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Étude transversale des œuvres

1. La négativité du travail
A] La nécessité ontologique du travail
a. La finitude de l'homme
Invocation du divin dans les 3 oeuvres rappelle la finitude de l'homme, les
limites de ses capacités et sa mortalité. Légende scandinave présenté par
Monsieur Onde dans PDB fait écho à toutes celles par lesquelles les hommes
se sont efforcés de comprendre la dureté de leur réalité.

Rappel du mythe
Loki parvient à convaincre Hödhr de tuer son frère Baldr, rendu presque
invulnérable par sa mère. Il le tue en lui lançant une pousse de gui.

"Par cet évènement la médiocrité de l'âge actuel est devenue sans


remède" (p.95, Monsieur Onde)

Humains, nous sommes de simples mortels condamnés à nous soumettre au


diktats des dieux : travailler pour vivre et, travaillant, souffrir.

"Le père des dieux lui-même a voulu rendre la culture des champs difficile, et
c'est lui qui le premier en a fait un art de remuer la terre, en aiguisant par les
soucis les cœurs des mortels et en ne souffrant pas que son empire
s'engourdît dans une triste indolence"

Par l'emploi du terme "mortels", Virgile ne vise pas seulement les humains mais
également les animaux qui ont en commun de partager la finitude, la soumissions
aux divinités, la fatigue, l'effort et la souffrance. Finis, les humains partagent avec
tous les autres animaux la même condition: celle d'êtres que la faiblesse
condamne à souffrir et à travailler
Quelques exemples

Choix des vaches et juments reproductrices

"Les plus beaux jours de l'âge des malheureux mortels sont les premiers
à fuir: à leur place viennent les maladies et la triste vieillesse, puis les
souffrances, et l'inclémence de la dure mort nous prend" (p.115)

Chez les abeilles

"car leur vie est sujette aux mêmes accidents que la nôtre" (p.159)

Chez S.Weil, comme chez Virgile, nous avons été chassés du jardin d'Eden où
la nature n'opposait aucune résistance, un âge d'or révolu.

"Nous avons été jetés hors de l'éternité "


(S.W p.348 Expérience de la vie d'usine)
"avant Jupiter,[...] la terre produisait tout d'elle même, librement, sans
contrainte" (Virgile, p.45)

Cette sanction divine nous condamne à endurer les douleurs du corps, à laquelle nul
ne peut échapper.

"Nous avons été jetés hors de l'éternité; et nous devons réellement traverser le
temps, avec peine, minute après minute. Cette peine est notre partage, et la
monotonie du travail en est seulement une forme" (p.348)

Cette peine est notamment liée à la monotonie et l'ennui, dont souffre en partie
l'ouvrier de l'usine. Cependant cette monotonie est inévitable et nous devons
l'accepter

"Il est à la fois inévitable et convenable qu'il y ait dans le travail de la monotonie
et de l'ennui, et d'ailleurs il n'est rien de grand sur cette terre, dans aucun
domaine, sans une part de monotonie et d'ennui" (p.347)

b. La nudité de l'homme
L'homme ne possède pas par nature les moyens de se protéger ni les savoir-
faire nécessaires à sa survie (contrairement aux abeilles par exemple

"les instincts merveilleux dont Jupiter a lui-même doté les abeilles" (p.153)

Il y a donc une absence d'instinct qui permettrait à l'homme d'effectuer un tâche


spontanément dans l'inconscience d'une soumission à une règle, ce qui explique la
contingence de l'organisation du travail ouvrier tel que SW en fait l'expérience, fruit
d'un rapport de force profitable aux patrons, dans une optique de rentabilité.
Par ailleurs, les ouvriers sont interchangeables, et les tâches qu'ils effectuent ne
requièrent aucune qualification mais une attention continue afin de suivre la
cadence.

"Les choses jouent le rôle des hommes, les hommes jouent le rôle des choses;
c'est la racine du mal"
"Ceux-là sont des choses autant qu'un être humain peut l'être, mais des choses
qui n'ont pas la license de perdre conscience, puisqu'il faut toujours pouvoir faire
face à l'imprévu"

L'homme est d'autant plus blessé de son dénuement qu'il en est conscient -->
humiliation et prise de conscience que l'homme n'est peut-être pas si supérieur
aux animaux qu'ils ne le pensaient.

