclut, bien sûr, des discussions entre les for-
mations politiques de gauche. Mais il les dépasse largement
et doit s’appuyer tout autant sur les mobilisations sociales
et citoyennes qui placent le progrès humain et écologique
au cœur de leur démarche. Il doit en retour en favoriser
l’essor et le développement. Il existe, en effet, beaucoup
plus de créativité transformatrice dans la société qu’on ne
le pense souvent. Reconstruire à gauche, dans les conditions
d’aujourd’hui, implique cette vision « grand angle ». Il est
évidemment impossible dans cet article d’aborder toutes
les thématiques à mobiliser pour créer la dynamique néces-
saire. Je me limiterai donc à mentionner trois questions.
Julien Jaulin/Hanslucas
Les services publics sont au cœur de nombreuses mobi-
lisations. La concurrence libre et non faussée, objectif
central de l’Europe néolibérale, détruit nos services
publics. Nombre d’entre eux sont désormais en état de
rupture et dans l’impossibilité de répondre à leurs mis-
sions les plus basiques. C’est notamment le cas de l’hôpital
public aujourd’hui sinistré. Le devoir d’une gauche
transformatrice est de créer toutes les conditions, en
lien avec une sécurité sociale retrouvant sa vraie place,
pour que l’hôpital public joue le rôle qui doit être le sien
en ce début du XXIe siècle. Comme tous les services
publics, l’hôpital est un bien commun au service de
tous. Il doit être géré, de manière profondément démo-
cratisée, pour apporter une réponse de qualité aux
besoins en matière de santé.
Le système éducatif public est lui aussi l’objet d’une offen-
sive qui vise à le soumettre à une logique de marchandi-
sation grandissante. Ce processus, déjà bien avancé dans
l’enseignement supérieur, est en train de s’implanter à
grande vitesse dans le secondaire et de s’immiscer dans
le primaire. Il rencontre une résistance, sur laquelle nous
devons nous appuyer et que nous devons contribuer à
renforcer, pour que l’objectif d’un système d’enseigne-
ment public vecteur d’égalité et d’émancipation humaine,
au service de chaque jeune, garde tout son sens.
L’urgence climatique fait l’objet d’une mobilisation remar-
quable de la jeunesse. Elle est à proprement parler vitale.
Mettre en œuvre les décisions indispensables pour
RAPPEL DES FAITS
Après les élections
européennes, des militants
de gauche, syndicalistes,
responsables associatifs
prennent la parole et ouvrent
le débat.
permettre de respecter les objectifs de l’accord de Paris
implique une volonté politique capable de résister sans
faiblesse aux lobbies, aux multinationales et, plus géné-
ralement, à la rapacité du capital. Une transition écologique
conjuguant étroitement écologie, social et démocratie
est un objectif majeur pour toute reconstruction à gauche.
La troisième question est celle de la démocratie. Des
millions de gens constatent que leur opinion n’est jamais
prise en compte même quand elle est majoritaire. Nous
devons renforcer la capacité de la souveraineté populaire
à s’exercer vraiment. C’est vrai bien sûr dans le domaine
des institutions, ce doit être vrai également s’agissant
des nouveaux pouvoirs d’intervention directe dans la
cité comme dans l’entreprise.
POUR UN PROJET COMMUN
Aurélie Trouvé
Porte-parole d’Attac
Les résultats des élections européennes ont confirmé la
grande faiblesse de la gauche politique en France : à peine
plus de 30 % des voix, tous partis confondus. Un plancher
historiquement bas. La responsabilité des derniers gou-
vernements prétendument de gauche est énorme, tant
leur politique néolibérale a galvaudé l’idée même de gauche.
La situation est d’autant plus frustrante que les derniers
mois ont vu un puissant mouvement social, les gilets jaunes,
mettant en avant la justice sociale et fiscale et le besoin
d’une profonde transformation des institutions. Sans
oublier les mouvements pour le climat, pour la liberté de
manifester, contre la loi Blanquer et tant d’autres. En tant
que militants des mouvements sociaux, nous sommes
pleinement concernés. Nous ne pouvons nous résigner à
vivre encore pendant des années les reculs sociaux et
l’inaction face à l’urgence écologique, menée par une
droite néolibérale au service des ultra-riches et en conni-
vence avec les multinationales. Nous ne pouvons accepter
que la seule alternative soit l’extrême droite xénophobe.
Bien malin qui peut prévoir comment cette gauche
politique va se reconstruire. Mais on peut au moins
identifier ce qui l’empêche de le faire. En premier lieu,
la bataille des ego et des chapelles. En second lieu,
l’attente d’un homme ou d’une femme providentielle,
sans construction avant tout d’un projet commun.
L’enjeu est de rebâtir un socle de gauche donnant envie
à bien plus de personnes de militer et de voter à gauche,
sans renoncer à une rupture profonde avec le néolibé-
ralisme économique et le productivisme.
Mais il est bien insuffisant d’œuvrer pour une gauche
au pouvoir, quand son ancrage dans la société est autant
affaibli. L’essentiel se situe même sans doute ailleurs,
dans la vitalité et le renforcement des mouvements
sociaux, associatifs, syndicaux, et dans la reconquête
des sphères intellectuelles et culturelles. La gauche
politique doit pouvoir s’en nourrir, sans position sur-
plombante. C’est à cette condition que la gauche poli-
tique pourra mener, de façon démocratique, une
politique de transformation sociale. D’où l’importance,
aujourd’hui, de ce qu’il se passe en dehors du champ
électoral et en particulier des luttes et résistances
concrètes, des espaces de débats qui pensent une
transformation radicale, écologique, solidaire et démo-
cratique, de la société. D’où l’importance aussi de se
confronter aux grandes questions de la gauche : par
exemple, doit-on dépasser le capitalisme et qu’est-ce
que ça signifie aujourd’hui, dans une mondialisation
financiarisée et face à l’urgence écologique ? Quelle
importance donner à l’État, au marché, mais aussi aux
collectivités locales ou à l’économie solidaire ? À quel
projet émancipateur nous amènent les réponses à ces
questions (et à beaucoup d’autres) ?
D’aucuns pourront considérer que le score d’EELV aux
élections européennes est de bon augure. Il est au moins
une bonne nouvelle : une prise de conscience environ-
nementale d’une partie importante de la population.
Mais il reste une question primordiale : comment concilier
l’urgence écologique et la justice sociale ? La fin du
monde et les fins de mois ? Ni l’un ni l’autre ne peuvent
rester secondaires, dans un projet politique de gauche
au XXIe siècle. L’un et l’autre sont intrinsèquement liés :
les premières victimes des désastres écologiques sont
les plus pauvres et les plus précaires. Les premiers res-
ponsables sont les multinationales et les grands inves-
tisseurs, qui se nourrissent de l’exploitation toujours
plus accrue du travail et du vivant. Ni totalement verte,
ni totalement rouge, la gauche de demain ne pourra être
que rouge et verte, ou verte et rouge.
PAR EN BAS !
Willy Pelletier
Coordinateur général
de la Fondation Copernic
Il est plus qu’urgent de sonner l’alarme, l’alerte, la
crainte. Les européennes furent pour la gauche une
Bérézina. Mais le pire est à venir. La gauche s’éteint.
Elle disparaîtra peut-être comme Suite page 13
 Chaque mois Mardi 4 juin 2019 l’Humanité I

l’économie sociale & solidaire

Les rendez-vous de

ASSOCIATIONS

Chamboule-tout olympique
dans le sport français
Le mouvement sportif fait face à un profond bouleversement de son organisation avec la création
de l’Agence nationale du sport et le désengagement de l’État. Pour accompagner ces diminutions de moyens,
les modèles entrepreneuriaux de l’ESS sont appelés à la rescousse. Remède ou cache-misère ?

M
anifestations devant le
ministère des Sports,
#touchepasamonCTS
sur les réseaux sociaux,
brassard rouge comme
la colère portée par
plusieurs équipes de
France et coups de gueule médiatiques de
champions et de médaillés… Le mouvement
sportif français s’est offert en mai un coup
de chaud comme il n’en avait jamais connu.
Depuis, la ministre des Sports, Roxana Mara-
cineanu, a eu beau enclencher la marche
arrière, rien n’y fait. Le trouble est profond,
puisque c’est à un grand chambardement
du modèle sportif français auquel nous assis-
tons. Un modèle qui permet depuis soixante
ans, et bon an mal an, à 16 millions de Français
de s’adonner à un sport, via les 165 000 asso-
ciations adhérentes aux fédérations affiliées
au Comité national olympique et sportif
français (Cnosf), et aux 17 millions de per-
sonnes qui pratiquent de manière informelle,
d’être accueillis dans des équipements eux
aussi souvent gérés par des associations. Un
modèle qui, de surcroît, puise dans ce réser-
voir d’amateurs les champions de demain.

Les clubs sportifs ont vu

les subventions publiques
diminuer d’année en année
Cet embrasement aurait pu venir d’en bas
et bien plus tôt. De tous ces clubs tenus à
bout de bras par les 3,2 millions de bénévoles,
qui ont vu les subventions publiques dimi-
nuer d’année en année et le coût des licences
augmenter. Ou des 36 000 associations
salariant près de 227 000 éducateurs, entraî-
neurs, encadrants, qui ont dû en plus encais-
ser le choc de la diminution drastique des
emplois aidés. Finalement, l’étincelle est
venue d’en haut et d’un sigle : CTS, pour
conseillers techniques sportifs. Début avril,
une note ministérielle fuitait, qui révélait le
détachement d’office de ces 1 600 fonction-
naires d’État, hussards du service public du
sport, vers les fédérations. « Au moment où
toutes les études concordent pour dire : “Ayons
des politiques publiques de santé et d’édu-
cation par le sport”, l’État choisit de liquider
50 % des personnels du ministère des Sports
(1 600 CTS sur les 3 200 du ministère) »,
s’offusquait, dans l’Humanité, Philippe Bana,
directeur technique national de la Fédération
« On est en train de tout foutre en l’air à cinq ans des jeux Olympiques de Paris. C’est incompréhensible ! », s’indigne Jean-François
Davoust, syndicaliste de la CGT sport et dirigeant bénévole d’un club d’aviron en Indre-et-Loire. Christophe Simon/AFP Photo
française de handball. Depuis, Roxana Mara- condamné la création de l’Agence nationale Au Cnosf, en assemblée générale la semaine
cineanu a donc concédé une pause dans ce du sport (ANS). Car elle vide de toute subs- dernière, on prônait « l’incompréhension »
détachement forcé… que les députés LaREM tance et pouvoir le ministère des Sports. On due au télescopage de la création de l’ANS
viennent pourtant, dans le même se retrouve avec un pouvoir régalien avec le conflit social des CTS. Certes, pour
temps, de voter dans le projet de qui abandonne le service public l’heure, le gouvernement traîne les pieds
loi de transformation de la
fonction publique. Et une 6,25 du sport, qui confie toutes ses
responsabilités à cette ANS
sur les financements : les sports culminent
à 0,13 % du budget de l’État. Certes, encore,
mission de concertation a MILLIARDS dans laquelle ses 45 membres, le gouvernement refuse toujours un dépla-
été lancée, qui n’a, pour C’EST L’ESTIMATION issus du Cnosf, des collecti- fonnement des taxes liées au financement
l’heure, réussi qu’à calmer DU POIDS vités locales, des entreprises du sport. Mais il faut bien s’adapter à
ÉCONOMIQUE
les éclats de voix. privées, mais surtout de l’État l’époque, sous peine de disparition face à
DU MOUVEMENT
Mais pas celle de Jean- SPORTIF HORS
– notez qu’il n’y a pas des la concurrence des acteurs du privé lucratifs
François Davoust. « On est SPORT PRO. représentants des salariés que sont les coachs autoentrepreneurs, les
en train de tout foutre en l’air – sont censés se mettre d’ac- salles de sport, les opérateurs de tourisme
à cinq ans des jeux Olympiques de cord sur l’avenir du mouvement et loisirs et les grands distributeurs et équi-
Paris. C’est incompréhensible ! » s’in- sportif ! Tout cela sans les moyens publics pementiers. Bernard Amsalem, vice-pré-
digne le syndicaliste de la CGT sport, lui- suffisants. C’est une dérive vers la marchan- sident du Cnosf et auteur du rapport « Sport
même dirigeant bénévole d’un club d’aviron disation : on pousse les clubs, les fédérations, et ESS » en 2017, appelle à la conversion du
en Indre-et-Loire. En bon connaisseur du à chercher la rentabilité, à regarder du côté sport associatif à « la culture entrepreneuriale
secteur, il décrypte ce que la question des des modèles d’entrepreneuriat de l’économie de l’économie sociale et solidaire ». « Il y a
CTS symbolise : « À la CGT, nous avons sociale et solidaire (ESS). » plus de pratiquants sportifs hors de nos
 II l’Humanité Mardi 4 juin 2019

Les rendez-vous de l’économie sociale & solidaire

Chamboule-tout olympique
dans le sport français
clubs que dans nos clubs, relève le vice-pré-
sident du Cnosf. Et la société demande du
sport santé, prévention, bien-être, du sport
citoyenneté, en entreprise… Nos clubs doivent
s’interroger sur ce qu’ils proposent. D’autant
plus que les collectivités locales tiennent
compte des réalités locales, deviennent plus
regardantes sur les subventions, pour mieux
répondre aux demandes. L’ESS ouvre sur
toutes ces réflexions. »
Une martingale, l’ESS ? « On ne sait pas
trop ce que ça veut dire, répond Nicolas Ver-
don, délégué général de Profession sport et
loisirs, fédérant 14 000 clubs, associations
ou collectivités employeuses. S’il s’agit de
répondre à des appels d’offres, de chercher
des financements privés pour pallier la baisse
des subventions publiques, on le fait déjà.
Mais ce modèle n’est pas adapté à toutes les
associations, notamment celles qui s’occupent
de public difficile ou précaire, ni à tous les
territoires, comme les zones rurales éloignées
des centres de profit. » Signe de ces évolutions Manifestation de soutien aux conseillers techniques sportifs contre leur détachement, le 9 mai 2019, à Paris. N. Bonnet
déjà lancées, l’emploi dans le secteur sport
est à la peine après dix belles années.
INSTITUTIONS
« Le sport français doit-il

« L’État se retire de toute

être financé par une marque
de chaussures ? »
« On crée une forme d’illusion en affirmant

politique publique sportive »

que l’ESS va nous permettre de trouver de
nouvelles sources de financements », souligne
David Cluzeau. Pour le président du Conseil
national des employeurs d’avenir, repré-
sentant d’une bonne partie des employeurs
associatifs de la branche sport, le sport fran- L’ancienne ministre de la Jeunesse et des Sports appelle à une grande loi
çais est face à une alternative : « Ou l’on
considère que l’activité physique relève de
sur le sport pour contrecarrer le désengagement du gouvernement. Entretien.
l’intérêt général et il n’est pas cohérent de se

passer des subventions. L’Agence nationale
du sport doit alors jouer tout son rôle auprès
de l’État et des collectivités locales. Ou l’on
considère que le sport est une pratique indi-
viduelle et les fédérations doivent assumer
d’aller chercher des sous auprès des marchands
du sport. Mais le sport français doit-il être
financé par une marque de chaussures ? Je
D
ans les transformations du mouvement
sportif français, il est souvent fait men-
tion d’un rapprochement avec l’éco-
nomie sociale et solidaire (ESS). Que
cela veut-il dire ?
MARIE-GEORGE BUFFET C’est le même discours que
celui sur la professionnalisation des fédérations
Albert Facelly
de toute politique publique sportive. Jusqu’à
présent, le rôle des conseillers techniques et
sportifs consistait à la mettre en pratique. Les
transférer de force aux fédérations, c’est mettre
un terme à ces politiques publiques, puisqu’ils
seront subordonnés aux fédérations et devront
appliquer leurs directives.

