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Montesquieu, Lettres persanes, XLVIII, 1721.

Le poète-parasite

Introduction.
Présentation générale. Le regard éloigné au XVIIIe avec Voltaire le regard naïf des personnages
de Candide ou de l’Ingénu, mais aussi le regard de l’étranger dans Lettres persanes de
Montesquieu.
Présentation des Lettres persanes (date, roman épistolaire, situation d’énonciation…)
Présentation de l’extrait.

Projet de lecture : Montrer que le Français invite Usbek et le lecteur à se méfier des
apparences.

I. L’étonnement d’Usbek suscité par la présence, dans le cercle, d’un


homme singulier. (l.1 à 3)

1) La politesse du Persan est marquée par :


- la conjonction de coordination « Mais »
- la subordonnée circonstancielle de condition « si je vous importune »
ð Il s’agit de précautions oratoires qui introduisent une demande signalée par l’impératif
présent « dites-moi »

2) Usbek souhaite connaître l’identité d’un homme qui a attiré son attention
- La phrase interrogative partielle porte sur l’identité de l’homme, comme l’indique la
présence du pronom interrogatif « qui ».
- Le pronom indéfini « celui » désigne l’inconnu.
- Pour permettre au français de se faire une idée de l’homme dont il est question, Usbek
renseigne le lieu où il se trouve : CCLieu « vis-à-vis de nous »
ð Usbek fait ainsi preuve de curiosité.

3) Nous apprenons ensuite que c’est la singularité de l’homme au milieu du cercle dans
lequel ils se trouvent qui a attiré l’attention d’Usbek :
- La singularité est précisée dans les différentes subordonnées relatives.
- Cet homme est « différent » comme le souligne l’adjectif qualificatif.
- Sa différence est aussi bien physique que morale.
o En effet, il manque de distinction : il est « si mal habillé » et « fait des grimaces »
o Le point-virgule, quant à lui, indique que s’il se distingue physiquement, il se
distingue aussi moralement des autres hommes, ce qui est marqué par le chiasme
signalant ainsi l’absurdité du personnage qui semble jouer un rôle.
ð Cette entrée en matière joue le rôle de Captatio benevolentiae.

II. La réponse du Français (l.3 à 10)

1) L’identité de l’inconnu (l.3 à 6)

- La proposition incise « répondit-il » ainsi que le présentatif « C’est » annoncent le


dévoilement de son identité.
- Le pronom démonstratif « celui », employé à la ligne 1 par Usbek, est remplacé par le GN
« un poète ». En employant l’article indéfini, le Français insiste sur la banalité de l’homme,
il n’est qu’un poète parmi tant d’autres. Notons d’ailleurs qu’il est désigné par sa fonction et
non par son nom. Son statut d’individu est ainsi effacé.
- Pour compléter la désignation du personnage, le Français ajoute qu’il représente « le
grotesque du genre humain ». Le nom « grotesque » insiste sur l’aspect ridicule d’un homme
incapable de naturel et confirme l’étonnement d’Usbek.
- Dans la phrase suivante, il justifie son affirmation par :
o la périphrase méprisante « Ces gens-là » (cf adjectif démonstratif pluriel), confirmant
ainsi l’idée que tous les poètes sont les mêmes.
o leurs paroles « ils sont nés ce qu’ils sont » qu’il rapporte. Le Français présente un type
d’homme figé, signalé par le jeu sur les temps du passé composé et du présent. Ils
n’ont donc aucun mérite.
- Le Français se moque d’eux en convoquant ensuite le futur « seront » et en associant au
verbe être l’attribut du sujet « les plus ridicules de tous les hommes »
ð Blâme du poète.

2) L’attitude du poète suscite le rejet des hommes qui l’entourent (l.6)

Les conséquences de son attitude sont abordées dans la phrase « Aussi ne les épargne-t-on
point : on verse sur eux le mépris à pleines mains. »
- Le connecteur logique « Aussi » introduit une conséquence. C’est parce que le poète est
comme il est décrit que les hommes réagissent de manière négative : « ne les épargne-t-on
point » (présence de la négation)
- Les deux points permettent au Français de préciser son propos. La 2ème partie de la phrase
est hyperbolique, comme en témoigne le sens figuré du verbe VERSER accompagné du COD
« mépris » qui fait écho au « grotesque du genre humain » et au ridicule du personnage
évoqués précédemment.
- Le CC de Manière « à pleines mains » est également hyperbolique.
- Enfin, l’utilisation du pronom indéfini « on » généralise le propos. Le français parle au nom
de tous. Ce ne serait pas un simple avis personnel qu’il partage avec Usbek. Il donne ainsi
de l’autorité à son propos.