Scatologie pdb
Echange Jack, Jenny et les chefs de ravoir et Dehaze, qui rappelle à ces
derniers la réalité du produit qu'ils vendent et éveillent la "gêne" et la
"honte" d'être un animal qui "chie", et pire: que "chier est un plaisir" (p.146)

c. L'indifférence de la nature
L'homme est non seulement dénué de savoir-faire instinctifs mais en plus la
nature n'a que faire de lui. --> nécessité pour l'homme de s'adapter
Avant même de travailler et cultiver la terre, il faut étudier la nature

"Mais avant de fendre avec le fer une campagne inconnue, qu'on ait soin
d'étudier au préalable les vents, la nature variable du climat, les traditions de
culture et les caractères des lieux, et ce que donne ou refuse chaque
contrée" (p.41 Virgile)

Virgile lance donc une étude des terrains dans le chant II. Pour ce faire, il conseille
de "creuser profondément un puit". Cette activité est présente métaphoriquement
chez Vinaver lorsque Monsieur Onde compare son travail à celui d'une taupe:

"On n'emmène pas des gens avec soi quand on est une taupe creusant ses
galeries sans presque jamais refaire surface"

Il suggère ici que les textes mythologiques ne se révèlent pas d'eux même, à l'instar
de la nature qui nous entoure. Si l'on peut débusquer le sens dans ces textes, c'est
au prix d'un effort comparable à celui de l'agriculteur qui cherche à tirer le meilleur de
sa terre.

CCL: Limites des capacités humaines, défaut d'instinct, indifférence de la nature font
du travail une nécessité. Par ailleurs, il ne peut pas travailler sans apprendre à
travailler en premier lieu. Le travail n'est pas un choix, et il est foncièrement négatif,
on ne peut s'y adonner sans peine

B] La souffrance, une composante essentielle du


travail
a. Le sentiment d'hostilité de la nature
Alain maquette serpent poète temps temps

Si la nature se montre indifférente (cf paragraphe précédent), l'indifférence qu'elle


nous témoigne est perçue comme une hostilité cruelle

"Tout est contre nous ; mais disons mieux, tout est indifférent" (Alain, dans
Hercule)

--> Contraste entre les efforts déployés et la persistance des obstacles et menaces

Métaphore maquette publicitaire


L'agent publicitaire (Jaloux), propose une maquette publicitaire présentant une
"famille française typique idéale", "réunie dans le petit jardin sauvage qui est
comme une oasis". C'est comme un jardin d'Eden conquis grâce au travail du
père "cadre ou ingénieur", cependant "l'aspect lugubre de l'existence" est
rappelé au second plan par "une barre d'immeubles" qu'on aperçoit à travers la
fenêtre. Cette sordide barre d'immeuble rappelle la vanité de nos efforts et la
facticité du bonheur que l'on s'aménage.

Virgile pointe à maintes reprises les risques auxquels sont exposés la travailleurs
des champs, conformément à la volonté de Jupiter. Chant I: les efforts déployés ne
protègeront pas les champs de tous les dangers

"Et cependant, en dépit de tout ce mal que les hommes et les bœufs se sont
donné pour retourner la terre, ils ont encore à craindre l'oie vorace, les grues du
Strymon, l'endive aux fibres amères et les méfaits de l'ombre" (p.45) (superflu)

Une foule d'ennemis se dresse devant le travailleur (à cause de Jupiter)

"C'est lui qui donna leur pernicieux virus aux noirs serpents, qui commanda aux
loups de vivre de rapines, à la mer de se soulever; qui fit tomber le miel des
feuilles, cacha le feu et arrêta les ruisseaux de vin qui couraient ça et là: son but
était, en exerçant le besoin, de créer peu à peu les différents arts." (p.45-46)

Virgile parle de "guerre assidue" et pense les outils des "rudes campagnards"
comme des "armes" (p.47)
Métathème: Travail de l'écrivain: Virgile semble lui-même mener une guerre,
comme si l'écriture poétique était une bataille.

"Je ne me dissimule pas en mon for intérieur combien il est difficile de vaincre
mon sujet par le style et de donner du lustre à de minces objets"

"Mais le temps fuit, et il fuit sans retour, tandis que séduits par notre sujet nous le
parcourons dans tous ses détails"

Virgile inscrit aussi le travail du poète dans la bataille que mène chaque homme face
au temps.
Le cours du temps nous contraint à nous dépêcher, et tomber dans l'obsession du
rendement, comme Taylor, nous dit S.W. dans "La rationalisation"

"Son grand souci était d'enlever toute perte de temps dans le travail" (p.313)

Cette obsession procède d'une réalité humaine qu'est notre finitude. Notre temps de
vie limité nous inscrit dans une course. Tension au sein du travail : ** entre le besoin
travailler pour vivre et vivre tant qu'il est encore temps.