n’en suis pas sûr. »
En mettant au rebut le ministère des Sports,
le gouvernement a tranché et précipite
l’ensemble du sport français vers le second
scénario, d’autant qu’il maintient sous pres-
sion les finances des collectivités locales.
Déjà, 91 % des fédérations affiliées au Cnosf
ont constaté un désengagement financier
de ces dernières, et 79 % d’entre elles ont
donc mis en place de nouvelles offres de
pratique (loisir, bien-être, santé), selon une
étude Obaldia conseil-CDES. Mais ce glis-
sement vers l’entrepreneuriat social de l’ESS,
censé renforcer les fédérations et clubs spor-
tifs, pourrait cependant les affaiblir. « Nos
associations d’éducation populaire, multis-
ports et affinitaires, dont la vocation historique
est justement d’utiliser le sport comme vecteur
d’intégration, de santé, de lien social, se
retrouvent en concurrence avec des fédérations
sportives qui commencent à proposer la même
chose », décrit Françoise Bouvier, présidente
de l’Union nationale sportive Léo Lagrange.
Au Cnosf, Bernard Amsalem en est conscient.
« La demande sociétale est très grande, mais
nos fédérations ne le sont pas assez. En France,
nous comptons 117 fédérations agréées. Chez
nos voisins, elles sont moitié moins. »
STÉPHANE GUÉRARD
sportives et des clubs que l’on a entendu pendant
des années. La version ESS fait plus propre, mais Quel paysage le sport français présentera-t-il
il s’agit de la même injonction faite au mouve- au moment des JO 2024 ?
ment sportif de s’autofinancer pour faire face Marie-George MARIE-GEORGE BUFFET Comme l’ensemble du
au désengagement de l’État et aux baisses de Buffet monde associatif, le mouvement sportif est attaqué
subventions des collectivités locales. Dans le Députée PCF depuis des années par la diminution des subven-
projet de circulaire du premier ministre sur la de la Seine- tions pluriannuelles et par la généralisation des
fonction publique, on trouve tout un paragraphe Saint-Denis financements par projet. La baisse drastique des
sur le ministère des Sports, sur le recentrage de contrats aidés a aussi montré l’extrême fragilité
ses missions, son rapprochement avec celui de du soutien public aux emplois associatifs. On leur
l’Éducation nationale. Les directions sport vont se retrouver demande de se « professionnaliser », de proposer d’autres
dans le pôle éducation des directions de l’Éducation natio- formes d’activité. Suivant cette logique, il y aura les fédérations
nale. Le gouvernement nous prépare la fin du ministère et les clubs capables de s’adapter et les autres qui vivoteront
des Sports après avoir déjà tout cassé en ce qui concerne ou disparaîtront. Nous pourrions assister au rétrécissement
la jeunesse et la vie associative. du sport pour tous, sans plan d’ensemble pour les équipements.
Et il ne faudra pas compter sur le mouvement sportif pour
Est-ce un changement de modèle ? réhabiliter les piscines et les gymnases. La création de l’Agence
MARIE-GEORGE BUFFET C’est une transformation en profon- nationale du sport aurait pu être une bonne idée si elle avait
deur du modèle sportif français jusqu’à présent fondé sur été un vrai lieu de concertation entre le mouvement sportif,
un partage des responsabilités, avec une puissance publique les collectivités, les partenaires privés et l’État, pour peu que
qui fixait des politiques et des fédérations délégataires qui ce dernier ait conservé le cap d’une politique sportive durable
organisaient la pratique. Le nouveau modèle est une pro- et solidaire. Or, cette agence va manquer de moyens et la
position de cogestion du sport avec un mouvement sportif concertation y sera réduite puisque la voix de l’État y est déjà
autonome. Mais le Comité national olympique et sportif prédominante. La mobilisation des conseillers techniques
français (Cnosf) n’avait pas prévu que cette autonomie sportifs (CTS) prouve que des marges de manœuvre existent.
s’accompagnerait d’une diminution des moyens publics. Voilà pourquoi j’organise en juin, à l’Assemblée, avec des
Il y a certainement de la part du gouvernement l’envie de parlementaires de tout bord, une grande réunion en vue
réaliser des économies. Mais il ne s’agit pas que d’une d’une nouvelle grande loi pour le sport.
mesure d’économie dictée par Bercy. L’État se retire bien ENTRETIEN RÉALISÉ PAR S. G.
 Mardi 4 juin 2019 l’Humanité III

Les rendez-vous de l’économie sociale & solidaire

JEUX 2024

Vingt-cinq mille emplois olympiques

en vue pour les structures de l’ESS
Lancée il y a un an aux Canaux, à Paris, la plateforme ESS 2024 travaille à ce que des structures du tiers-secteur
deviennent prestataires et fournisseuses des Jeux.

L
es jeux Olympiques 2024 se joue-
ront aussi dans les cuisines de
Mam’Ayoka. À deux pas de la
future Arena 2, pas loin non plus
du Stade de France et de la piscine
olympique d’Aubervilliers à venir, cette
société coopérative d’intérêt collectif, qui
offre un emploi et un tremplin vers leur
insertion professionnelle à des cuisinières
venues des quatre coins du monde, est
d’ailleurs déjà entrée dans le nuage d’entre-
prises qui préparent les Jeux. Car l’événe-
ment planétaire ne doit pas être réservé aux
mastodontes de la construction et des ser-
vices qui se partagent généralement ces
grands marchés publics. De la place, il y en
aura pour les petites entreprises franciliennes
comme pour les structures de l’économie
sociale et solidaire. Paris 2024 ayant l’ambi-
tion de devenir « les premiers Jeux inclusifs
et solidaires de l’histoire olympique et para-
lympique », le comité d’organisation com-
mence à le mettre en pratique.
Ainsi, la Solideo, société de livraison des
ouvrages olympiques, s’est vu fixer deux
clauses sociales structurantes pour les cinq
prochaines années. Vingt-cinq pour cent
des marchés sont réservés aux PME, TPE et
organisations de l’ESS. Dix pour cent des
heures travaillées doivent être effectuées en
insertion professionnelle par des personnes
éloignées de l’emploi. Soit quelque 25 000
postes attendus parmi les 250 000 annoncés
dans le dossier de candidature de Paris 2024.
Encore faut-il que cette opportunité se sache.
C’est la vocation de la plateforme ESS 2024.
Lancée il y a près d’un an avec la Mairie de
Paris et le centre Yunus, cette structure a
pour première mission de recenser les asso-
Vingt-cinq pour cent
des marchés sont
réservés aux PME, TPE
et organisations de l’ESS.
ciations, coopératives, fondations et entre-
prises sociales dont les activités et
compétences pourraient entrer dans le cadre
des marchés lancés pour les Jeux. La seconde
Atelier organisé par la plateforme ESS 2024 pour aider les entreprises du tiers-secteur est d’assurer les connexions entre toutes ces
à candidater aux marchés publics des Jeux de Paris. Les Canaux structures et avec les grandes entreprises,
ces dernières ayant l’obligation de remplir
des clauses sociales pour candidater aux
grands chantiers des Jeux. Sept personnes

« Les clubs doivent profiter de l’effet des Jeux » s’y dédient au sein des Canaux, quartier
général de l’économie sociale et solidaire
parisienne. Elles ne sont pas seules puisque,
Pour Marie Barsacq, membre du comité d’organisation Ces Jeux seront-ils utiles aussi à tous les pratiquants hors clubs outre les collectivités locales franciliennes,
Paris 2024, le mouvement sportif doit être le premier ou fédérations sportives ? tout l’écosystème de l’ESS se mobilise autour
bénéficiaire de l’événement. MARIE BARSACQ Nous accompagnons toutes les dynamiques de d’eux, de la Cress (chambre régionale de
développement du sport, avec les fédérations comme en direction l’ESS) d’Île-de-France au financeur France

Q
uelle place les JO 2024 donnent-ils aux associations du grand public. Cela passe par un travail avec les collectivités Active et à l’organisme de formation Uni-
et aux fédérations sportives ? locales. Paris va annoncer son plan 2024, qui reprend formation, jusqu’aux missions locales, régies
MARIE BARSACQ À Paris 2024, nous sommes son plan de développement de la pratique sportive de quartier, entreprises d’insertion (Grafie)
convaincus que le sport peut changer les chez les seniors, dans l’espace public avec des coachs et adaptées (Unea). Et deux associations de
Philippe Millereau/KMSP/Paris 2024

vies. C’est pourquoi notre objectif principal sportifs qui animent gratuitement dans les jardins terrain, les Déterminés et le Rameau, sont
est que le mouvement sportif soit le premier béné- des séances. Nous travaillons aussi avec le conseil chargées de susciter le goût de l’ESS dans les
ficiaire des Jeux. Ce principe d’un héritage durable départemental de la Seine-Saint-Denis sur le dispositif quartiers et la création de partenariats.
pour les fédérations et les clubs a été une de nos lignes 24 sites dans 24 villes, qui fera découvrir une pratique Une cartographie des structures de l’éco-
de force dès la candidature de Paris. Nous sommes sportive différente dans chacun des lieux publics nomie sociale a été effectuée pour les recen-
aujourd’hui entrés dans une phase de concertation retenus, et sur le programme Savoir nager dans le 93. ser. Des ateliers sont organisés régulièrement
avec le Cnosf pour déterminer un programme d’action aux Canaux pour aider ces organisations à
qui réponde à cette attente. Nous avons identifié En proie à des difficultés et au bouleversement du se mettre dans la peau d’un prestataire des
quatre axes. D’une part, changer la société par le Marie Barsacq modèle sportif français, les associations sportives JO 2024. Le temps presse. « D’ici septembre
sport : comment inciter les Français à « bouger plus », Directrice trouveront-elles un point d’appui avec Paris 2024 ? et jusqu’en 2020, les marchés liés à la construc-
promouvoir le sport santé ou encore la pratique dans impact MARIE BARSACQ On ne va pas se substituer aux enga- tion et à la rénovation des sites vont être lancés,
les clubs. D’autre part, éduquer par le sport : apprendre et héritage gements de l’État. Mais on accompagne, par exemple, explique Élise Dupire, d’ESS 2024. D’autres
l’engagement, accompagner les publics en difficulté au comité la dynamique des services civiques selon trois objec- marchés, comme ceux liés à l’énergie, l’évé-
à la pratique sportive, proposer du soutien scolaire… d’organisation tifs : le développement de l’offre sportive, de la digi- nementiel, la sécurité, la gestion des déchets,
Autre axe : œuvrer à l’inclusion en travaillant au talisation des clubs et l’accès à la pratique sportive arriveront plus tard. Et nous travaillons sur
changement de regard sur le handicap, à la promotion des personnes en situation de handicap. Les clubs et des cahiers d’impact liés à l’agriculture de
de l’égalité des genres, à l’accueil de la diversité, l’inclusion les fédérations doivent profiter de l’effet des Jeux. Nos programmes proximité, à l’alimentation durable et aux
des réfugiés. Enfin, nous voulons rendre ces Jeux durables et et actions se construisent en concertation avec l’État et le mou- transports verts, puisque des jeux durables
solidaires, ce qui implique des objectifs en termes d’emploi et vement sportif pour s’inscrire dans les projets des fédérations et solidaires impliquent d’envisager en pro-
d’accessibilité des marchés à toutes les entreprises, dont celles qui seront proposés à l’Agence nationale du sport. fondeur l’organisation de l’événement et
de l’économie sociale et solidaire. ENTRETIEN RÉALISÉ PAR S. G. l’héritage qu’il va laisser. » S. G.
 IV l’Humanité Mardi 4 juin 2019
Les rendez-vous de l’économie sociale & solidaire
L’ESS se résume-t-elle au seul modèle entrepreneurial et marchand ?
L’économie sociale et solidaire pour refonder l’omnisports
L
e 24 avril dernier était créée l’Agence nationale
du sport (ANS), à cinq ans des jeux Olympiques
et Paralympiques accueillis en France. L’objec-
tif, selon ses fondateurs, Comité national sportif
et olympique (Cnosf), ministère des Sports et
collectivités territoriales, est de « mieux faire ensemble »,
en appui d’une gouvernance partagée du sport. Un vœu
louable que la FSGT pourrait partager tant le système
fondé dans les années 1960, sous l’impulsion de Maurice
Herzog, n’était plus adapté aux besoins profonds de la
population. À l’heure où celle-ci exprime le besoin de
services publics de proximité, le sport ne doit pas être
en reste. Rappelons que les activités physiques et spor-
tives doivent être un bien commun et public pour toute
la population, tant elles sont essentielles, si les contenus
sont adaptés, à l’émancipation humaine, au bien-vivre
ensemble, à la culture populaire. Depuis une dizaine
d’années, la FSGT plaide pour une réorganisation du
sport en France, consistant à repenser le rôle de l’État
en appui d’une véritable coconstruction des politiques
publiques, avec les collectivités territoriales et le mou-
vement sportif, mais plus précisément les associations,
qui sont au quotidien les plus aptes à identifier les besoins
de la population.
Pourtant, le scénario des derniers mois met en œuvre
un projet de gouvernance partagée au profit d’une pri-
vatisation du sport, dont les premiers exclus seront à
terme les milieux populaires. Soulignons d’abord la
volonté d’augmenter le nombre de pratiquant.e.s quelles
Fête de l’Humanité
Retrouvez le Village de
l’économie sociale et solidaire
Les mutuelles, associations, coopératives
et collectivités locales vous donnent
rendez-vous du 13 au 15 septembre 2019
au parc Georges-Valbon pour trois jours
de débats et de rencontres.
À lire dans le prochain
cahier ESS
Quand l’ESS casse la baraque
Habitats participatifs, constructions
collaboratives, coopératives de HLM,
bail solidaire ou aide à l’abri et insertion
par le logement… l’économie sociale
et solidaire multiplie ses interventions
pour renouveler l’art de faire société,
un toit sur la tête.
MARDI 3 SEPTEMBRE
que soient leurs conditions de pratique. La mençons par l’Agence nationale du sport, qui
dimension associative n’est plus valorisée en définit son collège économique par la seule
tant que telle. Elle est pourtant essentielle participation des entreprises.
pour garantir l’accès au sport du plus grand Et pourtant, les enjeux sont immenses pour
nombre et contribuer à un projet de société faire reconnaître le rôle des bénévoles et des
alliant bénévolat, innovations sportives, soli- associations en matière de lien social, et surtout
Albert Facelly
darité et lien social. de mise en œuvre concrète de la solidarité.
Par ailleurs, comment ne pas faire le lien Comment donner du pouvoir, au sens des rela-
entre Cap 2022, cette réforme des services tions sociales, au mouvement sportif dans
publics dont un des objectifs est la suppression Emmanuelle sa diversité pour contribuer à rénover la démo-
de 120 000 postes de fonctionnaires, avec la Bonnet Oulaldj cratie en faisant reconnaître la pluralité
décision, certes mise en pause, de transférer Coprésidente plutôt que la normalisation voulue par le
aux fédérations 1 600 postes de conseillers de la FSGT, néolibéralisme ?
techniques sportifs (CTS) sous couvert de membre du CA À l’image des monocultures créées sur des
responsabilisation du mouvement sportif. du CNOSF milliers d’hectares, alors même que pendant
Même si les CTS actuels gardent leur statut, et de l’Agence des siècles ces mêmes paysages ont fait coha-
la suppression du concours aura pour consé- nationale biter des espèces végétales et animales qui
quence de supprimer leur corps de métier. du sport permettaient à la terre de se régénérer, il en
Un investissement coûteux pour l’État, dans est de même pour le sport. L’heure est à la
un premier temps, mais qui répond à un projet spécialisation des sportifs et à la normalisation
idéologique délibéré d’économie libérale. Une orientation des associations. Le projet omnisports, pas au sens de
qui s’accompagne par ailleurs d’une baisse des moyens multiactivité mais en tant que « commun », porte le
alloués au sport pour toutes et tous. développement durable d’un sport basé sur l’être humain,
Cette réforme devrait par ailleurs s’accompagner dans ses relations sociales et son environnement. Seule une
les mois à venir d’une loi sport et société, avec un volet transformation basée sur une redistribution des pouvoirs
économie sociale et solidaire (ESS). Or, les contours et des richesses au profit du plus grand nombre permettra
actuels de la réforme vont à l’inverse d’une économie véritablement d’ouvrir des alternatives crédibles aux
sociale et solidaire dans le sport qui ne soit pas calquée enjeux d’urgence démocratique et écologique, également
sur le seul modèle entrepreneurial et marchand. Com- présents dans le sport.
Comment concilier ESS et pratique sportive ?
Nos finalités sont d’utilité sociale
C
omment l’UCPA fait-elle le lien ne se déploie que sur les réseaux sociaux.
entre ESS et pratique sportive ? Mais nous sommes plus engagés en termes
GUILLAUME LÉGAUT Le projet de de personnels. Notre gouvernance est
départ de l’association consiste à donner aussi un garde-fou. Une trentaine de
accès au plus grand nombre à la pratique fédérations sportives représentant 80 acti-
Jonathan Alexandre
sportive et au lien social qu’elle procure. vités sportives, les mouvements d’édu-
L’organisation de l’UCPA s’inscrit dans cation populaire, parmi lesquels
l’ESS aussi bien dans ses finalités d’utilité Léo-Lagrange, la FSGT, l’Ancav et des
sociale que dans la gouvernance qui syndicats de jeunesse, ainsi que les pou-
conjugue non-lucrativité, implication Guillaume voirs publics (ministères des Sports, du
des parties prenantes, échelle des rému- Légaut Tourisme, de l’Agriculture, ainsi que la
nérations de 1 à 5 par rapport au Smic Directeur
et fort positionnement sur la formation général du
Caisse des dépôts et des associations d’élus
de collectivités locales), siègent à notre
de nos jeunes encadrants. D’autres groupe UCPA
acteurs ont choisi un autre positionne-
conseil d’administration. À eux la défi-
nition des décisions stratégiques que nous
ment. Nous, nous prouvons que le nôtre mettons en œuvre. Nos personnels sont
est pertinent et qu’il nous permet de développer aussi des parties prenantes. Les comités d’entreprise
notre impact, car nous n’avons cessé de toucher sont également très engagés à nos côtés.
de plus en plus de jeunes et de faire évoluer nos
métiers. Au départ, nous faisions du séjour de Visez-vous le sport pour tous ?
vacances. Nous avons élargi notre offre aux colonies GUILLAUME LÉGAUT Nous n’allons pas chercher tous
et, depuis quinze ans, nous travaillons à la gestion les publics. 60 % de nos séjours sont à destination
d’équipements sportifs en milieu urbain et entrons des publics aidés. Les 30 % restants sont ouverts à
dans des projets d’aménagement. tous et nous aident à équilibrer notre modèle en
proposant par ailleurs l’offre la plus sociale. C’est
Comment résistez-vous à la forte concurrence ? ça aussi, notre modèle ESS. Le développement de
GUILLAUME LÉGAUT Être dans l’activité marchande l’autonomie des jeunes, l’éducation au bien-être
nous oblige à être solides sur nos convictions. La et à la santé, habiter un espace de manière durable
facilité serait d’augmenter nos prix. Nos séjours ski et responsable font partie de nos indicateurs stra-
sont 20 à 30 % en dessous des tarifs de nos concur- tégiques. L’intéressement de nos salariés est calculé
rents. Nos séjours été, 15 % moins chers. Nous ne en partie sur ces indicateurs.
distribuons pas de dividende. Notre communication ENTRETIEN RÉALISÉ PAR STÉPHANE GUÉRARD