3) Les raisons de sa présence dans le cercle (l.7 à 10)

- Le français rappelle les circonstances de l’arrivée du poète :


o L’emploi du passé composé « a fait » dans la phrase suivante introduit ainsi un retour
en arrière.
o La place que tient le poète dans cette phrase est significative. Il est désigné à l’aide
de deux pronoms : le pronom démonstratif « celui-ci », en position de COD de la
locution verbale « a fait entrer » et le pronom personnel « il », en position de sujet qui
subit l’action (cf voix passive)
Victime de la « famine », il a ainsi suscité la compassion du « maître » et de « la maîtresse »
à faire preuve d’hospitalité.
o Le Français évoque ensuite, par l’emploi de la subordonnée relative « dont la bonté et
la politesse ne se démentent à l’égard de personne » les qualités de ces derniers.
- Le point qui sépare la phrase « Il fit leur épithalame, lorsqu’ils se marièrent » de la
précédente pourrait introduire un rapport cause-conséquence. En remerciement, le poète a
composé un « épithalame », c’est-à-dire un poème, un chant composé à l’occasion d’un
mariage, évoqué au travers de l’emploi du CCTemps « Lorsqu’ils se marièrent ». Il s’agit
donc d’un poème de circonstance.
- La phrase « C’est ce qu’il a fait de mieux en sa vie ; car il s’est trouvé que le mariage a été
aussi heureux qu’il l’a prédit » qui marque la fin du premier paragraphe correspond à un
commentaire du Français mais également à une transition.
III. La leçon du Français (l.12 à la fin)

La proposition incise « ajouta-t-il » permet d’introduire la leçon à tirer de ce qui vient d’être dit.

1) Il invite Usbek à reconsidérer ses préjugés (l.12 à 15)

- Pour introduire sa leçon, le Français rappelle à Usbek son statut d’étranger aux mœurs
différentes de celles de Européens. La périphrase « des préjugés de l’Orient » fait référence
à la pratique de la polygamie et à la présence des harems en Orient qui s’oppose au mariage
et au rapport que la femme entretient avec les hommes en Europe. Cette opposition est
signalée par la présence des deux points.
- Le Français poursuit sa leçon en faisant à nouveau référence au mariage « heureux » évoqué
à la fin du paragraphe précédent. La subordonnée relative « qui ne peut être troublée » dont
l’antécédent est le nom « paix » ainsi que le recours à la voix passive « ils sont aimés et
estimés de tout le monde » renforcent l’idée de concorde.

2) et à se méfier des apparences (l.15 à la fin)

- Le Français invite Usbek à porter un nouveau regard sur ce qui l’entoure. La négation
restrictive « Il n’y a qu’une chose » marque en effet un changement, une rupture dans le
propos du Français : la « bonté naturelle » des hôtes, qualité soulignée dans le paragraphe
précédent, devient ici un défaut comme le signalent les deux propositions « c’est que leur
bonté naturelle leur fait recevoir chez eux toute sorte de monde ». Le GN indéfini « toute
sorte de monde » est dépréciatif. Il fait référence aux personnes de « mauvaise compagnie ».

- Le début de la dernière phrase du texte associe une précaution oratoire « Ce n’est pas que je
les désapprouve » et un aphorisme « il faut vivre avec les hommes tels qu’ils sont » : cela
permet au Français :
o de prendre ses distances avec le regard critique que pourrait être tenté de lui
reprocher Usbek.
o mais aussi de susciter la curiosité de l’interlocuteur et du lecteur : Qui sont ces
personnes de « mauvaise compagnie » ?

- Il s’agit des « gens qu’on dit de bonne compagnie ». L’antiphrase invite à se méfier des
apparences.
o Cette idée est vérifiée par la présence d’une nouvelle tournure restrictive : ils « ne
sont souvent que ceux dont les vices sont plus raffinés ». Les adjectifs « raffinés » et
« subtils » à l’avant-dernière ligne renvoient à l’image d’un bon acteur qui sait jouer
la comédie.
o La comparaison finale associe « les vices » à des « poisons » qui « sont aussi les plus
dangereux ».

CCL°. Finalement, Le Français invite ainsi Usbek à mieux interpréter ce qu’il observe. Le
poète-parasite s’il est ridicule et grotesque n’est pas très dangereux. Il est d’ailleurs
immédiatement démasqué par Usbek contrairement à « celui qui sait la cour » (cf La Bruyère)

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