b. La souffrance de l'aliénation animale


faim exister amour amour caca

SW dans "La vie et la grève des ouvrières métallos" rappelle comment l'organisation
du travail ramène constamment les travailleurs à leurs besoins vitaux :"la faim", "les
sous", "la fatigue", l'angoisse de ne pas arriver à dormir

"Attention qu'alors l'excès de fatigue n'empêche pas de dormir! Le lendemain il


faudrait forcer encore un peu plus"

La potentielle insatisfaction de ces besoins devient une obsession: Manger est


indispensable pour vivre, mais aussi pour travailler qui est indispensable pour
survivre.

"La faim jointe à un dur travail physique, c'est une sensation poignante" (p270)

C'est "l'horreur" parce que cela réduit tous les faits et tous les temps de l'existence à
la seule préoccupation animale: survivre

" Exister n'est pas une fin pour l'homme, c'est seulement le support de tous les
biens, vrais ou faux. [...] Quand elle est nue, elle n'a plus aucun rapport au bien,
elle est même un mal." Elle se "substitue à tous les biens absents" et "devient
l'unique fin". "Le désir de l'âme se trouve attaché à un mal nu et sans voile.
L'âme est alors dans l'horreur." (p.419)

Cette aliénation ne concerne pas seulement nos besoins vitaux, mais également les
pulsions sexuelles (cf Virgile chant III) : Force du désir amoureux

"L'amour est le même pour tous"(p.124)


"Que n'ose point un jeune homme lorsque le dur amour fait circuler dans ses os
son feu puissant"(p.125)

SW met en garde son ancien élève Simone Guibert contre l'amour, et explique avoir
préféré écarter l'amour à titre personnel.

"En ce qui concerne l'amour, je n'ai pas de conseils à vous donner, mais au
moins des avertissements. L'amour est quelque chose de grave où l'on risque
souvent d'engager à jamais et sa propre vie et celle d'un autre être humain"
"Besoin vital d'un autre être" "concilier un pareil besoin avec la liberté"

Travail + éducation == nous arracher à l'ordre naturel que nos besoins nous
rappellent. Le travail est donc comme une piqure de rappel.

Dans PDB Le psychosociologue Reszanyi utilise le concept de sublimation pour


expliciter cette idée d'un désir humain de dépasser ses besoins et pulsions animales
(p.168). "Le jeu le don la propriété l'usage des armes" sont des sublimations des
pulsions sexuelles que connaît l'enfant durant son stade anal, où il considère ses
excréments comme "sa création". Le travail relève d'un tel processus de sublimation
puisqu'il sublime la pulsion en une création supérieure, proprement humaine. Il faut
cependant que ce travail laisse une place à la création, luxe qui n'est pas permis à
tout le monde. Ceux qui exécutent ne créent pas, donc sont privés d'une telle
sublimation.
D'où la distinction entre les "opprimés" et les "libérés" (p.170) selon que l'acte
d'évacuer ses excréments est une servitude ou une libération. Tous se débattent
avec leur besoins et pulsions en travaillant, mais seuls certains parviennent à
sublimer leur aliénation (animale)

c. L'épreuve de la discipline
Soumission du travailleur à un ordre, souffre en silence

"Un bon papier c'est comme un bon service des ventes ça résiste et ça fait son
travail / Un bon service administratif est un service qui suit le mouvement
madame Alvarez et qui se laisse oublier"(p.20-21) (mme alvarez et dutôt)

Mais la discipline et l'obéissance ne sont pas mauvaise en soit, et des ordres sont
même nécessaires
"j'ai au plus haut point le respect de la discipline dans le travail, et je méprise
quiconque ne sait pas obéir" (lettre à Victor Bernard, p.242)

Différence entre ordre d'autorité et ordre de pouvoir, le dernier réduisant l'autre à une
totale soumission en usant de la peur et de l'arbitraire

"Mais il y a ordres et ordres"


"Je ne puis accepter les formes de subordination où l'intelligence, l'ingéniosité, la
volonté, la conscience professionnelle n'ont à intervenir que dans l'élaboration
des ordres par le chef , et où l'exécution exige seulement une soumission
passive dans laquelle ni l'esprit ni le cœur n'ont part ; de sorte que le
subordonné joue presque le rôle d'une chose maniée par l'intelligence d'autrui "

Cependant, c'est de cette même subordination disciplinaire que Virgile semble faire
l'éloge parmi les abeilles. Une discipline "admirable" tant individuellement que
collectivement

"Elles ne se laissent pas aller à l'accouplement", "elles n'énervent pas


languissamment leur corps au service de Vénus"(p.156) (individuel)
"Tant que ce roi est sauf, elles n'ont toutes qu'une seule âme"(p.157) elle le
servent tandis qu'il "surveille leur travaux"

C'est ici une relation de pouvoir, de celles que, dirait SW, l'homme ne peut supporter
qu'à la condition d'éteindre sa conscience et son intelligence , soit renoncer à son
humanité.