Suite de la page 12 force de transformation. La
droite libérale et la droite autoritaire, en score cumulée,
font 61 % des voix ! Une écologie dont on ne sait plus
si elle s’oriente à gauche, cumulé à un PS dont on peut
douter, font 23,5 %. La gauche antilibérale pèse 13 %.
Ce n’est pas un accident. Cela risque de durer. Les
arrangements entre états-majors n’y changeront rien.
Ces ententes, à supposer d’y parvenir, ne sont plus à la
hauteur. Ce qui se passe est tellement plus grave,
terriblement, infiniment. Les gens votent avec leurs vies ;
avec ce qu’ils endurent, redoutent, espèrent ; avec les
concurrences qu’ils affrontent ou fantasment (mais ces
fantasmes ont des effets réels). Les gens votent avec leurs
vies qui, au boulot, ne sont plus solidaires. Les collectifs
de travail ont été cassés, explosés. Leurs réorganisations
libérales exaspèrent les rivalités, insécurisent les carrières,
les avenirs. Elles séparent, isolent les souffrances. Elles
empêchent qu’entre salariés se forge l’intérêt commun
qui, hier, faisait voir le collègue, les jeunes, les travailleurs
immigrés, comme des semblables.
Au travail, ainsi, la fabrication collective d’intérêts
communs face aux patrons devient quasi impossible.
Or cette conscience de classe plus ou moins diffuse,
ces intérêts de classe plus ou moins formalisés, mais
en tout cas ces expériences de classe partagées, c’était
ce qui fondait, malgré ses nuances, notre camp : la
gauche. Les vies ne sont plus solidaires. Aux guichets
des services publics, la détresse d’usagers démunis qui
attendent pour n’obtenir rien, rencontre la lassitude
d’agents empêchés d’aider. En monde rural pauvre, il
n’y a plus ni poste, ni médecin, ni bistrots, ni magasins,
ni écoles, ni églises, les clubs de sport ferment. Les
« entre-soi » ruraux s’effondrent et, avec eux, les
« groupes » et l’estime de soi qu’ils généraient. S’avivent
partout un chacun pour soi, un « chacun sa merde »
vécu dans l’isolement.
Et les hauts représentants des partis ne sont, par la façon
dont ils parlent, même plus compréhensibles par les
milieux populaires. Il n’y aura pas de raccourci,
DR
malheureusement. À ce stade, la gauche ne peut être
reconstituée que « par en bas ». En reconstruisant les
solidarités et l’entre-soi populaires. Chaque jour au
travail, syndicalement. Chaque jour localement. Par des
luttes, de toutes sortes, où de nouveau se fabriqueront
des perceptions partagées de nos intérêts communs,
Bureau de vote pour les Européennes,
le 26 mai dernier, à Paris. Denis Meyer/Hanslucas
des diagnostics partagés de ce qui casse nos vies, la
définition partagée de qui les ruine.
Font encore vivre vraiment la gauche les luttes
syndicales, les luttes écologiques et féministes mais
de classe, le travail associatif ou municipal de terrain
et de classe. La gauche dans les urnes ne renaîtra
que si font irruption en politique, se
mettent en commun ces syndicalistes,
ces écologistes, ces féministes, ces
associatifs, ces élus de terrain et les DES TERMES DROITE
intellectuels critiques. Pour mettre « en
commun » les analyses critiques, les POLITIQUE REMONTE
expériences de luttes, les succès de terrain,
nous lancerons, à la rentrée, des Ateliers
indociles, ouverts à tous, à Vesoul, Noyon,
Dunkerque, partout… dans les centres sociaux,
les locaux syndicaux, les ronds-points. La gauche
est à recréer par en bas, en commun. Nous vivons
l’année zéro. Tout est à recommencer : c’est à désespérer.
Tout commence : c’est exaltant.
APPRÉHENDER LE RÉEL,
C’EST REMETTRE
LA DIALECTIQUE
SUR SES PIEDS
André Prone
Poète, essayiste
Rien n’est pire que les fausses idées. À commencer
par les discours sur la « bonne votation » aux élections
européennes. Il suffit d’ajouter au taux d’abstention
celui des blancs ou nuls pour constater que 52,15 %
de citoyens ont envoyé un message de défiance à la
Mardi 4 juin 2019 l’Humanité 13
Débats&Controverses
classe politique. Par ailleurs, certains sondeurs nous
disent que la courbe des abstentionnistes suit l’âge
des sondés : plus on est jeune, plus on s’abstient. Et,
inversement, plus le revenu est élevé moins on
s’abstient. Ils prétendent aussi que les territoires
les plus touchés par le chômage et la précarité
voteraient plutôt extrême droite et qu’il
L’ORIGINE en irait de même pour l’ensemble des
DE L’UTILISATION ouvriers.
Comment laisser dire cela quand la France
ET GAUCHE EN compte plus de 15 millions de pauvres et
plus de 6 millions d’ouvriers et que les
À LA RÉVOLUTION 5,28 millions de voix de l’ex-FN
FRANÇAISE. regroupent aussi d’autres couches
sociales ? De plus, ces mêmes sondeurs
nous disent que 65 % des classes populaires
se seraient abstenues, soit près de 15 millions. S’il
est probable qu’une partie des classes populaires ait
rejoint par dépit le RN, plus sûr encore est de considérer
qu’une grande majorité d’entre elles se réfugie
massivement dans l’abstention. Mais, pour utile que
soit le rétablissement de la vérité sur ces chiffres, plus
important est la compréhension des facteurs
idéologiques, économiques, politiques et sociaux à la
source de leur manifestation.
Notons pour cela l’abandon quasi général de l’idée
communiste par les travailleurs qui, voilà peu de
temps encore, s’en réclamaient. Non seulement à
cause de l’échec du « socialisme réel », mais aussi par
l a c a p a c i té d u c a p i t a l i s m e à l e d é n a t u re r ,
particulièrement depuis la chute du mur où
l’anticommunisme atteint des sommets. Revenir sur
les valeurs qui fondent cet idéal : justice, égalité,
solidarité et partage, est donc nécessaire.
L’autre raison du désengagement de classe des masses
populaires, même si elles mènent un long combat
revendicatif contre la politique antisociale des
gouvernants, à l’instar du mouvement des gilets jaunes,
tient à la capacité de séduction du capital par le
consumérisme : idée selon laquelle seule la
consommation serait synonyme de mieux-être. Il ne
tient qu’à nous de démontrer avec Marx ce « fétichisme
de la marchandise » qui, derrière la banalité monétaire
d’un produit dont personne ne voit malice, nous cache
la dure réalité sociale du temps de travail abstrait
nécessaire à sa fabrication engendrant la valeur et celle
du productivisme profiteur à la source des catastrophes
environnementales.
Cela résulte aussi de l’absence de tout projet politique
(qui n’a rien à voir avec un catalogue de mesures que
certains appellent encore « programme »). Ainsi, en
donnant corps à un projet idéologique et politique élaboré
avec les citoyens/travailleurs et en faisant vivre à
l’intérieur du système capitaliste la concrétude du
partage non marchand, nous rendons crédible l’idée
d’un possible changement de société. Pour ma part je
propose l’idée de partage des biens communs et une
production attentive à l’homme et à la nature :
l’écomunisme.
Cela peut également se concrétiser dans le combat
communal et les élections municipales à venir, en
inscrivant la gestion des territoires dans l’action
collective et consciente des citoyens/travailleurs eux-
mêmes. Pour autant, qu’on ne s’y trompe pas, le
capitalisme n’est pas flamboyant et il ne tient qu’à
nous d’utiliser les bons outils idéologiques et politiques
pour en sortir.
Auteur de Capitalisme et révolution (l’Harmattan), et directeur
de l’Autre voie pour l’humanité : 100 intellectuels s’engagent
pour un post-capitalisme (Delga).
POURSUIVEZ LE DÉBAT SUR
L’HUMANITÉ.FR
14 l’Humanité Mardi 4 juin 2019

Jérôme Lallier
MOBILISATION GÉNÉRALE POUR L’HUMANITÉ

VOS DONS, VOTRE JOURNAL

Ain Cattiaux Bernard 30, Guillermet Michelle 100, et Annie 200, Cotte Bernard 100, Doyon Gilles 50, Denise 50, Gautheron Alain 500, Manaut Roger 100, Bétous Michelle 100, Blanc Marc 100, Bonnet Xavier
Nambotin René 150. Aisne Jonneau Josiane 100. Filidori Annie 100, Fourcroy Jean-Paul 100, Gosselin Masson Jean-Louis et Brigitte 160, Tallet Fabien 300. 100, Galtier Bernard 100, Glaudel Annie 50, Herrero
Allier PCF Chevagnes 500, Buttoud Pierre 300, Didier et Véronique 100, Mallion Yves 50, Masson Yvelines Gaultier André 50, Hoffmann Jackie et François 50, Hufschmitt Georges 100, Jeanne
Courtadon Pierre 200, Fillâtre Christiane 150, Maryse 500, Moulin René 70, Pinto Chantal 100, Armel 150, Jouanneau Daniel et Danielle 200, Raymond et Josette 200, Laulhere Martine 100,
Grignon-Fillâtre Lise 200, Juan Jean-Marc 100, Pinto Léonardo 100, Pipon Pierre et Marie 150, Lesigne Rémi 200, Marie Louis 100, Present Jean 50, Manscour Georges 50, Margate Catherine et Patrick
Labonne Gérard 300, Pasquel Mireille 100. Alpes- Richard Eliane 50, Sirach Hugues 100, Tozzini Andrée Tanguy Jean-Claude 400, Trehel Joseph 500, Vriens 500, Marques Camille 20, Meignan Bernard et
Maritimes Belabed Catharina 50, Ferla Jean-Marie 100, Villani Michèle 200. Jura Prothiau Madeleine Alain 150. Deux-Sèvres Babin Jacqueline 20, Henriette 500, Muret Olivier 100, Olive Jean-François
100, Maccaferri Serge 100, Mazzotti Simone 100. 100. Loir-et-Cher Bonicel Bernadette 100, Brossier Faucher Anne et Dominique 200. Somme PCF 50, Quint Régine 100, Reininger Jean-Louis 50,
Ardèche Cheynel Robert 100, Girard Pascal 100, Alain 50, Thillier Claudie 50. Loire Berthet Gérard 50. Somme 130, Merlier Jacques 30, Ricouard Noël 100. Renault Yvonne et Henri 100, Salmon Michel 200,
Gomez De Mercado Manuel 200, Panteix Gérard Haute-Loire Beal Marie-Claude 50. Loire- Tarn Campos Raymond 150, Cousinié Francine 150. Ventouillac Marc 40. Seine-Saint-Denis Barbetti
200, Petit Serge 100, Wimmer Jean-Noël 100. Aude Atlantique L’Huma café 1500, Avronsart Anne- Tarn-et-Garonne Delmas Roger 300, Greder Joëlle Michel 15, Bellanger Jean 200, Bensimon Chantal
Anoll Jeanne 50, Coulon Alain 300, Evaldre Yves 100, Marie 250, Grivel Jean-Pierre 20, Mezerette Suzanne et André 200, Le Troher M et Mme 20. Var Augier 100, Blanchet Bertrand 100, Bobin Raymonde 200,
Juton Barbara 30, Veyret Fabienne 150. Aveyron 20, Nouet Denis 40, Paquer Claude 100, Terrien Jean-Pierre 20, Pujol Alexandrine 100. Vaucluse Cansell Aloyse 100, Casarini Josiane et Diven 100,
Christophoul Odette 100, Issaadi Yvon 50. Bouches- Marie 15, Texier Guy 50, Vincent Georges 50. Loiret Ubassy Odette 100, Vigne Aimé 50. Vendée Le Colombier Nicole 300, Gabison Marie-Louise et
du-Rhône Alexandre François 100, Cabanac Jean Marcoult Yolande et Claude 100, Nottin Bruno 70. Lot Briquer François 100, Roy Jacqueline 100. Vienne Alfred 100, Gardy Michel 100, Gensous Henri 50,
100, Caillol Jean 100, Cas André 100, Favier Marcel Carles Gilbert 100, Gaulupeau Henri et Jeanne 150, PCF Viennee 500, Bailly Louis 50, Barraud Robert 50, Getzler-Pewsner Pierre 200, Giraud André 150,
100, Gomez Camelia 50, Juana Nadine 100, Mazelier Jamin Jean-Claude 100, Laybros Serge 50, Nastorg Daniau Jean 200, Duquesnoy Françoise 50, Geron Hersemeule Gisèle 20, Lacour Jacques 100,
René 1000. Calvados Bucco Anne-Marie et Jacques Claude 100, Pages Monique 200. Lot-et-Garonne Jean-François 100, Roy Suzanne 150, Santalucia Lallemand Marie-Paule 100, Lassagne André 50,
50, Charlier Bernard 40, Yver Bernard 100. Charente Sanchez-Dufour Marie-Claude 50. Manche PCF Albert 150. Haute-Vienne Calvi Dominique 120, Micas Christiane 100, Pagnier Laurent 100, Patry /
Avril Josette 100, Le Mut Jean 20, Quatre-Sols Marie section Sudmanche 200, Cany Serge 40, Fourcaut Feres Marie-Claude 200, Sénamaud Claire 500. Peyron Maryse et Ariel 100, Prin Michel et Arlette 60,
20, Réau Philippe 200. Charente-Maritime Ballais Laurent 100, Roupsard Luc 20, Texier Robert 100, Vosges Girot Mangeonjean Claudine 300, Riou Jocelyne 200. Val-de-Marne André Alain 200,
Gérard 50, Biet Max 100, Dieu Claudie 100, Garnier Vrac Eugène 60. Haute-Marne Roda Claude 100. Mangeonjean Serge 300. Yonne Bonamy Henry Archambault Jean-Pierre 100, Balla Anne-Marie 70,
Marcel 100, Mache Michel 100, Rolandeau Sylvine Meurthe-et-Moselle Goetz Nicole 100. Morbihan 100, Bonamy Mireille 100, Brault Pierre 300, Dolle Bissuel Bertrand 140, Breuiller Odette 30, Camier
200. Cher Fritsch Denise 200, Larduinat Dominique Bacci Marc 100, Gilolo Roger 500. Moselle Lemaire Michelle 300, Pourre Jacques 150, Renard Nicole 50. Bernard 50, Carrere Etienne 100, Cocherel Jean-
150, Pignero Jean-Michel et Éliane 300, Quenet Guy Bernard 600, Veglia Vincent 100. Nièvre Albingre Essonne Bedfer Alain 50, Berthelemy Jean-Pierre Marie 50, Dérens Jacqueline 50, Hamon Jean-Marcel
150, Varone Gérard 30, Vey Jeannette 100. Corrèze André 40. Nord Brunne Nicole 200, Loth Michèle 50, 250, Bochard Georges 100, Bonnet René 200, 300, Herry Chantal 50, Johan Alain 200, Le Cadre
Combastel Danielle et Bernard 150, Imbert Maurice Vandewattyne Denise 40. Oise Boutroue Alain et Boucheron Alain 100, Cabaup Daniel 150, Canestrelli Denise 50, Lochmann Marie-Odile 200, Marrucci
300, Sarda Henri 50, Alesandri Jean-François 300, Marie-France 100, Dubart Renée 100, Mahéo Robert Maurice et Mireille 150, Chauveau Patrice 60, Coulon Christian 30, Martinez Renée 50, Massoni Jean 500,
Santamaria Josefa 30. Côte-d’Or Chambard Daniel 500, Pitkevitch Jean 100. Orne Corre Olivier 500, Henri et Liliane 30, Diaz Diego 1000, Ducoin Jean 60, Meeus M ou Mme 100, Moustard René 200, Pirollet
300, Dessolle Jacky 10, Eseverri Claudette 100, Gallerne Michel 50, Remande Jean-Louis 30. Pas-de- Dutheil Claude et Armelle 50, Fayemendy Jean 50, Emile 500, Poncet Roger 70, Raffanel Christine 200,
Lacaze Saura 50, Pautet Claudine 50, Truchot Calais Henin Jacky 80. Puy-de-Dôme Berry Danielle Haned Bernard 100, Heber-Suffrin Claire et Marc 70, Riviere Guy 150, Roger Martial 200, Roubaud Pierre
Dessolle Christine 10. Côtes-d’Armor Carrel 150, Charriere Cécile 50, Merlin Nicolas 100, Jambe Michel 100, Pelisse Bernard 200, Pilichowski 200, Sedilot Jean-Paul 200, Thomere Christian 220,
Marguerite 100, Lainé Jean-Claude 150, Le Bars Meynaud-Flamary Aimé 500, Petit Bernard Charles Christian 150, Poisson Pierre 50, Poisson-Ducroquet Valet Françoise 50, Villechalane Philippe 100. Val-
Hervé et Margot 100, Le 100. Pyrénées-Atlantiques Marie-France 200, Zeau André 200. Hauts-de- d’Oise Massot Martine 200, Mateos René 100,
Magoarou Danielle 200, Lecoq Gapin Philippe 100, Pommé Régis Seine Amand René 60, Aslan-Adami Hervé 60, Menesplier Sébastien 200.
Jean-Pierre et Nicole 100, Mongin « Dans le flot 30. Hautes-Pyrénées Bonnet Baccheretti Jean-Pierre 150, Benoits Clara 200, Liste arrêtée au 1-02-2019
Denise 150, Tardivel Janine 250. Robert 150, Casteran Jeanine 100,
Creuse Jean Robert et Paulette
d’informations que Gonzalez Jean 500. Pyrénées-
100. Doubs Pagani Michel et nous recevons par Orientales Scheid Jean-Pierre
Evelyne 50. Drôme Chevalier la radio, la TV (…), 50. Rhône Bonnefois Michel 50,
Dany et Nadia 100, Guibal Dumoulin Gisèle 50, Lagrange
Gérard 300. Eure PCF Rugles l’Humanité nous Christiane 30, Perrenot Alain 50,

