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Citations

La Condition ouvrière, de Simone Weil (1909-1943), œuvre publiée post-mortem en 1951 par
Albert Camus

1. « D'une manière générale, la tentation la plus difficile à repousser, dans une pareille vie, c'est
celle de renoncer tout à fait à penser : on sent si bien que c'est l'unique moyen de ne plus souffrir ! »
(Première lettre à Albertine Thévenon, p.51-52)
→ Le travail difficile pousse à l'abrutissement, on évite de réfléchir.

2. « [Ce] qu'un être humain peut vous faire de pire au monde, c'est de vous infliger des souffrances
qui brisent la vitalité et par conséquent la capacité de travail ». (Deuxième lettre à Albertine
Thévenon, p.55)
→ Un travail trop dur finit par empêcher de travailler, alors que le travail est vital.

3. Le travail ouvrier demande de « tuer son âme pour 8 heures par jour, sa pensée, ses sentiments,
tout ». (Troisième lettre à Albertine Thévenon, p.60)
→ Le travail en usine déshumanise l'être humain.

4. « [Tant] qu'on est incapable de travail suivi, on n'est bon à rien dans aucun domaine ». (Lettre à
Simone Gibert, p.75)
→ Il faut être patient et déterminé sur le long terme pour réussir son travail avec efficacité.

5. « Vous êtes le chef, et vous n'avez pas à rendre compte de vos décisions ». (Première lettre à
Victor Bernard, p.89)
→ La hiérarchie est sacrée dans le travail.

6. « Commander ne rend pas facile de se mettre à la place de ceux qui obéissent ». (Première lettre à
Victor Bernard, p.90)
→ Le chef, le patron, ne peut pas vraiment comprendre ce que vivent ses employés. Il y a un
décalage de point de vue dans le travail.

7. « On est très mal placé en haut pour se rendre compte et en bas pour agir ». (Deuxième lettre à
Victor Bernard, p.97)
→ Le manque de compréhension des patrons, et le manque de pouvoir des subordonnés
[=employés] rend impossible l'amélioration des conditions de travail des ouvriers.

8. « En ce qui concerne les usines, la question que je me pose, tout à fait indépendante du régime
politique, est celle d'un passage progressif de la subordination totale à certain mélange de
subordination et de collaboration, l'idéal étant la coopération pure ». (Quatrième lettre à Victor
Bernard, p.112)
→ En dehors de la pensée communiste habituelle, Simone Weil voit dans la coopération
entre chef et subordonné la clef d'un travail humain, accompli dans la joie malgré la fatigue et les
ordres reçus.

9. « Jamais ils n'ont le droit à une récompense morale de la part d'autrui ou d'eux-mêmes :
remerciement, éloge, ou simplement satisfaction de soi ». (Quatrième lettre à Victor Bernard, p.115)
→ Les travailleurs ont besoin, pour continuer à travailler, de reconnaissance, plus que d'un
simple salaire en argent, mais les ouvriers sont privés de ce plaisir.

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10. « A mon avis le travail doit tendre, dans toute la mesure des possibilités matérielles, à
constituer une éducation ». (Cinquième lettre à Victor Bernard, p.119)
→ Le travail doit servir à éduquer.

11. « Les sous deviennent une obsession. Jamais, à cause d'eux, on ne peut oublier la contrainte de
l'usine ». (« La vie et la grève des ouvrières métallos », p.160)
→ Le travail est sans cesse rappelé à l'ouvrier à travers son obsession de l'argent (car il ne
gagne jamais assez d'argent), le travail et ses souffrances hantent [comme un fantôme] toute la vie
de l'ouvrier.

12. En période de grève : « Joie de vivre, parmi ces machines muettes, au rythme de la vie humaine
– le rythme qui correspond à la respiration, aux battements du cœur, aux mouvements naturels de
l'organisme humain – et non à la cadence imposée par le chronométreur ». (« La vie et la grève des
ouvrières métallos », p.166)
→ Le rythme redevient naturel en période de grève, alors qu'il est inhumain en période de
travail.