CCL: Le travail confronte à la résistance de la nature, l'irréductibilité des besoins


vitaux et la nécessité d'une discipline. Il ne va donc pas sans une part de souffrance
qui accentue la négativité.

C] Des souffrances contingentes que s'infligent les


hommes
a. L'humiliation
Malgré la fascination des humains pour la ruche, Virgile ne succombe pas à la
tentation de la prendre pour modèle parfait. En effet, le modèle de la ruche
ressemble plutôt à un modèle d'esclavage antique.
Cependant, Virgile semble promouvoir un travail autonome et éclairé

"J'ai eu, moi, tout le mal du monde à conserver ma dignité [...] parce que toujours
les conditions d'existence l'effaçaient et tendaient à me ravaler à la bête de
somme"(Lettre à Victor Bernard p.216-217)

Chez Vinaver, ce sont les techniques de management qui sont critiquées: Margerie
confie à son mari Benoît la puanteur que sont devenus les sympathiques "garçons
américains" avec lesquels jadis elle couchait:

"Aussitôt quittée l'université ils devenaient des petits managers puant qui ne
pensent plus à autre chose qu'à manage their business"
"Mais toi tu deviens tous les jours un peu plus manager un peu plus con" (p.69)

En effet, Benoît se montre sinon con, au moins "puant" de froideur et de


manipulation dans son rapport avec ses employés

"A partir de ce soir, vous ne faites plus partie de la maison" ( Déclare-t-il à Dutôt,
p.60)
"Nous avons décidé de vous offrir le repos" (A mme Bachevski, hypocritement,
p.206)
"qu'on vous ouvre le ventre qu'on vous ôte les entrailles, on vous recoud mais il y
a un vide là-dedans " "merci à monsieur Benoît de m'avoir invitée merci merci
pour tout ce que vous avez fait merci à vous tous merci pour tout"(Mme
bachevski)
"Ceux d'entre vous qui n'adopteront pas la cadence eh bien ils resteront sur le
quai"

Confusion et douleur. L'employé est utilisé et jeté, et la honte de vivre dans cette
humiliation pousse à remercier celui même qui nous a "remercié" (viré)

+++ CERTAINS POINTS DE LA PARTIE D'AVANT SUR LA DISCIPLINE ET LA


NUDITE (les hommes jouent le rôle des choses etc)

b. L'affaissement de la pensée
Le travailleur en usine devient une "bête de somme résignée"(p.59) On ne lui
demande aucune réflexion
La cadence imposée empêche toute pensée.

"Il y a deux facteurs à cet esclavage: la vitesse et les ordres"


"Une cadence qui, étant plus rapide que la pensée, interdit de laisser cours non
seulement à la réflexion, mais même à la rêverie"
"Penser, c'est aller moins vite"

Et même en dehors de l'usine, l'ouvrier ne peut pas penser sans quoi il souffrirait
encore plus

"D'une manière générale, la tentation la plus difficile à repousser, dans une


pareille vie, c'est celle de renoncer tout à fait à penser: on sent si bien que c'est
l'unique moyen de ne plus souffrir"

Mme Alvarez s'en aperçoit elle-même au début de la pièce: la subordination


empêche de penser et les ouvriers ne sont pas source de proposition

"Evidemment ce n'est pas la peine de s'attendre chez les gens de l'usine à la


moindre initiative" (p.20)

c. Les raisons des souffrances contingentes


La division du travail, l'obsession du rendement: le but est de piéger le travailleur
(Fordisme et taylorisme)

A propos de Taylor : "Son but était d'ôter aux travailleurs la possibilité de


déterminer eux-mêmes les procédés et le rythme de leur travail, et de remettre
entre les mains de la direction le choix des mouvements à exécuter au cours de
la production" (p.313) CF paragraphe sur la discipline.

Puis l'introduction des machines. Les ouvrier doivent les servir et non s'en servir, ils
doivent s'adapter à elles sans pour autant comprendre le fonctionnement. (Les
choses joue le rôle des hommes etc...)