l’Humanité
400, Bartholome Josiane 40, permet d’avoir le fil Peuch Gérard 75, Serme M ou Mobilisation pour
Beautier Daniel 50, Blin Guy 100,
conducteur des
Mme 100. Saône-et-Loire PCF SOUSCRIPTION
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et-Loir Fontelle Madeleine 50, faits de l’actualité Marguerite 150, Chagnard
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Boudin Coquillon Daniel 200, dans toute sa 100. Sarthe Blazer Jean 30,
Caroff Jean-Yves 60, Corre Jean- diversité, quel qu’en Bonnaud Roger 50, Chenon
Claude 300, Le Gall Jean-Pierre Auguste 50, Nardeux Didier 20,
150, Le Nozerh Martine 50, Le
soit le domaine » Tricot Nicole 100. Savoie Eloi JE VERSE ................................. EUROS
Roux Michel 300, Plougonven LILIANE (23) Michel et Hélène 200, Janex
Pierre 500, Prononce Claire 100, Mireille 50, Midenet Jeannine 400, Votre don vous donne droit
Relouzat Max 100. Gard Rabaud/Piccini Jacques et à une réduction d’impôt de 66 %,
Association Cercle de l’avenir 100, PCF fédération du Madeleine 200. Haute-Savoie PCF section du
Gard 2000, Arneguy Janie 50, Bastid Christian 30, Genevois 100, Ansaldi Jean-Pierre et Simone 100, dans la limite de 20 %
Cabane Jean 100, Couderc Simone 100, Deschamps Bouchardy Serge 100, Bovet Evelyne 50, Charles du revenu imposable.
Bernard 1000, Fabre Georges 20, Gavazzi Betty 50, Michel 150, Charlet Nicole 50, Dalmau Michèle 60,
Grinand Marie-Claude 60, Herve Martine 20, Guichardaz Philippe 150, Magliocco Guy 50, Naton
Jannekeyn Sybille 20, Leclere Marcel et Jocelyne 100, Jacques et Cécile 150, Neplaz J. et B. 300, Neveu
Nunez Alain et Hélène 30, Saltel Christian 100, Ginette 50, Robert Jean-Philippe 500, Vuillaume
NOM / PRÉNOM
Sorriaux Jean-Paul 15, Thombrau Daniel 20. Haute- Simone 200. Paris Albert Pierre 100, Alezard Gérard .........................................................................................................................................................................................................................................................................................
Garonne Benesse Nicole 200, Daout Georges 100, et Rosette 800, Bied-Charreton Marie-France 400,
Denis Jean-Louis 500, Jammes Robert 300, Laclavere Bruxelle Christiane 50, Chaillou Françoise 300, ADRESSE
.........................................................................................................................................................................................................................................................................................
Didier 50, Nicol Michel 100, Pelfort Ghislaine 150, Chatelain Chantal 100, Chevallier Michel 35, Curzi
Pelfort Serge 150, Pellafigue André 100, Peroz André Antoineta 100, Dawidowicz Laurence 500, Delranc
200, Pommet Bernard 100, Raynaud Jean-Pierre 100, Marianne 100, Domard Gladys 100, Duchefdelaville .........................................................................................................................................................................................................................................................................................
Tagneres Jean 50, Vilain Françoise 100. Gers Courlet Christine 30, Estrade Paul 300, Failevic Micheline 200, VILLE
Roland 20, Dubourg Alain 100, Gubert Angel et Gavary Louise 100, Gayerie Christiane 30, Godineau .........................................................................................................................................................................................................................................................................................
Yolande 50, Moreuil / Salomon Anne et Serge 100, Dominique 150, Grupper Catherine 200, Jeandenans
Saint Laurent Michel 100. Gironde Taconet Vincent Marc 900, Laïk Philippe 100, Langlois Gérard 120, CODE POSTAL
.........................................................................................................................................................................................................................................................................................
500. Hérault Balmefrezol Roger 100, Denis Larré Pierre-Elie 50, Moresmau Marie-Thérèse 30,
Jacqueline et Daniel 100, Gregoire Raymond 500, Robert Aline 20, Robin Régine 200, Scot Jean-Paul E-MAIL
HQ 22693/2019

Lamoitte Jacqueline 30, Marion Roger 50, Mittenaere 1000, Signoles François 350, Starek Marc 60, Sujobert .........................................................................................................................................................................................................................................................................................
Christiane et Johnny 200, Moroni Gilbert 50, Tekkal Bernard 1000, Taslitzky Evelyne 50, Terrail Jean-
TÉLÉPHONE
Karima 50. Ille-et-Vilaine Buan Dominique 20, Pierre 200, Touchard-Grillet Yveline 100, Valetas .........................................................................................................................................................................................................................................................................................
Coudroy M. ou Mme 200, Hooge Benoît 200, Sureau Marie-France 150, Varouchas Françoise 100,
Didier 100. Indre Foulon Marcel et Huguette 120, Vuillermet Claudine 30, Waks Odette 200. Seine-
Hourgue Jean-Marie 100. Indre-et-Loire Avril Alain Maritime Bouin Dominique 25, Boursier Gisèle 30,
20, Hellard Eliane 1000, Lardeau Martine 100, Edeline Isabelle 30, Edeline Patrick 30, Floch Fabrice Je libelle mon chèque à l’ordre de : Presse et Pluralisme
Mesmin Michel 100, Nivet Jean-Pierre et Anne 100, 50, Gayoso José 200, Guillain Patrick 30, Leclere « Souscription Humanité ». Je retourne ce coupon complété
Veyret Pierre 40. Isère PCF Voiron Chartreuse 500, Jacques 50, Lhericel Georges 50, Marecal Marcelle et accompagné de mon chèque à : L’Humanité / Secrétariat du directeur,
Ayrault Éric 100, Baboud Marie-Françoise 500, 1000. Seine-et-Marne Avocat Claude 50, Camus
Baudrand Pierre et Michèle 100, Belmonte Robert 30, Gérard 50, Castets Daniel 50, Derouet Michel 30, 5, rue Pleyel, Immeuble Calliope - 93528 Saint-Denis Cedex.
Benito Serge 100, Benito Valérie 100, Buisson Daniel Ferrand Jean-Marc 100, Fournier Janine 50, France
 Mardi 4 juin 2019 l’Humanité 15

VOITURE PIÉGÉE EN SYRIE

Au moins 19 personnes, principalement
des civils, ont été tuées dans l’explosion
d’une voiture piégée, dimanche à Azaz,
5
orphelins norvégiens issus
de familles liées à Daech

Le monde en mouvement
ville limitrophe de la Turquie, située à ont été remis par les Kurdes
30 km au nord-ouest d’Alep. de Syrie à la Norvège.

ALGÉRIE

L’exigence de transition
démocratique se fait irrépressible
Le Conseil constitutionnel a officialisé, dimanche, le report de l’élection présidentielle prévue le 4 juillet. Mais les hommes
du système refusent toujours le scénario d’une instance collective chargée de conduire la transition.

P
as de candidats, pas d’élec-
tions. Sans surprise, le
Conseil constitutionnel a
annoncé, dimanche, l’an-
nulation de l’élection pré-
sidentielle prévue le
4 juillet. Seuls deux pré-
tendants, inconnus des Algériens, s’étaient
finalement manifestés : leurs candidatures
n’ont pas été validées. Mais là n’est pas
l’essentiel : dans son communiqué, le
Conseil constitutionnel juge que « les
conditions adéquates pour l’organisation
de cette élection dans la transparence et
la neutralité » ne sont pas réunies. En fait,
le mouvement populaire rejette, depuis
la démission d’Abdelaziz Bouteflika, la
perspective d’élections précipitées, dans
un cadre institutionnel et politique tou-
jours verrouillé par le système. « Makanch
intikhabat y’al issabat ! » (« Oh, les gangs,
pas d’élections ! »), scandaient encore les
manifestants, vendredi, dans les rues des
grandes villes du pays.

Une certaine fébrilité

dans les coulisses du pouvoir
Ce nouveau repli témoigne de la fébrilité
qui règne dans les coulisses du pouvoir.
Jeudi, le chef d’état-major des armées,
Ahmed Gaïd Salah, qui veut se poser en
homme fort du pays depuis la chute du
clan Bouteflika, plaidait encore pour la
tenue, coûte que coûte, du scrutin, tout
en jugeant incontournables le « dialogue »,
le « consensus » et le « compromis » sur la
base des revendications exprimées par le
mouvement populaire. Un vocabulaire
moins brutal que celui de la semaine pré-
cédente, quand ce général, longtemps
pilier du règne de Bouteflika, mettait en
garde contre l’exigence, « dangereuse »
selon lui, de départ du système.
Entre-temps, la mort en détention, au
cinquantième jour d’une grève de la faim,
d’une figure de l’opposition et de la défense
des droits humains, Kamel Eddine Fekhar,
a provoqué dans le pays une onde de choc.
Dans les défilés de vendredi, le visage de
ce médecin de Ghardaïa, porte-voix de la
communauté mozabite, ancien élu du
Front des forces socialistes (FFS), déjà
passé par les geôles de Bouteflika, était
partout sur les pancartes, les banderoles.
« C’est l’État qui l’a tué ! », « Pouvoir
Une marche en hommage au prisonnier politique Kamel Eddine Fekhar, mort le 28 mai dernier. Ryad Kramdi/AFP
assassin ! », clamaient les marcheurs. Le ce militant arrêté et emprisonné pour une chômeurs (CNDDC), écroué le 29 janvier
l e n d e m a i n , u n e f o u l e i m m e n s e interview dans laquelle il dénonçait les et condamné une semaine plus tard à six
accompagnait sa dépouille au cimetière discriminations subies par sa mois de prison pour « outrage à corps
d’El Alia, à Alger. c om mu nau té . I l s ’ a g i t tou t constitué » par le tribunal de Mascara. Son
Très affaibli par une longue bonnement, pour lui, d’un crime : avoir osé brandir une pancarte
g rè ve d e l a f a i m , l e « crime » dont les auteurs portant le slogan « Non au cinquième man-
compagnon de lutte et « POUR LE MOMENT, doivent être poursuivis. dat ». Faute de justice indépendante et d’un
ON A UN POUVOIR
codétenu de Fekhar, tout État de droit digne de ce nom, le pouvoir
QUI A UN PLAN DE VOL,
juste libéré, assistait à ses MAIS QUI FAIT DU
Mise en lumière garde les mains libres pour se livrer contre
funérailles, qui ont réuni PILOTAGE À VUE. » du sort des détenus ses opposants au jeu sinistre de la répression,
les représentants de toutes NAOUFEL BRAHIMI La mort de Fekhar jette une des arrestations abusives, du harcèlement
les sensibilités de EL MILI, POLITOLOGUE lumière lugubre sur le sort judiciaire. Quitte à noyer certains d’entre
l’opposition démocratique. des détenus d’opinion, à eux dans les mêmes eaux sales que quelques
Dans son oraison funèbre, commencer par celui de Hadj oligarques et généraux déchus, à la faveur
l’avocat du défunt, M e Salah Ghermoul, un militant de la Ligue d’une opération mains propres aussi opaque
Dabouz, très ému, s’en est sévèrement algérienne de défense des droits de qu’opportune : c’est le cas de Louisa
pris aux autorités, accusées d’acharnement, l’homme (LADDH) et de la Coordination Hanoune. La cheffe du Parti des travailleurs
d’arbitraire et de négligence à l’égard de nationale de défense des droits des (trotskiste), inculpée pour « complots »
16 l’Humanité Mardi 4 juin 2019