13. « J'appelle humaine toute discipline qui fait appel dans une large mesure à la bonne volonté, à
l'énergie et à l'intelligence de celui qui obéit ». (Première lettre à Auguste Detoeuf, p.175)
→ La discipline ne doit pas s'imposer sans justification, ni être acceptée aveuglément, elle
doit venir d'une coopération consciente basée sur la certitude que cette discipline permet
d'optimiser le travail.

14. « Conserver la lucidité, la conscience, la dignité qui conviennent à un être humain, c'est
possible, mais c'est se condamner à devoir surmonter quotidiennement le désespoir ». (Première
lettre à Auguste Detoeuf, p.176)
→ Le travail est si humiliant, qu'être conscient de sa condition en permanence est presque
insupportable et l'ouvrier préfère alors oublier, et se comporter comme une machine.

15. Le petit patron « a l'habitude de s'adapter à ce qui est la force des choses ; s'il proteste
aujourd'hui, c'est parce qu'il a devant lui la force des hommes, d'hommes qu'il n'a pas choisis,
d'hommes qu'il estime tyranniques. » (Réponse d'Auguste Detoeuf, p.193)
→ Le petit patron accepte de se soumettre aux circonstances, mais pas aux hommes qui
veulent lui imposer leurs idées.

16. « Il faut accepter qu'il y ait des hommes bedonnants et qui ne raisonnent pas toujours très juste,
pour qu'au lieu de quelques chômeurs à peu près secourus, il n'y ait pas un peuple entier crevant de
faim et exposé à toutes les aventures ». (Réponse d'Auguste Detoeuf, p.194)
→ Mieux vaut accepter une situation imparfaite mais à peu près fonctionnelle, plutôt que de
risquer de tout perdre en voulant tout changer.

17. L'ouvrier est comme « un objet inerte que chacun peut à tout moment changer de place ».
(« Expérience de la vie d'usine », p.229)
→ Les ouvriers sont traités comme des objets, les chefs peuvent en faire ce qu'ils veulent à
tout moment, (en les changeant de poste).

18. « La pensée doit constamment être prête à la fois à suivre le cours monotone des gestes
indéfiniment répétés et à trouver en elle-même des ressources pour remédier à l'imprévu. Obligation
contradictoire, impossible, épuisante. » (« Expérience de la vie d'usine », p.231)
→ L'ouvrier est sans cesse tiraillé entre l'ennui du travail répétitif et l'angoisse du

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problème aléatoire qui risque d'arriver.

19. « Plus un travail est susceptible d'amener de pareilles difficultés [à résoudre soi-même avec
intelligence], plus il élève le cœur. » (« Expérience de la vie d'usine », p.231)
→ Le travailleur s'élève intellectuellement et a de la joie quand il doit résoudre un
problème par lui-même (contrairement au reste du temps où l'ouvrier doit suivre bêtement les
ordres).

20. « Rien n'est si puissant chez l'homme que le besoin de s'approprier, non pas juridiquement, mais
par la pensée, les lieux et les objets parmi lesquels il passe sa vie et dépense la vie qu'il a en lui ».
(« Expérience de la vie d'usine », p.236)
→ Le travailleur a besoin de sentir que ses outils, son lieu de travail, lui appartiennent,
même s'il n'est pas le réel propriétaire (mais l'ouvrier n'a jamais cette impression : il ne se dit pas
que c'est « son usine », « sa machine »).

21. « Le travail du paysan obéit par nécessité à ce rythme du monde ; le travail de l'ouvrier, par sa
nature même, en est dans une large mesure indépendant, mais il pourrait l'imiter ». (« Expérience de
la vie d'usine », p.246)
→ Le travail qui respecte le rythme de la nature est bon.

22. « Dans le mouvement ouvrier, cette nécessité d'étendre au monde entier les conquêtes ouvrières
de chaque pays socialement avancé est passée depuis longtemps au rang de lieu commun ». (« La
condition ouvrière, p.257)
→ Il est devenu évident qu'il faut que la défense des ouvriers se fasse au niveau mondial.

23. « Le point d'unité du travail intellectuel et du travail manuel, c'est la contemplation, qui n'est pas
un travail ». (« Condition première d'un travail non servile », p.277)
→ Il y a dans tout type de travail, un point commun, qui est la vision, dans le travail, de la
trace de Dieu, et qui rend tout travail noble et élevé.

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