Enfin, c'est le manque de fraternité:

"De vraie fraternité, je n'en ai presque pas senti" (Lettre à Albertine Thévenon,
p.54)
"La honte quand je vois cette femme âgée lécher les bottes de tous ces petits
chefaillons" (Tensions entre Mme Alvarez (qui parle ici) et Mme Bachevski)

2. Travail et besoins fondamentaux


Niveau de vie = enjeu majeur du travail ? (seule raison ? --> non)
Charpente l'identité personnelle et sociale de l'individu

A. Du besoin aux vertus de l'effort


a. Travailler pour subvenir à ses besoins
L'être humain est contraint de travailler pour gagner son pain. Impératif vital, car
faute de quoi, on se condamne à "crever de faim" (p.53)

"Il y a dans le travail [...] un élément irréductible de servitude que même une
parfaite équité sociale n'effacerait pas. C'est le fait qu' il est gouverné par la
nécessité , non par la finalité."
"Parce qu'on a besoin de gagner sa vie" (p.419)

Dans les georgiques, présence du souci alimentaire --> production agricole

Les laboureurs l'hiver "jouissent d'ordinaire du fruit de leur travaux, en donnant


tour à tour de gais festins entre eux"(p.56)

Ceci explique pourquoi l'on travaille avec acharnement

"tous les obstacles furent vaincus par un travail acharné et par le besoin pressant
en de dures circonstances "

b. Le travail comme solidarité avec autrui


Le résultat du travail fourni est bénéfique à la société. L'existence même du travail
réside dans le bénéfice qu'en tire autrui
Solidarité au travail vue comme idéal selon Weil
Moment de complémentarité chez Vinaver, chacun contribue à la nouvelle marque:
Le brainstorming où Jenny complète Jack:
"Jack: Parce qu'un brainstorming
Jenny: Ne peut pas rater"

Virgile écrit les Georgiques dans un élan poétique mais aussi pour transmettre le
savoir. Son travail sera utile au reste de la société.

c. Une souffrance féconde


Avant que la souffrance inhumaine n'aliène, elle peut stimuler
Les obstacles poussent l'homme à se perfectionner

"Son but était, en exerçant le besoin, de créer peu à peu les différents arts" (p.45-
46)

Ce sont les difficultés rencontrées par Ravoir et Dehaze qui lui permettent de
rebondir (échec de bleu blanc rouge entraine le nouveau produit mousse et bruyère
ainsi que la restructuration de l'entreprise)

"En ce moment nous raclons le fond et nous allons le racler encore un peu plus
durement pendant quelques temps" (Benoît discours p.130)

Après l'effort le réconfort : on apprécie mieux les distraction après avoir travaillé. SW
admet qu'en sortant de l'usine, on n'a pas forcément envie d'y repenser

"Quand on est dans cet état d'esprit, on n'a rien de mieux à faire qu'à se
détendre"

B. Le travail comme facteur d'épanouissement


personnel
a. Le travail, raison de vivre
Licenciement DEGUISE de Lubin est un drame (il démissionne), notre vie se
construit autour du travail

"Je suis né vendeur il me faut la route le contact avec la clientèle le goût de la


victoire chaque fois que j'enlève une commande" (Lubin p.219)

Virgile : La mort de la ruche d'Aristée est une destruction totale de l'être


"Voici que l'honneur même de ma vie mortelle, qu'à grand-peine et après avoir
tout tenté m'avait procuré l'ingénieuse surveillance de mes récoltes et de mes
troupeaux, je le perd à présent" (p.163-164)

Le bonheur au travail
Chez Virgile, éloge du mode de vie des cultivateurs, et donne un sens à la vie

"Ô trop fortunés, s'ils connaissent leurs biens, les cultivateurs ? Eux qui, loin des
discordes armées, voient la très juste terre verser de son sol une nourriture
facile"
"C'est un travail; mais espérez-en de la gloire, courageux cultivateurs! "

Chez Weil

"Une usine, cela doit être [...] un endroit où on se heurte durement,


douloureusement, mais quand même joyeusement à la vraie vie. Pas cet endroit
morne où on ne fait qu'obéir, briser sous la contrainte tout ce qu'on a d'humain,
se laisser abaisser au-dessous de la machine"

Chez Vinaver

"Je vous dirai que je suis plus heureux maintenant le travail est plus intéressant"
(Cohen p.188)

b. Identité au travail, identité sociale


L'estime de soi est liée à l'identité de l'individus, or les ouvriers n'ont aucune
reconnaissance