Le monde en mouvement

L’exigence de transition « outrage » à l’ex-président Bou- n’auraient de toute façon pas pu se

démocratique se fait irrépressible
contre l’État et l’armée par la justice
militaire, est toujours incarcérée à la
prison de Blida, en dépit d’un état de
santé fragile.
Hier, l’ancienne sénatrice Zohra
Drif, figure du combat d’indépen-
dance, adressait au général Gaïd Salah
une lettre ouverte l’exhortant, après
la mort tragique de Kamel Eddine
Fekhar, à « libérer Louisa Hanoune et
tous les détenus politiques et d’opi-
nion ». « Vous et moi connaissons
parfaitement le prix de la liberté
puisque nous en connaissons la terrible
teflika. En grève de la faim depuis
trois mois, il avait été transféré, sa-
medi, en soins intensifs à l’hôpital
de Sidi Bel Abbès.
Sous pression d’un mouvement
populaire que le jeûne du mois de
ramadan n’a jamais essoufflé, le
pouvoir n’en finit plus de manœuvrer
en recul. Mais il resquille encore.
En reportant sine die le scrutin, le
Conseil constitutionnel prolonge de
fait le mandat du président par intérim,
Abdelkader Bensalah, une personnalité
honnie. Pas question, pour l’instant,
d’envisager son départ : ceux qui
tenir, ils nous jettent de la poudre aux POLOGNE
yeux pour tenter de se maintenir. Mais
le peuple algérien veut qu’ils partent
tous : il réclame une transition sans Décès du
dernier
eux. Une fois que nous aurons adopté
une nouvelle constitution, nous
pourrons parler d’élections », tranche
Hania Chaabane, une jeune militante
du Mouvement démocratique
et social.
de Sobibor
Autre génération, même conviction : L’ultime survivant connu du camp
l’ancienne combattante Louisette d’extermination nazi s’est éteint
Ighilahriz veut, elle aussi, « qu’ils s’en hier à 96 ans en Israël.
aillent tous ». « Nous sommes très en
colère en ce moment parce qu’ils ne

privation, ayant vécu sous le joug colo-
nial. (…) Faites de ces libérations un
gage de sincérité dans le but de rebâtir
le socle de confiance si malmené par
le régime en place », insiste-t-elle.
À l’initiative de militants d’horizons
divers, un Réseau de lutte contre la
répression et pour la libération des
prisonniers politiques a pris corps,
ces jours-ci. Avec un premier succès :
la libération, hier, du blogueur Abdel-
lah Benaoum, condamné en avril 2018
à deux ans de prison ferme pour
tiennent les rênes du pays excluent
toujours, pour l’heure, le scénario
d’une transition conduite par une
instance collective, auquel ils opposent
la promesse d’une commission élec-
torale « indépendante ».
« Nous revendiquons le départ
de tout le système »
Mais cette ultime manigance
pourrait se fracasser à son tour contre
une détermination populaire intacte.
« En reportant des élections qui
veulent pas de transition. Ce qui est
antidémocratique. Ils prolongent le
mandat de Bensalah, ce qui équivaut à
un cinquième mandat de Bouteflika.
Nous revendiquons le départ de tout le
système. Nous voulons une véritable
démocratie, pleine et entière. Nous
voulons une constitution dans des
conditions de liberté et de démocratie. »
Un horizon encore lointain et brumeux,
tant le système est enraciné et ses
hommes décidés à s’accrocher.
ROSA MOUSSAOUI
I
l s’appelait Semion Rosenfeld. Soldat
de l’Armée rouge, il était présenté
comme le dernier survivant connu du
camp d’extermination nazi de Sobibor et
de la révolte qui s’y produisit le 14 oc-
tobre 1943. Il est décédé hier à l’âge de
96 ans en Israël, dans une maison de retraite
appartenant à l’Agence juive, a annoncé
Isaac Herzog, le président de cet organe
gouvernemental chargé de l’immigration
juive en Israël.
« Nous déplorons la disparition de Semion
Rosenfeld, participant de la révolte de Sobi-
bor, qui, dans l’horreur de la Shoah, est
devenu un héros malgré lui », a indiqué Isaac
Herzog dans un communiqué. Né en

« Nous vivons une “préhistoire” Ukraine, ce soldat juif de l’Armée rouge

faisait partie de la cinquantaine de prison-

dans la quête de la liberté »

niers du camp qui avaient survécu au camp
et à la Seconde Guerre mondiale. « Rosenfeld
avait combattu dans l’Armée rouge, avait
été fait prisonnier par les nazis, il a réussi
Pour la romancière Sarah Haidar, les possi- sur l’instauration d’un État de droit avec un à s’enfuir du camp de la mort et a continué
bilités en Algérie s’élargiront si le mouvement président « démocratiquement » élu, intègre à lutter contre le nazisme. Que sa mémoire
populaire maintient le rapport de forces et se et patriote ! En somme, une parodie de démo- soit bénie », a déclaré le premier ministre
structure hors des procédures électorales. cratie qui tient plus du mimétisme envers israélien, Benyamin Netanyahou, pendant
l’Occident, pour les uns, et du mythe d’une la présentation de ses condoléances à la
Que traduit l’onde de choc provoquée par la mort République parfaite guidée par un messie, famille du défunt.
du prisonnier politique Kamel Eddine Fekhar ? pour les autres ! Or, un peu partout dans le Dans un entretien diffusé par la chaîne
SARAH HAIDAR Elle traduit probablement un monde, les populations semblent prendre publique israélienne Kan en mars, Semion
sentiment de culpabilité d’autant plus justifié conscience de l’inanité et de la fourberie d’un Rosenfeld avait affirmé que « le destin avait
qu’il est difficilement acceptable de se dire tel modèle et exigent aujourd’hui si ce n’est décidé qu’il serait un héros ». Fait prisonnier
qu’un soulèvement ayant réussi à défier la bru- Sarah Haidar l’abolition de la démocratie verticale, du moins par les Allemands, il avait passé deux ans
talité et le cynisme d’un tel système, dont il a Romancière une réelle réappropriation du pouvoir de déci- dans un camp à Minsk, puis avait été envoyé
pu arracher la démission d’un président à vie, sion et une véritable justice sociale. Par ailleurs, à Sobibor vingt jours avant la révolte, indique
n’a même pas essayé de libérer les détenus ce qui me fait un peu peur dans ce mouvement, l’AFP. « Je n’avais pas peur, je n’avais pas le
d’opinion et de sauver la vie d’un prisonnier politique en c’est la fausse image quasiment obligatoire qu’il veut temps d’y penser, je voulais survivre », avait-il
grève de la faim. Certes, il n’y a pas de solutions magiques véhiculer, celle d’une parfaite cohésion, d’un peuple uni raconté. Toute sa famille a été assassinée par
à ce genre de problèmes mais l’absence quasi totale d’une comme un seul homme et autres poncifs dangereusement les nazis. Après la guerre, il était resté vivre
exigence de libération de Fekhar et des autres détenus exclusivistes qui peuvent nous donner un aperçu peu en Ukraine et avait immigré en Israël en 1990.
durant les manifestations du vendredi pose des questions rassurant sur la suite… De mai 1942 à l’été 1943, quelque
sérieuses. Sa mort doit non seulement ancrer cette reven- 250 000 juifs, essentiellement déportés de
dication au cœur du mouvement mais surtout rappeler Comment jugez-vous la décision de reporter les élections ? l’est de la Pologne mais aussi des Pays-Bas,
que la détention provisoire est une condamnation Quelles possibilités s’ouvrent désormais ? de la République tchèque et de la Slovaquie,
« clandestine » d’une justice qui en abuse par esprit de SARAH HAIDAR Je pense que les possibilités seront élargies ont péri dans le camp de Sobibor, en Pologne
vengeance et de caporalisation des esprits. par le degré de persévérance et de détermination de la alors occupée par l’Allemagne nazie. Le
révolte en Algérie. Si le rapport de forces demeure en 14 octobre 1943, une révolte éclate dans le
Votre dernier livre, un roman d’anticipation, campe un faveur des populations insurgées, si la lutte est renforcée camp, la plus importante et la plus célèbre
paysage insurrectionnel. Vous y dépeignez une terre par d’autres modes de protestation, si les propositions dans l’histoire des camps de concentration
en « éternelle gestation ». Qu’est-ce qui a germé et grandi tronquées du pouvoir en place demeurent lettre morte nazis. Près de 300 prisonniers, dont Semion
en Algérie depuis le 22 février ? et, surtout, si le mouvement réussit à se structurer en Rosenfeld, alors âgé de 21 ans, avaient réussi
SARAH HAIDAR À vrai dire, je ne suis pas très sûre de la dehors des sentiers piégés de la représentativité et de à prendre la fuite en faisant une brèche
corrélation entre ce qui se passe en Algérie et la Morsure l’électoralisme, il y a de fortes chances que le soulèvement dans les barbelés. Mais près de 170 révoltés
du coquelicot, où il s’agit d’une révolution anarchiste qui devienne une vraie révolution avec tout ce que cela avaient été capturés par les nazis et fusillés.
aspire à l’instauration d’une société véritablement éga- implique en termes de changement radical et de rupture Les nazis ont ensuite démoli Sobibor pour
litaire et débarrassée de « la malédiction du pouvoir » irréversible avec le système qui a présidé au destin de effacer toute trace de ce camp.
(Louise Michel). Au fil des vendredis et des discussions l’Algérie depuis 1962. Le téléfilm les Rescapés de Sobibor, diffusé
avec des amis « févriéristes », j’ai l’impression que nous ENTRETIEN RÉALISÉ PAR en 1987, a porté à la connaissance du grand
vivons une sorte de « préhistoire » dans la quête de la ROSA MOUSSAOUI public cet épisode de la Seconde Guerre
liberté : les revendications sont centrées sur le départ du mondiale.
système et de ses figures, sur l’alternance au pouvoir et Sarah Haidar, la Morsure du coquelicot, Métagraphes, 2018. DAMIEN ROUSTEL
 Mardi 4 juin 2019 l’Humanité 17

Le monde en mouvement

NATIONAL-LIBÉRALISME

Trump fait
son casting
à Londres
Tout à son nouvel ordre mondial,
le président américain veut répartir
les postes à la tête du Royaume-Uni.

D
errière l’apparat, le thé avec la reine
Élisabeth II et le banquet hier soir à
Buckingham Palace, c’est un Donald
Trump très à l’offensive et soucieux de faire
franchir un palier à sa stratégie nationale-
libérale qui a entamé sa visite officielle à
Les militaires ont évacué, hier, les manifestants qui tenaient un sit-in depuis deux mois à Khartoum. Ashraf Shazly/AFP Londres. Supporter du Brexit dès l’origine, il
veut enfoncer le clou d’une séparation « hard »
du Royaume-Uni d’avec l’Union européenne
CORNE DE L’AFRIQUE (UE). Ainsi a-t-il pris parti en faveur de Boris
Johnson, le trublion ultraconservateur, qui

Au Soudan, l’armée veut

ferait, dit-il, « un excellent premier ministre »
en lieu et place d’une Theresa May démis-
sionnaire qu’il voue aux gémonies. Et comme

assassiner la révolution
s’il était besoin de balayer tout risque d’ambi-
guïté sur la place qu’il entend donner à Londres
dans son nouvel ordre national-libéral,
il pousse un peu plus loin le casting et la pro-
vocation en avançant que son ami Nigel Farage,
Le bras de fer entre les généraux et le peuple a pris une tournure sanglante. le très populiste initiateur du Brexit, chef de
file du parti pour l’indépendance du Royaume-
Treize morts étaient à déplorer hier après le dispersement du sit-in de Khartoum. Uni, serait « le meilleur négociateur » de

L
la sortie de l’UE avec Bruxelles.

e feu couvait depuis deux semaines et l’arrêt de la Défense réclamant une seule et même chose : Une ingérence dangereuse
brutal des négociations entre le conseil militaire la chute du régime d’Omar Al Bachir. Le 11 avril, ils Donald Trump veut s’appuyer sur le succès de
de transition et l’Alliance pour la liberté et le obtiennent un premier succès avec la destitution du ses alliés nationalistes au sein de l’UE pour se
changement (ALC). Chacun restant campé sur dictateur arrivé au pouvoir trente ans plus tôt à la faveur débarrasser de toute velléité de coopération
ses positions quant à un transfert du pouvoir d’un coup d’État. européenne qu’il considère comme un obstacle
devant, pour les uns, rester aux mains de l’armée, pour Malgré la bonne nouvelle, le sit-in ne désenfle pas et à ces négociations en bilatérales, forcément
les autres, revenir à celles des civils. le peuple soudanais obtient bientôt une seconde victoire. plus favorable aux deals commerciaux ou mili-
Hier matin, tout s’est brutalement embrasé. Après une Le 15 mai dernier, après de pénibles négociations, l’armée taires qu’il recherche pour rendre leur position
nuit heurtée, l’armée a dispersé dans le sang le sit-in de concède à l’ALC une période de transition démocratique dominante aux États-Unis. En rupture avec
Khartoum en place depuis près de deux mois. « Il n’y de trois ans avec en sus l’annonce de la composition l’UE, la Grande-Bretagne constitue une pièce
a plus rien à part les corps des martyrs que nous d’une future assemblée législative composée de maîtresse à ses yeux. D’où son insistance à
ne pouvons pas sortir du lieu du sit-in jusqu’à 300 membres, dont 67 % de l’ALC, et 33 % développer « la relation spéciale » qui existe déjà
présent », ont déploré des porte-parole de « LA FRANCE d’autres partis hors pouvoir. entre Washington et Londres. Mais à laquelle
CONDAMNE
l’ALC, faisant état d’au moins 13 morts et Un conseil des ministres constitué de il souhaite donner une dimension inédite.
LA RÉPRESSION
d’une centaine de blessés. DES MANIFESTATIONS cinq civils et cinq militaires semble aussi Trump aimerait transformer cette relation
AU SOUDAN (…) », A se dessiner. Ne reste plus que la nomination pour qu’elle constitue le fer de lance d’une
« Les forces de l’ordre ont tiré DÉCLARÉ LE MINISTÈRE d’un président par intérim que beaucoup fuite en avant libérale fondée sur un vaste
dans l’hôpital Charq-al-Nil » FRANÇAIS DES parmi les révolutionnaires veulent voir accord de libre-échange entre les deux pays,
Une accusation que l’armée balaie d’un AFFAIRES émerger du monde civil. un dumping fiscal, social, environnemental
revers d’épée. « Nous n’avons pas dispersé ÉTRANGÈRES. et, sans doute aussi, monétaire (avec la déva-
le sit-in par la force », a affirmé son porte- Appel de l’ALC « à la grève luation de la livre) pour renforcer la compé-
parole, le général Shamseddine Kabbashi, expli- et la désobeissance civile totale » titivité des firmes britanniques comme
quant que l’armée avait visé lundi matin un secteur Mais ce sacrifice, l’armée ne semble pas prête à y états-uniennes sur le Vieux Continent.
« dangereux proche du sit-in, où se déroulaient des activités consentir. Depuis le début de la contestation, une cen- Cette ingérence aussi dangereuse pour les
illicites ». D’après l’officier, « de nombreuses personnes taine de personnes ont perdu la vie sous les balles d’un équilibres européens que dans sa conception
ont fui ce secteur et sont entrées sur le lieu du sit-in », ce vieux régime que d’aucuns craignent qu’il ne renaisse ouvertement xénophobe et antisociale est pro-
qui aurait eu pour conséquence le départ des manifestants ! et perdure sous le masque du conseil militaire transitoire. prement « inacceptable pour notre démocratie »,
Une version des faits niée par le comité central des méde- Aussi, l’ALC a-t-elle décidé de remettre la pression a dénoncé Jeremy Corbyn, le leader du Parti
cins soudanais. « Les forces de l’ordre ont tiré à l’intérieur annonçant qu’elle interrompait « tout contact politique » travailliste, principale force d’opposition. L’acuité
même de l’hôpital Charq-al-Nil et empêché l’accès au Royal avec l’armée et appelant à « la grève et la désobéissance de la menace n’a pas échappé à nombre de
Care, un autre établissement hospitalier de la capitale », a civile totale et indéfinie à compter d’aujourd’hui », dans citoyens britanniques. Ils manifestaient en
ainsi déclaré l’organisation proche de l’ALC et des mani- le but de « renverser le régime ». nombre hier et continueront de le faire tout au
festants qui tentent de revenir sur les lieux. À l’heure où sont écrites ces lignes, c’est le général long de la visite du président américain en
Depuis le 6 avril, quatre mois après le début d’un Abdel Fattah Al Burhane, qui, pour l’instant, dicte sa clamant leur hostilité à sa personne mais surtout
mouvement de contestation initié le 19 décembre 2018 vision de la transition. Un scénario à l’égyptienne que leur volonté d’empêcher le retour vers le futur
après la hausse du prix du pain, ils sont des dizaines les Soudanais veulent à tout prix éviter. d’un nouvel ordre dominé par l’Oncle Sam.
de milliers de Soudanais à se réunir devant le ministère STÉPHANE AUBOUARD BRUNO ODENT
 Culture&Savoirs
18 l’Humanité Mardi 4 juin 2019

EXPOSITION ET JARDINS

Ô saisons, ô châteaux,
à Chaumont toujours du nouveau
Le domaine du bord de Loire a de nouveau ouvert au printemps ses portes et son parc à l’art contemporain.
Regards partiaux et partiels, d’Agnès Varda à Gao Xingjian, prix Nobel et serviteur de l’encre de Chine.

A
Chaumont-sur-Loire (41),
envoyé spécial.

nnoncée le 28 mars
dernier au vernissage
de la nouvelle saison
d’art contemporain du
domaine de Chaumont-
sur-Loire, Agnès Varda
n’était pas au rendez-
vous. Elle est morte le lendemain. Sa venue
attendue n’était pas mondaine. À son œuvre
de cinéaste elle avait, depuis longtemps
déjà, ajouté une œuvre de plasticienne,
tournée vers des sortes d’installations, de
mises en scène d’espaces intimes, des
cabanes semblant s’ouvrir sur l’enfance.
Avec la Serre du bonheur, c’est encore une
cabane qu’elle a réalisée, utilisant comme
matériau les 2 159 mètres de pellicule du
film le Bonheur, réalisé en 1964. « Il contait,
disait-elle dans une note, l’histoire d’un
couple heureux, incarné par Jean-Claude
Drouot, sa femme et ses enfants. Ils aimaient
les pique-niques. J’avais tourné en Île-de-
France, en pensant aux impressionnistes.
On entendait du Mozart. Le générique était
tourné près d’un champ de tournesols, ces
fleurs d’été et de bonheur. » Les tournesols
y sont. L’œuvre d’art est aussi un récit, La part belle est faite aux encres de Chine de Gao Xingjian, prix Nobel de littérature en 2000. Éric Sander pour le domaine
inscrit dans le temps, qui peut raconter
des moments où l’on a vécu intensément,
comme Proust évoquant les aubépines en reviennent. C’est le cas de l’artiste tôle. Des déchets transformés en une quitté la Chine en 1989, après la répression
fleurs du côté de Guermantes. Elle a alors ghanéen El Anatsui, lion d’or de matière d’une impressionnante des manifestations de la place Tian’anmen
sa logique, liée à la sensation et à la la Biennale de Venise en 2015, richesse. et l’interdiction de toutes ses œuvres,
mémoire. C’est aussi le cas pour son autre et praemium imperiale en UNE ŒUVRE Parlant de tapisserie, on ne consécutive à la publication de sa pièce la
installation au domaine, l’Arbre de Nini. 2017. Il a choisi cette fois de COMME UNE DRAPERIE saurait ignorer une seule Fuite. Né à Ghanzou en 1940, il est l’auteur
Une sculpture à l’image de son chat disparu faire écho au fleuve en COUVRANT TOUS œuvre qui nous a laissés de cinq romans et nouvelles, dix-huit pièces
est installée au faîte d’un tronc d’arbre érigeant sur ses hautes LES MURS ET FAITE pantois. Luzia Simons a déjà de théâtre, neuf essais, deux films et, donc,
coupé à mi-hauteur. Il y siège comme un berges trois gabarres, ces DE CAPSULES DE ex p o s é i c i d e g ra n d s de centaines d’encres. Sur la ligne de crête
CANETTES, DE
sphinx porteur de son énigme. Que sait-on petits bateaux à fond plat. CANETTES ÉCRASÉES,
scanogrammes de tulipes, entre abstraction et figuration de paysages,
de son chat ? L’œuvre a plus encore « L’œuvre s’appelle Cire DE BOUTS DE TÔLE . soit des images de fleurs elles usent des différentes densités de
maintenant le style d’un émouvant perdue, comme une œuvre disposées directement sur la concentration pour des effets parfois
monument funéraire. perdue, une vie perdue. Le plaque de verre d’un scanner. superbes, parfois un peu trop attendus.
bateau se sacrifie en transportant Cette fois, c’est par un tissage d’une Critique déterminé et volontaire d’une
Créateurs et artistes paysagers les êtres humains et les marchandises (…), incroyable finesse, avec la technique de certaine modernité, il dit, dans un entretien
Comme chaque année, le domaine de ce sont des bateaux morts qu’on a érigés Jacquard et la collaboration d’une entreprise avec Chantal Colleu-Dumond, la directrice
Chaumont, autour de son château en pour les célébrer. C’est la glorification de spécialisée, Flanders Tapestries, qu’elle a du domaine : « Nous sommes victimes d’un
surplomb d’une Loire qui semble ici prendre ceux qui ont sacrifié leur vie, comme une réalisé un panneau de fleurs, aux couleurs bombardement politique et publicitaire. Nous
plus que jamais son temps et ses aises, élévation vers le ciel… » Le domaine garde de rêve, appelé Mil Flores. C’est un chef- sommes dans le divertissement mais nous ne
accueille des œuvres d’une dizaine sinon, dans la grande galerie du fenil, une d’œuvre de tapisserie d’une saisissante beauté. sommes pas dans l’art. »
d’artistes, en même temps que se déroule, de ses extraordinaires et très grandes œuvres Une large place est faite, également dans MAURICE ULRICH
sur un autre registre, son festival des jardins, murales, comme une draperie couvrant les salles, aux encres de Chine de Gao
accueillant là aussi de nombreux créateurs, tous les murs et faite de capsules de Xingjian, dont il faut rappeler qu’il a obtenu Jusqu’au 3 novembre.
architectes et artistes paysagistes. Certains canettes, de canettes écrasées, de bouts de en 2000 le prix Nobel de littérature. Il avait www.domaine-chaumont.fr

BANDE DESSINÉE
Des bidonvilles aux ghettos
Dans cette fiction documentaire, Laurent Maffre nous offre une leçon
d’histoire de France en croquant avec tendresse le quotidien des travailleurs immigrés
dans un camp de transit en 1973.
E
n 1962 à Nanterre (Hauts-de-
Seine), 1 500 ouvriers immigrés
célibataires et 300 familles vivaient
regroupés dans les bidonvilles de
la Folie, sans eau ni électricité.
Une centaine de campements similaires
peuplaient alors l’Île-de-France. Dans un
crayonné noir et blanc, très détaillé et remar-
quablement scénographié, Laurent Maffre
avait croqué, en 2012, les taudis de ces
travailleurs venus du Maroc, d’Algérie,
d’Espagne, du Portugal dragués par la France
pour venir grossir les rangs de nos industries
mangeuses d’hommes et de bras.
Après la Folie de Nanterre,
le Triangle de Gennevilliers
Dans ce deuxième opus, Demain, demain,
Gennevilliers, cité de transit 1973, nous retrou-
vons ces héros en 1973, après que le gouver-
nement a organisé avec tambours et
trompettes leur relogement dans des locaux
salubres pour effacer leur honteux traitement.
Mais les HLM ne sont pas encore construits.
Et la misère perdure : voici les familles bal-
lottées du bidonville à la cité de transit. Les
cahutes bricolées ont fait place à un ensemble
de baraquements, loin de tout commerce et
de tout moyen de transport, sis entre l’auto-
route, la voie ferrée et le port de Gennevilliers.
Ce « Triangle de l’enfer » devait être provi-
soire… il fermera huit ans plus tard.
Sous la surveillance d’un gérant-tyran, les
travailleurs et leurs familles sont désormais
parqués dans un enclos. Ce cerbère, recruté
pour l’arabe qu’il a appris dans l’armée
coloniale, maîtrise les entrées et les sorties,
l’électricité extérieure et les coupures arbi-
traires. En contact permanent avec la pré-
fecture, il est un indic rêvé au pouvoir
discriminatoire. Les relogés peuvent être
BD Une fable chorale dans la Casbah
« Vous savez ce qu’on dit de la maison aux parapluies ? Il paraît
qu’elle est habitée par une femme… La journée, elle répare des
chaussures et des parapluies, mais la nuit… » Ainsi commence
le premier tome de Fatma au parapluie, une pépite traduite
de l’arabe, qui invite à partager la vie des « petites gens » de
la Casbah, quartier des hauts d’Alger. Au centre des rumeurs,
deux femmes mystérieuses, l’une considérée comme une
sorcière, l’autre excentrique et indépendante, sont devenues
objets de crainte et de fascination. Tout en noir et blanc, des
dialogues minimalistes et des dessins qui assument une
fonction narrative, cette bande dessinée algérienne montre
l’omniprésence du contrôle social par le regard des autres, le
poids des rumeurs sur celles et ceux qui s’écartent de la norme.
Une belle réussite dont la suite est prévue en 2020.
ALEXANDRA CHAIGNON
Fatma au parapluie, Mahmoud Benamar et Soumeya
Ouarezki. Éditions Alifbata, 18 euros.
BD Cinq contes réinventés
Il aura fallu attendre près de quarante ans pour que la ver-
sion française de Qui a peur des contes de fées, d’Alberto
Breccia et Carlos Trillo, deux grands maîtres de la BD argen-
tine, soit publiée. Retour dans le passé : entre 1979 et 1980,
les deux auteurs décident d’adapter des contes de fées des
vieux frères Grimm (Blanche-Neige, Cendrillon, Hansel et
Gretel, le Petit Chaperon rouge, la Belle au bois dormant).
Alors que l’Argentine est encore aux prises avec la dictature,
ils vont ponctuer leurs histoires de messages sous-jacents
particulièrement éclairants aujourd’hui. Résultat : des
versions subversives, déjantées et politiquement incorrectes,
loin des adaptations gentillettes de Disney, proposée dans
un univers graphique étonnant à base de couleurs chatoyantes
et de collages de matières. Un témoignage historique
et culturel. A. C.
Qui a peur des contes de fées, Alberto Breccia et Carlos Trillo.
Éditions Revival, 16,50 euros.
Mardi 4 juin 2019 l’Humanité 19
Culture&Savoirs
expulsés à tout moment si l’employeur signale
une rupture du contrat de travail au gérant.
Les résidents n’ont aucun droit. Une école
primaire concentre les enfants dans ce ghetto.
Après les avoir laissé patauger dans un bidon-
ville, on isole ces habitants de seconde zone.
Ce tableau noir, Laurent Maffre le peint sans
concession mais avec tendresse. Le vivant
prend toujours le dessus sur la misère, les
enfants jouent aux Peaux-Rouges en pour-
chassant les trains SNCF, les plus grands
s’échangent la Mobylette, les mères voudraient
que leurs filles se comportent comme au
« douar », les pères restent silencieux, « leur
corps en France leur tête en Algérie »…
L’usine et la chaîne qui ronge les doigts
et rouille les méninges
Rythmant les scènes et alternant les cadres,
Laurent Maffre quitte parfois la cité pour une
échappée surréaliste dans Paris. Mais ses plus
belles planches décrivent l’usine, la chaîne
qui ronge les doigts et rouille les méninges.
Zoom sur les mains usées, sur les machines
qui peuvent broyer, sur l’horloge qui annonce
la pause. Les bruits débordent de certaines
pages, la violence aussi quand les nervis de
la direction veulent obliger les immigrés à
adhérer au syndicat jaune. Laurent Maffre
s’est inspiré des écrits ouvriers de Christian
Corouge, de Danièle Linhart. Il a vu le cinéma
des groupes Medvedkine, mais aussi Trillat,
Pialat, Malle.
S’il enseigne les arts appliqués à Paris, l’auteur
possède aussi un DEA d’histoire sociale et
sait intégrer la réalité à sa fiction. Comme ces
archives radio où l’on entend l’ancêtre
du Medef, le CNPF (Conseil national du
patronat français), assurer en 1972 qu’il a
« généralisé l’abondance » et que, désormais,
l’organisation patronale vise « la qualité de
vie » plutôt que « les critères d’efficacité
économique ». En contrepoint, quelques cases
plus loin, un OS demande à un novice : « C’est
la première fois que t’es enchaîné ? ». Face à la
détresse et la pudeur des anciens, la nouvelle
génération née en France affirme sa place :
« Il fautla prendre, faut pas attendre qu’on nous
la donne ». Avec ce superbe docu-fiction,
Laurent Maffre enrichit un peu plus notre
histoire de France.
KAREEN JANSELME
Demain, demain, Gennevilliers, cité de transit
1973, Actes Sud BD/Arte éditions, 24 euros.
BD L’histoire folle d’un homme pressé
Tout est hors norme dans ce roman graphique : son format
comme son propos. Un cadre en gilet et attaché-case est
attaqué dans la rue par deux fripouilles au masque de rat.
L’homme perd sa mallette dans l’agression, mais aussi son
identité. Il ne va pas tarder à se découvrir un étrange pou-
voir, celui de se réincarner dans chaque personnage qui le
touche : un conducteur de voiture qui l’écrase, un chien
qui le renifle, une femme qu’il bouscule… Usant de cette
magie, il va tenter de récupérer son porte-documents.
Aventure surréaliste et métaphore complexe, ce roman à
l’humour grinçant se joue des cases et des codes classiques.
Craies grasses, couleurs primaires, planches revisitant
l’esthétique cubiste et expressionniste : chaque page sur-
prend, rompant constamment de rythme, s’amusant sans
limite avec les proportions. K. J.
Un livre pour se faire des amis, Lukas Verstraete.
Éditions Même pas mal.
20 l’Humanité Mardi 4 juin 2019

Culture&Savoirs

JEUX D’ÉTÉ
LA CHRONIQUE

Cahier de vacances pour

MÉDIAS
DE NICOLAS DÉ

voyager en Macronie Deuxième service

M
esdames et messieurs, les joueurs sont
prêts. Deuxième semaine à Roland-
Guillaume Meurice, Charline Vanhoenacker et la dessinatrice Cami sortent Garros. L’occasion de relire la série
chez Flammarion un cahier de vacances, aussi ludique qu’amusant. de chroniques (1) engagée il y a quarante ans
dans Libération par le critique de cinéma