Les ouvriers "n'ont droit à une récompense morale de la part d'autrui, ou d'eux-
mêmes : remerciement, éloge, ou simple satisfaction de soi" (p.234) Ce qui cause
la dépression morale
"Tout ouvrier serait heureux et fier de montrer l'endroit où il travaille à sa femme
et à ses enfants" (p.345)

Travail = famille = travail


Dehaze décrit la fête annuelle comme une "réunion de famille"(p.32), ou encore la fin
de la pièce souligne cet aspect, avec le festin de marriage qui rend hommage aux
anciens membres de l'entreprise
"De sorte que la fin rejoint le commencement" (Passemar p.250)

c. Le travail, au contact de la vraie vie


Le travail c'est le monde du concret. Il s'agit d'agir, non seulement de ressentir. Ne
pas rester dans l'oisiveté, car celle-ci nous empêche de nous accomplir en tant
qu'être humain

"J'ai le sentiment, surtout, de m'être échappée d'un monde d'abstractions et de


me trouver parmi des hommes réels -bons ou mauvais, mais d'une bonté ou
d'une méchanceté véritable"(p.68)
"La réalité de la vie, ce n'est pas la sensation, c'est l'activité -j'entends l'activité et
dans la pensée et dans l'action" (p.69)

Virgile dépeint les scythes comme un race d'homme incapable de s'accomplir


pleinement, contrairement au Romain

"ces barbares qui mènent une vie tranquille et oisive"(p.132)

L'absence d'activité brise l'individu : les chercheurs d'emplois:

"C'est une expérience où on laisse une bonne partie de sa fierté"(p.221)

C. L'entreprise, emblème du travail qui galvanise


l'être humain
a. La répartition des tâches
Caractère rassurant, rejoint le paragraphe solidarité au travail. Epanouissement
collectif, on se sent à sa place. Une harmonie émane (ou devrait émaner) de
l'organisation de l'entreprise

"cette année on s'est vraiment bien amusés comme chaque année d'ailleurs"
(Passemar p.26)

L'usine devrait permettre l'estime du travail de chacun, de se sentir comme utile et


même indispensable
"On ne se sent pas petit comme dans une foule, on se sent indispensable"
(p.329)

Mais la répartition des tâches évolue nécessairement au sein de l'entreprise: Toute la


pièce de Vinaver le montre, et même la ruche de Virgile

Les "nouveaux rois" prennent la place des anciens pour guider les essaims
(p.146) (parallèle avec Benoît et Olivier)

Chez Weil, l'évolution doit émerger d'un dialogue avec les patrons qui imposent une
répartition des tâches parfois insupportable.

b. La course grisante au profit


L'entreprise tend vers une finalité commune qui galvanise dirigeants et employés : le
profit

"Dans moins de cinq ans Margerie la bonne vieille affaire paternelle vaudra dix à
quinze fois ce qu'elle vaut aujourd'hui" (Benoît à Margerie p.124)

La course au profit possède aussi des relents de guerre

"Un général ne peut rien faire sans ses troupes" (Dutôt p.242)

Parallèle avec les ruches, comme 2 entreprises en concurrences, ou comme Benoît


et Olivier en concurrence au sein de l'entreprise

"s'acharnant à ne pas céder jusqu'au moment où le terrible vainqueur a forcé l'un


ou l'autre parti à plier et à tourner le dos" (p.149)

c. Une fascination symbolique pour l'entreprise


C'est une abstraction puissante et mystérieuse
Lien tissé entre la lutte des entreprises et le mythe des Ases et des Vanes.
L'entreprise exerce toujours un charme indéfectible sur l'employer.
L'individu est fasciné mais tétanisé face à l'entreprise

"On se plaint des normes, du manque de travail, de bien des choses, mais ce
sont des plaintes, et voilà tout. Quant à l'idée de résister tant soit peu, elle ne
vient à personne" (p.64)
Dévouement et vénération

"Vous avez été un serviteur dévoué et ardent de la maison" (Benoît à Mme


Bachevski, p.207)
"Tant que ce roi est sauf, elles n'ont toutes qu'une âme" (Métaphore de
l'entreprise via les abeilles, p.157)

Occupation des usines est synonyme de joie, prise de pouvoir symbolique pendant
les grèves

"la joie, pendant l'occupation des usines, de posséder l'usine par la pensée, d'en
parcourir les parties, la fierté toute nouvelle de la montrer aux siens et de leur
expliquer où on travaille"(p.343)

3. La force du travail
Le travail est une valeur à laquelle on attache une vertu

"Tous les obstacles furent vaincus par un travail acharné"(p.46-47)

Le travail n'est pas seulement ce qui avilit. Il permet à l'être de questionner son
humanité même. Le vide mental provoqué est paradoxalement une fenêtre sur la
pleine conscience d'être au monde car les travailleurs sont

"des choses autant qu'un être humain peut l'être, mais des choses qui n'ont pas
licence de perdre conscience" (p.337)

A. La force du travail : transformer la face du


monde et des êtres
a. Le monde du travail : une transformation concrète, de
surface...
Transformation du paysage

"Telle encore cette terre, d'où le laboureur irrité a a fait disparaître une forêt,
abattant des bocages longtemps inutiles et arrachant jusqu'au bout de leurs
racines les antiques demeures des oiseaux[...]"(p.86)
Transformation du corps

"Physiquement aussi, sombrer, en dehors des heures de travail, dans une demi-
somnolence est une grande tentation"(p.53)
"maux de têtes" (p.56)

b. ...mais qui est aussi mutation intérieure, psychologique


et morale
"Un jour je me suis rendu compte que quelques semaines de cette existence
avaient suffi à me transformer en bête de somme docile"(p.216)
"travailler en usine. Ça a voulu dire que toutes les raisons extérieures (je les
avais crues intérieures, auparavant) sur lesquelles s'appuyaient pour moi le
sentiment de ma dignité, le respect de moi-même ont été en deux ou trois
semaines radicalement brisées sous le coup d'une contrainte brutale et
quotidienne" (p.59)
"J'y ai laissé ma gaieté, dans cette existence ; j'en garde au cœur une amertume
ineffaçable" (p.61)

Margerie ironise cette transformation

"Aussitôt quittée l'université, ils devenaient des petits managers puants qui ne
pensent plus qu'à manage their business alors je suis partie" (p.69)

Oscillations entre la joie et la peine chez Virgile

"paysans Ausoniens [...] riant à gorge déployée"(p.95 -96)


"Le laboureur s'en va, tout triste, dételer l'autre bœuf affligé de la mort de son
frère"(p.139)

c. De la résignation à la reconquête de soi: l'avilissement


comme source de résilience
Le travail n'est pas qu'un fléau. La difficulté de la tâche invite au dépassement de soi

CF la citation sur le père des dieux et la triste indolence +++

Etre atteinte au plus profond de son être et de sa dignité est ce qui pousse SW a
poursuivre son combat
"J'ai beaucoup souffert de ces mois d'esclavage, mais je ne voudrais pour rien au
monde ne pas les avoir traversés. Ils m'ont permis de m'éprouver moi-même et
de toucher du doigt tout ce que je n'avais pu qu'imaginer. J'en suis sortie bien
différente de ce que j'étais quand j'y suis entrée - physiquement épuisée,
mais moralement endurcie." (p.56)

L'évolution de l'entreprise bouleverse la vie professionnelle et conjugale des


personnages:
Olivier et Margerie. Benoît et Jenny.
Un dénouement en happy ending (avec mariages et promotions) qui montre que le
travail semble enclencher un cercle vertueux

"De sorte que la fin rejoint le commencement"(dernière réplique, Passemar)

B. Le travail comme facteur d'élévation et de


libération de l'être
a. Don de soi dans la dignité
Il faut compenser le déséquilibre dû à un développement purement matériel du
travail (rationalisation) par un développement spirituel.

"L'usine pourrait combler l'âme par le puissant sentiment de vie collective - on


pourrait dire unanime - que donne la participation au travail d'une grande usine"
(p.329)

Mais il y a un risque. Lorsqu'on se donne entièrement au travail, sa disparition


entraîne la une perte de sens à la vie.

"mais il y a un vide là-dedans j'ai jamais rien caché jamais rien refusé toujours
donné alors je me suis donnée à la société merci à monsieur Benoît" (Mme
Bachevski p.245) Employée malade et coupée en deux, une partie d'elle n'ayant
pas survécu au licenciement

b. Plaidoyer pour des conditions de travail plus humaines,


pour "un travail non servile"
Les conditions propices à une élévation spirituelle ne sont pas à chercher dans
l'esprit du travailleur mais dans les conditions matérielles.

"le principal obstacle au développement réside dans des conditions de vie


humiliantes" (Lettre à Victor Bernard, p.213)

Une solution envisagée par Weil n'est pas de supprimer la subordination, mais
passer progressivement à un mélange de subordination et de coopération.