Q
Serge Daney sur le tennis à la télévision. « Pour
uand on demande aux deux trublions de par jour un devoir de cahier de vacances, en primaire celui qui aime et le tennis et les images qui
France Inter, au téléphone, comment et au début du collège. Maintenant, je les oblige bougent (et encore plus pour ceux qui aiment
GUILLAUME
ils se portent, Charline Vanhoe- eux aussi à faire une page par jour ». Un rire, voir bouger dans les images), il y a de grands
MEURICE ET CHARLINE
nacker répond dans un éclat de VANHOENACKER encore. Pour autant, le cahier n’est pas un moments sur le petit écran. » Daney aime ce
rire : « Comme “les Républicains” ! » OFFICIENT DU LUNDI prolongement de l’émission, selon Charline. sport, les personnages que produit le spectacle,
Et Guillaume Meurice réplique : « On va faire AU VENDREDI, « Beaucoup de parents nous écoutent, le soir, et augure à raison que le rapport à la télé
un pays avec seulement des gens de gauche… » À 17 HEURES, avec leurs enfants, après la sortie de l’école. changera le jeu, le rendra plus spectaculaire
Ce qui lui vaut en réponse un tonitruant : DANS L’ÉMISSION L’idée, c’est aussi que parents et enfants se (on ne regrettera pas les interminables duels
« ça s’appelle la Wallonie ! » Les deux acolytes PAR JUPITER, SUR retrouvent autour de la table, avec le cahier, de crocodiles).
et la dessinatrice Cami viennent de sortir le FRANCE INTER. que l’enfant demande : “Papa, pourquoi il faut Le tennis possède alors à la télévision un
Cahier de vacances de Manu, maths français, dire technicienne de surface à la place de femme privilège pour trois raisons qui le placent à
histoire. 100 jeux et exercices pour devenir premier de ménage ?” ou “Pourquoi le pilote d’Air France est l’avant-garde dans l’histoire des retransmis-
de cordée (éditions Flammarion, 9,90 euros). Un vrai premier de cordée, et le cheminot dernier, alors qu’il conduit sions sportives. « D’abord, tout ce qui se passe
cahier de vacances, pour adultes, « mais où les enfants de aussi des trucs ?” Il y a donc de vrais exercices pour les gamins, sur le court est immédiatement visible par
3 ans peuvent s’amuser à colorier Balkany, même s’ils ne quand les parents vont d’abord voir la blague. » tous. » Surtout, le tennis produit « l’image
savent pas qui il est », ironise Meurice. emblématique la plus
L’idée est venue de l’éditrice du premier roman de Guil- Le cahier édité à 20 000 exemplaires début mai « Le tennisman nette, la plus lisible, du
laume Meurice, Cosme, chez Flammarion. « On a trouvé est déjà presque épuisé et va être réimprimé sport moderne : un téles-
rigolo de faire un cahier de vacances sur la macronie. Nous En dernière page, explique Meurice, il y a un « Manu à décou- joue contre copage violent entre
avons ensuite trouvé Cami, une dessinatrice que nous connais- per ». Les trois complices poussent leurs lecteurs à découper
sions et aimions bien, et qui avait un trait qui correspondait le Manu, et à se prendre en photo avec lui « dans des situations
quatre l’argent, le corps et le
pouvoir ». (Sur quoi
au projet », explique le comédien. Pour autant, les exercices rigolotes », telle Amélie Poulain avec ses nains de jardin. En adversaires  : d’autres sports l’ont
proposés dans ce cahier sont réels. « Toute l’année, on part récompense, « le vainqueur gagnera une photo dédicacée de rejoint.) La troisième
de choses factuelles : les boulettes des politiques, les modus Dominique Seux », le chroniqueur libéral de France Inter. l’autre, raison « relève plutôt de
operandi dans le monde politique ou dans les médias. Toute Le cahier, qui avait été édité à 20 000 exemplaires début l’esthétique des médias :
cette matière fait le sel des chroniques. Tout le jeu pour nous mai, est déjà presque épuisé et va être réimprimé. Mais les le public, il est idéalement possible
consistait à transformer ceci en vrais exercices variés de trois auteurs ne toucheront rien dessus : tous les droits d’auteur lui-même de faire coïncider les li-
langue, de chimie, en énoncés, en solutions qu’il faut trouver », sont reversés au Secours populaire. Pour Charline, « l’idée mites du court et les bords
note la journaliste. c’est de transformer notre énervement en humour. Et se dire et le temps. » du cadre ». L’avantage
Pour y parvenir, « Guillaume a eu la bonne idée d’aller chercher que, pour le coup, cet énervement envoie des gamins en va- du terrain, c’est aussi
de vrais cahiers de vacances », raconte-t-elle. Guillaume cances ». Le rire de Charline Vanhoenacker fuse : « On ne va que, « vu de haut, en surplomb, le tennis satis-
Meurice, en aparté, avoue que « c’est aussi l’occasion de me pas commencer à décliner et à faire du merchandising. » fait la part d’arbitre en nous ». Mieux, grâce
venger, parce que mes parents m’obligeaient à faire au moins CAROLINE CONSTANT à la technologie du Hawkeye (œil de faucon),
nous fondons désormais sur les lignes pour
juger des marques.
Mais ce qui plaît à Daney et l’inspire, c’est la
Physique-chimie Histoire-géo puissance allégorique contenue dans le cadre,
celui du court et celui de l’écran. Les person-
Exercice 1 Exercice 1 nages se nomment alors Borg, McEnroe, Lendl…
« C’est l’histoire de deux gonzesses de Montélimar qui nous cassent Notre ami Donald a perdu un concours de bras de fer contre Steven Seagal. D’autres leur ont succédé ; tout a changé, rien
les nougats… » Tiens, tiens, le célèbre comique Tex n’est pas très loin ! Son gage : placer les pays sur la carte du monde. Quelle galère !
Peux-tu lui filer un coup de poigne ?
n’est changé. « Sur un court, relève Daney, le
Certains racontent que son humour est tellement lourd qu’il déforme
l’espace-temps. Aide les scientifiques à retrouver la constante de gravité tennisman joue contre quatre adversaires :
grâce aux éléments suivants.
l’autre, le public, lui-même et le temps. Avec le
temps, sous le regard du public, il devient un
Soit P le poids, soit m la masse, soit G la constante de gravité terrestre. autre pour lui-même. C’est qu’on appelle “vieil-
Il est admis que P = m × G. lir”. » Nous avons Federer qui « vieillit bien »
Sachant que le poids de l’humour de Tex est de 7,840 tonnes et que sa masse ou le jeune et fantasque Kyrgios (forfait à RG)
est égale à 800 kilos, quelle est la constante de gravité terrestre ?
qui « ne grandit pas ». L’ATP et les diffuseurs
G=
font leurs choux gras de ce choc des généra-
tions, marketant une « next gen » qui chasserait
en meute les grands anciens – lesquels finiront
bien un jour par accuser leur âge.
Encore immortel, Federer poussait ses pre-
miers vagissements (1981) quand écrivait
Daney. En revanche, aujourd’hui sur Euros-
port, l’immarcescible Jean-Paul Loth était
déjà au micro. Le commentaire : « presque
Planches toujours un babil », faute de compétence ou
Mexique • Corée du Nord • Israël • Ukraine • Russie • Roumanie • Afrique du Sud
Japon • Bulgarie • Belgique • Panama • Rwanda • Suisse • Argentine • Nigeria
du Cahier de pathos, regrettait Daney. Toujours exquis,
Australie • Macédoine • Neverland de Manu. Loth allie les deux.
Éditions
8 7
Flammarion (1) L’Amateur de tennis, éditions POL.
CahierDeVacances_Int.indd 8 CahierDeVacances_Int.indd
04/03/2019 14:11 7 04/03/2019 14:11
 Mardi 4 juin 2019 l’Humanité 21

Culture&Savoirs

THÉÂTRE

Contre l’immense désordre

de la domination masculine
La mise en scène de Mathilde Delahaye révèle toute l’acidité
de Maladie ou femmes modernes, d’Elfriede Jelinek,
et cogne sur le carcan de la pensée bourgeoise.

L
Valence (Drôme), envoyé spécial. titrée Comme une pièce, de l’Autrichienne
Elfriede Jelinek (Nobel de littérature en
a nuit se glisse sous les maigres 2004), publiée en 1987. Un spectacle
feuillages frissonnants entre deux découvert à l’occasion du festival
tas de galets et de gravats, près Ambivalence(s), qui s’est tenu du 21 au
de mornes cabanes de chantier. 25 mai dans la ville chef-lieu de la Drôme.
Sans bruit, le Rhône frôle ces L’aventure est d’une densité peu commune,
rives et file son chemin. Soir ordinaire, remarquable, même si l’on en perd quelques
presque printanier sur le port de commerce, pièces en route, le regard parfois égaré dans
à l’écart de la ville. Sauf que des gradins ce vaste espace insolite, taché de trous noirs
ont été installés, à deux pas des grues, des ou clairs, alors que des actions sont parfois
hangars et des rails qui surgissent de terre. menées en parallèle. Autre surprise, chaque Les comédiens traversent avec fièvre un désert industriel. Jean-Louis Fernandez
Des notes s’échappent d’un piano installé reprise de Maladie ou femmes modernes,
sous un projecteur. Un cadre géant, en présentée ici pour la première fois, après
métal argenté, délimite un espace de jeu. une approche proposée à Mulhouse en 2018, va l’histoire, avec parfois le soutien de des bungalows-maisons. Et lentement le
Derrière, un bureau rouillé, une table d’exa- nécessite une adaptation au lieu. « Nous séquences vidéo filmées en direct. D’autres bancal se déglingue tout à fait. Jelinek, à
men médical et quelques autres étrangetés. apprivoisons le paysage, son histoire, sa fois, ce sont des mots qui sont projetés, travers ce désordre comique, s’interroge sur
Voilà pour la première surprise. géométrie, ses fantômes. Puis nous y déplions toujours pour décliner le thème central qui la féminité, sur le conformisme, sur les
la fable, nous y déposons notre cadre, le bouscule la femme objet, laquelle, une fois mécanismes de pensée bourgeois, notant
Du « théâtre paysage » point de vue », explique Mathilde Delahaye. trépassée, revient si l’on peut dire, sous les que le langage est par essence de domination
Surgit un homme, jeune, à demi nu, qui, La jeune metteuse en scène revendique traits d’une vampire lesbienne, fricotant masculine. Et que c’est une injustice de plus.
en musique, face au public, joue des faire du « théâtre paysage ». Dans cet esprit, avec l’infirmière de service. Avec aussi une colère sur les « femmes
muscles, biceps, pectoraux, content de lui. le public loue sa place, mais le lieu de la Les comédiens (Pauline Haudepin, Déa modernes » qui oublient de l’être. C’est
L’individu est un mâle « viril » bien foutu, représentation n’est pas annoncé à l’avance, Liane, Julien Moreau, Blaise Pettebone), rugueux, piquant, surréaliste et saignant.
il le sait, en fait une fierté idiote. Et c’est pour accentuer l’effet d’imprévu. assistés par des amateurs muets glissant GÉRALD ROSSI
drôle. Ainsi commence l’étrange et Ce soir au bord du fleuve, le beau mâle a dans les contours de l’action, traversent
envoûtante création mise en scène par fait un plongeon, les fesses à l’air. Carmilla, avec fièvre le désert industriel, gravissent Maladie ou femmes modernes,
Mathilde Delahaye, qui s’est emparée de enceinte jusqu’aux yeux, donne naissance des tas de pierres, racontent passionnément du 11 au 14 juin, à Saint-Pierre-des-Corps.
la pièce Maladie ou femmes modernes, sous- à un sixième marmot. Puis elle meurt. Ainsi des fragments de leur existence aux fenêtres Tél. : 02 47 64 50 50 ou billetterie@cdntours.fr

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sais. Saint évangéliste. 4. Trop attaché Sifflement pour appeler. V. Sel d'acide.
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Par chèque : un jour comme les autres. 6. Morceau toute autorité. VII. Actinium. En Alle-
o un an postal 475 € o 6 mois postal 266 € o un an au portage 509 € de bois qui tient écarté le ventre d'un magne, près de Coblence. Sigle d'une 5
animal de boucherie. Sport nautique. école d'officiers. VIII. Vert très pâle. Un
ABONNEMENT à l’Humanité quotidienne. 6
7. Ville du sud de la Haute-Égypte. Nul nouveau qui sait déjà se faire entendre.
Par prélèvement mensuel : n’est censé l’ignorer. 8. Un lieu sale et IX. En proie à une forte émotion. Coup
o abonnement postal 32 € o abonnement au portage 37 € 7
humide. Ordinateur. 9. Obtint. Grosse de pied en demi-volée donné dans le
Tarif spécial : chômeur, étudiant et moins de 26 ans (justificatif obligatoire)
mouche piqueuse. 10. Condensées. ballon. X. Offrandes à une divinité. 8
o postal 25,50 €
Par chèque :
Anar. VII. Ac. Ems. EOR. VIII. Tilleul. Né. IX. Ému. Drop. X. Sacrifices.
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22 l’Humanité Mardi 4 juin 2019

« LA DÉCISION CORRECTE »
À Singapour ce week-end, le ministre chinois de
la Défense, Wei Fenghe, a assuré que Tian’anmen
« était une turbulence politique et le gouvernement

Histoire
a pris les mesures pour y mettre un terme, ce qui a
été la décision correcte ».

CHINE

Les 50 jours de Tian’anmen

Le 15 avril 1989, la mort du dirigeant communiste Hu Yaobang déclenche un vaste mouvement revendicatif mais
complexe. Après une décennie de réformes, les dissensions au sein de la direction du PCC se répercutent dans la rue.
Toutes les couches de la société sont concernées et la contestation est hétérogène.

E
n ce printemps 1989, Pékin se prépare à
un événement historique : la visite à la
mi-mai de Mikhaël Gorbatchev venu sceller
la réconciliation officielle de l’URSS et de
la République populaire de Chine, brouillées
depuis le début des années 1960. La mort
subite le 15 avril de Hu Yaobang, une des
figures réformatrices du Parti communiste chinois, et le
mouvement qu’elle enclenche éclipsent les retrouvailles
tant attendues. Limogé en janvier 1987 de son poste de
secrétaire général du PCC à la suite des manifestations
étudiantes de l’hiver 1986-1987, Hu jouit d’une
incontestable popularité. Sur les campus universitaires,
la mobilisation pour lui rendre hommage est immédiate.
Dans les jours qui suivent, des marches sont improvisées
jusqu’à la place Tian’anmen. Elles ne rencontrent aucun
obstacle et les cortèges enflent de jour en jour. De plus
en plus politiques et contestataires. Au plus fort du
mouvement, plus d’un million de personnes se retrouvent
dans la rue. L’immense place au cœur de Pékin devient
le lieu d’un vaste forum où la parole se libère dans la plus
totale confusion. Qui est qui et qui veut quoi ? Qu’importe !
Pendant cinquante jours, les rassemblements vont secouer
le pays et les autorités jusque dans la soirée du 3 juin au
4 juin où les militaires y mettent violemment un terme.
« Les causes qui ont produit le mouvement étaient intérieures
et sont à puiser dans la décennie qui venait de s’écouler », a
analysé l’historien Jeffrey Wasserstrom, auteur d’un ouvrage
sur la contestation étudiante en Chine au XXe siècle. Il éclate
à l’issue d’une décennie du programme de modernisation
engagé par Deng Xiaoping, ouvrant la Chine à la
mondialisation et à des réformes de type libéral. En dix
ans, le pays est passé de l’utopie égalitariste au culte de
l’initiative individuelle, non sans retombées sur les structures
politiques et idéologiques. Dans les campagnes, la pièce
majeure des réformes a été la gigantesque décollectivisation
des terres avec le retour à l’autonomie des unités familiales
et la fin du monopole d’État sur les céréales. Les paysans
ont vu s’élever leur niveau de vie et l’écart de leurs revenus
avec les citadins se réduire progressivement. Après ces
premiers succès, commencent en 1984 les réformes urbaines
décisives pour le développement de l’économie de marché,
avec la restructuration du secteur industriel public, la levée
du contrôle des prix, l’arrêt des subventions sur les produits
de base. Cette deuxième phase s’avère plus délicate,
provoquant une importante inflation – plus de 60 % pour
certains produits – et du chômage, naguère inconcevables.
Les réformes attisent la méfiance. On voit naître de graves
distorsions sociales à l’annonce de la suppression du « bol
de riz en fer » (la garantie du travail à vie) et de l’égalitarisme
des revenus. Le statut et les avantages ouvriers sont amoindris
au profit du groupe montant des technocrates, des directeurs.
Les conditions de vie de nombreux citadins se détériorent
tandis que la corruption à grande échelle explose.
La contestation exprime ce profond mécontentement
social, mais elle n’aurait pas pris une telle ampleur ni duré
aussi longtemps si la direction du Parti n’avait été autant
divisée. On a du mal à imaginer aujourd’hui quelles furent
la teneur et l’ampleur des débats qui ont lieu en Chine à
cette époque au sein du pouvoir, des milieux intellectuels
et aussi dans l’ensemble de la société chinoise plus politisée
au sortir du maoïsme qu’elle ne l’est peut-être aujourd’hui.
Deux lignes s’affrontent non seulement sur les questions
économiques mais sur les réformes politiques envisagées.
Il ne s’agit pas de changer la nature socialiste du système
mais de mieux adapter ses structures aux changements
économiques en cours.
Les résistants aux réformes exigent le retour
à « l’ordre socialiste »
Dès 1986, est annoncé un « programme à long terme
de réformes des structures politiques ». Il visait un désen-
gagement progressif du parti dans les affaires économiques
et administratives, un retrait du pouvoir dans les sphères
privées et familiales et un assouplissement du régime
dans de nombreux domaines de la vie politique et cultu-
relle. Le vice-premier ministre de l’époque, Wan Li, le
défend en ces termes : « Il est urgent de réformer les
structures politiques pour démocratiser le processus de
décision et éviter les errements auxquels les décisions
arbitraires le conduisent. » En référence à la Révolution
culturelle. Le 8 mai 1986, le Quotidien du peuple, organe
central du PCC, en appelle même la population à aban-
donner les « pratiques féodales » conduisant à obéir