"un passage progressif de la subordination totale à un certain mélange de


subordination et de collaboration, l'idéal étant la coopération pure"

La solution est que l'action ait du sens, susciter en lui la fierté d'un travail accompli,
qu'il domine le temps et non le subisse. Elle propose d'imiter pour cela le rythme du
paysan.
Virgile propose paradoxalement de se plier au rythme des saisons et de la météo

car "le cultivateur chez lui [...] peut faire à loisir bien des ouvrages qu'il lui faudrait
plus tard hâter par un ciel serein" (p.54)

c. Une "nouvelle méthode de raisonner" : un raisonnement


en acte
Simone Weil dénonce le travail mécanique et la Taylorisation

"Le tragique de cette situation, c'est que le travail est trop machinal pour offrir
matière à la pensée, et que néanmoins il interdit toute autre pensée. Penser, c'est
aller moins vite" (p.67)

Pourtant, elle n'envisage par écarter les machines du travail, mais tente de montrer
qu'une nouvelle manière de raisonner est possible

"Nouvelle méthode de raisonner qui soit absolument pure - et à la fois concrète"


(p.189)
"mettre en tout domaine mes idées à l'épreuve du contact avec les faits" (p.241)

Un nouvel idéal : mettre en conformité ses actions et sa pensée. A cette condition, le


travail non servile peut développer une "attention intuitive", qui "tournée directement
vers Dieu, constitue la vraie prière" (p.430)
Chez Virgile, à la fin du chant IV, la mort de la ruche d'Aristée le pousse à se
questionner sur le sens même de sa vie.

"Ma mère, [...] pourquoi m'as tu fait naître de l'illustre race des dieux [...] puisque
je suis en butte à la haine des destins"(p.163)

C. Du travail de l'ouvrier au travail de l'écrivain,


œuvrer à transfigurer le monde
a. Le travail : tout un "art", la beauté du geste
Le travail peut être beau en lui même d'où les "arts" chez virgile
Il chante lui même leur beauté

"C'est pour toi que j'entreprends de célébrer l'art antique qui a fait ta gloire" (p.84)
(art antique = agriculture)

SW explique même que

"le peuple a besoin de poésie comme de pain" mais cette poésie n'est pas
"enfermée dans les mots". Il faut que "la substance quotidienne de sa vie soit
elle-même poésie" (p.424)

Le travail peut transfigurer le monde, et faire de la véritable alchimie (transformer la


boue en or)
CF le brainstorming sur un sujet tabou. Il s'agit "d'ouvrir la vanne"(p.146, Jenny)
Art de fabriquer un produit

b. Un nouvel humanisme : le travail, révélateur de l'homme


Travail= valeur fondatrice de l'homme, pas d'éloge de "l'otium"
Activité Noble selon Virgile

"Tels sont les instruments que tu auras soin de te procurer longtemps d'avance, si
tu veux mériter la gloire d'une campagne divine"

Le travail révèle la nature de l'homme:


"Ceux qui vivent de sensations ne sont, matériellement et moralement, que des
parasites par rapport aux hommes travailleurs et créateurs qui seuls sont des
hommes" p.69

SW propose une vision vision valorisante d'un travail qui sait rester humain. Elle fait
notamment l'éloge du travail manuel

"J'ai toujours eu au contraire un vif penchant pour le travail manuel."


"j'y avais trouvé des joies pures et profondes" (p.283) à propos d'une de ses
expériences de travail dans les champs.

c. Le travail de transfiguration : un monde de signes à


interpréter
Le monde est à déchiffrer, avant même que le laboureur puisse faire son travail

"Et pour que nous puissions connaître à des signes certains les chaleurs, et les
pluies, et les vents précurseurs du froid, le Père lui-même a déterminé ce
qu'annonceraient les phases de la lune, quel signe marquerait la chute des
autans, quels indices souvent répétés engageraient les cultivateurs à tenir leur
troupeaux plus près des étables" (p.59)

l'anus dont on extrait "la tourbe nauséabonde" devient une "mine" dont on extrait
"des diamants" p.138

Monsieur onde et la métaphore de la taupe

Travail du poète également chez Vinaver évoqué à travers Passemar qui écrit la
pièce (mise en abîme), et qui transfigure les genres traditionnels de la tragédie et de
la comédie.
Travail du poète chez Virgile, donner du lustre.
Métathème: Travail de l'écrivain: Virgile semble lui-même mener une guerre,
comme si l'écriture poétique était une bataille.

"Je ne me dissimule pas en mon for intérieur combien il est difficile de vaincre
mon sujet par le style et de donner du lustre à de minces objets"

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