« Nuit de sang à Pékin » aveuglément aux autorités. « L’expérience passée, pour-

Correspondante permanente de
l’Humanité en Chine au moment
du mouvement de la place
Tian’anmen, Dominique Bari
revient sur la nuit d’horreur dans
l’édition du 5 juin 1989. Extraits.
siège du Parti et du gouvernement,
peu avant minuit.
Les troupes sont arrivées au bord
de la place Tian’anmen où s’était
rassemblée une immense foule qui
attendait dans le calme. En peu de
entend partout « Fascistes ! ». Le mot
est prononcé par les membres de
Parti communiste chinois comme
par les autres. Selon des informations
concordantes, des unités militaires
informées de ce qui se passait ont
suivait le journal, a prouvé que la politique du parti et du
gouvernement est correcte à partir du moment où le peuple
est libre de ses opinions ». Et de rappeler que le marxisme
est « une science en évolution et non un dogme rigide » et
qu’il convient de « briser les opinions ossifiées » pour
« libérer l’idéologie et se livrer hardiment à un travail
d’exploration ».
Inquiets de la montée des tensions sociales génératrices

L
a Chine n’a plus le même visage.
En une nuit ses traits ont
changé. L’armée a tiré sur le
peuple. Il y a des centaines de morts
et plusieurs milliers de blessés. Des
unités spéciales dotées de tanks, de
blindés et d’automitrailleuses sont
arrivées par l’ouest, samedi dans la
soirée, et ont foncé sur les barrages
et sur les foules d’habitants qui les
gardaient. Carrefour après carrefour,
des victimes tombaient sur la
chaussée. Les unités ouvraient leur
chemin dans la foule en tirant,
bousculant les barrages ou visant les
autobus avec des tanks et blindés qui
écrasaient aussi des gens pour arriver
devant l’entrée de Zhongnanhai,
temps, le mouvement pacifique a
basculé dans le cauchemar. Au
moins une vingtaine d’ambulances
allaient et venaient sans cesse pour
emmener les blessés et les morts.
Des tricycles à plateau partaient
aussi vers les hôpitaux chargés de
victimes. Des témoins ont vu des
dizaines et des dizaines de corps
déchiquetés ou écrasés par les
chenilles des chars. « Ne tirez pas
sur le peuple, ne vous séparez pas de
lui », clamaient les gens aux soldats
en résistant aux accents de
l’Internationale et aux cris de
« Démocratie et liberté », « Vive la
Chine ».
Dimanche matin, la ville est gagnée
par la colère et l’indignation. On
refusé d’y participer. Des soldats se
sont réfugiés dans les hutongs ou
chez les habitants.
Dimanche, des milliers de Pékinois
sont là, face aux militaires. Tout à
coup éclatent des rafales de
mitrailleuses lourdes. La foule prend
la fuite vers l’est. Des dizaines de
corps restent étendus sur la
chaussée et sont emmenés par des
ambulances. À 11 heures, les
Pékinois sont revenus, malgré le
danger, face aux soldats. Cette fois,
ce sont des rafales à tir tendu
d’armes automatiques. À nouveau
le reflux vers l’est. À nouveau des
corps sur la chaussée. À nouveau
le rassemblement reformé devant
les armes pointées… D. B.
de troubles, les résistants aux réformes exigent le retour
à « l’ordre socialiste », mettant en péril les ambitions de
Deng Xiaoping, qui doit composer avec la faction que l’on
qualifie pour simplifier de « conservatrice » ou
d’« orthodoxe », à laquelle appartient le premier ministre
Li Peng. Elle s’oppose aux « réformateurs », regroupés
autour de Zhao Ziyang, secrétaire général du PCC et
successeur de Hu Yaobang. Malgré un compromis fragile
mis en place au 13e congrès du PCC en octobre 1987, les
conservateurs obtiennent, un an plus tard, le gel des
réformes, entraînant de nouvelles contradictions
économiques. Tous les voyants sont au rouge.
Avec la mort de Hu, la confrontation politique descend dans
la rue et entraîne dans son sillage des forces extrêmement
diverses, sur les plans social et politique, y compris des cadres
de l’administration et du parti. Exception faite des paysans,
toutes les couches de la population prennent part à la
protestation et la complexifient, la rendant très hétérogène,
même si une aspiration balbutiante à une « participation
 Mardi 4 juin 2019 l’Humanité 23

100 000
C’est le nombre d’étudiants qui se dirigent
vers Tian’anmen, le 21 avril 1989, à la veille

Histoire
des funérailles de l’ancien secrétaire général
du PCC, Hu Yaobang.

En mai 1989, l’immense place au cœur de Pékin est devenue le lieu d’un vaste forum où la parole se libère dans la plus totale confusion. Catherine Henriette/AFP

politique » est partagée. Elle se cristallise sur la dénonciation tant le chaos qui mettrait un frein à ses projets de de la stabilité politique et sociale conditionne le dévelop-
de la corruption, de l’autoritarisme et la revendication de modernisation. L’annonce de la loi martiale le 19 mai pement économique, tâche prioritaire du régime : sortir
plus de liberté d’expression et de pensée. Les uns réclament s’accompagne de la mise à l’écart de Zhao Ziyang et douche le pays de la pauvreté, le moderniser, élever le niveau de
des réformes, un véritable contenu social et une plus juste les espoirs d’une issue pacifique. Pourtant, rien n’est vie de la population, répète Deng, assureront sa légitimité
répartition des richesses. Pour eux, estime Jeffrey encore prêt pour lancer l’épreuve de force décisive : et le préserveront du scénario soviétique.
Wasserstrom, il ne s’agissait pas de « renverser le l’état-major de l’armée est divisé. Jusqu’au La Chine de 2019 n’est en rien comparable à celle de
système (…) ils voulaient seulement le réfor- 3 juin, tout semble tourner miraculeusement 1989. Sa société non plus, beaucoup plus inégalitaire,
mer ». D’autres, redoutant d’être les laissés- « LA PLUPART DES à l’avantage de la population, qui bloque mais bénéficiant déjà de la petite prospérité (xiaokang)
pour-compte des mesures annoncées, GENS NE VOULAIENT les blindés à la périphérie de Pékin. Jusque promise pas le pouvoir et surtout plus ouverte, plus
contestent publiquement leur bien-fondé et PAS RENVERSER dans la soirée où tout bascule. mobile. Un quart, voire un tiers des Chinois ont désormais
veulent revenir à l’ancien système. Un courant LE SYSTÈME. » un niveau de vie comparable à celui de la classe moyenne
ZHAO ZIYANG,
minoritaire de l’intelligentsia, l’œil rivé sur
ANCIEN SECRÉTAIRE
Un silence qui pèse dans les européenne. L’aspiration à la stabilité tout comme la
un Occident idéalisé, adopte des positions GÉNÉRAL DU PCC mémoires de toute une génération fierté nationale retrouvée n’ont pas gommé les conflits
radicales comme l’astrophysicien Fang Lizhi, Durant ces trente dernières années qui ouvriers, les revendications à plus de justice sociale, à
qui prône la rupture avec le marxisme, que ont transformé la Chine en profondeur, le un meilleur environnement, les dénonciations de la
l’on doit, selon lui, « abandonner comme de vieilles mouvement de 1989 est resté un sujet tabou. Des corruption ou de l’arbitraire des bureaucraties locales.
fripes que l’on jette ». Il trouve écho dans les nouveaux 241 morts, chiffres officiels, aux quelques milliers Toutefois, le consensus sur « le grand renouveau de la
milieux affairistes poussant à la privatisation de l’économie. avancés par certaines organisations de défense des droits nation chinoise », basé sur la réussite économique sans
Ces néolibéraux se sont posés en contestataires du régime, de l’homme (des ouvriers dans leur majorité), nul ne sait relâcher l’autoritarisme politique, proposé par Xi Jinping,
luttant contre la « tyrannie » et pour la « liberté » en parallèle encore quel est le bilan de l’intervention militaire et de trouve largement écho dans la population. Un sentiment
des appels à la démocratie qui traversaient alors l’Europe de la répression qui suivit en l’absence d’enquêtes et de que la politique agressive de Trump ne fait que renforcer.
l’Est. transparence de l’État. Un silence qui pèse dans les mé- L’annonce faite par Xi de l’entrée de la Chine dans « une
La confusion et l’indécision des manifestants trouvent moires de toute une génération. période de risques majeurs », du fait de la situation inter-
leur corollaire dans celles du gouvernement. La faction Dans les coulisses du pouvoir, les confrontations ne sont nationale instable et du bras de fer avec les États-Unis,
conservatrice aspire à une mise au pas autoritaire des pas closes. Deng met plus de trois ans à imposer la relance met en avant l’exigence d’unité nationale qui résonne
contestataires. Les réformistes prônent une solution négo- de sa réforme économique mais la répression de la mobi- comme l’épine dorsale de la politique intérieure.
ciée. Deng Xiaoping se range du côté des premiers, redou- lisation sociale lui a donné un cours plus libéral : le maintien DOMINIQUE BARI
24 l’Humanité Mardi 4 juin 2019
« Vous voulez la paix :
créez l’amour. »
Victor Hugo
BONNET D’ÂNE
« Sadiq Khan me rappelle
beaucoup le très idiot
et incompétent maire
de New York. »
DONALD TRUMP s’en est pris, hier,
à son arrivée en Grande-Bretagne,
au maire travailliste de Londres.
Un peu l’hôpital qui se fout de la
charité ?
C’EST UN MONDE
LE DOUBLE VISAGE DU CURÉ
« Jésus n’est pas né parmi les riches ou
les grands prêtres : il est né parmi les
humbles et les bergers. S’il était né
aujourd’hui, il serait peut-être né sur
un rond-point. » Cette réflexion a
récemment été faite par l’abbé Fran-
cis Michel, qui affiche régulièrement
son soutien aux gilets jaunes. On l’a
même vu paraître dimanche dans
une vidéo où il chantait : « Emmanuel
Macron, oh tête de con, on vient te
chercher chez toi ! » Sauf que sous la
chasuble se cache un escroc,
condamné en 2017 pour avoir dé-
tourné à son profit le denier du culte
entre 2006 et 2008.
MEDIATOC
AUJOURD’HUI EN FRANCE,
ADECCO ET LA MÉTÉO
Il n’y a pas que la météo qui s’est
améliorée ces jours-ci. Dans son
édition d’hier, Aujourd’hui en
France nous annonce une embellie
sur le marché du travail. Si, si ! « Le
ciel se dégage sur l’emploi », assure
le quotidien, à l’appui d’une « ex-
clusivité » : le lancement d’un nou-
veau baromètre du groupe européen
d’intérim Adecco. Celui-ci prévoit
3,5 millions de recrutements équi-
valents temps plein, en France,
pour 2019. De simples intentions
d’embauche, donc, estimées par
une entreprise privée, et à l’égard
desquelles les deux économistes
cités dans l’article central, Anne
Fretel et Mathieu Plane, font part
de leur scepticisme. Pour une « ex-
clusivité », voilà qui est peu banal.
Nos confrères manquaient-ils d’ins-
piration en ce début de semaine ?
De fait, l’évanescence de leur « fait
du jour » (sic) n’a d’égale que la
lourdeur du message martelé dans
l’article de bas de page : « Les op-
portunités professionnelles de-
mandent de la mobilité ». Toute une
idéologie…
Cactus
BLING-BLING
Avec les beaux jours viennent
les questions essentielles du choix
de son maillot de bain. Le plus cher
reste encore celui créé en 2014
par le styliste Yamamay et valant la
modique somme d’1 million d’euros.
Les puissants ne pourront pas s’asseoir dessus
Le billet de
Ça pique ! par Babouse Maurice Ulrich
Experts
On peut leur faire
confiance. En matière
de fiscalité ils en
connaissent un rayon
sur les mille et une
Bruno Arbesu
manières d’en user.
Huit experts d’un
groupe de financiers,
avocats d’affaires, conseillers
en placements viennent de
dévoiler les Intox fiscales qui
troublent l’esprit des Français, pour
en finir avec « les idées reçues »,
ce qui leur vaut deux pages dans
l’Opinion. La fraude fiscale évaluée
à 60 ou 80 milliards d’euros ?
Un chiffre qui provient,
« comme tous les autres »,
des extrapolations du Syndicat
national unifié des impôts et une
idée particulièrement pernicieuse
« lorsqu’elle est propagée parmi les
parlementaires ». Qui croient
n’importe quoi. À qui profite, sinon,
la fin (partielle) de l’ISF. Eh bien,
pas du tout à ceux que l’on croit,
selon nos brillants fiscalistes, pour
qui ce ne sont pas forcément les
plus riches qui en ont profité.
Reste cependant qu’on peut, tout
bien considéré, être autorisés
à penser « que des personnes
très fortunées ont bénéficié
d’un allègement significatif ».
ILS N’ONT PAS HONTE ! On s’autorise, on s’autorise...
Ibrahim, de la manifestation à l’expulsion ?
S
amedi 25 mai, se tenait à Paris une mani- femme. Lors de sa garde à vue, on lui a appris L’HUMANITÉ
festation contre les accords de Dublin. qu’il n’était plus sous le coup du règlement de Fondateur : Jean Jaurès.
Directeur : Patrick Le Hyaric.
Peu avant le départ du cortège, des Dublin. Mais, au lieu de lui permettre d’effec- Société anonyme à directoire et conseil
contrôles de police sont effectués, dans tout tuer sa demande d’asile, la préfecture veut de surveillance. Société nouvelle du journal
l’Humanité (SA 99 ans à compter du 1er janvier 1957).
le quartier, ciblant presque exclusivement maintenant l’expulser vers le Soudan. » Capital social : 2 500 000 euros.
des exilés. Neuf personnes sont interpellées, L’ignominie ne s’arrête pas là. Au commis- Siège social : 5, rue Pleyel, immeuble Calliope,
93528 Saint-Denis CEDEX.
dont trois Soudanais. L’un d’entre eux sariat, les policiers lui auraient fait signer Téléphone : 01 49 22 72 72.
est immédiatement libéré, mais les un document prérempli indiquant Service diffusion (fax) : 01 49 22 73 37.
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le premier risquant un renvoi DES EXILÉS, UN France. Ibrahim a pourtant Téléphone : 01 49 22 74 43 (commerciale)
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forcé vers l’Espagne, l’autre SOUDANAIS RISQUE bien fui le Darfour en guerre 01 49 22 74 89 (annonces légales).
vers… le Soudan. D’ÊTRE « ÉLOIGNÉ », et bénéficié de l’hospitalité Directoire : Patrick Le Hyaric, président
du directoire et directeur de la publication ;
Il se nomme Ibrahim et vit, PIÉGÉ PAR de Parisiens solidaires depuis Patrick Apel-Muller, directeur de la rédaction ;
depuis plusieurs mois, chez L’ADMINISTRATION. plusieurs mois. Piégé : sa Silvère Magnon, secrétaire général
et co-directeur de la publication.
un Francilien solidaire. La demande d’asile comporterait Conseil de surveillance :
Jean-Louis Frostin, président.
compagne de ce dernier, contac- aujourd’hui une mention stipulant Actionnaires principaux :
tée par l’Humanité, relate des faits plus qu’elle n’a « été introduite que de ma- l’Association des lectrices et lecteurs de l’Humanité ;
l’Association des diffuseurs de l’Humanité.
qu’inquiétants le concernant. Originaire nière à faire obstacle à son éloignement ». Impression : POP (La Courneuve),
du Darfour, Ibrahim a déposé une demande Pour la Cimade, il est intolérable que « ceux Mop (Vitrolles), Nancy-Print, CILA (Nantes).
Numéro ISSN : 0242-6870.
d’asile en novembre 2018. Refusée. L’État qui ont osé demander le respect de leurs droits Dépôt légal : date de parution.
ordonne alors son transfert vers l’Italie, puis subissent aujourd’hui une telle répression ». Commission paritaire : 1119 C 79615.
Tirage du vendredi 31 mai :
le déclare « en fuite » et donc inéligible à une Prévue hier après-midi, l’audience d’Ibrahim 47 068 exemplaires.
nouvelle demande pendant dix-huit mois. devant le tribunal administratif a été repor-
« Jusqu’à son arrestation, Ibrahim attendait tée, à la suite d’un nouveau recours de ses Imprimé sur des papiers
produits en France, Belgique
simplement le mois d’août 2019, afin de re- soutiens.
et Espagne – 60% ou 100 %
de fibres recyclées – IFDG.
Euphorisation PTot :
prendre ses démarches, explique la jeune ÉMILIEN URBACH 0,01 kg/tonne.